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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 10 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 7 juin 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 34 pour examiner le commerce international des produits agricoles et agroalimentaires et les mesures à court et à long termes pour la santé du secteur agricole et agroalimentaire dans toutes les régions du Canada.

Le sénateur Jack Wiebe (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président: Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts est aujourd'hui à un point tournant. C'est en effet la première fois qu'une de nos réunions est diffusée en direct sur Internet. Je tiens à profiter de l'occasion pour souhaiter la bienvenue à tous ceux qui nous regardent à leur écran d'ordinateur ce matin. Je suis très heureux que nous disposions d'une autre manière de communiquer avec les citoyens sur les questions importantes dont s'occupe le Comité de l'agriculture.

Je souhaite la bienvenue à l'Association des producteurs agricoles de la Saskatchewan. Il s'agit d'une nouvelle association qui a vu le jour dans la province. Elle s'est donnée pour objectif de représenter tous les producteurs agricoles de la province. J'estime quant à moi qu'il y a longtemps que cela aurait dû se faire. Nous recevons ce matin le président de l'Association, M. Terry Hildebrandt et Mme Cecilia Olver, directrice de l'Association.

M. Terry Hildebrandt, président, Association des producteurs agricoles de la Saskatchewan: Mesdames et messieurs les sénateurs, c'est un honneur et un plaisir pour moi d'être invité à vous présenter notre proposition ce matin. Nous sommes une nouvelle association de la Saskatchewan dont les membres sont élus pour parler au nom du secteur de l'agriculture. La proposition que nous allons vous présenter vient de renseignements rassemblés auprès de nos adhérents à l'occasion d'assemblées tenues l'hiver dernier. Nous avons créé une structure qui doit aider à résoudre les problèmes auxquels notre secteur fait face.

Je vais vous décrire le Programme de transition stratégique et de revitalisation de l'agriculture de l'avenir, appelé START, et je répondrai à vos questions.

Les producteurs agricoles considèrent que le secteur des céréales et des oléagineux est une composante précieuse et importante de l'agriculture canadienne. C'est particulièrement le cas dans l'ouest du pays et nous estimons que ce serait faire preuve de manque de prévoyance de laisser le secteur se débattre seul avec les difficultés auxquelles sont confrontés les agriculteurs. Néanmoins, une rationalisation du secteur de la culture céréalière est nécessaire. Le programme START, que nous proposons, montre comment les producteurs sont prêts eux aussi à s'adapter.

Le secteur des céréales et des oléagineux fait face actuellement à des circonstances exceptionnelles qui empêchent les producteurs de s'adapter à l'évolution de la conjoncture et de diversifier leur activité au sein du secteur.

Certes, le Canada dispose de programmes destinés à servir de filet de sécurité, mais il est nécessaire de mettre en place un plan stratégique à long terme pour effectuer la transformation et le développement économique de l'agriculture canadienne au XXIe siècle.

Le programme START est une stratégie agricole en trois phases élaborée à partir des informations recueillies auprès des membres de l'APAS et à partir de suggestions du département d'économie agricole de l'Université de la Saskatchewan.

START est conçu comme un programme national. Il pourrait facilement et à peu de frais être administré par les divers régimes d'assurance-récolte provinciaux. Les frais d'administration pourraient ainsi être réduits au minimum.

J'ai dit que START est un plan stratégique en trois temps. Vous trouverez en page 7 du mémoire notre déclaration de principes et objectifs. Nous sommes d'avis que les producteurs sont les mieux placés pour gérer leurs ressources.

START apporte un soutien aux agriculteurs sous la forme de mesures d'encouragement aux pratiques respectueuses de l'environnement, à la diversification, qui ne circonscrivent pas les options des producteurs en matière de gestion. Le gouvernement canadien ne doit pas permettre qu'un secteur de ferme commer cial dynamique, comme celui des céréales et des oléagineux, soit démantelé ou paralysé à cause des pratiques commerciales inéquitables de nos concurrents étrangers, ou par suite de changements abrupts apportés à l'orientation de la politique agricole canadienne. La suppression du tarif du Nid-de-Corbeau nous a porté préjudice. Le processus de transition et de création de valeur ajoutée doit être intensifié, consolidé et accéléré afin que l'agriculture puisse être en meilleure posture pour faire face à d'éventuels ralentissements. La pénurie de capital et d'instruments de crédit freine considérablement la transition et la création de valeur ajoutée au sein du secteur agricole canadien. Tout programme qui entraîne des changements dans le secteur agricole doit être introduit graduellement. Une meilleure préservation de l'environnement profite à tous les Canadiens et la société devrait indemniser les propriétaires terriens qui assurent la protection, la conservation et l'assainissement de l'environnement.

START est un programme flexible qui permettra d'atteindre les objectifs suivants. Il apportera rapidement de l'argent aux agriculteurs. Il contribuera à la revitalisation des collectivités rurales par un accroissement de l'activité économique et en encourageant les jeunes familles à s'établir à la campagne. Il générera des fonds pour la création de valeur ajoutée. Il ajoutera un niveau de flexibilité au processus d'aide à la décision pour les exploitants agricoles. Il contribuera à la création de solutions progressistes pour la transition, la diversification et le développement des exportations agricoles. Il accroîtra le revenu net agricole par la soustraction de terres marginales des surfaces cultivées tout en assurant aux exploitants agricoles un loyer annuel au titre des retombées environnementales. Il contribuera à casser les cycles de rotation des cultures et à générer d'importantes retombées écologiques pour tous les Canadiens. Il améliorera l'habitat des espèces sauvages, la préservation des terrains marécageux ainsi que la qualité de l'air et de l'eau. Il contribuera à développer la résistance aux mauvaises herbes.

Brièvement, la phase 1 est une injection de fonds dans le secteur des céréales et des oléagineux pour mettre hors culture une partie des terres. Il ne faut pas abandonner ce secteur. Il faut injecter des fonds dans le secteur. Nous estimons aussi qu'il vaut mieux prévenir que guérir et ne pas attendre de demander de l'argent pour corriger le problème lorsqu'il existera.

Transférer des fonds aux producteurs, les encouragera à se diversifier ou à créer de la valeur ajoutée. Nous recommandons que jusqu'à 20 p. 100 des surfaces cultivées puissent être mises hors production. Cela fera disparaître 20 p. 100 du risque dans un secteur à fort coefficient d'intrants et à faible rendement.

Nous sommes convaincus que les exploitants sont ceux qui gèrent le mieux leurs ressources. Le programme sera facultatif et le producteur pourra mettre en production jusqu'à 20 p. 100 de ses terres. Nous serons moins en situation de gestion de crise et nous disposerons des fonds pour ensemencer le reste des terres. Grâce à la méthode agricole appropriée, comme les jachères chimiques et les engrais verts, le coût des intrants baissera lorsque les 20 p. 100 des terres seront remises en production l'année suivante. La deuxième année, on aura moins besoin d'engrais commercial.

