Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 10 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 11 décembre 2001
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 05 pour faire l'examen des problèmes qui touchent les jeunes Autochtones des villes, plus précisément l'accessibilité, l'éventail et la prestation des services; les problèmes liés aux politiques et aux compétences; l'emploi et l'éducation, l'accès aux débouchés économiques; la participation et l'autonomisation des jeunes, et d'autres questions connexes.
Le sénateur Thelma J. Chalifoux (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Nous allons commencer nos discussions. Je vous souhaite la bienvenue à tous. À mon avis, il s'agit là de l'un des plus importants plans d'action pour le changement visant les jeunes Autochtones en milieu urbain que nous verrons pour un bon bout de temps. Nous avons fait l'objet d'études innombrables et d'autres études ne sont pas nécessaires. Nous avons besoin de solutions concrètes et de plans d'action.
On m'a signalé - et j'ai tendance à être d'accord - que l'on peut faire une analogie avec les trains de la liberté qui transportaient les Noirs des États-Unis au Canada. Dans les États du Nord, il existe de nombreux ghettos noirs dans les agglomérations urbaines et il s'y passe des événements tragiques. C'est ce qui se produit ici avec les Autochtones urbains. Ils affluent vers les grandes agglomérations du Sud et nous constatons maintenant les ravages de la pauvreté et la naissance de gangs. C'est tout simplement tragique.
Voilà pourquoi j'estime que ce plan d'action pour le changement est tellement important. Je sais et je comprends que le gouvernement est tenu de se pencher sur la situation dans les réserves, mais moins de 10 p. 100 de la population autochtone vit dans les réserves. La majorité des Autochtones vivent dans les villes, où ils sont relégués dans des ghettos et marginalisés par la population. Voilà pourquoi votre apport revêt une telle importance. J'espère que nous pourrons échanger certaines idées sur la façon de modifier le cours des choses.
Encore une fois, je vous souhaite la bienvenue. Je suis impatiente de collaborer avec vous pour régler certains de ces importants problèmes.
M. William F. Pentney, chef adjoint, Portefeuille des affaires autochtones, ministère de la Justice du Canada: C'est un plaisir et un honneur pour nous d'être ici afin de vous faire part de l'expérience du ministère de la Justice dans le dossier des Autochtones urbains. Le sous-ministre est au regret de ne pouvoir être ici lui-même. Cependant, il a envoyé tout un groupe de fonctionnaires vous parler des quatre différents programmes du ministère de la Justice qui tentent de répondre aux besoins des Autochtones urbains dans le domaine de la justice.
Je suis sous-chef du Portefeuille des affaires autochtones au ministère de la Justice et à ce titre, je vous communiquerai un survol de la situation et je vous parlerai de la Stratégie en matière de justice applicable aux Autochtones. Je suis accompagné par des collègues du ministère: Patricia Begin, directrice de la recherche et de l'évaluation au Centre national de prévention du crime du ministère de la Justice; Catherine Latimer, directrice générale de la Direction de la justice applicable aux jeunes du ministère de la Justice; et Frances Pennell, directrice de la planification stratégique de la Direction générale des programmes du ministère de la Justice. Frances nous parlera du Programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones.
Madame la présidente, le gouvernement du Canada reconnaît, comme vous, que la situation des Autochtones urbains représente un problème important qui prend de l'ampleur. Nous avons apporté certains documents, y compris une trousse, qui pourront être distribués aux membres du comité. Permettez-moi de faire un survol de la situation des Autochtones urbains dans la perspective du système de justice.
La présidente: Nous ne considérons pas cela comme un problème, mais comme un défi.
M. Pentney: Dans le dernier discours du Trône, le gouvernement du Canada a évoqué de façon générale la situation des peuples autochtones et a pris un certain nombre d'engagements, au nom de la population canadienne en vue d'améliorer les choses. En ce qui a trait au système de justice, le gouvernement a reconnu la nécessité de redresser la barre et s'est expressément engagé à réduire sensiblement le pourcentage d'Autochtones aux prises avec l'appareil de justice pénale, de manière à niveler cette proportion avec la moyenne canadienne d'ici une génération.
Il s'agit là d'un engagement remarquable car il établit un objectif concret sur le plan des résultats et des échéances. Ce sont là les paramètres qui guideront les efforts que déploiera le ministère de la Justice, en partenariat avec d'autres ministères fédéraux, provinciaux et territoriaux, afin d'atteindre cet objectif. Je ne répéterai pas aujourd'hui des statistiques bien connues. Je suis sûr que vous êtes au courant de la surreprésentation tragique des Autochtones, et particulièrement des jeunes Autochtones, dans le système de justice. Je tiens à souligner deux points au sujet des données. Les trousses qui seront distribuées renferment un document qui aidera sans doute les sénateurs à suivre l'exposé.
Premièrement, en ce qui concerne les données, je note qu'un grand nombre d'Autochtones vivent en milieu urbain. Dans la plupart des médias, on s'est surtout attaché au nombre de contrevenants autochtones vivant en milieu urbain. Sans vouloir sous-estimer l'importance de ce phénomène, les données font également ressortir qu'il y a un nombre considérable de victimes autochtones et qu'un grand nombre de contrevenants autochtones commettent des infractions à l'endroit d'autres Autochtones. Nous avons effectivement une grande population de contrevenants, mais il importe de se rappeler qu'il y a également une vaste population de victimes autochtones vivant en milieu urbain.
Deuxièmement, cette population est composée en grande partie de jeunes, et elle semble croître à un rythme plus rapide que la population canadienne en général. Dans le reste de la population canadienne, les classes pleines de la population sont remplies par les 30-40 ans. Dans la population autochtone, ces classes pleines sont remplies de personnes beaucoup plus jeunes, ce qui pose un certain nombre de problèmes et de défis. Nous vous parlerons de certains programmes du ministère de la Justice qui s'intéressent à cette situation particulière.
Dans le domaine de la justice, il faut savoir que le gouvernement fédéral définit ce qu'est un crime ainsi que la procédure des tribunaux à l'égard des crimes. Cependant, ce sont les provinces qui, en vertu de la Constitution, sont chargées de l'administration de la justice.
[Français]
On sait qu'il y avait des débats de longue durée sur la question de la juridiction. Les personnes autochtones d'un milieu urbain savent que tous les problèmes sont liés d'une façon ou d'une autre à la question de juridiction.
Dans le programme que nous allons décrire aujourd'hui, nous avons tenté de trouver une solution pour établir les partenariats avec les provinces, les territoires, les municipalités et les communautés autochtones urbaines. Nous avons essayé de trouver une solution pratique.
[Traduction]
L'entente-cadre sur l'union sociale nous sert de guide et, dans nos différents programmes, nous avons cherché à établir de solides partenariats de travail pour tenter d'améliorer concrètement le sort des Autochtones urbains. Le ministère de la Justice ne fait pas de distinction quant au statut des bénéficiaires dans sa collaboration avec les membres des Premières nations, les Métis et les Inuits vivant en région urbaine.
[Français]
Le ministère de la Justice a créé un Portefeuille des affaires autochtones, il y a cinq ans, pour mieux servir le gouvernement dans le domaine de la politique, des litiges et des avis juridiques liés aux personnes autochtones.
[Traduction]
Le portefeuille des affaires autochtones a la responsabilité de coordonner les efforts du ministère dans la stratégie relative aux Autochtones des milieux urbains, et dans le cadre de ce portefeuille, nous administrons la Stratégie en matière de justice applicable aux Autochtones. Nous avons collaboré étroitement avec le Bureau du Conseil privé, le bureau de l'interlocuteur fédéral en ce qui a trait à ses responsabilités dans le contexte de la stratégie relative aux Autochtones en milieu urbain. Comme mes collègues vous l'expliqueront sous peu, nous collaborons de près avec d'autres ministères fédéraux, provinciaux et territoriaux, ainsi qu'avec une vaste gamme d'organisations de prestation de services autochtones, en vue de mettre en oeuvre nos programmes.
Notre défi - et je suis sûr que vous en avez beaucoup entendu parler - consiste à travailler avec le maximum d'efficacité et d'horizontalité, tout en respectant les objectifs stratégiques particuliers de chacune des initiatives. Ce défi n'est pas insurmontable mais il n'en est pas moins grand.
Je vous demanderais maintenant d'aller aux acétates 5 et 6 dans le document. Nous essayons de décrire ici, de façon graphique, le grand éventail des programmes dont nous vous parlerons aujourd'hui. Nous tenterons également de les inscrire dans un vaste contexte stratégique.
Au sein du ministère de la Justice, nous sommes guidés dans notre travail lié aux programmes par un grand nombre de politiques fédérales ainsi que par certaines politiques propres au champ d'application de la justice. Nous sommes également guidés par les décisions de la Cour suprême du Canada qui ont établi l'interprétation de la situation juridique et des obligations prescrites par la loi.
Passons maintenant à la diapo suivante. Vous constatez que nous travaillons aussi avec un certain nombre de ministères fédéraux. Le problème de la justice intéresse au premier chef le ministère de la Justice fédéral, qui travaille de concert avec le solliciteur général, la GRC et le Service correctionnel du Canada, et aussi avec nos homologues provinciaux, les procureurs généraux, les services de police, et cetera.
Dans nos efforts pour remédier à la situation des Autochtones dans l'appareil judiciaire, nous devons aussi travailler en étroite collaboration avec Développement des ressources humaines Canada, le ministère des Affaires indiennes et du Nord, Santé Canada et des programmes connexes. Nous essayons de décrire ici la façon dont nous avons établi ces partenariats. Je n'entrerai pas dans les détails quant à la façon dont nous travaillons ensemble. Si vous voulez poser des questions là-dessus, nous nous ferons un plaisir d'y répondre. Nous avons essayé de mettre au point des programmes qui visent à répondre aux besoins des Autochtones urbains; nous cherchons, dans toute la mesure du possible, à travailler d'une manière horizontale et intégrée.
Je voudrais maintenant passer quelques minutes à décrire l'un de ces programmes. Ensuite, je demanderai aux autres de décrire leurs propres initiatives. Nous espérons que cela nous laissera amplement de temps pour la période des questions.
La Stratégie sur la justice applicable aux Autochtones est la pièce maîtresse de la réaction fédérale à la situation des peuples autochtones, qui a été signalée dans des rapports et des études remontant même avant le rapport de la commission royale, bien que ce rapport ait certainement fait ressortir cette situation. La stratégie est une initiative conjointe du ministère de la Justice et du solliciteur général. Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord et avec le bureau de l'interlocuteur fédéral.
[Français]
La stratégie de la justice autochtone comprend trois volets: le programme de justice communautaire administré à frais partagés avec les provinces et les territoires, le réseau de la justice autochtone et les négociations sur l'autonomie gouvernementale.
[Traduction]
Nos programmes à frais partagés seront de nature à intéresser au plus haut point le comité. Les objectifs de la stratégie sont les suivants: premièrement, appuyer les collectivités autochtones et les aider à assumer de plus lourdes responsabilités dans le domaine de l'administration de la justice; deuxièmement, aider à réduire le taux de crimes et d'incarcérations dans les collectivités qui administrent les programmes de justice; et troisièmement, améliorer le système judiciaire pour le rendre mieux adapté aux besoins et aux aspirations des Autochtones en matière de justice.
[Français]
Actuellement, la stratégie appuie 90 programmes dans290 communautés, soit au Nord, dans les réserves et dans les communautés urbaines.
[Traduction]
Je voudrais maintenant vous donner un exemple concret du fonctionnement de l'un de ces programmes. Dans la documentation que nous vous avons remise, il y a une liste de programmes et une description sommaire d'un certain nombre de programmes autochtones en milieu urbain que la stratégie appuie. Je voudrais vous parler du Programme de mesures de rechange de Regina. Il s'agit d'un programme de déjudiciarisation avant et après la mise en accusation qui s'adresse aux délinquants autochtones adolescents et adultes. Ce programme fonctionne sous l'égide de protocoles d'entente conclus avec la police et les procureurs de la ville de Regina pour essayer de trouver des solutions de rechange aux problèmes des jeunes contrevenants.
