Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 15 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 19 mars 2002
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 34 pour examiner l'accessibilité, l'éventail et la prestation des services, les problèmes liés aux politiques et aux compétences, l'emploi et l'éducation, l'accès aux débouchés économiques, la participation et l'autonomisation des jeunes, et d'autres questions connexes.
Le sénateur Thelma J. Chalifoux (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Bonjour mesdames et messieurs. Nous vous souhaitons la bienvenue au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
Il ne s'agit pas d'une étude parce qu'une multitude d'études ont déjà été faites au sujet des peuples autochtones. Il s'agit d'un plan d'action, pour changer. Votre témoignage est important pour nous permettre de déterminer quels types de changements peuvent apporter les Canadiens et les Autochtones pour améliorer nos collectivités et divers organismes.
La discussion d'aujourd'hui porte sur les Autochtones vivant en milieu urbain. Je souhaite la bienvenue à nos témoins. J'ai déjà eu l'occasion de rencontrer M. Moore.
M. Jeff Moore, directeur exécutif, Entreprise autochtone Canada, Industrie Canada: C'est pour moi un honneur et un privilège d'être ici pour discuter de diverses questions touchant les Autochtones et plus particulièrement les jeunes. Je suis Algonquin, de Kitigan-Zibi Anishinabeg, localité située au nord d'Ottawa.
Vous avez devant vous une présentation qui expose les initiatives que prennent Industrie Canada et Entreprise autochtone Canada pour encourager la participation des Autochtones à l'activité économique. Je donnerai d'abord un aperçu des questions d'ordre général, puis du rôle d'Industrie Canada et de ses partenaires; enfin, je donnerai quelques informations sur Entreprise autochtone Canada, ses programmes et ses réalisations au cours des dernières années en mettant l'accent sur les mesures que nous prenons pour aider les jeunes entrepreneurs autochtones. Enfin, je mentionnerai de quelques défis et les possibilités de les relever.
La première diapositive représente quelques données démographiques sur la population autochtone que la plupart d'entre vous connaissent déjà et qui indiquent que la population autochtone est jeune et augmente rapidement.
La prochaine diapositive indique qu'il existe un écart important entre les conditions socioéconomiques des Autochtones et celles de la population en général. Elle démontre que le niveau d'instruction des Autochtones est peu élevé, que leur revenu est faible et que le taux de chômage est élevé en ce qui les concerne.
La troisième diapositive, qui concerne le développement des entreprises autochtones, révèle que les Autochtones se lancent en affaires et créent des entreprises à un rythme deux fois et demie plus rapide que les non-Autochtones, non seulement dans les secteurs traditionnels mais aussi dans ceux de la fabrication, du transport, et dans divers autres secteurs. Ces entreprises — et plus particulièrement celles qui sont clientes d'Entreprise autochtone Canada — ont un taux de survie de 70 p. 100 alors que le taux de survie global des entreprises canadiennes est de 64 p. 100.
Si ces taux de croissance et de réussite sont des exploits dont les Autochtones peuvent être fiers et sont très encourageants, il reste encore bien des progrès à faire.
La quatrième diapositive concerne les dépenses pour les programmes destinés aux Autochtones. La plupart des dépenses du gouvernement fédéral concernent les programmes sociaux et principalement ceux qui sont destinés aux Indiens inscrits des réserves. Les fonds investis par le gouvernement fédéral dans les initiatives de développement économique, à l'intérieur et à l'extérieur des réserves, ne représentent que 8 p. 100 des dépenses totales. La nécessité d'une réévaluation de la situation saute aux yeux.
Les conditions sociales qui persistent peuvent être quelque peu améliorées grâce aux possibilités de participer à l'activité économique et à la dignité que confèrent un emploi ou la direction d'une entreprise; cela permet de devenir un modèle à suivre pour d'autres personnes. C'est encore davantage le cas en ce qui concerne les jeunes Autochtones canadiens en raison de leurs caractéristiques démographiques et de leurs besoins.
La diapositive suivante représente le cadre fédéral de développement économique des Autochtones au Canada. Les dépenses consacrées au développement économique, qui représentent 8 p. 100 des dépenses totales, se répartissent comme suit: 336 millions de dollars par an pour l'amélioration des compétences pour l'ensemble des Autochtones du Canada, quel que soit leur statut, par le biais des programmes de Développement des ressources humaines Canada (DRHC); près 103 millions de dollars sont consacrés au développement d'un climat des affaires économiques, qui sont octroyés principalement par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAECI) et sont destinés aux Indiens inscrits des réserves; des fonds totalisant 94,3 millions de dollars sont consacrés au développement des ressources et fournis par le MAECI, par Pêches et Océans et par Ressources naturelles Canada. Ces fonds sont principalement destinés aux Indiens inscrits des réserves. Enfin, et c'est le chiffre qui intéresse Entreprise autochtone Canada et ses partenaires, une somme de 73,1 millions de dollars est consacrée au développement des entreprises; ces fonds sont principalement octroyés par le portefeuille de l'Industrie et ils sont destinés à tous les Autochtones, peu importe leur statut ou la région.
La diapositive suivante donne un bref aperçu du rôle du portefeuille de l'Industrie. Ce portefeuille est axé sur le principe des partenariats dans plusieurs secteurs et principalement dans celui de l'innovation par le biais des sciences et des technologies. Nous aidons les entreprises et les institutions sans but lucratif à concrétiser des projets en créant des produits et des services. Nous sommes actifs dans le commerce et l'investissement, notre but étant d'encourager un plus grand nombre d'entreprises de secteurs plus variés à exporter sur divers marchés et les aidons à attirer de l'investissement étranger direct. Nos initiatives favorisent la croissance des petites et moyennes entreprises ou PME auxquelles nous donnons accès au capital, à de l'information ou à des services, et la croissance économique des collectivités canadiennes, en encourageant l'adoption de nouvelles approches en matière de développement économique communautaire à l'échelle du pays.
La diapositive suivante donne un aperçu des organismes membres du portefeuille de l'Industrie. Elle mentionne les organismes en question, qui vont de l'Agence de promotion économique du Canada Atlantique à l'Agence spatiale canadienne. Entreprise autochtone Canada est membre de ce portefeuille.
La diapositive suivante porte sur les programmes qui sont offerts par l'intermédiaire du portefeuille de l'Industrie, dont une vaste gamme de programmes destinés aux Autochtones du Canada. Par exemple, Entreprise autochtone Canada distribue 30 millions de dollars par an sous forme de subventions et de contributions. Ces programmes sont fournis par l'intermédiaire du Rescol des Premières nations et de FedNor, en ce qui concerne le nord de l'Ontario, ainsi que Aboriginal Digital Opportunities (Occasions numérisées pour les Autochtones), qui propose des ententes portant sur une contribution de 25 000 $ par projet à des organisations autochtones dans le but de permettre à de jeunes Autochtones d'acquérir de l'expérience dans la création d'un contenu autochtone pour Internet ou pour la Toile, tout en étant rémunérés. Il y a aussi des organismes régionaux comme l'Agence de promotion du Canada Atlantique, Diversification de l'économie de l'Ouest et Développement économique Canada pour les régions du Québec, qui dispensent quelques programmes, ainsi que la Banque de développement du Canada et divers autres organismes.
La diapositive suivante indique quelle est la mission d'Entreprise autochtone Canada. Celle-ci consiste à redresser l'économie autochtone et à l'intégrer aux économies nationales et internationales. Elle indique également la raison d'être de EAC ou Entreprise autochtone Canada. Les Autochtones ont de nombreuses difficultés à se lancer en affaires, la principale étant due aux sources limitées de capitaux personnels; en outre, ils font face à des obstacles pour ce qui est d'utiliser des biens personnels en garantie pour un prêt. D'autres difficultés sont énumérées sur cette diapositive.
