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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 12 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 19 février 2002

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi C-37, Loi facilitant la mise en oeuvre des dispositions des règlements de revendications des Premières nations en Alberta en Saskatchewan qui ont trait à la création de réserves ou à l'adjonction de terres à des réserves existantes, et apportant des modifications corrélatives à la Loi sur la mise en oeuvre de mesures concernant le règlement de revendications au Manitoba et à la Loi sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan, sans amendement, se réunit aujourd'hui à 9 heures afin d'en faire l'étude et d'examiner les problèmes qui touchent les jeunes Autochtones des villes plus précisément l'accessibilité, l'éventail et la prestation des services; les problèmes liés aux politiques et compétences; l'accès aux débouchés économiques; la participation et l'autonomisation des jeunes et d'autres questions connexes.

Le sénateur Thelma J. Chalifoux (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Le premier point à l'ordre du jour concerne l'étude du projet de loi C-37, disposition par disposition. D'après les témoignages entendus et l'examen du projet de loi, j'estime que cette mesure, de nature administrative, est tout à fait claire et concise et ne nécessite aucun amendement.

J'aimerais avoir vos opinions à ce sujet. Est-ce que l'un ou l'une d'entre vous, honorables sénateurs, avez des questions à soulever au sujet de ce projet de loi?

Si vous n'avez rien à ajouter, puis-je faire rapport de ce projet de loi au Sénat sans amendement?

Des voix: D'accord.

La présidente: Alors, c'est entendu.

J'invite maintenant les témoins du ministère du Solliciteur général à prendre place à la table.

Mme Kristine Burr, sous-solliciteure générale adjointe, Politiques stratégiques et programmes, Bureau du solliciteur général du Canada: Nous sommes très heureux, et je dirais même, enchantés de cette occasion de nous présenter devant vous aujourd'hui afin de discuter de la question importante et grave de la jeunesse autochtone en milieu urbain au Canada et de vous parler des programmes et des services que nous offrons dans le but d'aider les jeunes en général, et les jeunes Autochtones en particulier.

Examinons le contexte. Tout le monde sait que les jeunes Autochtones sont ceux qui sont le plus souvent placés sous garde et sous probation et qu'ils sont plus souvent que les autres transformés en victimes. Cette situation pourrait empirer si les jeunes, le groupe d'âge le plus vulnérable vis-à-vis du comportement criminel, demeurent en marge de la société et ne se voient pas offrir la possibilité de participer plus activement au monde d'aujourd'hui et en particulier au développement économique et social. Si l'on considère les données démographiques actuelles et prévues, le risque d'avoir à s'occuper des problèmes des jeunes Autochtones et de leurs interactions avec le système de justice pénale n'est pas négligeable. Nous sommes sans aucun doute très satisfaits que les membres de ce comité sénatorial aient reconnu l'existence de ce problème et mènent cette enquête. Nous estimons que, dans un avenir prévisible, il s'agit probablement de l'une des questions de politique les plus importantes et nous sommes heureux de vous mettre au courant de nos activités à ce sujet.

[Français]

Vous savez sans doute que le gouvernement s'est engagé, lors du dernier discours du Trône, à prendre des mesures afin de réduire sensiblement le pourcentage d'Autochtones aux prises avec l'appareil de justice pénale dans le but de niveler cette proportion à la moyenne canadienne d'ici une génération.

Pour y arriver, étant donné la répartition constitutionnelle des pouvoirs, le gouvernement et les provinces devront recourir à une approche concertée et globale en matière de développement et de viabilité économiques. Selon nous, les programmes et les approches de justice pénale qui répondent aux besoins des Autochtones et qui font appel à leur participation joueront un rôle de première importance.

[Traduction]

Nous sommes heureux de vous présenter aujourd'hui nos témoignages sur les divers organismes du ministère du Solliciteur général Canada qui contribuent à atteindre cet objectif. En guise d'introduction, permettez-moi de vous dire que notre ministère est très petit, et compte environ 240 employés en tout. Nous nous occupons principalement des questions de politique et nous possédons des ressources limitées. Cela dit, cependant, nous sommes résolus à collaborer dans le but d'apporter des changements et d'indiquer la voie à suivre, quoiqu'à une très petite échelle, en matière de maintien de l'ordre et de mesures correctionnelles.

De par notre petite taille, nous nous devons de collaborer avec des partenaires afin d'être plus efficaces. Notre personnel travaille de près avec Justice Canada, le MAINC, des collègues de la GRC et du SCC et les ministères de la Justice des gouvernements provinciaux.

[Français]

En ce qui concerne les responsabilités du ministère relativement aux services de police, vous savez sans doute que le programme de police des Premières Nations, le PPPN, donne aux collectivités autochtones l'accès à des services de police adaptés à leur culture. Ceux-ci rendent compte de leurs activités aux collectivités qu'ils desservent.

Le PPPN est un programme tripartite auquel participe les Premières Nations, le gouvernement fédéral et les provinces. Il s'agit avant tout d'un programme de services de police dans les réserves permettant de financer des services de police autonomes ou des unités spéciales de la GRC.

 

[Traduction]

Une des conditions les plus importantes du Programme des services de police des Premières nations (PPPN) est que les policiers aient un comportement professionnel et soient ouverts aux différences culturelles. Ainsi, dans la mesure du possible, il faut que le personnel des services de police des Premières nations soit composé d'agents de police autochtones, qu'il s'agisse des membres des services de police tribaux autogérés ou d'un détachement de la GRC situé au sein d'une communauté des Premières nations.

Ces policiers jouent le rôle important de modèles auxquels les jeunes des communautés peuvent s'identifier et sont également des agents de changement, mettant souvent en place des équipes de softball durant l'été et en organisant des matchs de hockey pendant les mois d'hiver. Je crois qu'au cours des dernières années, nous en sommes venus à reconnaître à quel point les services récréatifs communautaires sont essentiels à assurer que les enfants participent activement et font partie intégrante de la vie de la communauté.

Bien que le PPPN soit axé en grande partie sur les communautés, il comprend un budget annuel de 100 000 $ réservé à l'élaboration de projets en milieu urbain. Ce montant réservé correspond à une démarche pragmatique face à deux réalités: en vertu de la Constitution, il incombe aux provinces d'assurer les fonctions relatives au maintien de l'ordre, mais le gouvernement fédéral est bien placé pour promouvoir et faciliter la pratique des meilleures techniques et méthodes utilisables par les services de police.

Des initiatives en milieu urbain sont entreprises, selon les cas, en partenariat avec la police, les groupes autochtones, les municipalités, les provinces et d'autres ministères du gouvernement fédéral afin de traiter des problèmes particuliers. Ce travail revêt un caractère particulièrement important en raison de la corrélation croissante entre les crimes en milieu urbain et les incidents survenant au sein des communautés des Premières nations.

Les initiatives que nous avons lancées en milieu urbain se concentrent sur des questions comme le besoin de modèles de comportement positifs, les programmes de déjudiciarisation et l'encadrement des jeunes par la police. Avec nos ressources limitées, notre but consiste à influencer le plus de personnes possible afin d'obtenir des résultats positifs. Nous apportons notre appui aux salons de l'emploi pour les jeunes Autochtones pour qu'ils puissent être au courant de la kyrielle de possibilités qui leur est offerte et puissent rencontrer des Autochtones qui ont de brillantes carrières. Nous finançons des programmes qui mettent l'accent sur les mécanismes positifs de dynamisme de la vie, sur l'amélioration de la confiance en soi et sur la manière de surmonter l'adversité. Nous assurons le financement d'une initiative à Vancouver, où les jeunes de plusieurs groupes d'âge et issus de diverses communautés de l'Ouest, sont amenés dans les ruelles du quartier appelé communément «la partie est du centre-ville», pour voir de leurs propres yeux le coût humain terrible de la toxicomanie et de l'alcoolisme. Les participants sont visiblement bouleversés par ce qu'ils observent et retournent chez eux en déclarant «ne pas vouloir finir comme ça».

Nous finançons également des projets à Saskatoon, où les policiers de la ville consacrent leur temps aux jeunes, surtout pour prendre en charge des activités sportives, afin de réduire le taux de criminalité dans les quartiers à risque élevé. Ces projets ont montré que le succès dépend de la participation active constante de la police à la vie des jeunes et que des contacts intermittents ne produisent pas les mêmes résultats positifs que des interventions régulières et cohérentes.

[Français]

Le PPPN joue un rôle important en ce qui a trait aux problèmes de l'immigration et de la mobilité des jeunes, puisque les services de police des Premières Nations doivent s'occuper des jeunes qui s'installent tantôt dans les collectivités des Premières nations, tantôt en milieu urbain.

[Traduction]

Je pense que vous avez discuté avec Bill Pentney, du ministère de la Justice, du phénomène de déplacement des Autochtones. Il est de notoriété publique qu'un grand nombre d'Autochtones, et pas seulement les jeunes, se déplacent entre leur communauté et les centres urbains. Dans le cadre de notre travail avec nos collègues de l'AINC et de Santé Canada, nous découvrons comment les déplacements des jeunes entre leur communauté autochtone et les quartiers du centre-ville influent sur leur éducation. Il est certain que la scolarité de ces jeunes pâtit de ces mouvements et une scolarité intermittente ou interrompue constitue un problème vraiment grave. Bien que ces mouvements constituent un problème sérieux pour tout le monde, ils ont des répercussions encore plus graves pour les jeunes.

Tout le monde sait que les communautés des Premières nations sont propices au développement des bandes de jeunes dans les grandes villes comme Winnipeg, Regina, Saskatoon et Edmonton. Les bandes recrutent directement dans les communautés des Premières nations ou s'attaquent aux jeunes qui doivent quitter leur communauté pour aller dans les écoles secondaires des milieux urbains. Il y a quelques années, le ministère du Solliciteur général a financé une femme-agent de police autochtone, s'appelant Susan Swan, des services de police de Winnipeg pour qu'elle se rende dans les collectivités des Premières nations avec des anciens membres de bandes de jeunes, afin de démystifier les légendes qui attirent les enfants vers la vie au sein d'une bande de jeunes. Ce projet a mis en évidence que la majorité des jeunes en âge scolaire des communautés des Premières nations participantes étaient des membres de bandes, connaissaient des membres de bandes, avaient des membres de leur famille qui faisaient partie d'une bande ou s'attendaient à devenir eux-mêmes membres d'une bande.

La sincérité des réponses a révélé à quel point le problème est grave. Par l'entremise de nos services de police, nous nous efforçons de régler ce problème grave, mais il est certain que le maintien de l'ordre n'est pas suffisant pour le résoudre. Il est vraiment nécessaire de trouver des réponses cohérentes et coordonnées auxquelles participent les membres de la communauté, si l'on veut s'attaquer à ce problème.

Il est évident que la migration des personnes et l'activité criminelle sont des problèmes graves pour les Premières nations tout comme pour la police urbaine. Le programme de prévention du crime récemment élargi a créé un petit fonds de financement qui permettra aux services de police des Premières nations, œuvrant conjointement avec les membres de la communauté, de faire une demande d'aide financière pour mettre au point des initiatives de prévention du crime au sein même des communautés. Un des points prioritaires sera l'élaboration de projets permettant à la police et aux membres de la communauté de travailler avec les enfants et de neutraliser l'attrait que les bandes de jeunes peuvent exercer.

Je voudrais mentionner certains autres projets de prévention du crime, comme un programme des cadets proposé aux jeunes au Nunavut qui sera coordonné par la GRC et qui sera basé sur le modèle d'un programme qui connaît le succès en Saskatchewan. En outre, le Québec élabore des projets permettant aux jeunes de participer à des activités de déjudiciarisation pour les éloigner de l'alcool et des drogues.

J'aimerais maintenant aborder les mesures correctionnelles curatives qui sont en cours d'élaboration au sein du ministère. Un certain nombre de communautés autochtones retournent aux approches culturelles et spirituelles traditionnelles de leurs ancêtres afin de rétablir l'équilibre entre les besoins des victimes, des délinquants et de leur famille et l'harmonie au sein de leur communauté. Ces approches curatives communautaires s'avèrent plus efficaces pour réduire la récidive, tout au moins dans les cas que nous avons étudiés et développés, et sont moins dispendieuses pour les gouvernements que le système correctionnel occidental. Le processus curatif de la Première nation de Hollow Water au Manitoba et l'approche curative Biidaaban de la Première nation des Mnjikaning en Ontario constituent deux exemples de notre participation aux processus curatifs communautaires. Ces processus offrent également d'autres avantages aux communautés, puisqu'ils créent un environnement propice à un développement culturel, social et économique durable.

Le Groupe de la politique correctionnelle autochtone du ministère a été reconnu par des sources, telles la Fondation pour la guérison des Autochtones, comme étant à l'avant garde des processus curatifs des communautés. En plus des initiatives que je viens de mentionner, le service des Affaires correctionnelles autochtones teste la possibilité d'adopter des principes curatifs s'adressant aux Inuits par l'entremise d'un projet à Rankin Inlet, ainsi qu'aux délinquants juvéniles et adultes dans une zone urbaine avec l'aide de la Winnipeg Native Alliance. Afin de favoriser le développement des approches curatives communautaires, ce service partage l'information par le biais de ses publications, encourage l'échange des compétences spécialisées des communautés grâce à des forums et des rencontres et soutient les initiatives de mise en valeur du potentiel de la communauté.