Si un jeune commet une infraction, s'il s'agit d'une première ou d'une deuxième infraction qui se situe relativement bas dans l'échelle de la gravité des infractions criminelles, il y a possibilité pour cette personne d'être inscrite au Programme de mesures de rechange de Regina, avant ou après que des accusations soient portées, soit par la police, soit par les procureurs de la Couronne. Le programme est administré par un conseil communautaire qui emploie un certain nombre de personnes, lesquelles sont chargées de travailler avec les contrevenants pour évaluer leur cas et leur situation et déterminer s'ils sont intéressés à s'inscrire à un processus de mesures de rechange. Dans l'affirmative, généralement, un cercle est organisé, mettant en cause le contrevenant et des membres de sa famille et de son cercle d'amis, la victime, sa famille et ses amis, et aussi d'autres membres de la collectivité.
Le but de ce processus est d'essayer de trouver le moyen d'en arriver à la réconciliation, à la guérison, permettant aux victimes de tourner la page, et faisant en sorte que le délinquant fasse réparation, qu'il reconnaisse ses torts et qu'il mette au point un plan de guérison pour surmonter ses problèmes.
Dans tout ce processus, nous essayons de jeter un pont entre le système de justice criminelle et les organismes de services sociaux et de soutien. Ces plans de guérison ne font pas appel à des rencontres entre le délinquant et un agent de libération conditionnelle; il s'agit plutôt de travailler avec les services de santé et sociaux pour s'attaquer aux problèmes qui ont contribué au comportement du délinquant.
Ce ne sont pas des solutions faciles. Les gens qui ont commis des infractions relativement mineures s'engagent parfois dans plusieurs années d'activités intenses, qu'il s'agisse de gestion de la colère, de counselling pour surmonter l'alcoolisme ou la toxicomanie, de thérapies, de thérapies axées sur l'emploi ou d'autres interventions. Tous ces efforts visent à transformer la vie de la personne d'une manière qui soit davantage authentique, du point de vue des Autochtones, et aussi, en fin de compte, le but est d'économiser de l'argent.
Il est clair que le système de justice pénale, compte tenu du taux actuel de récidivisme, réussit très bien à créer des doubleurs. Nous avons mesuré ces programmes et certains d'entre eux sont couronnés de succès, mais pas tous. C'est un milieu difficile. Dans la mesure où ces programmes sont fructueux, ils peuvent déboucher sur la guérison et la réparation des torts causés à la victime. Ce ne sont pas des excuses que le délinquant fait à la victime pour les torts qu'il lui a causés, il s'agit plutôt de reconnaître les torts et de tenter de rembourser une partie de la dette, s'il est approprié de verser une réparation financière. C'est aussi une manière de réorienter la vie du délinquant dans un sens plus culturellement authentique, afin d'avoir un impact durable, dans l'intérêt de la personne et de la société.
Je pourrais décrire beaucoup d'autres programmes que nous appuyons, mais je vais maintenant demander à Mme Pennell de vous parler du Programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones.
Mme Frances Pennell, directrice, Direction de la planification stratégique, Direction générale des programmes, ministère de la Justice du Canada: Honorables sénateurs, je vais vous parler du Programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones, que vous connaissez sous ce nom. Nous nous apprêtons à le rebaptiser en anglais, en remplaçant le mot «Native» par le mot «Aboriginal».
Le Programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones a été conçu pour améliorer l'accès à la justice en aidant les Autochtones qui ont des démêlés avec le système de justice pénale à obtenir un traitement juste, équitable et sensible aux facteurs culturels. Les activités du programme sont les suivantes: donner des conseils et de l'information non juridiques aux prévenus autochtones, habituellement au tribunal; renvoyer le prévenu à des services sociaux et de santé, le cas échéant; les renvoyer à des programmes communautaires qui offrent des solutions de rechange au système de justice; et déployer des efforts pour sensibiliser le personnel du système de justice pénale aux besoins particuliers et à la situation des Autochtones.
[Français]
Parmi nos programmes fédéraux, provinciaux, territoriaux à frais partagés, ce programme est offert à tous les Autochtones, sans égard à leur statut ou à leur lieu de résidence. Ce programme est financé par le ministère de la Justice depuis la fin desannées 70, et il existe dans toutes les administrations sauf à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La mise à exécution du programme est assurée, pour l'essentiel, par des organismes de prestation de services aux Autochtones «sans égard au statut». Par exemple, en Ontario, c'est l'Ontario Federation of Indian Friendship Centres qui administre le programme avec l'appui de la province et du gouvernement fédéral. En Alberta, c'est le Native Counselling Services of Alberta. Ces organisations reconnaissent évidemment et reflètent la diversité de la population autochtone du Canada.
Actuellement, il y a au total 180 aides parajudiciaires dans l'ensemble du Canada. Environ la moitié d'entre eux travaillent dans des centres urbains et l'autre moitié, dans des localités rurales ou éloignées.
La contribution fédérale à ce programme bien établi et de bonne réputation est actuellement de 4,5 millions de dollars. Les dépenses totales du programme d'un bout à l'autre du pays s'élèvent généralement à environ 11 millions de dollars. Au départ, ce programme servait seulement les adultes, mais il a été étendu pour servir également les jeunes depuis 1987. Aujourd'hui, environ 25 p. 100 des clients du programme sont des jeunes. Toutefois, comme on pourrait s'y attendre, l'accent est mis sur différents éléments selon la province ou le territoire, pour ce qui est de l'étendue des services offerts par les aides parajudiciaires. Au Québec, par exemple, où les organismes de services sociaux ont tendance à jouer un rôle plus direct pour ce qui est des jeunes contrevenants, l'aide parajudiciaire a un rôle plus limité qu'au Manitoba, où l'on a créé des postes d'aides parajudiciaires spécialisées pour les jeunes qui travaillent dans les centres manitobains de la jeunesse.
Ce n'était là qu'un bref survol du programme et je me ferai un plaisir de répondre aux questions.
Mme Catherine Latimer, avocate-conseil, directrice, Direction de la justice applicable aux jeunes, ministère de la Justice du Canada: Honorables sénateurs, en 1999, le ministère de la Justice a lancé l'Initiative sur le renouvellement du système de justice pour les jeunes. La stratégie fait appel au soutien de programmes, à des partenariats et à des approches pluridisciplinaires aux problèmes de la criminalité des jeunes. On a notamment légiféré pour abroger la Loi sur les jeunes contrevenants et la remplacer par une nouvelle loi, et il faut espérer que cette loi sera adoptée. Toutefois, comme le Sénat a beaucoup discuté de ce projet de loi dernièrement, je vais me contenter de dire que la raison pour laquelle nous nous sommes lancés dans le renouvellement de la justice pour les jeunes, de façon générale, c'est que notre taux d'incarcération des jeunes est de façon générale beaucoup trop élevé. Nous avons beaucoup trop de jeunes qui ont des démêlés avec le système de justice. Ils sont traités beaucoup plus sévèrement, dans bien des cas, que des adultes dans des circonstances semblables. Nous essayons d'établir un système de justice pour les adolescents qui serait beaucoup plus équitable et plus efficace, qui limiterait le recours au droit criminel et qui trouverait des solutions de rechange plus constructives pour la grande majorité des jeunes qui commettent des crimes relativement mineurs.
Si les taux d'incarcération de nos jeunes sont plus élevés que dans n'importe quel autre pays industrialisé en Occident, les taux sont encore plus élevés pour les jeunes Autochtones. C'est un problème particulier auquel nous cherchons à nous attaquer.
Nous avons pris un certain nombre de mesures. Nous avons consacré des ressources pour renforcer la capacité de la communauté autochtone. Nous avons financé environ 50 projets jusqu'à maintenant pour tenter d'aider et d'appuyer les collectivités à affronter leurs problèmes de justice parmi les jeunes.
Nous avons aussi lancé un certain nombre d'initiatives pour tenter de promouvoir la compréhension et de faire connaître les meilleures pratiques. Nous estimons que beaucoup de collectivités autochtones ont mis au point des programmes de justice efficaces et pris des mesures de justice pour les adolescents et qu'il serait sage de répandre les idées de ceux qui ont trouvé des solutions efficaces aux problèmes de la justice et du crime parmi les jeunes et de communiquer ces idées à ceux qui ont des problèmes. Nous avons organisé à Winnipeg un forum autochtone d'une durée de trois jours sur l'échange de renseignements et d'habiletés. Nous y avons invité des représentants des collectivités qui se sont dotés de bons programmes de justice et des collectivités qui ont des besoins dans ce domaine, les invitant à faire part des meilleures pratiques. Nous avons fait suivre cela de programmes de formation. Ceux qui avaient de bons programmes pouvaient aller dans les localités qui n'en avaient pas et tenter de les encourager et de les aider à mettre sur pied des programmes efficaces.
Nous avons aussi organisé un certain nombre de tables rondes sur les jeunes Autochtones et la mesure législative proposée, pour voir si nous pouvions encourager sa mise en oeuvre de façon efficace, d'une manière qui serait culturellement pertinente et qui donnerait de bons résultats pour les Autochtones. Nous avons eu le plaisir d'accueillir le sénateur Pearson à cette table ronde.
Pour aider à répandre les idées et les connaissances, nous avons créé un site Web communautaire à l'intention des personnes intéressées à la justice applicable aux jeunes. Nous sommes heureux que la présidente du comité se soit inscrite à notre site Web. Tous ceux qui s'intéressent à la question et veulent se tenir au courant devraient visiter ce site également.
Comme nous avions très peu de ressources à consacrer au financement et au renforcement de la capacité, nous voulions cibler les collectivités dans le besoin. Nous avons donc organisé un instantané d'une journée sur les jeunes Autochtones sous garde au Canada, en collaboration avec nos collègues provinciaux et territoriaux. On a demandé à tous les jeunes qui étaient en détention une journée donnée de quelle localité ils venaient, où ils se trouvaient lorsqu'ils avaient commis l'infraction qui les avait amenés en détention, et dans quelle localité ils se proposaient de retourner. Nous espérions déterminer ainsi des localités ayant des besoins précis et connaître le nombre de jeunes auxquels nous pourrions consacrer nos ressources pour nous attaquer à ces problèmes particuliers.
Il n'est pas étonnant de constater que l'étude révèle un grave problème chez les jeunes Autochtones des milieux urbains des provinces de l'Ouest, surtout à Winnipeg. Chose certaine, Winnipeg est la porte d'entrée pour les jeunes qui se dirigent vers le système d'incarcération.
Nous sommes déterminés à nous attaquer à ces problèmes et nous avons créé un groupe de travail interministériel qui se penche sur la question. Comme la justice pour adolescents se trouve en quelque sorte en aval d'une foule de problèmes auxquels les jeunes sont confrontés, nous estimions qu'il fallait adopter une approche axée sur le partenariat pour nous attaquer de façon plus constructive à certains de ces problèmes.
Nous avons donc travaillé de concert avec nos collègues fédéraux, dont beaucoup possèdent des ressources, comme vous le savez, consacrées aux jeunes Autochtones et aux jeunes Autochtones en milieu urbain, afin de trouver une façon de résoudre ces problèmes dans certaines villes d'une manière davantage axée sur la collaboration et la synergie.
Le 13 novembre, nous avons rencontré des représentants des collectivités et des ministères fédéraux situés à Winnipeg qui ont de l'argent afin de voir si nous pouvions mettre au point une stratégie plus efficace pour nous attaquer à ces problèmes. Nous espérons être en mesure de publier au début de l'année les résultats de notre instantané d'une journée, ainsi que ce que nous appelons un «projet des villes pour les jeunes Autochtones». On y décrira les problèmes observés et l'amorce d'un travail de collaboration sur les problèmes de justice pour les jeunes.
Voilà les éléments dont je voulais faire part au comité ce matin.
Mme Patricia Begin, directrice, Recherche et évaluation, Conseil national de prévention du crime, ministère de la Justice: Madame la présidente, je suis venue vous parler de la stratégie nationale sur la sécurité communautaire et la prévention du crime du gouvernement du Canada.
