Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 11 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 5 février 2002
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi C-37, Loi facilitant la mise en oeuvre des dispositions des règlements de revendications des Premières nations en Alberta et en Saskatchewan qui ont trait à la création de réserves ou à l'adjonction de terres à des réserves existantes et apportant des modifications corrélatives à la Loi sur la mise en oeuvre de mesures concernant le règlement de revendications au Manitoba et à la Loi sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan, se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour en faire l'examen.
Le sénateur Thelma J. Chalifoux (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, je souhaite la bienvenue aux témoins. Monsieur Youssef, si vous voulez bien.
M. Michel Youssef, directeur, Direction des spéciaux de la mise en oeuvre, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: Honorables sénateurs, le projet de loi C-37 profitera à la fois aux Premières nations et aux Canadiens intéressés par le développement des terres de réserve proposées.
Les Premières nations pourront offrir des possibilités de développement économique sur les terres de réserve proposées même lorsque ces terres sont en train d'être ajoutées aux réserves. Pour leur part, les tierces parties qui détiennent déjà des droits à l'égard de ces terres ou qui désirent s'allier avec des Premières nations dans des entreprises pourront le faire avec une plus grande certitude commerciale. Enfin, le Canada sera mieux en mesure d'honorer ses obligations concernant l'élargissement des réserves découlant des revendications.
Le projet de loi est un instrument utile pour les parties engagées dans le développement des terres de réserve proposées. Plus précisément, il facilite et accélère l'exécution des engagements en matière d'élargissement des réserves par suite du règlement des revendications en Alberta et en Saskatchewan. Il offre divers moyens de régler la question des droits actuels ou proposés des tierces parties à l'égard des terres sélectionnées même avant que la Première nation n'achète les terres en question.
Grâce au projet de loi à l'étude, les Premières nations seront en mesure de négocier avec les tierces parties qui détiennent des droits et de conclure des ententes avec elles en même temps qu'elles négocient l'acquisition des terres avec le détenteur du titre de propriété. Cette disposition aidera énormément les Premières nations, à l'achat de terres, car la question des servitudes aura été réglée avant qu'elles n'investissent de l'argent.
Le règlement à l'avance des droits des tierces parties permet aussi de procéder à l'aménagement des terres de réserve proposées pendant le processus de transformation des terres en réserve. Ainsi, les Premières nations pourront choisir des terres économiquement viables, peut-être des terres déjà en train d'être aménagées, au lieu de sélectionner des terres uniquement parce que moins de tierces parties y ont des droits.
Le projet de loi C-37 simplifiera davantage le processus de création de réserves en conférant au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, plutôt qu'au gouverneur en conseil, le pouvoir d'accorder le statut de réserve aux terres sélectionnées dans le cadre du règlement des revendications.
Pour situer en contexte les éventuelles répercussions de ce projet de loi, madame la présidente, les 24 ententes sur les règlements des revendications en Alberta et en Saskatchewan visent 2 millions d'acres de terre pour lesquelles des engagements ont été pris en vue de les transformer en réserve, mais qui n'ont pas encore été octroyées. De ces 2 millions d'acres, une superficie considérable a été sélectionnée et fait maintenant l'objet d'une évaluation en vertu de la politique du ministère sur les ajouts aux réserves. La plupart des terres sélectionnées — sinon toutes — sont grevées de droits de tierces parties ou font l'objet de nouveaux projets de développement. Ces engagements, qui s'ajoutent au million et demi d'acres visées par 14 ententes sur le règlement de revendications au Manitoba dont il est question dans la Loi sur la mise en oeuvre de mesures concernant le règlement de revendications au Manitoba — tout juste promulguée —, représentent 97 p. 100 de la superficie de terres que le Canada s'est engagé à transformer en réserves dans le cadre de règlements de revendications à l'échelle nationale. C'est justement l'importante superficie de terres qui a poussé le gouvernement à recommander l'adoption de lois propres à la situation des Prairies.
Honorables sénateurs, il est également important de noter que la loi ne s'appliquera que lorsqu'une Première nation décidera d'y avoir recours. Les Premières nations auront le choix, aux fins de leurs ententes sur le règlement des revendications, soit de respecter les dispositions du projet de loi C-37, soit de continuer à suivre le processus actuel. Par exemple, si une Première nation conclut deux ententes relatives au règlement de ses revendications, elle pourrait opter pour le projet de loi C-37 dans le cas d'une de ses ententes et, pour des raisons bien à elle, choisir les mécanismes actuels dans le cas de l'autre. Les Premières nations ont toute la latitude voulue.
J'aimerais également vous faire remarquer que le projet de loi C-37 ne donne pas effet aux ententes relatives au règlement des revendications, qu'il ne fait que faciliter leur mise en oeuvre.
Le projet de loi C-37 comprend aussi des modifications à d'autres lois, dont la Loi sur la mise en oeuvre de mesures concernant le règlement de revendications au Manitoba. Ces modifications n'ont d'autre but que de préciser le libellé des lois en question, notamment de les rendre plus claires, d'en améliorer l'application et d'en assurer la cohérence complète avec le projet de loi C-37.
Honorables sénateurs, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer au sujet de ce projet de loi important. Mes collègues et moi serons maintenant heureux de répondre à vos questions.
Le sénateur Johnson: Il s'agit d'un projet de loi technique. J'en ai déjà parlé quand est entrée vigueur la loi visant le Manitoba. Le projet de loi à l'étude facilite la mise en oeuvre des règlements des revendications foncières. Il faut d'abord régler les revendications.
En ce qui concerne les engagements, vous avez mentionné un pourcentage de 97 p. 100. Les 3 p. 100 qui restent ont- ils un rapport, dans le cadre de ce débat?
M. Youssef: Il est question de droits fonciers issus de traités et de règlements de revendications particulières qui engagent l'élargissement de réserves. Quand je parle d'un taux de 97 p. 100, je parle de tous les règlements intervenus à l'échelle nationale. Les 3 p. 100 qui restent se trouveraient à l'extérieur des Prairies.
Le sénateur Johnson: Qu'arrive-t-il à ces 3 p. 100? Ont-ils un rapport avec le projet de loi à l'étude ou est-ce une question tout à fait à part?
M. Youssef: Les 3 p. 100 qui restent ne sont pas visés par la loi à l'étude actuellement. Le volume des terres situées dans les Prairies a convaincu toutes les parties de s'entendre.
Le sénateur Johnson: Y a-t-il un manque dans les Prairies? Par là, j'entends y a-t-il un manque par rapport à d'autres régions?
M. Youssef: Dans l'ensemble, les forts volumes sont attribuables, effectivement, aux droits fonciers issus de traités.
Le sénateur Johnson: Au Manitoba, la loi a été adoptée en octobre 2000. Jusqu'ici, les Premières nations n'ont pu se prévaloir des dispositions parce que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien n'a toujours pas mis en place un processus administratif au moyen duquel elle pourrait le faire. À quel point est-ce typique? Une fois que les lois seront en vigueur, combien de temps faudra-t-il avant qu'elles puissent vraiment s'appliquer?
M. Youssef: Cinq Premières nations du Manitoba ont exercé leur option de mettre en oeuvre les règlements des droits fonciers issus de traités au moyen du projet de loi C-14; plusieurs autres sont en train d'y réfléchir. Pour ce qui est des cinq qui ont choisi cette option, on est en train de faire la sélection des terres, mais elles n'ont pas recours aux mécanismes prévus dans le projet de loi C-14 simplement parce que la sélection n'a pas atteint le point où elles ont besoin d'exercer certains des pouvoirs que leur confère le projet de loi. Elles règlent d'autres questions comme l'arpentage, les inspections environnementales et ainsi de suite.
La plupart des dispositions du projet de loi C-14 n'exigent pas de nouveaux outils administratifs. Elles peuvent être entièrement appliquées au moyen des processus existants, qui ressemblent à ceux que prévoit la Loi sur les Indiens. Je parle évidemment ici de formalités administratives. Toutefois, deux dispositions, soit celle qui confère au ministre le pouvoir de créer des réserves et l'autre qui lui confère le pouvoir de mettre de côté des terres à titre de réserve, exigeront de nouvelles façons de faire. Leur élaboration est presque terminée. Nous nous attendons de les avoir en place sous peu et certes bien avant que les Premières nations en aient besoin.
Le sénateur Johnson: Je crois comprendre de ce que vous dites que le MAINC est celui qui élabore le processus administratif. Le modèle sera-t-il utilisé en Saskatchewan et en Alberta?
M. Youssef: Oui. Cela fait essentiellement partie de ce qui a pris tant de temps à négocier parce qu'on voulait que les processus soient uniformes dans les trois provinces.
Le sénateur Johnson: Y aura-t-il un directeur général, comme il y en a au Manitoba, pour la structure ou le cadre équivalent?
M. Youssef: Faites-vous allusion aux services régionaux qui mettent en oeuvre les règlements?
Le sénateur Johnson: Le directeur général du comité du Manitoba chargé des droits fonciers issus des traités représente 20 revendicateurs de pareils droits dans la province, n'est-ce pas?