Je vous ai apporté quelques numéros de notre série de publications et je serai heureuse de les laisser à l'équipe de recherche à la fin de mon exposé.

Les processus curatifs requièrent la coordination de partenaires multiples au sein de la communauté, puisqu'en particulier, les communautés font rarement la distinction entre les délinquants adultes et adolescents. De même, il est nécessaire que les ministères du gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les communautés autochtones soient coordonnés pour travailler de façon efficace. C'est pourquoi, le service des Affaires correctionnelles autochtones travaille en collaboration étroite avec la Sous-direction de la justice applicable aux Autochtones, le Comité de justice pour la jeunesse et de la prévention du crime à Justice Canada, les Affaires indiennes, la Fondation pour la guérison des Autochtones, les provinces, les territoires et surtout, les communautés et les organismes autochtones. Nous avons appris qu'une coopération étroite avec les autres prestataires de programmes sociaux ainsi qu'une relation durable avec les communautés et les organismes autochtones sont essentielles à l'obtention de résultats concrets.

Le baby-boom autochtone constituera un défi considérable pour le service correctionnel et ma collègue, Gina Wilson, vous présentera, dans un moment, toutes les activités élaborées par le SCC afin de traiter ce problème.

La population autochtone est plus jeune et croît plus rapidement que les populations non autochtones. Les taux de natalité sont environ 2,5 fois plus élevés que ceux de la population non autochtone. En Saskatchewan, on estime que d'ici à l'an 2010, la population des Premières nations âgée de 15 à 24 ans aura augmenté de 32 p. 100. Ce groupe d'âge est celui qui est le plus enclin à participer aux activités criminelles et nous devrons faire face à un nombre croissant d'individus ayant affaire au système correctionnel fédéral.

Toutefois, plusieurs délinquants n'ont pas seulement changé leur mode de vie, mais tentent également d'arrêter le cycle destructeur du placement en établissement de la jeunesse autochtone. Le ministère a reconnu que les délinquants autochtones sont des ressources inexploitées pour la prévention de la criminalité chez les jeunes. Notre Service des Affaires correctionnelles autochtones a récemment animé une réunion rassemblant des prestataires de services autochtones, des délinquants et des agents des services correctionnels afin d'explorer des stratégies pour puiser chez les délinquants autochtones des ressources qui serviront aux projets de prévention de la criminalité chez les jeunes en milieu urbain. L'issue de cette réunion servira à tester cette méthode dans deux communautés urbaines de l'Ouest canadien.

Tout le monde sait qu'un enfant dont le parent est un délinquant a plus de risque de devenir lui-même un délinquant. Certaines études montrent que le risque est six fois plus élevé que pour un enfant moyen. Un de nos plus grands défis est d'arrêter ce cycle de récidive et d'empêcher que la délinquance ne se transmette de génération en génération.

Le service des Affaires correctionnelles autochtones établira un projet pilote consistant à travailler avec des enfants et des familles de délinquants autochtones dans un centre urbain. Ce projet, qui commencera alors que le délinquant est en prison et continuera après sa remise en liberté, a pour but d'aider les familles de délinquants à forger un environnement communautaire positif et à miser sur les progrès effectués par les délinquants lors de leur incarcération, pour bâtir quelque chose de solide. Nous évaluerons et mettrons par écrit les leçons apprises au cours de ce projet pour que tous puissent en profiter.

Ma collègue de la GRC va maintenant dire quelques mots.

Mme Dorothy Ahlgren Franklin, officier responsable, Stratégie nationale de la jeunesse, Gendarmerie royale du Canada: Honorables sénateurs, le chef de police Zaccardelli a effectué un geste clair d'engagement organisationnel envers la jeunesse par le biais d'un processus de planification stratégique au sein de notre organisme. La jeunesse représente une des priorités stratégiques de la GRC et elle est la cible de nos efforts visant à atteindre notre objectif stratégique global qui est de contribuer à ce que les Canadiens, leurs maisons et leurs communautés soient en sécurité.

En ce qui concerne la jeunesse, nous nous concentrons sur les causes fondamentales du crime et du comportement criminel. Nous mettons l'accent sur les partenariats avec les communautés. Comme Mme Burr nous l'a signalé, beaucoup de ces problèmes ne sont pas uniquement des problèmes liés aux services de police, mais ils concernent toute la communauté. En adoptant cette approche globale, nous travaillons aussi délibérément pour élaborer des mesures de prévention et favoriser le principe de justice réparatrice.

La justice alternative, ou réparatrice, est une autre des priorités stratégiques de notre organisme qui est liée étroitement aux objectifs de notre stratégie sur la jeunesse dont je parlerai plus en détail.

Nous avons un engagement permanent envers le peuple autochtone du Canada, avec lequel nous partageons un patrimoine ancien et solide. Notamment au cours des 10 dernières années, nous avons enrichi cet héritage en exprimant notre attachement à celui-ci et en élaborant des projets en matière de services de police autochtones. Nous avons une relation unique avec les peuples des Premières nations et cette relation est manifeste dans les types de services et de soutiens spécialisés offerts par l'entremise des services de police autochtones de la GRC à travers le pays.

La Stratégie nationale de la jeunesse est un autre de nos objectifs stratégiques. En 1999, le comité de la haute direction de la GRC a identifié la jeunesse comme une priorité stratégique. Les objectifs sont assez simples: nous visons à prendre des mesures efficaces concernant les jeunes qui contreviennent à la loi et à réduire la criminalité chez les jeunes et le phénomène de victimisation. Pour ce faire, nous insistons sur la prévention du crime à travers le développement social. À cette fin, la création de partenariats communautaires et l'engagement de la jeunesse sont des éléments importants de notre travail.

Nous savons qu'en tant qu'agents de police, nous avons un rôle clé à jouer dans les problèmes de justice concernant les jeunes. Les membres du corps policier représentent souvent le premier contact entre un jeune et le système de justice. Ce rôle est essentiel et, dans le contexte du renouvellement du système de justice applicable aux jeunes, nous avons clairement la possibilité de faire des efforts supplémentaires pour améliorer ce premier contact avec les jeunes.

Notre organisme accorde de l'importance aux activités et aux mesures durables. Mme Burr a mentionné que les mesures ponctuelles ne fonctionnent pas et qu'il faut mettre sur pied une approche durable.

Il est également important que nous évaluions ce que nous entreprenons. À ce sujet, deux de nos divisions, la division «L» de l'Île-du-Prince-Édouard et la division «M» du Yukon se sont identifiées comme étant des divisions pilotes au sein de la Stratégie de la jeunesse et documenteront avec soin les réussites accomplies relatives au bien-être des jeunes de ces communautés.

À la direction générale, les Services nationaux de police autochtones constituent le centre de décision en ce qui concerne la prestation des services de police autochtones de la GRC à travers le Canada.

Suivant les résultats d'une étude effectuée à l'échelle nationale en l'an 2000, nous avons élaboré un plan stratégique appelé «Breaking Trail». La première partie de ce plan consiste à renforcer le profil des services de police autochtones à l'intérieur et à l'extérieur de notre propre organisme. La deuxième partie met l'accent sur la création d'une fonction de service afin d'assurer que les services correspondent aux besoins de la communauté. Les consultations que nous avons eues dans le contexte de cette étude ont clairement fait ressortir les attentes de notre clientèle par rapport à la jeunesse. Le message à ce sujet était tout à fait clair et, étant donné les données démographiques que nous avons déjà eu l'occasion de mentionner concernant la population autochtone, ces résultats sont très révélateurs.

Cette diapositive concerne les clients de la GRC. Je ne répéterai pas l'information démographique qui a été fournie par Mme Burr ce matin, mais je soulignerai que ce secteur de la population est celui qui grossit le plus au Canada, avec près de 50 p. 100 de ses membres ayant moins de 25 ans. Ce pourcentage est significatif pour la police, parce que ce groupe d'âge est précisément celui où les jeunes entrent en contact avec la force policière.

Une diapositive de Statistiques Canada montre que la population autochtone est plus jeune et croît plus rapidement que la population non autochtone.

Je suis consciente que la jeunesse autochtone urbaine est au centre des délibérations de ce comité. Dans l'ensemble, la Gendarmerie royale du Canada est au service des Autochtones des régions rurales, plutôt que de ceux des centres urbains, puisqu'elle ne détient pas le pouvoir d'exercer ses compétences policières dans la plupart des zones urbaines où se trouve une grande partie de la population autochtone.

Le problème de déplacement d'une communauté à une autre est extrêmement important et, pour cette raison, nous travaillons dans nos zones de compétences géographiques en liaison étroite avec la police des autorités locales des milieux urbains.

En ce qui concerne notre contexte opérationnel, nous sommes sans aucun doute au courant des réalités démographiques, du boom de population, de la surreprésentation des Autochtones en milieu correctionnel et des engagements pris lors du discours du Trône de 2001 pour ramener, en moins d'une génération, le pourcentage des Autochtones incarcérés au niveau de la moyenne canadienne.

Nous savons que nos collectivités sont particulièrement touchées par de graves problèmes de santé. Les taux de suicide qui sont tellement élevés pour les jeunes Autochtones entre 15 et 24 ans sont trois à sept fois supérieurs à la moyenne nationale.

Le syndrome d'alcoolisation fœtale et ses effets, ainsi que d'autres problèmes neurologiques résultant de la présence d'alcool dans le sang au stade prénatal touchent gravement nos communautés. Plusieurs estimations ont été faites, dont certaines indiquent que près de 40 p. 100 de la population adulte est touchée. Certaines études montrent que jusqu'à 30 p. 100 des femmes enceintes consomment des quantités d'alcool importantes. Ce problème est très grave pour nous, autant sous l'angle de la prévention que sous celui de la répression criminelle.

Dans cette population, il existe également des niveaux élevés de maladies transmissibles et autres comme la tuberculose, l'hépatite, le diabète, le cancer, les maladies cardiovasculaires et le VIH-sida.

En matière d'emploi, la GRC a mis sur pied certaines mesures qui visent à élargir les perspectives d'emploi des jeunes Autochtones.

L'approche que nous adoptons au sein de nos communautés est polyvalente et se base sur la création de larges partenariats communautaires. Ces partenariats ne se limitent pas seulement à la Direction générale ici à Ottawa, mais sont aussi rencontrés dans les quartiers divisionnaires des centres urbains des provinces et au niveau des communautés. Comme vous pouvez le remarquer, nous insistons beaucoup sur les partenariats. Ainsi, au niveau des quartiers généraux divisionnaires des provinces, nous œuvrons pour encourager les partenariats de grande envergure entre les communautés urbaines, rurales et provinciales.

Il existe certaines initiatives particulières s'adressant aux jeunes qui peuvent vous intéresser. Dans le domaine de la santé, une des nouvelles approches que nous avons utilisées est un programme appelé «White Stone». Ce nom provient d'un concept ojibwa qui veut dire «quelqu'un qui apprend aux autres à vieillir». Ce sont les jeunes participants qui ont choisi ce nom.

«White Stone» est un programme de formation préventif contre le suicide qui repose sur des principes d'entraide avec les pairs. Il représente un partenariat entre la GRC et les Programmes de formation en prévention du suicide (ou PFPS), représentant une branche à but non lucratif de l'Association canadienne pour la santé mentale. Le programme est divisé en deux parties: d'une part, on enseigne aux jeunes adultes et aux personnes prestataires de soins communautaires les principes de prévention du suicide; de l'autre, on les forme pour qu'ils puissent organiser des ateliers éducatifs sur le suicide, destinés aux jeunes dans leur communauté.

Les ateliers éducatifs sont destinés à être présentés aux jeunes de plus de 16 ans qui ne sont pas considérés comme une population à risque en ce qui concerne le suicide. En d'autres termes, nous sommes à la recherche de chefs de file parmi la population des jeunes Autochtones. Les participants au programme «White Stone» sont des Autochtones et des Inuits âgés entre 18 et 25 ans. Ce programme dure depuis environ un an et demi et nous commencerons bientôt à en évaluer les résultats. Les premières indications données par les participants nous révèlent que la possibilité de partager ses expériences et de reprendre de l'assurance en œuvrant les uns avec les autres au sein des communautés respectives est très importante.

Selon l'Organisation mondiale de la santé, le syndrome d'alcoolisation fœtale est la première cause connue de déficience mentale du monde occidental et pourtant, c'est un fléau qu'il est possible d'éviter à 100 p. 100. Comme je l'ai déjà mentionné, le nombre de personnes qui ont affaire au système de justice pénale et qui ont été touchées par la consommation prénatale d'alcool est assez considérable. Malheureusement, les cas ne sont pas souvent diagnostiqués.

Nous savons que les collectivités dans lesquelles nous exerçons nos fonctions, dont beaucoup sont rurales et éloignées, sont touchées. Les membres des services de police doivent être sensibilisés aux conséquences de cette maladie sur nos clients.

Le cas Leonard Martin au Manitoba l'année dernière est, par exemple, très présent dans nos esprits. Dans ce cas, le juge a déclaré que la culpabilité morale de l'inculpé devait être évaluée à la lumière de ses capacités amoindries et de son affaiblissement intellectuel. Ce jugement a manifestement de sérieuses répercussions sur la façon dont la police effectue son travail et il peut être nécessaire de changer la manière dont nous recueillons les déclarations. Ainsi, il serait peut- être bon de considérer l'enregistrement des témoignages sur bande vidéo. De plus, ces individus ont besoin d'être éclairés sur la procédure de la salle d'audience et ils ont peut-être besoin d'être confiés aux soins d'un tuteur. Toutes ces considérations doivent être prises en compte afin que la police puisse mieux servir ses clients, qu'ils soient des témoins, des victimes ou des suspects. Quelle est la manière appropriée pour un organisme policier de réagir vis-à-vis de tels individus?

