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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 2 - Témoignages du 29 mars 2001 (avant-midi)


OTTAWA, le jeudi 29 mars 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour examiner le commerce international des produits agricoles et agroalimentaires et les mesures à court et à long terme pour la santé du secteur agricole et agroalimentaire dans toutes les régions du Canada.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Avant de vous présenter nos invités, de la Fédération canadienne de l'agriculture, je voudrais vous informer qu'il y aura une séance cet après-midi, à 14 heures, dans la pièce 256 de l'édifice du Centre. Nous serons près des chambres du Sénat. Nous pourrons nous occuper des autres questions plus tard la semaine prochaine.

Je voudrais souhaiter la bienvenue, ce matin, à M. Bob Friesen, que le Comité de l'agriculture connaît déjà, et à Mme Jennifer Higginson. Nous écouterons vos exposés, puis nous passerons aux questions.

M. Bob Friesen, président, Fédération canadienne de l'agriculture: Je suis heureux d'être de retour, après avoir comparu en avril dernier. Je tiens à vous remercier de la patience dont vous avez fait preuve. J'ai relu la transcription de ce que j'avais dit la dernière fois et je m'en suis lassé après cinq ou six pages. Vous avez fait preuve de beaucoup de patience en m'écoutant la dernière fois. Je tâcherai de n'être pas trop répétitif, quoiqu'il me faudra revenir sur certaines choses. Je m'efforcerai d'être plus concis aujourd'hui. Je suis très heureux de vous présenter Mme Higginson, qui a été en quelque sorte la personne à tout faire dans notre bureau au cours des cinq derniers mois. Comme vous le savez, nous avons subi des changements de personnel et Mme Higginson a agi à titre de directrice exécutive intérimaire pendant un certain temps. Elle a également coiffé, pendant la même période, les chapeaux d'analyste de la politique commerciale, analyste du revenu agricole, analyste du filet de sécurité, analyste de l'environnement, du changement climatique et de l'étiquetage volontaire, en somme tout ce dont nous nous occupons. Nous lui sommes reconnaissants des efforts qu'elle a mis dans son travail. Elle me fournit une information des plus utiles. C'est elle qui répondra aux questions difficiles.

La FCA fonde tous ses discours sur la prémisse que l'agriculture et l'agroalimentaire apportent une contribution importante à l'économie canadienne. Ce secteur d'activité génère environ 95 milliards de dollars par année et emploie 1,9 million de personnes. Les échanges commerciaux atteignent les 23 milliards de dollars. En fait, le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire compte pour 25 p. 100 du surplus commercial canadien. L'agriculture canadienne est également connue dans le monde entier pour la qualité très élevée et l'innocuité de ses produits. Il est bien connu que le panier à provisions, au Canada, est le moins cher au monde. Les Canadiens consacrent seulement 10,1 p. 100 de leur revenu disponible à l'alimentation, comparativement à 10,4 p. 100 aux États-Unis et même 14,1 p. 100 en Australie. Les agriculteurs en sont extrêmement fiers, quoique cette situation engendre ses propres difficultés, comme vous pourrez le voir.

En ce qui concerne la question du revenu à court terme, les agriculteurs préfèrent tirer leurs revenus du marché, cela ne fait aucun doute. Vous m'avez demandé de parler aujourd'hui du problème du revenu à court terme et du commerce international. Il existe, de toute évidence, un lien entre l'un et l'autre, comme nous essaierons d'ailleurs de vous le démontrer. Nous avons également été invités à revenir plus tard pour parler d'un plan de développement à long terme de l'agriculture. Nous serons heureux de le faire, après avoir eu suffisamment de temps pour en discuter entre nous.

Lors de ma dernière comparution, j'avais utilisé l'analogie du trapéziste. Quand je dis que les agriculteurs préfèrent tirer leurs revenus du marché, je veux dire par là qu'ils n'aiment pas devoir compter sur l'aide au gouvernement. Ils préfèrent, de loin, compter sur leurs propres moyens. J'avais employé l'image du trapéziste et parlé de la nécessité d'avoir l'équipement voulu pour performer. Les trapézistes s'exécutent au-dessus d'un filet de sécurité. Ce filet ne leur sert pas dans l'exécution de leur numéro, mais il assure leur sécurité en cas d'accident. Cet aspect fait également partie du problème. Comme je le disais la dernière fois, nous avons pourvu les agriculteurs d'un filet de sécurité alors qu'ils étaient déjà en chute libre. Nous n'avons pas encore complètement réglé ce problème. Comme vous le savez, le secteur des grains et des oléagineux a éprouvé des difficultés considérables, pour lesquelles le Programme de soutien du revenu en cas de calamités ne les a pas indemnisés adéquatement. Nous avons dû respecter les contraintes imposées par l'accord sur l'agriculture de l'OMC, pour que le programme puisse être considéré comme un programme vert. La marge de référence a donc engendré des difficultés, parce que notre secteur des grains et oléagineux éprouve un problème chronique. Nous reviendrons à cette question plus tard.

Au cours de la rencontre fédérale-provinciale de juillet dernier, nous cherchions encore une façon d'indemniser adéquatement les agriculteurs, notamment pour les produits qui sont source de problèmes chroniques. Nous n'y sommes pas arrivés. La rencontre a plutôt accouché d'un programme réduit de soutien du revenu en cas de catastrophe. Si quelqu'un vous dit que le nouveau PCRA est différent, et c'est la raison pour laquelle nous lui donnons un nom différent, la seule différence entre le PCRA et l'ACRA, c'est que le premier est pire. Le PCRA est pire parce qu'il est dépourvu des quelques éléments que nous avions réussi à ajouter au Programme ACRA afin de l'améliorer. Le PCRA n'est rien de plus qu'un programme semblable à l'ACRA, mais avec d'importants éléments en moins.

Comme nous étions très mécontents de ce qui s'était passé, nous avons décidé d'adopter une approche différente. Nous avons commencé à prendre beaucoup plus en compte l'aide agricole accordée aux États-Unis. Si nous le faisons, c'est parce que nos agriculteurs doivent maintenant se battre contre le trésor américain. J'utiliserai l'exemple américain, parce que les États-Unis sont plus près de nous, mais je pourrais tout aussi bien parler des pays de l'Union européenne. Nos agriculteurs doivent aussi affronter les trésors d'autres pays. Les données les plus récentes indiquent que pour chaque dollar d'aide, par habitant, que le Canada accorde à l'agriculture, les États-Unis dépensent plus de 2 $. En fait, le Canada dépense 163 $ par habitant, alors que les États-Unis dépensent 350 $ par habitant, et l'Europe encore beaucoup plus.

L'aide américaine à l'agriculture a augmenté de 283 p. 100 au cours des cinq dernières années. Au Canada, nous venons tout juste de rattraper le niveau auquel nous étions en 1996-1997. L'aide agricole se situait autour de cinq milliards de dollars en 1991-1992, mais selon les projections actuelles les dépenses se situeront autour de 2,6 milliards de dollars pour l'ensemble du secteur agricole.

Ce montant est à peine plus de la moitié de ce qu'il était en 1991-1992. Nous venons à peine de rattraper le niveau de 1996-1997, mais c'est encore de loin inférieur à l'aide accordée aux agriculteurs américains. Entre 1988 et 1999, les dépenses par habitant, au Canada, ont diminué de 105 $US, alors qu'elles augmentaient de 73 $ aux États-Unis.

Environ 0,78 p. 100 du PIB est consacré à l'aide à l'agriculture canadienne. La moyenne des pays de l'OCDE est de 1,42 p. 100, soit près du double. Au Canada, le gouvernement consacrait 3,6 p. 100 de son budget au secteur agricole en 1981-1982. Ce pourcentage n'est plus que de 1,7 p. 100 en 2000-2001.