La phase 1 traite des besoins du secteur des céréales et des oléagineux. La phase 2 fournira des encouragements pour améliorer les terres moins productives.

La Saskatchewan Crop Insurance Corporation nous dit qu'il y a encore entre 10 et 12 millions d'acres de terres peu productives qui servent à la culture des céréales et des oléagineux. Nous savons qu'il sera avantageux de rationaliser ces surfaces. Nous voulons que ces terres servent à des couvertures végétales favorables à l'environnement. Nous voulons que les agriculteurs s'engagent dans d'autres secteurs.

Vous trouverez en annexe deux options possibles pour la première phase. Dans la première, les paiements sont différents. Dans la première proposition, nous disons qu'il y a suffisamment d'argent dans les paiements compensatoires pour régler les problèmes du secteur. Dans le temps qu'il me reste, je voudrais parler de la productivité des sols et des entreprises de création de valeur ajoutée.

Veuillez vous reporter au graphique de l'annexe 2. Le projet de proposition qui s'y trouve est à l'échelle nationale. L'annexe montre que le programme pourrait être utile partout au pays. Les provinces n'emploient pas toutes les mêmes classements des sols, mais nous avons tous une méthode de mesure de productivité du sol. On peut donc se servir d'un indice.

En Saskatchewan, la classe normale est la classe H. Nous proposons 50 $ l'acre d'indemnité. Ici encore, le maximum est de 20 p. 100. D'autres facteurs entrent en considération selon que le sol est plus ou moins productif que celui de la classe H.

Nous offrons une autre formule pour les terres converties en couverture végétale permanente. Même si la terre est pauvre, si elle est recouverte de couverture végétale comme de l'herbe, des arbres ou de végétaux plus respectueux de l'environnement, elle donnera droit à l'indemnité de base de 50 $. Prenons par exemple le sol de classe M: l'indemnité normale serait de 21,99 $ l'acre.

L'année de l'installation de la couverture végétale permanente, le producteur recevra un paiement correspondant à l'indemnité versée pour le sol de classe normale en vertu de l'indice de productivité du sol. Il toucherait l'indemnité correspondant à la classe H.

C'est le remboursement qui serait versé aux producteurs qui épurent l'air et l'eau. L'indemnité serait de 25 $ l'acre pendant quatre ans. Ces indemnités consolideraient le concept d'un loyer environnemental par les producteurs qui exploitent leurs terres d'une manière plus avantageuse pour la société.

Selon cette formule, nous offrons une prime pour les terres plus productives. Nous en offrons une aussi pour les terres moins productives si elles servent à une couverture végétale plus avantageuse pour l'environnement.

L'exemple à la page 4 de l'annexe illustre le cas d'un producteur qui a converti en couverture permanente une surface de classe L. La première année, il toucherait 50 $ et 25 $ chaque année subséquente.

Outre le loyer environnemental, nous ajoutons à la dernière page de l'annexe ce que nous appelons le bon de diversification agricole. Le producteur y aurait droit de la deuxième à la cinquième année. Il serait encaissable et le producteur pourrait s'adresser au secteur bancaire pour obtenir des fonds destinés à la diversification.

L'obligation pourrait être convertie en espèces sur présentation de preuve qu'il a investi des sommes dans la diversification. Reprenons l'exemple de 200 acres mis hors production. L'exploitant qui met hors production 20 p. 100 de son millier d'acres toucherait 50 $ l'acre en bon de diversification agricole. Ce bon pourrait être converti en espèces sur preuve qu'il a créé une valeur ajoutée, diversifié son exploitation ou opéré une transition dans sa collectivité d'une valeur de 10 000 $.

C'est le volet le plus important de notre programme. Ce sont, d'après nous, les fonds d'amorce vers d'autres secteurs. Cette diversification s'applique non seulement à l'agriculture mais sera valable pour le tourisme, le golf, la fabrication, les parcs d'engraissement, les porcheries, et cetera.

Ce qui distingue de programme des autres, c'est que le producteur reste le propriétaire de ses terres. Pour avoir droit au bon, il doit créer de la valeur ajoutée dans sa localité. Cela permet de conserver la population en région rurale ainsi que l'infrastructure, les écoles, les hôpitaux, et cetera.

Pour obtenir les bons, il doit être prouvé que des emplois ou que de la valeur ajoutée seront créés. Ils doivent être créés dans un secteur connexe aux terres visées.

C'est ce qui est différent des autres programmes. Pour avoir droit aux bons, l'exploitant doit investir dans une entreprise de valeur ajoutée dans sa localité.

La phase 2 et le bon sont une forme d'encouragement à se lancer dans une entreprise de création de valeur ajoutée. Ce ne sont toutefois que des fonds de lancement. Il faudra en plus du capital-risque.

C'est ce que couvre la phase 3. Ce n'est qu'une esquisse. Nous savons que cela comprendra toutefois des crédits d'impôt pour les bailleurs de fonds en agriculture.

Pour que ces localités survivent, il faut que l'investissement soit garanti. Nous allons rencontrer M. Williams et le groupe Agri-vision. Ils ont déjà fait des travaux sur la question du capital-risque. Nous allons les rencontrer vendredi pour développer la phase 3. Nous espérons qu'elle sera en place d'ici à l'automne.

Pour conclure, nous disons que les céréales et les oléagineux ont encore de l'importance pour la Saskatchewan. L'économie d'un pays repose sur la production de matières premières. Les producteurs agricoles savent que les ressources renouvelables que sont les aliments et les fibres font tourner une économie de manutention, de transport et d'autres emplois reliés au secteur.

Nous pouvons nous diversifier et nous cherchons des manières de créer de la valeur ajoutée en Saskatchewan et partout au pays. Dans notre province, il y a 30 millions d'acres où nous pouvons cultiver des céréales et des oléagineux. Ce secteur est trop important pour notre économie pour le laisser péricliter.

Nous sommes prêts à envisager des changements. Nous sommes prêts à faire notre part pour changer. Dans la phase 2, nous disons comment nous pouvons commencer. Il y a des points communs entre la situation actuelle et là où les améliorations sont possibles. Toutefois, personne ne sait comment y parvenir. C'est ce que nous proposons comme point de départ. Les producteurs, eux, sont prêts à faire leur part.

Il y a une nouveauté dans notre document. Nous disons à nos concitoyens que nous avons plus à offrir que le blé, le boeuf et le porc. Nous pouvons assurer l'intendance de l'environnement. Nous l'avons fait par le passé et nous sommes disposés à le faire dans l'avenir. Un environnement propre, chose d'une grande importance pour nous tous, peut faire partie de ce que nous offrons. Nous devons toutefois être dédommagés des mesures que nous prenons pour assurer la qualité de l'environnement.

Les producteurs pourraient aussi ensemencer leur terre avec des arbres pour faire pousser du bois dur, mais nous n'avons pas les moyens d'attendre 20 ans pour les abattre. Pendant cette période, les arbres élimineront le carbone et épureront l'air. Nous sommes convaincus que c'est avantageux pour nos concitoyens du pays et de la planète. C'est pourquoi nous offrons un loyer environnemental.