En 1993, le gouvernement a créé une stratégie nationale de prévention du crime dans le but de travailler avec les provinces, les territoires et les municipalités à mettre au point des solutions communautaires pour s'attaquer aux causes profondes du crime, de l'insécurité, de la victimisation et de la délinquance. La Stratégie nationale sur la sécurité communautaire et la prévention du crime est l'élément central du plan d'action du gouvernement du Canada pour réduire le crime en s'attaquant à ses causes profondes et en faisant en sorte que les collectivités soient plus fortes et plus saines.
La stratégie fait appel à une approche de la prévention du crime que l'on appelle «prévention du crime par le développement social». Cette approche met l'accent sur les causes profondes. Elle vise les facteurs de risque associés au crime et à la victimisation; c'est une approche proactive et à long terme.
La prévention du crime par le développement social examine les facteurs de risque personnels, sociaux et économiques qui poussent certaines personnes à commettre des délits ou à devenir des victimes du crime. Voici certains de ces facteurs de risque: les facteurs familiaux, comme le fait d'être témoin de violence à la maison ou la criminalité d'un parent; des conditions de vie insatisfaisantes; des facteurs relatifs à la personnalité et au comportement individuel, par exemple l'absence d'habileté de résolution de problèmes ou de capacité pour le raisonnement critique; et des facteurs liés à l'école comme le mauvais rendement scolaire. Cette liste de facteurs de risque vise à illustrer l'aspect horizontal de la prévention du crime par le développement social. On met l'accent sur les facteurs sociaux et économiques autant que sur les questions spécifiquement criminelles.
La stratégie nationale vise essentiellement quatre priorités, les enfants, les jeunes, les adolescents qui habitent dans les réserves ou à l'extérieur des réserves en région rurale et dans les centres urbains du Canada, et enfin la sécurité personnelle des femmes et des fillettes. En fournissant des connaissances, des outils et des ressources, la stratégie nationale de prévention du crime appuie des activités communautaires de prévention du crime et de la victimisation ainsi que des interventions qui ciblent ces groupes prioritaires.
Les activités ciblent précisément les collectivités à risque, celles dont les besoins sont les plus élevés. Nous travaillons beaucoup avec certains de nos partenaires des villes des Prairies pour nous attaquer aux problèmes auxquels sont confrontés les Autochtones en milieu urbain, particulièrement les jeunes. Je pourrais, à titre d'exemple, citer un programme que nous finançons actuellement dans la ville de Winnipeg. Il s'appelle Ndaawin, ce qui veut dire Notre milieu, et l'organisme qui parraine le projet s'appelle Nouvelles orientations pour les enfants, les adolescents et les familles. Il s'agit d'un projet multidisciplinaire et communautaire qui met l'accent sur les enfants autochtones urbains âgés de huit à treize ans qui risquent fort de s'adonner à la prostitution enfantine.
Nouvelles orientations est un partenariat entre les résidents de la collectivité, les associations communautaires, la police locale, les entreprises locales, les écoles et les organismes autochtones et non autochtones de développement communautaire et de services sociaux, y compris les Services à la famille et à l'enfance de Winnipeg. Ce sont surtout ces organisations qui dirigent les enfants vers le programme.
L'initiative déploie un certain nombre d'activités destinées à aider les enfants qui risquent de tomber dans le commerce du sexe. Cela comprend notamment l'utilisation d'un outil d'évaluation qui a été élaboré et qui permet de mieux identifier les facteurs de risque; cet outil est utilisé par les écoles, les organismes sociaux, les associations communautaires et les parents.
On utilise aussi une équipe d'intervention qui est chargée de donner un appui immédiat aux enfants à haut risque. L'équipe a établi un programme d'intervention répondant aux besoins des enfants et des adolescents dans les écoles. Elle a formé un groupe de jeunes conseillers qui organisent des activités et des interventions récréatives, sociales et thérapeutiques culturellement adaptées et répondant aux besoins de ces enfants à haut risque. Enfin, elle a créé un groupe de soutien pour les parents. Elle travaille avec les parents qui élèvent des enfants dans des situations difficiles qui font que les enfants sont davantage susceptibles de se livrer à la prostitution.
Les ouvrages sur les interventions efficaces auprès des enfants à haut risque nous apprennent l'importance d'inclure les parents dans la réponse aux problèmes auxquels sont confrontés ces enfants.
Je vais m'en tenir là et je suis prête à répondre aux questions.
Le sénateur Pearson: J'ai trouvé particulièrement intéressant votre dernier commentaire, madame Begin. Vendredi, je pars pour Yokohama où j'assisterai au deuxième Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. La délégation canadienne donnera des exemples du travail que nous tentons de faire dans ce domaine. Cet exemple de ce qui se fait à Winnipeg me semble particulièrement intéressant. Depuis combien de temps ce programme existe-t-il?
Mme Begin: Depuis environ un an. Nous comptons faire très bientôt une évaluation assez détaillée de la première année de fonctionnement. Ce sera surtout une évaluation des processus décrivant les partenariats, la nature du soutien et les mécanismes d'aiguillage, autant vers le programme que vers d'autres services et organismes de la ville.
Le sénateur Pearson: Ce programme s'occupe-t-il essentiellement de la prévention?
Mme Begin: Il fait essentiellement de la prévention. On essaie toutefois d'intégrer au projet des jeunes qui ont une expérience limitée, mais qui se sont livrés au commerce du sexe. J'ai fourni de la documentation où l'on trouve une description plus détaillée de ce programme et d'autres programmes autochtones en milieu urbain.
Le sénateur Pearson: Je m'intéresse à l'outil d'évaluation.Y a-t-il dans cette trousse un document là-dessus?
Mme Begin: Non. Je prévois que ce sera inclus dans le rapport d'évaluation du processus et je peux assurément vous le faire parvenir.
Le sénateur Pearson: Faites-vous appel à des jeunes expérimentés comme conseillers?
Mme Begin: Oui. Dans la mesure du possible, on fait appel à des jeunes qui ont fait l'expérience de la prostitution.
Le sénateur Hubley: Monsieur Pentney, vous nous avez invités à vous interroger sur les partenariats fédéraux-provinciaux-territoriaux clés pour les projets de justice en milieu urbain et leur interaction. Cette question fait l'objet de la sixième diapo. Je constate qu'il y a DRHC, le gouvernement, la Commission des libérations conditionnelles et la GRC autour du cercle, et les collectivités autochtones sont au centre. Prenons l'exemple de la GRC. Pourriez-vous nous expliquer comment vous travaillez ensemble et quelle est votre interaction?
M. Pentney: Dans le cadre de la Stratégie applicable à la justice autochtone, nous avons le Réseau de la justice autochtone, qui vise à jeter un pont entre le système ordinaire et les collectivités autochtones de façon générale, y compris les communautés autochtones en milieu urbain.
Nous avons entrepris un certain nombre d'initiatives de formation, de concert avec la GRC. Lorsque des collectivités font savoir qu'elles veulent mettre sur pied un programme de déjudiciarisation, nous avons été en mesure de travailler avec la GRC pour faire appel aux bons offices des gendarmes. Ils sont généralement sur place et assurent une véritable présence dans beaucoup de ces localités. Nous leur demandons de participer à des initiatives conjointes de formation. Tout cela ne pourra pas fonctionner si le système ordinaire reste inchangé. On peut avoir le meilleur programme de déjudiciarisation, mais si la police ou le procureur ne dirige pas les délinquants vers ce programme, il va disparaître.
Nous avons réussi à lancer un certain nombre d'initiatives conjointes avec la GRC pour former à la fois du personnel judiciaire et des membres de la collectivité. La GRC a joué un rôle actif en appuyant des conférences familiales, des forums de justice communautaire et des programmes de déjudiciarisation. Comme la GRC a des antennes partout dans ces collectivités, c'est un outil extraordinaire pour nous. Nous pensons lui avoir été utile en appuyant des initiatives de formation. C'est un exemple d'initiative où nous travaillons ensemble pour atteindre le même objectif.
Mme Latimer: Dans l'ensemble du processus de renouvellement de la justice pour les jeunes, nous avons travaillé en étroite collaboration avec nos collègues de la GRC. Je dirais que la rencontre que nous avons eue à Winnipeg est un bon exemple de travail conjoint et logique. Même si Winnipeg est une grande ville et si la GRC est souvent plus présente dans de petites localités, elle a quand même un programme antigang à Winnipeg pour lutter contre le phénomène des gangs de jeunes. Les gangs de jeunes Autochtones fourmillent à Winnipeg et posent un grave problème. La GRC apporte à la table une compréhension de la dynamique et de la façon d'intervenir sur le terrain, compte tenu de la réalité de ces gangs de jeunes. Nous travaillons également avec l'Alliance autochtone de Winnipeg, qui aide les jeunes à sortir de ces gangs. Il est important d'inviter la GRC à s'intégrer à un partenariat communautaire plus vaste pour qu'elle sache quels outils peuvent l'aider à relever les défis de la communauté.
M. Pentney: Nous coordonnons un comité interministériel sur les questions autochtones qui met l'accent spécifiquement sur la justice et qui comprend des représentants de ces organismes. La GRC est un participant actif à nos processus interministériels. Il est important pour nous de lui faire connaître nos initiatives et de savoir quelles initiatives elle entreprend dans divers coins du pays.
Le sénateur Hubley: J'ai appris avec intérêt que l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick ne participent pas au programme d'assistance parajudiciaire. Pourquoi?
Mme Pennell: En Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick, cela s'explique à la fois par les besoins et par la volonté de la province de participer au financement. Le gouvernement fédéral arrive généralement avec de l'argent. Dans un domaine de compétence partagée, la responsabilité de l'administration de la justice, qui sert de cadre général à ces services, incombe aux provinces.
Nous ne discutons pas avec l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick régulièrement, mais nous le faisons par intermittence. Quand elles seront intéressées à participer à ce programme, nous amorcerons des discussions plus sérieuses.
Le sénateur Hubley: Les provinces n'adoptent-elles pas ce que vous appelleriez une approche proactive? Attendent-elles qu'un problème apparaisse? Estiment-elles qu'il n'y a pas de problème à l'heure actuelle?
Mme Pennell: Je ne dirais pas qu'elles n'ont pas le sentiment d'avoir un problème. Le rôle que les assistants parajudiciaires jouent dans d'autres provinces est joué, à des degrés divers, par des fonctionnaires du système de justice dans ces provinces. Divers facteurs entrent en jeu: l'ampleur du problème, le degré auquel on le reconnaît et la priorité qu'un gouvernement lui accorde.
Le sénateur Léger: Vous nous avez donné des statistiques sur les jeunes Autochtones. Étant donné la présence de tous les spécialistes et des activités interministérielles, je me demande parfois si nous ne devrions pas unifier les services. Il faut affecter de l'argent à ces programmes pour qu'ils puissent continuer. Je constate qu'il y a eu des analyses en diverses années: 1993, 1970, 1995, 1987, 1991 et 2001. En fin de compte, est-ce que ces problèmes diminuent? Y a-t-il vraiment un partenariat?
Nous avons eu tellement de rencontres avec des gens de la Justice, des Ressources humaines, de Statistique Canada et d'autres organismes. Les trois quarts des analyses font double emploi, et pourtant le problème autochtone ne semble pas diminuer. A-t-on fait des progrès au fil des ans dans ces dossiers?
M. Pentney: C'est une question qui nous préoccupe également. Je ne suis pas certain que l'on puisse dire que les problèmes diminuent actuellement. Je parlais justement à ma fille de cette question. Ma fille de 14 ans examinait des statistiques que j'avais sous la main quand je me préparais pour cette réunion. Elle a posé la même question: «Est-ce que la situation s'améliore? Ça fait un bout de temps que vous vous en occupez».
J'ai essayé de lui expliquer qu'à notre avis, il y a eu certains succès extraordinaires, mais que nous ne voulons pas sous-estimer la difficulté. Il est difficile de travailler ensemble efficacement, de s'assurer que chacun partage l'information et travaille à l'unisson à l'intérieur de ses propres programmes en visant le même objectif. C'est un défi dans un système fédéral. Nous devons travailler avec une multiplicité d'organismes provinciaux et municipaux.