Le soutien du revenu agricole aux États-Unis aggrave le problème chronique que nous éprouvons, en particulier dans le secteur des grains et oléagineux. Je mentionnerai un peu plus tard d'autres produits qui éprouvent également des difficultés. Depuis longtemps déjà, les prix sont faibles dans le secteur des grains et oléagineux. En 1997-1998, le revenu agricole net réel a subi une baisse de 35 p. 100. Le coût des intrants a augmenté de 24 p. 100 en cinq ans, et selon une projection de 10 ans, ces coûts subiront une hausse de 37 p. 100. Cela n'inclut pas la récente augmentation des coûts du carburant et la hausse du prix des fertilisants consécutive à l'augmentation des prix du gaz naturel.

En 1998, les retraits du CSRN ont augmenté de 70 p. 100. Les producteurs ressentaient déjà le dur contrecoup de la baisse des prix du grain qui a débuté après 1995. Par ailleurs, le soutien du revenu agricole a diminué de 60 p. 100 au cours des cinq années qui ont précédé 1997. L'agriculture, aux États-Unis, a bénéficié d'un niveau de soutien du revenu élevé, alors que nous devions composer depuis déjà un certain temps avec des prix du grain très faibles. En fait, le prix du maïs a diminué de 45,6 p. 100 entre 1995-1996 et 1999-2000. Le prix du blé a accusé une baisse de 34 p. 100, le canola de 33,5 p. 100, et ainsi de suite. Les agriculteurs ont subi les inconvénients des baisses considérables des prix du grain.

Ces baisses de prix sont à l'origine de la situation que connaissent aujourd'hui les agriculteurs. En 1998-1999, ils ont payé des frais d'utilisation, qui ont d'ailleurs subi une hausse de 28 p. 100 dans le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire. La même année, les agriculteurs ont payé au gouvernement 92 millions de dollars en frais de recouvrement des coûts. Après avoir subi une hausse des frais d'utilisation et une augmentation considérable du coût des intrants, les agriculteurs doivent encore se battre contre le niveau élevé du soutien du revenu accordé à l'agriculture aux États-Unis. Récemment, les prix de certains carburants utilisés sur la ferme ont augmenté de 45 p. 100. Selon nos propres estimations, chaque hausse de 10 p. 100 du coût du carburant agricole pourrait entraîner une réduction de 6 p. 100 du revenu agricole. Cela représente une baisse considérable du revenu des agriculteurs.

Je m'entretenais récemment avec un producteur de grains qui comparait les prix des fertilisants. Il faisait une comparaison avec les prix du printemps dernier. L'ammoniaque anhydride coûtait alors 350 $. Le 28 décembre, il atteignait un coût de 440 $, et le 28 janvier, 700 $. Ces hausses de prix ne tiennent pas compte de la hausse de 24 p. 100 sur cinq ans, ou de 37 p. 100 sur 10 ans, du coût des intrants subis par les agriculteurs.

On nous demande souvent pourquoi les institutions comme la SCA ou les banques ne paniquent pas ou ne font pas davantage état des prêts non remboursés. Récemment, j'ai posé la question suivante à un banquier: «Pourquoi ne vous entend-on pas vous plaindre davantage des prêts non remboursés?» Il m'a répondu: «La réponse est simple. Afin de plaire à nos conseils d'administration, nous nous efforçons de réechelonner les prêts le plus rapidement possible». Le programme mis en place par la SCA en 1998, et nous remercions les institutions financières de l'avoir fait parce que cela aide les agriculteurs, permet de sauter le paiement d'une année et de l'intégrer à la période d'amortissement, ou de le reporter à la fin de l'hypothèque. Ce réechelonnement permet aux agriculteurs de rester à jour. Ces mesures aident les agriculteurs, mais elles cachent une partie de la réalité. Les agriculteurs perdent ainsi une partie considérable de leur avoir et ils se retrouvent acculés au pied du mur lorsque vient le temps de faire leurs paiements.

Pour toutes ces raisons, la communauté agricole estime urgent de pouvoir bénéficier d'une aide accrue. Permettez-moi, encore une fois, de me reporter au soutien que les États-Unis accordent à leur agriculture, et à la lutte que nos propres agriculteurs doivent livrer au trésor américain. Les producteurs américains de grains et d'oléagineux bénéficient de subventions de 130 $ l'hectare. Ils peuvent également compter sur le Loan Deficiency Program, qui garantit aux producteurs un prix minimum pour leurs produits. On comprend alors aisément pourquoi la situation devient si difficile pour nos agriculteurs, qui doivent se contenter du prix réel du marché pour leurs produits et qui ne bénéficient pas de ce genre d'aide directe. Ils sont obligés de concurrencer les grains américains sur notre propre marché intérieur, ou encore sur les marchés internationaux. L'augmentation du coût des produits et la baisse de nos propres prix ont provoqué une crise. Tous ces facteurs ont engendré une situation intenable pour nos agriculteurs, parce qu'ils n'ont aucun contrôle sur ces facteurs.

Le ministère soutient parfois que ce ne sont pas les subventions accordées dans les autres pays qui n'influent pas sur les prix, mais la production excédentaire. Mais il suffit d'examiner le ratio stocks-utilisation dans le cas du blé, qui n'a jamais été aussi faible depuis 1974, pour voir que les subventions agricoles accordées dans les autres pays influent considérablement sur le prix de tous les grains et oléagineux.

Lorsqu'on compare l'aide accordée aux États-Unis à celle qui est accordée au Canada, le harcèlement commercial continuel dont nous faisons l'objet ne fait qu'ajouter l'insulte à l'injure. Les agriculteurs sont heureux d'avoir reçu 500 millions de dollars, mais ce n'était tout simplement pas suffisant. Selon nos propres calculs, l'aide de 1,5 milliard de dollars que nous demandions aux gouvernements fédéral et provinciaux était raisonnable. Elle était justifiée et urgente, afin de permettre aux agriculteurs d'aborder avec plus de confiance la nouvelle saison des semailles. L'octroi d'une aide de 500 millions de dollars, alors que nous attendions 900 millions de dollars du gouvernement fédéral, était tout simplement contraire au bon sens. Nous continuerons d'exercer des pressions afin d'obtenir une aide suffisante, parce que nos agriculteurs en ont besoin.

Comme je le disais plus tôt, le harcèlement commercial continuel dont nous faisons l'objet de la part des États-Unis ajoute l'injure à l'insulte.

Il suffit de rappeler les difficultés auxquelles se sont heurtées la Commission canadienne du blé et la gestion des approvisionnements, ainsi que les fermetures de frontière dont nous avons été témoins dans l'Ouest. La situation récente de l'industrie de la pomme de terre, dans l'Île-du-Prince-Édouard, met en évidence l'une des formes les plus abjectes de contravention aux règles commerciales. Il s'agissait ni plus ni moins, de contravention aux règles du commerce et de recours à des barrières commerciales non tarifaires. Aux termes de l'accord AST, à l'OMC, le Canada a fait tout ce qui était nécessaire pour surveiller la région et assurer la sécurité. Quelque 10 000 échantillons de sol ont été prélevés, et aucun ne contenait de galle verruqueuse. Le seul souci des États-Unis était de protéger le marché américain de la pomme de terre. Cette situation n'est toujours pas résolue.

Pendant la crise de la pomme de terre dans l'Île-du-Prince-Édouard, l'automne dernier, le National Post a publié un article à la une. Mike Weir venait de remporter le tournoi de golf American Express, en Espagne. Mike Weir, bien sûr, est un joueur de golf professionnel canadien. Tiger Woods avait mal joué et il a perdu. Il a été mis hors course. Lorsqu'il a quitté le terrain de golf, on l'a entendu dire qu'il devait y avoir quelque chose qui n'allait pas dans la conception du terrain. Cette réflexion résume bien la politique agricole internationale des États-Unis. Lorsqu'ils sont mis hors compétition par d'autres pays, ils invoquent une déficience quelconque des mécanismes en place.