M. Youssef: Je suis au courant de l'existence du comité. Toutefois, en Saskatchewan, il existe un directeur des droits fonciers issus des traités qui travaille de concert avec le MAINC à aider les Premières nations à mettre en oeuvre le règlement. En Alberta, la situation est différente.
Le sénateur Johnson: Y aura-t-il des différences dans les façons de mettre en oeuvre les dispositions, selon la province?
Mme Evelyn Shalapata, directrice, Droits fonciers issus de traités, Revendications particulières, région de la Saskatchewan, ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord: En Saskatchewan, le cadre relatif aux droits fonciers issus de traités exigeait de nombreux travaux techniques de la part de la bande, de sorte que la Federation of Saskatchewan Indians a établi un groupe pour aider les Premières nations à se doter de la capacité de sélectionner les terres, de négocier avec les tierces parties et de s'occuper entre autres des titres fonciers.
Chaque année, nous versons une subvention à la fédération, mais il ne s'agit pas d'une aide permanente. Nous la financerons jusqu'à ce que ses services ne soient plus requis — les subventions diminuent avec le temps —, jusqu'à ce que les Premières nations puissent s'occuper elles-mêmes de leurs transactions foncières.
Le sénateur Johnson: Quelle est la situation en Alberta?
M. Jim Sisson, directeur, Revendications et gouvernement indien, région de l'Alberta, ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord: L'Alberta est un peu à part à cet égard. La province préfère négocier avec chaque nation individuellement. Aussi, chaque entente porte uniquement sur une Première nation. La mise en oeuvre devient alors fonction, en réalité, des rapports entre le gouvernement du Canada, la province de l'Alberta et les Premières nations. Nous avons tendance à régler avec une nation à la fois. Les processus administratifs en place dans notre région permettraient de régler ces questions, de sorte que nous normaliserions nos processus en fonction de la politique nationale qui exige l'approbation du ministre plutôt qu'un décret. C'est ce qui se produirait dans la Région de l'Alberta des Affaires indiennes.
M. Youssef: En réponse à votre question, sénateur, les outils et les formalités que nous sommes en train de mettre en place visent uniquement le traitement interne de décisions ministérielles visant à créer des réserves et à mettre de côté des terres à titre de réserves. Elles ne s'appliquent pas aux échanges entre la Première nation et nous. Une fois que nous sommes prêts à faire approuver l'ajout de terres ou leur mise de côté, il faut décider de quoi auront l'air les formulaires et quel sera leur cheminement, simplement parce que les façons de faire sont différentes selon qu'il s'agit d'un décret du gouverneur en conseil ou d'une décision ministérielle.
La présidente: Comme vous le savez, dans la région de l'Alberta que je connais mieux que les autres, on négocie des revendications foncières depuis de nombreuses années. Nul ne semble capable de prendre une décision. Je parle évidemment de dossiers comme celui des Lubicon, de Bigstone et de litiges entre Trout Lake et Peerless Lake. Je crois savoir que la bande des Alexander a réglé, tout comme celle des Alexis.
Néanmoins, en quoi le projet de loi à l'étude aidera-t-il la négociation de règlements dans la partie septentrionale de la province? J'ai reçu des appels de gens qui me disent se battre depuis 10 ans et n'avoir pas obtenu de réponse. De quelle façon le projet de loi à l'étude aura-t-il une influence sur cette situation?
M. Youssef: Le projet de loi C-37 vise la mise en oeuvre après la date d'entrée en vigueur. Il aidera à mettre de côté des terres à titre de réserve. Il ne cherche pas forcément à faciliter la négociation. Cela a un rapport particulier avec la situation albertaine, où l'on repère les terres au moment de la négociation. Le fait de savoir au départ comment se réglera la question des tierces parties aidera au moins à régler l'aspect foncier des négociations. En Alberta, cela devrait faciliter les règlements.
Au Manitoba, dans le cadre du projet de loi C-14, et en Saskatchewan, où la situation est en règle générale un peu différente, où les règlements prévoient le versement d'argent pour l'acquisition de terres entre acheteur et vendeur consentants, on ne connaît pas forcément les intérêts qui sont détenus à l'égard de ces terres. C'est en ce sens que la négociation pourrait ne pas s'en trouver très facilitée.
Je sais que le ministère examine d'autres mesures en gestation qui pourraient faciliter ou accélérer les règlements, mais le projet de loi à l'étude n'est mis en oeuvre en réalité qu'après la date d'entrée en vigueur, sauf bien sûr pour le cas spécial que j'ai mentionné, soit l'Alberta.
M. Sisson: En Alberta, nous avons 11 règlements de droits fonciers issus de traités ou d'adhésion. Nous sommes en train d'en négocier quatre autres, y compris les négociations Bigstone avec Peerless et Trout Lake, y compris Chipewyan Lake, ainsi qu'avec Lubicon, Fort MacKay et Fort McMurray. On est en train d'en documenter quelques autres. Pour ce qui est des échéances, dans ces cas-là, les règlements négociés exigent que les trois parties s'entendent, et il n'est pas toujours facile de les convaincre de voir les choses du même oeil.
Nous faisons de notre mieux. Nous avons consacré de nombreuses ressources à accélérer le traitement de ces dossiers. La Province d'Alberta s'est avérée une bonne partenaire, en termes de collaboration. Ses fonctionnaires ne sont pas toujours d'accord avec les nôtres, mais les relations de travail sont bonnes. Nous nous efforçons de régler ces questions.
Comme le souligne M. Youssef, quand le projet de loi à l'étude entre en jeu, on se rapproche de la conclusion du véritable règlement. Cela fournit un autre outil pour traiter des intérêts détenus par des tiers à l'égard des terres. En Alberta, nous constatons entre autres, particulièrement dans le Nord où il y a beaucoup de ces revendications de droits fonciers issus de traités, que les intérêts pétroliers et gaziers sont en fait répartis un peu partout dans la province. Il est en réalité impossible de trouver des terres domaniales inoccupées. Il nous faut donc des mécanismes pour nous aider à travailler avec ces tierces parties. Le projet de loi à l'étude nous fournit un outil à cet égard.
Le sénateur Christensen: Le projet de loi semble de nature uniquement administrative. Je me demande, par souci de clarté, si vous pourriez expliquer la différence entre les revendications particulières et les revendications globales, des revendications foncières que nous connaissons tous bien et qui s'éternisent. Cela semble si simple. Pourtant, il est question ici de terres qui n'ont pas forcément été visées par une revendication globale.
M. Youssef: En tant que groupe, les revendications particulières se divisent en deux catégories différentes. La première regroupe les droits fonciers issus de traités, soit un genre de revendication particulière. Les Premières nations font ce genre de revendications quand elles n'ont pas la quantité suffisante de terres qui leur avait été promise.
Le sénateur Christensen: La mesure législative à l'étude ne s'appliquerait-elle que lorsqu'il existe un traité numéroté ou s'appliquerait-elle à toute Première nation qui a une revendication foncière globale?
M. Youssef: Elle s'applique à tout règlement de revendication plutôt qu'à la Première nation qui obtient un règlement engageant un élargissement des terres de réserve. C'est là où on peut observer une légère différence par rapport aux revendications globales, jusqu'ici. Il n'existe pas pour l'instant de règlements de revendications globales qui engagent l'élargissement des terres de réserve.
Le sénateur Christensen: Faudrait-il qu'une disposition prévoyant l'élargissement soit incluse dans leurs revendications foncières? Par exemple, si les revendications des Nisga'a ou des Premières nations du Yukon avaient compris une disposition d'élargissement, elle pourrait s'appliquer, mais si elle ne se trouvait pas au départ dans la revendication globale, elle ne s'appliquerait pas, n'est-ce pas?
M. Youssef: En supposant que c'était en Saskatchewan, en Alberta ou au Manitoba, oui.
Le sénateur Christensen: Ai-je raison de supposer que cela pourrait se faire et pourrait s'appliquer aux autres?
M. Youssef: Rien dans le projet de loi à l'étude n'exclut la possibilité d'inclure une pareille disposition dans la revendication globale. Par contre, cela ne s'est jamais fait jusqu'ici.
M. Sisson: Simplement par souci de clarté, je précise qu'en Alberta et en Saskatchewan, ces terres de réserve sont toutes visées par des traités numérotés. Le gouvernement du Canada a donc adopté comme principe juridique qu'il n'existe pas de revendication globale lorsque s'appliquent des traités numérotés. Comme cela vise uniquement la Saskatchewan et l'Alberta, cela ne s'appliquerait pas à des revendications globales.
Le sénateur Christensen: Quelle est la situation au Manitoba?
M. Youssef: Il n'existe pas de revendications globales dans ces trois provinces.
Les droits fonciers issus de traités visent à combler des lacunes des traités historiques. Simplement du fait des volumes en cause, nous avons tendance à traiter les revendications de droits fonciers issus de traités un peu à part des revendications particulières. Les revendications particulières découlent du non-respect d'une obligation issue d'un traité qui pourraient être liées à autre chose que la simple mise de côté de terres de réserve, par exemple la présence de dispositions agricoles ou de dispositions relatives aux médicaments dans les traités. On pourrait aussi déposer une revendication particulière pour d'autres motifs, par exemple en raison de l'aliénation illégale de terres de réserve existantes ou d'une infraction à une autre disposition de la Loi sur les Indiens, en rapport peut-être avec de l'argent. Ce sont là des revendications particulières. Elles se fondent sur un grief. Toutes les revendications de droits fonciers issus de traités sont réglées par des engagements visant l'élargissement de réserves et incluent une disposition à cet égard. De nombreuses revendications particulières ont rapport avec l'élargissement de réserves, mais elles peuvent aussi ne viser qu'une stricte indemnisation financière.