Comme l'indique cette diapositive, notre approche consiste à collaborer avec la personne concernée dès l'étape de la conception. Cette collaboration consiste parfois à intervenir dès l'étape de l'élaboration des plans d'affaires jusqu'à celle de l'expansion d'une entreprise en place. Notre principal but est d'investir dans des entreprises sous contrôle autochtone ayant beaucoup de potentiel et de fortes chances de réussite. Nous n'accordons pas de fonds pour financer les activités courantes. Il s'agit de contributions ponctuelles mais nous pouvons en faire plusieurs dans une série de projets que nous soutenons. La majorité de nos clients sont de petites entreprises de dix employés ou moins et notre contribution moyenne est inférieure à 30 000 $ par projet.
La diapositive suivante donne un aperçu des mécanismes de prestation de programmes utilisés partout au Canada. Nous passons des ententes avec des groupes autochtones pour qu'ils nous aident à assurer la prestation des programmes dans les régions isolées. Comme vous pouvez le constater, notre rayon d'action s'étend à l'ensemble du pays. Nous avons recours à des ententes de partenariat uniques pour obtenir des résultats concrets et durables. Notre approche aide les entrepreneurs autochtones à saisir les occasions qui se présentent aux échelles locale, régionale et nationale.
La diapositive suivante concerne le Conseil national de développement économique des Autochtones ou CNDEA qui donne des conseils stratégiques relatifs au développement économique des Autochtones au ministre de l'Industrie et à Entreprise autochtone Canada. Il conseille en outre les ministres et les responsables de DRHC et d'Affaires indiennes. Le Conseil se réunit environ quatre fois par an pour discuter de questions qui concernent le développement commercial et économique des Autochtones. Le président est Roy Whitney, de l'Alberta, que certains d'entre vous connaissent peut-être. Ce conseil est très engagé et très dynamique; il est composé d'Autochtones et de chefs d'entreprise de toutes les régions du Canada. Ils se sont engagés à aider les Autochtones à se lancer et à réussir en Affaires, sur le marché national et sur les marchés internationaux.
Cette diapositive-ci donne un bref aperçu des priorités stratégiques d'Entreprise autochtone Canada. Il sera question aujourd'hui de l'entrepreneuriat chez les jeunes ainsi que de l'innovation, du commerce et de l'expansion du marché, du tourisme et du renforcement des organisations financières et commerciales autochtones.
En ce qui concerne les réalisations et les résultats d'Entreprise autochtone Canada, je signale que les Autochtones se créent des entreprises et des occasions d'emploi. Par exemple, en ce qui concerne les 2 600 emplois créés par les clients d'Entreprise autochtone Canada, 63 p. 100 des employés sont de souche autochtone. Les entreprises clientes d'EAC sont actives dans de nombreux secteurs, à l'échelle du pays. Par exemple, 61 p. 100 d'entre eux sont dans le secteur des services et environ 24 p. 100, dans le secteur de la fabrication et de la production de biens. Un peu plus de la moitié des entreprises que nous aidons, soit 54 p. 100, sont établies dans des localités rurales ou isolées et les autres, dans des centres urbains. La majorité des entreprises, soit 61 p. 100, sont situées hors des réserves.
La diapositive suivante concerne les jeunes entrepreneurs autochtones. L'entrepreneuriat devient un choix de carrière important pour les jeunes Autochtones comme l'indiquait une des premières diapositives de cette série. À en juger d'après la croissance du nombre d'entreprises, il est incontestable que c'est une option viable pour les Autochtones. Les entrepreneurs autochtones âgés de moins de 30 ans représentent près de 19 p. 100 des travailleurs autonomes autochtones, soit presque le double du nombre d'entrepreneurs canadiens âgés de moins de 30 ans (10 p. 100). La création d'une entreprise est une option viable et importante pour les jeunes Autochtones. Leurs chances de devenir entrepreneurs sont près de 2,5 fois plus élevées qu'à l'échelle de l'ensemble de la jeunesse canadienne.
La diapositive suivante concerne les besoins uniques des jeunes entrepreneurs autochtones, dont le plus important est probablement l'accès au capital. Les Indiens inscrits des réserves sont confrontés aux défis que présente l'article 89 de la Loi sur les Indiens qui précise que les biens situés sur une réserve ne peuvent faire l'objet d'un nantissement. Leurs capacités et leur temps pour obtenir des capitaux propres sont en outre limités. Depuis toujours, les Autochtones, surtout les jeunes, disposent de peu de capitaux propres, ce qui restreint les possibilités d'offrir des garanties pour les prêts et, par conséquent, le montant des prêts auxquels ils sont admissibles. Puisque les antécédents des entreprises sont insuffisants, les jeunes entrepreneurs sont considérés comme des emprunteurs à haut risque. Par conséquent, les banques imposent aux jeunes Autochtones des taux d'intérêt plus élevés sur les prêts ou ont de plus grandes exigences en ce qui concerne les garanties.
La diapositive suivante donne un aperçu des besoins uniques des jeunes entrepreneurs autochtones, notamment en matière de soutien et de formation en ce qui concerne la gestion des entreprises mais surtout en raison du niveau de scolarité plus faible des Autochtones, de l'expérience limitée en matière de démarrage et de gestion d'entreprises et de l'exiguïté du réseau de développement d'entreprises.
Un troisième besoin unique concerne l'accès à l'information, notamment à des renseignements permettant de trouver des possibilités d'affaires, des sources de financement et des programmes, des outils permettant de préparer des plans d'affaires, des plans de marketing, et cetera, et des ressources de gestion (développement des ressources humaines, exportation, impôts, et cetera).
Pour ce qui est de la diapositive suivante, qui concerne les programmes axés sur les jeunes Autochtones qu'offre Entreprise autochtone Canada, j'ai déjà signalé qu'EAC a cinq priorités stratégiques, l'une étant l'entrepreneuriat chez les jeunes. Dans le contexte de cette priorité stratégique, les jeunes Autochtones âgés de 18 à 29 ans sont admissibles à de l'aide pour le démarrage de pratiquement n'importe quel type d'entreprise.
Dans le contexte de cette priorité, des contributions non remboursables d'une valeur maximale de 75 000 $ sont fournies pour l'élaboration des plans d'affaires, le démarrage d'entreprises, les projets d'expansion, le soutien aux entreprises et le marketing. Le capital exigé en ce qui concerne les jeunes Autochtones est moins important (10 p. 100) que celui qui est exigé dans le cadre des autres priorités stratégiques (de 15 à 20 p. 100).
Une autre initiative d'EAC est l'Initiative pour les jeunes entrepreneurs autochtones ou IJEA, à laquelle nous réservons 1 millions de dollars par an. Les jeunes Autochtones âgés entre 18 et 29 ans sont admissibles. L'initiative est mise en oeuvre par les sociétés de financement autochtones et les sociétés d'aide au développement des collectivités autochtones participantes pour le compte d'Entreprise autochtone Canada. Des prêts d'une valeur maximale de 25 000 $ sont accordés pour le démarrage d'une entreprise. Des services de soutien, de consultation et de suivi sont également offerts aux entreprises.
La diapositive suivante donne un bref aperçu de quelques réalisations et résultats en ce qui concerne les jeunes. À la première ligne, cette diapositive indique que EAC a investi environ 6 millions de dollars dans 337 projets d'entreprises concernant les jeunes, représentant, en 2001-2001, 42 p. 100 de tous les projets d'entreprises d'EAC. Par conséquent, un pourcentage important de nos activités consiste à aider des jeunes Autochtones qui veulent créer une entreprise.
Ces 337 projets se répartissent comme suit: 111 projets dans les régions urbaines, représentant 33 p. 100 de l'investissement, soit 2,1 millions de dollars; 193 projets dans les régions rurales représentant 57 p. 100 de l'investissement, soit 3,3 millions de dollars; et 33 projets dans les régions isolées, représentant 11 p. 100, soit 670 000 $.