Nous devons avoir des règles commerciales équitables. L'OMC a été saisie d'environ 103 différends durant ses quatre premières années d'existence. Les États-Unis étaient impliqués dans 78 différends, la Communauté européenne dans 63 différends et le Canada dans 13. Nous avons eu gain de cause plus souvent que nous n'avons perdu. Nous avons assurément intérêt à négocier des règles commerciales justes et équitables, mais il doit aussi exister des mécanismes de vérification efficaces et un moyen de régler les différends rapidement et efficacement. Je reviens encore une fois à l'exemple de l'industrie de la pomme de terre de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le Canada se conforme aux règles commerciales internationales auxquelles il a adhéré aux négociations du Cycle d'Uruguay. Certains pays reprochent au Canada d'être protectionniste, mais regardons certaines mesures qu'a prises le Canada depuis qu'il a signé l'entente du Cycle d'Uruguay. Le Canada ne compte que 21 des 1 370 contingents tarifaires à l'OMC. La Norvège en compte 245. Le Canada a offert un taux d'accès minimum du marché de 5 p. 100. Nous avons réalisé 85 p. 100 de nos contingents tarifaires, ce qui est supérieur de 30 p. 100 à la moyenne des pays de l'OMC. Le Canada se classe au deuxième rang des pays de l'OCDE pour ce qui est de la faiblesse de son tarif agricole. En fait, nous sommes l'un des quatre pays qui ont des tarifs agricoles moyens plus faibles que les tarifs industriels moyens.

Les tarifs agricoles au sein de l'OCDE sont, en moyenne, de 427 p. 100 plus élevés que les tarifs industriels. Les nôtres sont plus bas. Par l'accès minimum du marché, par sa tarification et par des réductions de ses dépenses dans la catégorie orange, le Canada s'est clairement conformé à l'esprit et aux règles de la dernière ronde de négociations.

Je crois que le Canada a fait preuve de leadership, mais il semble que cela ne soit pas toujours suffisant. Nous sommes impatients d'entamer la prochaine ronde de négociations de l'OMC, et nous espérons pouvoir atteindre certains des objectifs que nous avons fixés pour l'agriculture et l'agroalimentaire au Canada.

Je me trouvais récemment à Genève, où je me suis entretenu avec Mike Moore. Ce dernier doute encore qu'on réussisse à lancer la prochaine ronde en novembre. Nous croyons qu'il sera plus facile d'atteindre nos objectifs dans une ronde générale. Mike Moore a dit que si, d'ici la fin de juillet, nous doutons encore de la possibilité d'entamer la prochaine ronde en novembre, nous l'annulerons tout simplement. Il y aura toujours les rencontres ministérielles, mais elles ne seront pas considérées comme un lancement de la prochaine ronde de négociations, parce qu'on veut éviter de vivre le même échec qu'à Seattle.

Nous sommes assurément en faveur du lancement d'une ronde de négociations générale, et nous appuyons le Canada en ce qui concerne la négociation de règles commerciales justes et équitables à la prochaine ronde. L'un des objectifs que nous voudrions atteindre à cette étape est l'élimination complète des subventions à l'exportation. J'expliquerai plus tard le lien qui existe entre les subventions à l'exportation et les problèmes actuels en matière de revenu agricole. Les subventions à l'exportation demeurent les mesures qui entraînent les plus fortes distorsions des échanges commerciaux dans l'industrie agricole. En fait, ces subventions créent une barrière commerciale non tarifaire qui empêche nos produits d'entrer dans les autres pays.

À ce sujet, nous avons entendu dire à Genève que l'Union européenne est disposée à discuter des subventions à l'exportation, mais à la condition que nous acceptions de parler de la promotion des exportations et de l'aide alimentaire. Or, comme vous le savez, certains pays utilisent la promotion des exportations et l'aide alimentaire comme un paravent pour cacher les subventions à l'exportation. Cette pratique doit être abordée dans les négociations. C'est ce que nous voulons, et le gouvernement le veut aussi.

Le soutien intérieur est une autre question critique. Le ministre de l'Agriculture a souvent dit que le gouvernement canadien ne peut accorder à l'agriculture canadienne un soutien équivalent à celui qui est accordé dans d'autres pays, mais qu'il fera tout ce qu'il pourra au cours de la prochaine ronde de négociations pour obtenir que ces pays réduisent au moins leur soutien à un niveau qui soit davantage à notre portée.

La FCA et le gouvernement ont demandé l'imposition d'une limite globale aux dépenses intérieures. Les États-Unis sont favorables à l'imposition d'une limite aux dépenses de la catégorie orange, mais ils refusent d'imposer une limite aux dépenses de la catégorie verte. La raison est claire. Les Américains ne s'opposent pas à réduire les dépenses de la catégorie orange parce qu'ils peuvent de toute façon augmenter d'autant les dépenses de la catégorie verte, qui n'est assujettie à aucune limite. Nous souhaitons voir le plus grand nombre possible de programmes passer dans la catégorie verte, mais nous devons au préalable obtenir l'imposition d'une limite aux dépenses globales. Autrement, d'autres pays pourront continuer de dépenser plus que le Canada.

Conformément à la position de la FCA et de notre gouvernement, l'OMC semble disposée à discuter des dépenses de la catégorie verte et d'une redéfinition des programmes qui en font partie. Comme je le disais plus tôt, nous avons dû, dans notre recherche d'un programme adéquat de soutien du revenu en cas de désastre, tenir compte des limites imposées par l'OMC. Le Canada et d'autres pays commencent à se rendre compte que l'aide financière directe accordée aux agriculteurs américains, qui est considérée comme entièrement verte par l'OMC, crée probablement une distorsion commerciale plus poussée que de nombreux programmes de la catégorie orange. Il suffit de rappeler l'exemple du soutien de 130 $ l'hectare, qui est considéré comme une mesure verte, mais qui, selon nous, crée une distorsion commerciale considérable et nuisible pour nos producteurs.

Nous insistons également, avec l'appui du gouvernement, pour que la réduction de l'aide intérieure s'applique à partir des niveaux convenus à la dernière ronde de négociations. Certains pays voudraient que ces réductions s'appliquent à partir des niveaux courants.

Dans ce cas, les 9 p. 100 de la valeur de la production à la ferme que nous payons pour l'agriculture au Canada devraient diminuer. Le taux, aux États-Unis, est actuellement de 29 p. 100, mais il devrait diminuer. Nous espérons donc obtenir l'imposition d'une limite aux dépenses des catégories vertes et oranges. Les pays qui accordent une aide financière élevée devraient agir plus rapidement que ceux qui dépensent beaucoup moins. Il semble qu'il y ait une volonté de discuter de cette question ainsi que de la redéfinition des programmes de la catégorie verte. En fait, le secrétaire du groupe de négociation agricole a déclaré que certains pays voudraient que les discussions, à la fin de mars, concernant les programmes de la catégorie verte figurent en tête de liste de l'ordre du jour, immédiatement après la question des prises de stock.

Nous demandons également la continuation de la clause de paix. Cette clause, qui a été adoptée au Cycle d'Uruguay, permet aux pays de mettre en place des programmes verts sans qu'ils puissent faire l'objet de droits compensateurs. Nous continuons de défendre cette clause dans le cadre d'une redéfinition de la catégorie verte.

Je voudrais maintenant parler de l'accès au marché, qui constitue un autre important pilier de notre politique commerciale. Nous pouvons être fiers, parce que le Canada a fait figure de pionnier dans ce dossier. La FCA s'est assurée, dans l'élaboration de son énoncé de politique commerciale, que non seulement le gouvernement continuera de soutenir et d'assurer des mécanismes de commercialisation ordonnée, mais que nous améliorions notre accès au marché dans d'autres pays.

