37-1
37e législature,
1re session
(29 janvier 2001 - 16 septembre 2002)
Choisissez une session différente
Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 9 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 31 mai 2001 Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit ce jour à 8 h 30 pour examiner le commerce international des produits agricoles et agroalimentaires et les mesures à court et à long termes pour la santé du secteur agricole et agroalimentaire dans toutes les régions du Canada. Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil. [Texte] Le président: Sénateurs, nous accueillons ce matin des représentants de l'Association des municipalités du Manitoba, soit Wayne Motheral, président, et Joe Masi, directeur de la Recherche et des politiques, ainsi que des représentants de l'Association des municipalités rurales de la Saskatchewan, soit Sinclair Harrison, président, et Arita Paul, directrice des Services agricoles. Vous avez la parole, monsieur Motheral. M. Wayne Motheral, président, Association des municipalités du Manitoba: Monsieur le président, je suis très heureux de comparaître pour la première fois devant votre comité. Je souhaite faire un exposé de 10 ou 15 minutes, après quoi nous pourrons répondre à vos questions. Au nom de l'Association des municipalités du Manitoba, je suis heureux de comparaître devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts pour parler de l'incidence de la crise agricole sur les collectivités rurales du Manitoba. L'Association des municipalités du Manitoba a vu le jour le 1er janvier 1999 suite à la fusion de l'ancienne Union des municipalités du Manitoba et de l'Association manitobaine des municipalités urbaines. L'Association représente aujourd'hui toutes les municipalités du Manitoba, au nombre de 201, ce qui leur permet de présenter un front uni devant le gouvernement. Nous pensons que la crise de l'agriculture et des communautés rurales est assez grave pour justifier une intervention immédiate et drastique du gouvernement fédéral de façon à enrayer la vague de faillites et le sentiment de désespoir qui ravagent nos collectivités. C'est peut-être la dernière chance qui nous est offerte de sauvegarder nos communautés rurales et le mode de vie rural qui a contribué à bâtir notre grand pays. Nous savons que votre comité est sensible à l'incidence de la crise qui frappe l'agriculture et les collectivités rurales au Manitoba et dans le reste du pays. Notre association a fait sa part pour sensibiliser le gouvernement fédéral au problème, notamment en adressant récemment une lettre au premier ministre et en participant à des rencontres avec des députés de tous les partis du Manitoba. En outre, nous avons récemment témoigné devant le Comité permanent de l'agriculture du Manitoba au sujet d'une résolution adoptée par tous les partis pour attirer l'attention des législateurs sur l'incidence de la crise de l'agriculture. Je tiens à commencer en disant que le Canada rural est à l'origine d'une bonne partie de la prospérité du Canada. Les collectivités rurales sont une grande source d'énergie et de dynamisme. Notre tâche, comme dirigeants communautaires et politiques, consiste à exploiter cette énergie et ce dynamisme pour rebâtir notre économie rurale et nos collectivités, afin de leur rendre la place qui leur revient comme partenaires forts et égaux au sein de la nation canadienne. Toutefois, nous aurons besoin d'aide pour ce faire, et nous espérons que notre témoignage de ce matin contribuera à la recherche de solutions constructives à la crise grave que connaissent l'agriculture et les collectivités rurales de notre province et de notre nation. J'aimerais maintenant vous parler de la résolution qu'ont adoptée tous les partis politiques de l'Assemblée législative du Manitoba au sujet de la crise de l'agriculture. Comme vous le savez, la crise financière de ce secteur exerce une incidence profonde sur les producteurs et les collectivités rurales. Au Manitoba comme dans le reste du pays, les agriculteurs doivent lutter face à un niveau toujours très bas du prix des denrées, alors que le prix de leurs intrants, comme les engrais, le carburant et les produits chimiques, continue d'augmenter. Bon nombre d'agriculteurs n'auront pas les moyens pour ensemencer leurs champs ce printemps, ce qui aura un effet profond non seulement sur eux et leurs familles mais aussi sur leurs communautés et sur l'économie rurale dans son ensemble. Bien que notre association ne soit pas un groupe de pression pour l'agriculture, les municipalités qui la composent sont gravement touchées par la dépression continue de l'économie agricole. En mars de cette année, nous avons fait une tournée de deux semaines dans les collectivités rurales et urbaines de la province et nous avons rencontré des représentants locaux qui ont été unanimes dans leur évaluation de la gravité du problème. D'ailleurs, nous ont-ils dit, on ne peut plus parler de crise agricole seulement, c'est maintenant une crise communautaire qui menace le tissu social du Canada rural. Les agriculteurs sont chassés de leurs terres, des élévateurs de céréales ferment leurs portes, des entreprises locales sont en difficulté, des écoles disparaissent et des municipalités perdent leur assiette fiscale. Notre association ne cesse de communiquer ce message aux élus fédéraux et provinciaux depuis un an. À titre de porte-parole de toutes les 201 municipalités du Manitoba, elle a récemment adressé une lettre au premier ministre pour recommander certaines mesures que devrait prendre le gouvernement fédéral pour aider les agriculteurs canadiens et les communautés rurales à faire face à ces difficultés. Comme le disait la Fédération canadienne des municipalités en s'adressant à votre comité plus tôt ce mois-ci, il existe de nombreux liens entre l'agriculture et les communautés rurales. Ces liens touchent notamment l'économie rurale, le tissu social des collectivités rurales et la salubrité de l'environnement. Aujourd'hui, nous espérons nous aussi vous convaincre de l'importance de l'agriculture pour les communautés rurales et nous voulons formuler certaines recommandations qui, nous l'espérons, vous seront utiles dans vos délibérations. En ce qui concerne les liens économiques entre l'agriculture et les communautés rurales, disons que l'agriculture représentait 9,3 p. 100 du produit intérieur brut du Manitoba en 1999, soit 1 $ sur 11 $ de production de l'économie provinciale. Plus de 37 400 personnes étaient directement employées dans le secteur agricole, et 20 400 autres travaillaient dans d'autres secteurs de l'économie provinciale directement associés à l'agriculture. Autrement dit, un Manitobain sur 10 occupe un emploi grâce à l'agriculture. Les chiffres sont encore plus élevés dans les communautés rurales. Dans l'ouest de la province, par exemple, région qui englobe Brandon, la deuxième ville du Manitoba, l'agriculture et les services connexes employaient 18 p. 100 de la population active en 1996. Cette année-là, dans la région des plaines du centre de la province, près de 27 p. 100 de la population active travaillait dans l'agriculture et les services connexes. Bon nombre de petites communautés des Prairies se sont épanouies comme centres de prestation de services aux fermes environnantes, et beaucoup jouent encore ce rôle aujourd'hui. Des entreprises et des services ont été créés dans ces communautés pour répondre aux besoins des agriculteurs, lesquels constituent encore aujourd'hui leurs plus gros clients. Je veux parler des concessionnaires de machines agricoles, des banques, des concessionnaires d'automobiles, des épiceries, des quincailleries et de tous les autres commerces qui se sont établis dans les petites collectivités et qui donnent de l'emploi à leurs résidents. Manifestement, le sort de ces communautés dépend directement de l'agriculture. L'agriculture n'est pas seulement un volet important de l'économie du Manitoba; le secteur agroalimentaire est l'une des cinq premières industries du pays, responsable de 8,5 p. 100 du PIB national. C'est un secteur qui emploie environ 1,9 million de Canadiens, ce qui en fait le troisième employeur du pays. La vente de céréales, d'oléagineux et de produits connexes représente environ 12 milliards de dollars par an pour l'économie canadienne. En outre, l'agriculture contribue de manière importante à l'équilibre de la balance commerciale du Canada, exportateur net de produits agricoles, notamment céréaliers et oléagineux. En 1998, avec des exportations de près de 23 milliards de dollars, l'agriculture et les produits agroalimentaires représentaient le tiers de la balance commerciale totale du Canada avec le reste du monde. Cela confère un avantage commercial énorme au pays dans son ensemble et, dans l'économie mondiale d'aujourd'hui, un atout dont le pays ne peut pas se passer. Depuis quelques années, le secteur des céréales et des oléagineux est durement frappé par plusieurs facteurs: le subventionnement continu des exportations par les États-Unis et la Communauté européenne, qui contribue à maintenir le prix de ces denrées à des niveaux historiquement bas; la perte de la subvention du Nid-de-Corbeau, qui oblige les agriculteurs de l'Ouest à assumer le total des frais de transport des céréales jusqu'aux ports; et la montée continue du prix d'intrants tels que les engrais, les semences et le carburant. En 1999, pour chaque dollar que recevaient les producteurs de blé du Canada, 11 cents seulement provenaient du gouvernement fédéral, contre 46 pour les agriculteurs américains et 58 pour ceux de l'Europe. Les producteurs canadiens de céréales et d'oléagineux sont parmi les plus compétitifs au monde et n'auraient aucune difficulté à faire concurrence aux agriculteurs de n'importe quel autre pays si tous étaient sur un pied d'égalité. Par contre, ils ne peuvent faire concurrence aux trésors publics des États-Unis et de la Communauté européenne sans une contribution plus élevée de leur gouvernement fédéral. Permettez-moi de soulever un aspect particulier de la crise de l'agriculture et des communautés rurales. Je veux parler des efforts déployés par de nombreuses personnes du Manitoba pour obtenir une aide d'urgence afin d'aider les secteurs de la province qui ont été touchés par les inondations catastrophiques de 1999. Le problème de l'aide d'urgence a été une grande source de frustration et de déception pour ceux d'entre nous, au Manitoba, qui croyaient vraiment que le gouvernement fédéral leur tendrait la main. De fait, bon nombre de Manitobains ont le sentiment que le gouvernement fédéral les a abandonnés pendant les inondations de 1999. Or, ces inondations étaient une catastrophe naturelle - un acte fortuit - et c'est pourquoi il appartenait au gouvernement fédéral de fournir les ressources qui s'imposaient pour veiller à ce que nos producteurs et communautés puissent survivre à la crise. En ne répondant pas à la catastrophe qui a frappé le Manitoba en 1999, le gouvernement fédéral a aggravé la crise de l'agriculture et des communautés rurales. Le monde rural des régions touchées par les inondations est aujourd'hui bien différent de ce qu'il était en 1999. Nous vous implorons de recommander au gouvernement fédéral de verser immédiatement une aide financière aux individus et aux communautés qui ont été touchés par les inondations. Depuis des générations, les jeunes des fermes sont attirés par les possibilités d'enseignement et de formation professionnelle des grandes villes. Ces dernières années, cette tendance s'est accélérée. En 1971, par exemple, la population agricole représentait 13,8 p. 100 de la population totale du Manitoba. En 1996, elle n'en représentait plus que 7,9 p. 100, soit une baisse de 39 p. 100. En chiffres absolus, la population agricole est passée de 131 200 personnes en 1971 à 79 800 en 1996, soit une perte de 51 400 personnes. En même temps, la population rurale totale du Manitoba, à l'exception des cinq villes, est passée de 36,1 p. 100 du total provincial en 1971 à 34,4 p. 100 en 1996. Dans l'ensemble, les agriculteurs sont une population qui vieillit, et le pourcentage de jeunes dont ont besoin les communautés locales pour survivre ne cesse de baisser. Dans l'ouest de la province, là où l'économie dépend le plus des céréales et des oléagineux, le nombre de jeunes de 25 ans à 34 ans a baissé de près de 13 p. 100 entre 1991 et 1996. L'ouest du Manitoba a 14 p. 100 de personnes de moins que la moyenne provinciale dans ce groupe d'âge. En même temps, 8,8 p. 100 de sa population a plus de 75 ans, contre 6,3 p. 100 pour la province dans son ensemble. L'AMM est sérieusement préoccupée par l'avenir de maintes collectivités rurales dont beaucoup des jeunes les plus dynamiques et les plus brillants sont attirés par les grands centres à cause du manque d'opportunités dans l'économie rurale. Comme bon nombre d'agriculteurs ont vu leur revenu baisser, un nombre croissant de familles agricoles ont dû chercher du travail ailleurs pour joindre les deux bouts. Il n'est pas rare aujourd'hui qu'au moins un membre d'une famille agricole occupe un emploi à temps plein dans un autre secteur et, dans bien des cas, l'autre conjoint occupe aussi un emploi à temps partiel en dehors de la ferme, quand il peut en trouver. Si cela permet à beaucoup de familles d'avoir juste assez de revenu pour préserver leur exploitation agricole, malgré le bas prix des denrées, cela oblige les agriculteurs à consacrer une partie précieuse de leur temps en dehors de la ferme à l'époque primordiale des semences et des récoltes. Évidemment, les personnes qui sont ainsi obligées d'occuper deux emplois à temps plein - un sur la ferme et l'autre en ville - courent aussi à l'épuisement. Comme je l'ai dit, l'effet de cette multitude de facteurs sur les collectivités rurales est profond. Pour bien vous faire saisir les dégâts que cela cause, je vais vous donner quelques informations concrètes sur la communauté de Melita. Melita se trouve au sud-ouest du Manitoba et c'est une communauté typique de service agricole. Elle s'est développée comme centre de service agricole il y a près d'un siècle et sa fortune a toujours été reliée à l'économie agricole. Les dernières années ont été catastrophiques, notamment 1999, lorsque les inondations sont venues s'ajouter à la crise de l'agriculture et des communautés rurales. La communauté a perdu un élévateur de céréales et plusieurs commerces, notamment un négociant en machines agricoles, un concessionnaire d'automobiles et plusieurs autres petits commerces. Ensemble, ces entreprises employaient 40 à 50 personnes. Dans une communauté de 1 150 habitants, 40 ou 50 emplois représentent 10 p. 100 de la population active totale. Comme il sera très difficile à toutes ces personnes de retrouver du travail localement, bon nombre seront forcées de quitter Melita