Le bon de diversification agricole distingue également notre programme des autres puisque nous restons propriétaires et gestionnaires des terres. La seule façon dont nous pouvons encaisser ces bons, c'est de créer des emplois ou des industries dans nos localités.

Pour l'Association des producteurs agricoles de Saskatchewan, il est important que nous puissions rester propriétaires de notre terre. Le monde entier sait l'importance d'un environnement et d'aliments propres. Nous vous disons que la façon la plus crédible d'en faire une réalité est de nous permettre d'être les gardiens de ces terres.

En Saskatchewan, la vie à la campagne est dure. Si la situation perdure, le coût sera énorme pour le pays. Demeurez propriétaire et pouvoir exploiter sa ferme de façon indépendante encourage les jeunes à rester à la campagne, à trouver un emploi et à se bâtir un avenir.

L'âge moyen de l'agriculteur en Saskatchewan est de 59 ans. Il n'y a pas de relève parce que l'avenir agricole est bouché. Nous voulons déboucher l'avenir. Nous voulons aussi participer aux changements qui s'imposent.

Je vais terminer là-dessus. On nous a dit qu'il est rare qu'une association agricole fasse la promotion de ce genre de program me. Mais nous sommes prêts à aller de l'avant. Nous ne sommes plus prisonniers du statu quo qui nous force à cultiver du blé pour le mettre dans un wagon pour gagner notre vie. Nous pouvons cultiver des arbres ou faire autre chose. Comme producteurs, nous aimerions être à la table des négociations et avoir voix au chapitre lorsque les décisions seront prises.

Nous voulons avoir la main sur le gouvernail et non être laissés en rade. Il va se passer des choses dans l'environnement et nous voulons être de la partie.

J'espère que vous saurez voir ce qu'il y a de bon dans notre proposition. Nous savons que ce n'est qu'un projet et qu'il va changer. Nous l'avons envoyé à d'autres associations agricoles et nous attendons leurs réactions. Nous espérons que vous y verrez la base d'un nouveau départ. Nous voulons être entendus. Nous voulons surtout conserver notre gagne-pain en milieu rural.

Nous vous remercions de l'occasion qui nous a été donnée de comparaître devant vous aujourd'hui. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le vice-président: Merci.

Le sénateur Stratton: Je ne veux pas être impoli, mais j'aimerais savoir pourquoi nous avons besoin d'une autre association d'agriculteurs. Combien de porte-parole ont les agriculteurs de la Saskatchewan? Combien d'associations y a-t-il dans l'Ouest? Au Canada? Tous ces porte-parole se font entendre et chaque voix est différente. Elles ne parlent pas à l'unisson. Le résultat, c'est que rien ne semble se passer. C'est à dessein que je suis dur avec vous et je m'en excuse, mais je crois que c'est nécessaire. En quoi votre voix changera-t-elle les choses? En quoi êtes-vous différents de la FCA ou d'une autre association?

M. Hildebrandt: Plusieurs voix se font effectivement entendre en Saskatchewan, mais nous n'avons pas de grande association agricole. Nous avons des regroupements de producteurs de telle ou telle culture, d'éleveurs, et cetera. Ils ne représentent pas plus de 2 p. 100 des producteurs. Beaucoup de producteurs n'ont pas de porte-parole.

Vous avez dit que beaucoup de voix se font entendre. C'est ce que nous essayons de changer. Chez nous, des porte-parole sont élus dans chaque localité ou municipalité régionale. Qu'ils soient producteurs de blé ou de boeuf, de droite ou de gauche, les gens peuvent présenter un candidat. Ils peuvent donc participer à l'élaboration de politiques. Ce document a vu le jour dans des assemblées publiques.

La FCA fait son travail à l'échelle provinciale. Elle nous a invités à se joindre à elle. Le Saskatchewan Wheat Pool appartient à la FCA. Nous voulons que notre secteur appartienne à une instance nationale.

Même si la situation est différente en Saskatchewan et en Ontario, nous avons des points communs parce que nous avons nous aussi décidé de nous engager dans la production d'aliments et de fibres. Il faut que nous devenions un secteur national.

C'est pourquoi nous proposons ce projet à l'échelle nationale. Nous savons que plusieurs changements doivent y être apportés pour que cela soit réalisable. En théorie, nous sommes prêts à apporter les changements qu'il faut. Nous sommes prêts à agir pour faire des progrès.

Nous ne faisons pas que créer une autre association. Quatre-vingt-six pour cent des producteurs de la Saskatchewan n'arrivent pas à se faire entendre parce qu'ils n'appartiennent à aucune association qui soit leur porte-parole. Nous essayons de le devenir au moyen d'un scrutin démocratique.

Le sénateur Stratton: Y a-t-il des associations semblables, comparables en Alberta, au Manitoba ou en Ontario?

M. Hildebrandt: Oui.

Le sénateur Stratton: Avez-vous l'intention de vous transformer en fédération nationale ou allez-vous vous incorporer à la FCA?

M. Hildebrandt: La Saskatchewan est la seule grande province productrice d'aliments qui ne soit pas dotée d'une association agricole générale. Nous avons parlé du CAP au Manitoba, de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario, de l'UPA au Québec et de la Wild Rose Association de l'Alberta. Voilà le genre de grande association que nous essayons de créer en Saskatchewan. Notre activité nationale se ferait par l'intermédi aire de la Fédération canadienne de l'agriculture.

Le sénateur Stratton: Je vois que dans la phase 1, on veut encourager la réduction des surfaces cultivées. C'est une bonne chose à mon avis parce que l'on ensemence des terres marginales par obligation. Canards Illimités était ici il y a quelques semaines et a fait une proposition plutôt intéressante. Avez-vous parlé avec cette organisation?

M. Hildebrandt: Non.

Le sénateur Stratton: Je vous encouragerais à le faire parce qu'elle recommande que 25 p. 100 des terres d'une municipalité soient remises à l'état naturel. De cette façon, il y aurait davantage de terres marécageuses. L'organisation estime que cela créerait de nouveaux habitats. Cela vaudrait la peine d'en discuter avec elle parce que je trouve la proposition intéressante. Elle mérite qu'on l'approfondisse. Les États-Unis ont-ils un program me de mise hors production comme celui-ci?

M. Hildebrandt: Oui. Nous avons examiné leurs programmes et c'est pourquoi nous préconisons un maximum de 20 p. 100 par année à mettre hors production. Le programme américain n'est pas plafonné et les localités peuvent donc tout convertir en herbe et transmettre leur enveloppe à la Floride. Ça a tué l'infrastruc ture. Ça a tué l'agroalimentaire dans les villages. Avec 20 p. 100, vous auriez le même résultat et tout serait converti en couverture végétale permanente. Pendant ces cinq années, vous pourriez vous livrer à une autre activité.