D'après les données du recensement de 1996, sur une période de 15 ans, le nombre de jeunes Autochtones qui ont créé une entreprise est passé d'environ 660, en 1981, à 1 655, en 1996. Nous attendons impatiemment les chiffres du dernier recensement pour avoir des renseignements plus récents.
La vingtième diapositive concerne les défis et les possibilités. Les défis sont évidents. La situation de l'emploi chez les Autochtones demeure défavorable à l'échelle nationale. Le taux de croissance de la population autochtone est presque trois fois supérieur à celui de la population non autochtone. Il est nécessaire de continuer de créer des possibilités d'affaires viables afin d'assurer un emploi et un revenu aux Autochtones, surtout aux jeunes. Nous devons faire en sorte que le financement et les programmes soient adaptés à la demande sans précédent qui déborde des délais d'exécution, du lieu et du statut des Autochtones.
La diapositive suivante concerne aussi les défis et les possibilités. Dans le discours du Trône de janvier 2001, le gouvernement s'est engagé à travailler avec les Autochtones à renforcer leur savoir-faire et leur esprit d'entreprise. Le Conseil national de Développement économique des Autochtones et Entreprise autochtone Canada recherchent du financement additionnel pour divers projets, le plus important étant de trouver davantage de fonds pour les jeunes et de mettre l'accent sur leurs besoins, aussi bien dans les régions urbaines, que dans les régions isolées ou les régions rurales.
Nous comptons plus particulièrement renforcer les partenariats avec des organismes et des groupes clés comme la Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs et la Banque de développement du Canada — qui aide les jeunes également —, avec des sociétés de capital autochtones et DRHC, pour donner aux jeunes une meilleure formation les aidant à mettre sur pied, maintenir et diriger une entreprise, et pour élaborer un programme d'encadrement permettant aux jeunes de demander conseil à des «mentors». Nous espérons que ces efforts accroîtront la viabilité des toutes jeunes entreprises créées par des jeunes Autochtones.
L'annexe A de la présentation donne un aperçu des autres programmes du portefeuille de l'Industrie auxquels ont accès les jeunes Autochtones, qu'il s'agisse du Rescol des Premières nations, du Salon national des carrières pour Autochtones organisé par le Conseil national de recherches et par Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie ou de E-Spirit, qui nous intéresse particulièrement et qui est mis en oeuvre par la Banque de développement du Canada. Ce dernier programme permet aux jeunes Autochtones d'acquérir de l'expérience dans l'élaboration de plans d'affaires pour le démarrage d'une entreprise.
La présidente: Je vous remercie pour cet exposé très intéressant.
Est-ce que les Métis et les Inuits sont inclus dans vos statistiques sur les défis socioéconomiques auxquels la population est confrontée?
M. Moore: Oui.
Le sénateur Christensen: À la page 15 de votre document, il est indiqué que les jeunes Autochtones ont 2,5 plus de chances que l'ensemble des jeunes Canadiens de devenir entrepreneurs. Pourriez-vous expliquer pourquoi?
M. Moore: C'est une bonne question, mais je ne suis pas en mesure d'y répondre. Peut-être en raison des possibilités restreintes de trouver un emploi dans les entreprises en place ou en raison du nombre très restreint d'entreprises dans les régions rurales ou isolées. Ils créent eux-mêmes leurs occasions d'emploi en établissant une entreprise.
Le sénateur Christensen: Avez-vous comparé les difficultés qu'éprouvent les non-Autochtones et celles qu'éprouvent les Autochtones lorsqu'il s'agit de créer une entreprise?
M. Moore: Non, mais ce serait intéressant.
Le sénateur Christensen: J'aurais tendance à penser que la plupart des jeunes Autochtones ont l'esprit d'initiative et les connaissances nécessaires, mais pas l'instruction requise, et que la meilleure option pour eux est de créer eux-mêmes une entreprise.
M. Moore: Exactement.
Le sénateur Hubley: Je vous remercie pour votre exposé qui contient beaucoup d'informations. Nous l'avons parcouru rapidement, mais j'espère avoir le temps d'examiner les chiffres et leur incidence sur les jeunes Autochtones.
Pouvez-vous nous citer un exemple de démarrage réussi d'entreprise par des jeunes Autochtones? Pouvez-vous dire quel type d'entreprise les intéresse et quel genre de réussite ils connaissent?
M. Moore: Comme je l'ai mentionné, les Autochtones sont actifs dans tous les secteurs de l'économie. Ils le sont toutefois davantage dans le secteur primaire, c'est-à-dire celui des ressources naturelles qui inclut l'exploitation minière et l'exploitation forestière. Cependant, nous aidons également des entreprises du secteur de la haute technologie. Par exemple, nous avons aidé au tout début John Bernard, président de Donna Conna, une entreprise de technologie de pointe d'Ottawa. Nous avons aidé un jeune Autochtone de Vancouver, Chris Piché, qui dirige une entreprise appelée Eyeball Networks, une autre entreprise de technologie de pointe qui est extrêmement prospère.
Mon exemple favori est celui d'un Indien inscrit hors réserve, Ron Kocsis, de Saskatoon. Il a débuté avec deux camions à 18 roues et un projet d'expansion. Il nous a soumis diverses idées. Nous l'avons aidé à élaborer un plan d'affaires et à avoir accès à des capitaux. C'était il y a cinq ans et il possède maintenant un parc de plus de 50 camions à 18 roues et compte prendre encore de l'expansion. Il espère passer un contrat avec la société Wal-Mart pour distribuer des marchandises à l'échelle nationale.
C'est une de mes histoires de réussite favorites.
Nous l'avons aidé à avoir accès à des technologies dans le cadre de la priorité accordée à l'innovation. Il a élaboré un système GPS informatisé qui lui permet de suivre les déplacements de ses camions à la seconde et de vérifier leur rendement et le respect des échéanciers. Tous les renseignements nécessaires apparaissent sur l'écran. C'est très impressionnant.
Le sénateur Hubley: Ces entreprises tirent-elles un avantage financier du recrutement de jeunes Autochtones pour leur permettre de suivre une formation?
M. Moore: Oui. Les conditions de notre programme comportent plusieurs critères sur lesquels nous fondons notre choix lorsqu'il s'agit d'approuver un projet et l'un de ces critères est combien d'emplois ou de postes seront disponibles ou créés pour les Autochtones. Nous examinons le nombre d'équivalents à temps plein et le coût de création de ces emplois.
Le sénateur Hubley: Vous avez parlé de programmes d'encadrement que je trouve très intéressants. Avez-vous mis en place des programmes d'apprentissage pour donner l'occasion aux candidats de travailler dans une entreprise pour voir s'ils aimeraient mieux connaître ce secteur ou y travailler?
M. Moore: Pas actuellement, mais nous pourrions l'envisager lorsque nous élargirons nos programmes d'encadrement et de formation. La Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs prévoit mettre en place quelques projets pilotes en Saskatchewan et au Manitoba. Elle veut donner aux jeunes Autochtones l'occasion de travailler dans des entreprises comme apprentis pour voir si c'est quelque chose qui les intéresse. Nous envisageons de nous associer à cette Fondation dans le cadre de cette initiative.
Le sénateur Pearson: Pourriez-vous présenter votre collègue et dire ce qu'elle fait?
Mme Mary Lou Bird, analyste des politiques, Entreprise autochtone Canada, Industrie Canada: Je m'appelle Mary Lou Bird. Je suis analyste en politiques à Entreprise autochtone Canada. Mes fonctions consistent principalement à faire des études sous un angle stratégique afin de déterminer les possibilités qui sont offertes aux Autochtones dans le paysage fédéral.