Il y a un certain nombre de programmes qui prennent des mesures concrètes et qui vont au-delà de l'analyse pour essayer de travailler sur le terrain afin de s'attaquer à des problèmes précis. À mesure que nous le faisons, il y a de plus en plus d'Autochtones qui vont s'installer en ville.
Nous savons que la pauvreté, l'errance, ce qu'on appelle par euphémisme la «barate», c'est-à-dire un profond bouleversement dans la vie d'une personne, et les allées et venues entre les réserves et les villes, tout cela augmente. Même si nous lançons un grand nombre de programmes, nous savons bien que les problèmes ne disparaissent pas. Les jeunes Autochtones urbains ne vont pas s'installer dans un milieu de plein emploi et où il y a stabilité sociale et stabilité au niveau du logement. Nous essayons de nous attaquer aux problèmes en même temps que la population augmente.
Je ne pense pas que l'on puisse dire que l'ampleur du problème diminue. Les services gouvernementaux appuient les programmes, mais ce sont les collectivités qui les poussent. Celles-ci se sont vraiment serré les coudes.
L'autre défi auquel nous sommes confrontés est que, contrairement à une réserve de Première nation, où il y a au moins un gouvernement de bande, quoi qu'on puisse dire à leur sujet, il y a au moins une structure organisée dans les réserves, tandis que dans beaucoup de milieux urbains, il n'y a aucune communauté qui s'identifie comme telle. Il n'y a pas de structure organisationnelle. Les collectivités ont commencé à mettre en place de telles structures et nous les appuyons dans leurs efforts. Toutefois, je ne veux pas exagérer nos réussites. Je ne prétends pas que l'on ait inversé la tendance. L'instantané d'une journée ne l'indique pas.
Le sénateur Léger: Avons-nous trop de «spécialistes»? On consacre beaucoup d'argent à tous ces spécialistes et à tous ces programmes, mais j'ai le sentiment qu'il n'y a pas d'unité entre eux. Je ne suis pas certain que l'on s'attaque aux problèmes de la bonne façon.
Mme Latimer: Vous soulevez une question très intéressante. C'est un défi immense et à de multiples dimensions. Je travaille au gouvernement depuis longtemps et je n'ai jamais vu une meilleure coopération entre les ministères et entre les autorités fédérales et provinciales que dans ce dossier particulier. Ils ont tous le sentiment que, individuellement, leur contribution aurait été très limitée en comparaison de l'immensité de la tâche. C'est seulement en travaillant en collaboration que l'on peut commencer à faire bouger les choses.
Vous n'avez probablement pas vu beaucoup de résultats positifs parce que le défi est tout simplement immense. Quand nous avons commencé à travailler dans ce domaine, il était clair que, toutes choses étant égales par ailleurs, si l'on tient compte de la pauvreté, les Autochtones ne sont pas surreprésentés parmi ceux qui ont des démêlés avec la loi. Tant et aussi longtemps qu'il continuera d'y avoir un fossé entre les revenus au détriment des Autochtones, nous tous qui travaillons dans le domaine de la justice ferons du rattrapage. Nous avons un véritable problème auquel nos outils ne nous permettent pas de nous attaquer comme il faut. Notre travail est entravé par des contraintes et nous faisons de notre mieux. Il ne faut pas sous-estimer l'ampleur de la tâche. C'est très facile de lever les mains au ciel et de dire: «Rien ne fonctionne. Nous n'allons nulle part. Laissons donc tout tomber.» À mon avis, il est préférable d'essayer.
Le sénateur Léger: Je suis certainement d'accord avec ce point de vue. Mais je me demande comment nous pouvons nous serrer les coudes et nous organiser. Je ne parle pas seulement du dossier autochtone. Par exemple, dans le domaine de la santé, j'ai parfois l'impression que nous nous occupons du sort des médecins, des infirmières, du système, et cetera, tandis que le patient doit faire la queue. C'est ça que je remets en question.
Le sénateur Cochrane: J'aurais beaucoup de questions à poser. Monsieur Pentney, vous avez dit avoir des programmes communautaires dans environ 290 localités dans le nord, dans les réserves et en milieu urbain. Comment ces programmes répondent-ils aux besoins de la clientèle ciblée? Comment un programme communautaire dans une réserve se compare-t-il à un autre programme en milieu urbain?
M. Pentney: On peut les comparer de bien des façons différentes. Les structures sont souvent les mêmes. Ces programmes communautaires ne sont pas administrés dans les réserves par l'administration locale indienne. Ils sont administrés par des organisations de l'extérieur. Les programmes prennent naissance quand les gens de la collectivité disent: «La justice est un problème ici. Nous voulons faire quelque chose à ce sujet et nous en occuper plus activement». Les programmes prennent naissance quand les membres de la collectivité disent: «Nous sommes fatigués qu'on rende la justice à notre place. Nous voulons rendre la justice nous-mêmes, pour nous et par nous». Les programmes prennent naissance quand les gens ressentent le désir de s'impliquer dans le système de justice. C'est parfois parce que l'intervenant est lui-même un délinquant ou une victime, ou qu'un membre de sa famille en est un, ou bien parce qu'il est témoin de bouleversements dans sa collectivité.
Les problèmes peuvent être différents, selon l'endroit. Par exemple, certaines réserves des Premières nations sont situées juste à côté d'une ville. On s'imagine souvent que toutes les réserves sont éloignées et isolées, et il est vrai que nous sommes présents dans certaines localités isolées. Celles-ci ont leurs propres difficultés, notamment l'éloignement de la collectivité. Dès qu'une infraction grave est commise, généralement par un homme, celui-ci est retiré de sa collectivité, envoyé ailleurs, et ensuite réinjecté dans sa communauté deux ou trois ans plus tard, après avoir purgé sa peine.
En milieu urbain ou dans les réserves situées près des villes, les problèmes et les défis sont différents. À la fin de notre document, nous précisons que l'un des défis est la capacité institutionnelle. Les Premières nations dans les réserves ont une population identifiable et une communauté qui s'identifie généralement comme communauté dès le départ. En milieu urbain, nous pouvons avoir des organisations de prestation de services aux Métis, des organisations de services aux Premières nations, et d'autres qui servent tous les Autochtones, ce qui peut représenter un défi organisationnel.
Par ailleurs, même si les gens vont et viennent entre la réserve et la ville, il y a généralement dans une réserve un groupe démographique plus stable, un groupe de gens qui demeurent dans la réserve. En milieu urbain, notre expérience et celle d'autres organismes de prestation de programmes est que tel n'est pas le cas. La population se déplace beaucoup plus fréquemment. Même si les gens ne quittent pas la ville, ils déménagent à l'intérieur de la ville et cela en soi peut poser un certain nombre de problèmes.
Il y a probablement plus de points communs que de différences. Comment les programmes répondent-ils aux besoins de la collectivité? Celle-ci peut décider si elle veut mettre l'accent sur les délinquants adultes ou adolescents, ou bien si elle veut utiliser un cercle de guérison et détourner les gens avant de les amener devant un tribunal. Cependant, certaines collectivités ont décidé que le délinquant doit subir son procès, mais on déclare ensuite: «Nous voulons que la peine soit déterminée par un cercle. Nous ne voulons pas qu'un juge prononce la sentence du haut de son perchoir. Nous voulons qu'il y ait un procès, que l'accusé plaide coupable - c'est habituellement le cas - et ensuite nous voulons être parties prenantes dans la détermination de la peine».
Nous avons quelques collectivités qui ont décidé, en plus de tout cela, de participer de différentes manières à l'administration des services à l'enfance. La Loi sur les jeunes contrevenants s'applique dès l'âge de 12 ans. Pour les enfants qui ont moins de 12 ans, on voudrait tuer le problème dans l'oeuf en aidant les familles et les enfants dans le besoin de différentes manières avant que l'enfant soit assujetti à la Loi sur l'aide à l'enfance ou la protection de l'enfance, pour se retrouver ensuite, comme c'est souvent le cas, sous l'égide de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Le sénateur Cochrane: Est-ce la collectivité qui en décide?
M. Pentney: Ce sont les collectivités. Nous pouvons appuyer des programmes qui correspondent à ce que nous avons appelé les quatre piliers. Les collectivités prennent ces décisions et décident aussi de façon continue de ce qui fonctionne bien.
Mme Latimer a parlé du partage des compétences entre les jeunes. Nous avons fait la même chose pour rapprocher les collectivités qui veulent participer à ces programmes et ceux qui sont chargés de les administrer. Nous avons organisé une série d'ateliers dans l'ouest et, plus récemment, à Thunder Bay. Nous prévoyons en organiser un autre, si les circonstances le permettent.
Le sénateur Cochrane: Qui prend l'initiative de lancer cela dans les collectivités?
Mme Latimer: C'est une question intéressante. À notre avis, et j'ignore si M. Pentney a eu la même expérience, c'est souvent une personne qui s'intéresse à ces questions et qui sert de motivateur de la collectivité dans son ensemble. Cela ne passe pas nécessairement par la structure politique officielle, bien que l'on ait généralement besoin de l'agrément de cette structure. Ce sont souvent des personnalités, des particuliers qui disent: «Nous allons faire marcher tout ça», et ils se retroussent les manches et se mettent à l'oeuvre.
À bien des égards, c'est difficile à copier dans d'autres localités parce qu'il faut d'abord trouver une personne énergique et à l'esprit communautaire, une personnalité capable de porter cette charge sur ses épaules et de ne pas se laisser décourager. C'est pourquoi nous avons créé ce site Web communautaire. Il est très fatigant d'assumer ce leadership et les gens peuvent se décourager.
Le sénateur Cochrane: Ou faire un burnout.
Mme Latimer: Le site Web est une façon d'essayer de rendre leur expérience plus gratifiante. J'ignore si d'autres ont vécu la même expérience.
Mme Begin: Dans un certain nombre de nos projets, en particulier dans les localités éloignées du Grand Nord ou dans le nord des Prairies, les catalyseurs sont souvent des gens qui occupent un emploi précis dans la collectivité, par exemple le directeur d'une école ou l'agent de la GRC ou bien une infirmière de santé publique, qui se retrouve aux prises avec une foule de problèmes et de dossiers, notamment ceux qui ont des démêlés avec la loi, parce qu'un enfant peut vivre dans un foyer marqué par la violence familiale ou les toxicomanies, ou bien il peut lui-même être toxicomane dès un jeune âge. Ce sont souvent ceux-là qui essayent ensuite de mobiliser les autres membres de la collectivité et qui s'adressent au Conseil national de prévention du crime en présentant une idée qu'ils voudraient voir prendre forme et ils nous demandent notre aide pour en faire un projet d'intervention.
Le sénateur Cochrane: La recherche aux États-Unis indique que l'emprisonnement des membres des gangs est inefficace dans le meilleur des cas, et peut même être nuisible dans le pire des cas.
Il est plus facile d'empêcher l'adhésion à un gang que de faire sortir quelqu'un d'un gang une fois qu'il y est entré.
Quels programmes ou mesures de prévention sont en place pour réduire la probabilité qu'un jeune Autochtone se joigne à un gang? A-t-on évalué quels types de programmes se sont révélés les pus et les moins efficaces?
Mme Begin: D'après ce que je sais des initiatives actuelles au Canada à l'appui des Autochtones, je dirais que le programme d'aide préscolaire aux Autochtones est probablement l'un des meilleurs exemples. Aux États-Unis, un programme d'aide préscolaire a été mis en place pour tester un modèle visant à venir en aide aux enfants noirs défavorisés vivant en milieu urbain et considérés à haut risque, et à leur famille. Quand le programme a été lancé, on a choisi de façon aléatoire un groupe-témoin. On a choisi au hasard certaines personnes pour faire partie du programme et d'autres qui feraient partie du groupe-témoin. De cette manière, on a pu mesurer les effets et les répercussions de ce programme sur un groupe expérimental. On a fait un suivi des enfants qui sont passés par ce programme pendant 20 ans. Les constatations sont renversantes. Parmi les enfants qui avaient eu accès au programme, on a constaté beaucoup moins de grossesses à l'adolescence, de décrochages scolaires ou de délinquance juvénile. Ces enfants ont été beaucoup plus nombreux à fréquenter l'université, à occuper des emplois et à n'avoir aucun démêlé avec la justice.