Je ne suis pas ici pour déblatérer contre les autres programmes. La différence avec le nôtre, c'est que nous continuons d'être propriétaires et de gérer les terres. Pour que la mise hors production profite, il faut faire de l'expansion dans la collectivité. Cela ne s'arrête pas à la seule mise hors de production.

Il y a des avantages environnementaux dans les deux programmes, mais qu'arrive-t-il dans les localités? On n'a plus besoin des gens. C'est maintenant un habitat pour les canards. Dans notre plan à nous, on crée le même environnement. Mais en plus, on encourage l'économie parce que l'on garde la population et que l'on crée une entreprise qui ajoute de la valeur. L'entreprise pourrait être un atelier de fabrication de clôtures pour les nouveaux parcs d'engraissement. Ce sont des emplois et c'est rentable.

Canards Illimitée a un programme de location alors qu'avant ils achetaient. Le problème avec l'achat, c'est que même si vous conservez votre assiette fiscale, vous perdez beaucoup de gens. Comme Canards Illimitée, nous avons des inquiétudes à propos de l'environnement et de l'habitat.

Ce que nous disons, c'est que les terres au Canada devraient rester entre les mains de ceux qui s'y sont établis et qui s'en occupent. Conservons le loyer environnemental entre les mains de ceux qui peuvent en apprécier les avantages. Je ne sais pas exactement d'où vient l'argent pour ces programmes. C'est pourquoi je me demande qui contrôle vraiment les terres. Ça m'inquiète.

Le sénateur Stratton: La valeur ajoutée m'intrigue. Nous avons discuté avec quatre ou cinq agriculteurs avant-hier. Un d'eux a dit clairement avoir essayé d'ajouter de la valeur. Un d'eux était un cultivateur de céréales et d'oléagineux. Il s'était converti dans l'élevage, je crois. Toute sa famille travaillait et il devait travailler deux fois plus fort parce qu'ils avaient du bétail. Leurs résultats financiers n'ont pas changé et ils trimaient beaucoup plus dur.

Leur opinion était bien nette. Ils avaient fait l'essai de la diversification et de la valeur ajoutée et ils n'y croyaient plus.

C'est ce qui leur est arrivé. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Hildebrandt: Dans mon introduction, j'ai parlé de la légitimité des céréales et des oléagineux. Nous disons aussi que nous voulons faire ce que nous pouvons sur les terres de plus faible valeur. Rationalisons le plus possible.

Nous ne disons pas que la valeur ajoutée est l'alpha et l'oméga. Nous pourrions doubler les troupeaux de vaches, mais en Saskatchewan, il nous faudrait quand même encore cultiver entre 25 et 30 millions d'acres d'oléagineux et de céréales. Il faudra encore exporter entre 60 et 70 p. 100 de cette récolte. Nous disons que c'est légitime. Avec notre proposition, nous voulons rationaliser. Cette idée ne sera pas la solution à tel ou tel problème, mais c'est une façon de trouver des solutions.

Il y a du potentiel dans la valeur ajoutée. La Saskatchewan exporte 80 p. 100 de ses veaux à engraisser en Alberta. L'orge dont ils ont besoin les suit et aussi nos jeunes, qui vont travailler là-bas. Nous pourrions les garder si nous ajoutions de la valeur. Cette valeur ajoutée pourrait rester chez nous.

Nous avons fait de la diversification à l'intérieur des céréales et des oléagineux. C'est ce que ces autres agriculteurs disent. Nous avons diversifié à fond. Nous avons transformé une fausse industrie qui occupait de petites surfaces en un gros pourcentage de ce que nous faisons. Grâce à la diversification des cultures de céréales et d'oléagineux et grâce à l'immensité des terres que nous avons en Saskatchewan, nous pourrions pénétrer dans des marchés à créneaux et inonder le marché avec une seule culture. Je parle des pois chiches.

Le gouvernement fédéral ne semble pas s'en rendre compte. Le marché à créneaux est un marché limité. La Saskatchewan a 50 millions d'acres de terre et les conversations à propos de marchés à créneaux et de la culture potagère d'aliments fonctionnels sont souvent irréalistes.

Dans ce document, nous préconisons la rationalisation de certaines cultures de céréales et d'oléagineux. Certains producteurs faisaient la culture de céréales sur des terres qui se prêteraient davantage à un programme de dépollution environnementale qu'à la culture de céréales. C'est ce que l'on entend par rationalisation. Je ne veux pas m'écarter du sujet.

Je crois que le gouvernement peut prendre deux orientations en ce qui concerne l'agriculture.

Tout d'abord, les négociations à l'échelle mondiale devraient déterminer les raisons pour lesquelles les céréales et les oléagineux font l'objet de ce que l'on appelle une gestion de crise. Deuxièmement, la communauté internationale devrait examiner ce que font les producteurs. La solution n'est pas toujours de transformer un céréaliculteur en éleveur de bovins simplement parce que l'on peut faire de l'argent dans ce secteur. Nous savons tous que les marchés peuvent connaître des revirements soudains.

Le présent document fait valoir que la rationalisation est une bonne chose. Nous mentionnons la Saskatchewan, mais je crois qu'il existe des terres marginales dans la plupart des provinces qui bénéficieraient des propositions présentées dans ce document.

Il s'agit d'un programme facultatif et les chiffres indiqués dans les propositions ne sont pas gravés dans le béton. Il peut être nécessaire de les modifier en fonction de la situation propre à une province. Ce programme n'est peut-être pas nécessaire dans toutes les provinces.

Nous sommes des innovateurs. Nous devons l'être pour faire la culture des céréales et des oléagineux. Nous sommes suffisamment innovateurs pour envisager un changement. Si le changement signifie de dépolluer l'environnement pour conserver notre mode de vie agraire, nous sommes suffisamment innovateurs pour envisager cette option.

Je crois que le gouvernement fédéral tend à partager cette opinion. Il dit que si un agriculteur perd de l'argent dans la culture de céréales pendant deux ou trois ans, cet agriculteur devrait se retirer de la culture des céréales. Rationalisons la situation. Une fois que l'on commence à y voir plus clair, la production des matières premières des céréales et des oléagineux est un important facteur de relance. Nous ne pouvons pas permettre qu'on la réduise.

Le vice-président: J'aimerais commenter votre proposition du retrait volontaire de 20 p. 100 des terres en culture. Mon épouse cultive des terres au sud de Regina et je ne peux pas envisager qu'une forte proportion de ces terres soit retirée parce qu'elles sont extrêmement productives. Mon exploitation agricole se trouve au sud-ouest de la Saskatchewan. Il y a beaucoup de terres là-bas qui n'auraient jamais dû être labourées. Ce programme de retrait des terres en culture encouragerait les agriculteurs à ne pas toucher à ces terres.