pour aller chercher du travail ailleurs. Cela aggrave un phénomène de dépopulation qui cause déjà des ravages. Suite à la fermeture de l'élévateur et à la perte des recettes fiscales correspondantes, la municipalité de Melita a été obligée de réduire ses dépenses de 22 000 $, soit 2,2 p. 100 de son budget. Cela s'est fait sentir sur les services que la municipalité peut offrir aux habitants. Les édiles municipaux ont été obligés de faire des choix difficiles, ce qui est toujours le cas en période de crise économique. Un facteur qui continue d'aggraver la situation pour les producteurs est la taxe d'accise fédérale de 10 cents le litre sur l'essence et de 4 cents le litre sur le diesel pour les machines agricoles hors-route comme les tracteurs et les moissonneuses- batteuses. Keystone Agricultural Producers a calculé que cela coûte aux agriculteurs 175 millions de dollars par an. Certes, cette somme ne saurait résoudre à elle seule la crise de l'agriculture, mais les agriculteurs sont découragés de devoir payer cette taxe alors qu'ils doivent déjà lutter pour leur survie. Les agriculteurs se sont toujours efforcés de gérer leurs terres et les ressources naturelles de manière responsable. Récemment, toutefois, afin de réduire leurs coûts et d'accroître la production, ils se sont sentis obligés de prendre des décisions qui, à longue échéance, ne seront pas favorables à l'environnement. Par exemple, pour maximiser la production, ils se sont mis à cultiver des terres marginales dans des zones riveraines de rivières et d'autres zones écologiquement fragiles, et certains ont abandonné les rotations culturales normales afin de consacrer leurs terres aux cultures les plus rentables possible. Ces deux facteurs risquent d'avoir de graves conséquences environnementales à long terme mais les agriculteurs estiment que la conjoncture actuelle ne leur donne pas le choix. L'AMM sait que les agriculteurs tiennent à exploiter les terres de manière responsable. Si les Canadiens jugent prioritaire d'assurer une gestion écologiquement responsable des régions rurales, il faut que le gouvernement fédéral prenne l'engagement moral et financier qui s'impose, au nom de toute la population, pour garantir le recours à un modèle d'exploitation durable. L'AMM serait ravie d'oeuvrer avec le gouvernement fédéral pour trouver des solutions à partir d'initiatives telles que le crédit fiscal pour l'environnement conçu par l'Administration du rétablissement agricole des Prairies, l'ARAP, afin de promouvoir une gestion responsable de nos ressources agricoles. La Communauté européenne et le Japon ont mis sur pied un programme de subventionnement fondé sur le caractère «polyvalent» de l'agriculture. Ces pays sont prêts à appuyer leurs producteurs dans le but d'atteindre plusieurs objectifs en même temps. Comme but primaire, la polyvalence permet de garantir un approvisionnement alimentaire national sûr tout en contribuant à protéger l'environnement, à préserver l'habitat faunique, à fournir des espaces verts à la population et à préserver le mode de vie rural. Certes, les subventions faussant les règles du commerce qui ont accompagné la polyvalence en Europe sont regrettables, et elles ont causé bien du tort au secteur des céréales et des oléagineux du Canada, mais l'AMM estime que la polyvalence serait un bon modèle pour le Canada. Je ne saurais conclure un exposé sur l'avenir de l'agriculture des Prairies sans souligner l'importance de l'implantation d'une industrie manufacturière à valeur ajoutée pouvant tirer parti de l'abondance des denrées agricoles produites dans cette région. Dans son deuxième rapport, la Commission Estey formulait le commentaire suivant: Il est devenu évident que c'est seulement en mettant sur pied des processus et entreprises à valeur ajoutée au niveau économiquement faisable le plus élevé possible que l'Ouest canadien pourra conserver sa population agricole. Si nous renonçons aux entreprises à valeur ajoutée, nous laissons les bénéfices filer vers les pays où nous exportons les denrées brutes. Nous nous contentons depuis trop longtemps d'exporter nos matières premières dans le monde entier. Certes, cela a permis aux agriculteurs d'avoir un bon niveau de vie pendant de nombreuses années, et cela a donné au pays un généreux excédent commercial, mais cela nous a aussi privés de l'épanouissement d'un secteur manufacturier pouvant être à la fois un marché pour notre production et une source d'emplois pour nos habitants. L'AMM encourage le gouvernement fédéral à formuler une stratégie exhaustive comprenant des incitatifs fiscaux ainsi qu'une aide financière directe et l'expertise du gouvernement fédéral pour favoriser l'épanouissement d'industries à valeur ajoutée dans les régions rurales de l'Ouest. Maintes possibilités existent à cet égard, par exemple pour produire de l'éthanol, pour produire des huiles industrielles et des carburants à partir de canola, pour fabriquer des pâtes et des farines, et pour produire de la viande d'élevage. Si nous voulons vraiment donner une chance à l'industrie manufacturière à valeur ajoutée, il nous faut veiller à construire les infrastructures nécessaires: ponts, routes, services d'adduction d'eau et d'assainissement, gazoducs. L'AMM est heureuse que le programme Travaux d'infrastructure Canada et le Programme des routes céréalières des Prairies existent pour contribuer à financer ces infrastructures, mais les sommes disponibles au moyen de ces programmes sont loin d'être suffisantes pour répondre aux besoins des régions rurales du Manitoba. L'AMM travaille actuellement avec le gouvernement provincial pour essayer de distribuer du gaz naturel dans un plus grand nombre de régions du Manitoba rural. Beaucoup d'autres mesures seront cependant nécessaires si nous voulons que nos collectivités soient à même d'accueillir des usines de transformation et d'autres types d'industries capables d'assurer leur avenir. Nous croyons que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer en matière de développement des infrastructures dans les communautés rurales. Depuis plusieurs années, les gouvernements fédéral et provincial encouragent les producteurs à diversifier leurs activités en plantant de nouvelles cultures et en adoptant de nouveaux types d'élevage. L'AMM convient qu'il ne serait pas réaliste, pour un producteur, d'espérer gagner un revenu raisonnable à longue échéance en ne cultivant qu'une ou deux cultures différentes. Il faut absolument que les producteurs cherchent activement d'autres types de cultures et d'élevage capables d'ajouter de la valeur à leurs exploitations. Cela dit, la diversification ne saurait être la panacée aux problèmes financiers des agriculteurs. J'aimerais relater à ce sujet l'histoire qu'un producteur racontait récemment lors d'audiences du Comité permanent de l'agriculture du gouvernement du Manitoba. Cet agriculteur avait décidé il y a plusieurs années de se lancer dans la culture des graines de carvi, épice particulièrement populaire en Europe. Au moment des semences, cette graine se vendait entre 1 $ et 1,25 $ la livre. Au moment de la récolte, deux ans plus tard, puisque la graine de carvi est une biennale, le prix était tombé à 25 cents la livre. Pour faire face aux effets cumulés du bas prix des céréales, des coûts de transport élevés et d'autres facteurs, les agriculteurs ont manifestement besoin d'une assistance financière immédiate. L'AMM apprécie les 500 millions de dollars annoncés plus tôt cette année par le gouvernement fédéral pour faire face aux difficultés à court terme, mais cela ne saurait suffire pour régler le problème, même à court terme. Entre 1991-1992 et 1998-1999, le gouvernement fédéral a retiré près de 2 milliards de dollars par an des paiements de soutien du secteur agricole de l'ouest du Canada en abolissant la subvention du Nid-de-Corbeau, en réduisant les programmes de sécurité et en réduisant les sommes consacrées à la R-D. L'aide annoncée récemment par le gouvernement fédéral est encore loin de compenser ces réductions de budgets. Aux prix actuels, certains producteurs estiment qu'ils perdront au moins 40 $ l'acre pour chaque acre de céréales et d'oléagineux cultivée ce printemps, perte qui s'ajoutera évidemment à la même somme perdue l'an dernier pour chaque acre cultivée. Il ne s'agit pas seulement de faire face à la crise immédiate de l'agriculture, il importe aussi d'élaborer une stratégie à long terme efficace pour assurer la survie des exploitations agricoles et, ce qui est encore plus important, la prospérité à long terme des générations futures. Nos membres nous disent que le Programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole, l'ACRA, n'a pas réussi à cibler les producteurs qui sont le plus en difficulté ou à leur donner de l'argent à temps. Nous sommes encouragés par la récente réponse du ministre de l'Agriculture indiquant que le gouvernement fédéral s'efforce de résoudre ses préoccupations au moyen de l'accord sur le filet de la sécurité agricole et des négociations multilatérales sur l'agriculture à l'OMC. L'AMM ne pense pas qu'il lui appartienne de formuler des recommandations particulières au sujet du secteur agricole. Des groupes comme Keystone Agriculture Producers, du Manitoba, la Fédération canadienne de l'agriculture et d'autres organisations agricoles, sont bien mieux placés pour adresser de telles recommandations à votre comité. Par contre, en tant qu'association de municipalités, il nous incombe de bien vous faire saisir les ravages que cause la crise de l'agriculture dans nos communautés rurales. Il est incontestable que nous traversons actuellement une crise grave. Si nous n'agissons pas rapidement, les régions rurales du Canada ne seront plus jamais les mêmes. Seul le gouvernement fédéral possède les ressources nécessaires pour atténuer l'incidence de la crise financière qui ravage notre économie rurale. Nous croyons que la crise de l'agriculture et des communautés rurales du Canada est l'une des questions d'intérêt public les plus importantes auxquelles notre pays soit confronté depuis les 50 dernières années. Il est crucial que le gouvernement fédéral réitère son engagement envers les producteurs et les communautés rurales du Canada en élaborant un programme à long terme pour assurer la durabilité de l'agriculture et des communautés rurales. Il est grand temps que le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les municipalités engagent avec les Canadiens un débat exhaustif sur l'importance du secteur agricole et des communautés rurales et qu'ils conçoivent des mesures sérieuses et efficaces pour assurer la viabilité future de ces éléments critiques de notre économie et de notre société. Notre association s'engage à oeuvrer avec les deux paliers de gouvernement, fédéral et provincial, pour chercher des solutions à la crise. C'est un défi que nous devons tous accepter de relever pour rendre un minimum d'espoir à nos producteurs et à nos communautés. Je vous remercie d'avoir permis à notre association de s'adresser à votre comité. M. J. Sinclair Harrison, président, Association des municipalités rurales de la Saskatchewan: Monsieur le président, je tiens tout d'abord à souhaiter un joyeux anniversaire au sénateur Wiebe. Vous ne savez peut-être pas tous que c'est aujourd'hui son anniversaire mais, pour ma part, je ne peux l'oublier puisque c'est aussi le mien. Le président: Eh bien, bon anniversaire à tous deux. M. Harrison: Je tiens tout d'abord à vous remercier de nous avoir invités ce matin. L'agriculture n'est pas étrangère au sénateur Gustafson et au sénateur Wiebe. Quand il était lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan, le sénateur Wiebe nous aidait chaque année à inaugurer le congrès annuel de notre association. C'est lui aussi qui a créé le Prix du lieutenant-gouverneur pour services exceptionnels rendus à la Saskatchewan rurale, un prix qui est très apprécié chez nous. Nous sommes ici avant tout pour parler de la Saskatchewan mais il est clair que ce que nous allons dire vaut aussi pour toutes les collectivités rurales du pays. On peut mesurer la santé de notre économie en fonction de nombreux facteurs, et il est incontestable que l'agriculture a été bonne pour la Saskatchewan. À l'heure actuelle, elle représente environ 10 p. 100 du produit intérieur brut. Les gouvernements mesurent souvent la santé de l'économie en fonction du revenu net réalisé, et je vous invite à vous pencher sur le tableau qui figure à la page 9 de notre mémoire pour obtenir des indications à cet égard. Pour la période 1994 à 1998, vous verrez un chiffre de 740 millions de dollars. Si vous suivez l'évolution jusqu'en 2001, vous voyez que le chiffre projeté est 224 millions de dollars. Cela révèle une tendance qui va dans le mauvais sens et montre que vous, nous et le gouvernement fédéral devons faire quelque chose pour la redresser. Vous trouverez à la première page de notre mémoire plusieurs indicateurs qui présentent un sombre tableau de la Saskatchewan. Ils révèlent en effet la plus petite augmentation d'actif par exploitation agricole, une diminution de l'investissement et de l'actif net, un déclin du secteur des céréales et des oléagineux, et une baisse du revenu d'exploitation moyen. Certes, il n'est pas agréable de parler d'indicateurs négatifs mais telle est la réalité. Voilà les éléments que nous devons essayer de renverser dans les mois et les années à venir. J'assistais la semaine dernière au congrès de la Fédération canadienne des municipalités, à Banff, et j'ai été encouragé de constater que les participants sont parfaitement conscients de la crise du Canada rural. Je pense que la Fédération canadienne des municipalités consacrera à l'avenir plus de temps et d'effort à cette situation. La semaine dernière, notre association a participé à Saskatoon à un groupe de réflexion avec le ministre des Finances, Paul Martin, et elle a été encouragée par ce qu'il a dit au sujet sur la position du gouvernement fédéral à l'égard du Canada rural et sur ce qu'il faut faire pour redresser la situation. À la page 10, vous trouverez un tableau sur la diversification agricole de la Saskatchewan. On parle toujours de diversification mais la rapidité du phénomène dépend des agriculteurs et des marchés. Si l'on compare ce que la province produisait en 1990 à ce qu'elle produit aujourd'hui, on constate une différence spectaculaire. Certes, l'évolution aurait peut-être dû être plus rapide, mais il faut bien qu'il y ait un marché pour notre production. À notre avis, les agriculteurs de la Saskatchewan, comme ceux du reste du Canada, sont tout à fait prêts à cultiver toute denrée pour laquelle existe un marché. Il me semble que les producteurs ont jusqu'à présent bien répondu aux marchés. Nous devons continuer à développer les marchés, à diversifier et à ajouter de la valeur en