La plupart des experts du développement de l'enfant, et assurément beaucoup de criminologues, aboutissent maintenant à la conclusion que l'intervention dès la petite enfance est probablement l'un des mécanismes les plus efficaces pour venir en aide aux enfants et aux familles et pour leur donner des choix.
Mme Latimer: Vos chercheurs ont mis dans le mille avec cette question, sénateur.
Nous constatons que beaucoup de jeunes gens sont en fait recrutés pour devenir membres des gangs pendant leur passage dans les établissements correctionnels, qui renforcent leur alliance avec les membres des gangs. Nous cherchons consciemment à appuyer des programmes de réintégration qui visent à aider les jeunes à sortir des gangs, ce qu'il leur est difficile de faire.
Quant à savoir pourquoi ils adhèrent aux gangs au départ, il est important de poser la question aux membres des gangs. On constate qu'ils tirent de leur appartenance à un gang un certain encadrement psychologique que d'autres peuvent obtenir de leurs relations familiales. L'expérience du gang leur apporte quelque chose qui répond à un besoin. Nous devons comprendre quel est ce besoin et essayer d'y répondre, que ce soit par un encadrement efficace par des pairs, d'autres enfants qui ne font pas partie de gangs, ou bien par des activités de loisirs plus étoffées. Beaucoup d'enfants disent qu'ils s'ennuyaient. Chose étonnante, beaucoup d'entre eux se sentent menacés. Ils ont le sentiment d'être des victimes potentielles. Ils ont l'impression d'avoir besoin du gang pour assurer leur propre sécurité personnelle.
Normalement, les gens regardent les jeunes et les perçoivent comme des problèmes potentiels, tandis que les jeunes se considèrent souvent eux-mêmes comme des victimes potentielles et se sentent vulnérables. Nous devons intervenir précocement dans la vie de ces enfants. Nous devons leur donner ce qui leur manque dans leur vécu en leur fournissant des possibilités d'insertion davantage socialisantes.
Le sénateur Cochrane: Est-ce l'un des objectifs actuellement dans votre portefeuille, surtout compte tenu du budget que l'on vient de présenter? Nous avons de nouveaux montants. Seront-ils utilisés d'une manière quelconque pour remédier à cette situation?
Mme Latimer: Dieu merci, on a prévu dans le budget une somme de 185 millions de dollars pour les enfants autochtones. On envisage divers programmes d'aide préscolaire et aussi dans le dossier du syndrome d'alcoolisme foetal et des effets de l'alcoolisme foetal, qui pourraient être utiles. Ce sentiment d'insécurité et cette prédisposition à l'appartenance à un gang commencent très tôt. Nous allons travailler avec nos collègues sur ces questions.
Le sénateur Cochrane: Avons-nous beaucoup de gangs au Canada parmi les groupes autochtones?
Mme Latimer: Il faut éviter d'exagérer le phénomène des gangs. Il y a toutefois des endroits au Canada où le problème est très marqué. Winnipeg en est un. Ce n'est pas un phénomène nouveau. Il y a des gangs autochtones à Winnipeg depuis très longtemps. Quant à savoir si le nombre de leurs membres augmente, c'est une autre histoire. Je soupçonne que les enfants s'identifient à ces gangs. C'est certainement un problème auquel il faut s'attaquer. Dans d'autres villes, il n'existe aucun gang autochtone ou autre.
M. Pentney: Le problème des gangs ne doit pas être perçu essentiellement comme un problème autochtone.
Le sénateur Cochrane: Ce n'est pas ce que je voulais dire.
M. Pentney: À Winnipeg et dans d'autres villes de l'ouest, vous constaterez que la police s'inquiète beaucoup de ce que les jeunes sont de plus en plus attirés vers les gangs.
Le sénateur Cochrane: Les statistiques montrent que parmi les Autochtones, ce sont presque toujours des hommes qui commettent des crimes. Les femmes autochtones représentent près du quart de la population carcérale féminine. Quelle différence y a-t-il entre les jeunes hommes autochtones et les jeunes femmes autochtones qui commettent des infractions? A-t-on fait une analyse quelconque de ces différences? Votre ministère a-t-il des programmes ou des politiques qui ciblent directement les femmes autochtones?
Mme Begin: La recherche nous apprend que les deux principaux facteurs de risque associés à des démêlés avec la loi sont la jeunesse et le fait d'être un homme. Historiquement, il y a toujours eu un écart entre la participation des femmes et des hommes aux activités criminelles. Cet écart a toujours existé.
Dans le cadre de la stratégie nationale, l'une de nos priorités est la sécurité personnelle des femmes et des fillettes. Nous savons, grâce à nos recherches sur les femmes qui ont des démêlés avec la loi et qui sont incarcérées dans des établissements fédéraux, que la grande majorité d'entre elles ont subi des sévices physiques et sexuels graves et de la violence familiale. Nous travaillons avec nos partenaires dans un certain nombre d'instances. Dans la documentation que je vous ai remise, on donne l'exemple d'un projet qui a été mené à Calgary. On fournit une aide et des traitements aux femmes et aux enfants qui entrent en contact avec la police à cause de la violence familiale; dans la plupart des cas, c'est la femme qui est la victime et les enfants ont été témoins de la violence à la maison.
M. Pentney: Vous avez demandé tout à l'heure qui dirige ces programmes. Les femmes dirigent environ 80 p. 100 de nos programmes communautaires. Ce qui est intéressant, c'est que beaucoup de programmes de déjudiciarisation que nous dirigeons visent les femmes. L'une des raisons est que beaucoup de jeunes hommes autochtones ont commis trop d'infractions pour être admissibles à ces programmes. Ainsi, ils sont exclus des programmes parce que, aux termes de la plupart des politiques provinciales, ces programmes ne sont pas offerts à ce que l'on appelle des «délinquants endurcis». Beaucoup de nos programmes visent donc les femmes. C'est encore une bonne occasion de découvrir pourquoi les femmes se sont retrouvées dans la délinquance, ce que l'on peut faire pour les aider à reprendre leur vie en main et trouver l'éventail de soutien communautaire susceptible de les aider.
On discerne des tendances. Il y a des différences dans les grandes tendances, comme vous l'avez dit. Un certain nombre de nos programmes s'efforcent d'aider les femmes autochtones à changer leur comportement déviant.
Pour les hommes qui ont commis de nombreuses infractions, la plupart des programmes de divergence qui leur sont accessibles sont dirigés par Services correctionnels Canada.
J'ignore si le solliciteur général a témoigné devant vous, mais Services correctionnels Canada s'efforce en particulier de travailler avec les hommes autochtones pour les aider à réussir leur réinsertion dans la collectivité.
Mme Latimer: D'après les statistiques, il ressort clairement que la criminalité chez les femmes, et particulièrement chez les jeunes femmes, diffère énormément de la criminalité chez les hommes. La courbe de la criminalité chez les femmes atteint son sommet à l'âge de 15 ans environ et commence ensuite à décliner, ce qui nous pose un défi particulier. En effet, nous devons trouver des moyens efficaces d'aider ces jeunes filles afin qu'elles ne se définissent pas elles-mêmes comme des criminelles et qu'elles n'aient pas des problèmes à long terme.
Les jeunes contrevenants, plus que tout autre, contreviennent aux conditions que leur impose la justice. Vingt-cinq pour cent des jeunes sont incarcérés parce qu'ils n'ont pas respecté les conditions de leur cautionnement et de leur probation. Les jeunes filles sont plus susceptibles de ne pas se plier à ces conditions particulières et à en subir les conséquences.
Les contrevenants ayant commis des crimes graves et violents sont en grande majorité des hommes. Cependant, nous avons besoin d'un plus grand nombre de programmes destinés aux femmes autochtones. D'après les chiffres, les femmes ont moins souvent maille à partir avec la justice, mais lorsque c'est le cas, la population autochtone est surreprésentée. Il nous faut envisager des façons pertinentes d'intervenir auprès des jeunes femmes autochtones. C'est un phénomène entièrement différent.
Le sénateur Cochrane: Il faudrait sans doute s'attaquer à la source du problème dans le milieu familial et à cet égard, l'éducation semble un bon moyen. Nous pourrions éduquer les enfants et les parents au moyen d'un système quelconque. Nous pourrions peut-être ainsi régler ces problèmes avant qu'ils n'aillent plus loin, alors que les enfants sont jeunes.
M. Pentney: La prévention du crime doit être appuyée par une intervention dès la petite enfance. Nous voyons les produits de familles dysfonctionnelles et de communautés qui sont enfermées dans un cycle où les problèmes se répètent d'une génération à l'autre.
Comme nous l'avons dit tout à l'heure, nous veillons à ce que le système de justice ne cause pas plus de tort que de bien et qu'il aide les gens à changer le cours de leur vie. Cependant, le gros de l'investissement, comme en témoigne le budget, doit être consacré à la santé, à l'éducation et à l'aide aux familles.
La présidente: D'après les représentants de Statistique Canada qui ont comparu devant nous l'autre soir, il y a quatre «points chauds» au Canada en ce qui concerne la population autochtone. J'ai été surpris d'entendre que Thunder Bay était l'un d'eux. Les autres étaient Winnipeg, Regina et Saskatoon, suivies de près par Edmonton. Examinez-vous ces statistiques pour voir où vos programmes seraient le plus utiles?
Mme Begin: Oui, nous le faisons. Nous travaillons en étroite collaboration avec certains de nos homologues au Centre canadien de la statistique juridique. Ces derniers nous aident à dresser les profils des communautés, urbaines et autres, et à rassembler des statistiques sur le nombre de familles monoparentales, le nombre d'assistés sociaux, le taux de chômage, le taux de criminalité chez les jeunes et d'autres indicateurs démographiques et socio-économiques qui nous permettent de mieux cibler nos ressources.
Mme Latimer: Les résultats de notre instantané d'une journée sont conformes à ce que vous ont dit les gens de Statistique Canada. Winnipeg venait en premier, Thunder Bay en deuxième et une communauté du nord en troisième.
La présidente: Regina et Saskatoon étaient près de la tête avec Thunder Bay et Winnipeg; c'est absolument alarmant.
En ce qui concerne le Programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones, lorsqu'il a été créé en Alberta, plusieurs organisations y participaient. On en est venu à les appeler les «arbitres autochtones». À mesure que les communautés ont pris de l'ampleur, leurs membres ont jugé que le Programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones n'était pas dans leur meilleur intérêt. On ne peut avoir un système dont les conseillers parajudiciaires travaillent à Red Earth, à Peace River ou dans le sud. Les agences et les réserves souhaitent créer leurs propres services dans leurs communautés. Est-ce que cela se fait? Je constate qu'il est de plus en plus urgent de s'orienter dans cette direction.
Certains contrevenants avec qui je me suis entretenue m'ont dit que les services de counselling autochtone ne faisaient rien pour eux. Vérification faite, j'ai constaté que certains services d'assistance parajudiciaire aux Autochtones s'occupaient aussi de développement communautaire. Comment évaluez-vous les services fournis par ces organismes autochtones?
Mme Pennell: Comme vous le savez, madame la présidente, en Alberta, il existe à l'heure actuelle une grande organisation et quatre ou cinq petites. Lorsque nous offrons ou que nous appuyons un programme comme celui-là, nous devons veiller à laisser aux autorités provinciales, qui fournissent le gros du financement, la marge de manoeuvre qu'elles s'attendent d'avoir pour prendre les décisions concernant les acteurs qui sont les mieux placés pour l'appliquer selon des modalités données.
Le Programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones est appliqué de façon différente un peu partout au pays. En Alberta, il relève d'une importante organisation cadre et de quatre organisations satellites. Sauf erreur, les autorités provinciales envisagent d'élargir le programme et d'en assurer la prestation d'une façon quelque peu différente, notamment pour ce qui est du nombre des organismes d'exécution. Cependant, je ne peux pas faire de déclaration définitive à ce sujet maintenant.