Selon les chiffres que j'ai cités plus haut, outre l'accès au marché que le Canada a offert et nos faibles tarifs agricoles moyens, nous pouvons agir sans crainte et sans avoir à nous excuser.

Nous sommes en faveur de la tenue de négociations portant sur l'élimination complète des tarifs applicables aux produits concernés. Nous encourageons également tous les pays à abolir complètement les tarifs dans le cadre des contingents tarifaires. Nous soutenons également la désagrégation de l'accès au marché. Après la dernière ronde, nous croyions que le reste du monde obtiendrait l'accès au marché européen pour 750 000 tonnes de porc. Les Européens ont accordé tout l'accès minimum à leur marché à des produits de viande dont l'importation ne les préoccupait pas. Au lieu de 750 000 tonnes, nous avons obtenu seulement 75 000 tonnes. La clause d'accès minimum au marché devrait s'appliquer à chaque produit, de façon à ce qu'il y ait un véritable accès au marché.

L'escalade des tarifs devrait être éliminée. Autrement dit, le canola et l'huile de canola devraient bénéficier des mêmes conditions d'accès au marché dans tous les pays. À l'heure actuelle, un pays peut fermer partiellement sa frontière à l'huile de canola en imposant des tarifs élevés, tout en permettant par ailleurs l'accès au canola. Il devrait y avoir égalité d'accès pour les produits et leurs produits dérivés.

Il faudrait réduire au maximum les tarifs uniques, ces tarifs qui ne protègent pas un contingent tarifaire, comme c'est le cas de la gestion de l'offre. Il y a quelques mois seulement, le Canada a énoncé une position intéressante dans le document sur l'accès au marché qu'il a présenté à l'OMC. Le document propose que les pays aient le choix entre abaisser sensiblement leurs tarifs, de façon que les produits puissent accéder au marché de toute façon, ou conserver les tarifs au niveau voulu mais garantir au moins un accès minimum au marché. L'une et l'autre de ces mesures auraient évidemment pour effet d'accroître l'accès au marché partout dans le monde.

Ce sont là quelques éléments importants de notre énoncé de politique commerciale. Je crois qu'ils sont reliés très étroitement à la situation actuelle de l'agriculture canadienne. Les tarifs, le soutien du revenu agricole et l'accès au marché sont indispensables si nous voulons assurer à nos agriculteurs les moyens d'être efficaces et de tirer leur revenu du marché.

Le président: Vous disiez que le seul coût des fertilisants et du combustible est estimé à plus d'un milliard de dollars, ce qui annulerait l'effet de toute l'aide que le gouvernement a pu accorder jusqu'à maintenant. Les simples agriculteurs disent qu'ils n'ont plus les moyens d'acheter autant de fertilisants qu'avant et qu'ils doivent par conséquent réduire les quantités. Certains agriculteurs disent que là où ils utilisaient auparavant 150 livres de fertilisant, ils n'en mettront plus que 50 livres.

Si les agriculteurs n'obtiennent que la moitié d'une récolte parce qu'ils n'ont pas les moyens de supporter le coût des intrants, combien le gouvernement va-t-il perdre? Les pertes seront considérables.

De nombreux agriculteurs disent qu'ils vont ensemencer, acheter de l'assurance-récolte, et prendre ce qu'ils pourront, parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer pour les intrants nécessaires pour obtenir les récoltes qu'ils voudraient.

M. Friesen: Je vous répondrai brièvement qu'on ne peut pas faire de l'argent avec l'assurance-récolte. Je ne crois pas que quelqu'un qui s'en remettrait à l'assurance-récolte continuerait de pratiquer l'agriculture bien longtemps. Deuxièmement, compte tenu des marges de référence extrêmement faibles dans le secteur des grains et des oléagineux, les agricultures ne seraient pas indemnisés suffisamment par le programme de soutien du revenu en cas de désastre.

Bien que le compte total du CSRN avoisine les 3 milliards de dollars, les agricultures qui produisent les produits les plus à risque n'ont rien ou à peu près rien dans le compte. L'indemnisation, dans leur cas, serait totalement insuffisante, à moins d'obtenir une aide financière supplémentaire. Nous sommes reconnaissants au gouvernement d'avoir accru le montant des paiements anticipés du printemps. Je vous rappelle cependant qu'il s'agit de prêts. Bien qu'il s'agisse d'un important moyen d'aide financière pour les agriculteurs, seuls peuvent en bénéficier ceux qui sont en mesure de l'utiliser. Les paiements anticipés du printemps peuvent aider les agriculteurs qui sont déjà en difficulté, mais ils devront se remettre en selle au printemps. Je vous rappelle également que même si ces paiement sont dits «sans intérêt», l'argent qui sert à pays l'intérêt provient des programmes de sécurité du revenu. L'argent doit donc être puisé dans un autre programme.

Le président: Les Américains réagissent très rapidement. Je crois savoir que des pressions ont été exercées en ce qui concerne le blé dur, comme vous le savez, et que le marché est saturé de ce produit. Ils exercent des pressions en faveur du blé de force roux de printemps. Je crois savoir que les Américains ont déjà retiré la subvention qui était accordée au blé durum pour l'appliquer au blé de force. Savez-vous si c'est le cas?

M. Friesen: Je l'ignore.

Le président: Un camionneur qui transporte du canola depuis notre ferme jusqu'aux États-Unis me disait que les Américains ont déjà pris des dispositions.

Les Américains, qui négocient très serré, font jouer très rapidement leurs programmes de soutien agricole. Il m'a dit qu'il croyait que les États du Dakota du Nord et du Dakota du Sud seraient ensemencés à la grandeur de blé de force roux du printemps, afin d'en tirer le maximum.

M. Friesen: Les Américains réagissent rapidement. Vous avez raison, les paiements directs, au lieu d'être sans effet de distorsion, assurent aux producteurs une marge de manoeuvre considérable qui leur permet de modifier leurs pratiques de production. Le programme vert n'est pas censé affecter la production, mais il assure aux producteurs une marge de manoeuvre importante.

La dernière fois que les États-Unis ont accru leurs paiements directs de 8 milliards de dollars, en plus des 4,5 milliards de dollars déjà versés, j'ai trouvé sur mon bureau, deux semaines plus tard, un document qui indiquait que 95 p. 100 des fonds avaient déjà été octroyés.

Le sénateur Fairbairn: Monsieur Friesen, je suis heureux que vous nous ayez parlé de ces choses aujourd'hui. Certaines de vos observations concernant le commerce seront particulièrement utiles. Si je pouvais rester, je vous poserais des questions. Quoi qu'il en soit, je consulterai le compte rendu de la séance et je contacterai Mme Higginson ou vous-même.

M. Friesen: Je dois m'excuser, même si les choses se sont faites un peu à la dernière minute, du fait que nous n'ayons pas de trousse de documentation à vous fournir. Nous sommes cependant en train d'en préparer une, dans les deux langues officielles, et nous vous la ferons parvenir. Vous y trouverez la majeure partie de mon exposé, et plus encore.

Le sénateur LeBreton: Vous disiez, durant votre déposition convaincante et exhaustive, que les oléagineux et les grains produits aux États-Unis bénéficient d'une garantie de prix minimum à l'hectare.

Dans quelle mesure la faiblesse historique du dollar canadien par rapport à la devise américaine a-t-elle servi la compétitivité des agriculteurs et dans quelle mesure a-t-elle influé sur le revenu agricole global? Je crois vous avoir entendu dire que les États-Unis accordent une aide de 130 $ l'hectare. C'est un montant appréciable, en dollars actuels.