Je crois qu'il est important d'offrir cette option à chaque agriculteur. Il faudrait aussi prévoir une certaine souplesse au niveau du pourcentage qui s'appliquera à l'ensemble de la province. Par exemple, plutôt que de le limiter à 20 p. 100 dans le sud-ouest, vous pourriez le limiter à 25 p. 100 et réduire le pourcentage pour la région entourant Regina à 15 p. 100. De cette façon, on procéderait au retrait des terres pour lesquelles un retrait s'impose. Nous donnerions également à l'agriculteur la possibilité de prendre lui-même cette décision.

M. Hildebrandt: Vous avez tout à fait raison. Nous avons des régions qui se prêtent aux marchés à créneaux. Par exemple, le climat est bon pour le pois chiche à l'ouest de la province et les agriculteurs pourraient tirer de meilleurs profits de ce marché en particulier. Il est possible que la directive du 20 p. 100 ne marche pas pour eux. Vous avez raison.

Nous avons des régions qui pourraient atteindre d'autres marchés. Nous devons prendre garde à ne pas inonder ce marché trop rapidement, car ces cultures représentent un tout petit marché à créneaux.

Le vice-président: La diversification et la valeur ajoutée sont des choses différentes. La valeur ajoutée, c'est lorsqu'il y a transformation. Nous devons trouver des moyens de permettre aux agriculteurs de participer aux profits provenant de cette valeur ajoutée.

Les agriculteurs sont les plus grands innovateurs pour ce qui est de trouver des moyens de se diversifier. Éventuellement, vous pourriez trouver un marché à créneaux qui fonctionne bien. Mon beau-fils, par exemple, fait la culture de pois chiche depuis trois ans. Il s'est extrêmement bien débrouillé au cours de ces trois ans. Il a tout investi dans le pois chiche cette année encore. Malheureusement, lui-même ainsi que de nombreux producteurs de pois chiche croient que d'ici l'automne, la valeur ne sera pas aussi élevée qu'elle l'a été par le passé. Il s'agit d'un autre nouveau secteur dans lequel nous nous sommes lancés où l'offre est devenue excédentaire. Il faudra un certain moment que nous remédions à cette situation.

Le sénateur Tunney: Je suis un exploitant de ferme laitière de l'Est qui s'intéresse beaucoup au sort des agriculteurs des Prairies. J'aimerais enchaîner un peu sur les premières questions du sénateur Stratton. Êtes-vous vous-même un agriculteur?

M. Hildebrandt: Oui.

Le sénateur Tunney: Existe-t-il une fédération de l'agriculture de la Saskatchewan?

M. Hildebrandt: Non.

Le sénateur Tunney: Une telle organisation a-t-elle déjà existé?

M. Hildebrandt: Oui, mais je crois qu'elle a disparu avec le Nid-de-Corbeau.

Le sénateur Tunney: Existe-t-il un syndicat d'agriculteurs ou une autre organisation générale d'agriculteurs en Saskatchewan?

M. Hildebrandt: Il existe une subdivision du Syndicat national des cultivateurs. Elle compte très peu de membres dans la province. Elle est reconnue comme la seule autre organisation générale de cultivateurs.

Le sénateur Tunney: Êtes-vous aussi économiste?

M. Hildebrandt: Non.

Le sénateur Tunney: Certains de vos travaux me donnent l'impression que vous pourriez être économiste.

J'aimerais passer à la question de la valeur ajoutée. Le sénateur Stratton et moi-même avons eu l'autre soir une expérience qui s'est avérée un désastre. J'ai dîné avec les agriculteurs dont a parlé le sénateur Stratton. Durant notre conversation, on m'a dit quelque chose qui m'a un peu stupéfié. Les cultivateurs m'ont dit que dans les cas où ils connaissent de sérieuses difficultés financières et sont en retard dans leurs paiements auprès de la Société du crédit agricole, ils règlent leurs problèmes en refinançant leurs dettes. Parce qu'ils sont en retard dans leurs paiements au point où il pourrait être nécessaire de déménager, ils refinancent leurs dettes à l'aide du crédit agricole, c'est-à-dire les arrérages sur le principal et sur l'intérêt, et en fait, ils se trouvent ainsi à perdre plus de leur valeur nette réelle.

C'est une solution épouvantable.

Hier, j'ai eu la visite de deux membres de l'Association des hydrateurs. Je l'appelle l'Association des «déshydrateurs», mais ils s'appellent des hydrateurs. La déshydratation signifie retirer l'humidité de la masse et l'hydratation signifie ajouter de l'humidité à la masse. Cependant, j'ai eu avec eux une conversation extrêmement intéressante.

Ce commentaire est une façon d'amener la question des solutions de rechange en agriculture. Je ne connaissais rien à propos de l'Association des hydrateurs, qui est une entreprise constituée en société avec actions. Elle a connu beaucoup de succès pendant des années jusqu'à l'effondrement de l'économie japonaise, ce qui a entraîné un ralentissement des commandes auprès du Canada. En passant, ils occupaient et occupent toujours 98 p. 100 de ce marché.

Ils utilisent une superficie et un tonnage incroyables de luzerne pour faire des granulés pour l'alimentation de la volaille et des porcs et pour fabriquer des galettes comprimées ou des cubes de fourrage comprimés pour les bovins laitiers. C'est une entreprise profitable tant pour les cultivateurs de luzerne que pour les secteurs de la transformation et de la commercialisation.

La Loi sur la Société du crédit agricole sera modifiée. La modification permettra à cette société de prêter de l'argent à des entreprises commerciales qui comportent un élément agricole. Je considère que ce changement offre de nombreuses perspectives intéressantes.

Je tiens aussi à mentionner le chanvre comme autre produit. Cultive-t-on le chanvre dans votre région? Pour bien des raisons, le chanvre est un produit qu'on a négligé. C'est une culture que nous devrions envisager.

Vous avez parlé du programme de retrait des terres qui ne se prêtent pas très bien à la production des céréales, d'oléagineux ou de légumineuses à grains. Cependant, ces terres réservées pourraient être bonnes pour le foin. Le séchage du foin qui est aggloméré à l'aide d'une presse à des fins d'expédition est un processus simple.

Nous devons aussi envisager des cultures de rechange, en plus de la mise hors production des terres. Cela s'appliquerait aux terres qui sont marginales et peut-être même à des terres qui ne se prêtent pas du tout à l'agriculture.

Votre proposition est assez compliquée. Nos ministères de l'agriculture adoptent souvent des programmes qui sont compliqués et plus ils sont compliqués, plus ils deviennent désastreux. Je parle de programmes comme le CSRN et l'ACRA qui ont présenté toutes sortes de problèmes.

M. Hildebrandt: Nous sommes en train de nous acheminer vers votre notion de valeur ajoutée. En tant que producteurs primaires, nous nous rendons compte que les secteurs qui sont lucratifs sont ceux de la transformation des aliments et le secteur à valeur ajoutée. Il faut qu'on nous permette de participer à ce processus. Je tiens à ce que vous reconnaissiez que l'industrie en Saskatchewan a épuisé son crédit et son capital. Nous avons épuisé nos capitaux propres pour établir la balance de nos comptes.