Le sénateur Christensen: Faut-il que les revendications particulières aient fait partie de l'entente d'origine? Faut-il qu'il y ait dans cette entente initiale une indication quelconque, une idée sous-entendue qu'autre chose a été promis mais n'a pas été livré? En ce sens, vous seriez aux prises avec une revendication particulière. Une bande peut-elle faire plusieurs revendications particulières?
M. Youssef: Oui.
Le sénateur Christensen: Cela semble si simple. Je suis peut-être de nature soupçonneuse. La mesure ne touche pas le Parlement, pas plus qu'elle n'engage le règlement qu'elle institue. Rien n'exige que les personnes vivant dans la réserve votent en faveur de cela. Une résolution du conseil suffit.
M. Youssef: Les règlements de revendications sont soumis à la ratification des membres.
Le sénateur Christensen: Est-il question quelque part, dans ce texte, d'une ratification?
M. Youssef: Pour la stricte application de la loi comme telle à l'accord, l'article 3 du projet de loi précise de quelle façon le projet de loi s'appliquerait au règlement des revendications, mais quant à savoir si le règlement de la revendication comme tel fait l'objet d'un vote des membres, oui, il est soumis aux membres comme l'exige la politique relative aux revendications particulières. Les membres de la bande ratifient le règlement avant qu'il ne devienne exécutoire.
Le sénateur Christensen: Si une revendication particulière était déposée avant que le ministre n'y ait mis la dernière touche, il faudrait alors que les bandes ratifient le règlement?
M. Youssef: Oui, absolument.
Le sénateur Christensen: Cela n'est pas mentionné dans le projet de loi à l'étude. Cela figure ailleurs.
M. Youssef: Il en est question dans la politique relative aux revendications particulières. Les cahiers d'information expliquent, je crois, comment s'effectue la ratification. Il en est question dans la politique du ministère. Nous veillons à ce qu'il y ait consentement éclairé, en somme à ce qu'ils comprennent bien ce qu'ils acceptent comme règlement de leur grief. Chaque règlement représente un compromis. Il est soumis à la ratification, toutes les parties le signent, puis le ministre y appose sa signature. Habituellement, l'autre partie est la Première nation, mais ce pourrait également être un gouvernement provincial.
Le sénateur Christensen: Dans les deux provinces, y a-t-il eu des consultations au sujet du projet de loi C-37 auprès de toutes les bandes et des différents particuliers en cause?
M. Youssef: Oui. Nous avons tenu des consultations avec toutes les Premières nations qui ont des règlements existants énumérés à l'annexe du projet de loi à l'étude. À au moins trois reprises, que je me souvienne, elles ont reçu des ébauches du projet de loi, tout comme les groupes autochtones des deux provinces, la Federation of Saskatchewan Indian Nations, en Saskatchewan, et les directeurs généraux chargés des traités numéros 6, 7, et 8 en Alberta. Je suis moi-même allé faire des exposés devant la Federation of Saskatchewan Indian Nations et à des réunions des directeurs généraux.
Je puis aussi ajouter que le projet de loi à l'étude est venu en grande partie d'engagements que nous avons pris dans le cadre de règlement des droits fonciers issus de traités de la Première nation Alexander et de l'entente relative aux droits fonciers de la Première nation crie de Loon River, et ces Premières nations ont elles aussi reçu des ébauches du projet de loi. Des échanges ont eu lieu et ont entraîné des changements.
Le sénateur Christensen: Rien dans la Loi sur les Indiens ne vous permet de le faire, de sorte que vous agissez à part. Pourquoi ne pourrait-on simplement modifier la Loi sur les Indiens pour le permettre?
M. Youssef: Toute modification apportée à la Loi sur les Indiens aurait une portée nationale et exigerait des consultations nationales beaucoup plus poussées. Il existait un consensus dans ces provinces, en grande partie dicté par la sensibilisation de toutes les parties aux volumes de terres en jeu. Elles avaient beaucoup d'expérience en rapport avec les problèmes posés par les intérêts de tierces parties lors de la sélection des terres et elles connaissaient les éventuelles solutions. Il était facile de dégager un consensus. Afin de régler l'arriéré dans les Prairies qui vise 97 p. 100 des revendications, nous avons décidé d'essayer de tout faire au moyen d'une loi régionale particulière aux Prairies.
Il est possible qu'à mesure qu'évoluera la situation, les Premières nations d'autres régions s'intéressent à cette solution, mais à l'époque, un consensus national n'était pas évident.
Le sénateur Christensen: Comme vous l'avez dit, c'est davantage pour les traités numérotés par opposition à ceux qui ont conclu des ententes concernant des revendications territoriales globales.
M. Youssef: Oui. Il y a des revendications particulières dans chaque région du pays.
Le sénateur Johnson: J'ai une question supplémentaire concernant les revendications particulières. On me dit que 1 089 revendications ont été soumises au gouvernement fédéral entre 1970 et juin 2001 et que, sur ce nombre, 229 seulement ont été réglées dont 46 en Saskatchewan et 30 en Alberta. L'information provient du MAINC. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est? Ma collègue parlait des revendications globales par opposition aux revendications particulières. En ce qui a trait à ces dernières, c'est aussi loin qu'elles aient pu progresser au cours de cette période. Y a- t-il une raison à cela?
M. Youssef: Je ne peux vous parler des chiffres précis que vous avez cités. J'ai remarqué que le ministère accusait des retards importants en ce qui a trait à la négociation des revendications particulières ou même à leur évaluation aux fins d'acceptation pour la négociation. C'est un problème sur lequel se penche le ministère. Quant à ce qui se passe à la table des négociations pour chacune des deux régions touchées, je peux peut-être céder la parole à mes directeurs régionaux. Si vous voulez une confirmation de ces chiffres au niveau national, je pourrais m'engager à le faire.
Le sénateur Johnson: Merci beaucoup.
Mme Shalapata: En Saskatchewan, 48 revendications ont été réglées. Comme nous réglons très souvent des revendications, ce chiffre change constamment. Huit négociations sont toujours en cours et trois d'entre elles devraient probablement se terminer sous peu. Vingt-neuf d'entre elles font l'objet d'un examen. Les revendications sont nombreuses en Saskatchewan.
Le sénateur Johnson: Mes chiffres sont tirés du mini-sommaire de la Direction générale des revendications particulières.
La Loi sur les Indiens ne prévoit pas l'expansion des terres de réserve. Cette question fait plutôt l'objet de la politique fédérale sur les ajouts aux réserves. S'il est adopté, le projet de loi C-37 remplacera cette politique pour les Premières nations de la Saskatchewan et de l'Alberta qui sont visées par des accords de règlement comportant des engagements relatifs à l'expansion des réserves et qui choisiront de se prévaloir des dispositions du projet de loi. Comment se fait-il que la Loi sur les Indiens, la principale expression des pouvoirs fédéraux concernant les communautés des Premières nations et les terres réservées à leur usage et à leur profit, ne contiennent aucune disposition sur l'expansion des réserves? Serait-il possible de modifier la loi afin de corriger cette omission? Si non, pourquoi?
M. Youssef: Cette mesure législative s'appliquera conjointement à la politique sur les ajouts aux réserves. Rien dans cette politique n'est changée si ce n'est qu'il y est stipulé que vous devez prendre en charge les intérêts des tiers. Elle ne dit toutefois pas comment le faire. Cette mesure législative aidera dans ce sens. Elles s'appliquent en parallèle.
Une des choses que je peux dire quant à la raison pour laquelle la Loi sur les Indiens ne prévoit pas l'expansion des réserves s'explique par ma compréhension de l'histoire de cette loi. Lorsqu'elle fut promulguée à l'origine, la loi portait surtout sur la façon de gérer les réserves existantes. À cette époque personne ne songeait à la façon dont on s'y prendrait pour élargir l'étendue des terres de réserve. Je ne sais pas si c'est le gouvernement de l'époque qui a décidé de ne pas élargir l'étendue des terres de réserve, mais il n'y était certes pas question de l'expansion des terres de réserve. Il s'agissait de gérer l'actif alors en place. Je suppose que la façon d'élargir l'étendue des terres de réserve n'est pas venue à l'esprit des rédacteurs ou du gouvernement.
Quant à la question de savoir si la Loi sur les Indiens peut un jour être modifiée afin de corriger cette omission, je ne voudrais pas spéculer sur l'orientation que pourrait prendre un gouvernement futur à cet égard.
Le sénateur Johnson: Nous savons tous que la Loi sur les Indiens ne date pas d'hier. Au fur et à mesure que le temps passe, trouvez-vous plus difficile de l'appliquer? Elle n'a pas été modifiée depuis longtemps.