Saskatchewan, le plus rapidement possible. D'aucuns estiment que la survie des collectivités rurales exige leur intégration à des centres urbains plus grands. Évidemment, c'est certainement là un phénomène mondial, de plus en plus de gens voulant vivre en ville, pour toutes sortes de raisons. Par contre, ceux d'entre nous qui vivent dans les régions rurales de la Saskatchewan ont du mal à comprendre ce désir. Nous aimons bien la vie en campagne, mais cela exige que les collectivités rurales possèdent les infrastructures nécessaires sur le plan de l'éducation et de la santé. Sinon, il n'y a aucune raison de vivre en campagne en Saskatchewan. Notre association souhaite que les habitants des régions rurales puissent jouir d'une meilleure qualité de vie, leur assurant autonomie, sécurité, prospérité et santé. Nous ne pouvons pas tout contrôler. Comme le disait M. Motheral, la hausse du prix des carburants coûte certainement très cher à l'agriculture. Nous dépendons beaucoup du carburant. Il n'est pas possible de gérer une exploitation agricole sans utiliser de vastes quantités de carburant. Les hausses de prix de ces derniers temps coûtent donc très cher aux exploitants agricoles. En outre, elles provoquent aussi une hausse du prix des engrais et, indirectement, de tous les services de transport. Il est donc important de tenir compte de ce problème, à l'échelle nationale. Hier, nous étions chez Iogen, une société qui s'efforce de produire de l'éthanol à partir de la paille et des produits forestiers, que l'on considère essentiellement comme des déchets dans les Prairies. Ce que nous avons vu est encourageant. D'ici deux à trois ans, Iogen devrait pouvoir construire une usine importante dans l'Ouest canadien, et ce sont des industries comme celle-là qui nous aideront à l'avenir. Accroître le nombre d'industries à valeur ajoutée dans les collectivités rurales permettra de créer des emplois, notamment des emplois mieux payés pour les gens ayant fait des études, et cela permettra aussi d'attirer de nouveaux habitants dans les régions rurales, de réduire l'importance relative des dépenses de transport dans la valeur globale du produit fini, et en rehaussant la stabilité des revenus ruraux et agricoles. Nous avons besoin d'un réseau de transport moderne, comprenant des services routiers et ferroviaires et garantissant l'accessibilité aux conteneurs et aux dépôts de conteneurs; nous avons besoin de systèmes de communications modernes et abordables; et nous avons besoin d'une stratégie des ressources humaines axée sur une main-d'oeuvre qualifiée et sur des possibilités d'éducation. En ce qui concerne les transports, nos membres, les municipalités rurales de la Saskatchewan, consacrent beaucoup de temps et d'effort à essayer de préserver un réseau de transport acceptable. La Saskatchewan rurale souhaite se doter d'industries capables de transporter des marchandises vers les autres régions, bénéficiant d'un meilleur accès aux collectivités locales, ayant le potentiel d'accroître le tourisme et offrant une meilleure image comme destination touristique. Bien qu'il existe de nombreux exemples d'industries dans les régions rurales de la Saskatchewan, une bonne infrastructure est nécessaire. Un bon exemple d'industrie à valeur ajoutée nous est offert par FarmGro Organic Foods, à côté de Regina. L'usine a été construite stratégiquement entre les voies du CP et du CN. Toutefois, l'entreprise a du mal à obtenir que l'on construise un raccordement ferroviaire direct avec son usine. Voilà un exemple des difficultés que nous devons surmonter pour garantir la survie des entreprises à valeur ajoutée. Vous savez tous que l'abandon des voies ferroviaires est un problème pour le Canada rural, pour les Prairies, et surtout pour la Saskatchewan, qui a plus de telles voies que n'importe quelle autre province. Plus leur nombre diminue, plus le réseau routier est mis à contribution. Or, nous n'avons pas les ressources nécessaires pour nos routes. Bien que nous ayons eu des crédits limités des gouvernements provincial et fédéral, notre position est qu'il faut préserver toutes les voies ferroviaires secondaires possibles de façon à transporter les marchandises par le rail et non pas par la route, étant donné que le rail est beaucoup plus efficient. Sur le plan environnemental, il utilise beaucoup moins de carburant. Donc, chaque fois qu'une voie ferroviaire secondaire disparaît, il devient plus difficile de préserver des entreprises à valeur ajoutée dans les régions rurales de la Saskatchewan. Vous trouverez dans notre mémoire une carte montrant le réseau ferroviaire de la Saskatchewan. On y trouve un plan des voies secondaires avec de petits carrés noirs qui représentent les industries à valeur ajoutée. Cette carte montre très bien pourquoi nous avons besoin d'un réseau de voies secondaires. Nous parlons aussi dans notre mémoire des conteneurs, et je vais aborder la question tout de suite puisque je viens de parler de cette carte. Un conteneur n'est pas un chargement divisible. Dès qu'un conteneur de lentilles ou de pois est chargé et est scellé, la charge ne peut plus être divisée. Le conteneur doit être envoyé par camion jusqu'à un port. Les conteneurs ne peuvent être transférés sur le réseau ferroviaire qu'à Regina et à Saskatoon. En conséquence, les usines de la Saskatchewan qui sont capables de transformer des produits pour l'exportation et de charger des conteneurs doivent les envoyer par camion jusqu'à Saskatoon ou Regina pour avoir accès au réseau ferroviaire. Nous avons besoin d'un plus grand nombre de ports de conteneurs et de l'accès au réseau de voies secondaires existant aujourd'hui. Nous estimons aussi que les conteneurs sont la solution d'avenir. Il est certainement moins cher de transporter des marchandises en vrac. Nous avons récemment visité un port de conteneurs à Vancouver. Quand on voit l'augmentation du nombre de conteneurs, il est évident que c'est la solution d'avenir. Les consommateurs veulent des aliments sains, sans parler d'eau potable. Ils veulent savoir d'où vient leur alimentation. Les grands élévateurs construits dans les prairies, même s'ils sont efficients - ils permettent aux compagnies céréalières et au réseau ferroviaire d'économiser de l'argent - ne permettent pas de déterminer l'origine des denrées qu'ils contiennent. À l'avenir, les consommateurs exigeront de pouvoir retracer l'origine de leurs aliments. C'est pourquoi les éleveurs, par exemple, ont décidé de marquer tous leurs animaux. De cette manière, si un animal est malade, on peut en retracer immédiatement l'origine. À l'heure actuelle, si une denrée contaminée se retrouve dans un chargement en vrac dans un pays importateur, il est impossible de retracer son origine. Voilà pourquoi on aura beaucoup plus recours aux conteneurs à l'avenir, et pourquoi il nous faut plus de ports de conteneurs. De même, le réseau de voies secondaires est nécessaire pour préserver le réseau routier. Nous avons réussi à obtenir certains crédits provinciaux et fédéraux pour entretenir notre réseau routier, mais il nous en faut beaucoup plus. En 1993, le gouvernement fédéral annonçait un programme de travaux d'infrastructure, et on en a récemment annoncé le deuxième volet. Ce deuxième volet est un volet vert - nous avons certainement besoin d'argent pour les égouts et l'adduction d'eau, et pour assurer la qualité de l'eau - mais, à la différence du premier, il ne nous sera d'aucune utilité pour notre réseau de transport. Comme plus de la moitié des projets doivent être à caractère écologique, les fonds du programme pouvant être consacrés aux routes sont très limités. En juin dernier, on a annoncé le Programme des routes céréalières des Prairies, le PRCP. Les Prairies ont reçu 175 millions de dollars, dont 106 devaient être réservés à la Saskatchewan, ce qui était très encourageant. Nous avons négocié avec les gouvernements fédéral et provincial et, en fin de compte, 70 p. 100 des 106 millions de dollars de la Saskatchewan seront consacrés aux grandes routes et 30 p. 100 seulement aux routes rurales, ce qui est profondément injuste. Au Manitoba, les fonds ont été répartis à égalité entre les grandes routes provinciales et les routes rurales; en Alberta, la totalité est allée au réseau des routes rurales. Or, la Saskatchewan a plus de routes rurales à entretenir que le Manitoba ou l'Alberta. Nous avons rencontré les sénateurs Wiebe et Gustafson, ainsi que M. Goodale et quiconque était prêt à nous écouter. Je ne sais pas si nous pouvons changer la répartition des fonds, c'est un programme de cinq ans, mais nous estimons que les municipalités rurales n'ont pas eu la part qui devrait leur revenir. Les communications seront de plus en plus importantes pour la Saskatchewan et pour le Canada rural. Il faut que tout le monde soit à égalité. Tant que nous serons tributaires de communications par fil, et nous ne savons pas pendant combien de temps ça va durer, nous ne serons pas à égalité. Quand on a réglementé les sociétés de télécommunications, on a versé des subventions pour que tout le monde paie la même chose, quel que soit son lieu de résidence. Avec la déréglementation, nous ne bénéficierons plus de subventions, ce qui aura de très graves conséquences pour nous et pour le reste du pays. En ce qui concerne les tarifs postaux, quelqu'un a lancé l'idée que tout le monde, dans un régime déréglementé, devrait verser la même somme dans un fonds commun et que les régions rurales seraient subventionnées. Le gouvernement fédéral, dans sa grande sagesse, n'a pas encore adopté cette idée. Tant que nous serons tributaires des communications par fil, le Canada rural sera défavorisé. Évidement, quand nous serons passés aux télécommunications sans fil - et nous y sommes probablement presque déjà - ce ne sera plus un problème. Tout le monde aura accès au même service. Voilà pourquoi, en l'absence de subventions, nous essayons d'avancer le plus vite possible vers un système de télécommunications sans fil, pour que la Saskatchewan rurale ne soit pas défavorisée. Je suis sûr que je n'ai pas besoin de vous parler d'environnement et de qualité de l'eau. Nous savons tous ce qui est arrivé en Ontario ainsi que dans notre propre province. Il semble y avoir aujourd'hui des ordonnances quasi quotidiennes sur la nécessité de faire bouillir l'eau en Saskatchewan et ailleurs au Canada. Il est évident que la qualité de l'eau est un problème sérieux, qui suscite beaucoup d'inquiétude. De gros budgets seront nécessaires pour améliorer les usines d'épuration des eaux. En attendant, il sera difficile de donner aux Canadiens et aux visiteurs la garantie que l'eau qu'on leur donne à boire est potable partout au pays, mais c'est pourtant ce que nous devrons faire. Il ne faut pas oublier que ce sont les gens - nos contribuables - qui souffrent de la crise du revenu agricole. Et c'est en Saskatchewan que cette crise a l'incidence la plus spectaculaire. Les gens sont obligés d'occuper deux emplois pour subvenir aux besoins de leur famille. Cela provoque des divorces. La situation n'est pas bonne. Nous avons le devoir de faire quelque chose à ce sujet. Je vous invite à regarder le tableau 4 de notre mémoire, sur la population agricole de la Saskatchewan. Je suis sûr que vous connaissez tous les chiffres. Et je suis sûr aussi que le dernier recensement révélera une chute spectaculaire de la population agricole, ce qui n'est certainement souhaité par personne. Toutefois, l'urbanisation semble être une tendance mondiale. Il est difficile de renverser des tendances mondiales mais il nous appartient d'essayer. Selon un récent article du Western Producer, le nombre de personnes travaillant sur des exploitations agricoles en Saskatchewan a diminué de 6 400 en une seule année, de 1999 à 2000. Je vais maintenant passer au résumé de nos recommandations et conclusions. Notre première recommandation concerne un paiement de péréquation commerciale. La Communauté économique européenne et les Américains subventionnent plus que nous. Notre gouvernement fédéral a décidé un jour qu'il ferait baisser les subventions des autres pays mais il est clair qu'il n'y arrivera pas, malgré ses meilleures intentions. Si nous voulons rester présents sur la scène internationale, il faut que tout le monde soit à égalité et c'est pourquoi nous réclamons un programme de péréquation commerciale. J'ai parlé des carburants et l'une des solutions à cet égard consisterait certainement à abolir la taxe fédérale sur le diesel et l'essence agricoles. Notre troisième recommandation concerne un réseau de transport efficace et compétitif. De cette manière, les nouveaux participants, comme les chemins de fer régionaux, seront en mesure d'offrir des services sur des voies secondaires économiques et sur toutes les voies ferroviaires dont ils ont besoin pour pouvoir fonctionner. Ces derniers mois, deux sociétés ferroviaires régionales exploitant des voies de courte distance ont adressé des demandes à l'OTC. Il y a des années que nous réclamons de la concurrence ferroviaire et ces demandes constituaient une première lueur d'espoir à cet égard. Toutefois, dans sa sagesse, l'OTC a rejeté les demandes d'accès aux voies ferroviaires présentées par ces deux compagnies. Nous pensions alors que c'était une erreur, et nous n'avons pas changé d'avis depuis; voilà pourquoi nous encourageons ces deux entreprises et d'autres à soumettre de nouvelles demandes à l'OTC. À notre époque de profits ferroviaires, on nous prive de la possibilité de bénéficier de tarifs de fret moins élevés. Notre quatrième recommandation concerne l'accroissement des budgets consacrés à la construction de routes municipales. Je l'ai déjà dit, nous avons besoin d'un réseau routier rural et nous avons besoin de l'aide de tous les gouvernements pour le bâtir. La cinquième recommandation est que le gouvernement fédéral accélère ses efforts pour introduire l'Internet à gros débit dans les régions rurales et isolées du Canada. Nous espérons que cela se fera sans fil et que ce sera économique. J'ai parlé de la qualité de l'eau. Il faut des normes nationales. À son congrès, la semaine dernière, la FCM a adopté une résolution demandant au gouvernement fédéral d'agir dans ce domaine en établissant et en faisant respecter des normes nationales. Nous recommandons que le gouvernement fédéral oeuvre avec les Prairies pour offrir de meilleures possibilités d'éducation aux ruraux, pour mettre en oeuvre des programmes de formation dans les secteurs où il y a pénurie de main-d'oeuvre, et pour rehausser la participation des Premières nations à la population active. Il existe des pénuries de main-d'oeuvre dans les régions rurales de la Saskatchewan. D'autres provinces ont adopté des lois pour attirer des travailleurs migrants, mais pas la Saskatchewan. Notre association a collaboré étroitement avec la FSIN. Comme