Nous reconnaissons l'importance de la valeur ajoutée et lorsque la loi sera modifiée, elle nous permettra peut-être d'entrer sur le marché de l'éthanol, par exemple, afin que nous puissions vendre de l'éthanol produit en Saskatchewan dans le sud de l'Ontario. Les gens et les entreprises seront prêts lorsque les changements auront lieu. Ces possibilités existent effectivement.

Nous n'avons pas besoin d'un autre endroit bon marché auquel donner nos céréales. Nos compartiments de stockage ne sont pas pleins. Il y aura des preneurs. Nous devons faire partie de la valeur ajoutée. Nous devons devenir en partie propriétaire de ces liens de la valeur ajoutée et le bon de diversification assure les capitaux de lancement pour le faire.

La phase 3 nous permettra d'aller chercher les capitaux requis. Les initiatives sont illimitées et les possibilités énormes. Nous nous sommes diversifiés, entre autres, dans le wapiti et le bison de spécialité. Nous n'avons pas d'abattoir distinct pour desservir ces exploitations. Les possibilités sont énormes.

Ainsi, j'ai un voisin qui est en train d'ensemencer 300 acres de peupliers deltoïdes. Il s'agit d'un arbre hybride qui arrive à maturité en 17 à 20 ans, après quoi il peut être récolté. Sa principale occupation consiste à fabriquer du matériel agricole. Il va donc réserver une partie de ses terres à cette fin pendant 17 ans, après quoi il recueillera des recettes prévues de 3,2 millions de dollars grâce au bois d'oeuvre sur ces 300 acres. Il peut le faire mais nous ne pouvons pas tous nous permettre d'agir ainsi. Si, au cours de ces 17 années, ces acres de terres permettent de dépolluer l'air, nous allons alors les administrer, les maintenir et les cultiver. Au nom des Canadiens, nous allons alors procéder à cette récolte lorsque le marché se présentera. Les possibilités sont illimitées.

C'est ainsi que nous voyons les choses. Nous sommes prêts à envisager cela de façon générale. Nous ne sommes pas des producteurs de blé qui tiennent au statu quo.

Si on regarde l'histoire des provinces, on constate que les pionniers se sont établis dans des régions où ils pensaient faire certaines cultures. On ne trouve pas de l'eau partout en Saskatchewan. Il peut y avoir de l'eau mais qui ne convient pas au bétail. Ils se sont établis sur certaines terres afin d'y cultiver des céréales. C'est ainsi que la Saskatchewan a été bâtie. Et c'est la raison pour laquelle elle a été colonisée de cette façon-là.

Il faudra peut-être prévoir une certaine rationalisation. Il y a certaines terres où l'on cultive des céréales, qui ne devraient pas servir à cette culture. Il existe des situations uniques dans chaque province. Les possibilités qu'offre le système à valeur ajoutée sont énormes.

Une voix: Où se trouve votre exploitation agricole?

M. Hildebrandt: Mon exploitation agricole se trouve à Langenburg, en Saskatchewan.

Il faut reconnaître qu'on aura besoin de capitaux importants pour apporter ce genre de changement. Nous manquons de capitaux. Depuis cinq ans ou plus, le prix des céréales a été à la baisse. Nous pouvons maintenant nous adresser à des sociétés céréalières qui nous accorderont du crédit pour que nous achetions des semences pour cultiver davantage de céréales. C'est un cercle vicieux. Le bon de diversification agricole nous fournira les capitaux de lancement qui nous permettront de prendre de nouvelles orientations.

Le vice-président: Il nous reste une heure.

Le sénateur Oliver: Monsieur le président, je serai bref car les sénateurs Stratton et Tunney ont abordé la question que j'allais poser à propos de la valeur ajoutée. On a indiqué que la vraie valeur économique de l'agriculture dans l'Ouest, c'est la production du produit brut. J'ai été frappé par cette déclaration mais on ne semble pas avoir compris l'argument présenté à propos de la diversification et de la valeur ajoutée.

Le président a indiqué qu'il existe une énorme différence entre la diversification et la valeur ajoutée. La diversification signifie des cultures différentes, ce que nous comprenons tous. La valeur ajoutée, c'est quelque chose de tout à fait différent. En ce qui concerne le commerce, l'un de mes intérêts se situe au niveau de la valeur ajoutée. Je suis allé au Japon à plusieurs reprises selon nos interlocuteurs, les Canadiens ne devraient pas essayer d'y vendre du poisson cru ou des billes de bois. Pour faire de l'argent au Japon, il faut fournir à l'économie japonaise ce dont elle a besoin, soit des produits canadiens à valeur ajoutée. Si les principales économies produisent des oléagineux et des céréales, il faudrait envisager des produits à valeur ajoutée.

Je travaille dans le secteur du bois ou des arbres. Nous ne voulons pas simplement vendre une bille de bois, un arbre, du bois d'oeuvre ou une maison préfabriquée. Nous devons envisager de vendre des cure-dents, des baguettes, des tasses en papier et du carton. C'est à partir d'un arbre que sont fabriqués tous ces produits. C'est ce que j'appelle la valeur ajoutée. D'après ce que j'ai entendu, les cultivateurs ne tiennent pas compte de la multitude de choses que l'on peut faire avec ces produits au niveau de l'exportation et de leur utilisation.

Vous pouvez peut-être dissiper l'impression que j'ai eue en écoutant votre exposé que vous ne parliez pas de la véritable valeur ajoutée, telle que je la comprends.

M. Hildebrandt: Je ne crois pas que ce soit le cas. Une industrie de production de matières premières sert de stimulant à l'économie. Cela se fait en ajoutant de la valeur à une matière première, mais sans la matière première, il est impossible d'y ajouter de la valeur.

Le sénateur Oliver: Ce n'est pas lucratif.

M. Hildebrandt: Si vous n'avez pas l'arbre pour fabriquer le cure-dents, ce n'est pas lucratif non plus. La même situation s'applique si vous n'avez pas les céréales pour fabriquer du pain.

En tant que producteur primaire de céréales et d'oléagineux, nous parlons des problèmes que connaissent les marchés internationaux en raison de la baisse des prix attribuables aux subventions. Pourquoi les agro-entreprises ont-elles réussi à étoffer leurs marges et conserver leurs profits une conjoncture où le boisseau de blé se vend 3 $ alors que la personne qui cultive le blé et qui crée la valeur ajoutée et qui crée l'emploi ne peut pas conserver ses profits?

Nous voulons participer à des initiatives à valeur ajoutée. Cependant, il ne peut pas y avoir de valeur ajoutée sans la matière première. Si l'argent n'est pas canalisé vers le producteur qui crée la matière première et est strictement destiné à la valeur ajoutée, très bien. Nous sommes disposés à nous rendre là mais nous avons besoin d'une aide quelconque pour y arriver. Nous n'avons pas le crédit qu'une multinationale peut avoir pour y parvenir.