M. Youssef: Sauf votre respect, sénateur, je ne crois pas qu'il soit de ma compétence de critiquer la loi avec laquelle le ministère et moi-même devons travailler.
Le sénateur Johnson: Je ne vous demande pas de critiquer, je vous pose une question au sujet de la souplesse de la loi étant donné qu'elle remonte à 126 ans.
A-t-on raison de remplacer la politique fédérale relative aux ajouts aux réserves par un processus législatif dans le cas des Premières nations touchées de l'Alberta et de la Saskatchewan?
M. Youssef: Nous ne remplaçons pas la politique sur les ajouts aux réserves. Nous créons simplement des mécanismes pour respecter une exigence. Nous ne remplaçons pas la politique. Nous mettons simplement en place les mécanismes qui permettront de respecter une de ces conditions, à savoir servir les intérêts de tiers. Il est dit dans la politique de reconnaître et de servir les intérêts de tiers ce qui a été fait en général en les rachetant et en les annulant pour libérer les titres. Cependant, il est plus productif de préserver les intérêts pour le profit de tous, les détenteurs de l'intérêt et la Première nation qui touche les loyers et les redevances. Nous proposons une mesure législative qui permettra de respecter l'exigence de la politique sur les ajouts aux réserves. La politique n'a pas changé; le projet de loi en facilite simplement l'application.
M. Sisson: Si vous permettez à un exécutant de faire une observation, nous n'avons pas beaucoup d'outils à notre disposition pour traiter avec ces tiers.
Dans le cas des terres qui font l'objet d'un intérêt détenu pas un service public peu d'options s'offrent en vertu de la loi actuelle. Nous avons essayé diverses solutions créatrices de concert avec les Premières nations dans la province où aucune loi dans ce sens n'existe et nous avons eu de la difficulté à appliquer ces solutions.
Ce projet de loi nous donne une panoplie d'outils pour servir ces intérêts. Nous espérons trouver une solution qui profitera à toutes les parties. À l'heure actuelle, la solution la plus facile pour quelqu'un qui achète une terre de réserve, c'est d'éliminer les intérêts de tiers, mais cela suppose des coûts. Ils s'attendraient à être compensés, à être rachetés, à recevoir de l'argent et ils peuvent avoir intérêt à aménager les terres avant leur transfert en terre de réserve. Cependant, il a été très difficile de faire en sorte que cela arrive.
Cette mesure législative nous permettra de trouver plus efficacement ce genre de solution, une relation de travail. Je la décrirais comme un projet de loi administratif, mais il nous permet de rationaliser et nous offre quelques autres options. Il nous aidera à collaborer avec les Premières nations pour régler ces problèmes.
M. Youssef: M. Sisson a fait allusion aux longs processus de discussion entre les tiers, le ministère et les Premières nations au sujet de la façon de faire ce que tout le monde a convenu, c'est-à-dire préserver l'intérêt, simplement parce que les Premières nations ne disposent d'aucune capacité juridique pour voter relativement à l'octroi de l'intérêt. Par conséquent, on a donc consacré beaucoup de temps à discuter de la façon de faire quelque chose et non pas de ce que vous vouliez faire. En précisant la façon dont les choses se feront et en autorisant la tenue d'un vote, vous éliminez de longs mois de discussion sur la façon dont cela devrait se faire. Cela permettra aux parties de se concentrer sur l'entente qu'elles veulent conclure.
La présidente: Monsieur Sisson, les réserves louent des terres depuis toujours. Si vous achetez la terre d'un agriculteur, pourquoi serait-il difficile de lui la lui céder à bail pour qu'il l'aménage? Vous n'avez pas besoin de cela.
M. Sisson: Techniquement parlant, pour que la terre passe entre les mains du gouvernement canadien, il faudrait quitter le régime provincial. On se retrouverait ainsi avec un décret du conseil provincial qui ne peut être émis qu'une fois que la terre a été libérée de l'intérêt détenu par un tiers. Il y a un hiatus avant l'entrée en vigueur du décret du conseil et l'acceptation de la terre comme terre fédérale. La terre est alors ajoutée à la réserve, ce qui exige un autre processus. Ces étapes existent. Le problème c'est de préserver l'intérêt. Un agriculteur détenant un droit de tenue à bail n'a aucune garantie pendant cet hiatus. Il s'agit d'essayer de régler ce problème et de donner aux tiers une plus grande certitude en ce qui a trait à leurs droits et leurs intérêts.
M. Youssef: Les Premières nations ont toujours loué des terres de réserve, mais surtout des terres mises de côté à titre de réserves. La formulation de la Loi sur les Indiens a été interprétée comme ne s'appliquant qu'aux terres qui constituent déjà des réserves. Les Premières nations ne peuvent voter que si la réserve existe déjà. Par conséquent, comme M. Sisson l'a dit, nous remédions à cela.
Le sénateur Gill: J'admire le courage et l'optimisme de votre tentative de résoudre certains de ces problèmes, très difficiles, des revendications.
J'ai l'impression que l'opinion publique, de façon générale, est que l'argent mis de côté pour les peuples autochtones suffit et est même, très souvent, trop. Nous entendons souvent parler de ce chiffre de 7 milliards de dollars, et les gens disent qu'ils ne devraient pas demander plus.
Vous voudriez accélérer l'adoption de ce projet de loi pour pouvoir répondre aux revendications des peuples autochtones. C'est bien beau, mais avez-vous la moindre garantie que l'argent sera là? Nous pouvons rédiger et modifier la loi, mais il nous faut les outils ou l'argent pour en appliquer les dispositions. Telle que la situation est maintenant, vous serez incapables de régler plus de revendications que par le passé.
M. Youssef: La mise en oeuvre du règlement des revendications qui sont traitées, des réclamations spécifiques et des droits fonciers issus de traités, est déjà financée par l'enveloppe budgétaire des revendications du ministère des Affaires indiennes, et un financement spécial est prévu pour les accords cadres plus vastes relatifs aux droits fonciers issus de traités. En facilitant la négociation des intérêts tiers, nous libérons une plus grande partie de ce budget de mise en oeuvre pour composer avec d'autres aspects de la politique d'ajouts aux réserves parce que nous passons moins de temps à aider les parties à négocier des ententes. Pour répondre à votre question, un budget est prévu pour la mise en oeuvre de ce genre de règlements, à même l'enveloppe du budget des revendications.
Pour ce qui est du climat politique dans les deux régions des Prairies qui sont touchées, je ne sais pas si ma collègue veut ajouter quelque chose.
Mme Shalapata: La Saskatchewan participe aussi au processus des revendications, et nous avons d'excellents rapports de travail avec eux. Nous traitons aussi avec les municipalités urbaines et rurales pour régler les enjeux ou les problèmes que nous pouvons avoir, ou répondre aux questions qu'ils peuvent avoir. La Saskatchewan affiche une certaine ouverture à l'égard des revendications.
Le sénateur Gill: Vous avez parlé des revendications globales et de revendications spécifiques. Ces deux types de revendications sont visés. Est-ce que cela permettra à la Commission sur les revendications particulières des Indiens d'accélérer les négociations?
M. Youssef: Comme je l'ai dit plus tôt, cette loi ne vise pas l'accélération du rythme des négociations. L'Alberta pourrait être une exception, parce qu'elle a déjà recensé les terres qui deviendront des réserves. Cependant, cette proposition n'accélérera pas les règlements de revendications. Nous traitons des règlements qui se rapportent à l'élargissement des réserves.
Le sénateur Gill: Il ne s'agira que de la mise en oeuvre.
M. Youssef: C'est bien cela.
Le sénateur Gill: Est-ce que quelque chose est fait qui accélérera le processus de négociation?
M. Youssef: Je sais que les négociations sont en cours. Je sais qu'il y a des discussions au sujet de la Commission sur les revendications particulières des Indiens. Je ne m'occupe pas de ce secteur, alors je ne peux pas en parler plus en détail, à part pour dire que je sais qu'un autre secteur du ministère s'intéresse à cette question.
Le sénateur Gill: Je présume que les gouvernements provinciaux, les peuples autochtones et les autres intéressés vous rencontrent pour discuter et négocier certaines choses. Je suppose aussi que, dans tout ce processus de négociation, vous traitez de mise en oeuvre et vous obtenez le feu vert du gouvernement provincial. Est-ce que je me trompe ou est-il vrai que chaque fois que vous réglez quelque chose avec une tierce partie ou avec un peuple autochtone, vous devez obtenir l'aval du gouvernement de la province?
M. Youssef: Il y a deux étapes. Pour les droits fonciers issus de traités, bien entendu, les provinces participent au règlement des revendications, et lorsque les terres sont désignées dans une entente conclue, et tout cela se fait en même temps. Pour les revendications spécifiques, dans les deux régions je crois, même si une province ne participe pas aux négociations, elle est tenue au courant des revendications spécifiques qui sont faites et des engagements qui seront pris dans leur règlement.