À l'heure actuelle, nous avons un groupe de travail tripartite qui s'intéresse au programme, à son orientation et aux avenues qu'il convient d'explorer. Tous les organismes d'exécution oeuvrant dans ce domaine y sont représentés. Même si tous les acteurs ne sont pas présents, nous essayons d'être à l'écoute des différentes communautés et des différents points de vue en ce qui concerne le programme.
L'un des problèmes liés au Programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones, c'est qu'il existe depuis longtemps et qu'il a été évalué officiellement pour la dernière fois il y a dix ans. D'ailleurs, nous sommes sur le point d'en amorcer une évaluation. Il ne sera pas facile de trouver un moyen de mesurer le succès d'un programme comme celui-là puisque le nombre des personnes servies peut être ou non une bonne chose. Le fait qu'il y a davantage de personnes qui se prévalent de ce service ne veut pas nécessairement dire qu'il y a davantage de gens qui entrent en contact avec le système de justice. Peut-être est-ce un indice positif qu'un plus grand nombre de personnes sont sensibilisées à l'existence du service et qu'elles s'en servent dans l'espoir d'obtenir des résultats positifs.
Nous collaborons étroitement avec les conseillers juridiques et nos homologues provinciaux pour concevoir une grille d'évaluation qui nous fournira certains indicateurs clairs nous permettant de déterminer si le programme fonctionne bien, où sont les lacunes à combler et comment nous y prendre pour le faire.
Le sénateur Carney: Madame la présidente, qu'entendez-vous par «empires autochtones»?
La présidente: Une grande société est un empire.
Le sénateur Carney: Je connais mal le Programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones.
Comment est-il devenu un empire? Que s'est-il passé?
La présidente: Je peux uniquement parler pour l'Alberta. Il y a quelques années, Chester Cunningham et certains de nos dirigeants autochtones ont mis sur pied un service d'assistance parajudiciaire aux Autochtones à Edmonton. Au fil des ans, ces ramifications se sont étendues dans toutes les communautés de l'Alberta, mais tout était géré à partir d'un bureau central, à Edmonton. L'entreprise a pratiquement pris les dimensions d'un empire. Ce programme servait toutes les collectivités, mais à mesure qu'elles ont pris de l'ampleur, qu'elles se sont développées et qu'elles sont devenues plus éduquées, ces communautés se sont dit qu'elles pourraient assumer seules ces responsabilités, et c'est ce qui a donné naissance à cet affrontement qui a pratiquement tourné à la bataille politique. À mon avis, les gouvernements fédéral et provinciaux ont pensé qu'il serait beaucoup plus facile de financer un seul organisme que plusieurs petits et ont donc accepté qu'il en soit ainsi. C'est de cette façon que cet empire est né, sénateur.
M. Pentney: L'un des avantages liés à un programme de longue date, c'est qu'il fournit une assise. Au sujet de Thunder Bay, dont nous avons parlé tout à l'heure, je tiens à signaler que le conseil communautaire autochtone de Thunder Bay, qui est issu du Centre d'amitié de Thunder Bay et qui a été fondé sur les assises du Programme d'assistance parajudiciaire, appuie la Stratégie sur la justice applicable aux Autochtones. C'est différent, en ce sens que le conseil communautaire est indépendant du tribunal, mais c'est le programme d'assistance parajudiciaire de Thunder Bay qui a été le catalyseur et la base de ces programmes communautaires. Nous pensons que ce phénomène pourrait se produire dans d'autres villes également.
La présidente: C'est précisément ce qui nous intéresse. Les organismes disent: «Nous pouvons maintenant nous débrouiller seuls.» C'est une retombée positive. Le seul problème, c'est le processus de financement. Voilà où le bât blesse. Comment faire pour financer les petits organismes?
Il y a plusieurs années, on m'a demandé de former un groupe destiné aux jeunes filles autochtones par l'entremise de notre propre programme de logement urbain pour les Métis. Il y avait à cet égard un besoin criant. J'ai constaté que les femmes n'étaient pas à l'aise dans les maisons WIN. Elles n'étaient pas à l'aise non plus dans les centres pour les victimes d'agression sexuelle. Elles s'y sentaient isolées et marginalisées et c'est pourquoi elles n'y allaient pas. Ou, si elles y allaient, elles en repartaient rapidement.
Quant à celles qui ont adhéré à notre petit groupe - que j'avais constitué dans la coutume autochtone et qui réunissait les cultures métisse et crie -, chacune d'elles a confié avoir été victimes de viol et de mauvais traitements. C'est ce dont les jeunes filles sont témoins dans leur foyer. C'est avec tristesse que je constate que dans les centres de jeunes contrevenants d'Edmonton - je n'y suis pas allée depuis environ trois ans, mais j'avais l'habitude d'y aller souvent en tant qu'aînée - le nombre de jeunes filles se multiplie. Nous constatons qu'elles sont de plus en plus violentes. Je connais une jeune fille qui, avec trois compagnes, a volé un camion. Elles se sont servies de couteaux pour menacer le chauffeur et s'emparer du véhicule. Je parle de jeunes filles de 13 et 14 ans.
Je vois mal comment un grand nombre de ces programmes sont utiles. Dans le cas que je viens d'évoquer, la jeune fille a été confiée à un cercle de détermination de la peine puisque c'était sa première infraction, mais elle avait un caractère extrêmement violent. L'une des conditions de sa peine était de prendre la parole devant les élèves d'une autre école pour expliquer ce qu'elle avait fait et comment cela avait changé sa vie. Elle m'a demandé si je voulais bien assister à son exposé, et je l'ai fait. Le changement survenu chez cette jeune fille qui a dû affronter ses pairs et expliquer son geste était frappant. Les cercles de détermination de la peine sont très importants, particulièrement pour les délinquants primaires, mais votre ministère doit envisager de mettre sur pied des programmes particulièrement axés sur les femmes et les jeunes filles qui se sentent totalement isolées et complètement coupées de la population en général et des services disponibles. Malgré toute leur bonne volonté, les organisations d'exécution ne sont pas à la hauteur.
Avez-vous envisagé cela? Avez-vous pensé à mettre sur pied des programmes de ce genre dans votre province?
Mme Latimer: Vous soulevez un point intéressant, soit que les victimes se révoltent parfois et deviennent agressives. C'est un lien que nous avons reconnu et dont nous tenons souvent compte, particulièrement dans notre stratégie concernant les moins de12 ans. Nous avons considéré le comportement violent, la place des victimes et la prévention du crime comme un tout afin de trouver des moyens de régler le problème dans son ensemble.
Le fait d'être témoin de violence ou d'y être assujetti accroît la tolérance pour l'activité violente, ce qui est préjudiciable. Il s'agit là de questions complexes et chose certaine, dans l'intérêt des jeunes qui ont des démêlés avec le système de justice pénale parce qu'ils ont commis des actes violents, nous souhaitons vivement trouver des réponses qui sont parlantes pour eux. Nous essayons d'encourager le jeune à s'exprimer pour que la réponse corresponde d'une certaine façon à sa situation particulière. C'est tout un défi. C'est un défi que nous devons relever. L'une des principales critiques à l'endroit du système de justice pour les jeunes tel qu'il existe à l'heure actuelle sous le régime de la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est que les jeunes ne trouvent pas le régime pertinent. C'est un obstacle qu'il nous faut surmonter afin de leur faire comprendre que leur sanction a été juste et équitable, qu'ils ont payé pour leur erreur et qu'ils peuvent désormais être des citoyens capables de faire un apport positif à la société.
La présidente: Je voudrais savoir si vous essayez de susciter des changements de mentalité dans l'appareil bureaucratique, au sein de la GRC ou des autres intervenants, au sujet du racisme latent. Je vais vous donner un exemple et d'ailleurs, j'ai l'intention de soulever le sujet au Sénat.
Dans une petite collectivité de la Saskatchewan, une petite fille de 12 ans a été droguée et violée par trois jeunes Blancs de bonne famille vivant sur une ferme des environs. On n'a pas permis aux parents de la petite fille de se présenter devant le tribunal parce qu'on ne voulait pas que ces bons garçons blancs, qui avaient entre 20 et 25 ans et qui étaient en fait des hommes, soient confrontés à la famille. On les a libérés parce que c'étaient des gens bien.
D'après ce que tout le monde m'a dit - et j'en ai parlé hier à une réunion - cette petite fille n'a eu droit à aucun counselling, à aucun soutien et les représentants du système de justice et de la police dans cette collectivité l'ont traitée comme une moins que rien.
Je voudrais savoir précisément ce que le système de justice, votre ministère, fait pour s'attaquer au racisme latent qui a cours dans notre pays.
M. Pentney: J'ai lu les journaux récemment et je connais cette affaire. Je ne peux pas parler de ce cas précis, mais je peux vous expliquer certaines initiatives que nous avons prises.
L'un des objectifs de la Stratégie sur la justice applicable aux Autochtones est d'appuyer les collectivités, d'être plus présent et d'assurer une meilleure éducation, une plus grande sensibilisation aux défis particuliers auxquels sont confrontés les Autochtones dans le système de justice. Je ne dirai pas que c'est le système «traditionnel», car ce ne l'est pas. Nous collaborons avec la GRC pour offrir ce que nous appelons une formation sur les perceptions des Autochtones qui visent à sensibiliser le personnel du système de justice aux perceptions autochtones du monde, aux perceptions autochtones de l'application de la loi et, à certains égards, cela réserve des surprises.
Dans certaines collectivités, on ressent davantage vivement non pas d'être arrêté par l'agent de la GRC, mais par le garde-chasse qui a arrêté un aîné chassant un chevreuil. Dans le contexte de la justice pénale, pareille chose peut sembler relativement futile, mais cela est considéré comme un préjudice sérieux dans la collectivité autochtone. Nous avons tenté de travailler avec nos partenaires des provinces et des territoires pour sensibiliser les acteurs du système de justice à la façon différente qu'ont les Autochtones de percevoir le monde et de vivre l'expérience du système de justice grâce à une formation de ce genre.
Le Réseau de la justice autochtone est doté d'un conseil consultatif réunissant des agents de police, des juges et des procureurs de la Couronne. Nous collaborons avec eux afin de favoriser une plus grande prise de conscience de la situation au sein du système de justice conventionnel.
La présidente: Avez-vous envisagé d'avoir recours à des aînés respectés au sein de ce cercle?
M. Pentney: Nous avons un panel d'aînés qui réunit effectivement un certain nombre de personnes respectées. Depuis deux ans que je travaille dans ce domaine, j'ai entendu répéter à maintes reprises que les aînés eux-mêmes ont du mal à assumer toute la gamme des responsabilités qui retombent sur leurs épaules. Cela dit, nous collaborons effectivement avec des aînés. Entre autres, nous les invitons à participer au processus de décision et à nos activités éducatives. Récemment, on a annoncé qu'il y aurait une commission sur la justice autochtone en Saskatchewan, l'initiative étant appuyée par les autorités provinciales. Nous allons suivre ce dossier de près. Nous sommes très présents en Saskatchewan, mais je ne peux vous en dire plus au sujet de ce défi particulier.
La présidente: Nous n'en attendons pas tant de vous. Il existe de nombreux gangs autochtones, certains officiels, comme l'Indian Posse et la Société des guerriers, et d'autres très formels. Je constate que ces gangs sont en train d'exploser de l'intérieur, les membres d'un groupe faisant la lutte à leurs propres membres. À Edmonton, il y a eu un cas - et je suis sûr que vous êtes au courant - où un petit garçon a été battu tellement sauvagement qu'on a dû prendre ses empreintes digitales pour l'identifier. On a conclu que c'était un rite d'initiation lié à un gang.
Qui plus est, au Manitoba, les Hells Angels recrutent ouvertement nos enfants sur les réserves. Il y a à Kahnesatake des problèmes sérieux qui touchent les enfants, les jeunes et les aînés. Je constate que le fait d'être membre d'un gang peut donner à un enfant une identité. Lorsqu'on quitte sa communauté pour aller dans une grande ville, soudainement, c'est mal vu d'être un Indien et d'avoir la peau de couleur différente. Ce phénomène a cours depuis des générations. J'ai vécu la même expérience et maintenant c'est au tour de mes enfants et de mes petits-enfants de le faire.