Je travaille en outre en étroite collaboration avec un des analystes en politiques qui suit le groupe de ministres ayant diverses responsabilités en matière de questions autochtones. Nous sommes à l'affût de tout et nous préparons des séries de diapositives comme celle-ci. Nous nous intéressons davantage aux questions d'orientation qu'aux questions opérationnelles.
Le sénateur Pearson: Je voudrais savoir quel est le pourcentage de femmes par rapport aux hommes.
M. Moore: C'est une excellente question. La réunion des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables des affaires autochtones (FPTA) s'intéresse à la participation des Autochtones à l'économie. Ce groupe de travail a discuté de la question des femmes entrepreneures, plus particulièrement des femmes autochtones entrepreneures. Une étude a été faite à ce sujet, il y a une dizaine d'années. Je l'ai cherchée mais je ne l'ai pas trouvée. Je suis toutefois certain que les femmes autochtones entrepreneures ne sont pas très nombreuses. Nous voulons collaborer avec divers partenaires, comme la NWAC ou d'autres organismes, afin d'en connaître les raisons et de déterminer quelles initiatives nous pouvons prendre pour encourager les femmes autochtones à se lancer en affaires. C'est le moment opportun pour aborder le sujet, puisqu'on examine la question dans le cadre du processus de la FPTA. Nous comptons le faire également.
Le sénateur Pearson: Je suis heureuse de l'apprendre. Je pense qu'une utilisation plus intensive d'Internet et des nouvelles technologies pourrait apporter une solution au problème du chômage dans les collectivités isolées. Avez-vous d'autres exemples de création d'entreprises dans les secteurs primaires comme celui du bois et celui de la pêche? Y a-t-il dans des réserves relativement éloignées des groupes qui créent des entreprises qui utilisent l'électronique?
M. Moore: Il n'y en pas. Il est très difficile de trouver des possibilités d'aider des entreprises à devenir plus innovatrices dans les collectivités rurales ou isolées.
Le sénateur Pearson: Vous avez parlé du Rescol et du Réseau communautaire.
M. Moore: Oui, et il y a aussi le PAC, ou Programme d'accès communautaire. Ce programme est toutefois limité. Il donne accès à un établissement scolaire mais pas à l'ensemble de la collectivité. Nous devons étudier la possibilité d'installer un réseau à large bande dans les collectivités et de le rendre accessible aux entreprises et aux particuliers. Il existe des possibilités pour des entreprises autochtones de devenir des fournisseurs de services Internet et c'est précisément le type d'activité que nous essayons d'encourager par l'intermédiaire de l'initiative d'implantation du réseau à large bande.
La réponse à votre question est non, mais nous essayons d'élargir notre définition du concept d'«innovation». Notre définition actuelle est liée à la technologie de pointe, mais nous devons en revenir à l'essentiel. Pour nous, l'innovation devrait consister à mettre en place une idée nouvelle ou un processus nouveau qui permettrait d'accroître la productivité. Si l'on adopte cette définition, les possibilités dans les collectivités isolées ou rurales abondent.
Le sénateur Johnson: Est-il exact que dans le cadre de votre programme, vous avez fait un investissement d'environ 300 millions de dollars qui a entraîné une injection de 1 milliard de dollars dans le secteur privé autochtone?
Je constate, d'après la page 21 de votre présentation, que vous recherchez du financement additionnel. Combien voudriez-vous et quelle serait la destination précise de ces fonds? Vous avez indiqué cinq secteurs. Quel pourcentage de jeunes autochtones cela représente-t-il et quel est le pourcentage de femmes par rapport aux hommes? J'ai appris que les femmes constituaient le segment d'entrepreneurs dont le nombre a augmenté le plus vite au cours des dix dernières années.
Vous avez fait un investissement de 300 millions de dollars qui a généré un investissement supplémentaire de 1 milliard de dollars. Vous demandez des fonds additionnels et je suis curieuse de savoir à quoi ils serviront.
M. Moore: Notre financement actuel s'élève à 30 millions de dollars par an. Avant l'examen des programmes du début des années 90, les fonds destinés au programme d'EAC s'élevaient à 70 ou 80 millions de dollars par an. On a réduit notre financement à 30 millions de dollars, ce qui nous a forcés à établir des priorités stratégiques. Avant cela, EAC apportait un soutien global aux entreprises.
Une somme de 30 millions de dollars n'est pas énorme. Nous avons dépassé le montant de nos subventions et contributions chaque année. Nous avons la chance de relever d'un ministère où nous pouvons à l'occasion troquer des subventions et contributions. Nous arrivons ainsi à obtenir un peu plus de soutien.
La demande est forte. Il est manifeste que le programme subira de très fortes pressions au cours des 20 prochaines années, en raison des tendances démographiques.
Nous essayons d'obtenir des fonds supplémentaires parce que nous voudrions pouvoir aider un plus grand nombre de jeunes et un des critères est la fourchette d'âge appropriée. Pour le moment, nous nous intéressons aux jeunes de 18 à 29 ans mais nous envisageons de porter la limite à 35 ans. Cela nous permettrait non seulement d'aligner notre programme sur d'autres programmes mais aussi d'accorder le délai supplémentaire dont les jeunes ont parfois besoin pour acquérir plus d'expérience et accumuler des capitaux, ce qui leur permettrait d'avoir plus aisément accès à des fonds par le biais d'une banque ou de EAC.
Le sénateur Johnson: Quel serait le montant supplémentaire optimal?
M. Moore: Nous envisageons la possibilité d'obtenir 25 millions de dollars supplémentaires par an.
Le sénateur Johnson: À qui comptez-vous vous adresser pour les obtenir?
M. Moore: Nous nous sommes déjà adressés au Cabinet. Pour être franc, je ne sais pas si je peux révéler des informations précises à ce sujet. Le Cabinet a toutefois approuvé notre proposition.
Le sénateur Johnson: Ce serait à partir de quand?
M. Moore: À partir du prochain exercice financier. Cependant, aucune source de fonds n'a été identifiée. Nous avons suivi un processus budgétaire et aucun fonds n'a été prévu à cet effet dans le budget. Nous passons par le groupe de référence ministériel et par le processus politique autochtone pour démontrer l'importance du développement économique autochtone, ce qu'il permet de réaliser et obtenir peut-être ainsi davantage d'appui pour notre proposition.
Le sénateur Johnson: Est-ce que l'idée de porter la limite d'âge à 35 ans vient de l'expérience que vous avez acquise dans le cadre de programmes antérieurs?
M. Moore: De là et de diverses études que nous avons faites.
Le sénateur Johnson: Les jeunes ont maintenant tendance à poursuivre leurs études jusqu'à l'âge de 30 ans plutôt que 20.
M. Moore: C'est notamment de là que vient le problème. Les jeunes abandonnent l'école puis reprennent leurs études plus tard. Ils ont tendance à recevoir leur diplôme vers l'âge de 30 ans, voire plus. Ils sont peut-être alors davantage en mesure de devenir des entrepreneurs.
Le sénateur Johnson: Pensez-vous qu'en relevant la limite d'âge, vous augmentez vos chances d'obtenir des fonds supplémentaires? Si la limite d'âge est portée à 35 ans, le nombre de candidats sera beaucoup plus élevé.
M. Moore: C'est ce que nous pensons.
Le sénateur Johnson: Ne savez-vous pas quel est le pourcentage de femmes par rapport aux hommes qui ont accès aux fonds?
M. Moore: Nous n'avons malheureusement pas ces chiffres sous la main mais nous pourrons les obtenir assez facilement et vous les communiquer.
Le sénateur Johnson: Chez les non-Autochtones, les femmes sont responsables d'un plus grand nombre de démarrages d'entreprises. Il serait intéressant de savoir s'il en est de même en ce qui concerne les femmes autochtones.