Le sénateur Oliver: Si je vous ai bien compris, il faut qu'on nous permette de participer à ces systèmes de valeur ajoutée. Il me semble qu'à votre place, je garderais la matière première jusqu'à ce que j'aie la garantie d'obtenir une partie de l'argent ou de la valeur réelle ajoutée. Le profit, l'argent, les recettes proviennent du produit qui présente cette valeur ajoutée, et c'est ce que recherchent les marchés internationaux. La simple matière première ne les intéresse plus, surtout dans un pays comme le Japon où les coûts de fabrication des produits à valeur ajoutée sont beaucoup plus élevés que les nôtres.

M. Hildebrandt: Je tiens à préciser que dès qu'un produit est fabriqué à partir de cette matière première, il existe certains mécanismes de contrôle de l'offre et de la demande qui justifient un prix en particulier. Nous n'avons pas ce même luxe avec la matière première. Nous n'avons pas de contrôle sur son coût de production. Ce printemps, le nitrogène a connu une augmentation de 63 p. 100. Nous n'avons pas de contrôle là-dessus. Une fois qu'un produit est fabriqué, il fait l'objet d'un certain contrôle. Nous ne pouvons pas garder cette matière première jusqu'à ce que nous obtenions ce que nous en voulons. En tant que producteurs primaires, nous n'avons pas ce luxe.

Le sénateur Oliver: Les agriculteurs continuent simplement à faire l'élevage du porc ou la culture des céréales ou des pommes de terre et non des croustilles. McCains se débrouille bien parce qu'il s'agit de produits à valeur ajoutée. Elle ne cultive pas elle-même beaucoup de pommes de terre.

M. Hildebrandt: Est-il juste que cette entreprise se débrouille bien et que le type qui lui fournit la matière nécessaire pour faire des croustilles n'arrive pas à gagner sa vie?

Le sénateur Stratton: Au Manitoba, les agriculteurs qui vendent des pommes de terre à McCains se débrouillent bien.

M. Hildebrandt: Nous sommes prêts à rationaliser certaines activités et ici encore, je parle de la Saskatchewan.

Mme Cecilia Olver, directrice, Agricultural Producers Association of Saskatchewan: L'honorable sénateur a raison, il faut que nous participions au système à valeur ajoutée. C'est pourquoi la deuxième partie de notre proposition consiste à donner aux agriculteurs une part de ce produit. M. Hildebrandt a déclaré que la raison pour laquelle nous devons envisager de recourir au BDA, c'est parce que nos crédits sont épuisés. J'aimerais montrer au comité une carte faisant état de la situation dans la région de la Saskatchewan où je vis. Nous sommes des agriculteurs à temps plein dans cette région et il s'agit donc d'agriculteurs que je connais. La partie verte indique les agriculteurs âgés de plus de 65 ans encore actifs. La partie orange indique les agriculteurs de 45 ans qui ont quitté l'agriculture au cours des trois dernières années. Nous avons dit que l'âge moyen des agriculteurs est de 59 ans et ce chiffre va augmenter de façon spectaculaire.

Le sénateur Stratton: Que va-t-il se passer lorsqu'ils prendront leur retraite?

Mme Olver: C'est la raison pour laquelle le programme START est intéressant. L'agriculteur de 65 ans se trouve à l'extrémité inférieure. Il y a de nombreux agriculteurs de 75 ans dont le fils de 40 ans vient de partir et l'agriculteur âgé se retrouve avec plus de terre que prévu. Il est endetté comme il ne l'a jamais été auparavant. Cette mise hors production de terres lui serait utile parce qu'il pourrait mettre de côté une partie de ses terres. Cela aiderait alors la collectivité parce que le bon de diversification agricole créera des emplois. S'il y a des emplois dans la collectivité, cela attirera les jeunes. Les jeunes pourraient choisir de retourner à l'agriculture ou du moins de retourner prêter main-forte à la ferme. Nous avons de la difficulté à obtenir de l'aide à la ferme. Les enfants des gens de mon âge sont grands et nous avons perdu notre main-d'oeuvre gratuite si je puis dire. Ces enfants qui nous prêtaient main-forte gratuitement sont partis. Maintenant, nous n'avons personne pour nous aider à la ferme et il n'y a plus de jeunes dans la collectivité. Ceux qui restent travaillent dans le secteur pétrolier.

Le sénateur Oliver: Bien des gens importent des travailleurs du Mexique. Je viens de la région Atlantique du Canada et nous devons importer des travailleurs des Antilles.

Mme Olver: Je serais heureuse d'embaucher des gens du Mexique.

M. Hildebrandt: L'argument que veut faire valoir Mme Olver, c'est que l'agriculteur de 65 ans ne commencera pas à nourrir le bétail mais investira dans le parc d'engraissement ou achètera du bétail ou des actions pour attirer les jeunes. Nous avons beaucoup de jeunes dans le secteur pétrolier en Saskatchewan et en Alberta qui réinvestiraient leur argent dans des entreprises à valeur ajoutée. Il existe des possibilités d'investissement dans la production de biodiesels et ainsi de suite. On ne se rend pas compte de la gravité de la situation en matière de crédit et de l'ampleur des capitaux dont on a besoin pour faire démarrer ce genre d'entreprise. Si nous voulons faire partie de la chaîne à valeur ajoutée, nous voulons être sûrs d'en être capable. Nous avons besoin d'aide ou de bons de diversification. Nous indiquerons ce que nous voulons faire et le bon pourra être converti en espèces à cette fin. J'aimerais que tous les honorables sénateurs reconnaissent qu'il n'y a pas de valeur ajoutée sans matière première. Dans le secteur de l'alimentation, il s'agit d'une ressource renouvelable chaque année.

Chaque élevage de veaux ou chaque culture céréalière est une récolte annuelle. Dans le domaine de la foresterie, la récolte peut se faire seulement tous les 20 ans. En ce qui concerne la production alimentaire, il s'agit d'un moteur économique annuel.

Je pense que c'est un argument qu'il est important de bien comprendre. Nous sommes les seuls joueurs. Nous sommes ceux qui créent tous ces emplois économiques. Pourtant, cela n'entre pas en ligne de compte dans nos marges. Nous voulons changer là où un changement s'impose. Vous utilisez l'exemple du Manito ba. Nous voulons rationaliser là où nous le devons. Le Manitoba a fait un bien meilleur travail que nous à cet égard.

Quoi qu'il en soit, les céréales et les oléagineux représentent la matière première qui sert à la confection de croustilles.

Le sénateur Oliver: Je ne suis pas d'accord fondamentalement avec le témoin car j'estime qu'il ne sert à rien de cultiver le blé et des oléagineux, un point c'est tout. Il faut qu'un agriculteur passe à la valeur ajoutée s'il veut commencer à faire des profits.

Mme Olver: Nous sommes tout à fait d'accord avec vous.