Dans le domaine de la toxicomanie, la GRC offre depuis longtemps aux jeunes des programmes de prévention. J'aimerais en mentionner deux brièvement. Le premier s'appelle «Notre bouclier» pour les jeunes autochtones et a été mis au point, il y a quelques années, pour les jeunes Cris et les autres bandes des Prairies. Ce programme n'est pas approprié aux autres groupes autochtones et nous avons dû en tenir compte. Les Aînés de la communauté souhaitent que ces programmes soient adaptés aux différences culturelles. Parfois, il arrive que certains programmes soient appropriés à une culture, mais pas à une autre et il nous est difficile de faire des suppositions sur la transférabilité d'un programme particulier.

Le PSED est un programme de sensibilisation aux effets de la drogue qui est utilisé surtout en Colombie- Britannique et qui s'adresse à la jeunesse autochtone. C'est un programme à caractère général qui est très populaire auprès de la police. Vous en avez sûrement entendu parler dans les journaux, car son efficacité fait l'objet de nombreuses discussions. De nombreuses communautés autochtones apprécient ce programme parce qu'il est neutre et s'adapte à toutes les cultures. Elles jugent qu'il est en mesure d'offrir une base solide sur laquelle il est possible de superposer des notions qui conviennent aux différentes cultures autochtones. Certains membres de notre personnel autochtone ont été formés pour enseigner aux jeunes Autochtones dans le nord de la Colombie-Britannique. Actuellement, cinq de nos policiers utilisent ce programme.

Un autre problème majeur est l'exploitation sexuelle. C'est un domaine important dans le cadre de la Stratégie nationale de la jeunesse, parce qu'il touche la jeunesse autochtone de façon très particulière. Il est essentiel que la police reconnaisse les jeunes exploités sexuellement sur le marché de l'industrie du sexe par opposition aux jeunes prostitués, par exemple. J'insiste sur ce point pour que vous compreniez l'importance que notre organisme accorde à ce problème. Sur le sujet de l'exploitation sexuelle, nous travaillons sur toute une série de considérations connexes comme le recueil et le partage de l'information, les enquêtes, la sensibilisation et la prévention.

Nous étions l'un des parrains de la conférence clé intitulée Sortir de l'ombre, premier sommet international contre l'exploitation sexuelle des jeunes qui s'est tenu à Victoria en 1998 et qui a été organisé par le sénateur Pearson et Cherry Kingsley. Bien que nous n'agissions pas en tant que leader, mais en tant que partenaire, nous avons suivi l'évolution de ce travail de très près. Nous savons que l'exploitation sexuelle se manifeste sous de nombreux aspects, comme le révèle le projet d'Aide à l'enfance — Canada intitulé «Des vies sacrées: des enfants et des jeunes Autochtones parlent de l'exploitation sexuelle», qui traite des enfants qui sont attirés par les milieux urbains et quittent leur milieu rural.

Nous savons que des jeunes vendent leur corps en échange de nourriture, d'un abri, de drogues, d'un signe approbateur ou d'un sentiment de sécurité. Les jeunes qui s'enfuient de leur petite communauté rurale ou de leur réserve pour aller à la ville sont vulnérables. On estime qu'environ 8 p. 100 des fugueurs ou des enfants disparus au Canada sont des Autochtones.

Un endroit où cette tendance est particulièrement manifeste est Whitehorse. J'aimerais dire quelques mots au sujet de l'Initiative pour les sans-abri de Whitehorse. La GRC œuvre au sein d'un partenariat très large avec d'autres membres de la communauté pour examiner les causes profondes du phénomène des sans-abri dans cette ville. Les répercussions sur les jeunes sont très sérieuses. Nous offrons un appui financier, ainsi que nos compétences spécialisées pour la création de programmes et de projets à Whitehorse qui visent à satisfaire les besoins des enfants, des jeunes et de leurs familles confrontés au problème.

Ce travail met en évidence le besoin d'une perspective à plus longue échéance des interventions. Il n'y a pas de solution miracle pour les problèmes de la plupart de ces communautés; il faut au contraire prendre des mesures qui seront durables.

Le projet auquel nous participons actuellement à Whitehorse est le «Whole Child Project». Ce projet apporte des services de soutien aux enfants et à leurs familles après les heures de travail. Ces familles sont sans abri, soit complètement, soit partiellement, et la police se rend bénévolement auprès d'elles le soir. Elle leur offre un moyen de transport et s'emploie à bâtir une relation basée sur la confiance avec les peuples autochtones, ce qui est très important.

Nous participons également à un autre projet qui s'appelle «Aboriginal Cities Project», dont vous avez entendu parler par le ministère de la Justice. Nous prenons part au projet de Winnipeg en tant que partenaires des services de police de Winnipeg et d'autres prestataires de services afin d'identifier les services qui sont à la disposition des jeunes Autochtones et de définir les lacunes. Cette approche vise à offrir un soutien continu à la jeunesse autochtone qui peut être confronté à la victimisation et s'engager dans des activités criminelles lorsqu'elle se retrouve dans un milieu urbain.

Une grande part de notre travail en matière de victimisation concerne la jeunesse. Je tiens à signaler l'Initiative de lutte contre la violence familiale lancée par le gouvernement fédéral et pour laquelle la GRC reçoit des fonds. Nous concentrons nos efforts dans les domaines suivants: le problème de la victimisation, les relations et la prévention de la violence, et les enquêtes sur l'agression sexuelle. Dans l'ensemble, nous réussissons à mettre sur pied des ateliers ou des possibilités de formation et à développer du matériel didactique pour nos membres et pour les membres de la communauté.

Nous avons également établi un partenariat très actif avec l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada. Ce partenariat, créé en 1999, a été mis en place, suite à la prise de conscience de l'impact grave de la violence familiale au sein des collectivités autochtones et de ses répercussions non seulement sur les femmes, mais aussi sur les enfants. Nous avons conscience de l'effet cyclique de la violence: les personnes qui sont témoins d'actes violents deviennent des agresseurs commettant, à leur tour, des actes de violence familiale.

En novembre 2001 et à nouveau plus tôt ce mois-ci, nous avons organisé des consultations nationales avec des aînés et des prestataires de services autochtones de première ligne et nous mettons en œuvre un plan d'action national visant à s'attaquer à la violence familiale au sein des collectivités autochtones canadiennes. Ce plan complétera l'Initiative de lutte contre la violence familiale du gouvernement fédéral, lequel n'inclut pas encore les peuples autochtones.

Nous nous sommes également associés avec le MAINC et Situation de la femme pour financer un cercle national de lutte contre la violence familiale. Ce cercle comprend les directeurs administratifs autochtones des maisons de transition et de seconde étape se trouvant dans les réserves ou à l'extérieur des réserves au Canada. Nous avions appris lors d'une réunion tenue en 1999 que les prestataires de services ne possédaient pas de mécanisme de partage de l'information entre eux. C'est pourquoi nous avons apporté notre appui à l'élaboration de ce cercle national qui est, comme je l'ai dit, financé par le MAINC et auquel nous participons. Nous avons su développer d'excellentes relations de travail avec cet organisme et nous voulons les consolider. En effet, cet organisme joue un rôle essentiel, puisqu'il regroupe des prestataires de services autochtones de première ligne qui, dans la communauté, ont des relations de travail très étroites avec la police.

Kristine Burr ayant déjà mentionné l'impact des activités des bandes sur la jeunesse, que ce soit dans un milieu urbain ou un cadre rural. J'ajouterai simplement qu'à Winnipeg, nos membres de la division «D» font partie du groupe de sensibilisation aux bandes qui travaille de très près avec d'autres agences afin de partager l'information sur les bandes et d'intensifier la prévention.

La GRC emploie des Autochtones depuis longtemps. Le Programme de valorisation des cadets autochtones est un programme de recrutement des jeunes couronné de succès. Il permet aux jeunes Autochtones, qui ne satisfont pas d'entrée aux conditions d'admission de base de la GRC, d'accumuler le savoir requis pendant un maximum de deux ans afin de combler leurs lacunes et de pouvoir se joindre à la GRC au même niveau que les autres candidats. Ce programme est financé par 3 groupes: le DRHC, la GRC et la province ou le territoire où le programme a été mis en place. Les personnes qui participent à ce programme doivent subir une évaluation de trois semaines à l'École de la GRC à Regina.

Au cours des sept dernières années, ce programme a aidé plus de 200 jeunes Autochtones à devenir des membres réguliers de la GRC, ce que nous considérons comme une très grande réussite. Les 337 jeunes qui ont pris part à la formation, mais qui ne sont pas tous devenus des membres réguliers de la GRC, ont vraiment profité de cette expérience et amélioré leurs aptitudes. Plusieurs d'entre eux ont poursuivi leurs études et obtenu un emploi permanent dans des domaines équivalents.

En octobre 2001, le Programme de valorisation des cadets autochtones était l'un des 15 semi-finalistes au niveau international sur 280 participants à recevoir le prix d'excellence Webber Seavey en matière de services de police, décerné par l'Association internationale des chefs de police.

J'aimerais mentionner un autre programme, le Programme de formation des jeunes Autochtones, le PFJA, qui offre aux jeunes Autochtones un emploi d'été de 17 semaines, y compris trois semaines de formation à l'École de la GRC. Lorsqu'ils retournent à leur détachement près de chez eux, les étudiants travaillent sous la supervision directe et l'encadrement d'un membre régulier de la GRC. Ce programme est financé en partenariat avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Au cours des deux dernières années, 52 jeunes gens ont participé au programme, qui inclut maintenant le territoire du Nunavut.

Juste pour changer légèrement de sujet, je voudrais vous dire que notre organisme est engagé dans la formation continue. Un des points sur lequel nous insistons est la tolérance raciale et la lutte contre le racisme. J'ai mis en évidence ici plusieurs des champs d'intérêt sur lesquels nous concentrons nos efforts. Tout d'abord, le Comité consultatif national du Commissaire sur les Autochtones, ou CCNCA, qui comprend 13 peuples autochtones, se réunit avec le chef de police et la direction générale de la GRC deux fois par année. Le comité apporte au chef de police des conseils stratégiques et une perspective culturelle sur des sujets qui portent sur la prestation de services. Le comité agit en tant qu'organe de surveillance et porte les questions régionales à l'attention du chef de police. Le CCNCA s'intéresse particulièrement aux problèmes de racisme et, en tant que groupe, a encouragé un dialogue continu et contribué à la création de stratégies de lutte contre le racisme inhérent au sein de l'organisme. Le comité s'intéresse également à notre Stratégie Jeunesse et nous a apporté une aide précieuse en nous guidant dans notre travail, notamment pour ce qui a trait à l'engagement de la jeunesse.

L'apprentissage de nos membres se poursuit avec le programme de formation Perceptions autochtones (ou Aboriginal Perceptions Training). Ce programme constitue un partenariat entre la GRC et le Réseau de la justice autochtone sous forme de détachement. Nous avons une personne qui se consacre à ce programme: elle offre des stages de formation aux membres de la GRC, aux communautés et aux autres ministères gouvernementaux à la fois sur les perceptions autochtones et sur la justice réparatrice.

À l'École de la GRC, nous offrons une formation basée sur le modèle de résolution de problème qui consiste à inviter de jeunes recrues à réfléchir, à rechercher des partenariats communautaires et à chercher des solutions pour résoudre un problème précis. Un programme de formation spécifique qui est offert par l'École de la GRC est l'Unité de formation policière canadienne. Ce programme de formation ne s'adresse pas seulement aux cadets de la GRC, mais également aux autres ministères gouvernementaux qui œuvrent de façon permanente au sein des communautés autochtones, par exemple le ministère des Pêches et des Océans et Parcs Canada. Nous sommes en mesure d'offrir cet aperçu de la complexité des communautés autochtones et des facteurs qui contribuent aux changements sociaux qui y surviennent, par le biais d'une méthode d'apprentissage axée sur la création de scénarios qui encouragent la sensibilisation des gens aux peuples autochtones et à leurs croyances.

Enfin, pour ce qui a trait à la formation continue et aux jeunes, je reviendrai au domaine de la jeunesse car, en ce moment, nous concentrons nos efforts pour préparer nos membres à jouer leur rôle dans le cadre de l'Initiative de renouvellement du système de justice pénale pour les jeunes. En prévision de l'adoption de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, nous consacrons actuellement une grande partie de nos efforts à préparer de l'information et des ressources éducatives pour nos membres de façon à pouvoir réagir conformément à ce projet de loi, dans lequel la police joue un rôle si important. Le projet de loi met particulièrement l'accent sur le point de contact initial entre l'adolescent et la police. Le policier se doit de considérer l'utilisation de mesures extrajudiciaires adaptées à la culture de l'adolescent.