Quatre-vingt dix pour cent de la population canadienne vit à moins de 100 mille de la frontière américaine. Avez-vous pu évaluer les effets de la faiblesse du dollar canadien sur les revenus des agriculteurs?

M. Friesen: Je ne puis vous parler que de ma propre expérience. Notre ferme tire 75 p. 100 de ses revenus de l'exportation de porc. Le prix du porc monte chaque fois que notre dollar perd de la valeur. Un dollar plus faible est avantageux pour l'industrie canadienne du porc, du point de vue de la commercialisation.

Une industrie qui produirait des produits nécessitant des intrants achetés aux États-Unis serait doublement pénalisée. Elle pourrait retirer un certain avantage de l'exportation de ce produit, mais elle serait considérablement désavantagée compte tenu que les intrants représentent une part considérable de la marge bénéficiaire brute des agriculteurs.

Le sénateur LeBreton: Vous faites référence à des choses comme les machines et les fertilisants, mais pouvons-nous acheter la majeure partie de nos fertilisants au Canada?

M. Friesen: Une grande partie des fertilisants est fabriquée au Canada. Il y a une importante compagnie de fertilisants installée juste à côté de chez moi.

[Français]

Le sénateur Gill: Nous savons tous que dans plusieurs domaines, nous sommes presque toujours en compétition avec les Américains. Quand le Canada apporte de l'aide dans un domaine, les Américains en apportent toujours un peu plus. Pouvez-vous nous dire si le Trésor canadien est capable de compétitionner avec le Trésor américain dans le domaine de l'agriculture?

Dans votre exposé, vous avez apporté plusieurs solutions visant à réduire ou à faire disparaître les subventions de part et d'autre. Pour arriver à combler le fossé qui existe actuellement entre l'aide américaine et l'aide canadienne, cela prendrait plusieurs milliards de dollars au Canada. Le problème, c'est la capacité qu'a le Canada de faire comme les Américains. J'imagine qu'il y en a beaucoup ici qui se posent cette question. Jusqu'où pouvons-nous aller? Quelle est la capacité du Canada à compétitionner avec les Américains?

[Traduction]

M. Friesen: Nous devrions payer un montant considérable l'acre à la grandeur du Canada si nous voulions une équité complète. Aux États-Unis, les paiements directs effectués sur une période de sept ans ont augmenté un peu, ont atteint un sommet puis sont redescendus. Ils ont atteint une valeur maximale de 6 milliards de dollars environ. Le gouvernement américain a doublé ces paiements chaque année au cours des trois dernières années. Si nous envisagions de payer 130 $ l'acre au Canada, il faudrait fonder, dans une certaine mesure, sur le rendement. Les États-Unis choisissent une période de référence, je crois que c'est 1994, en fonction de laquelle sont calculés la production agricole et, dans une certaine mesure, le rendement. Les agriculteurs obtiennent une aide financière fondée sur l'année de référence, pour les sept années suivantes.

Imaginez la stabilité dont nos agriculteurs auraient bénéficié s'ils avaient su, en 1995, qu'ils obtiendraient des chèques au cours des sept années suivantes. Mais cela n'est pas suffisant pour créer la viabilité. Il s'agit d'un filet de sécurité, et non pas d'un outil, qui assure néanmoins une stabilité. On a entendu dire qu'il nous faudrait dépenser jusqu'à 20 milliards de dollars pour équivaloir cette forme d'aide.

Nous avons laissé ces calculs au gouvernement. Vous vous souviendrez que, dans son mini-budget de l'automne dernier, le ministre des Finances avait indiqué que le gouvernement était bien conscient des niveaux élevés de subventions que les États-Unis accordent à leur agriculture et qu'il entendait continuer d'observer la situation. Nous avons répondu que l'heure n'est plus à l'observation. Quoi qu'il en soit, le gouvernement a les ressources nécessaires pour calculer de façon très précise ce qu'il faudrait. On nous a dit à maintes reprises que le Canada n'avait pas les moyens d'accorder ce genre d'aide, mais nous n'acceptons pas cet argument.

Selon nos estimations, les agriculteurs ont contribué pour au moins 14 milliards de dollars à la réduction du déficit depuis 1992. Nous croyons que le moment est venu d'accorder à l'agriculture la juste rétribution de ses efforts. Je m'empresse d'ajouter que l'économie canadienne bénéficierait d'investissements supplémentaires dans l'agriculture.

Nous estimons qu'une aide de 1,5 milliard de dollars constituerait une étape importante. Ce n'est pas aussi élevé que ce que certains agriculteurs ont réclamé, mais ce montant nous paraît justifiable et certainement très abordable, et il aiderait beaucoup les agriculteurs. Les 500 millions de dollars déjà accordés constituent un premier pas important vers la réalisation de cet objectif, mais le second pas doit être franchi très rapidement.

Je crois que les États-Unis n'ont nullement l'intention de réduire sensiblement l'aide à l'agriculture. Leur programme actuel ne prend fin qu'en 2002. J'ai lu un article qui indique que les organisations agricoles sont bien conscientes que le moment est venu de soumettre leur liste de demandes à Washington, qui affiche un excédent budgétaire de 1 000 milliards de dollars. Je crois que leur liste sera passablement longue. Les Américains ne peuvent se permettre d'éliminer leur programme actuel du jour au lendemain.

Dans une certaine mesure, ces subventions ont été capitalisées dans le prix de la terre. Il y a deux façons de vendre de la terre aux États-Unis. Vous pouvez vendre votre terre au prix le plus élevé, auquel cas l'acheteur reçoit le chèque, ou vous pouvez la vendre à un prix moins élevé et c'est vous qui touchez le chèque, même si vous ne pratiquez plus l'agriculture. Encore une fois, cela n'a rien à voir avec le fait qu'un agriculteur plante ou non une culture. Il touchera son chèque chaque année, de toute façon.

Le sénateur Stratton: Monsieur Friesen, vous nous avez cité des statistiques étonnantes, stupéfiantes. Nous savons que nous avons besoin de mesures bouche-trous à court terme, en attendant les mesures à long terme. Ma plus grande crainte, bien sûr, est de savoir combien de temps il faudra pour réaliser les mesures à long terme, et si les États-Unis et les pays européens réduiront leurs exportations.

Les États-Unis feront tout ce qu'il faut pour assurer le succès de leurs producteurs de pommes de terre, par exemple. L'interdiction qui frappe l'importation des pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard en est la preuve.

Si nous augmentions nos subventions, dont les agriculteurs ont désespérément besoin, ne faudrait-il pas s'attendre à ce que les Américains élèvent des barrières? Croyez-vous que cela fait partie du problème auquel fait face le gouvernement canadien?

Nous cherchons une solution à ce problème. Je ne comprends pas comment les chiffres ont pu laisser le ministre de l'Agriculture aussi optimiste. Pourquoi ce montant a-t-il changé de façon aussi marquée? Cette situation pose-t-elle un problème au Canada? Si nous augmentons les subventions, les États-Unis vont créer un mur artificiel, en faisant valoir que nos agriculteurs bénéficient d'une aide injustifiée. Croyez-vous que ce point de vue soit justifié ou s'agit-il d'un non-sens?

M. Friesen: Premièrement, en ce qui concerne l'Union européenne, il est difficile de savoir ce que feront les Européens. Les leaders du secteur agricole en Europe nous ont dit que le montant de l'aide accordée au secteur agricole avait été soumise à une limite. Par ailleurs, ils espèrent que d'autres pays se joindront à l'Union européenne. La Pologne, par exemple, compte plus de fermes laitières que n'importe quel autre pays de la communauté européenne. Ce pays compte entre 1,5 et 2 vaches par agriculteur. Si les Européens veulent les jeter aux loups sur le marché international, ils devront accorder une aide considérable aux agriculteurs polonais. Les modalités de limitation de l'aide ne sont pas claires. Je ne crois pas que nous ayons de l'information à ce sujet.