M. Moore: Ce qui est regrettable, c'est que si le taux d'accroissement du nombre d'entrepreneurs autochtones est élevé, les femmes sont toujours minoritaires.
Le sénateur Johnson: Je le sais. Je viens de Winnipeg et je sais que l'encadrement est capital. Au cours des années 80, j'étais active dans le secteur de l'éducation permanente et j'encourageais des étudiants autochtones à entreprendre des études de médecine, de droit ou dans diverses autres branches. L'encadrement changeait la situation du tout au tout.
Le sénateur Léger: Pendant que je me préparais pour cette réunion et que je lisais des informations sur Entreprise autochtone Canada, j'ai peut-être trouvé pour la première fois que la situation est encourageante. Je ne minimise pas les énormes défis qui ont été mentionnés dans d'autres documents que nous avons reçus, mais c'est une question de survie. C'est fondamental, si l'on veut améliorer la situation.
En affaires, la mondialisation est à la mode. Si l'on veut que ces initiatives soient efficaces, il faut examiner la possibilité de s'adapter à l'approche autochtone alors que certaines personnes prétendent qu'il faut suivre la tendance à la mondialisation — ou autrement dit à l'approche non autochtone. Est-ce bien cela?
M. Moore: Je le pense.
Le sénateur Léger: Le sénateur Hubley a parlé d'apprentissage mais fait-on de l'enseignement coopératif? Il en est question actuellement dans les écoles secondaires.
M. Moore: Voulez-vous savoir si nous avons des programmes coopératifs? Non.
Le sénateur Léger: Je sais que cela ne concerne pas les entreprises.
M. Moore: Nous ne soutenons pas nécessairement ce type d'initiative par le biais de notre programme. Nous essayons cependant de passer des ententes avec des établissements universitaires et secondaires de diverses régions du pays pour les étudiants qui pourraient être intéressés par une carrière à la fonction publique ou à Entreprise autochtone Canada.
Nous sommes notamment sur le point de signer une entente avec l'I.H. Asper School of Business de l'Université du Manitoba. Elle a un programme d'études commerciales pour les Autochtones et Entreprise autochtone Canada y recrutera un ou deux Autochtones chaque année. C'est un modeste début, mais nous y tenons beaucoup.
Nous voudrions aider de façon plus active les Autochtones qui veulent créer une entreprise à former d'autres Autochtones. Cette possibilité n'a pas encore été examinée d'assez près. Par exemple, dans le cadre d'un vaste projet hydroélectrique dans le nord du Manitoba, on cherche à recruter un certain pourcentage d'Autochtones. Où ira-t-on les trouver? Il faudra des personnes capables de faire de la formation et les personnes les plus aptes à remplir ces fonctions sont peut-être des Autochtones qui ont de l'expérience et qui connaissent la culture et les besoins de leur peuple. Nous aimerions aller plus loin dans ce domaine.
Le sénateur Sibbeston: Je voudrais vous poser une question sur votre participation ou votre présence dans les Territoires du Nord-Ouest, c'est-à-dire ma région. J'y ai acquis quelque expérience parce qu'au début des années 90, j'ai travaillé avec divers Autochtones de ma localité. Nous avons construit un édifice à bureaux qui est toujours là. Nous avons été financés par l'organisme qui a précédé EAC. Quel est déjà votre ancien nom?
M. Moore: C'est le PNDEA, le Programme national de développement économique des Autochtones.
Le sénateur Sibbeston: Ken Thomas n'était-il pas président d'un de ces organismes?
M. Moore: Oui, du Conseil national de développement économique des Autochtones.
Le sénateur Sibbeston: Nous avons construit un édifice à bureaux très réussi à Fort Simpson. Les Métis et la bande locale ont participé au projet. Le projet est toujours rentable et a fait une contribution positive à l'économie locale. Il a aidé de nombreux Autochtones.
Dans les Territoires du Nord-Ouest, le climat économique est très bon. Dans diverses régions du pays, le nombre d'Autochtones qui se lancent en affaires est sans précédent. Participez-vous aux activités d'un des partenariats ou d'une des sociétés de développement des Territoires du Nord-Ouest?
M. Moore: Pas autant que nous le souhaiterions. La difficulté est que, étant donné que notre budget annuel n'est que de 30 millions de dollars, notre programme est de modeste envergure. Nous pourrions dépenser cette somme en un seul jour si nous participions aux grands projets pétroliers ou gaziers et aux projets d'ouverture de mines de diamants.
Nous essayons de soutenir les entreprises qui gravitent autour de ce type de projets. Par exemple, des services de transport sont nécessaires. Nous nous demandons comment nous pourrions aider un Autochtone qui souhaiterait créer une société de transport ou un service de restauration. Diverses autres entreprises sont nécessaires pour assurer la réussite de ces grands projets.
En ce qui concerne notre présence dans les Territoires du Nord-Ouest, nous apportons du soutien à une société de capital autochtone à Yellowknife. Nous avons en outre conclu une entente de contribution avec cette entreprise pour qu'elle assure l'exécution du programme en place en notre nom. C'est plus rentable pour nous que d'envoyer continuellement nos employés à Yellowknife. Le service est assuré à partir d'Edmonton mais nous avons une présence à Yellowknife. Nous envisageons également une association unique avec un organisme qui s'appelle, si je ne me trompe, NTI, et avec les services des Affaires indiennes à Iqaluit pour desservir les localités de Cambridge Bay, d'Iqaluit, de Rankin Inlet et d'autres régions du Nunavut.
Ceci vous donne un aperçu de notre présence au nord du 60e parallèle. Nous essayons d'être de plus en plus actifs et de profiter de ces grands projets.
Le sénateur Sibbeston: Dans les Territoires du Nord-Ouest, l'activité économique est très intense dans le secteur de l'extraction de diamants et dans le secteur pétrolier et gazier. La mise en valeur de ces ressources et la participation autochtone sont notamment possibles grâce au règlement des revendications territoriales autochtones. Les Inuvialuits et tous les autres groupes autochtones ont des capitaux grâce au processus de règlement des revendications territoriales et aux territoires qui leur appartiennent. Ils peuvent donc participer à ces projets et imposer certaines conditions aux entreprises qui veulent exploiter les ressources de leur région.
Je pense que les Territoires du Nord-Ouest constituent un modèle assez édifiant de participation autochtone. C'est encourageant de voir toute cette activité dans le Nord. Chaque fois que j'en ai l'occasion, je parle des revendications territoriales, de l'appartenance de la terre aux Autochtones et des fonds qui leur permettent de participer aux activités commerciales. Après tout, cette participation nécessite des mises de fonds. Lorsqu'on a une source de capitaux, elle peut constituer la porte d'entrée dans le monde des affaires. Le Nord est un bel exemple de ce que les pouvoirs publics peuvent faire pour aider les Autochtones à devenir autonomes.
La présidente: Vous avez mentionné l'apprentissage. J'ai entendu parler d'un groupe de dix entrepreneurs autochtones qui n'ont pas pu trouver de travail en raison de divers problèmes. Ils avaient formé un consortium et voulaient présenter des soumissions pour divers projets; ils voulaient aussi établir un programme de formation pour pouvoir prendre des apprentis et leur donner du travail. Le problème se situe au niveau du processus des soumissions. Il faut verser des cautions de soumission. Votre service pourrait-il les aider de quelque façon?
M. Moore: Pas vraiment. Ils devraient probablement s'adresser au ministère des Affaires indiennes.
La présidente: Il s'agit d'hommes qui vivent hors réserve. Certains d'entre eux sont des Métis et d'autres sont des Indiens inscrits.
M. Moore: Je ne pense pas que nous puissions les aider. Le programme d'EAC a pour principal but d'aider les entreprises. Ont-ils formé une entreprise?