La police aura un rôle dans les discussions avec les suspects, que ce soit avant l'inculpation ou à d'autres étapes du processus, et là encore, le besoin de connaître la culture de la communauté est primordial. Nous avons élaboré un plan d'apprentissage qui comporte deux parties: une partie qui décrit les principes généraux de la loi et une partie de formation spécifique sur ses dispositions. Une partie de la composante d'apprentissage consiste à envisager le syndrome et les effets de l'alcoolisme fœtal. Autrement dit, elle enseigne à nos membres comment interagir avec les gens et comment agir si un client est soupçonné d'être sous l'effet de l'alcool.

Parlons maintenant de la justice réparatrice qui nous intéresse particulièrement. La GRC est dotée du mécanisme de justice communautaire que nous utilisons comme modèle. Nous continuons à former nos membres et nos autres partenaires de la communauté au mécanisme de justice communautaire et au rôle de facilitateur. Il s'agit d'un cadre sécuritaire et contrôlé par un facilitateur de formation dans lequel un délinquant, une victime et des partisans se rencontrent pour discuter de l'infraction, de ses effets et décider de la façon dont la situation peut être corrigée. Les premiers résultats révèlent que ce mécanisme a beaucoup de succès auprès des jeunes qui se retrouvent confrontés au système judiciaire et plus particulièrement avec les collectivités autochtones.

Pour terminer, je voudrais réitérer que la GRC représente le premier point de contact pour un bon nombre de jeunes Autochtones et, pour cette raison, elle a un rôle crucial à jouer dans la création de solutions innovatrices à plusieurs problèmes de prestation de services destinés à la jeunesse. En tant qu'organisme, nous nous engageons à défendre les intérêts des jeunes au cours des quatre prochaines années. Cet engagement a été clairement exprimé par notre chef de police et est clair dans l'esprit de tous nos membres.

Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de partager avec vous la vision de notre travail avec les jeunes et nous espérons continuer notre partenariat au sein du portefeuille du ministère du Solliciteur général afin de poursuivre notre œuvre essentielle.

La présidente: Vous n'avez pas du tout fait mention des Métis dans votre exposé. Pourtant, ils représentent une grande proportion de la population incarcérée se trouvant à l'intérieur du système carcéral. C'est un oubli qui est inquiétant.

Madame Franklin, vous avez également oublié de parler des comités consultatifs autochtones pour toutes les divisions du Canada, qui jouent un rôle très important. En Alberta, j'ai la chance de faire partie de ce comité consultatif depuis de nombreuses années. En outre, je ne sais pas si vous avez une composante semblable dans le reste du pays, mais la division «K» de l'Alberta comporte un programme qui est très intéressant. J'agis en tant qu'aînée à titre officieux pour certains de nos détachements du nord de l'Alberta et je crois que mon rôle est essentiel pour aider non seulement les membres à comprendre les communautés, mais aussi pour les soutenir lorsqu'ils doivent faire face à des situations déroutantes et tragiques. Ce rôle est très important et il est nécessaire de l'examiner plus en détail.

Mme Franklin: Je vous remercie.

Mme Gina Wilson, directrice générale, Direction des questions autochtones, Service correctionnel du Canada: Je suis une Algonquine de la Première nation des Kitigan Zibi près de Maniwaki, au Québec. Je me considère également comme une jeune Autochtone, puisque d'après la définition, on est jeune jusqu'à 35 ans; du moins, c'est ce que j'ai entendu dire. Néanmoins, malgré mon âge, j'ai eu la possibilité de travailler avec des jeunes Autochtones tout au long de ma carrière et plus récemment en tant que directrice générale de la direction des questions autochtones des Services correctionnels du Canada.

Comme vous le savez déjà, il existe actuellement une surreprésentation de délinquants autochtones dans les établissements pénitentiaires fédéraux. Je n'entrerai pas dans les détails sur les écarts considérables qui existent concernant les taux de libération conditionnelle et d'autres points, mais je me contenterai de dire que les délinquants autochtones ne se réintègrent pas aussi facilement et sans risque que les délinquants non autochtones.

Notre population compte environ 4 500 délinquants autochtones et ils sont habituellement plus jeunes que la population générale des délinquants. À peu près 70 p. 100 de notre population de délinquants autochtones vivaient dans un centre urbain au moment de leur condamnation. Ils ont passé leur enfance pour la plupart dans des foyers d'accueil ou collectifs. En fait, nous venons juste de terminer une étude qui démontre qu'un nombre considérable de délinquants sous responsabilité fédérale avaient été placés dans des foyers d'accueil ou collectifs. Un grand nombre d'entre eux sont aux prises avec des problèmes de toxicomanie, de violence et de dysfonction sexuelle.

En réalité, le Service correctionnel du Canada est au bout d'un long parcours jonché d'obstacles dans la vie d'une personne autochtone. La personne qui se présente à nous avant d'être condamnée à des peines de prison par les tribunaux fédéraux a habituellement vécu de rudes épreuves. Il s'agit de la triste réalité.

Toutefois, il existe quelques exemples de réussites, de percées et de contributions apportées par le système correctionnel dans la vie des délinquants autochtones et, par conséquent, dans la vie de leur famille et de leur collectivité. Au cours des dernières années, nous avons utilisé les services d'aînés, d'agents de liaison autochtones et, plus récemment, nous avons élargi ces services essentiels en recrutant des agents autochtones de développement communautaire. Ces personnes ont l'avantage de travailler au sein même de la communauté. Nous avons embauché des agents d'exécution de programmes culturels autochtones qui travaillent à l'intérieur des établissements pénitentiaires.

Nous avons également établi un nombre de programmes autochtones annexes et créé plusieurs comités autochtones pour développer des services qui s'adressent aux délinquants et aux communautés autochtones. Comme la GRC, nous possédons un comité consultatif national et des comités consultatifs autochtones pour chacun des quartiers généraux au niveau régional et même quelquefois au niveau local.

Nous travaillons aussi conjointement avec tous les organismes autochtones au niveau national et commençons à adapter plusieurs de nos programmes et initiatives pour mieux répondre aux besoins des délinquants métis et inuits, car jusqu'à maintenant, un grand nombre de nos approches ne s'adressaient qu'aux Premières nations.

Nous sommes en train de conclure des accords avec des collectivités autochtones afin de mettre en place et de gérer des pavillons de ressourcement comme celui d'Okimaw Ohci pour les femmes, le Pe Sakastew à Sampson Cree, le Willow Cree à Beardy et bien d'autres. Actuellement, le SCC travaille avec huit pavillons de ressourcement à travers le Canada et plusieurs communautés autochtones font de même avec les délinquants autochtones et leur offrent des services de réinsertion en milieu communautaire. Nous avons remporté un certain succès avec ces pavillons de ressourcement et je crois que certains d'entre eux peuvent être adaptés et mieux répondre aux besoins de la jeunesse autochtone que les services correctionnels.

En outre, le SCC a mis en vigueur une campagne de recrutement avec l'intention d'embaucher environ 1 000 Autochtones au cours des quatre prochaines années. Actuellement, la proportion du personnel autochtone au sein du SCC est d'à peu près 5,5 p. 100 et nous comptons augmenter ce pourcentage à tous les niveaux de personnel.

Les bandes de délinquants autochtones posent un grave problème aux services correctionnels fédéraux. On dénombre environ 300 membres autochtones de bandes actuellement incarcérés, surtout de la région des Prairies. Ces personnes constituent une menace sérieuse à la sécurité et ont des besoins particuliers en matière de réintégration à la société. Au printemps 2000, Ovide Mercredi a complété un examen du problème et a présenté au SCC son rapport et ses recommandations. Le SCC a alors mis sur pied à Winnipeg une initiative correctionnelle pilote sur les bandes de délinquants autochtones. Un groupe de cinq Autochtones a été engagé pour mener un travail en équipe. Leur mission est de changer le mode de vie actuel des membres des bandes autochtones afin qu'ils abandonnent leur style de vie criminel et suivent le chemin de la guérison et de l'apport positif à la communauté.

Au cours des six derniers mois, dans le cadre de cette toute nouvelle initiative, cette équipe a réussi à créer de nombreux partenariats au Manitoba et avec des groupes autochtones. L'équipe a pu réduire les tensions, les interventions et la violence au sein de l'établissement de Stony Mountain et a établi, très rapidement, une liste de clients d'une cinquantaine de membres de bandes autochtones qui sont en train de se désolidariser de leur bande et qui travaillent avec l'équipe jour après jour sur la voie de la guérison.

Présentement, nous travaillons avec des peuples autochtones afin de réajuster notre stratégie autochtone pour réussir à préparer les délinquants autochtones à une remise en liberté réussie. La prise en charge par les Autochtones et la stratégie correctionnelle fédérale essaieront de rassembler les nombreuses pièces du casse-tête et d'apporter leur contribution au problème de surreprésentation des Autochtones dans les prisons canadiennes. Cette stratégie permettra à un délinquant autochtone d'avoir accès à un service ou à une initiative qui s'adresse spécifiquement aux Autochtones, tout au long de sa condamnation, de façon à ce qu'il bénéficie de services en continu.

Une des leçons les plus importantes que j'ai apprises au cours de mon travail pour les services correctionnels est qu'il est essentiel de s'investir dans les besoins des peuples autochtones au niveau communautaire au tout début du cycle et non à la fin, là où je me trouve. Autrement dit, il faut créer des services et des initiatives de programme qui sont axés sur les enfants et les adolescents. La majorité des délinquants autochtones que j'ai eu l'occasion de connaître au cours des dernières années ont subi un traumatisme dans leur petite enfance; chacun de ceux que j'ai rencontrés a subi au moins un type de traumatisme. Il incombe à notre agence d'assurer que les délinquants sous responsabilité fédérale ne retournent pas en prison.

Les questions autochtones constituent une des quatre priorités stratégiques du ministère. Cependant, il faudra que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux se mobilisent dans un effort mieux coordonné pour influer sur le nombre de jeunes Autochtones qui ont maille à partir avec le système correctionnel fédéral et pour répondre au discours du Trône qui prône une réduction du nombre de délinquants autochtones incarcérés.

La présidente: Votre exposé est très intéressant. J'aimerais que vous fournissiez des copies de ces rapports à notre personnel de recherche, car il est urgent que nous nous occupions de ce problème.

Le sénateur Carney: Madame Franklin, êtes-vous un agent de police de la GRC ou simplement Mme Franklin?

Mme Franklin: Je suis simplement Dorothy Franklin.

Le sénateur Carney: C'est parfait, parce que je suis simplement Pat Carney.

Étant donné l'information que vous nous avez apportée, je voulais vous demander de commenter la déclaration du secrétaire d'État des Affaires indiennes et du Nord canadien, Stephen Owen, lors de sa nomination, sur le fait que la jeunesse autochtone était semblable à la jeunesse palestinienne, prête à exploser comme un baril de poudre, ce qui le troublait beaucoup. Le ministre des Affaires indiennes a désamorcé la situation, mais puisque le ministre Owen devait avoir reçu des instructions de son ministère, il a dû avoir des raisons particulières pour faire une telle déclaration.

Pourriez-vous répondre à ses commentaires, disant que la jeunesse autochtone représente un baril de poudre et une source de violence potentielle? Malheureusement, je ne me souviens plus de sa phrase exacte.

Mme Franklin: J'ai sans aucun doute lu dans les journaux les commentaires de Stephen Owen, concernant la jeunesse autochtone et le stress qu'elle subit, qui risque de mener à la violence. Je n'ai pas contribué à l'informer à ce sujet et il m'est donc difficile de donner mon avis sur ce point. Au sein de nos communautés, nous sommes particulièrement sensibles aux besoins de la jeunesse autochtone. J'aimerais faire écho aux commentaires de Mme Wilson qui déclare qu'il est nécessaire d'intervenir très rapidement dans la vie de ces enfants.

Le sénateur Carney: Êtes-vous consciente de quelque chose qui se passe dans ces communautés et qui conduirait le ministre à faire cette déclaration, comme vous et la GRC vous trouvez en première ligne? Quelle est la nature de l'information disponible qui pourrait le pousser à faire cette déclaration?

Mme Franklin: Je ne suis au courant d'aucune information qui pourrait mener à cette conclusion. Je n'ai pas participé à son briefing.

Le sénateur Carney: En ce qui vous concerne et avec l'information que vous pouvez détenir au sujet des communautés dans lesquelles vous travaillez, qui sont, selon vous, pour la plupart rurales, une telle situation serait-elle évidente?

Mme Franklin: Nous sommes certainement conscients du phénomène de recrutement des bandes dont nous avons parlé ce matin, et de l'attraction que les activités des bandes exercent sur les jeunes, qu'ils se trouvent dans un environnement urbain ou rural. Toutefois, je ne possède aucune information qui pourrait me permettre de corroborer ou de commenter la déclaration faite par M. Owen.

Le sénateur Carney: Qui sont les chefs de ces bandes et d'où viennent-ils, lorsqu'ils vont recruter dans des secteurs comme, disons, l'intérieur de la Colombie-Britannique? Ils n'ont pas l'air d'être aussi répandus, mais je peux toutefois me tromper et votre information est sans doute meilleure que la mienne, mais ils ne semblent pas aussi présents dans les localités côtières que dans les communautés de l'intérieur. Qui sont les chefs de ces bandes et d'où viennent-ils? Lorsque vous dites qu'il y a toute cette activité et ces recrutements effectués par les bandes, qui sont les recruteurs et d'où viennent-ils?