En ce qui concerne la participation des provinces dans la sélection de terres, les terres sont fournies par la province dans le cadre du règlement, sont achetées à la province lorsqu'elle est disposée à conclure une entente, ou achetées d'un vendeur privé. Lorsque c'est un vendeur privé, la province est consultée sur les préoccupations que peut lui causer le transfert des terres à une réserve, sur le plan des répercussions de ce transfert sur ses programmes et services. La province participe au mouvement des terres, pas nécessairement à tout ce qui concerne les intérêts tiers ou tous les enjeux, mais elle participe à tout ce qui est pertinent pour elle.
M. Sisson: Nous entretenons des rapports étroits avec le gouvernement de l'Alberta. Nous le consultons au sujet de toutes les revendications de territoires et nous le tenons au courant des progrès des revendications spécifiques. Lorsque les terres visées relèvent de l'autorité provinciale, il est certain que nous consultons la province.
M. Youssef: Bien entendu, étant donné que ce sont des terres provinciales, nous n'obtiendrions pas de décret en conseil de la province pour le transfert des terres à moins qu'elle soit satisfaite du résultat.
Mme Shalapata: La Saskatchewan a une organisation qui s'occupe des droits fonciers issus de traités, et nous avons un protocole d'entente avec elle au sujet de revendications spécifiques. Nous entretenons de bonnes relations de travail avec ses représentants, et nous avons conçu des processus conjoints entre les deux gouvernements pour le transfert des terres aux réserves.
Le sénateur Gill: Je soupçonne que le projet de loi C-37 a été rédigé pour composer spécifiquement avec la situation de la Saskatchewan et de l'Alberta, et il pourrait s'appliquer quelque peu au Manitoba. Il existe des traités dans la plupart des provinces. Pour celles qui n'ont pas de traité, pensez-vous que ce modèle pourra s'appliquer un jour? Je parle de l'élargissement des réserves plus que des revendications globales.
M. Youssef: Cette loi a déjà servi de modèle dans le sens où la partie II de la loi du Manitoba sert de modèle pour ceci. Vous avez tout à fait raison, dans les autres provinces où il y a des revendications spécifiques ou des règlements qui prévoient l'élargissement de réserves, le même type d'enjeux relatifs aux intérêts tiers se posent. Les volumes sont beaucoup moins importants, alors les problèmes sont peut-être moins connus et moins compris, mais on peut tout à fait dire qu'ils étudieront l'expérience du projet de loi du Manitoba et du projet de loi C-37 pour voir si certains avantages pourraient être répandus à d'autres provinces.
Le sénateur Christensen: Le plus gros du travail, dans la réalisation des règlements, c'est de composer avec les tiers. Est-ce que ce les intérêts tiers, pour la plupart, sont conscients qu'ils pourraient être visés par des revendications spécifiques à un moment donné?
M. Youssef: Les groupes qui représentent les intérêts tiers, comme les associations de l'industrie minéralogique et de l'industrie forestière, particulièrement dans les provinces des Prairies, ont fini par comprendre la position qu'elles occupent dans le processus des ajouts aux réserves et les problèmes qu'il peut y avoir à protéger leurs intérêts. Au moment de la sélection préliminaire des terres, des rapports ont été établis avec les détenteurs de droits qui ont été recensés. Ils sont très au fait de ce que tout le monde s'efforce de faire. Ils ont tous convenu de ce dont avec quoi ils sont prêts à composer, mais ils ne savent tout simplement pas comment s'y prendre.
Oui, ils ont participé au processus. Les groupes comme les associations canadiennes de l'industrie minéralogique en ont une certaine connaissance et peuvent même avoir des modules chargés particulièrement de cela.
Le sénateur Christensen: Qu'arriverait-il dans le cas d'un puits de gaz ou de pétrole qui se trouve sur une terre? Si vous devez transférer les titres intégralement, que se passe-t-il?
M. Sisson: C'est là que le bât blesse. Certaines terres visées par des revendications spécifiques en Alberta empiètent sur des gisements de pétrole exploités, ce qui augmente leur valeur. C'est pourquoi nous avons vu des règlements portant sur des sommes faramineuses. L'année dernière, nous avons eu un règlement avec la Première nation de Horse Lake pour le rachat d'une réserve qui avait été créée frauduleusement. Le chiffre était de l'ordre de 125 millions de dollars parce que la réserve empiétait sur un gisement exploité de gaz naturel. C'est le coût des affaires en certains endroits.
Nous avons eu dans le passé quelques options à propos de puits de pétrole existants. Il y a d'abord eu ce que l'on appelait le «trou de serrure.» En pareille situation, vous donnez à l'exploitant un accès routier et un cercle de terre autour du puits. Cela en fait permet d'avoir une réserve autour d'un puits de pétrole en production, mais les Premières nations ne bénéficient d'aucun avantage de cette production.
Récemment, la province de l'Alberta nous a autorisés à conclure des accords permettant aux Premières nations de négocier avec un intérêt pétrolier en vue d'acheter certaines ou toutes les parts.
Une autre option consiste à voir si l'intérêt provincial peut correspondre à celui du fédéral dans les cas de concessions de pétrole et de gaz naturel. Cela a été difficile à faire, parce que nous n'avions pas de très bons outils, sans compter la lacune dont j'ai fait mention un peu plus tôt. C'est faire un peu acte de foi que de renoncer à l'intérêt provincial dans l'espoir d'obtenir un intérêt fédéral lorsque la bande doit procéder à un vote entre-temps et que l'on n'en connaît pas les résultats.
Cette loi va supprimer une telle incertitude et nous donner un autre outil. Nous espérons pouvoir installer une réserve autour d'un puits de pétrole en production et faire en sorte que l'intérêt provincial corresponde à l'intérêt fédéral. De cette manière, au lieu d'avoir à découper quoi que ce soit, on pourrait s'arranger pour trouver une correspondance; les avantages et les redevances reviendraient à la Première nation au lieu de revenir à la province de l'Alberta.
Le sénateur Christensen: Que se passe-t-il lorsqu'une municipalité ou une autre société constituée en personne morale ou non bénéficie de recettes fiscales sur une terre en particulier et les perd par suite du transfert?
M. Sisson: En Alberta, la province se charge de négocier avec la municipalité au sujet des droits fonciers issus de traités afin de parvenir à un arrangement fiscal. En Alberta, nous ne participons pas aux discussions sur les droits fonciers issus de traités avec la municipalité. Nous assistons aux réunions mais ne payons pas les indemnités.
Pour ce qui est des revendications particulières, nous exigeons que la Première nation aborde directement la municipalité et parvienne à un arrangement entre les intérêts en cause. Cela s'inscrit essentiellement dans le cadre de la politique des ajouts aux réserves, mais la consultation est obligatoire avec la province, avec la municipalité locale et avec les tiers. Si une Première nation s'intéresse à une propriété en particulier, elle entame des discussions avec les trois intéressés de ces groupes. S'ils peuvent conclure un accord et parvenir à une entente, suite est donnée à la transaction.
M. Youssef: Souvent, l'indemnité correspond à la différence entre ce que la municipalité pourrait recevoir dans le cadre d'un accord de rémunération des services. Les recettes fiscales obtenues permettent en général d'assurer les services sur ces terres. Il faudra maintenant parvenir à un accord d'indemnisation pour la rémunération des services. La négociation porte sur tout manque à gagner en matière d'indemnité.
La perte fiscale n'a pas posé un grand problème en Alberta, ce qui n'a pas été le cas en Saskatchewan. En vertu de l'accord-cadre, une formule pour les droits fonciers issus de traités entre la province de la Saskatchewan et le Canada permet d'indemniser les municipalités rurales pour leurs pertes fiscales. Un protocole d'entente distinct est prévu entre le Canada et la province pour les revendications particulières. En vertu de ce protocole d'entente, la province se charge de dédommager les municipalités touchées par cette perte fiscale.
Mme Shalapata: Il existe un fonds visant à combler la perte fiscale que subissent les municipalités rurales pour les DFIT, sans compter le PE pour les revendications particulières.
En ce qui concerne les intérêts sur des terres provinciales, en vertu de l'accord sur les droits fonciers issus de traités que nous avons avec la province, cette dernière peut demander à tous ses ministères s'ils ont un intérêt sur cette terre. Les intérêts sont désignés au cours de ce processus ainsi que lors de la recherche de titres, et cetera. Tout doit être réglé avant de céder la terre en question à une réserve. Tous ces systèmes existent entre la province et le gouvernement fédéral afin de désigner les intérêts en cause.
Le sénateur Christensen: Les intérêts tiers représentent le facteur le plus important, mais il ne faut pas non plus oublier le facteur financier. En vertu de quelle loi le ministre peut-il défrayer ces genres de coûts? Il n'en est pas question dans ce projet de loi.
M. Youssef: Voulez-vous parler des coûts liés aux tiers?
Le sénateur Christensen: Oui.
M. Youssef: Les négociations se font entre la Première nation et le tiers au lieu des intérêts existants comme le prévoit la loi provinciale. Le seul coût qu'il faut supporter, c'est un coût administratif interne, puisque l'on joue le rôle de facilitateur dans ces négociations. Par conséquent, il n'est pas question ici d'acheter les intérêts. Toutefois, il y a toujours exception à la règle.