je suis actif au sein de l'Association depuis 1986, je suis bien placé pour reconnaître que nous avons mal travaillé à ce chapitre. Il y a probablement autant de membres des Premières nations dans les prisons et les hôpitaux aujourd'hui qu'en 1986. La population active n'augmente pas. La population autochtone est pourtant celle qui connaît le taux de croissance le plus élevé en Saskatchewan. C'est elle qui sera notre population active à l'avenir mais, pourtant, nous ne réussissons pas à l'attirer dans la population active générale. Le gouvernement fédéral doit modifier ses politiques d'immigration. Lors de la rencontre de réflexion avec Paul Martin, la semaine dernière, quelqu'un a dit que la Saskatchewan a besoin de 2 millions d'habitants, ce qui représenterait une hausse démographique spectaculaire. La population de la Saskatchewan se situe à environ 1 million de personnes depuis de nombreuses années. Nous avons une grosse infrastructure à entretenir. Sans contribuables ni entreprises, nous ne pouvons entretenir notre infrastructure comme nous le devrions. L'une des solutions à ce problème est d'accroître notre population. J'ai dépassé l'âge qui me permettrait de participer à cet effort et nous allons donc devoir donner plus d'encouragement aux jeunes. Cela met un terme à mes recommandations. J'aurais bien d'autres choses à vous dire mais je vais m'arrêter là. Je vous remercie beaucoup de votre attention. Le président: Avant de passer aux questions, j'aimerais vous demander comment vous envisagez la situation pour cet été et cet automne si rien n'est fait pour aider les agriculteurs. Je faisais mes semailles, il y a quelques semaines, et, dans la région où je vis, au moins 12 agriculteurs ont abandonné. Aucun n'a déclaré faillite, ils ont simplement vendu leur ferme et sont partis, ce qui a évidemment des conséquences pour les gens de la région. À mon avis, si on ne fait rien pour les aider, beaucoup d'autres quitteront leur ferme l'automne prochain. Qu'en pensez-vous? En outre, le prix des intrants augmente. Par exemple, le prix de l'engrais est passé de 225 $ la tonne à 425 $. Qui en profite? Le sénateur Stratton: Les compagnies gazières. Le président: Les gazières et les pétrolières. Et nous restons les bras croisés! Qui Conoco a-t-elle racheté? M. Motheral: Gulf. Le président: Conoco a racheté Gulf et fait des profits gigantesques. Elle n'a jamais eu autant d'argent qu'aujourd'hui. Même si nous obtenions des prix plus élevés pour nos céréales, comme le disait mon fils, nous ne serions pas en meilleure position. Le gouvernement peut-il faire quelque chose? Je n'entends pas beaucoup de gens parler de plafonner le prix des intrants. Les producteurs d'engrais disent qu'ils ont besoin de gaz naturel pour fabriquer l'engrais, et c'est pour ça que le prix augmente. M. Harrison: À notre avis, monsieur le président, seul le gouvernement fédéral pourrait faire quelque chose. L'agriculteur ne peut pas s'attaquer seul aux grandes compagnies pétrolières. Prétendre que ceux qui abandonnent leur ferme sont inefficients est un mythe. Il y avait peut-être de mauvais exploitants dans le passé mais ceux qui ont survécu jusqu'à maintenant sont certainement très compétents. Les économies d'échelle sont disparues. Il est faux de dire qu'il faut agrandir son exploitation pour économiser de l'argent: aujourd'hui, tous perdent de l'argent, les gros, les moyens, les petits. Je suis d'accord avec vous, des agriculteurs continuent d'abandonner. Il faut intervenir immédiatement. Et on ne peut pas dire que les provinces ont les moyens d'agir, ce n'est pas vrai, en tout cas en Saskatchewan. Pour ce qui est des municipalités, qui sont en première ligne, et qui dépendent des taxes locales, elles subissent des effets directs sur le plan de l'infrastructure. Nous croyons, et c'est pour ça que nous sommes à Ottawa aujourd'hui, qu'il s'agit d'une crise fédérale et que c'est le gouvernement fédéral qui doit agir. Il est grand temps qu'il passe à l'action. Le président: Monsieur Motheral, voulez-vous répondre à cette question? M. Motheral: Notre position est la même que celle de M. Harrison. Nous avons soulevé ce problème auprès des députés fédéraux du Manitoba, et auprès de plusieurs partis d'opposition. Nous n'inventons rien et tout le monde semble être parfaitement conscient du problème. Comment faire pour que le gouvernement agisse? Il faudrait qu'il ait la volonté politique de sauver nos communautés rurales. En ce qui concerne les règles de l'OMC, le Canada ne dépense que 20 p. 100 du plafond. Les États-Unis, 100 p. 100. Il y a un manque de volonté politique. Nous avons les ressources nécessaires pour sauver nos communautés. Comment le faire comprendre aux gens qui tiennent les cordons de la bourse? Où vont-ils chercher leurs informations? Nous sommes à Ottawa depuis deux jours pour essayer de rencontrer tous ceux qui pourraient faire quelque chose. Nous sommes heureux d'avoir pu nous adresser à votre comité. Nous essayons de susciter cette volonté politique. L'autre solution consiste à ne rien faire, à laisser nos ressources tomber sous la coupe des multinationales dont la priorité n'est certainement pas d'assurer la durabilité de nos terres. Nous avons actuellement des producteurs qui font un excellent travail pour préserver la durabilité de nos ressources. Pour que ça continue, il faut une volonté politique. Le sénateur Fairbairn: Comme je sais que mes collègues ont certainement autant de questions que moi à vous poser, je vais essayer d'être brève. Avant de vous interroger, je veux faire une remarque. Vous pouvez constater que le problème dont vous venez de parler suscite beaucoup d'intérêt dans cette salle. La principale tâche non législative de ce comité pour cette année et, probablement, l'année prochaine, consiste à mener une étude du Canada rural et de ses problèmes. J'habite Lethbridge, qui est entourée de nombreux villages et collectivités rurales. Tout ce que vous avez dit sonne parfaitement vrai à mes oreilles. Les problèmes que vous évoquez sont en effet très graves. Le risque que nos fermes, nos collectivités et nos villages puissent ne pas survivre est fort inquiétant. Si cela arrivait, le Canada serait profondément modifié - et nous aussi. Je ne pense pas que le Canada urbain comprenne la situation du Canada rural et le caractère profond de notre pays. Voilà pourquoi j'estime que le problème est si important. Je l'ai dit à la réunion de Banff, la semaine dernière. À qui devriez-vous parler? Je suis certainement très heureuse que vous nous parliez à nous car notre comité pourra faire des recommandations. Nous parlons aux ministres et nous continuerons de le faire. Je me demande dans quelle mesure vous et vos organisations êtes en contact avec M. Andy Mitchell, qui s'est vu attribuer une responsabilité ministérielle pour les questions rurales après la dernière élection. C'est un autre contact avec le Cabinet fédéral et avec ceux qui décident. Pour ce qui est du problème des transports, qui est très sérieux, je crois comprendre que la Loi sur les transports du Canada est en cours de révision et qu'un rapport est attendu pour le 1er juillet. Le Comité permanent de la Chambre des communes sur les transports et les opérations gouvernementales sera probablement saisi de ce rapport et un projet de loi devrait en découler. Il serait bon que vos organisations réfléchissent dès maintenant aux changements législatifs qui vous semblent souhaitables. Vous en avez un peu parlé aujourd'hui. Une autre chose qui me préoccupe, en ce qui concerne nos collectivités rurales, c'est la situation des familles. Vos organisations tiennent-elles des statistiques quelconques sur l'incidence des changements ruraux sur les familles, pas seulement pour ce qui est de celles qui quittent leur exploitation mais aussi en ce qui concerne des phénomènes comme le divorce, la maladie, la violence, et cetera.? Vous avez dit que, dans bien des familles, quelqu'un doit trouver un emploi à temps plein en dehors de la ferme et que bien des producteurs sont obligés d'occuper deux emplois en même temps. Y a-t-il des développements quelconques dans vos communautés rurales qui permettraient aux gens d'avoir accès aux nouvelles technologies? Je comprends ce que vous avez dit au sujet des télécommunications sans fil. Toutefois, avez-vous une indication quelconque que ces innovations pourraient aider les gens qui vivent dans le Canada rural? Ces technologies permettraient-elles aux gens de travailler à la maison, d'avoir accès aux marchés et de faire leurs affaires grâce à la technologie, tout comme, disons, un travailleur autonome de Calgary? Voilà mes questions, monsieur le président. M. Motheral: Je vais revenir sur les points que vous avez soulevés. Pour ce qui est des transports, les municipalités sont certainement reconnaissantes au gouvernement fédéral de l'initiative du PRCR - mais, comme vous le savez, il ne semble jamais y avoir assez d'argent. Néanmoins, nous avons eu la chance de convaincre notre gouvernement d'attribuer 50 p. 100 des fonds aux routes municipales. C'est certainement utile. Tout cela fait partie de l'ensemble des mesures qui sont nécessaires pour faire face à la crise du monde rural. Cela dit, si nous ne réussissons pas à conserver nos agriculteurs sur leurs fermes, la qualité des routes n'aura plus beaucoup d'importance. En ce qui concerne le stress et les relations familiales, le gouvernement a rétabli son service téléphonique d'urgence sur le stress. Les familles qui sont confrontées à des situations trop stressantes peuvent téléphoner à la Manitoba Farm and Rural Stress Line, ce qui est certainement une initiative positive. Je dois revenir à Ottawa avec le ministre de l'Agriculture du Manitoba - M. Harrison reviendra avec le ministre de la Saskatchewan - pour faire un exposé au Comité permanent de la Chambre des communes sur l'agriculture et l'agroalimentaire. Je crois que le Women's Institute doit lui aussi s'adresser à ce comité et qu'il aura peut-être les chiffres que vous cherchez. Comme l'a dit M. Harrison, ce genre de problèmes existe vraiment; beaucoup de familles agricoles font face au stress. Moi-même, je connais fort bien les questions de stress. Je suis un agriculteur de quatrième génération. C'est notre famille qui a défriché nos terres, et mon fils et moi-même exploitons la ferme ensemble. Je sacrifie ma retraite pour essayer de sauver la ferme, et je ne suis pas le seul dans ce cas. Je connais beaucoup d'autres gens qui font la même chose et c'est très stressant. Nous sommes obligés de prendre des décisions malgré notre endettement. Chaque année, nous nous endettons pour ensemencer nos champs, dans l'espoir de recouvrer l'argent investi. Le stress est une réalité quotidienne chez nous et je peux vous dire que je connais parfaitement cette situation, même si j'ai un emploi à l'extérieur. Nous avons discuté avec M. Mitchell, qui est très gentil et ouvert en ce qui concerne les problèmes du monde rural. Nous essaierons de le rencontrer à nouveau pour revenir sur tout ça. Le sénateur Fairbairn: C'est très bien parce que ça marche dans les deux sens. Il faut que des gens comme vous le tiennent informé. C'est très utile. M. Motheral: Nous ne voulons pas donner au comité l'impression que ce problème existe seulement dans l'Ouest canadien. C'est un problème qui touche tout le pays, toutes les collectivités rurales. M. Mitchell, qui est de l'Ontario, est parfaitement au courant de la situation. Il connaît les problèmes du monde rural. Nous devons chercher des solutions à l'échelle canadienne. Le sénateur Fairbairn: Avez-vous quelque chose à dire au sujet de la technologie? M. Motheral: Oui. Vous parlez sans doute du réseau Internet à gros débit. Une initiative a été lancée par Manitoba Telecom Services Inc. pour installer le service Internet à gros débit dans les zones rurales, mais seulement 85 p. 100 du Manitoba pourront y avoir accès. Cela couvre la région de la capitale, Winnipeg, ainsi que les municipalités environnantes. Autrement dit, il y a encore plusieurs régions qui n'auront pas accès au service Internet à gros débit. Or, comme nous le savons, ce service est essentiel si l'on veut faire des affaires à partir de chez soi. C'est la solution d'avenir. Nous allons faire des pressions auprès de notre gouvernement et du gouvernement fédéral à ce sujet. Le premier ministre disait il y a deux ou trois ans que l'un de ses objectifs était de faire en sorte que tous les Canadiens aient accès au réseau, et c'est un objectif que nous partageons pleinement. M. Harrison: M. Mitchell a pris la parole à notre congrès. Nous allons rencontrer son ministère demain pour voir comment nous pourrions collaborer plus étroitement à l'avenir. Nous nous sommes adressés aussi au comité d'examen de la Loi canadienne sur les transports. C'est un groupe qui nous a semblé assez réceptif et qui va bientôt produire son rapport. Nous avons vu Estey, nous avons vu Krever. Quelqu'un sera probablement chargé d'étudier le rapport du comité d'examen de l'ACT. Il est temps de passer à l'action. Nous espérons que ce sera la dernière étude consacrée au transport. Le Canada rural, c'est la colle qui tient le Canada uni. Nous avons des villes solides, mais nous avons des villages qui le sont encore plus. Si l'on envisage tout ça comme une mixture de béton, c'est une mixture où il y a des grosses pierres, des moyennes et des petites, et il faut que quelque chose tienne tout ça ensemble. Sinon, le béton va s'effriter. C'est dans ce sens que le Canada rural est la colle qui nous tient ensemble. C'est le Canada rural qui a fait la grandeur de ce pays mais il est en train de s'effriter, et nous savons tous ce qui arrive quand le béton s'effrite. Il est donc temps de rajeunir la colle et de reformer le mélange. Le sénateur Fairbairn: Je ne saurais mieux le dire. M. Harrison: Nous avons tous entendu parler des gros centres d'appel qu'on crée dans les grandes villes, où des gens s'entassent chaque jour comme des fourmis avec un casque téléphonique sur les oreilles pendant huit heures d'affilée. Je n'ai jamais travaillé là mais j'ai une fille qui y a travaillé. Croyez-moi, je n'aurais pas de mal à trouver un million d'autres emplois préférables à celui-là. Si ces gens-là pouvaient travailler de chez eux, au lieu d'être entassés dans ces grands centres d'appels, ce serait beaucoup mieux. Si le Canada rural avait accès aux télécommunications, les gens qui vivent sur les fermes pourraient travailler à partir de chez eux et faire le travail qui se fait aujourd'hui dans ces centres d'appels. Cela améliorerait considérablement la situation. Ce serait mieux pour la famille, ce serait mieux pour le ménage, ce serait mieux pour tout le monde. Tout le monde y gagnerait. Il n'est pas toujours nécessaire d'entasser tout le personnel sous le même toit. On voit par exemple