Mme Jennifer Higginson, analyste des politiques de commerce, Fédération canadienne de l'agriculture: Je ne crois pas qu'ils le sachent encore.

M. Friesen: L'exemple de l'Île-du-Prince-Édouard, que vous citiez, est excellent. Nous avons dit au ministre que, selon nous, les programmes de soutien du revenu n'assurent pas une protection adéquate lorsqu'un autre pays contrevient de façon flagrante à un accord commercial que notre gouvernement a signé.

Je n'ai pas de reproches à faire au gouvernement et à ses fonctionnaires parce qu'ils tentent de résoudre cette situation. Ils y ont travaillé inlassablement jusqu'après Noël, mais en vain. Les États-Unis ont tout simplement refusé de coopérer. Cette situation échappe, de toute évidence, aux programmes de soutien de revenu.

Vous parliez d'accroître nos dépenses et de la réaction possible des Américains. Les États-Unis et le Canada respectent les limites de dépenses dans la catégorie orange. Bien entendu, les programmes de cette catégorie peuvent, de toute façon, faire l'objet de droits compensateurs. Si nous augmentons nos dépenses dans la catégorie verte, et les Américains n'ont aucun scrupule à violer une entente, il nous restera peu de marge de manoeuvre, parce que nous dépendons beaucoup plus des Américains qu'eux ne dépendent de nous. Cela fait partie du problème, comme l'était le cas de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous avions de nombreuses raisons de riposter, parce que nous importons actuellement des États-Unis des pommes de terre qui sont une source d'inquiétude en raison des maladies qui courent chez notre voisin du Sud. À l'époque, notre gouvernement s'est fait dire, je crois que c'était par Glickman et plus tard par Venamen, que si nous prenions des mesures les Américains nous fermeraient leurs frontières d'un océan à l'autre. Que pouvons-nous faire? Nous dépendons des Américains plus qu'ils ne dépendent de nous.

Votre argument est excellent, sénateur. Si nous accordions à nos producteurs une aide égale à celle dont bénéficient les producteurs américains, comment les États-Unis réagiraient-ils?

Le sénateur Stratton: Le même problème se pose dans le cas de l'accord sur le bois d'oeuvre, qui arrive à expiration dimanche.

De nombreux agriculteurs en sont presque à la dernière extrémité, surtout cette année. Durant les années 80, le gouvernement avait créé le Programme canadien de réorientation des agriculteurs, à l'intention des agriculteurs qui voulaient renoncer à l'agriculture. La situation actuelle pose un problème à long terme, que nous ne pourrons pas résoudre avant 15 ou 20 ans au plus tôt. Ne faudrait-il pas offrir une porte de sortie aux agriculteurs qui veulent abandonner l'agriculture? L'agriculture est tout ce qu'ils connaissent. Ne devrions-nous pas leur offrir une aide pour leur permettre de se recycler et de s'orienter vers un autre secteur d'activité? Le gouvernement devrait-il envisager des mesures semblables?

M. Friesen: Je voudrais ajouter quelque chose à ce que vous disiez précédemment. Pourquoi le ministre Vanclief n'a-t-il pas réussi à obtenir 900 millions de dollars? J'ai dit publiquement, et je crois que c'est vrai, que je pense que le gouvernement est prêt à laisser tomber une partie du secteur agricole.

Le sénateur Stratton: J'y venais justement.

M. Friesen: Nous avons déjà discuté, il y a quelque temps, de la possibilité d'offrir un programme de transition ou un programme de sortie aux agriculteurs. Notre organisation a pour mandat de veiller à ce que les agriculteurs puissent pratiquer l'agriculture dans un environnement stable. Nous l'avons dit au ministre: «Si vous lancez la discussion, nous répondrons, parce que nous avons quelques idées à ce sujet.» Si le gouvernement nous faisait savoir qu'il est disposé à laisser tomber 25 p. 100 des agriculteurs, et qu'il nous demandait de soumettre nos idées sur la question, cela pourrait lancer la discussion. Je crois que certaines provinces se sont déjà engagées dans cette voie. Le ministre Serby, de la Saskatchewan, y a fait allusion.

Je crois que le groupe de travail, que le premier ministre va créer afin d'élaborer un plan de développement à long terme, examinera la possibilité d'offrir des programmes de sortie et de transition.

Je voulais également dire, quoique nous n'ayons pas de politique à ce sujet, que si des programmes de transition ou de sortie sont créés, le gouvernement devra éviter de donner l'impression qu'il traite les agriculteurs comme des citoyens de seconde catégorie. C'est très important. Il ne suffira pas de leur offrir un modeste montant et de considérer cela comme suffisant. Ce serait certainement une priorité.

Lorsque j'ai communiqué la dernière fois avec le directeur exécutif de l'organisation agricole de la Nouvelle-Zélande, il m'a parlé du programme offert par leur gouvernement. Si un agriculteur quitte une exploitation insolvable, il reçoit un montant qui vaut entre 6 et 12 mois de salaire. Je crois qu'on parle d'environ 45 ou 50 000 $. Il ne peut utiliser cet argent pour tenter de racheter l'exploitation. Il doit renoncer. Les créanciers ne peuvent non plus mettre leurs mains sur cet argent. Cela lui permet soit de se chercher un emploi soit de s'inscrire à l'université pour parfaire son éducation.

Le sénateur Stratton: Certains sénateurs des deux côtés sont vraiment inquiets de l'avenir du Canada rural. Cela est lié au problème qui se pose dans le secteur agricole dans une large mesure. Au fil des ans, nous avons vu se dégrader la qualité de la vie dans les régions rurales. Si vous tombez malade en ville, vous pouvez vous rendre à l'hôpital pour un traitement, même s'il y a un risque que vous le receviez dans le corridor. Toutefois, si vous tombez malade à la campagne, vous pourriez avoir de graves ennuis étant donné la grande distance que vous devez parcourir pour recevoir un traitement. Lorsque les membres de ce comité se penchent sur l'avenir de l'agriculture au Canada, croyez-vous qu'ils devraient examiner aussi tous les aspects de la vie rurale ou devraient-ils s'en tenir strictement à l'agriculture?

Je dois poser la question parce que les deux vont de pair. Je ne vois pas pourquoi nous devrions les distinguer. Nous devrions peut-être, du moins en partie, examiner ce qui se passe dans ces petits villages et ces petites localités disséminées à travers le pays. Je pense qu'ils sont dévastés.

M. Friesen: Je suis on ne peut plus d'accord avec vous. Chacune de ces composantes fait partie de l'équation. Il y a deux ou trois semaines, j'ai pris le petit déjeuner avec le maire de Souris au Manitoba. Souris, une ville de 1 800 habitants, dépend entièrement du succès de l'agriculture. Elle a perdu 13 entreprises l'année dernière. L'infrastructure rurale globale fait partie de l'ensemble et cela inclut les perspectives d'emploi et les entreprises des petites localités. Plus nous perdons d'infrastructures, plus cela coûte cher aux agriculteurs. Il y a 25 ans, mon père pouvait acheter une voiture ou un tracteur à Wawanesa. On y trouvait également plusieurs garages. Je dois maintenant parcourir 40 milles pour acheter une voiture ou de l'équipement agricole. Le dernier garage à Wawanesa vient tout juste de fermer ses portes la semaine dernière. Je dois maintenant parcourir 40 milles juste pour faire réparer ma voiture.