M. Sisson: Ce serait possible grâce au budget de crédits du ministère. Ce budget parlementaire lui donne certains pouvoirs en ce qui concerne les dépenses liées aux revendications. Dans certains cas, la seule façon de conclure l'affaire consiste à rembourser un tiers qui, dans certains cas, exige un paiement en espèces.
M. Youssef: Avec ce projet de loi, nous essayons de ne pas avoir à rembourser des intérêts tiers, car les Premières nations tirent souvent avantage de ces nouvelles situations.
Mme Shalapata: La plupart des revendications sont réglées. Les Premières nations utilisent alors les fonds qu'elles reçoivent du règlement de la revendication pour régler la question des intérêts tiers. Il est inutile de prévoir des fonds supplémentaires pour régler cet intérêt. Cela fait partie de leurs frais d'acquisition.
Le sénateur Christensen: Il s'agit de leur revendication négociée et du financement qui l'accompagne.
Mme Shalapata: Effectivement.
M. Youssef: Le règlement comprend un élément de coût d'acquisition. Le coût d'acquisition des terres par la bande est intégré. C'est de là que viennent les fonds.
Le sénateur Christensen: Ce serait la même chose que les revendications globales où le financement et les terres sont visés par la négociation dans son ensemble. Les mêmes genres de choses se passent pour la revendication globale, c'est- à-dire le financement, la terre, et cetera.
M. Youssef: Il y a des points communs au sens où les revendications particulières et les droits fonciers issus de traités sont visés par des contrats de fiducie et bénéficient de ces genres de financement. L'origine des genres de revendications globales est, bien sûr, très différente.
Le sénateur Christensen: Parlons-nous ici de promesses qui ont été faites, mais non tenues?
M. Youssef: Oui, ou de violations de la Loi sur les Indiens, et cetera.
Le sénateur Johnson: En ce qui concerne les circonstances dans lesquelles surgissent les autres revendications particulières, se rapportent-elles toujours au traité? Quelle est la pertinence de l'«obligation légale»?
M. Youssef: Ce n'est pas toujours relié au traité, cela pourrait être relié à une violation de dispositions de la Loi sur les Indiens, peut-être au fait que des modalités de cession de terre n'ont pas été observées correctement et qu'un vote n'a peut-être pas été tenu comme il le fallait, lorsque les terres ont été retirées de la réserve. Cela pourrait donner lieu à une revendication particulière ou à une revendication d'indemnité monétaire pour l'infraction en question, par exemple, la violation des dispositions relatives aux fonds des Indiens que l'on retrouve dans la Loi sur les Indiens. Cela ne donne pas toujours lieu à l'expansion des réserves; il s'agit souvent uniquement d'ententes financières.
Dans ce sens-là, l'infraction donne lieu à une obligation légale. Lorsqu'il s'agit d'une revendication propre à un traité qui n'est pas reliée au droit foncier issu de traité, comme une clause relative aux médicaments ou une clause relative à l'agriculture, le respect de ces clauses est une obligation légale. C'est ce que cela veut dire. Je ne sais pas si notre avocat pourrait donner des explications plus claires que moi.
M. Ralph Keesickquayash, conseiller juridique, Services juridiques, ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord: M. Youssef a traité, en général, de l'obligation légale d'une politique relative aux revendications particulières qui découle d'un engagement. Le gouvernement du Canada s'engage à signer un traité visant à échanger un titre autochtone pour des droits issus de traités. Par exemple, cela entraîne une obligation pour le gouvernement du Canada de confirmer les dispositions de ces traités. C'est ce dont nous parlons, lorsque nous parlons d'infractions de revendications particulières. Elles peuvent englober seulement des droits fonciers issus de traités ou non. Elles peuvent englober, par exemple, les conditions de cession. Ce sont des exemples de ce que nous voulons dire par «obligation légale» en vertu d'une politique relative aux revendications particulières.
M. Sisson: Voici en général comment le Canada traite des revendications particulières. Une revendication est présentée par une Première nation, elle fait l'objet d'une recherche au cours de laquelle la Première nation et le gouvernement du Canada parviennent à un accord au sujet de la compréhension des faits. Le tout est alors envoyé au ministère de la Justice qui l'examine pour voir s'il y a critère d'obligation légale afin de déterminer si, selon l'interprétation de la loi du Canada, le gouvernement du Canada est en fait tenu légalement de négocier un règlement. C'est une solution de rechange à celle qui consiste à saisir les tribunaux de la question.
Il y a un critère. Nous n'entamons pas de négociations sans ce critère; cela ne serait pas possible. Sur les plus de 1 000 revendications présentées, certaines ont été rejetées, d'autres ont fait l'objet d'une recherche. En fait, il se peut qu'elles soient toujours à l'étape de la recherche. Une fois la recherche terminée, elles font l'objet de négociations, sous réserve de la disponibilité des ressources, je veux parler du nombre d'équipes de négociations disponibles. Au bout du compte, on parvient à un règlement.
Ce processus peut prendre énormément de temps.
Le sénateur Johnson: Cela prend parfois 30 ans.
M. Sisson: Cela peut se passer beaucoup plus rapidement, mais certains règlements sont très longs.
Le sénateur Johnson: Combien de temps cela prend-il en moyenne?
M. Sisson: Je ne le sais pas.
Le sénateur Gill: Procédez-vous à la recherche ensemble ou chaque partie fait-elle sa propre recherche? Il y a quelques années, nous avons tenté de faire la recherche ensemble pour économiser de l'argent et gagner du temps.
M. Youssef: Je sais, après avoir lu certains communiqués de presse à ce sujet, que des projets pilotes permettent de procéder à une recherche conjointe. La Direction générale des revendications particulières fait de plus en plus de recherches conjointement avec la Première nation.
Pour ce qui est des multiples revendications particulières d'une seule Première nation, la Direction générale des revendications particulières essaie de s'en occuper de façon regroupée plutôt que de les négocier séparément comme c'était auparavant le cas. Elle cherche à procéder à la recherche conjointement et à traiter de toutes les revendications particulières des Premières nations pour les régler en même temps. Certaines personnes examinent la façon de faire une recherche conjointe et de régler les revendications par regroupement.
Le sénateur Tkachuk: Comment réglez-vous le problème qui se pose lorsqu'il y a plus d'une revendication pour une terre donnée?
M. Youssef: La politique des revendications particulières, tout comme la politique relative aux ajouts aux réserves, exige que les revendications qui se recoupent soient examinées au moment du règlement. La politique relative aux ajouts aux réserves exige qu'il n'y ait pas de revendications superposées au cours de la phase du choix des terres. Dans le cas contraire, les parties sont encouragées à en débattre et à régler la question. C'est un obstacle à l'ajout des terres à une réserve qu'il faut surmonter avant de procéder à l'ajout.
Mme Shalapata: La plupart des revendications en Saskatchewan sont réglées selon le principe de vente à l'amiable, car il n'y a pas assez de terres domaniales pour répondre aux besoins en matière de choix. Lorsqu'il y a revendication d'une terre, c'est parce qu'une vente à l'amiable est possible, surtout en vertu de l'Accord-cadre de la Loi sur les droits fonciers issus de traités. Dans la plupart des accords de revendications particulières, la vente se fait à l'amiable. La terre doit être mise en vente pour que l'on puisse la choisir.
Le sénateur Tkachuk: Peut-on mettre un terme au processus dans le cas d'une bande?
M. Youssef: Oui.
Le sénateur Tkachuk: La bande peut-elle revendiquer une terre éternellement?
M. Youssef: Dans le cas de tout règlement, le Canada s'engage à une quantité de terres. Une fois cette quantité atteinte, le dossier du règlement est clos. En vertu de l'accord-cadre de la Saskatchewan, par exemple, une période de mise en application prévoit des dispositions de renouvellement ou d'extension, en cas de besoin. En général, c'est valable 18 ans à partir du jour de la passation de cet accord, soit 1992. On a pensé que c'était un laps de temps suffisant pour trouver des terres pouvant faire l'objet d'une vente à l'amiable.
Une fois le dossier de règlement clos et toutes les terres visées par ce règlement données, cela ne veut pas dire que cette Première nation ne va pas présenter un autre grief, apparu depuis ou non encore réglé, qui pourrait entraîner d'autres ajouts, mais pas en vertu de ce règlement particulier.
Le sénateur Tkachuk: En facilitant la passation d'accords tiers, on encourage les revendications à l'égard de tierces parties. Il s'agit de terres plus intéressantes, n'est-ce pas? On y retrouve habituellement du pétrole et du gaz, ou il peut s'agir de terres agricoles. Pourquoi ne pas revendiquer ces terres en particulier plutôt que des terres sans valeur?
M. Youssef: Le développement économique des Premières nations est la clé de leur avenir. Nous leur donnons des moyens qui leur permettent de choisir des terres plus économiquement viables et d'être sur un pied d'égalité avec leurs voisins, ce qui leur donne ainsi la possibilité de conclure des ententes plus rapidement. Nous espérons qu'avec des terres plus économiquement viables, leur économie interne commencera à prendre forme. Il y a donc cet incitatif, j'imagine que l'on peut utiliser ce terme.
Le sénateur Tkachuk: En avons-nous la preuve?