aujourd'hui bon nombre de bureaux instaurer une politique d'horaires variables. Ce qui est important, c'est que le travail soit fait, pas nécessairement qu'il le soit pendant les heures normales. C'est là-dessus que nous devrions centrer nos efforts. Le sénateur Stratton: Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. Ça fait plusieurs années que je fais partie de ce comité, qui a voyagé dans beaucoup de régions du pays, et je peux vous dire que rien ne change jamais. Depuis sept ou huit ans, on nous raconte toujours les mêmes histoires et rien ne change jamais. Il me semble que la seule chose qui soit uniforme, c'est que rien ne change. Rien ne se fait. On se demande parfois ce qu'on fait ici. Pourquoi passons-nous notre temps autour de cette table à entendre parler des problèmes de l'agriculture quand personne ne fait jamais rien? On commence parfois à se demander si les engagements du gouvernement fédéral valent quelque chose. Rien n'a changé au cours des sept ou huit dernières années. En fait, je me trompe, la situation a empiré. Hélas, j'ai le sentiment que nous rendons un mauvais service au monde agricole quand nous tenons des audiences comme celle-ci et que nous vous écoutons parler de vos problèmes car, quoi que nous fassions, rien ne se fait jamais. Voilà où j'en suis rendu. C'est extrêmement frustrant car je ne saurais dénombrer le nombre de réunions auxquelles j'ai participé et où j'ai entendu des gens me dire essentiellement tout ce que vous venez de dire. Des gens qui nous ont parlé des mêmes problèmes, ce qui montre que rien n'a vraiment été fait. Nous pensons toujours que nous pouvons faire avancer un tout petit peu les choses, un peu par-ci, un peu par-là mais, en réalité, le problème devient constamment de plus en plus grave. Chacun essaie constamment de faire un petit quelque chose mais les questions de fond restent les mêmes. Veuillez m'excuser pour cette sortie, il fallait que je le dise. Je vais passer aux questions. Comme vous le dites, le problème vient en partie du fait que nous n'avons utilisé que 20 p. 100 du plafond de l'OMC, alors que les Américains sont allés jusqu'à 100 p. 100. En Europe, ils utilisent tous les trucs imaginables. On entend constamment parler de nouveaux programmes de péréquation. Avez-vous une proposition quelconque que vous pourriez soumettre au gouvernement fédéral et qui n'irait pas en conflit avec nos obligations au titre de l'OMC et qui vous aiderait vraiment? Avez-vous réfléchi à ça? M. Motheral: J'interviendrai le premier, très brièvement. Notre association s'intéresse uniquement aux problèmes des collectivités rurales. Nous ne sommes pas un groupe de pression de l'agriculture, nous travaillons au nom des communautés. Pour ce qui est de formules ou de solutions acceptables dans le cadre de l'OMC, ce sont des organismes comme Keystone Agricultural Producers ou l'AMRS qui peuvent faire quelque chose, au nom des exploitants agricoles. Je vais donc donner la parole à M. Harrison. Au fait, sénateur, je suis parfaitement d'accord avec votre sortie. M. Harrison: Et moi aussi, je partage vos commentaires. Je viens régulièrement à Ottawa depuis 1986 et je me demande parfois à quoi ça sert. Bien souvent, quand on sait dans ma région que je dois aller à Ottawa, des gens m'appellent et me disent: «Pourquoi tu vas encore là-bas? Ça ne sert jamais à rien.» J'ai toutefois la conviction qu'il faut continuer d'agir, qu'il faut faire quelque chose. Nous ne pouvons pas perdre espoir. Collectivement, nous devons faire mieux. Au moment même où nous parlons, il y a des gens qui réfléchissent aux filets de sécurité, ce qui est une partie de la solution. Ce n'est certainement pas une panacée car il y a toute une foule de choses qu'il faudrait faire pour être vraiment efficace. Ce qu'il faut, c'est un meilleur environnement rural. Il faut prêter attention à des problèmes tels que les voies ferroviaires de courte distance et les services de transport. Les établissements de santé et d'enseignement sont aussi très importants. Si nous ne pouvons y avoir accès, ils ne serviront pas à grand-chose. Il y a eu une consolidation des services de santé et des établissements scolaires. Dans certaines régions de notre grand pays, des municipalités sont en train de fusionner. Nous ne sommes pas d'accord avec ça. Nous avons lutté contre ça et nous avons gagné en Saskatchewan. Le sénateur Tunney: Nous, nous avons perdu. M. Harrison: Au congrès de la FCM, des gens du Québec ont pris la parole pour s'opposer à la fusion forcée des municipalités. Nous vous le disons, la fusion n'est pas bonne pour la Saskatchewan, elle n'est pas bonne pour le Canada. La représentation locale est importante et c'est pour cette raison que la fusion n'a pas eu d'effets bénéfiques pour les municipalités rurales de l'Ontario, de la Nouvelle-Écosse ou du Québec. Elle leur a été imposée et ce sont les villes qui vont y gagner et qui vont dominer. Or, elles ne comprennent pas le Canada rural. Voilà un exemple de quelque chose qui se fait depuis deux ou trois ans et qui a des effets négatifs sur le Canada rural, de quelque chose qui est contraire à ce qu'il faudrait faire et que nous devons essayer de renverser. Il y a toute une foule de choses qu'il faut faire pour améliorer l'environnement du Canada rural, sénateur. Le sénateur Stratton: Quand vous parlez d'infrastructure de transport, de routes et de voies ferrées, avez-vous examiné le potentiel de partenariats privé-public du point de vue d'un réseau de transport intermodal? Avez-vous parlé à quelqu'un qui pense que ça marcherait? Je sais que le secteur privé a pris le contrôle de certaines voies ferrées dans plusieurs régions du Manitoba et qu'il les exploite de manière rentable, et je suis sûr que c'est la même chose en Saskatchewan. Y a-t-il une formule qui a fait ses preuves, d'après vous? M. Motheral: Vous avez raison au sujet du Manitoba et d'OmniTRAX. Ça très bien marché quand la société privée est venue dans le bassin du fleuve Churchill, et c'est bon pour la Saskatchewan. Notre association a fait un exposé devant l'Agence canadienne des transports pour mettre l'accent sur la nécessité du partage, sur les droits d'exploitation, et cetera. - et, bien sûr, le CP s'y oppose. Quoi qu'il en soit, nous devons favoriser la concurrence car c'est le seul moyen de faire baisser les taux de fret. Des entreprises privées comme OmniTRAX seront certainement les bienvenues dans de nombreuses régions, surtout là où des voies secondaires sont abandonnées. M. Harrison: Je parlais tout à l'heure de deux demandes qui ont été adressées à l'ACT. L'une émanait d'une société appelée Ferroequus - ceux d'entre vous qui avez étudié le latin savez que cela veut dire «cheval de fer» - appartenant à Tom Payne. Il voulait exploiter une voie entre North Battleford et Prince Rupert, où il y a un terminal sous-utilisé. Son projet a semblé raisonnable à tout le monde dans l'Ouest canadien, sauf à Transport Canada et à l'ACT. Sa demande a été rejetée. OmniTRAX appartient à M. Broe, de Denver. Des gens enragent contre les investissements américains au Canada mais, à mon avis, nous avons besoin d'argent, d'où qu'il vienne. OmniTRAX est l'autre société qui a demandé des droits d'exploitation de plusieurs voies principales et voies secondaires en Saskatchewan et qui a aussi essuyé un refus. Ce que ça démontre, c'est qu'il y a des gens qui sont prêts à investir leur propre argent en Saskatchewan, qui sont prêts à venir investir au Canada, et qu'on les empêche de le faire. Le sénateur Fairbairn: Pourquoi? M. Harrison: Ils ont dit qu'ils voulaient solliciter des clients le long des voies, ce qui me semble parfaitement élémentaire. Une entreprise qui va gérer une voie ferrée a besoin de marchandises à transporter. Mais le gouvernement fédéral, dans sa grande sagesse, leur a dit qu'ils ne pourraient pas essayer de solliciter la clientèle, qu'ils pourraient simplement faire des aller-retour avec leurs trains sur les voies ferrées mais qu'ils n'auraient pas le droit de chercher des clients. Tirez-en vos propres conclusions. Nous avons l'intention de rencontrer l'ACT pour parler de cette décision qui n'a tout simplement aucun sens. Je vous invite à consulter la dernière page de notre mémoire, où vous trouverez une carte du réseau ferroviaire. Le sénateur Wiebe connaît très bien cette région, au sud de Swift Current. Vous voyez sur la carte une ligne en Z. Il y a les voies secondaires Vanguard, Shaunavon, Notukeu et Altawan. La voie secondaire en Z a récemment été rachetée et elle est exploitée sous le nom de Great West Rail. C'est ça qu'il faut faire. Si cette voie disparaît, c'est le réseau routier qui recevra tout ce trafic lourd. On ne peut pas laisser faire ça. Au nord-ouest, vous voyez des lignes vertes. Elles appartiennent à OmniTRAX, la société de Denver. Cette société a aussi racheté le port de Churchill et la voie qui part de Le Pas - voie dont le CN disait qu'elle ne gagnerait jamais d'argent et qu'elle ne pourrait pas accepter de wagons à trémies. La voie a été marginalement améliorée et on y transporte maintenant du grain jusqu'à Churchill dans des wagons à trémies en acier. M. Robert Ritchie, le président du CP, s'est adressé lundi à la FCM. J'ai passé une demi-heure avec lui à discuter des droits d'exploitation. Selon lui, si on les accorde à ces sociétés, la sienne s'effondrera. Nous vivons dans un monde de déréglementation, et la déréglementation doit déboucher sur la concurrence. Je ne saurais dire pourquoi mais, dans l'Ouest, l'idée semble être qu'on peut déréglementer mais conserver un monopole. Quand on a ça, on se fait exploiter. Ceux d'entre vous qui possédez des actions du CN êtes probablement très satisfaits de leur rendement. Pourquoi? Parce que vous prenez l'argent dans nos poches. Le CN ne partage pas ses gains d'efficience avec ceux qui paient la facture. Il faut que ça cesse. Le sénateur Stratton: Je voudrais revenir sur l'infrastructure électronique. J'habite en dehors de Winnipeg et je croyais qu'il me serait possible d'obtenir le réseau Internet à gros débit mais ce n'est pas le cas. Quelqu'un vous a-t-il dit comment la situation va évoluer et combien de temps il va falloir attendre pour avoir accès au réseau? Des entreprises privées sont-elles prêtes à investir dans les régions rurales pour offrir ce type de service de communication? Quelqu'un, une entreprise, un gouvernement ou qui que ce soit d'autre, vous a-t-il parlé de ce qui va se passer dans ce domaine-là? Si vous voulez être compétitifs, il faut cette infrastructure électronique. M. Harrison: Les sociétés privées vont là où elles peuvent gagner de l'argent. Installer une ligne de 10 ou 15 milles de long pour un seul client n'est malheureusement pas une proposition très rentable. Voilà le problème auquel nous faisons face. Ce n'est tout simplement pas rentable. Je ne suis pas très au courant de la technologie mais c'est pour ça que nous disons qu'il faut offrir le service par les airs. Si on passe par les airs, tout le monde est sur un pied d'égalité. Il n'est plus nécessaire d'installer une ligne. Personne ne sait ce que l'avenir nous réserve mais, considérant la manière dont la technologie a évolué ces deux ou trois dernières années, c'est tout à fait concevable. Plus vite nous aurons le service, mieux ça vaudra. On ne peut pas obliger les gens à installer des câbles dans le sol pour offrir un service au Canada rural; même dans d'autres régions du pays, installer des câbles souterrains est difficile. Le service par les airs met tout le monde sur un pied d'égalité. Tout ce que vous pourriez faire pour promouvoir cela auprès du secteur privé serait utile. C'est ça la solution d'avenir. Le sénateur Stratton: Que devrait faire le gouvernement pour contribuer à cela? M. Harrison: Il ne faut pas oublier qu'il y a déjà beaucoup de câbles dans le sous-sol et qu'on continue d'en installer. C'est ça qui nous freine, les milliards de dollars d'infrastructure installée. C'est la même chose pour le gaz naturel. C'est pour ça qu'on continue à brûler du gaz naturel alors qu'on pourrait fort bien se mettre à utiliser de l'hydrogène. C'est ça qui freine le progrès. M. Motheral: M. Harrison vient de mettre le doigt sur le problème: les sociétés privées vont là où elles peuvent gagner de l'argent. Vous demandez ce que les gens peuvent faire, ce que les municipalités peuvent faire. Il y a des dollars qui sont disponibles si une municipalité souhaite participer à la solution. Je ne sais pas si ça se fera jamais mais il y a de l'argent. Le gouvernement a mis en oeuvre un programme de financement des infrastructures. Ses deuxièmes priorités sont les services de transport et les services de télécommunications et du réseau Internet à gros débit. Le président: Par exemple, il ne semble pas y avoir de communications dans les Prairies et dans les régions rurales. C'est seulement en lisant le National Post ou le Globe and Mail qu'on peut se tenir informé. Mardi, je lisais dans le Globe and Mail ou le National Post, ici même, à Ottawa, que «le revenu agricole monte». Avant de venir à Ottawa, j'avais lu dans le Regina Leader que «le revenu agricole se situe à 7 000 $ par exploitant, ce qui comprend le revenu hors exploitation». Si nous voulons améliorer la situation, il faudra que le Canada sache la vérité. Surveillez-vous le message qui est adressé à la population urbaine? À l'heure actuelle, ce message ne nous est pas favorable. J'en ai parlé hier au Sénat mais, évidemment, personne ne prête attention à ce que je dis parce que je ne suis qu'un politicien. Par contre, quand les MR s'expriment publiquement, on les écoute. Participez-vous à cet effort de communication? M. Motheral: Nous communiquons avec nos membres mais pas avec la presse nationale. Peut-être devrions-nous améliorer ça. Selon le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire du Manitoba, les recettes en espèces des récoltes de 2000 au Manitoba étaient inférieures de 22 p. 100 à la moyenne de 1995-1999. Voilà l'information qu'il faut communiquer au gouvernement fédéral et au Cabinet. Certaines des informations qui sont communiquées sont fausses, et ça m'a été confirmé par mon propre député de Winnipeg. Il affirme que l'information que reçoit le premier ministre est interprétée différemment. Peut-être devrions-nous faire plus d'effort, en tant que municipalités rurales, pour communiquer le vrai message. Le président: Je suis sûr que c'est l'une des choses que les municipalités devraient envisager. Elles devront peut-être engager quelqu'un à Ottawa pour surveiller la situation. Je ne sais pas exactement quelle est la réponse mais j'entends constamment dire que le message diffusé dans les régions rurales est différent de celui diffusé dans les villes. M. Harrison: Nous ne faisons pas d'analyse de la presse et je conviens que ce serait une bonne idée, mais ça