Mme Burr: Nous pensons qu'il existe habituellement certains liens avec des bandes ou des groupes de motards bien établis qui ont des liaisons avec le crime organisé et le problème est particulièrement visible dans certaines parties du pays, dans les Prairies au Manitoba pour sûr, et ce phénomène commence à s'étendre en Saskatchewan, semble-t-il, récemment, dans un certain nombre des principales villes de l'Ouest en particulier.

Le sénateur Carney: Les bandes de motards et tout cela ne font pas particulièrement partie des activités culturelles autochtones, n'est-ce pas? Qu'est-ce qui attire la jeunesse? Si vous deviez vous occuper des bandes, j'imagine que vous le feriez en traitant la source du problème et non le résultat de cette pression.

Mme Burr: Nous nous apercevons de plus en plus que le fait d'appartenir à une bande et l'attrait de participer à ces bandes n'est pas nécessairement relié uniquement à l'intérêt pour les activités criminelles. C'est surtout la question de vouloir appartenir à un groupe, et, très souvent pour ces jeunes gens, cela offre une alternative séduisante à une vie qui n'est peut-être pas particulièrement heureuse ou saine et qui est souvent liée à la pauvreté. Des problèmes sociaux fondamentaux sont à la source de ce problème autant qu'un intérêt particulier à s'engager dans une activité criminelle.

Mme Franklin: J'aimerais réitérer ces commentaires en faisant référence à un forum national sur les bandes de jeunes parrainé par la GRC et le Solliciteur général à Winnipeg il y a un an. Les raisons invoquées par les jeunes pour expliquer leur envie de participer à des bandes sont le sentiment d'appartenance, une famille de substitution en fait. Pour ceux qui se rendent compte que ce n'est pas la vie qu'ils avaient imaginée, il est extrêmement difficile d'en sortir. Nous savons d'après l'expérience de certains de ces jeunes gens qui ont pris la décision d'essayer de sortir d'une bande, qu'ils ont besoin d'être fortement soutenus par leur communauté pendant ce processus. Nous comprenons également que la motivation est en fait réellement le sentiment d'appartenance, le sentiment de protection et le sentiment d'identité.

Le sénateur Carney: En Colombie-Britannique, l'un des programmes les plus réussis, lancé par la GRC, consiste en des excursions en canot le long de la côte, reconstitution de certains des trajets effectués par les Autochtones le long de la côte dans les canots traditionnels haïda pour visiter les communautés. Le programme est à la fois autochtone et non autochtone, mais je pense qu'il a été amorcé par la GRC. Il me semble que beaucoup des programmes que vous avez décrits sont de type descendant. Nous utilisons le concept d'ateliers, de projets et de partenariats, et cetera dans beaucoup de domaines et il n'est pas toujours couronné de succès.

Quelles sont les autres initiatives que vous pourriez nous citer, qui peuvent se réaliser au niveau de la communauté, lancées par les membres de la GRC eux-mêmes, et qui suivent les traces de cette coopération réussie et visible qui existe sur la côte dans le cas des excursions en canot haïda?

Mme Franklin: Les excursions en canot sont populaires et appréciées en Colombie-Britannique et dans le Yukon. Mon exposé n'a pas vraiment fait cas des nombreuses interventions positives de nos membres avec les jeunes au niveau communautaire. Nous avons de nombreux exemples d'activités sportives, de clubs de jeunes qui sont développés, de planche à neige, de ski, de tout un éventail de camps en plein air, qui sont soit développés par nos membres, soit animés ou mis en place par nos membres, mais toujours en étroite collaboration avec les chefs, les aînés et les conseillers autochtones de la communauté.

Nous offrons des programmes d'alphabétisation mis en œuvre dans les communautés où les gens n'ont pas l'habitude de faire la lecture aux enfants et en fait ce sont nos membres qui le font. Ils vont dans les écoles et nous fournissons des livres, lorsque la bibliothèque de l'école est inexistante ou non adaptée. Nos membres essayent d'encourager à long terme cette habitude de faire la lecture aux enfants et d'inciter les enfants plus âgés à faire la lecture aux plus jeunes, toujours avec le but de développer des activités durables.

Bon nombre des programmes en cours de développement dans les communautés sont à court terme. Nous sommes souvent confrontés au fait qu'un programme peut être couronné de succès dans une communauté mais dépend des compétences et des intérêts d'un membre en particulier, et si ce dernier quitte la communauté, le programme risque de s'arrêter. Nous avons conscience qu'il est nécessaire de traiter cette question, de façon à permettre que ces programmes qui rencontrent un succès phénoménal au sein des communautés ne reposent pas uniquement sur la police, mais davantage sur un partenariat qui met en jeu les autres membres de la communauté. De cette manière, le programme peut continuer.

Le sénateur Carney: Pourriez-vous donner au comité quelques exemples de ces programmes? Il est évident que vous ne pouvez pas nous citer tous les programmes, mais peut-être pourriez-vous nous parler de certains cas concrets?

La présidente: Peut-être le témoin pourrait-il nous fournir un rapport ayant trait aux programmes communautaires les plus réussis?

Mme Franklin: Je serais très heureuse de le faire.

Le sénateur Carney: Il serait également utile que vous nous apportiez quelque information au sujet des programmes qui n'ont pas été couronnés de succès.

La présidente: Madame Wilson, désirez-vous répondre en ce qui concerne la situation des bandes?

Mme Wilson: J'aimerais continuer à répondre à la question de Mme le sénateur Carney en ce qui concerne les bandes et les recruteurs, et leur provenance. Les jeunes Autochtones qui sont confrontés à des dissociations familiales, ressentent un sentiment d'appartenance ou un sentiment de famille dans une bande.

Ils souffrent également d'un manque d'identité. Nombreux sont les jeunes Autochtones des villes qui ne se sentent pas acceptés dans leur Première nation ou leur communauté métisse. Il est probable qu'ils ne se sentent pas acceptés par la communauté urbaine non autochtone; en revanche, ils ressentent sans aucun doute un sentiment d'appartenance au sein de la bande. La meilleure façon d'aborder ce problème est d'apporter des solutions qui fassent qu'ils se sentent également acceptés. Nous avons particulièrement bien réussi dans le cadre de la voie du ressourcement, et avec ces types de solutions dans lesquelles se retrouvent l'acceptation, l'appartenance et la famille. On y retrouve tous ces éléments manquants, mais de façon positive.

Le sénateur Johnson: Le programme curatif de la communauté de Hollow Water est-il un programme de collaboration auquel la GRC a participé?

Mme Burr: Le programme de Hollow Water a été institué par le Solliciteur général du Canada, mais il a été repris pour être maintenant financé par le ministère de la Justice. Le programme existe depuis plusieurs années. Nous avons réalisé récemment une évaluation de programme qui démontre sa rentabilité. Il s'avère être une plate-forme pour l'activité économique et sociale dans la communauté. Il s'apparente à une expérience réussie et nous espérons pouvoir le reproduire ailleurs.

Le sénateur Johnson: Comme on a pu le constater, parmi ceux qui ont participé au programme de Hollow Water, 44 p. 100 l'ont trouvé positif et 33 p. 100 négatif. La constatation importante est que 72 p. 100 des délinquants et seulement 28 p. 100 des victimes trouvent que les conseils de détermination des peines sont une expérience positive. Lorsque vous nous donnerez votre rapport, il serait intéressant que vous nous donniez votre avis sur ce qui se passe à Hollow Water. Vous affirmez que ce programme est une réussite, mais ce n'est pas ce que montrent les derniers chiffres.

Mme Burr: Sénateur, je pense que vous vous appuyez probablement sur notre étude d'évaluation.

Le sénateur Johnson: C'est l'information dont nous disposons sur le programme. Si vous nous fournissez de plus amples détails, comme le demandait Mme le sénateur Carney, il vous serait peut-être possible de faire des observations à ce sujet. Si ces chiffres ne sont pas exacts, il est nécessaire de les modifier.

Mme Burr: Tout bien pesé, le programme s'est avéré être à la fois rentable et utile pour les membres de la communauté. Toutes les personnes de la communauté ne nous ont pas complètement soutenus. Pour tout ce qui se rapporte à la réconciliation et aux relations avec les personnes qui ont souffert ou auxquelles des blessures ont été infligées, vous n'obtiendrez jamais l'unanimité. Néanmoins, le programme a tout compte fait été jugé fructueux.

Le sénateur Sibbeston: Dans les années 90, j'ai travaillé dans le domaine de la justice communautaire. J'étais bien placé pour cela: j'étais avocat, autochtone et je parlais la langue.

Pendant les années au cours desquelles j'ai travaillé dans ce domaine, j'ai eu l'opportunité de travailler en collaboration avec les communautés pour mettre en place des cercles de justice communautaire. Cela m'a demandé beaucoup d'effort et de travail. Je devais me rendre dans les communautés pour les convaincre de résoudre elles-mêmes leurs problèmes, plutôt que de demander à la Gendarmerie royale du Canada d'intervenir. Les gens étaient habitués à penser que le statu quo, la GRC et l'ordre juridique étaient les seuls moyens de procéder.

Notre système juridique est rigide, établi et difficile à modifier. J'ai travaillé au sein du gouvernement et nous avons réussi à changer certaines choses comme l'éducation et le logement sous de nombreux aspects. Néanmoins, le système juridique est le dernier domaine et le plus complexe à être transféré à la communauté.

Lorsqu'il s'agit de changer la vie des gens, en particulier quand il est question du crime et des infractions, je pense qu'il est plus facile de le faire au niveau communautaire, en collaborant avec les collectivités afin d'établir des systèmes juridiques communautaires. La GRC et le système juridique sont profondément enracinés. Lorsqu'il y a un crime, la GRC assume le travail de police. Elle s'occupe des entrevues et de l'enquête. Peu après, l'information, les inculpations, les sommations de comparution et tout ce qui s'ensuit viennent s'amonceler dans une pile de documents sur le bureau du caporal. L'affaire est ensuite présentée au tribunal, où la personne est condamnée ou reçoit une amende ou encore est envoyée en prison. Ce processus est froid, cruel et ne tient pas compte de l'aspect affectif.

Un système juridique communautaire, qui permet à la collectivité de traiter le problème dans un contexte tenant compte du côté affectif est une option où la guérison intervient.

Toutefois, lorsque vous donnez à la communauté la capacité de pourvoir à sa propre justice, vous remettez en cause le système. Dans le fond, vous déclarez que le système actuel de la GRC, des juges, des procureurs et des avocats n'est plus vraiment nécessaire. Cela constitue une menace pour notre constitution. Toutes ces personnes gagnent leur vie de cette façon. Cela menace également même la GRC. Si ce système fonctionne, le nombre d'agents de la GRC nécessaires ne sera plus aussi important.

Lorsque vous participez à ce processus de justice communautaire, vous vous embarquez dans un changement important en ce qui concerne le fonctionnement de la GRC et des prisons. Au mieux, les gens n'iront plus en prison et vous n'aurez plus besoin de la GRC, vu que la communauté gérera les problèmes et qu'il y aura un processus de guérison.

Selon mon expérience, lorsqu'un projet est mis en place, il y a moins de crimes et moins de personnes allant en prison, et le besoin en agents de la GRC est beaucoup moins important. C'est ce qui pose un problème.

J'ai trouvé que la plupart des membres de la GRC n'étaient pas si sensibles à ces projets. Ils ne sont pas vraiment intéressés; ils veulent continuer à vivre et travailler de la même façon.

L'un des membres de la GRC à qui j'ai eu affaire au cours des trois années de ma participation, était très ouvert sur le sujet. Il disait qu'il avait été membre de la GRC depuis 20 ans et qu'envoyer les gens en prison n'avait jamais été une solution. Il était vraiment intéressé et engagé dans ce nouveau projet. Grâce à sa collaboration, nous avons pu progresser considérablement et obtenir certains succès.

Comprenez-vous bien quels sont les enjeux? Ce sont des changements très importants. Si vous adoptez cette méthode, il faut vous assurer que la GRC a reçu une formation appropriée et prête à accepter cette nouvelle approche. De votre côté, le ministère et le statu quo, il vous faut effectuer un travail considérable pour assurer que la GRC et les fonctionnaires du système judiciaire réalisent ce qui est en jeu et qu'ils soient enclins à adopter cette nouvelle approche de la vie.

Jusqu'à quel point êtes-vous engagés? Cette approche implique des déplacements d'emplois et de postes dans l'administration.

Mme Franklin: Vous venez de soulever une question importante. Cette question n'a jamais été soulevée dans le contexte de la justice réparatrice dans mon organisation. Il serait difficile de trouver des personnes plus engagées que nous le sommes, à savoir que la justice réparatrice est l'une des cinq priorités stratégiques de notre organisation.

Il est évident qu'au niveau de la direction de notre organisation, il existe un engagement en ce qui concerne la justice réparatrice. Nous avons entendu cela de la part de nos propres communautés. Lors des discussions que nous avons eues avec les communautés autochtones en particulier, elles nous ont dit qu'elles souhaitaient que des méthodes comme celle-ci, axées sur la communauté, soient adoptées. Le chef de police a été très clair à ce sujet: la justice réparatrice est l'un de nos objectifs et c'est un sujet très étroitement relié à nos préoccupations en ce qui concerne la jeunesse.