M. Youssef: Nous savons que dans le passé, certaines terres sur lesquelles se trouvaient des intérêts et qui offraient des possibilités ont été sans doute perdues, car une entente ne pouvait être conclue en temps opportun avec la tierce partie, à cause de cette lacune, dont M. Sisson a fait mention un peu plus tôt; en effet, la Première nation ne pouvait pas accepter une concession et ne disposait pas de ces genres d'instruments, si bien que des opportunités ont été perdues. Au fur et à mesure que les choix de terre se font plus rapidement compte tenu des quantités en cause, il y aura encore plus de pertes et c'est ce que nous essayons d'anticiper.
Mme Shalapata: Je ne suis au courant que d'un seul exemple et j'ai quelques données à mon bureau. Je me rappelle que la bande Red Pheasant avait un intérêt de tiers sur une terre qu'elle avait choisie, où se trouvait un intérêt pétrolier. En raison de la lenteur du processus, elle a perdu des fonds et a poursuivi notre ministère en raison du temps que cela nous avait pris d'arriver à une concession acceptable pour le Canada et pour la société gazière.
Le sénateur Tkachuk: A-t-elle gagné son procès?
Mme Shalapata: Nous avons négocié un règlement.
Le sénateur Tkachuk: Vit-on mieux sur la réserve de Red Pheasant aujourd'hui?
Mme Shalapata: Je pense que oui. La bande a plus de revenus.
Le sénateur Tkachuk: Vous dites que lorsqu'une revendication est présentée, vous voulez que le règlement se fasse plus rapidement étant donné que des opportunités de développement économique permettent un meilleur niveau de vie dans une réserve en particulier. En avez-vous la preuve?
M. Sisson: Oui, isolément. En Alberta, l'une des premières revendications relatives aux droits fonciers issus de traité a été présentée par la Première nation crie Mikisew, dans l'extrême nord-est de l'Alberta. Cette Première nation s'en est très bien sortie et a créé beaucoup d'entreprises depuis. Le nombre d'emplois y est relativement élevé et les niveaux de dépendance assez bas. Y a-t-il corrélation de cause à effet? Nous n'avons pas de données statistiques à cet égard, mais j'ai vraiment l'impression que oui. Cela ne se produit pas en général le jour même de la signature de l'entente. Je crois que le processus Mikisew a duré 16 ans. En ce qui concerne d'autres Premières nations en Alberta, la situation a évolué de façon assez positive.
M. Youssef: L'expérience de mise en oeuvre la plus importante s'est produite en Saskatchewan compte tenu des sept ou huit ans prévus en vertu de l'accord-cadre. Cet accord exigeait que l'on règle en premier lieu la question de la pénurie de terres. L'accord-cadre prévoyait un prix maximal à l'acre, ce qui signifiait que les acquisitions visaient en général des terres agricoles sur lesquelles il y avait moins d'intérêts. Au fur et à mesure que l'on passe à des choix de terres grevées de droits, où il n'y a plus de prix maximal à l'acre, l'achat de terres économiquement plus avantageuses se fait grâce aux fonds découlant du règlement.
Au fur et à mesure que l'on passe à des choix de terres grevées de droits, on remarquera plus de possibilités économiques que dans le passé, ce qui se traduira par de nombreux avantages qui ne manqueront pas de se multiplier. Je ne sais pas si mes explications sont claires.
Mme Shalapata: Nous avons des données sur ce développement économique que je peux certainement vous fournir.
Toutefois, il est peut-être trop tôt pour savoir si la qualité de vie s'est améliorée au cours des cinq dernières années. Prenons l'exemple de la réserve du lac Muskeg, à Saskatoon. On y a certainement créé des emplois et des occasions d'affaires. On y a établi des relations efficaces avec la ville et d'autres organismes de la région. Un autre exemple: celui des casinos qui ont été établis conjointement avec la province, ainsi que les emplois et les nouveaux commerces qui en découlent.
Le sénateur Tkachuk: Je ne suis pas d'accord avec vous en ce qui concerne les casinos.
Mme Shalapata: Les casinos créent des emplois.
Le sénateur Tkachuk: Ce qui me préoccupe, c'est que ces terres ne sont pas des terres détenues en fief simple. Bien qu'une parcelle de terrain puisse produire du pétrole à une période quelconque, le pétrole est une ressource épuisable. Dans une économie d'entreprise, ces terres seraient vendues et les fonds seraient utilisés pour acheter des terres servant à l'aménagement d'une entreprise pétrolière. On ne peut pas faire progresser une entreprise pétrolière en louant des terres, parce que lorsque la ressource est épuisée, il n'y a plus d'entrée de fonds; c'est terminé. C'est pourquoi je pose ces questions. Je crains que les fonds provenant de la vente des terres ne servent pas à acheter de nouvelles terres offrant de nouvelles possibilités.
M. Sisson: Les revendications comportent de nombreux intérêts pour les Premières nations. En ce qui concerne les droits fonciers issus des traités en Alberta, les terres sont généralement choisies dans le voisinage du lieu de résidence. La plupart des régions de l'Alberta comprennent du pétrole et du gaz naturel. On se retrouve donc avec une réserve formée de terres disparates à partir desquelles des parcelles sont détachées, ou on utilise un mécanisme quelconque grâce auquel la réserve peut demeurer relativement regroupée.
La situation est différente en Saskatchewan, puisque les terres seront choisies pour leurs possibilités économiques. On ne recherche pas des terres sur lesquelles installer la collectivité; on recherche des terres qui offrent des possibilités économiques. Cette situation est de plus en plus fréquente. En ce qui concerne votre question, à savoir si on choisit les terres en vue de retombées économiques à court terme ou en vue de possibilités d'affaires à long terme; c'est ce qui semble se produire, mais il est trop tôt pour se prononcer.
Le sénateur Tkachuk: Certaines préoccupations se sont manifestées à propos des relations entre la réserve et la ville, puisque la réserve constituerait une administration à part entière à l'intérieur de la ville. Cela semble très bien fonctionner et la réserve du lac Muskeg a pris une sage décision. La province et la ville ont aussi fait preuve de sagesse en coopérant. Cela produira des avantages à long terme, surtout dans le secteur de l'immobilier.
M. Youssef: Ce projet de loi prévoit des dispositions relatives aux intérêts des tierces parties. C'est pourquoi ce sera un autre outil que les Premières nations pourront utiliser pour concevoir des plans de développement économique, puisqu'elles pourront choisir des terres viables sur le plan économique tout en réglant la question relative aux tierces parties. Il revient aux Premières nations d'élaborer des objectifs stratégiques de développement pour la collectivité, étant donné qu'elles recevront les terres revendiquées et qu'elles seront responsables des intérêts qui s'y trouvent. Il s'agira d'une composante du plan de développement de la collectivité qu'elles établiront. Si elles prennent la décision d'opter pour des terres offrant une ressource non renouvelable, elles en seront responsables.
Le sénateur Sparrow: En ce qui concerne les concessions pétrolières ou gazières isolées, la tierce partie détient les droits miniers pour la totalité du terrain, puisque ces droits sont calculés en fonction des quarts de section. Que se passe-t-il en pareils cas? On ne parle ici que d'un puits de pétrole en particulier. Si un puits de pétrole se trouve sur un quart de section, la concession minière vise l'ensemble du quart de section. Que doit-on faire dans une telle situation?
M. Sisson: Il y a deux facteurs dont il faut tenir compte: le sol et le sous-sol. D'abord, si on détient les droits relatifs à la totalité d'une section de terrain pour la production pétrolière, on détient aussi les droits miniers relatifs au sous-sol et c'est quelque chose qu'une Première nation pourrait tenter d'acquérir. En Alberta, nous tentons en général d'obtenir les droits relatifs au sol et au sous-sol lorsque nous créons une réserve.
Toutefois, cela n'est pas toujours possible lorsqu'une tierce partie ne tient pas à ce qu'une entente soit prise. En pareil cas, nous créons un «trou de serrure» en découpant une petite parcelle d'accès en surface et en laissant assez de place pour un emplacement de forage ou un puits de production, puis nous collaborons avec les sociétés pour déterminer l'emplacement idéal lorsqu'elles ont exploré le terrain mais qu'elles n'ont pas commencé la production. Le sous-sol demeure alors exclu de la réserve jusqu'à ce que la production soit terminée. Ensuite, l'emplacement peut être de nouveau revendiqué. L'Alberta a conclu une entente avec nous pour nous remettre ces emplacements ou pour qu'ils soient rendus à la réserve.
C'est ainsi que nous réglons habituellement ce genre de situation. Nous préférerions pouvoir suggérer le remplacement de cette disposition provinciale, relativement à la surface et au sous-sol, par une disposition comparable au niveau fédéral. En réalité, cette mesure législative nous fournit un meilleur outil de travail en ce qui concerne ces ententes.
Le sénateur Sparrow: Les droits de surface s'appliquent à toutes les terres. Aucune différence n'est faite entre les droits de surface et les droits d'exploitation du sous-sol. Le gravier de surface fait partie de la terre.