La présidente: Oui. Ils ont formé un consortium. Ils sont constitués en société et ont un plan d'affaires solide. Cependant, pour présenter des soumissions pour des projets importants, il faut verser des cautions. Ils éprouvent de la difficulté en raison d'un certain racisme latent et de nombreux autres problèmes. Ce sont de bons hommes d'affaires et de bons entrepreneurs. Ils avaient leur propre entreprise depuis des années mais, en raison de divers problèmes, ils ont décidé de se regrouper. L'union fait la force. Ils sont confrontés à plusieurs difficultés dues notamment aux stéréotypes.
Pouvez-vous aider ce genre de consortium qui est disposé à prendre des apprentis, à les former et à les engager? N'importe quelle entreprise peut prendre des apprentis et des stagiaires. Par contre, que font ces apprentis ou stagiaires lorsque leur formation est terminée? Où vont-ils travailler? Ce consortium présente des soumissions pour permettre à ses apprentis d'avoir un emploi lorsque la période d'apprentissage est terminée.
M. Moore: Notre programme pourrait peut-être les aider. Il faudrait nous donner des renseignements précis et le nom des personnes à contacter. Nous pourrions en discuter avec elles. Par contre, je reconnais sincèrement que nous ne pouvons rien contre le racisme ou le traitement préférentiel, si c'est le cas.
La présidente: C'est une question d'éducation.
M. Moore: Nous pourrions certainement leur parler et voir s'il est possible de les aider.
La présidente: Qui nomme les membres du conseil?
M. Moore: Ils sont nommés par décret, par l'intermédiaire du cabinet du ministre, d'après les recommandations qui lui ont été faites.
La présidente: Quel ministre?
M. Moore: Le ministre Rock. Ensuite, les nominations passent par le Cabinet.
La présidente: Avez-vous des statistiques sur les entreprises des réserves ou hors réserve que vous aidez?
M. Moore: De quelles statistiques voulez-vous parler?
La présidente: On assiste actuellement à un phénomène intéressant au Canada, à savoir la migration des personnes à l'intérieur du pays. De nombreuses personnes quittent les villes et les centres urbains en raison de la pénurie d'emplois et des possibilités qui existent dans les réserves. Avez-vous des statistiques au sujet d'entreprises établies dans des réserves qui sont en mesure de retenir les Autochtones dans leurs collectivités, là où ils veulent être?
M. Moore: Je peux tout au plus vous donner des statistiques sur le nombre d'entreprises qui sont situées dans les réserves et le nombre d'entreprises hors réserve. Nous pouvons certainement vous donner ce renseignement s'il peut vous être utile.
La présidente: Ça pourrait nous aider.
[Français]
Le sénateur Gill: Mes questions portent sur le budget annuel de 30 millions de dollars. Si on répartit ce montant entre les provinces, cela fait 2 ou 3 millions par province. À mon avis, c'est très peu. Par contre, si on regarde la page 5, la répartition qu'on y voit peut porter à confusion. Pourriez-vous expliquer les montants inscrits à la page 5?
[Traduction]
M. Moore: La figure à la page 5 indique les organismes responsables pour les divers secteurs en précisant le montant destiné à chaque secteur. Par exemple, le développement de la main-d'oeuvre représente la plus grosse portion de l'assiette et relève de DRHC. Il s'inscrit dans le cadre de la Stratégie de développement des ressources humaines autochtones. Le budget annuel pour ce secteur est d'environ 336 millions de dollars et il est panautochtone, donc accessible à tous les Autochtones — Métis, Inuits, Indiens inscrits, Indiens non inscrits, des réserves et hors réserve. Il s'agit de formation axée sur les compétences.
L'autre portion importante de l'assiette est représentée par le climat des affaires économiques/infrastructure, secteur qui est sous la direction du ministère des Affaires indiennes. Comme vous le savez, le mandat de ce ministère concerne les Indiens inscrits des réserves. Ce programme est principalement axé sur la création d'un climat propice à l'investissement et consiste à octroyer des fonds pour les négociations concernant l'accès aux ressources ou des fonds pour la formation de partenariats. Il s'agit principalement d'investissements dans les réserves destinés à aider les Indiens à attirer d'autres investissements.
La portion suivante, Développement des ressources, pourrait être axée sur l'exploitation forestière ou minière ou pourrait concerner l'accès aux permis pour le développement des ressources et autres activités semblables. Quelques fonds sont répartis entre Affaires indiennes, Ressources naturelles Canada et Pêches et Océans, pour l'affaire Marshall ou pour la Colombie-Britannique, par exemple. Ce programme est principalement axé sur les collectivités, sur les Indiens inscrits des réserves et son budget annuel est de 95 millions de dollars.
Il reste la plus petite portion, Développement des entreprises, dont le champ d'action est beaucoup plus étendu. Nous avons affaire à des personnes et des collectivités mais surtout des personnes. C'est un programme panautochtone, c'est-à-dire qu'il s'adresse aux Métis, aux Indiens inscrits, aux Indiens non inscrits, aux Inuits et autres Autochtones. Il comprend des fonds qui ne viennent pas seulement d'Entreprise autochtone Canada mais aussi de FedNor, de Diversification de l'économie de l'Ouest, de l'APECA, et d'autres organismes comme la Banque de développement du Canada.
Le budget annuel pour le développement des entreprises sous la direction du portefeuille de l'Industrie est de 73 millions de dollars.
Je ne sais pas si ces explications peuvent être utiles.
[Français]
Le sénateur Gill: Cela complique la situation, parce qu'on ne projette pas clairement l'image de l'aide économique reçue directement par les Autochtones. Les fonds du gouvernement fédéral pour le programme de développement de la main-d'oeuvre, au montant de 606 millions de dollars, sont répartis entre les provinces qui doivent les administrer, au Québec du moins, car je ne sais pas pour les autres provinces. Cependant, ces fonds atteignent-ils les Autochtones? Quand on regarde l'ensemble du budget, on trouve qu'il s'agit de sommes fantastiques qui sont allouées au développement économique alors qu'en réalité, ce n'est pas le cas. Je ne connais pas de budget de cette envergure ni dans les communautés ni ailleurs pour les Autochtones. Pourriez-vous me donner des explications à ce sujet?
[Traduction]
M. Moore: Les 330 millions de dollars relevant de DRHC dans le cadre de la Stratégie de développement des ressources humaines autochtones ne sont pas versés aux provinces. Ces fonds sont versés à des organisations autochtones dans le but de les aider à élaborer des programmes de développement marché du travail pour leurs administrés. Les provinces ont passé des ententes de développement du marché du travail avec DRHC. L'octroi de ces fonds repose sur certains des critères qui sous-tendent les ententes de développement du marché du travail passées avec les provinces mais dans ce cas-ci, il s'agit d'une entente entre DRHC et divers groupes autochtones.
Nous avons conclu environ 63 ententes avec des groupes autochtones des diverses régions du Canada pour la fourniture de programmes relatifs au marché du travail. C'est un processus de délégation qui consiste à fournir les fonds aux peuples autochtones parce qu'ils connaissent leurs besoins et peuvent créer des programmes de formation adaptés à leur culture.
Le problème est que ce cadre est souvent utilisé par les fonctionnaires, ceux d'EAC, du ministère des Affaires indiennes ou d'autres services, dans le contexte du développement économique. Cette portion de 55 p. 100 de l'assiette devrait être supprimée si vous voulez être puriste en matière de développement économique. Il s'agit dans ce cas-ci de développement «doux» parce que c'est de la formation et pas du développement économique à proprement parler, c'est-à-dire pas d'investissement dans des entreprises et la création d'opportunités. Il s'agit d'un investissement humain et pas d'un investissement économique ou dans les entreprises. Si l'on supprime cette portion, il reste au total un peu moins de 300 millions de dollars, ce qui est peu par rapport aux 7,7 milliards de dollars investis par le gouvernement fédéral dans les programmes pour les Autochtones.