Pour ce qui est de la question que vous avez soulevée concernant la formation et l'attitude profondément ancrée de nos membres, depuis 1994, l'année où la GRC a adopté la justice réparatrice et s'est occupée de former ses membres et les membres de la communauté, ce sujet a vraiment pris de l'ampleur au sein de notre organisation. Nous comptons beaucoup de défenseurs de la justice réparatrice parmi nos membres qui font écho à l'ouverture d'esprit individuelle de la personne que vous avez mentionnée. Lorsqu'ils voient une jeune personne passer par le système juridique, ils savent qu'il est probable que d'autres jeunes frères et sœurs vont suivre. Ils sont très désireux de voir utiliser les méthodes de justice réparatrice dans leurs communautés. Il y a beaucoup d'activités. Nous disposons de plus de 3 000 personnes formées aux fonctions de facilitateurs et nous désirons réaliser encore plus de choses en ce domaine.

En tant qu'organisation, nous avons adopté cette méthode et nous comptons bien la poursuivre. Nous sommes engagés tant au niveau national qu'international à approfondir notre connaissance de la justice réparatrice. Nous avons participé récemment à une réunion des Nations Unies qui s'est déroulée au Canada, ici à Ottawa. Cette réunion à laquelle participaient des spécialistes en justice réparatrice avait pour but d'établir des principes qui seraient adoptés par les Nations Unies et avalisés par d'autres pays. Ces principes constitueraient la base de notre propre travail en matière de justice réparatrice.

Mon organisation est très engagée dans la justice réparatrice, bien que notre tâche soit encore considérable.

Le sénateur Sibbeston: Au Canada, des inculpations sont prononcées tous les jours. Au lieu que la GRC s'occupe des délinquants d'une manière moins rigide et plus réparatrice, des inculpations sont prononcées. Ayant été avocat au début de ma carrière, je sais que la GRC prononce beaucoup d'inculpations. Pour tout incident ayant une connotation criminelle quelle qu'elle soit, des inculpations sont prononcées. Certains pays comme la Nouvelle Zélande, l'Australie, et même l'Angleterre adoptent de nouvelles approches pour faire face à la délinquance de la jeunesse de manière moins rigide et plus réparatrice.

Ceci est-il reconnu? Pensez-vous qu'il y ait un mouvement vers cette nouvelle approche?

Le sénateur Carney: Je ne comprends pas la question du sénateur Sibbeston.

Le sénateur Sibbeston: Je voulais dire que beaucoup d'inculpations étaient prononcées au Canada et que nous sommes tributaires de l'appareil judiciaire pour s'occuper des délinquants. Nous inculpons des personnes pour des infractions pénales plus fréquemment que d'autres pays comme l'Australie et l'Angleterre. Je ne sais pas comment nous nous plaçons par rapport aux États-Unis.

Avec les récents changements qui ont été apportés au Code criminel pour faire face à la jeunesse délinquante par le biais de comités juridiques et ainsi de suite, il doit exister une tendance visant à prononcer moins d'inculpations et à traiter les gens de façon plus appropriée au lieu de les faire passer par l'appareil juridique.

Mme Burr: Je suis tout à fait d'accord avec tout ce qu'a dit Mme Franklin. Le ministère du Solliciteur général est très intéressé par les mesures potentielles qu'offre la justice réparatrice pour améliorer le système judiciaire. Il ne fait aucun doute qu'il y a une multitude de choses à améliorer.

L'une des questions délicates qui entre en jeu est le fait qu'il y ait habituellement, dans tous les cas, des victimes aussi bien que des délinquants. Le processus consiste à prononcer une inculpation et ensuite, une décision est prise pour savoir si le cas se prête à un processus de justice réparatrice dans lequel la victime, aussi bien que le délinquant, pourront ressentir à la fin que l'affaire est terminée. L'une des faiblesses du système juridique officiel réside dans le fait que la victime ressent qu'elle n'a pas beaucoup de place dans le processus. La justice réparatrice est fondée sur des tentatives extrêmement fondamentales de revenir vers un équilibre, mais sans toutefois faire abstraction de l'existence du système judiciaire officiel qui est en toile de fond.

Je sais que la GRC utilise beaucoup la déjudiciarisation avec la jeunesse et j'aimerais que Mme Franklin nous parle de cela.

Mme Franklin: Comme je l'ai mentionné, notre organisation utilise les méthodes réparatrices depuis 1994. Nous les avons trouvées particulièrement efficaces avec les jeunes.

Pour répondre à votre question visant à savoir s'il y a une tendance à prononcer moins d'inculpations, la réponse est oui. Je n'ai pas les statistiques ici avec moi pour étayer ma réponse, mais nous savons par nos gens sur le terrain qu'ils utilisent la justice réparatrice. Nous avons un code spécial qui est utilisé lorsqu'une approche réparatrice a été employée.

La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents requiert que la police prenne en considération des mesures extrajudiciaires avant de prononcer une inculpation. Cela ne fait que confirmer une pratique qui est déjà en place dans notre organisation depuis un certain temps. La loi consolide et valide cette pratique et en fait un impératif.

Il est également impératif pour nous de reconnaître que le travail d'un agent de police est aussi valable lorsque l'approche réparatrice est utilisée que lorsqu'une inculpation est prononcée. Nous concentrons aussi nos efforts à ce sujet à l'interne. Cela signifie qu'un agent de police est évalué non pas sur le nombre d'inculpations qu'il prononce mais plutôt sur le nombre d'approches réparatrices qu'il a utilisées.

Le sénateur Christensen: Madame Wilson, dans votre exposé, vous avez déclaré que le Service correctionnel du Canada tente de réintégrer les Autochtones sortant du système carcéral dans la communauté. Dans les zones urbaines, il est fréquent qu'il n'y ait pas de communauté. Comment procédez-vous?

Mme Wilson: Nous effectuons en collaboration avec le Congrès des Peuples Autochtones une enquête sur les environnements urbains autochtones susceptibles d'offrir aux délinquants un foyer. Nous avons trouvé qu'il était plus efficace de réinsérer les délinquants autochtones dans les communautés autochtones au sein desquelles ils trouvent un réseau de soutien.

Nous disposons également de 23 foyers de transition réservés aux Autochtones, à savoir des foyers ayant des contrats passés avec des organisations autochtones et mettant à disposition des lits pour la communauté. Je crois que, parmi ces 23 foyers, 18 sont situés dans des centres urbains, et les principaux centres urbains dans tout le Canada disposent donc tous de foyers de transition pour les Autochtones.

L'un de nos pavillons de ressourcement ayant le plus de succès est le centre de guérison Stan Daniels, situé dans le centre-ville d'Edmonton, dans un environnement urbain et qui possède une histoire déjà ancienne de prestations de services aux délinquants autochtones par l'entremise du Native Counselling Services of Alberta.

Un certain nombre de programmes sont déjà en place, mais nous devons faire encore plus pour trouver d'autres environnements en milieu urbain.

Le sénateur Christensen: J'étais vraiment étonnée du nombre de programmes que vous avez mis en place. Il pourrait être utile au comité que vous établissiez toutes les trois un tableau avec tous les programmes; nous pourrions ainsi avoir une matrice de tout ce qui existe sur le terrain. Il semble que le nombre des programmes est illimité. Ce tableau comprendrait le programme, le ministère qui le gère, d'où provient le financement principal, si le programme intervient avant ou après l'incarcération, quelle est sa cible et, enfin, sur une échelle de un à dix, quelle est son efficacité. À la fin de ce tableau, vous pourriez identifier les secteurs où vous voyez des lacunes, où les gens passent entre les mailles du filet.

J'aimerais faire une seule observation — j'admets avoir des préjugés, étant une enfant de la GRC élevée dans les années 30 et 40 dans un poste de la GRC dans un trou perdu du Yukon. Je peux pratiquement compter sur les doigts d'une main le nombre d'inculpations prononcées par mon père pendant les 15 années où nous étions là-bas. Il était considéré davantage comme un personnage social dont la mission était d'aider les gens. Je ne peux pas me souvenir qu'aucun adolescent ait jamais été inculpé de quoi que ce soit. Toutes les inculpations prononcées étaient en général reliées à l'alcool et tout à fait minimes.

Je passe rapidement ensuite au moment où j'étais juge dans les tribunaux de la jeunesse. Je dirais que 99 p. 100 des délinquants comparaissant devant mon tribunal étaient des enfants des Premières nations. En général, je les considérerais comme des délinquants sociaux plutôt que des délinquants criminels. Il y avait un tel traumatisme. La plupart des délinquants étaient sous tutelle en raison de leur appartenance à des familles désorganisées à cause de l'alcool et des problèmes d'ordre social.

Un changement majeur s'est opéré. Nous devrions peut-être chercher à utiliser des programmes existant par le passé plutôt que d'imaginer des programmes plus sophistiqués. Je ne suis pas certaine de connaître la réponse. Nous cherchons des réponses, mais certainement pas toutes. Nous semblons développer des programmes à droite et à gauche.

Constatez-vous une réduction des délits résultant de tous ces programmes? Obtenez-vous des résultats? Y a-t-il des faits nouveaux?

Mme Burr: Je vous répondrai non pour être honnête, mais il est difficile de mesurer ce qui aurait pu se passer si certains de ces programmes n'avaient pas été mis en place. C'est l'énigme avec l'évaluation. Les trois agences et ministères qui sont présents ici aujourd'hui discutent de ce qui pourrait faire une différence.

Nous avons tous le sentiment qu'une meilleure intégration des programmes serait nécessaire. Nous avons besoin que Santé Canada travaille en collaboration avec les Affaires indiennes, avec les communautés elles-mêmes et avec nos propres prestataires de justice pénale. Souvent, beaucoup de choses sont en cours, mais personne n'en parle. Les communautés nous disent également la même chose. Elles ont à relever le défi de travailler avec des groupes disparates. Il nous faut également trouver des moyens d'atteindre nos collègues provinciaux et territoriaux, et dans le cas de l'adolescence urbaine, les partenaires municipaux aussi. Il n'y a pas un seul groupe qui détienne la solution. Nous devons trouver des moyens de mieux travailler de concert.

Le sénateur Christensen: Y a-t-il une possibilité d'embrasement de la situation sur le terrain? Y a-t-il un danger important en ce qui concerne l'adolescence?

Je penserais que le taux de suicide élevé est le signe d'un problème majeur.

Mme Wilson: Lorsque je travaillais à l'Assemblée des premières nations, nous savions ce que pensaient certaines des Premières nations de façon générale. Nous avions l'habitude de garder à jour l'inventaire des communautés en crise et de celles qui risquaient de l'être. En ce temps-là, il y avait des percées du suicide ou ce genre de choses à Davis Inlet et dans certaines communautés du nord de l'Ontario.

Il était efficace de commencer à travailler avec ces communautés avant que la crise ne survienne, qu'il s'agisse du risque d'une vague de suicides ou d'une autre crise qui couvait.

Le sénateur Pearson: En ce qui concerne le service du programme, l'un des défis auquel nous sommes confrontés lorsque nous offrons un service est de savoir qui nous allons faire participer lors de sa conception. Je ne vous ai pas entendu mentionner les adolescents dans les comités et dans les groupes communautaires. Vu l'attraction qu'exercent les bandes et ainsi de suite, qui offrent un sentiment de prise en main personnelle, de reconnaissance et un sentiment d'appartenance, j'aimerais savoir quelle est la politique que vous pourriez développer pour faire participer les adolescents à la conception des programmes qui leur sont destinés.

Au cours de nos audiences au sujet de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, un adolescent autochtone a soulevé une question relative au fait que parfois, dans les centres urbains, les enfants ayant des antécédents en matière d'usage de drogues ou de substances donnant lieu à des abus ou victimes d'abus sexuels, seraient envoyés d'abord dans un établissement de traitement pour les Autochtones, vu qu'il s'agit d'Autochtones. Il disait que beaucoup d'enfants ne souhaitent pas recourir à cette solution, mais qu'ils désirent le meilleur établissement pour traiter la toxicomanie. Ils ne veulent pas nécessairement un établissement réservé aux Autochtones, car parfois, ceux-ci sont déclassés en tant qu'établissements et sont situés dans des secteurs où certains de ces enfants exploités sexuellement se sentent particulièrement vulnérables. Les centres se trouvent exactement au même endroit que leurs proxénètes. Cela ne peut certainement pas les aider. Les adolescents en difficulté n'ont pas toujours envie d'être traités comme des Autochtones, mais comme des adolescents en difficulté.

En ce qui concerne la formation portant sur les bandes, il est d'une importance capitale de bien comprendre la dynamique psychosociale de l'adolescence. Elle est différente de la nôtre. Au cours de l'adolescence, il y a des étapes où les adolescents se comportent, comme j'ai pu l'observer de près avec ma propre famille, de façon obsessionnelle. Ils ne doivent pas être soumis à des réactions disproportionnées et ils doivent être compris dans le contexte du développement personnel de l'adolescent. Même le mot service sous-entend de nous à eux; le mot programme est un mot légèrement plus adapté. Je serais intéressée de savoir si vous avez eu dans votre calendrier quelques réponses concernant la participation des adolescents.

Mme Franklin: Je peux en parler du point de vue de la police. Dans mon exposé, j'ai décrit brièvement ce que j'appelle la participation des adolescents. En fait, c'est une partie importante de notre travail et nous encourageons nos membres à la pratiquer davantage au sein de leurs communautés. Prodiguer un service à quelqu'un n'est pas forcément la façon de faire. Nous avons besoin de connaître les points de vue des jeunes.