M. Youssef: Sénateur, vous vous préoccupez des régimes de gestion des droits de surface. Ce projet de loi aidera les parties à en venir à une entente, lorsqu'elles s'entendront sur ce qu'elles veulent faire. La question relative aux droits de surface nous a été soulignée par le gouvernement de l'Alberta et par d'autres organismes. Les lois en matière de droits de surface régissent habituellement les relations entre le propriétaire de la surface des terres et le propriétaire du sous- sol des terres ou le détenteur de concession minière. En général, les régimes de droits de surface comprennent des règles d'accès à la surface des terres en vue de l'exploration des ressources du sous-sol, et elles traitent aussi des mécanismes de résolution des conflits qui aident les parties pour l'arbitrage des droits d'accès à la surface.
Le ministère élabore des plans pour examiner cette situation dans toute l'Alberta. Conformément au nouveau règlement de Loon-Alexander, un engagement a été pris pour traiter des droits de surface. Nous prévoyons nous pencher sur la question en adoptant une approche à l'échelle de l'Alberta, ou peut-être même des Prairies, afin de déterminer quel régime de droits de surface est requis. L'adoption d'un régime de droits de surface modifierait le régime de gestion qui existe présentement dans les réserves conformément à la Loi sur les Indiens et d'autres mesures législatives applicables aux réserves autochtones. Ce projet de loi ne vise pas à modifier le régime existant de gestion des réserves. Les droits de surface ne font pas partie de cette question.
Toutefois, lorsqu'il est possible d'en venir à une entente sur les conditions du bail, il est plus facile dans une certaine mesure de régler certaines des questions relatives aux droits de surface. Les parties peuvent réussir à inclure dans leur entente des dispositions touchant les droits de surface. Par contre, il reste beaucoup à faire en ce qui concerne les droits de surface et le ministère y travaille, mais il faudra plus que de simples ajouts découlant de revendications.
Le sénateur Sparrow: Sur les réserves existantes, les droits miniers appartiennent toujours à la Couronne fédérale, donc tout ajout de droits miniers à une réserve s'appliquerait à une tierce partie. Est-ce que cela règle le problème? Faut-il négocier les droits miniers pour cette section de terrain? Peut-on maintenir le statut de réserve si quelqu'un d'autre détient les droits miniers sur les terres?
Mme Shalapata: En vertu de l'Accord-cadre de la Loi sur les droits fonciers issus de traités, les Premières nations doivent acquérir le sol et le sous-sol, soit les minéraux. Dans la plupart des cas, la province est propriétaire des minéraux, mais s'il s'agit d'une propriété exclusive, la province doit tenter de retrouver le propriétaire pour lui acheter les minéraux. Ces droits sont ensuite transférés à la Première nation. En cas de manque à gagner, le terrain peut être transféré sans les minéraux. Dans le cadre d'autres règlements de revendications particulières, la province peut seulement acheter la surface.
M. Youssef: Nous les qualifions de réserves «en surface seulement» parce que le sous-sol n'est pas inclus. Bien qu'il n'y en ait pas beaucoup, cela s'est déjà vu.
Comme le précise Mme Shalapata, quand les détenteurs d'intérêt à l'égard du sous-sol ont la propriété franche, on commencera par essayer d'acquérir d'eux le titre de propriété. Pour ceux qui louent à bail de la province, on s'efforcera de préserver leur intérêt mais, essentiellement, la Première nation au Canada deviendra, en tant que propriétaire des terres, le locateur et détiendra les droits sur les minéraux ajoutés à la réserve, tout en conservant le bail avec la tierce partie. Ainsi, le bail sera toujours valide. Il faudra toutefois verser les redevances à une autre partie.
Le sénateur Christensen: Les traités numérotés incluent-ils les droits d'exploitation du sous-sol, en plus des droits de superficie?
M. Youssef: Les traités ne les mentionnent pas.
Le sénateur Christensen: Dans les ententes de règlement des revendications foncières qui sont négociées, on trouve des terres A et des terres B, les terres A ayant habituellement rapport à la superficie. Les traités numérotés portent-ils sur la superficie et le sous-sol?
M. Youssef: Les traités précisent que les Premières nations recevront tant d'acres. Habituellement, c'est 125 acres par famille de cinq, mais ils ne précisent pas si ce sont des droits de superficie ou d'exploitation du sous-sol. Dans les règlements, on adopte une approche holistique. On tente habituellement d'obtenir les droits d'exploitation du sous-sol.
M. Sisson: Les traités prévoyaient généralement qu'autant le sol que le sous-sol faisaient partie de la réserve. Par conséquent, les vieilles réserves comprennent les deux.
M. Youssef: Aux termes de la Convention sur le transfert des ressources naturelles des années 30 conclue avec les trois provinces des Prairies, elles sont tenues, par la Constitution, de rendre au Canada des terres suffisantes pour respecter les obligations issues du traité, ce qui comprend habituellement toutes les terres.
Le sénateur Sparrow: Vous avez parlé de 125 acres. N'est-ce pas 640 acres par famille?
M. Sisson: Ce serait 640 par famille de cinq, soit 128 par personne.
Mme Shalapata: La formule peut varier selon le traité.
Le sénateur Sparrow: Les 125 acres sont donc pour une seule personne?
M. Sisson: Oui. En réalité, elle a droit à 128 acres.
La présidente: C'est fort bien d'adopter ce projet de loi, mais avez-vous élaboré le processus? Si j'ai bien compris, dans la loi du Manitoba, le processus n'a même pas été établi encore quant à la façon de négocier et de mettre en oeuvre le règlement et de collaborer à ce dossier.
M. Youssef: Comme il a été dit tout à l'heure, la plupart des dispositions du projet de loi n'exigent pas l'établissement de nouveaux processus ou de nouvelles formalités. La délivrance des permis avant la création de réserves s'appuiera sur les mêmes formulaires que ceux qu'on utilise pour les permis accordés après la création de la réserve. La tenue par la Première nation de ces scrutins de désignation se fera conformément aux formalités prévues pour la désignation, une fois la réserve créée. Nous avions besoin d'élaborer de nouveaux instruments en ce qui concerne la désignation de terres par le ministre comme formant une réserve et le pouvoir du ministre d'accepter une désignation avant la création de la réserve.
Aucune des Premières nations du Manitoba qui ont opté pour cette formule n'a atteint un stade, dans la sélection des terres, où elle a besoin de ces pouvoirs. Nous en sommes à la dernière étape de la conception des formulaires et formalités, des procédures internes de cheminement, qui soutiendront les nouveaux formulaires présentés au ministre. Tout cela sera en place dans très peu de temps et bien avant qu'une Première nation du Manitoba en ait besoin. Naturellement, les mêmes formalités s'appliquent au projet de loi C-37, après son entrée en vigueur.
Pour vous répondre brièvement, nul n'en a eu besoin jusqu'à maintenant, mais nous sommes en train d'y mettre la dernière touche.
La présidente: Notre comité a invité toutes les Premières nations visées par le projet de loi à l'étude de venir faire un exposé, mais nulle n'a répondu à l'invitation. Avez-vous quoi que ce soit par écrit qui montre que les Premières nations et les provinces appuient tout cela? Nous avons besoin d'une preuve de cet appui, car nous avons l'obligation d'entendre les deux côtés de la médaille.
M. Youssef: Comme je l'ai dit tout à l'heure, des consultations ont eu lieu avec toutes les Premières nations qui avaient des règlements de revendications existants énumérés dans l'annexe. Elles ont reçu les documents, tout comme les gouvernements provinciaux et les groupes autochtones, par exemple les directeurs généraux chargés des traités.
Nous pouvons vous fournir copie des lettres que nous avons reçues des deux gouvernements provinciaux, ainsi que des Premières nations de Loon et d'Alexander. Nous avons aussi une lettre du Comité sur les droits fonciers issus de traités au Manitoba au sujet de modifications au projet de loi. Dans l'ensemble, les autres Premières nations ont préféré attendre de connaître la suite des événements en ce qui concerne le projet de loi à l'étude, parce qu'il ne s'applique que lorsqu'on accepte de négocier. Elles prendront une décision quand la sélection des terres aura atteint ce stade. Nous pouvons vous fournir copie des lettres que nous avons reçues des provinces et des bandes de Loon et d'Alexander ainsi que du Comité des droits fonciers issus de traités du Manitoba. Nous pouvons vous les laisser aujourd'hui puisque je crois que nous les avons ici.
Le sénateur Gill: Allez-vous nous fournir des données sur toutes les revendications?
M. Youssef: Nous allons vous fournir un total national. Souhaitez-vous que nous remontions jusqu'au début de la mise en oeuvre de la politique relative aux revendications particulières pour voir combien d'entre elles ont été déposées et réglées?
Le sénateur Gill: Oui, ainsi que les revendications d'autres provinces.
M. Youssef: Il est question de revendications particulières et de droits fonciers issus de traités, non pas de revendications territoriales globales. Nous vous fournirons ces données, et Mme Shalapata a également promis de vous envoyer de l'information sur le développement économique.
La présidente: S'il n'y a pas d'autres questions ou de commentaires, je tiens à remercier vivement les témoins de cet exposé fort intéressant. Nous vous serions très reconnaissants de nous envoyer toute lettre que vous avez.
La séance est levée.