[Français]
Le sénateur Gill: La main-d'oeuvre relève bien du ministère du Développement des ressources humaines. J'ai déjà vérifié les références que nous avons reçues à ce sujet. Ce ministère, en ce qui concerne la main-d'oeuvre autochtone, préfère toujours, pour le Québec du moins, transférer la gestion de ces affaires au gouvernement provincial. Cependant, les demandes sont censées vernir du gouvernement du Québec. Le montant de 30 millions de dollars porte à confusion. Les gens pensent qu'il y a beaucoup d'argent dans le développement économique lorsqu'ils regardent les différentes portions de cette assiette. Pourtant, lorsqu'on regarde votre budget, et je comprends pourquoi vous demandiez un budget additionnel, on trouve que c'est peu. Cela porte à confusion.
M. Moore: Exactement, c'est pour cette raison que j'ai tenu à souligner le fait que si on enlève le montant de 300 millions de dollars, c'est peu d'argent.
Le sénateur Gill: Quant aux employés qui travaillent dans votre organisation, êtes-vous nombreux au ministère pour gérer le fonds du développement économique autochtone de l'Aboriginal Business Canada? Je sais que vous avez connu des réductions considérables de votre personnel.
[Traduction]
M. Moore: Environ 70 employés régionaux assurent l'exécution de ce programme. À l'administration centrale, plusieurs employés se chargent des politiques et des communications. Le nombre de personnes qui assurent l'exécution du programme sur le terrain n'est pas très élevé. Ces employés doivent s'assurer que les collectivités et les particuliers sont au courant du programme et nous avons des défis à relever dans ce domaine. Beaucoup de personnes ne sont pas au courant des activités d'Entreprise autochtone Canada ou du Conseil. Un de nos plus gros problèmes est d'expliquer aux gens qui nous sommes et quelles sont nos réalisations, de leur faire savoir que nous sommes là pour les aider en leur expliquant comment nous pouvons le faire.
Nos effectifs ne sont pas suffisants pour l'exécution de ce programme quoique les organisations autochtones avec lesquelles nous avons passé des ententes nous aident beaucoup en assurant l'exécution du programme pour nous ou en ayant un budget qui leur permette de signer des ententes avec des clients. Nous examinons le maximum de possibilités d'exécution du programme.
[Français]
Le sénateur Gill: Quelle est la limite maximum par projet?
[Traduction]
M. Moore: Nous finançons jusqu'à 60 p. 100 des dépenses admissibles liées à un projet. En ce qui concerne les particuliers, nous octroyons un maximum de 75 000 $. Pour les collectivités, le plafond est de 250 000 $. Il y a toutefois des exceptions mais dans ces cas-là, l'approbation de notre conseil est nécessaire.
Le sénateur Christensen: Les migrations des réserves vers les zones urbaines sont souvent le fait de familles monoparentales dirigées par des femmes. Celles-ci ont de la difficulté à trouver tous les renseignements disponibles sur les programmes pour les femmes autochtones. Des programmes spéciaux avaient été établis pour permettre à ces femmes de travailler à domicile et de montrer l'exemple à leurs enfants; elles auraient peut-être alors davantage l'occasion de réussir. Vous dites qu'il n'existe pas de programmes destinés spécifiquement aux femmes. Envisage-t-on d'en établir? Il me semble que c'est une question qui mérite une attention toute particulière.
M. Moore: Il n'existe pas de programme axé directement sur les femmes mais, étant donné que j'ai travaillé à DRHC, je suis en mesure de dire qu'il existe un programme indirect de garde d'enfants pour les collectivités des Premières nations et inuites. J'ai eu un entretien intéressant avec la ministre Blondin au sujet des difficultés qu'éprouvent les femmes autochtones à se lancer en affaires, difficultés qui sont en grande partie liées à la garde des enfants. Comment une mère de deux ou trois enfants pourrait-elle se lancer en affaires avec toutes les responsabilités qu'elle a? Des programmes efficaces de garde d'enfants et d'éducation et d'autres programmes indirects analogues aideraient beaucoup les femmes autochtones qui voudraient se lancer en affaires.
Le sénateur Christensen: Beaucoup de femmes se lancent en affaires pour pouvoir rester chez elles. Elles ont un emploi à temps partiel et continuent de s'occuper de leurs enfants. La garde des enfants n'est pas la source du problème. Il faut que les femmes soient au courant des programmes et des conditions à remplir pour y avoir accès. Elles ne sont pas sur le marché du travail et par conséquent, elles ne sont pas aussi au courant des formalités administratives qu'un jeune homme qui travaille à temps partiel.
Il s'agit d'une perspective et d'une approche très différentes.
Le sénateur Pearson: Il ya place pour l'entrepreneuriat dans les arts et dans la culture. Avez-vous établi des programmes à l'intention des personnes qui veulent se lancer dans une activité créatrice à domicile? Collaborez-vous avec d'autres ministères pour encourager les arts et la culture? Pouvez-vous les considérer comme une activité commerciale? De nombreux Canadiens et Canadiennes sont dans le secteur des arts et de la culture et de nombreux autres profitent des retombées de ce secteur.
M. Moore: Je crois que la plupart de ces activités devraient être couvertes dans le cadre de notre priorité stratégique en matière de tourisme qui pourrait couvrir à peu près tout, depuis l'écotourisme jusqu'aux activités culturelles. Nous avons à plusieurs reprises aidé des particuliers et des petites entreprises à commercialiser leurs produits. Nous avons en outre aidé des personnes à faire de l'artisanat à domicile et nous avons aidé en outre de plus grandes entreprises par le biais de programmes destinés aux entreprises et de programmes de marketing.
Le sénateur Pearson: Vous avez déjà fait beaucoup de travail pour nous et j'ai beaucoup de réticence à vous imposer une tâche supplémentaire. Il serait toutefois intéressant de savoir quel est le pourcentage d'hommes et de femmes. J'aimerais en outre savoir si vous avez pu soutenir des activités culturelles et, dans l'affirmative, combien. Il serait peut- être bon de recommander d'intervenir davantage dans ce secteur.
M. Moore: Nous verrons si nous pouvons obtenir ces renseignements. J'ai passé la présentation en revue rapidement mais elle contient beaucoup de données. Cependant, je pourrais vous remettre plusieurs études que nous avons faites dont la plupart de ces données sont tirées, des évaluations sur le programme ainsi que d'autres études qui pourraient vous être utiles.
Le sénateur Johnson: Le Aboriginal Mother Centre de Vancouver a ouvert ses portes récemment, plus exactement il y a environ un an et demi; ce centre met des locaux à la disposition des femmes qui veulent s'organiser. On compte établir trois entreprises pour contribuer au financement des activités du centre, en exploitant les idées et les initiatives des femmes qui fréquentent le centre. Êtes-vous au courant de cette initiative?
M. Moore: Non.
Le sénateur Johnson: L'une des entreprises est un service de messageries appelé «Moms on the Run» et un autre est un service de restauration à domicile. Ces entreprises mettent à profit les capacités des femmes qui fréquentent le centre et leurs idées. Je me demandais si ce centre s'était adressé à vous pour le financement des projets de ces femmes.
M. Moore: Peut-être. Je ne suis pas au courant de tous les projets. Nous avons un bureau régional à Vancouver et nous pouvons demander aux employés de ce bureau s'ils sont au courant.
Le sénateur Johnson: Les dirigeants de ce centre sont certains de pouvoir devenir autonomes à brève échéance parce qu'un très grand nombre de femmes sont intéressées par ce type d'activités. C'est très nouveau et ça ne fait pas partie du secteur de la production artisanale. C'est une initiative qui a énormément de succès. Elle donne aux femmes l'occasion d'être avec leurs enfants, d'organiser leur temps grâce à des horaires flexibles et de travailler en suivant un modèle cyclique, ce qui est plus intéressant pour les femmes que le modèle linéaire en vigueur partout dans notre société. Je ne sais pas si le centre a reçu des fonds, mais je sais qu'il compte vous contacter s'il ne l'a pas encore fait.