Nous disposons de tout un éventail de mécanismes en place maintenant pour solliciter les points de vue des jeunes. Une de ces consultations va se dérouler cette semaine. Nous allons recevoir 130 adolescents ici à Ottawa dans le cadre de Rencontres du Canada, pendant la semaine de la GRC. Ce sont des jeunes gens de 15 à 17 ans qui vont à l'école. Ils seront confrontés aux nombreux problèmes rencontrés dans le milieu de la police ainsi que dans leur propre milieu. Cela sera l'occasion également de recueillir leurs points de vue.

En outre, nous avons parrainé deux forums nationaux sur les bandes de jeunes, l'un à Montréal et le deuxième à Winnipeg, qui ont fait participer des adolescents qui avaient vécu une expérience dans des bandes. Il s'agit d'une discussion spécifique et ciblée avec les adolescents, visant précisément à connaître leur point de vue sur ce qui aurait fait une différence et ce qui pourrait faire une différence actuellement dans ces secteurs. C'est là que nous revenons au problème de l'intégration des services et des programmes visant à ce qu'un individu n'obtienne pas un traitement pour quelque chose, puis retourne ensuite dans un environnement qui n'est guère propice à la guérison.

En termes de la participation de l'adolescence, nous sommes tout à fait conscients du besoin de consulter les adolescents et des mécanismes appropriés pour ce faire. Au sein de la GRC, le Comité consultatif national du Commissaire sur les Autochtones, ainsi que les adolescents eux-mêmes, m'ont conseillé sur la façon de procéder. Nous recevons différents messages de la part des personnes qui nous conseillent à ce sujet. L'un d'entre eux est que la situation des adolescents autochtones est telle qu'elle mérite un processus de consultation distinct avec les jeunes Autochtones.

Certains adolescents autochtones nous ont dit qu'ils préféreraient être traités comme de simples adolescents. Quelque part entre ces deux réalités, notre défi consiste à prendre l'avis des adolescents de façon concrète au niveau national, au niveau de chaque division et, plus important encore, au niveau de la communauté. Je suis tout à fait d'accord sur le fait que les programmes que nous développons doivent l'être en collaboration étroite avec les adolescents, qui sont les utilisateurs et les éventuels bénéficiaires de ces activités.

Mme Wilson: En ce qui concerne la participation de l'adolescence pour le Service correctionnel du Canada en général, notre domaine de compétence concerne les personnes âgées de 18 ans et plus. Il n'existe pas de conseil consultatif des jeunes dans ce sens. Nous ne disposons pas de beaucoup de programmes pour ceux qui sont âgés de moins de 18 ans.

Votre autre question m'est également souvent posée: qu'en est-il des délinquants autochtones qui ne sont pas intéressés par les programmes autochtones? Nous avons un certain nombre d'individus qui ne sont pas concernés par leur identité. Ils font partie de la population et ils ne sont pas intéressés à participer aux activités autochtones, spirituelles ou culturelles, et il n'y a rien de mal à cela. Il y a pléthore de services ordinaires disponibles pour ceux qui veulent avoir accès à des services non autochtones. À notre avis, on doit les écouter et ils doivent avoir la possibilité de participer à tout programme de leur choix, quel qu'il soit.

[Français]

Le sénateur Gill: Vous me faites penser aux travailleurs sociaux ou à ceux qui reçoivent les résultats d'une société plus ou moins malade.

Je suis porté à être indulgent à votre égard parce qu'il y a des programmes responsables pour les résultats que vous obtenez. Les résultats sont davantage négatifs et en fait, il y a plus de suicides.

Je crois que vous devriez changer vos statistiques. Il y a deux semaines, dans ma communauté, une jeune fille de 11 ans s'est suicidée et dans une réserve non loin de chez moi, deux autres jeunes Autochtones se sont suicidés. Il faut faire attention. Ces événements se produisent souvent dans les communautés autochtones et on a tendance à les banaliser. On se dit que dans une communauté autochtone, il est normal qu'il y ait des suicides. Les problèmes des jeunes Autochtones augmentent.

Vos programmes de réadaptation sont un peu de l'assistance sociale donnée aux Autochtones. Des communautés reçoivent de l'assistance sociale pour environ 70 ou 80 p. 100 de leur population.

Vous êtes à l'autre bout du tunnel et constatez ces choses. Vous essayez tant bien que mal de faire votre possible. Le mal est ailleurs que dans vos services. Vous essayez de bâtir des programmes de réadaptation avec les fonds que vous recevez. Le phénomène des gangs criminalisées n'existait pas avant dans les communautés, mais maintenant, oui.

Vos organisations évaluent et tentent de résoudre ces problèmes chaque jour. Une fois les résultats constatés, que faites-vous pour sensibiliser les gens responsables des programmes des Affaires indiennes, sur les communautés, les conseils de bande, les associations provinciales et nationales? Des statistiques sont-elles publiées pour dire que les résultats sont non pas meilleurs, mais pires qu'avant? Il faudrait songer à réviser certains programmes de fond en comble de sorte que la gestion et l'administration soient différentes.

Vous êtes un peu comme les fabricants de sondages. Vous êtes responsables d'informer ceux qui sont parties au problème. Je ne parle pas simplement des Autochtones mais aussi de ceux qui transigent avec eux. La situation s'aggrave tout le temps. Je suis un de ceux qui veut qu'on examine de fond en comble tous les programmes, tous les services donnés aux Autochtones au pays en commençant par la Loi sur les Indiens. Nous sommes encore des mineurs selon la loi.

On veut recruter des Autochtones dans les services de police ou autres. On leur dit de suivre un programme de préparation de deux ans. Ce signal qu'on leur envoie signifie qu'ils sont inférieurs aux autres. Ce n'est pas fait de mauvaise foi. Pour ceux qui réussissent cela va. Pour les autres à qui on dit qu'ils ne sont pas prêts à faire partie de ce programme, qu'ils doivent se préparer et venir nous rejoindre après, psychologiquement, cela fait mal.

Il y a une foule de subtilités auxquelles il faut réfléchir. Les Autochtones ne se considèrent pas comme des êtres inférieurs. Culturellement, les Autochtones ne sont pas inférieurs. Mais les signaux envoyés démontrent qu'ils ne sont pas égaux aux autres.

Ne pensez-vous pas, qu'à l'occasion, des programmes pourraient servir à informer ceux qui ont à prendre des décisions et qui sont responsables en partie des traitements pour les gens qui commettent des crimes, qui se prostituent et des résultats obtenus? Pourriez-vous présenter un rapport public des statistiques des crimes commis?

Mme Franklin: J'aimerais répondre à vos commentaires concernant notre programme des recrues et à la question de la perception de l'infériorité. Ce n'est pas l'approche que nous utilisons.

Pour être membre de la GRC, certaines compétences sont requises. Toutefois, selon le milieu où a grandi un individu, les occasions d'apprendre ont peut-être été limitées. Il s'agit parfois de simples apprentissages, par exemple, la conduite automobile. L'individu n'est pas jugé inférieur, mais les occasions propices à différents apprentissages ne lui ont pas été fournies.

Ce programme nous permet d'évaluer la personne et d'identifier ses capacités potentielles. Les programmes sont créés à la mesure de chaque individu dans le but de développer les compétences qui font défaut et qui sont requises pour le recrutement dans les services de police, et ce, au même titre que n'importe quelle personne de toute autre communauté.

Les gens qui ont participé à ce programme étaient très satisfaits. Ce programme leur a donné la chance de faire les apprentissages qui n'auraient pu être faits autrement.

Dans la communauté, ils obtiennent le même statut de policier que leurs collègues. Comme ils n'ont pas eu l'occasion d'acquérir de compétences avant, cette période de deux ans sert à combler ce vide. Les résultats sont assez impressionnants.

Mme Burr: Nous sommes d'accord avec vous concernant la qualité des services policiers dans les communautés. Les policiers sont les derniers intervenants de l'échelle sociale, si on veut. Une plus grande intégration des services de santé et d'éducation est nécessaire. Les liens avec les conseils de bandes doivent être resserrés. Les solutions ne sont pas uniquement du ressort de la police ou de la justice.

Les efforts actuels contribueront peut-être à assouplir la Loi sur les Indiens et aideront peut-être à résoudre les problèmes fondamentaux des communautés autochtones en procurant plus d'autonomie à ceux-ci. Cela résoudra d'autres grands problèmes que vous avez mentionnés plus tôt. Le système de justice criminelle se situe à l'extrémité du système social.

[Traduction]

Mme Wilson: J'apprécie la question du sénateur Gill étant donné que le nombre de délinquants arrivant à l'extrémité du système est le meilleur indicateur des résultats. Nous réussissons à faire sortir des délinquants du système; toutefois, nous ne pouvons arrêter complètement le flot. Ce sont les statistiques concernant les nouveaux cas qui ont tendance à augmenter. J'apprécie le commentaire du sénateur Gill qui dit que le mal se situe ailleurs. Il incombe au Service correctionnel du Canada d'assumer le rôle de conciliateur et de décider qui est intégré dans notre système, quelle en est la raison, et les mesures qui auraient pu être prises. Lorsqu'on parle des caractéristiques d'un délinquant autochtone, le type de mesures qui auraient pu être prises tout au long du processus est clair. Si nous étions mieux intégrés en tant que ministères, nous pourrions prendre ces mesures plus facilement. Si nous développions un cadre de travail intégré aux niveaux fédéral-provincial-Autochtones orienté vers certaines mesures de soutien et interventions de type communautaire, axées sur les enfants et les adolescents, ce serait un bon début.

Le sénateur Gill: Êtes-vous satisfaite de l'information que vous diffusez au public ou aux autres? Êtes-vous satisfaite des résultats? Si ce n'est le cas, que pouvons-nous faire, nous les sénateurs, pour vous aider? Beaucoup de problèmes découlent du fait que les gens ne sont pas informés ou instruits.

Mme Burr: Au cours des nombreuses discussions que nous avons actuellement avec les agents publics fédéraux pour trouver des moyens de respecter l'engagement du Discours du Trône, lorsque nous nous réunissons, la plupart d'entre nous disent que l'un des secteurs essentiels où il faut investir et auquel il faut porter une plus grande attention est le développement du jeune enfant et les SAF/EAF, tous ces domaines qui ont un rapport avec ceux qui sont les plus vulnérables dans toute la société, mais particulièrement dans les communautés autochtones, à savoir les enfants âgés de zéro à 6 ans, peut-être même 12 ans. Si nous ne pouvons trouver des moyens de secourir ces enfants, nos agences auront affaire à eux plus tard au cours de leur vie, lorsqu'ils entreront en contact avec le système de justice pénale.

Le sénateur Cochrane: Mon approche globale serait l'approche sociale au niveau local, c'est-à-dire commençant directement au niveau de la famille. Personnellement, je pense qu'il faut nous attaquer au cœur du problème, là où tout a démarré. Je parle en particulier des événements survenus dans ma province, et je pense à Davis Inlet. Nous avons fait beaucoup de choses avec ces enfants. Nous les avons envoyés dans des centres à Winnipeg. Nous avons dépensé des millions de dollars. Ils sont revenus et nous sommes toujours confrontés aux mêmes problèmes. Ils continuent à inhaler de l'essence. Il y a toujours des suicides.

Nous avons ensuite envoyé les enfants à St. John's à Terre-Neuve, mais cela n'a pas été concluant. Ils sont de retour, inhalant de l'essence et se suicidant.

Nous devons nous pencher sur la famille car beaucoup de ces enfants viennent de familles qui consomment une grande quantité de boissons alcoolisées. Ils sortent la nuit, laissent les enfants seuls lorsqu'ils sont très jeunes, lorsqu'ils sont bébés, et aucun soin ne leur est donné. Et cela se produit encore et encore. Je pense que c'est par là que nous devrions commencer.

Un programme qui a eu de bons résultats dans ce secteur est un programme de l'Armée du salut qui permet aux enfants de jouer au hockey. Plusieurs groupes ont été formés, ils ont reçu de l'équipement de hockey en donation et cela a bien fonctionné. Ces personnes sont au sein de la communauté. Cette personne que je connais en particulier est un membre de l'Armée du salut, et elle a pu faire des merveilles. Il n'est pas allé à Davis Inlet, mais il a fait des merveilles ailleurs. Voici les choses que j'aimerais considérer.

Je suis également intéressée par le programme dont vous avez parlé concernant la violence familiale et l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada, qui a commencé en 1999. Quelles sont les régions où votre centre est touché par ce problème?

Mme Franklin: L'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada existe depuis de nombreuses années. Notre partenariat date de 1999. Il était fondé sur le fait que le poste d'infirmières est l'endroit où nous prodiguons nos services dans beaucoup de communautés reculées.

Des partenariats se sont formés au niveau de la communauté entre la police et la profession infirmière; elles avaient en effet affaire aux mêmes clients sur un certain nombre de problèmes, comme la consommation abusive de substances nocives et la violence dans les familles et au sein de la communauté. Une très forte relation de travail se développe dans la communauté et nous l'avons élargie en partenariat au niveau national entre nos deux organisations, ce qui nous permet de travailler de façon stratégique sur certains problèmes. L'un des problèmes auquel nous sommes confrontés est la violence familiale au sein des communautés autochtones. Nous avons participé conjointement à une étude de recherche, et aucun d'entre nous n'en est donc l'auteur à part entière. Cette étude vise à mieux former les infirmiers et les infirmières pour gérer ces situations et, de notre côté, à mieux former la police pour bâtir ces solides partenariats locaux avec le personnel infirmier dans ces communautés.