Comment le système de justice répond-il aux besoins culturels des jeunes en vue de les aider à développer leur identité propre et être fiers d'être ce qu'ils sont? Je pense que c'est là le fondement de nombreux problèmes et bien des aînés pensent de la même façon. Disposez-vous de fonds pour mettre en oeuvre des programmes de ce genre dans les collectivités?
M. Pentney: C'est un point très important. À mesure qu'évoluent les programmes de justice communautaire, nous constatons qu'en grande partie, leurs objectifs vont au-delà de ce qui relèverait normalement du système de justice. On souhaite faire en sorte que les Autochtones, non seulement les jeunes, mais aussi les adultes, renouent avec leurs traditions culturelles et spirituelles. Nous appuyons un certain nombre de programmes dont le mode de guérison privilégié est d'envoyer les enfants dans des camps en forêt, avec des aînés, pour leur apprendre à connaître la vie avec la nature.
Nous avons eu une expérience positive cette année à Burnt Church, où le Centre de prévention du crime et d'autres organismes ont organisé trois camps de la nature afin d'offrir aux enfants des activités positives au cours de l'été et de les faire renouer avec leurs traditions culturelles spécifiques. Cela ne fait pas partie d'un programme de déjudiciarisation quelconque. C'est une activité qui nous paraît avoir des retombées très positives pour ces enfants.
Un grand nombre de nos programmes de déjudiciarisation font appel à la participation des aînés et l'apprentissage des traditions spirituelles est une composante très importante de la guérison. Prendre les enfants qui vivent en milieu urbain ou dans une réserve pour les rapprocher de la nature est une bonne chose. Cela représente une bonne partie de nos programmes, particulièrement dans le Nord. Nous déployons des efforts pour appuyer les traditions culturelles.
C'est sans doute le meilleur exemple de la façon dont ces programmes de justice communautaire nous entraînent loin du système de justice pénale ordinaire. Il convient de noter que des prêtres sont généralement disponibles juste avant qu'un détenu soit emmené dans l'antichambre de la mort. Cela mis à part, la spiritualité ne joue pas un très grand rôle dans l'administration de la justice à l'époque moderne.
C'est un besoin clairement identifié au sein des communautés autochtones. La participation des aînés a été très importante. De plus en plus de collectivités souhaitent sortir les enfants de leur milieu particulier pour les transplanter dans un autre où ils pourraient être initiés à une tradition différente.
La présidente: Je vais vous donner un exemple. Il y a plusieurs années, nous avons tenté une expérience de ce genre avec l'aide d'un de nos trappeurs. Nous avons emmené trois jeunes garçons qui avaient eu des ennuis sur les sentiers de piégeage. Cependant, deux d'entre eux se sont enfuis après deux jours. Ils ne voulaient rien savoir. Le troisième est resté et a appris à trapper. Il faut faire attention car cela ne convient pas à tout le monde.
Le sénateur Carney: J'ai consulté les huit pages de statistiques préparées par la Bibliothèque du Parlement qui, comme d'habitude, fait de l'excellent travail. On y montre que l'incidence des cas de crimes violents, d'agressions sexuelles et de voies de fait graves est plus élevée dans la population autochtone que dans la population non autochtone. L'incidence des crimes liés à la consommation d'alcool est-elle plus élevée dans la population autochtone que dans la population non autochtone? Les crimes où l'alcool joue un rôle sont-ils pris en compte dans cette incidence élevée de la criminalité au sein de la population autochtone et, dans l'affirmative, comment réagit le système de justice?
M. Pentney: Je ne veux pas m'ériger en autorité, mais d'instinct, je dirais que la criminalité liée à la consommation d'alcool est sans doute plus élevée dans la population autochtone. Cela dit, je n'ai pas vu de données particulières à ce sujet. Dans la Stratégie sur la justice applicable aux Autochtones et dans les programmes de justice communautaire que nous appuyons, lorsqu'un plan de ressourcement est élaboré, il comporte malheureusement en grande partie l'obligation de se soumettre à un counselling en matière d'alcoolisme ou de toxicomanie. C'est certainement un problème.
D'ailleurs, des fonctionnaires de Santé Canada nous disent qu'ils constatent que les collectivités réclament la mise sur pied de tels programmes car la demande de counselling en matière de toxicomanie augmente à la suite des activités des comités de justice communautaire. Ces comités dirigent les membres de la communauté vers des services de counselling sur l'alcoolisme ou la toxicomanie. Cela représente une partie importante de leur plan de ressourcement. Nous pourrions certainement faire des vérifications et vous dire si nous avons été en mesure de relever certaines données portant spécifiquement sur les crimes liés à la consommation d'alcool.
Mme Begin: À ma connaissance, c'est en menant des sondages auprès des détenus adultes des établissements correctionnels fédéraux que l'on obtiendrait la meilleure information concernant le lien entre la toxicomanie ou la consommation d'alcool et la criminalité. Nous constatons que dans la population autochtone, il y a une très forte incidence de cas où la drogue et l'alcool jouent un rôle dans le contexte de l'infraction, que ce soit au moment même où elle a été perpétrée ou avant.
Le sénateur Carney: Je pense qu'on recueillait auparavant de telles statistiques. À mon avis, si vous espérez que le processus de ressourcement ou le système de justice obtiendront des résultats positifs sans tenir compte du problème de l'alcoolisme et de la toxicomanie - si tant est que ce soit un facteur -, vous serez peut-être déçus. Pouvez-vous chercher les statistiques pertinentes et nous les communiquer? Peut-être que la simple réduction de l'alcoolisme et de la toxicomanie contribuerait à faire baisser le pourcentage de crimes violents et de violence conjugale. Je sais que cela s'est avéré dans les Territoires du Nord-Ouest.
Le sénateur Christensen: Constatez-vous une augmentation marquée du recours aux cercles de détermination de la peine dans le cadre des programmes de justice communautaire? Y a-t-il davantage de gens qui participent aux cercles de détermination de la peine au niveau de la communauté?
M. Pentney: Au cours des cinq dernières années, il y a eu une forte augmentation. Lorsque la Stratégie sur la justice applicable aux Autochtones a vu le jour en 1996, nous avions prévu d'appuyer entre 20 et 25 programmes, peut-être une trentaine tout au plus, répartis en milieu urbain, dans les réserves et à l'extérieur des réserves, selon l'intérêt. Comme vous le verrez, nous appuyons maintenant 90 programmes distincts qui servent290 collectivités. À la suite de consultations menées depuis deux ans, il apparaît clairement qu'il y a une demande de programmes supplémentaires, particulièrement dans l'Ouest, où les provinces ont identifié cela comme un défi particulier, ainsi que dans les territoires. Il y a davantage de collectivités qui tentent de participer. Elles envisagent diverses façons d'intervenir.
Une chose intéressante est ressortie de cette consultation. Nous avons constaté qu'un certain nombre de communautés disent: «Nous ne sommes pas certaines que les cercles de détermination de la peine fonctionnent. Nous y avons recours depuis un certain temps déjà. Nous sommes fatigués. Lorsque nous voyons dans le cercle la même personne pour la troisième fois, nous devons nous demander si cette méthode fonctionne.» Les communautés font des recherches et des évaluations et nous disent: «Nous devons prendre du recul, marquer un temps d'arrêt et réfléchir aux types d'interventions susceptibles d'être couronnés de succès.» Chose certaine, cette solution suscite un intérêt croissant. La justice est perçue comme un véhicule pour aider les collectivités à assurer leur propre ressourcement. Cette approche suscite un intérêt de plus en plus répandu. Le succès des autres programmes est une indication que nous répondons à un besoin exprimé par les communautés.
Le sénateur Christensen: Vous avez effleuré l'objet de ma deuxième question. Dans les collectivités où l'on souhaite adhérer à ces programmes, on exige beaucoup et sans relâche des personnes chargées de superviser ou d'appuyer ces jeunes dans le besoin. Les collectivités s'épuisent. Comme vous l'avez signalé, c'est souvent une seule personne qui lance le projet. Soudain, tout le monde est pris au dépourvu lorsque trois ou quatre personnes ont besoin d'aide. Résultat, les gens commencent à abandonner et on se retrouve avec une seule personne qui essaie d'assumer tout le fardeau et c'est alors que tout commence à s'écrouler. Je suppose que cela arrive.
Mme Latimer: Dans certaines communautés vraiment mal en point, on ne trouve parfois personne qui soit en mesure de lancer un programme ou de l'appuyer. C'est un défi énorme que d'implanter une infrastructure. On se dit qu'il doit bien y avoir quelqu'un. S'il s'agit d'une communauté nordique, la GRC sera présente. Cependant, les agents visitent la collectivité une fois la semaine et repartent ensuite. Par conséquent, il n'y a pas de continuité dans la communauté. Certaines de ces localités posent tout un défi en termes de renforcement de la capacité et pour ce qui est d'avoir quelqu'un sur place qui puisse travailler à maintenir cette capacité. C'est l'un des défis auxquels nous avons été confrontés dans notre programme d'échange de compétences. Dans certaines localités, le suivi n'était pas possible parce que personne sur place ne pouvait mettre en branle et animer un programme de justice pour les jeunes. C'est un défi immense. Nous ne savons pas s'il serait possible de prendre des gens dans d'autres localités et de les transplanter, nous ne savons plus ce qui pourrait fonctionner. Si vous avez des idées, nous serions tout à fait ravis de les entendre, parce que c'est un problème énorme, en particulier dans les régions éloignées.
Le sénateur Christensen: Quand vous obtenez la participation des collectivités, est-ce que vous y parvenez dans les régions urbaines aussi bien que dans les régions rurales, où il y a des collectivités bien établies?
Mme Latimer: Pour en revenir à notre expérience de Winnipeg, Winnipeg est une ville intéressante parce que l'ampleur de ses problèmes n'a de pair que le grand nombre de personnes dynamiques et compétentes qu'on y trouve. On dirait que les ressources et les besoins ne sont pas nécessairement branchés avec les services qui sont en place. Les lacunes, les solutions de continuité n'ont pas encore été bien identifiées, pas plus que la façon d'y remédier. L'initiative d'Ottawa sur les sans-abri cherche activement à appuyer des villes comme Winnipeg.
En termes de justice pour les jeunes, nous avons un véritable problème du côté de la détention avant le procès. Beaucoup trop d'enfants sont mis en détention en attendant leur procès. Si nous avions une sorte d'abri ou de foyer, peut-être que nous pourrions éviter la détention à un plus grand nombre d'enfants. Il faut conjuguer les besoins du système de justice et la capacité de l'initiative de DRHC sur les sans-abri pour essayer d'établir un lien entre ces initiatives. En fait, dans certaines villes, il faut bâtir l'infrastructure au niveau local avant de pouvoir commencer à travailler en collaboration.
M. Pentney: Nous avons constaté qu'il faut plus de temps pour mettre en place des programmes en milieu urbain parce que, en un sens, on se trouve à aider la communauté autochtone à s'identifier elle-même comme communauté et ensuite à bâtir l'infrastructure et à créer les liens. Nous travaillons aussi avec les conseils régionaux fédéraux, en particulier dans les grandes villes de l'Ouest, qui réunissent tout l'éventail des services et ministères fédéraux qui fonctionnent dans une ville donnée, par exemple à Winnipeg, pour essayer d'ouvrir une fenêtre, tout au moins du point de vue fédéral, sur ce qui se passe et sur les partenariats qui sont disponibles avec la municipalité, la province et les organisations locales.
Dans ces projets que nous avons réussi à organiser, nous avons fait la jonction entre les collectivités qui s'adonnent à ce genre d'activités depuis un bout de temps et les collectivités qui sont intéressées à le faire. Les collectivités qui sont intégrées à ces programmes depuis un certain temps insistent beaucoup pour que leurs travailleurs soient eux-mêmes en santé et puissent compter sur un réseau de soutien. Ces collectivités ont identifié ce besoin de ne pas se fier à un héros unique qui va se tuer à la tâche et de s'assurer de pouvoir compter sur un soutien continu et d'offrir à leurs travailleurs l'occasion de se livrer à d'autres activités culturelles dans le cadre du programme, pour qu'ils puissent maintenir leur propre santé spirituelle.