M. Moore: Il l'a peut-être fait et nous lui avons peut-être déjà accordé des fonds.
Le sénateur Johnson: Avez-vous une notion du nombre de jeunes Autochtones ou d'étudiants d'âge mûr qui font des études commerciales ou une maîtrise en administration des affaires dans les universités canadiennes?
M. Moore: Je n'en ai pas la moindre idée.
Le sénateur Johnson: C'est le genre d'études où l'on apprend quelle est la tendance future dans les affaires. L'école I.H. Asper, qui est dans ma province, sera très intéressante. Je suis curieuse de savoir si vous avez des chiffres en ce qui concerne les autres régions du pays.
M. Moore: Non.
Le sénateur Léger: Je suppose que l'on raisonne de façon différente lorsqu'il s'agit des arts et de la culture. Les arts ne sont pas aussi lucratifs que les autres secteurs. Cependant, c'est une possibilité à exploiter. J'imagine qu'il est possible d'accepter un autre type de raisonnement.
M. Moore: Oui, et nous avons déjà accordé des fonds dans ce secteur. Je suppose que nous ne finançons pas beaucoup de projets de ce genre parce que ce ne sont pas des entreprises viables et que la viabilité est un des critères sur lesquels nous sommes obligés de fonder notre choix. Nous nous demandons s'il s'agit d'une entreprise qui a des chances de réussir et d'être rentable.
Le sénateur Léger: Votre service devrait peut-être adopter des critères différents en ce qui concerne les arts et la culture qu'en ce qui concerne le secteur du camionnage, par exemple.
M. Moore: Nous nous efforçons d'être moins rigides. Étant donné notre nom, Entreprise autochtone Canada, je pense que nous nous devons d'être plus souples.
Le sénateur Sibbeston: Mes commentaires portent sur la question du développement économique. Je connais les antécédents du ministère des Affaires indiennes. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a tenté il y a des dizaines d'années d'aider les Autochtones à se lancer en affaires. À une certaine période, presque tous les projets communautaires locaux qui étaient liés de près ou de loin au développement commercial ou économique étaient subventionnés. La plupart de ces entreprises ont échoué. C'était ainsi que le gouvernement tentait d'aider les Autochtones à démarrer en affaires.
Quand on vit en forêt et qu'on vit des produits de la terre, il y a un pas de géant à franchir pour se lancer en affaires. Se lancer en affaires est l'entreprise la plus difficile. C'est pourquoi vous travaillez pour le gouvernement et c'est pourquoi nous sommes ici. La plupart de ces entreprises ont fait faillite. C'était cependant nécessaire. D'après mon expérience personnelle, je pense qu'il n'y a pas de secret pour se lancer en affaires. Il faut procéder par tâtonnements et il est inévitable d'essuyer de nombreux échecs avant de réussir. C'est normal.
D'après ce que je sais de votre programme, j'ai l'impression que vous financez uniquement les entreprises qui réussissent très bien. Vous ne vous intéressez pas aux petites entreprises familiales ou aux petits restaurants locaux. Vous vous intéressez davantage à de plus grands projets qui ont de bonnes chances de réussite. Est-ce bien cela?
M. Moore: Je ne dirais pas cela: notre taux de réussite élevé est notamment dû aux efforts que nos agents de développement investissent dans l'entreprise. Pour aider une entreprise à démarrer, il faut beaucoup de travail de préparation. Il faut aussi beaucoup de suivi. Nos clients peuvent nous demander des conseils sur diverses questions, au sujet de leurs impôts ou de leur bail, par exemple.
Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, la plupart de nos clients sont des petites entreprises de moins de dix employés. Le montant moyen de notre investissement par projet est de 30 000 $.
Je rentre de Winnipeg où j'ai rendu visite à une femme âgée d'environ 25 ans. Elle a ouvert un magasin d'encadrement et, à propos de risque, je dirais que c'est un secteur à risque élevé. Cette femme s'en tire toutefois très bien. Elle ne réalise pas de gros bénéfices mais elle survit. Nous avons financé de petites boutiques de fleuriste ou des magasins familiaux dans diverses régions du pays.
Pour être honnête, je reconnais que nous finançons aussi de grosses entreprises, qui sont très prospères. Nous essayons de maintenir un équilibre entre les petites entreprises qui n'ont pas une influence énorme mais survivent et celles qui ont des retombées importantes.
Le sénateur Sibbeston: Je voudrais savoir combien de demandes vous recevez et combien de projets vous financez.
M. Moore: Nous recevons environ 1 600 demandes par an et nous finançons probablement un millier de projets. Si nous ne finançons pas tous les projets, c'est pour deux raisons. La première est que le projet n'est pas conforme à nos priorités stratégiques, que nous devons respecter parce que nous avons un budget limité. La deuxième n'est pas nécessairement parce que l'entreprise ne serait pas rentable financièrement mais parce que les candidats ne sont probablement pas bien préparés.
Ils ne savent pas comment établir un plan d'affaires. Ils n'ont aucune formation ou aucune expérience. Dans certains cas, nous prenons des risques et nous les aidons. Nous leur promettons de nous intéresser à leur projet pour autant qu'ils suivent le cours ou parlent aux gens d'affaires que nous leur recommandons et acquièrent plus d'expérience.
Le sénateur Sibbeston: Est-ce que ce sont des fonctionnaires comme vous ou les membres d'un conseil d'administration qui décident de financer un projet?
M. Moore: Je ne m'occupe que des projets de plus de 250 000 $, et le conseil aussi. Nos directeurs régionaux et nos agents de développement ou nos agents locaux prennent la plupart des décisions en ce qui concerne les projets de taille moyenne, soit d'environ 75 000 $. Ce ne serait pas juste pour les clients que je prenne la décision au sujet de tous les projets en raison des délais que cela impliquerait. Par conséquent, les décisions sont prises en grande partie par les agents locaux qui ont beaucoup de contacts avec les clients et comprennent leurs projets.
Le sénateur Gill: Je crois que votre plafond est de 250 000 $ pour les bandes ou pour les projets collectifs et de 75 000 $ pour les autres projets. Avez-vous des chiffres à ce sujet?
M. Moore: Voulez-vous savoir combien de projets communautaires et combien de projets individuels nous finançons?
Le sénateur Gill: Oui.
M. Moore: Nous pourrons trouver ces chiffres.
Le sénateur Gill: Pensez-vous que vous investissez davantage dans les projets de bande que dans les projets individuels?
M. Moore: Je ne peux pas le deviner. Il faudrait voir les chiffres.
Le sénateur Hubley: Le sénateur Léger et le sénateur Pearson ont abordé le sujet des arts et de la culture. Le sénateur Léger a également parlé des coopératives. Il ne faut pas négliger les coopératives parce qu'elles permettent de regrouper des personnes qui s'adonnent à un type précis d'activité et créent des emplois à temps partiel à domicile. Le mouvement coopératif a beaucoup de succès dans les Maritimes et a donné de très bons résultats. Il existe d'excellents modèles dans cette région, et beaucoup dans la fabrication de courtepointes ou de carpettes, par exemple.
Je tenais à insister sur le fait que le mouvement coopératif peut être utile dans certains cas.
La présidente: Je vous remercie. C'était une discussion très intéressante. Je suis heureuse que Mme Bird soit ici parce qu'elle peut faire un lien entre la plupart de ces discussions, comme celle sur le mouvement coopératif, et les politiques.
J'ai hâte de recevoir tous les documents que nous vous avons demandés pour nous aider à établir un excellent plan d'action.
La séance est levée.