Dans les secteurs où la violence familiale est présente, nous comprenons que, dans certaines communautés, les femmes victimes de violence familiale ne font pas systématiquement de déclarations à la police parce qu'elles craignent que l'affaire ne soit traitée par le biais de la justice pénale. Toutefois, s'agissant des victimes et de leurs besoins, les infirmiers et les infirmières sont bien placés pour y répondre.

Le sénateur Cochrane: À quel endroit sont installés ces centres? Se trouvent-ils plus particulièrement à l'Ouest?

Mme Franklin: Beaucoup de ces centres sont situés dans le Nord du Canada. Je crains de ne pas être en mesure de vous donner tous les détails actuellement. Je ne possède pas l'information concernant leur situation géographique. Néanmoins, je pourrais certainement fournir au comité de plus amples renseignements obtenus auprès de l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada, si cela lui est utile.

Le sénateur Cochrane: Qu'en est-il du programme White Stone prévu pour lutter contre le suicide des adolescents autochtones? J'aimerais que vous m'en parliez. Vous dites que ce programme est géré par des jeunes âgés entre 18 et 25 ans; est-ce exact?

Mme Franklin: C'est un programme que nous avons développé. Je vais vous expliquer le contexte.

La GRC reçoit un financement dans le cadre de la Stratégie nationale sur la sécurité communautaire et la prévention du crime. Les fonds reçus sont destinés à des utilisations précises, comme par exemple les communautés à risques. Nous avons identifié le problème du suicide des adolescents comme étant un problème significatif dans bon nombre de nos communautés. Nous avons développé un partenariat avec cette organisation, qui est une branche à but non lucratif de l'Association canadienne pour la santé mentale, afin d'élaborer un programme de prévention du suicide des adolescents, inspiré d'un programme qui avait été conçu pour les adultes.

Ce programme n'intervient pas sur les adolescents qui sont au bord du suicide. C'est un problème complexe auquel participent les partenaires de la santé. Il s'agit d'un programme d'entraide de pairs. Le programme dure une semaine environ et s'adresse à des personnes âgées d'environ 18 à 25 ans. Ce sont des personnes jeunes et en bonne santé de la communauté qui sont en mesure d'influencer leurs pairs. Elles sont en mesure d'instruire leurs pairs, d'autres adolescents, au sujet de la prévention du suicide et sur les interventions éventuellement disponibles au sein de cette communauté, si leur communauté est à risque ou enregistre un taux élevé de suicides.

Ce programme en place depuis environ un an en est au stade des balbutiements. Nous avons effectué, je crois, environ cinq ou six ateliers pilotes dans tout le pays. En outre, nous avons mis sur pied un système de réseau de contacts sur Internet, permettant aux personnes ayant participé à ce programme de se rassembler. Elles passent ensemble une semaine riche en événements, après laquelle chacune d'entre elles retourne dans sa communauté pour travailler essentiellement avec les adolescents. Elles ne possèdent pas vraiment un système de soutien, et nous avons donc créé un réseau de soutien non rigide leur permettant de rester en contact les unes avec les autres.

Le programme n'a pas encore été évalué officiellement. C'est ce dont nous allons nous occuper prochainement afin de déterminer si le programme a des répercussions positives sur la communauté. La communauté est-elle mieux équipée pour faire face aux incidents menant aux suicides? Je ne sais pas quels sont les éléments qui pourraient servir d'indicateurs. Nous allons rechercher le conseil de spécialistes sur ce que pourraient être ces indicateurs.

Le sénateur Cochrane: La tranche d'âge des personnes qui se suicident a changé. Beaucoup d'enfants âgés de 10, 11 et 12 ans se suicident. Ils n'ont pas encore 18 ans; ce sont de jeunes enfants.

Mme Franklin: Les personnes avec lesquelles nous travaillons sont des jeunes gens, mais l'idée est de les envoyer dans les communautés pour travailler avec les enfants et les jeunes gens de leurs propres communautés.

Le sénateur Cochrane: Il est nécessaire de se pencher sur les groupes d'âge. Nous devons nous occuper des jeunes également.

Parmi les Autochtones, ce sont principalement les hommes qui commettent des actes criminels. Cependant, les femmes autochtones représentent pratiquement un quart de la population carcérale féminine. Pourquoi y a-t-il cette différence? Avez-vous des programmes qui visent directement les jeunes femmes autochtones?

Mme Wilson: La différence est attribuée au nombre moins important de femmes délinquantes incarcérées. Il y a approximativement 300 femmes autochtones délinquantes en tout, et par conséquent d'un point de vue statistique, le nombre est plus important. Vos chiffres sont exacts.

En ce qui concerne les programmes réservés aux femmes délinquantes autochtones, nous possédons un pavillon de ressourcement accueillant uniquement des femmes autochtones, en Saskatchewan, comprenant actuellement environ 31 lits. Il existe un certain nombre de programmes spécifiques dans les établissements de femmes, destinés aux femmes autochtones, principalement à Edmonton.

Il existe cinq établissements régionaux pour les femmes à travers le Canada. Chacun de ces établissements offre aux femmes autochtones certains types de programmes culturels, comme des programmes avec les aînés, des programmes de liaison avec les Autochtones et des services de base pour les Autochtones.

La présidente: En ce qui concerne les jeunes femmes autochtones, leur nombre dans la population du centre de délinquants juvéniles d'Edmonton augmente de façon dramatique. Cela préoccupe beaucoup d'entre nous. Nos jeunes femmes deviennent maintenant beaucoup plus violentes. Il est intéressant de noter les crimes violents auxquels elles participent. C'est effrayant. Il faut commencer par s'occuper de celles âgées de 12 à 17 ans. C'est triste. Ce n'est juste qu'un commentaire.

Le sénateur Hubley: Qu'arrive-t-il aux enfants des femmes incarcérées? Existe-t-il un programme conçu pour protéger la famille, même si la mère ou le père est incarcéré? Une tentative est-elle faite pour protéger cette cellule familiale, si elle existe?

Mme Wilson: Les femmes autochtones incarcérées nous disent que ce qui les fait le plus souffrir lorsqu'elles sont incarcérées est de perdre leurs enfants et d'en être séparées. Il n'y a rien de plus accablant.

Dans de nombreux cas, s'il n'y a pas de membre de la famille pour prendre soin des enfants pendant l'incarcération de leur mère, ceux-ci sont alors envoyés dans un organisme de protection de la jeunesse. Toutefois, au pavillon de ressourcement Okimaw Ohci, il existe un programme mère-enfant. Aujourd'hui, c'est le seul établissement fédéral où les enfants résident avec leur mère. Il met à disposition une garderie de jour et bien d'autres services.

Lorsqu'une femme délinquante est enceinte ou a de jeunes enfants, ils résident avec elle dans un environnement très favorable et réconfortant. Les femmes délinquantes sont toutes bénévoles au centre de garderie de jour et logent dans leur chambre avec leurs enfants.

Le sénateur Johnson: Je fais partie de ce comité depuis bientôt 10 ans, pendant lesquels nous avons réalisé de nombreuses études. Je viens de Winnipeg où j'ai grandi avec cette situation qui a évolué, surtout au cours des 20 dernières années, pendant lesquelles la population autochtone est passée à 100 000 personnes sur un total de 600 000.

Les taux d'incarcération ont augmenté considérablement, de 16 p. 100 au cours des cinq dernières années. Au Manitoba, 69 p. 100 des jeunes prévenus faisant l'objet d'un renvoi sont des Autochtones, dont 90 p. 100 sont des hommes.

Parmi tous les programmes que nous avons utilisés au cours de cette année, à votre avis, quel a été le meilleur? En 1980, nous avions à Winnipeg un programme appelé Santé maternelle et infantile. Il avait pour objet d'améliorer la santé des mères qui venaient vivre dans les villes. Le financement n'a pas duré.

Nous parlons tous de programmes communautaires et c'est par là que nous devons commencer. Lorsque nous ne pouvons réussir à ce niveau, nous devons compter sur les Troy Ruperts de ce monde, la Winnipeg Native Alliance et d'autres organisations similaires.

Je ressens parfois une grande frustration. Mes collègues et moi-même en avons discuté plusieurs fois tout au long de notre étude. Nous souhaitons que cette étude aboutisse à des éléments très positifs et pas seulement négatifs.

Dites-moi quelles sont, à votre avis, les questions clés. Vous avez beaucoup d'expérience. J'ai lu un article dans lequel Mme Wilson parlait de démographie, des problèmes socio-économiques et des différences culturelles.

Dites-nous sur quoi nous devrions faire porter nos efforts et quelle orientation vous devriez prendre, selon vous.

Mme Wilson: Les programmes que le Service correctionnel du Canada élabore actuellement en sont au stade du développement plutôt qu'au stade de l'évaluation, et je ne ferai donc aucun commentaire sur ceux-ci. Ce sont des alternatives aux principaux programmes correctionnels.

Toutefois, en se basant sur la recherche et les projets pilotes que nous avons effectués au cours des dernières années, je peux assurer que le processus de guérison est plus efficace que tout autre chose. Nous disposons d'environ 75 aînés sous contrat ou employés par Service correctionnel du Canada et ils utilisent cette approche. Et c'est là que nous avons rencontré le plus de succès et c'est pour cette raison que les programmes et les initiatives se sont développés de façon à intensifier le processus de guérison dans un contexte autochtone.

Mme Burr: Je ne suis pas vraiment au courant des différents programmes en place à Winnipeg. Je sais qu'il y a en a un certain nombre.

Le sénateur Johnson: Je ne parle pas seulement de Winnipeg. Je vous pose la question au niveau national. Nous essayons de faire des choses concrètes et positives.

M. Baldwin: Beaucoup des programmes auxquels le ministère du Solliciteur général participe sont communautaires, et ils ont donc tendance à être mis en place dans les communautés plus isolées. Pourtant, comme l'a souligné le sénateur Gill, les résultats ne sont pas toujours excellents. Nous sommes persuadés que le fait d'avoir une présence des Premières Nations dans le service de police, que ce soit au niveau de la GRC ou d'une police autogérée, favorise la création d'une atmosphère de sécurité publique. Je pense que vous pourriez extrapoler pour dire que, dans un environnement urbain, vous avez besoin de vous sentir en sécurité dans votre communauté.

Pour appuyer ce que disait Mme Wilson, les programmes et les projets auxquels nous avons participé du côté des services correctionnels offerts aux Autochtones donnent tous la priorité à la guérison, ce qui signifie que la communauté se réunit pour discuter de ses problèmes et apprendre conjointement comment progresser. Nous avons découvert que vous devez avoir la participation de la communauté, qu'il est impossible d'imposer quelque chose de l'extérieur. Les membres de la communauté doivent se sentir concernés, qu'il s'agisse d'une communauté des Premières nations ou d'un environnement urbain.

Mme Franklin: Du point de vue de la police, je suis d'accord avec ces commentaires; j'aimerais toutefois ajouter quelque chose en ce qui concerne la question du potentiel de la communauté. Il ressort de notre travail qu'aucun programme n'est magique. Nous essayons de renforcer au sein de notre propre organisation l'idée que nous devons soutenir à plus long terme de manière intégrée certains membres de notre société qui en ont besoin. Si vous réalisez quelque chose avec succès pendant deux ans, mais que ce n'est pas durable, alors qu'avez-vous accompli en somme?

Au début de la vie d'un enfant, le rôle de la police est limité. Ce n'est pas notre mandat spécifique, et c'est pour cette raison nous nous efforçons de développer des partenariats avec d'autres membres de la communauté. Ces thèmes ont déjà été évoqués ce matin. Il est nécessaire de tenir compte des besoins de la personne, de l'enfant. Au moment où la police entre en contact avec une jeune personne âgée de 12 ans, celle-ci est déjà en général connue de la police et des agences de services sociaux. La police elle-même sait qu'une intervention de la justice pénale n'est pas la solution la plus efficace et qu'il aurait été nécessaire d'apporter un soutien à la famille bien avant.

Les initiatives comme l'initiative pour les sans-abri de Whitehorse sont très prometteuses. Elles s'intéressent tout particulièrement aux besoins des familles de façon à ce que ces dernières puissent s'occuper de leurs propres enfants. Il est intéressant d'analyser le rôle que joue la police dans ce type de partenariat communautaire. Il est évident que certaines communautés n'ont à l'heure actuelle pas la capacité d'assurer le soutien des enfants pour qu'ils puissent se développer en restant en dehors du système judiciaire, que ce soit en tant que victimes ou délinquants. Nous avons certainement quelques démonstrations prometteuses en cours qui montrent la façon dont les agences peuvent travailler de concert avec une vision à plus long terme des besoins de la famille. Nous nous attendons à ce que les résultats se fassent sentir sous la forme d'un développement sain des enfants, et produisent éventuellement une réduction du contact entre les adolescents et la police.

La présidente: Je tiens à vous remercier tout particulièrement pour cet exposé très intéressant. Nous avons pu avoir beaucoup de discussions à bâtons rompus et constructives. Comme vous l'avez dit, pour que notre société devienne meilleure pour la jeunesse autochtone, nous avons besoin de guérison holistique, de la participation des communautés, des partenariats communautaires et de la participation des familles, et c'est exactement ce que dit notre cercle. Si nous suivons le cycle, nous réaliserons des changements.

La séance est levée.


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