Le sénateur Christensen: Au sujet des programmes communautaires, vous dites que 90 ententes servent290 collectivités. Quel pourcentage de ces programmes servent les Autochtones urbains?
M. Pentney: Je suis désolé, je ne peux pas vous donner de pourcentage précis. Nous estimons que de 10 à 12 p. 100 sont des programmes en milieu urbain. Cela dit, certains répondent aux besoins d'une importante population urbaine. Si l'on calcule selon le nombre de clients servis, le ratio est différent.
Le Programme de mesures de rechange de Regina rejoint des milliers de personnes, tandis qu'un seul programme qui sert une localité des Territoires du Nord-Ouest peut en rejoindre à peine une poignée en une année donnée.
Le sénateur Christensen: Comment cela se compare-t-il avec le programme dans la réserve?
M. Pentney: Nous avons aussi un certain nombre de programmes dans les réserves. En général, ils servent une population plus restreinte. La mise sur pied de programmes en milieu urbain a été un défi particulier quant au temps et à l'investissement nécessaires, pour toutes les raisons que nous avons évoquées.
Le sénateur Christensen: Est-ce que ces 290 localités sont en majeure partie rurales?
M. Pentney: Oui, il y a plus de programmes ruraux et de programmes dans les réserves qu'il n'y a de programmes urbains.
Le sénateur Pearson: Je m'intéresse aux dossiers des fillettes, aux problèmes de l'exploitation sexuelle et aux problèmes liés à la sexualité parmi les adolescents, sans parler des adultes qui abusent de ces adolescentes.
On sait que plus on étudie un dossier, plus il devient complexe. Je ne vois pas, par exemple, la santé dans votre tableau de programme communautaire, à moins que ce soit déguisé dans une autre rubrique. Je suis consciente de ce qu'a dit le sénateur Carney au sujet de l'alcool. Dans une certaine mesure, vous verriez le syndrome d'alcoolisme foetal comme un élément des programmes de justice associés à l'alcool. Je suis contente que de nouveaux montants aient été annoncés hier soir dans le budget. J'espère qu'une partie de cet argent ira à la recherche aussi bien que dans les programmes.
Le cercle de détermination de la peine boucle la boucle. Si, en raison d'un trouble neurologique, une personne n'est pas capable de comprendre les conséquences de ses actes, peu importe combien de fois on peut le lui répéter, alors peut-être que le cercle n'est pas la bonne façon de procéder. Peut-être qu'il faut réfléchir à une autre façon de faire, non seulement pour les Autochtones, mais aussi pour tous les autres. Nous devons en savoir plus à ce sujet. Dans quelle mesure le comportement sexuel est-il lié au syndrome d'alcoolisme foetal? Réduit-il vraiment l'inhibition? Est-ce qu'il rend impossible pour les adolescentes de comprendre les limites qu'elles ne doivent pas dépasser dans leur comportement?
Cela m'amène à faire une observation: il y a toujours un bon côté et un mauvais côté des choses. Quand j'ai examiné certains de ces programmes dans le Nord, dans le cadre desquels on ramène les jeunes vivre dans la nature, j'ai aussi entendu dire qu'il y a eu des cas d'enfants victimes d'agression sexuelle pendant ces «expériences de guérison». J'ignore comment on peut éviter cela, mais vous ne devez pas perdre cet aspect de vue quand vous réfléchissez à l'opportunité de cette activité.
Pour revenir à Mme Latimer au sujet des statistiques sur les adolescentes dans le système de justice, vous avez parlé d'«infraction administrative». Avez-vous une idée quelconque du nombre de ces jeunes femmes qui sont entraînées dans le système à cause d'infractions de nature sexuelle?
Mme Latimer: J'ai regardé les chiffres pour voir combien de jeunes sont accusés de sollicitation chaque année. J'ai été étonnée. La pire année, il y a eu plus de 400 jeunes accusés de sollicitation, et le nombre d'accusations est tombé ensuite à 190 les années suivantes. Il y a beaucoup d'adolescentes et d'adolescents qui sont exploités dans le commerce du sexe et qui sont mis en accusation pour cette infraction.
Nous sommes très intéressés à explorer des solutions de rechange et des méthodes extrajudiciaires pour traiter ce comportement, au lieu de victimiser davantage les jeunes en les ramenant dans le système de justice. Nous prévoyons organiser une discussion en table ronde sur certaines de ces solutions de rechange aux accusations de sollicitation et sur la façon de régler ce problème de façon plus constructive.
Nous travaillons en étroite collaboration avec la police. L'une des options que nous avons données à la police est le pouvoir discrétionnaire de décider en première ligne d'aiguiller les jeunes vers des programmes communautaires, ou quelque chose de complètement différent, au lieu de passer par le système de justice pour adolescents. Cela peut donner de bons résultats pour certains enfants souffrant du SAF/EAF, si l'on constate qu'ils ne comprennent pas les liens de causalité. Vous avez raison, sénateur, nous devrons trouver d'autres moyens de régler ces problèmes de comportement.
La sollicitation soulève un point intéressant. Nous avons eu une réunion interministérielle pour examiner d'autres façons de régler le problème de la sollicitation. Les participants se sont penchés sur un certain nombre de projets pilotes d'un bout à l'autre du pays. À Winnipeg, la police cherche activement à aiguiller les jeunes vers quelque chose d'autre que le système de justice criminelle. La police pourrait facilement diriger les jeunes vers un programme plus efficace qui fait appel à un système d'apprentissage expérienciel et qui déploie des efforts pour essayer de s'attaquer à des problèmes qu'ils connaissent de fond en comble. Nous devons réfléchir à des méthodes plus constructives pour nous attaquer à certains de ces problèmes. Je peux vous faire parvenir les chiffres.
Le sénateur Pearson: Ce serait utile.
Vous pourrez peut-être faire un suivi là-dessus à cause du programme de Winnipeg. J'ignore si c'est le programme dont s'occupe Penny Sinclair; la ville de Winnipeg lui fait don d'une maison pour l'aider à loger les jeunes qui sortent du système. Mme Sinclair est l'exemple idéal d'une femme autochtone qui a de l'expérience, qui a réussi à refaire sa vie et qui est devenue un extraordinaire modèle de comportement pour les autres. Voilà l'exemple de réussite qu'il faut essayer d'imiter, si nous voulons que nos efforts soient durables. C'est bien beau d'avoir un projet, mais comment s'assurer d'avoir un plan à long terme, pour que le projet soit durable?
Mme Begin: La durabilité est problématique, surtout lorsqu'il n'y a pas de financement de base continu des projets et des programmes.
Nous essayons de travailler avec les parrains des projets que nous appuyons aux termes de la Stratégie de prévention du crime pour réfléchir, dès le départ, à la survie à long terme du projet. Pendant la durée du projet, à mesure que l'on obtient des résultats, on s'efforce de trouver de nouveaux partenariats et d'obtenir l'adhésion des notables de l'endroit. Comme la prévention du crime par le développement social touche à tellement de dossiers qui relèvent des provinces, nous obtenons dès le départ l'adhésion des responsables provinciaux et nous veillons à maintenir leur intérêt et leur appui. On sait que les responsables du projet se tourneront probablement vers eux à l'avenir pour obtenir la suite du financement. C'est un dossier important; nous y travaillons et nous cherchons à mettre au point un nouvel énoncé de politique qui nous sera utile, ainsi qu'aux collectivités que nous appuyons.
M. Pentney: Nous dépensons des sommes considérables pour l'administration de la justice dans la société canadienne. Ce qu'il faut voir, dans le cas de ces programmes, c'est dans quelle mesure ils ont été intégrés au mode ordinaire d'administration de la justice. Ce sont des Autochtones qui sont en cause, et il y a des différences culturelles qu'il faut respecter.
La justice réparatrice est une approche qui est efficace pour tous ceux qui ont des démêlés avec la loi, lorsque les circonstances s'y prêtent. La difficulté consiste en partie à continuer de travailler avec le système ordinaire pour que ceux qui y travaillent au niveau de la planification et de l'administration constatent que, au moins pour un certain groupe de délinquants réels ou potentiels, ce type d'intervention sera à long terme d'un meilleur rapport coût-efficacité. Nous faisons du travail là-dessus, et d'autres y travaillent aussi, pour commencer à mesurer les résultats et faire une analyse globale avantages-coûts, non pas seulement en termes de dollars, mais pour ce qui est de bâtir et de renforcer les communautés et d'obtenir d'autres résultats positifs.
Un rapport publié récemment examine le programme de guérison communautaire de Hollow Water. Ce rapport comprend une analyse avantage-coût très étoffée. La Fondation pour la guérison des Autochtones et le solliciteur général ont partagé cette évaluation. Ce rapport donne de bonnes nouvelles, en ce sens qu'il montre que ces interventions sont d'un bon rapport coût-efficacité.
La présidente: La Stratégie sur la justice applicable aux Autochtones en est à sa dernière année d'un mandat de cinq ans. Le programme a été reconduit pour une période d'un an. Le niveau de financement dont bénéficie la stratégie est-il suffisant pour répondre aux demandes que vous recevez des groupes communautaires?
M. Pentney: Nous avons eu des consultations avec les provinces, les territoires et les communautés autochtones pour examiner le niveau et le besoin. Nous avons constaté qu'il y a une véritable soif de ces programmes. Compte tenu de la situation dans laquelle se trouve actuellement le gouvernement du Canada, nous pensons que l'on pourrait augmenter le financement des programmes communautaires.
Il faut souligner que l'argent consacré à ces programmes va presque en entier directement aux collectivités. Il n'y a pas d'énormes bureaucraties qui administrent ces programmes. Nous acheminons l'argent aux collectivités dans toute la mesure du possible, compte tenu de certaines contraintes quant à l'obligation de contrôler, d'évaluer et de vérifier.
Beaucoup de professionnels avec lesquels nous travaillons déploient quantité d'efforts pour aider les collectivités à se retrouver dans la jungle administrative et à mettre au point des programmes efficaces. Il y a place pour une augmentation dans ce domaine. Les gouvernements provinciaux et territoriaux constatent maintenant le succès de ces programmes et veulent continuer à les appuyer. Ces programmes sont financés moitié-moitié; chaque dollar investi par le gouvernement fédéral dans le cadre de la Stratégie sur la justice applicable aux Autochtones donne lieu à un investissement égal ou supérieur. Les représentants du gouvernement de la Saskatchewan pourraient vous en dire long; ils ont beaucoup d'avance sur nous pour ce qui est d'appuyer ces programmes, de même que les territoires. Il y a place pour une certaine croissance.
La présidente: Cela veut-il dire que le financement sera reconduit?
M. Pentney: Nous plaidons avec toute la vigueur dont nous sommes capables pour la prolongation et l'augmentation du financement.
Le sénateur Léger: Vous avez évoqué les camps de nature couronnés de succès et vous avez mentionné Burnt Church, au Nouveau-Brunswick, et je voulais vous en remercier.
La présidente: Ce fut une séance très intéressante. J'espère que nous sommes devenus partenaires et que nous pouvons nous entraider pour ce qui est de cerner les besoins, les questions et les difficultés. Si nous n'agissons pas dès maintenant, je prédis que d'ici dix ans, nous aurons un problème encore plus lourd et nous ne voulons pas que cela arrive au Canada.
L'un des plus graves problèmes auxquels nous sommes confrontés tient à l'existence des stéréotypes et d'un racisme latent. La sensibilisation est le seul moyen de changer le cours des choses, mais on ne peut pas la légiférer. En travaillant ensemble, il faut espérer que nous réussirons à faire quelque chose.
M. Pentney: Quand vous prendrez connaissance de la documentation, si vous avez des questions ou que vous vouliez de plus amples renseignements, n'hésitez pas à communiquer avec nous.
La séance est levée.