C'est un cercle vicieux. D'après les derniers chiffres que j'ai vus, 25 p. 100 du revenu familial global est tiré de travaux agricoles réels. Le reste est gagné à l'extérieur de l'exploitation. Il nous faut une infrastructure rurale afin de créer des emplois pour les gens de la localité et de continuer à consolider les revenus des agriculteurs. Un très grand nombre d'exploitants agricoles ont un autre emploi dans ma collectivité.

Le président: La grande erreur c'est que, alors que l'agriculture engendre pour une valeur de 14 milliards de dollars d'excédent pour le gouvernement, nous ne rendons pas assez à l'ensemble du secteur agricole. Un quart de section de terrain se vend 100 000 $US à Crosby, au Dakota du Nord. Les ventes ce printemps directement de l'autre côté de la frontière au Canada ont rapporté 35 000 $US. Nous disons au monde ce que nous valons, vraiment, en négligeant l'agriculture. Il n'est pas logique de perdre 14 milliards de dollars pour épargner quelques millions.

Le Canada devra reconnaître que nous vivons en 2001 dans une économie mondiale, que nous sommes au sein d'une économie mondiale et que les choses évoluent. Allons-nous poser le bon geste maintenant ou non? Beaucoup de jeunes agriculteurs ont déjà quitté les exploitations agricoles. Je crois que 82 p. 100 des agriculteurs de la Saskatchewan ont un emploi à l'extérieur. Nous sommes déjà en transition. Ce qu'il faut se demander c'est quelle mesure le gouvernement prendra à cet égard?

Le sénateur Hubley: Ma question porte sur le programme de soutien du revenu dont vous avez parlé brièvement au début de votre exposé. Vous avez dit que le PCRA ne comporte pas certains des éléments les plus importants de l'ACRA.

Quelles seraient, selon vous, les faiblesses du programme, à part l'évidence -- à laquelle nous nous sommes butés -- à savoir qu'il ne tient pas compte des questions liées au commerce?

M. Friesen: Le plus grand problème c'est la marge de référence. Le programme de soutien du revenu en cas de catastrophe vous couvre jusqu'à concurrence de 70 p. 100 de votre marge de référence de trois ans ou de votre marge olympique, c'est-à-dire, qu'il élimine l'année la plus élevée et l'année la plus basse et qu'il établit la moyenne des trois autres années.

Soixante-dix pour cent d'une marge de référence très basse, cela ne fait pas beaucoup. De plus, comme c'était le cas pour le programme ACRA, si vous aviez droit à un chèque dans le cadre du programme de soutien du revenu en cas de catastrophe, le gouvernement en défalquait 3 p. 100 de vos VNA, c'est-à-dire de votre compte du CSRN. L'argument était que si un agriculteur contribue à son compte du CSRN, le gouvernement verse ce 3 p. 100. Le gouvernement disait: «Si nous vous donnons le chèque de soutien du revenu en cas de catastrophe, quelque part nous vous payons le double.» Par conséquent, la contribution gouvernementale à son compte du CSRN est retranchée du chèque que l'agriculteur touche dans le cadre du programme de soutien du revenu en cas de catastrophe.

Pour les céréaliculteurs, 3 p. 100 de leur VNA représentent beaucoup d'argent, plus que pour les producteurs de porc. Le calcul en ce qui a trait au CSRN est le suivant: vos recettes brutes moins vos achats de marchandise. Les céréaliculteurs achètent fondamentalement de la semence. En tant que producteur de porc, j'achète des porcelets sevrés et des aliments pour animaux. C'est un achat de marchandise important comparativement à ce que j'obtiens pour mon animal. Comme les VNA d'un céréaliculteur sont beaucoup plus élevées, 3 p. 100 correspondent à beaucoup d'argent. Pour un grand nombre d'agriculteurs il ne restait rien du chèque de soutien du revenu en cas de catastrophe. Lorsqu'ils le défalquaient de l'ACRA pour l'ajouter au PCRA, ils perdaient la couverture des marges négatives. Je pense que je vous ai déjà expliqué ce dont il s'agissait.

Les facteurs qui font en sorte que vous passez de 100 p. 100 à 25 p. 100 de votre marge de référence, par exemple, sont exactement les mêmes qui vous amènent en bas de zéro.

Nous n'avons jamais trouvé logique qu'ils compensent les agriculteurs jusqu'à zéro et que tout à coup, lorsque les marges sont négatives, ils cessent de compenser.

Le calcul de la marge brute en ce qui a trait au soutien du revenu en cas de catastrophe correspond aux recettes brutes dont sont défalqués les coûts des intrants directs. Les coûts des intrants directs sont exactement cela. Nous avons éliminé de ce calcul tous les facteurs qui pourraient être attribués à une mauvaise gestion. Si un agriculteur achète une moissonneuse-batteuse qui est trop coûteuse ou trop grosse pour cette exploitation ou qui en a peut-être acheté une nouvelle alors que l'ancienne fonctionne toujours, cela n'est pas compensé dans le programme de soutien du revenu en cas de catastrophe. Il n'est absolument pas tenu compte du service de la dette dans le calcul. Les coûts des intrants qui sont inclus dans le calcul sont ceux des engrais, de l'électricité, de l'assurance et de la main-d'oeuvre. Une fois de plus, il s'agit de coûts sur lesquels les agriculteurs n'ont aucune emprise. Nous avions insisté sur le fait que les marges négatives devraient être couvertes, mais nous avons perdu cela dans le PCRA.

Nous avons également perdu en ce qui a trait à la façon dont nous calculons l'inventaire. Nous avons apporté, de concert avec le ministre, de très bons changements à l'ACRA 1999, certains d'entre eux rétroactifs à 1998. Parce que les provinces n'ont pas collaboré, le ministre a finalement dit qu'il irait de l'avant et verserait à lui seul 60 cents au dollar. Les marges négatives ont été un autre facteur. Cela a ajouté 170 autres millions dans les poches des agriculteurs. Il a aussi apporté un changement qui permettait aux agriculteurs de choisir la façon de calculer leur inventaire. Je ne sais pas trop dans quelle mesure vous voulez que j'entre dans les détails.

Le sénateur Hubley: Pas trop.

M. Friesen: Rapidement alors. Si vous avez 1000 boisseaux de blé dans votre compartiment de stockage le 1er janvier et cette même quantité le 31 décembre, votre inventaire n'est calculé que sur un seul prix, le prix le 31 décembre. Il importe peu que le prix de ce blé était de 10 $ le boisseau au début de l'année et d'un dollar le boisseau à la fin de l'année, ils utilisent 1 $ le boisseau. L'agriculteur n'est pas compensé pour sa lourde perte de valeur d'inventaire. Il s'agit de deux des facteurs principaux.

Nous espérons pouvoir éviter un autre problème de taille. Ils ont en fait l'intention de renforcer le lien qui existe à l'heure actuelle entre le CSRN et le programme de soutien du revenu en cas de catastrophe. Cela dépend de ce qui ressortira de l'examen du CSRN. À la réunion fédérale-provinciale de juillet dernier, les ministres ont décidé que s'ils ne pouvaient en venir à un consensus sur un lien approprié, il y aurait un lien par défaut, ce qui nous fait très peur. Cela risque de transformer un programme à 72 p. 100 par un programme à 42 p. 100. Nous devrons nous défendre bec et ongles pour éviter que cela se produise. Ils ne parlent pas beaucoup de cela. Nous aimons penser que, parfois, nous exerçons suffisamment de pression sur eux pour qu'ils changent d'avis et nous espérons y parvenir cette fois-ci.

Le président: Honorables sénateurs, nous devons libérer la salle pour 11 heures. Nous avons un autre témoin à entendre. Je serais heureux que nous terminions la période de questions dans les cinq prochaines minutes ou à peu près.

Le sénateur Tunney: Monsieur Friesen, je vous félicite de votre élection à votre poste et à coup sûr de votre exposé de ce matin. C'était excellent. C'est probablement aussi bon que ce qu'auraient fait les présidents qui vous ont précédé. Nous avons de la chance d'avoir des gens de votre compétence à la tête d'une organisation agricole nationale.