coûte cher. Je voyais en première page du Globe and Mail, ce matin, une photo des deux filles du président Bush à qui on reproche d'avoir commandé de la bière alors qu'elles n'ont pas l'âge légal. J'ai peine à voir en quoi c'est important pour les Canadiens. Le sénateur Wiebe: Monsieur le président, je tiens à souhaiter une chaleureuse bienvenue à M. Motheral pour sa première comparution devant notre comité. J'espère qu'il reviendra souvent. Monsieur Harrison, j'en profite aussi pour vous souhaiter un bon anniversaire. Je fais cela avec grand plaisir car c'est aujourd'hui que je deviens admissible à la sécurité-vieillesse. Vous, vous allez devoir attendre encore longtemps. M. Harrison: Très, très longtemps. Le sénateur Wiebe: Le sénateur Stratton et moi-même sommes d'accord avec vos remarques liminaires. Depuis que John Diefenbaker a envoyé 200 $ à chaque agriculteur canadien, chaque gouvernement, libéral ou conservateur, essaie de résoudre la crise de l'agriculture en jetant de l'argent. Une fois que le gouvernement a jeté de l'argent aux agriculteurs, un débat s'engage pour savoir si c'était assez. Par contre, aucun gouvernement, libéral ou conservateur, n'a jamais cherché de véritable solution à long terme pour l'agriculture. Ce que nous faisons au comité m'encourage beaucoup. Je pense que nous avons l'occasion de chercher cette solution à long terme. Et la question n'est pas de savoir si le gouvernement acceptera ou non nos propositions. Quand nous aurons déposé notre rapport, je sais que nous aurons présenté une solution véritable et à long terme à la crise de l'agriculture. Je n'ai donc aucune hésitation ni aucune réticence à ce sujet. Je voudrais vous poser six questions. Elles seront très détaillées et très longues. Au lieu de commencer tout de suite, monsieur le président, j'aimerais donner à chaque membre du comité la chance de poser les siennes. Ensuite, s'il nous reste du temps, je pourrais interroger les témoins sur des solutions à long terme. Le sénateur LeBreton: Le sénateur Fairbairn affirme que les gens des villes ne comprennent pas la crise rurale. J'ai été élevée à la campagne et notre région a été purement et simplement avalée par la ville. Je vivais sur une ferme qui a été dévorée par la banlieue. Je pense cependant que le problème est beaucoup plus profond. Je ne sais pas si le vrai problème est que le Canada urbain ne comprend pas la situation de l'agriculture; c'est peut-être plutôt qu'il s'en moque. Le sénateur Gustafson vient de mentionner des articles de journaux disant que le revenu agricole augmente. Ensuite, on lira dans le journal que le ministre recommande de diversifier les cultures. Le sénateur Gustafson recommande aux municipalités rurales de s'exprimer publiquement et de surveiller ce qui se dit dans la presse. À mon sens - et je voudrais savoir ce que vous en pensez - votre approche devrait être beaucoup plus directe. Par exemple, Santé Canada réussit à convaincre les Canadiens que fumer est dangereux. Dans tout le pays, les Canadiens savent parfaitement quel était le problème des mares bitumineuses du Cap-Breton. De même, les Canadiens sont parfaitement au courant des problèmes du bois d'oeuvre. Quand vous rencontrez des fonctionnaires fédéraux et le ministre Mitchell, responsable du Canada rural, vous devriez peut-être déployer beaucoup plus d'efforts pour veiller à ce que les Canadiens soient correctement informés sur l'importance de l'économie agricole et sur l'origine de leur alimentation. J'ai été élevée sur une ferme laitière où nous avions des vaches Jersey. Quand j'allais à l'école, en ville, mes camarades croyaient que le chocolat au lait venait des vaches Jersey. Vous pouvez communiquer avec les gens de votre région mais le problème est beaucoup plus vaste. Je crois que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer. Il dépense beaucoup d'argent pour sensibiliser les gens à toutes sortes de problèmes et pour les motiver. Je crois que vous auriez tout intérêt à envisager vos communications de la même manière. M. Motheral: Cette question a suscité beaucoup d'intérêt chez les maires et conseillers municipaux qui ont participé aux rencontres de mars au Manitoba. Lors de ces rencontres, nous les mettons au courant des choses que nous essayons de faire. L'une des choses qu'ils nous ont dites - et je ne veux aucunement critiquer le groupe de pression agricole - c'est que le groupe de pression agricole ne fonctionne pas. Voilà pourquoi nous avons décidé de faire notre part sur la crise de l'agriculture qui, d'après nous, est un élément de la crise des communautés. La Fédération canadienne de l'agriculture et les Keystone Agriculture Producers du Manitoba, le principal groupe de pression agricole de la province, font un travail excellent. Cela dit, leur message ne passe pas, et c'est ça le problème. Vous avez raison, nous devrions peut-être regrouper nos forces pour établir une stratégie médiatique. Les Keystone Agricultural Producers ont récemment organisé un déjeuner à l'Assemblée législative du Manitoba pour parler du prix d'un repas. Le prix était d'environ 12 $. Le pourboire qu'on laisserait normalement pour un repas de 12 $ représente plus que ce que le producteur peut en retirer. Voilà le genre de message qu'il faut communiquer aux gens des villes. Voilà le genre d'articles que le Globe and Mail doit publier. Je sais que l'association de la Saskatchewan avait diffusé il y a quelques années une publicité d'une page complète dans le Globe and Mail comparant les subventions américaines et européennes aux subventions canadiennes. Pour que la comparaison soit parfaitement claire, elle était accompagnée d'une photo représentant des piles de pièces de monnaie. C'est bien votre association qui a fait ça? M. Harrison: Nous y avons contribué. M. Motheral: Ce genre d'opération coûte très cher mais, à l'heure actuelle, ce n'est pas ça qui devrait nous inquiéter mais simplement l'efficacité du message. Le sénateur LeBreton: À mon avis, ce n'est pas vous qui devriez faire ça. Vous parlez de venir à Ottawa pour rencontrer des gens. Au lieu d'adopter des mesures ponctuelles comme celle-là - comme disait le sénateur Stratton, nous venons ici et nous vous entendons parler constamment des mêmes problèmes - vous devriez faire des pressions pour que le gouvernement lui-même lance une campagne de sensibilisation du public au sujet de la crise. Il faut informer les gens pour qu'ils prennent ça à coeur. C'est notre problème à tous. Une publicité d'une page dans le Globe and Mail coûte très cher et elle n'a d'impact que pendant une journée. Avez-vous parlé au ministre Mitchell et au ministère de l'Agriculture d'investir les mêmes sommes que les autres ministères pour informer le public sur ce problème très grave? M. Motheral: C'est certainement une excellente idée. Je conviens que nous ne faisons pas assez à ce sujet. Je comprends maintenant ce que vous dites - et les gouvernements provinciaux pourraient aussi participer à une campagne de sensibilisation du public. Le sénateur LeBreton: Exactement. M. Motheral: C'est quelque chose que nous devrions étudier. M. Harrison: Je suis parfaitement d'accord. Ce que nous pouvons faire seuls sera toujours limité car nous n'avons pas beaucoup de ressources. Il y a aussi d'autres choses qu'on peut faire. Dennis Mills a organisé une campagne d'hommage à la famille agricole. Il est très encourageant de voir un député urbain - et je ne sache pas qu'il ait des fermiers dans sa circonscription - consacrer du temps et des efforts à ça. L'impact de cette manifestation serait probablement égal, et peut-être même supérieur, à la publicité du Globe and Mail. Ça ne vaut pas la peine de faire ça une seule fois dans un journal. Une campagne de sensibilisation exige un effort soutenu. En plus, comme nous avons maintenant deux journaux nationaux, ça coûterait le double. Le sénateur LeBreton: Mais ce n'est pas nécessairement vous qui devriez la payer. M. Harrison: C'est exact. Par contre, si nous pouvons obtenir votre appui à cet égard, nous sommes plus que prêts à collaborer. Le sénateur Fairbairn: Vous devriez vous assurer que le gouvernement fédéral diffuse également des informations exactes. Ça doit se faire en coopération. Le sénateur LeBreton: J'ai une question à poser au sujet des recommandations. Vous recommandez d'abolir les taxes fédérales sur le diesel et l'essence agricoles, n'est-ce pas? D'après vous, quel serait l'effet d'une telle mesure sur vos coûts d'exploitation? M. Harrison: Nous n'avons pas établi de priorité parmi nos recommandations. Certes, abolir les taxes fédérales sur le diesel et l'essence agricoles n'aurait pas un impact très profond et ne suffirait certainement pas pour résoudre la crise. Toutefois, comme chacun sait, le prix des carburants a beaucoup augmenté ces derniers temps. Et personne ne s'attend à ce qu'il commence à baisser. Apparemment, nous paierons bientôt 1 $ le litre, si ce n'est plus. Le sénateur LeBreton: Et vous payez toutes les taxes sur les carburants? M. Harrison: Non, les agriculteurs bénéficient d'un certain allégement, mais nous demandons plus. M. Motheral: Dans notre mémoire, nous disons que ça représenterait 175 millions de dollars par an pour les agriculteurs. Le sénateur LeBreton: Ce qui n'est pas négligeable. M. Motheral: Exactement. Le président: Pour votre information, j'ai payé l'autre jour 8 $ pour remplir un petit bidon d'essence pour ma tondeuse à gazon. À ce moment-là, j'ai frémi en pensant à ce que je devrais payer pour remplir les réservoirs de mes tracteurs. C'est très grave. Le sénateur Chalifoux: Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. J'ai beaucoup apprécié votre recommandation au sujet des Autochtones, monsieur Harrison. J'espère qu'elle s'appliquait aussi aux Métis, qui constituent le plus grand groupe démographique de la Saskatchewan. Il y a une semaine, je recevais un exemplaire d'un rapport sénatorial de 1888 où l'on parlait d'élevage et d'agriculture dans les Territoires du Nord-Ouest, région qui englobait à l'époque le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta. Cela nous montre que nos gens font de l'agriculture et de l'élevage depuis très longtemps. Quand les membres des Premières nations ont commencé à faire de l'agriculture, le ministère des Affaires indiennes a fait en sorte qu'ils ne puissent rien acheter ni vendre. Ce n'est plus la même chose aujourd'hui, mais seulement depuis les années 50. Nous avons là toute une nation de gens qui pourraient agir en partenariat avec vous et vos organisations, ce qui ne leur est possible que depuis les 30 ou 40 dernières années. Pour ce qui est des Métis, c'est une autre paire de manches. Nous avons toujours dû nous débrouiller nous-mêmes. Nous n'avons jamais rien eu à voir avec les réserves. Vous parlez de pénuries de main-d'oeuvre et des Premières nations. Il y a des années, les membres des Premières nations et les Métis du Nord allaient dans le sud de l'Alberta pour ramasser des betteraves, mais les prix et l'éducation ont changé tout ça. Avez-vous envisagé de travailler en partenariat? Il y a la Kainai Agri Business Corporation, en Alberta, qui est présidée par le chef Chris Shade. Il y a des organisations chez les Métis - par exemple, la Nation métisse de la Saskatchewan, avec Clem Chartier. Quand vous parlez de faire participer les Premières nations à la population active, pensez-vous à des programmes de formation et à des mesures pour qu'ils restent dans les collectivités, en plus des problèmes d'argent et de profits? Je vous demande ça parce que, ce qui arrive aujourd'hui, c'est que les gens vont dans les villes où il n'y a pas assez de services d'aide sociale. Les membres des Premières nations se concentrent dans des ghettos alors qu'ils seraient beaucoup plus heureux s'ils restaient chez eux. Avez-vous travaillé avec les communautés autochtones et métisses de vos provinces pour faire face à cette situation, afin qu'on puisse commencer à conserver les jeunes chez eux? Et le problème ne touche pas que les communautés autochtones, c'est tout le monde agricole qui fait face à cette situation. Le Collège agricole d'Olds est l'un des meilleurs du pays pour former nos jeunes à l'agriculture et à la diversification. Je fais des recherches à ce sujet parce que je veux produire du chanvre. Dès que j'aurai quitté le Sénat, je veux cultiver du chanvre. J'ai pris contact avec le président d'une excellente association de chanvre du Manitoba. Il y a là d'excellentes possibilités pour les Premières nations. Toutefois, il faudra aussi que je trouve une usine de transformation. Pouvez-vous me donner vos commentaires là-dessus? M. Motheral: Je parlerai d'abord du chanvre. Le Manitoba s'est lancé en fanfare dans cette production mais cela a échoué. Le sénateur Chalifoux: Pourquoi? M. Motheral: L'usine de transformation a fait faillite. Le chanvre est une plante qui pousse bien mais, dans le cas du Manitoba, il y avait un manque de connaissances, de ressources, de machinerie, et cetera. Personne n'a voulu prendre le taureau par les cornes pour faire face au problème. Certes, on a tenté de lancer cette industrie mais beaucoup de gens y ont perdu de l'argent, dont certains que je connais personnellement. Pour ce qui est des migrations vers les villes, nous n'éliminons certainement aucun groupe ethnique que ce soit, c'est complètement inclusif. Le sénateur Chalifoux: En ce qui concerne le chanvre, j'espère qu'il n'est pas totalement abandonné. M. Motheral: Moi aussi. Il y a d'autres initiatives qu'on devrait envisager mais, pour ce faire, nous aurons besoin de l'aide du gouvernement. Le sénateur Chalifoux: Excellent. M. Harrison: Notre association entretient d'excellentes relations avec la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan et ce, depuis l'époque où le chef était Roland Crow, et il y a eu ensuite Blaine Favell et aujourd'hui le chef Perry Bellegarde. Pouvons-nous faire plus? Bien sûr que nous le pouvons, et nous le devons. En ce qui concerne les Métis, je reconnais que nous n'avons pas travaillé étroitement avec eux. C'est certainement quelque chose que nous devrions faire. Nous devons faire mieux là aussi. Le sénateur Chalifoux: En excluant ces organisations, vous passez à côté d'excellentes chances de partenariat et de lobbying. Comme vous le savez, la Fédération des Métis du Manitoba est excellente. Elle est présidée par David Chartrand. Je suis sûre que le partenariat et le lobbying l'intéresseraient. M. Harrison: Je peux aussi ajouter que les membres des Premières nations, si je comprends bien leur histoire, sont aussi des ruraux. Ils ont été élevés sur la terre. Ils comprennent la terre, c'est dans leur sang. Le sénateur Chalifoux: Les Métis aussi. M. Harrison: Vous avez raison. Nous leur imposons un milieu urbain qui n'est pas dans leur sang. Le sénateur Chalifoux: Parfaitement. M. Harrison: Ce sont donc des gens qui sont naturellement à l'aise dans le Canada rural. Le sénateur Oliver: Monsieur le président, je souhaite m'associer aux remarques du sénateur Stratton, personne qui a beaucoup de bon sens. Il semble avoir mis le doigt sur le coeur même du problème, et ce n'est pas la première fois. Je voudrais revenir sur une question qu'il a soulevée, en vous demandant quelques précisions. Il me semble en effet que le problème ne consiste pas seulement pour vous à venir ici et à vous adresser au comité et que vous devriez en fait vous demander: «Que peut vraiment faire ce comité pour nous aider à résoudre ce problème?» Il me semble qu'il n'y a pas qu'un seul problème agricole au Canada et qu'on devrait peut-être prendre les problèmes séparément. Par exemple, certaines des questions soulevées dans votre mémoire sont plus des problèmes que je qualifierais de mode de vie, ou culturels, par exemple en ce qui concerne l'éducation dans les régions rurales. D'autres concernent plus l'argent que les agriculteurs peuvent tirer de leurs efforts et de leur travail. La vraie question de l'agriculture est celle-ci: comment faire pour que l'agriculteur ait plus d'argent? En examinant vos recommandations - accélérer les efforts pour le réseau Internet à grand débit, abolir les taxes agricoles, élaborer des normes nationales sur l'eau potable, et cetera. - j'ai l'impression que beaucoup ne vont pas au coeur même du problème de l'agriculture, qui est de savoir comment les agriculteurs pourraient tirer une part plus équitable de l'argent généré par leur production. Vous pourriez aider notre comité en classant vos recommandations par ordre de priorité. Notre comité peut adresser des recommandations au Cabinet, au gouvernement. Nous pouvons dire au gouvernement: «Nous avons étudié cette question, on nous a adressé de sérieuses recommandations et en voici une que nous vous communiquons pour que vous passiez immédiatement à l'action afin de contribuer à résoudre le problème.» Si nous disions au Cabinet: «Nous voulons qu'on élabore des normes nationales sur l'eau potable et qu'on donne des crédits aux communautés rurales pour assurer la qualité de l'eau potable», ce n'est pas ça qui incitera les 12 agriculteurs qui viennent juste de quitter leur ferme en Saskatchewan à reprendre l'agriculture. D'où ma question: quelles sont vos priorités pour donner plus d'argent à l'exploitant agricole? Si vous pouviez répondre à ça, nous serions mieux à même de vous aider et nous pourrions surmonter dans une certaine mesure le scepticisme exprimé par le sénateur Stratton et par d'autres membres du comité. Pourriez-vous nous donner un ordre de priorité sérieux sur ce qu'il faut faire de fondamental pour résoudre la crise agricole? M. Motheral: Je vais sans doute laisser M. Harrison vous répondre car, comme je l'ai dit, nous sommes une organisation communautaire qui ne s'occupe pas exclusivement d'agriculture. En bref, toutefois, un mot - de l'argent. Il ne faut pas tourner autour du pot. Vous avez parfaitement raison - nous utilisons d'autres systèmes. Nous utilisons de l'eau, nous utilisons la structure sociale, nous utilisons les systèmes d'éducation et de santé, nous les utilisons tous. Toute cette terminologie est destinée à attirer l'attention. Le problème immédiat est de mettre de l'argent dans les poches des agriculteurs, c'est ça qui aidera les commerces locaux à prospérer. Il ne faut pas tourner autour du pot - et je vois beaucoup de sourires - le fond du problème, c'est l'argent. Le sénateur Oliver: Mais vous ne demandez pas au gouvernement fédéral de donner plus d'argent. Supposons qu'un agriculteur de votre communauté cultive du blé et qu'il reçoive x cents par boisseau. Quand ce blé est transformé en pain ou en d'autres produits à valeur ajoutée, il vaut, disons, 4 $. Le problème est de faire en sorte que l'agriculteur reçoive une plus grosse partie de ces 4 $, n'est-ce pas? Le président: Ça dépend des multinationales. M. Motheral: Je voudrais faire une remarque - après quoi je laisserai la parole au groupe de pression de l'agriculture. Il est très difficile de faire concurrence à des pays fortement subventionnés. Il faut égaliser le terrain de jeu avec les autres nations. Nous sommes les producteurs de blé les plus efficients au monde mais nous ne pouvons pas faire concurrence aux trésors publics des États-Unis et des Communautés européennes. On produit trop de blé dans le monde, aujourd'hui. Il faut qu'il y ait une volonté politique de nous aider dans l'immédiat, à moins qu'on ne fasse quelque chose à l'échelle mondiale. Nous essayons de convaincre le gouvernement fédéral que nous avons besoin de subventions ou d'un système de péréquation commerciale à court terme. Le sénateur Wiebe: Et ce court terme devrait durer combien de temps? Vingt ans, 30, 40? M. Motheral: Peut-être. Le sénateur Wiebe: Êtes-vous prêts à vendre cette idée aux contribuables de Toronto, de Montréal et de St. John's, à Terre-Neuve? M. Motheral: C'est notre mission - sinon, nous perdrons nos communautés. C'est l'un ou l'autre. M. Harrison: Pour revenir sur votre demande, quand voulez-vous recevoir l'ordre de priorité de nos recommandations? Le président: Demain. M. Harrison: C'est comme ça que j'aime fonctionner aussi. Nous vous enverrons ça le plus rapidement possible. Notre conseil d'administration doit se réunir en juin et cette question figurera à l'ordre du jour. Il nous faut convaincre les Canadiens qu'un investissement dans l'agriculture ou dans le Canada rural est un investissement dans l'avenir du pays. Si nous ne réussissons pas à les en convaincre, ils n'accepteront pas de partager les excédents du gouvernement fédéral. Le président: Si les compagnies pétrolières, les transformateurs et les compagnies d'engrais continuent d'augmenter leurs prix, le problème ne sera jamais réglé. Les prix des intrants sont élevés. Je serais déjà très heureux si je pouvais récupérer le coût des intrants que mes garçons et moi-même investissons dans nos récoltes, sans faire aucun profit. Mais je sais que je n'y arriverai pas. Je n'arriverai pas à récupérer mon argent. L'an dernier, nous avons perdu 65 000 $ sur notre ferme. Et je ne compte pas l'amortissement ou les autres dépenses. Je parle simplement des coûts d'exploitation. Tant que les compagnies pétrolières continueront d'augmenter leurs prix et que le prix des engrais continuera à doubler - je me demande même aujourd'hui si nous aurions dû mettre de l'engrais. Nous devons aussi tenir compte de l'environnement et de la qualité du milieu rural. M. Harrison: Il existe d'autres sources de carburant. Je ne sais pas si vous connaissez tous la société Ballard, de la Colombie- Britannique. Elle existe depuis une dizaine d'années. Elle a 800 millions de dollars en banque. Elle fait de la R-D. Elle a forgé des alliances stratégiques avec toutes les compagnies de carburant, avec tous les fabricants d'automobiles. Il pourrait y avoir une transition des sources d'énergie traditionnelles vers quelque chose qui est plus abordable. On parle des élevages de porc. Ce sont des sources naturelles d'engrais. Les gens disent que tout le monde quitte la Saskatchewan rurale mais, quand quelqu'un veut construire une porcherie, c'est toujours trop près de chez quelqu'un d'autre, inévitablement. Ça ne peut pas continuer. Il y a des choses que nous pouvons faire pour nous-mêmes en Saskatchewan. Comme je l'ai dit plus tôt, il n'y a pas de solution magique, c'est tout un ensemble de choses que nous devons faire dans le Canada rural pour améliorer l'environnement des commerces ruraux. Si vous lisez nos recommandations, vous voyez qu'il n'y en a aucune qui pourrait résoudre la crise à elle seule. Comme l'a dit M. Motheral, l'argent est important mais, si nous avons des problèmes avec l'environnement - en fin de compte, l'agriculture et le Canada rural sont inextricablement liés. Le président: Cela dit, tant que je n'obtiendrai que 8 ou 10 cents d'une boîte de céréales, alors qu'un joueur de hockey, par exemple, qui en fait la promotion, recevra 10 cents, ça ne pourra pas marcher. Nous ne pouvons pas survivre avec 10 cents sur une boîte de céréales, disons. Le sénateur LeBreton: Ce que vous devez faire, c'est prendre la place du joueur de hockey. Le sénateur Fairbairn: Négocier de meilleurs contrats. Le président: Je suppose. M. Motheral: J'insiste sur la notion de volonté politique. Les États-Unis, tout comme l'Europe, ont décidé un jour qu'ils voulaient avoir des agriculteurs. Ils veulent que leurs terres soient exploitées de manière durable et écologique. Nous voulons la même chose et cela exige de l'argent. Le sénateur Tunney: Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. Je me fais l'écho des préoccupations du sénateur Stratton et de sa frustration. Il est déprimant de ne jamais rien voir de positif pour l'agriculture. Croyez-moi, je ne suis pas près d'oublier cette séance. Le sénateur Chalifoux parlait de la culture du chanvre, dont j'ai précisément parlé dans mon premier discours, il y a deux semaines à peine. Avant de quitter le Sénat, j'aimerais revoir cette industrie sur pied. Quelqu'un demandait pourquoi elle a échoué. Elle a échoué parce qu'elle n'a reçu aucun appui du gouvernement. Ce qu'il lui faut, c'est un office de commercialisation, avec sa propre législation. Sinon, le scénario qu'a connu le Manitoba ne cessera de se reproduire. J'en sais déjà pas mal à ce sujet mais pas autant que je le voudrais. L'industrie laitière, qui est le secteur d'où je viens, en Ontario, serait dans la même situation si elle n'avait pas un office de commercialisation et un système de gestion de l'offre. Dans tous les autres secteurs de l'agriculture, sauf dans ceux du lait et de la volaille, les agriculteurs sont des preneurs de prix. Tous les autres participants, les transporteurs, les transformateurs, les distributeurs et les détaillants, fixent leurs marges. Le producteur se retrouve avec ce qui reste. Comme vient de le dire le président, encore heureux s'il réussit à couvrir ses dépenses. Mais un agriculteur ne peut pas survivre simplement en couvrant ses dépenses, sans parler de ceux qui en sont réduits à mordre sur leur capital et qui seraient ravis de couvrir leurs dépenses. Je voyais dans votre mémoire la figure 1, sur les transformateurs de légumineuses de la Saskatchewan. Les usines qui sont indiquées sont-elles des usines de broyage ou des usines de nettoyage, de séchage et de broyage? M. Harrison: Il y en a de toutes les catégories. En général, les légumineuses sont nettoyées pour l'exportation, après quoi elles sont ensachées et mises dans un wagon ou elles sont chargées en vrac dans un conteneur. Le sénateur Tunney: Revenons à l'industrie du lait et de la volaille. Vous savez peut-être que le Québec produit près de 50 p. 100 du lait au Canada. S'il n'y avait pas eu un lobbying agressif des producteurs du Québec, nous n'aurions pas d'industrie laitière aujourd'hui. Ce sont les gens les plus professionnels que je connaisse. Aux premiers jours du libre-échange, en 1988, vous vous souviendrez peut-être qu'il y avait eu une manifestation de 40 000 personnes sur la Colline parlementaire, par l'une des journées les plus froides qu'on ait jamais connues. Sans cette manifestation, nous n'aurions pas eu de gestion de l'offre parce que les Américains y étaient radicalement opposés, et encore aujourd'hui d'ailleurs. Les producteurs doivent s'unir et envoyer aux gouvernements, fédéral et provinciaux, le message qu'ils n'acceptent plus que les choses restent en l'état. Vous savez, quand un secteur commence à se plaindre, le ministre de l'Agriculture trouve un peu d'argent à lui lancer, pour le faire taire, et il déclare publiquement que les agriculteurs devraient commencer à faire autre chose et à se diversifier. Ça m'enrage. Le gouvernement devrait aider les agriculteurs à trouver des marchés pour leurs produits, les aider par la recherche et par des programmes. Il y a des marchés pour nos produits. Je vis à l'est de Toronto, au bord du lac, et je vois passer chaque jour huit trains de marchandises, chacun composé de six locomotrices tirant environ 180 wagons de céréales, à destination de Montréal, et il y en a probablement autant la nuit. Je vois bien les profits que font les compagnies de chemin de fer - et je vois les pertes qu'enregistrent les producteurs qui cultivent ces céréales. Il faut que ça change. Si vous ne protestez pas vous-même, qui va le faire? Vous devez faire preuve de détermination. Je prends peut-être trop de temps aujourd'hui mais, si nos gouvernements ne tapent pas sur la table lors des négociations commerciales, nous sommes perdus - je parle de commerce de pommes de terre, de pâtes et, maintenant, de l'eau. Il y avait dans le journal de ce matin un article disant que nous allons vendre notre eau. Le sénateur Stratton: Pourquoi pas? Le sénateur Tunney: Nous ne faisons jamais de bonnes affaires avec les Américains. Si j'avais le pouvoir, je dirais aux Américains que nous en avons ras-le-bol de leur harcèlement commercial. Évidemment, nous ne sommes pas sans atouts non plus. Si nous arrêtions de leur envoyer notre pâte à papier, leurs kiosques à journaux seraient vides en deux mois. Si nous arrêtions de leur envoyer notre gaz naturel, les lumières s'éteindraient cette semaine en Californie. Nous avons des atouts dans notre jeu mais nous sommes trop faibles pour les jouer. Quand on veut s'en sortir, il faut être prêt à se battre. Le président: Je demanderais aux témoins de répondre au sénateur Tunney, après quoi je donnerai la parole au sénateur Wiebe qui n'a pas encore posé ses questions. M. Harrison: Je suis assez d'accord avec vous. Cependant, puisqu'on parle de chemins de fer, nous nous battons contre eux depuis 100 ans. Hélas, les compagnies de chemin de fer contrôlent le ministère des Transports, et c'est ça qui doit changer. La demande de droits d'exploitation en est un bon exemple. Nous avons manifesté sur la colline parlementaire, cet automne. Qu'est-ce que ça donné? Rien du tout. S'il suffisait de manifester sur la colline parlementaire pour réussir en affaires - nous n'avons pas l'habitude de faire ça; nous devons être beaucoup plus malins que ça. Je ne suis pas d'accord avec vous, sénateur. Je pense qu'il y a au sein de ce comité et sur la colline parlementaire assez de sagesse pour agir plus intelligemment. Il faut commencer à faire les choses différemment. Il y a cinq ou six ans, la province a lancé un appel d'offres de coproduction d'électricité, afin d'utiliser la chaleur perdue des génératrices de la Saskatchewan pour produire de l'électricité. Il y a eu plusieurs bonnes propositions. TransCanada PipeLines a fait une proposition. Elle rejette de la chaleur à 111 degrés dans ses cheminées. Est-ce que la province a accepté ces propositions? Pas une seule. Si elle en avait