J'ai exploité une ferme laitière toute ma vie. Je ne serais pas ici autrement; je serais chez moi et je me sais aux prises avec une montagne de dettes, comme c'est le cas pour beaucoup de mes voisins. Je ne siège au Sénat que depuis trois semaines et même si ce que j'entends ici n'est pas nouveau pour moi, c'est très décourageant.

Il n'a pas été question ce matin de ma principale préoccupation. Je veux parler des conséquences sociales de l'état actuel de l'agriculture. Elle mène à l'éclatement de la famille, à des suicides, à des menaces de rachat des exportations agricoles. Les agriculteurs ne savent pas quoi faire à cet égard. Ils se sentent comme des victimes du gouvernement et ils le sont dans une certaine mesure. Ils sont les victimes des gouvernements étrangers dans une plus large mesure. Certains de ceux que nous croyons être nos amis ne le sont pas.

J'attire votre attention sur un article publié dans l'édition de dimanche, il y a une semaine, du Ottawa Citizen et dans lequel George Brinkman, un professeur permanent d'économie agricole à l'Université de Guelph, recommande à notre gouvernement de mettre fin immédiatement à toutes les subventions et programmes de soutien et d'abolir la Commission canadienne du blé, la Fédération canadienne de l'agriculture et toute autre organisation qui pourrait aider les agriculteurs.

George Brinkman est un américain. Il est diplômé de l'Université d'Indiana. Il est vraiment la personne la plus à droite que j'ai jamais rencontrée. Je me bats contre lui depuis le début ou le milieu des années 80. Il ne veut pas que les agriculteurs dépendent de personne ou de rien d'autre qu'eux-mêmes et que seuls peut-être les plus forts survivent. Nous avons des menaces de ce genre.

Nous sommes aux prises avec un problème que n'ont pas les autres intervenants dans notre industrie: nous ne pouvons fixer d'aucune façon le prix de nos produits. L'industrie du transport, l'industrie de la transformation, l'industrie de la distribution et l'industrie du commerce de détail décident de quelle quantité de notre produit ils ont besoin à un certain prix pour faire leurs frais et réaliser un bénéfice. Avons-nous quelque chose du genre? Non, sauf en ce qui a trait à la gestion des approvisionnements? À moins que quelque chose du genre soit mis de l'avant pour les autres produits, nous serons aux prises avec ce problème.

Par exemple, en ce qui a trait au programme ACRA -- vous en avez peu parlé, mais je crois que c'est le cas -- nous avons gagné, de haute lutte, que la main-d'oeuvre familiale soit incluse dans les autres marges négatives que vous avez mentionnées. Je crois que nous avons cela maintenant. Je l'espère en tout cas.

À titre de directeur de l'office de mise en marché du lait j'ai rencontré à une réunion un agriculteur qui avait ajouté la production industrielle de céréales à son exploitation. Il m'a dit: «Peu m'importe, tant que j'atteins le point d'équilibre.» Eh bien, pourquoi un agriculteur se donne-t-il la peine de faire ce qu'il fait si ce n'est que pour entrer dans ses frais? Ce ne sont pas des gens cupides, mais ils méritent de gagner leur vie.

Merci beaucoup d'être venu. J'attendrai avec impatience un sommaire ou le texte au complet de votre exposé.

M. Friesen: Merci beaucoup de vos aimables observations du début. J'ai certes beaucoup de respect pour tous les présidents qui m'ont précédé à la FAC. Toutefois, un président n'est efficace que dans la mesure ou ses employés le sont. Pour cela, nous pouvons certes remercier aujourd'hui Mme Higginson.

Vous avez tout à fait raison. Les agriculteurs sont des preneurs de prix, sauf en gestion des approvisionnements. Soit dit en passant, cela m'amène à vous parler d'une situation difficile intéressante dans laquelle la Nouvelle-Zélande aimerait nous placer. À la dernière réunion, la Nouvelle-Zélande a insisté pour que nous fassions activement des pressions auprès de notre gouvernement pour qu'il abolisse toute forme de soutien agricole. Le marché ne paie pas nos agriculteurs. La Nouvelle-Zélande ne veut pas que le gouvernement aide les agriculteurs lorsque le marché ne paie pas pour la production des aliments et elle accuse la gestion des approvisionnements de taxer le consommateur. Si le marché ne paie pas l'agriculteur, si le gouvernement n'est pas censé payer l'agriculteur et si le consommateur n'est pas censé payer l'agriculteur, il faut alors se demander qui est censé payer l'agriculteur? Vous avez tout à fait raison. Les agriculteurs n'ont aucune emprise sur tous les facteurs qui ont créé cette situation désastreuse. Ce n'est pas une question de mauvaise gestion. Ce n'est pas une question du petit contre le géant. Je parle assez régulièrement à un collègue de l'Alberta qui exploite 11 000 acres et qui a beaucoup de difficulté à réussir. Je me suis entretenu récemment avec un agriculteur de la Saskatchewan qui exploite 3 000 acres. Il a éclaté en sanglots au téléphone parce, que sur une base unitaire, il ne peut joindre les deux bouts.

Le sénateur Oliver: S'agit-il d'exploitations agricoles mixtes?

M. Friesen: Il s'agit de céréaliculteurs.

Le président: Je vous remercie d'avoir comparu ce matin. L'échange fut excellent. Nous espérons vous accueillir de nouveau devant ce comité pour que vous nous suggériez des solutions à long terme.

Je remercie les sénateurs de leurs questions et de leur participation ce matin. Je remercie plus particulièrement les représentants de la Fédération canadienne de l'agriculture pour le travail qu'ils accomplissent. Une autre question: allez-vous à Québec?

M. Friesen: Avant de répondre à cette question, laissez-moi d'abord vous remercier de nous avoir donné du temps. La prochaine fois que vous m'inviterez, je me contenterai de rester assis et de répondre à vos questions. Je ne passerai pas autant de temps à parler. J'espère que vous aurez alors des questions pour les réponses que j'aurai alors à vous donner.

J'espère avoir réussi à insister suffisamment sur l'urgence d'obtenir les 400 millions de dollars de plus à tout le moins. Nous avons tenu une conférence de presse conjointe avec cinq des ministres provinciaux de l'agriculture à la réunion fédérale- provinciale à Québec. L'Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, l'Ontario et le Québec se sont déjà publiquement engagés à verser leur quote-part si le gouvernement fédéral débloque les 900 millions ou le milliard de dollars. Nous vous serions reconnaissants de toute l'aide que vous pouvez nous apporter à cet égard. Nous avons exhorté les ministres provinciaux de l'agriculture à enclencher le processus à leur niveau et ils l'ont fait. Nous espérons que les premiers ministres des provinces convoqueront une réunion avec le Premier ministre. S'il y a autre chose qu'il nous faut dire pour insister sur l'urgence de la situation, s'il vous plaît laissez-le moi savoir. De toute évidence, la situation est critique.

En ce qui concerne la ville de Québec. Vous voulez parler de l'ALEA. Mme Higginson a suivi la situation de très près. Nous essayons de déterminer si nous y avons un rôle à jouer. L'un de nos membres, l'UPA, participera au sommet populaire et à la partie qui est consacrée à l'agriculture. Ses représentants seront là. Si nous estimons avoir un rôle à jouer, nous serons également il va sans dire.

Le président: Je vous remercie de nouveau. Nous avons beaucoup appris. Nous vous savons gré d'avoir accepté de comparaître à court préavis étant donné l'urgence de la situation à laquelle vous faites face.

Honorables sénateurs, nous allons maintenant poursuivre nos travaux à huis clos.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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