accepté, nous aurions de l'énergie à revendre. Il y a plein d'uranium au nord de notre province. Y a-t-il en Saskatchewan un seul réacteur nucléaire pour démontrer que c'est une technologie sûre? Pas du tout. Nous sommes prêts à envoyer notre uranium dans le monde entier pour que d'autres s'en servent mais nous ne sommes pas prêts à l'utiliser dans notre arrière-cour. Il faut que nous acceptions de faire certaines de ces choses nous-mêmes, pour démontrer que ce sont des méthodes sûres. Voilà pourquoi je dis qu'il faut commencer à agir différemment, autant en Saskatchewan qu'au Canada. Et je ne pense pas qu'il faille manifester sur la colline parlementaire pour le démontrer. Le sénateur Wiebe: Tout d'abord, monsieur Motheral, vous dites avoir envoyé une lettre au premier ministre pour lui communiquer vos solutions à certains des problèmes. Pourriez-vous remettre un exemplaire de cette lettre au comité? M. Motheral: Sans problème. Le sénateur Wiebe: Ma première question porte sur la remarque qui vient d'être faite au sujet de l'obligation de verser des subventions pendant au moins 20 ans. Je pense qu'il faudra verser des subventions pendant la période de transition. Chaque agriculteur que je connais, et j'en connais beaucoup, a horreur des subventions. L'agriculteur ne veut pas qu'on lui fasse l'aumône. Si je disais aux agriculteurs de la province qu'ils peuvent s'attendre à recevoir une subvention, une aumône, pendant 20 ans, la plupart me répondraient simplement: «C'est fini, j'abandonne.» Nous attendons tous le jour où nous pourrons conduire une Cadillac, mais le jeune agriculteur dont l'avenir ne promet qu'un modèle T voudra faire autre chose. La solution n'est donc pas de verser des subventions à long terme. Il faut trouver de vraies réponses aux problèmes. Et l'un de ces problèmes - et c'est là-dessus que je veux votre réaction - c'est que nous semblons croire que beaucoup de nos problèmes sont reliés aux subventions. «Si nous pouvions simplement nous débarrasser des subventions, ce serait le paradis sur terre. Nos prix monteraient.» Pendant l'une des premières réunions de ce comité, j'ai posé cette question aux représentants du ministère de l'Agriculture: si on éliminait complètement les subventions, le prix des céréales monterait-il? Non, m'ont-ils répondu. Je leur ai ensuite demandé si le prix mondial resterait le même, même avec des subventions, et ils m'ont dit que oui. Le problème n'est donc pas qu'il y a des subventions. Les subventions sont là parce que les gouvernements d'Europe, les États-Unis, le Canada tentent désespérément de maintenir les agriculteurs sur leurs fermes. Voilà pourquoi notre gouvernement verse des subventions - il veut que les agriculteurs restent sur la ferme. Le problème est que nous produisons trop; nous produisons beaucoup trop de céréales. Et la question de savoir si un pays en produit plus qu'un autre n'a aucun sens. Par exemple, le prix du blé a baissé de quelques dollars lundi. Les projections sur la récolte de blé d'hiver du Texas étaient trop basses. En fait, la production sera plus élevée que prévu, et c'est ce qui a fait baisser le prix du blé. En revanche, le prix du Durham s'est redressé de manière spectaculaire. Pourquoi? Parce que les conditions climatiques aux États-Unis sont moins favorables que prévu pour la production du Durham. Cela me porte à croire que ce ne sont pas les subventions qui font problème, c'est la surproduction. Nous produisons beaucoup trop. Comment résoudre ce problème? Si je suis agriculteur, je veux obtenir les meilleurs rendements possible et je suis fier de pouvoir produire quelque chose avec ce que Dieu nous a donné. Si je suis au gouvernement, je dois chercher de nouvelles manières de vendre ce que nous produisons. L'éthanol est un exemple. Peut-être devrions-nous chercher à faire autre chose que du pain avec notre blé. Essayons d'éponger les excédents. À moins de dire aux agriculteurs qu'ils vont devoir retirer certaines terres de la production - et ce n'est évidemment pas quelque chose que je souhaite ni que je recommande - on ne va pas résoudre ce problème à long terme. Les gouvernements, et peut-être notre comité, devraient recommander une hausse considérable des budgets de R-D. Peut-être devrions-nous cesser de chercher des marchés d'exportation en Europe. Peut-être devrions-nous commencer à développer des marchés d'exportation Nord-Sud. Peut-être devrions-nous nous concentrer sur l'Amérique du Sud et sur les États-Unis, et développer avec eux des relations commerciales qui seraient beaucoup plus sûres que celles que nous avons maintenant avec l'Europe. Voici donc ma question: comment trouver de nouvelles idées pour utiliser les récoltes que nous produisons actuellement? Avant de terminer, je veux ajouter autre chose. On parle beaucoup de diversification. Certes, la diversification est nécessaire mais ce n'est pas la solution. Mes beaux-fils produisent des pois chiches depuis 10 ans, et ça leur a bien rapporté. Cependant, je pense que le prix des pois chiches sera très bas cet automne. Savez-vous pourquoi? Parce que trop d'agriculteurs se sont diversifiés dans le pois chiche et qu'il y a maintenant une offre excédentaire. C'est toujours le même problème. On produit toujours des excédents. Nous devrions concentrer nos efforts sur ce que nous faisons et sur la commercialisation de nos produits. Nous faisons un peu de transformation de nos produits mais nous devrions en faire beaucoup plus. Cela aiderait à sauver nos communautés rurales parce que les usines de transformation créent beaucoup d'emplois. Avant-hier, je visitais une usine d'éthanol à Ottawa. Cette usine offre 92 emplois. Nous pourrions avoir 20 de ces usines réparties dans nos provinces de l'Ouest et cela créerait 2 000 emplois. En ce qui concerne la volonté politique, et les gouvernements provinciaux vont devoir faire ça, les Américains exigent que chaque gallon d'essence contienne 10 p. 100 d'éthanol. Voilà le genre de chose que notre comité devrait examiner pour faire en sorte que l'agriculteur ne soit pas obligé de s'attendre à recevoir des subventions pendant 20 ans. Il faudra qu'il y ait des subventions pendant la période de transition mais nous devrions être capables d'offrir plus d'espoir aux agriculteurs. Vos commentaires, s'il vous plaît. Le président: Je vais juste faire une remarque. Pour ce qui est des excédents de céréales, n'oubliez pas que 2 milliards des 6 milliards d'habitants de la planète ne mangent pas à leur faim. Donc, à l'échelle mondiale, on ne produit pas trop de produits alimentaires. Le problème est que nous n'arrivons pas à distribuer ce que nous produisons et que ceux qui ne mangent pas à leur faim n'ont pas d'argent pour acheter notre production. Il faut faire attention quand on parle de surproduction. Certes, il y a de la surproduction, mais c'est comme pour les élevages d'animaux exotiques: tout le monde se précipite et, quand on arrive à avoir assez de semences et assez de bétail, le marché s'effondre. Quand j'entends dire que nous produisons trop de blé, alors qu'il y a des gens qui sont affamés, je me pose beaucoup de questions. M. Harrison: Je suis d'accord avec ce que vous disiez au sujet de la diversification, sénateur Wiebe. Il est préférable qu'un agriculteur se spécialise et fasse une chose très bien que de faire dix choses différentes et de les faire mal. Au sujet de la réaction du sénateur Gustafson, tant qu'il y aura des gens qui ne mangeront pas à leur faim sur notre planète, nous devrions viser à produire assez pour les nourrir. Nous envoyons de l'argent aux nations affamées en leur disant d'acheter des aliments n'importe où au monde, ce qui n'a absolument aucun sens. Nous ne devrions pas envoyer un seul centime d'aide aux pays étrangers, nous devrions envoyer des aliments. Le président: La Banque canadienne de céréales! M. Harrison: On envoie un peu d'aliments mais on devrait en envoyer plus. Pour ce qui est de l'emploi, il faut 6 000 emplois pour 1 million de porcs. Voilà un secteur dans lequel nous pourrions certainement nous développer en Saskatchewan. Pour ce qui est des subventions, je suis parfaitement d'accord quand vous dites que l'avenir ne doit pas consister à payer des subventions. Il faudra peut-être des subventions de transition mais il y a d'autres choses que nous pouvons faire nous-mêmes pour nous en sortir. Il existe sur le marché un type de fournaise qui fonctionne au blé. Quand les prix du carburant étaient beaucoup plus bas qu'ils ne sont aujourd'hui, il aurait été stupide de brûler du blé. Par contre, sur le marché d'aujourd'hui, c'est une chose qu'il faudrait examiner. Le sénateur Wiebe: Nous arrivons presque à la fin de la séance. Monsieur Harrison, je vous connais assez bien pour savoir que je peux vous téléphoner directement si j'ai d'autres questions à vous poser. M. Harrison: Et vous pouvez faire la même chose avec M. Motheral. Le sénateur Wiebe: Avant de conclure, cependant, je veux faire une remarque. Hélas, mon budget de recherche ne m'a pas permis de faire toutes les recherches que j'aurais voulu. Quelqu'un parlait plus tôt des économies d'échelle et du fait qu'il n'y a plus que de très grandes exploitations. Selon deux études que j'ai vues - ce sont deux études indépendantes sur le coût de l'agriculture, une concernant le sud-est de la province et l'autre, le sud-ouest. J'ai maintenant la traduction en français et je remettrai des exemplaires de ces études aux membres du comité. Une étude était consacrée à une ferme de 25 acres, l'autre, à une ferme de 4 000 acres. Ces deux études indépendantes montrent que même ces fermes ne pourront pas survivre si on ne s'occupe pas du long terme. Merci à nouveau de votre attention. Le sénateur Stratton: Nous entrons dans une période de transition de 20 ans. Certes, vous avez besoin d'argent mais, comme l'a dit le sénateur Wiebe, nous devons faire preuve de créativité. Vous êtes les gardiens de la terre, de cette polyvalence qu'on adore en Europe. Il y a quelques semaines, nous avons eu une séance intéressante avec Canards Illimités. Ils nous ont dit qu'il faudrait retirer les terres marginales de la production pour les remettre dans leur état d'origine. Conjuguez cette suggestion aux problèmes de l'eau. Nous faisons face à une crise nationale croissante en ce qui concerne l'eau. Nous avons la question de l'eau, le retrait des terres marginales, et vous qui êtes les gardiens de la terre. Ne pourriez-vous pas trouver quelque chose de créatif pour convaincre le gouvernement de prendre ces trois aspects du problème en considération? Vous êtes les gardiens de la terre - la question de la polyvalence. Ajoutez à ça le concept de Canards Illimités, qui me semble bon, et la crise de l'eau. Finalement, 125 000 agriculteurs vont prendre leur retraite au cours des 10 prochaines années. Il y en a actuellement 280 000 au Canada. Nous avons un problème. M. Motheral: Je peux faire une remarque au sujet de la polyvalence. Nous considérons que cela fait partie de l'approche multiple que nous recommandons. C'est certainement une des choses que nous pourrions examiner, c'est incontestable. En ce qui concerne les terres marginales, j'exploite ma ferme tout à côté de la frontière américaine. De fait, j'ai même un bureau de douane juste à côté de ma ferme. Même si j'avais des préoccupations et des problèmes avec certains de leurs programmes, au début, ils me semblent s'en sortir très bien en ce moment. Ils ont des programmes de terres mises en réserve, il y a un programme de conservation, ils ont un programme pour les terres marginales, et c'est très rentable pour le propriétaire foncier. Ils ont des dollars pour assurer la durabilité de la terre. C'est 40 $ à 50 $ l'acre. Nous collaborons avec Canards Illimités sur de nombreuses initiatives. Certaines municipalités les apprécient, d'autres pas. Toutefois, certains de leurs programmes n'offrent que de la petite monnaie. Ce n'est tout simplement pas une bonne solution. La solution est une combinaison d'aide gouvernementale et d'aide d'un groupe de conservation. Donc, je suis d'accord avec ça. Je pense qu'il y a une place pour ça, la durabilité. M. Harrison: Une brève remarque. En tant qu'agriculteurs, que résidents des zones rurales, nous protégeons l'habitat faunique pour rien, depuis toujours. La raison pour laquelle on a maintenant des problèmes avec ça, c'est que nous n'étions pas rémunérés. Canards Illimités et d'autres disent que cela devrait changer, et nous disons la même chose, et je pense que c'est une superbe idée. Nous collaborons avec Canards Illimités du Manitoba au sujet d'un incitatif fiscal, dans un projet pilote, et ils vont en lancer un en Saskatchewan. Je pense que c'est certainement quelque chose que nous recommanderons. Le sénateur Fairbairn: Je suis d'accord avec l'idée ou la réalité que les gens des villes ne comprennent pas les difficultés et les opportunités qui existent dans le Canada rural, ni l'importance fondamentale du Canada rural. C'est crucial. Il est important que vos organisations agissent avec les municipalités urbaines car celles-ci constituent en soi des centres de communication de vos préoccupations. Il n'y a aucun doute dans mon esprit que le gouvernement devrait également intervenir. Toutefois, la solution n'est pas de tout attendre du gouvernement. Il faut qu'il y ait coopération. Vous avez parlé de diffuser votre message dans les communautés urbaines. Ce qu'il faut, c'est aussi communiquer le bon message au gouvernement fédéral. Il faut envoyer la bonne information au gouvernement. Si les plans du gouvernement sont fondés sur des informations erronées, ou désuètes, cela aura de graves conséquences. Tout s'effondrera. Il faut tout simplement que l'on comprenne mieux le problème, dans tout le pays, pour ne plus entendre le sénateur LeBreton et d'autres dire que le reste du Canada s'en fout complètement. Je soupçonne que le reste du Canada serait beaucoup plus attentif s'il comprenait mieux. Avant de conclure et de vous remercier, je tiens à vous dire que, si vous voulez rester pour le comité suivant, notre Comité des affaires sociales, qui a entrepris une étude en profondeur du système de soins de santé canadien, vous entendrez aussi beaucoup de choses passionnantes. En lisant les documents qui m'ont été envoyés pour cette réunion, je me suis laissée envahir par un certain sentiment de désespoir. À la réunion d'aujourd'hui, nous parlerons de services de santé dans les régions rurales - et la santé rurale est un volet important de vos difficultés. Le président: Je tiens à remercier les témoins que nous avons accueillis aujourd'hui et à leur dire de ne pas perdre espoir. Le sénateur Fairbairn: Ne renoncez jamais. M. Motheral: Malgré le sentiment de désespoir, il y a beaucoup de choses positives qui se font quand même, et c'est ce qui nous fait continuer. La séance est levée.