M. Hildebrandt: Cela relève de la définition de diversification. Nous avons des gens dans le sud de la Saskatchewan qui sont en train d'envisager de créer une usine de pâtes pour le blé dur. Un prospectus a déjà indiqué qu'il n'y a pas de place en Saskatchewan pour cette usine de pâtes. Les multinationales ont avalé ce marché.

Le sénateur Stratton: N'a-t-on pas construit une usine de fabrication de pâtes alimentaires dans le nord du Dakota? Si le président était ici, il interviendrait pour dire qu'on a essayé de construire une usine de fabrication de pâtes alimentaires pendant des années.

Le vice-président: J'allais attendre que le sénateur Oliver ait terminé. Cependant, j'aimerais poser une question à propos de la valeur ajoutée. Qu'est-ce que la valeur ajoutée?

L'usine de fabrication de pâtes alimentaires dont vous parlez est un exemple de valeur ajoutée. Une partie du problème en Saskatchewan, c'est qu'il reste certaines difficultés à aplanir en ce qui concerne la Commission canadienne du blé. On s'interroge quant à savoir si cette usine aura du succès ou non.

Le sénateur Tunney a parlé de la valeur ajoutée et des déshydrateurs. Les agriculteurs qui produisent la luzerne sont propriétaires de l'usine. Ils reçoivent leur part des exportations vers le Japon et la Corée.

Un autre exemple est l'éthanol. Un groupe d'agriculteurs pourrait se réunir dans une région et investir dans une usine d'éthanol. Ils produiraient le produit que consomme l'usine d'éthanol et pourraient partager les profits qui en résultent. Ce sont donc des secteurs où la valeur ajoutée est un élément clé. Les agriculteurs pourraient envisager des moyens d'incorporer la valeur ajoutée à leurs activités que ce soit sous forme de coopératives ou de partenariats.

M. Hildebrandt a parlé d'une association dirigée par Red Williams en Saskatchewan. Ce groupe essaie de trouver des fonds pour développer du capital de risque afin de permettre aux agriculteurs de se réunir pour lancer ensemble certaines de ces entreprises. Je pense que les gouvernements doivent jouer un rôle plus important qu'auparavant pour ce qui est d'aider les milieux agricoles à profiter de ce système à valeur ajoutée.

J'ai une requête à vous faire à tous les deux. Je vous demanderais de communiquer avec notre greffier afin que nous puissions obtenir une copie de la carte que vous avez utilisée dans votre exposé. Il pense pouvoir reproduire dans un format plus petit la carte que vous avez fait circuler. Tous les membres aimeraient en avoir une copie.

Le sénateur Banks: J'exhorte le président à ne pas commencer à parler de marchés réduits pour le pois chiche parce que quelqu'un risque d'avoir l'idée d'établir un office de commercialisation du pois chiche!

Je suis un citadin. Je vais donc revenir sur certaines choses qui ont été dites parce que je veux mieux comprendre cette question. Je vous admire de vouloir attaquer le problème de façon constructive et de tâcher de trouver une nouvelle façon de régler le problème.

Nous sommes en train de dire qu'il est tout à fait logique d'avoir une agriculture à valeur ajoutée. Les déshydrateurs de luzerne en sont un bon exemple, tout comme les usines de luzerne appartenant aux agriculteurs.

Les gouvernements disent aux agriculteurs de faire de l'agriculture à valeur ajoutée. C'est ce qu'ils font et puis le marché dépérit. D'après ce que je crois comprendre, nous avons maintenant des entreprises de déshydration de la luzerne sur le point de faire faillite.

Un gouvernement qui invite les agriculteurs de faire de l'agriculture à valeur ajoutée leur dit maintenant à ces mêmes agriculteurs qu'ils n'ont pas droit à de l'aide parce que cet agriculteur est tombé entre les mailles du filet. Il considère que ce n'est pas une entreprise à part entière. Est-ce que cela ne vous préoccupe pas?

M. Hildebrandt: Cela me préoccupe jusqu'à un certain point. Cependant, permettez-moi d'ajouter la notion de ce qu'on appelle «boucler la boucle».

On a mentionné ici que la valeur ajoutée était une solution pour compenser des tendances à la baisse dans n'importe quel secteur. J'utiliserai le boeuf à titre d'exemple. Dans ce secteur, nous sommes en train d'envisager une nouvelle génération de coopératives qui permettront de boucler la boucle. Il s'agit d'un parc d'engraissement de 10 000 animaux, ce qui est la quantité minimum pour assurer la viabilité de l'entreprise. Toute l'administration se fait à partir de ce parc d'engraissement. Plusieurs producteurs font l'élevage. Il y a plusieurs éleveurs- naisseurs qui fournissent des animaux jeunes au parc d'engraisse ment mais la gestion du programme de reproduction se fait à partir du parc d'engraissement.

La direction connaît les coupes et la reproduction qui s'imposent. La boucle a été bouclée. Les propriétaires de ces jeunes animaux peuvent alors déterminer le type de production céréalière.

De cette façon, vous englobez la valeur ajoutée mais aussi le processus de A à Z. Au lieu d'aller de A à B et de voir B s'effondrer en deux ans, vous faites maintenant partie du processus A, B, C, et D et vous arrivez à vous débrouiller dans le cadre de ce processus.

Les engraisseurs, par exemple, gèlent le coût de leur orge un an à l'avance et établissent leur prix à l'abattoir un an à l'avance. C'est le genre de mécanisme de contrôle qui existe. Tout le processus est administré depuis le champ jusqu'à l'abattoir. Cela permet d'atténuer certains risques dont vous avez parlé, sénateur Banks, lorsque les agriculteurs décident de se tourner vers un autre produit et se retrouvent avec le même problème.

Un autre aspect sur lequel je n'ai pas insisté, c'est la diversification et la question de savoir qui va en profiter. Il faut comprendre que transformer un céréaliculteur en un éleveur de bétail est une opération à long terme qui peut prendre jusqu'à 10 ans. Le programme permet à un agriculteur de cultiver des céréales tout en élevant du boeuf, ce qui exige un investissement pour les clôtures, les pâturages et l'équipement. Quelqu'un a dit ici même que dans quelques années, il n'y aurait peut-être plus que de l'herbe qui pousserait dans les prairies, et nous serons alors débarrassés de cette combine de la production de céréales. Il faut encourager les agriculteurs à opérer cette transition le plus rapidement possible. Une bonne partie des terres sont marginales et peut-être qu'elles pourraient plutôt servir à l'élevage du boeuf. Ce sera l'un des avantages de la diversification.

Vous laissez entendre que l'on risque gros en choisissant la diversification. Il est possible de contrôler totalement le scénario depuis les matières premières jusqu'au produit fini. Un contrôle serré exercé de l'intérieur pourrait atténuer le potentiel de risque.

Le sénateur Banks: On parle d'intégration verticale plutôt que de valeur ajoutée.

M. Hildebrandt: C'est vrai, dans une certaine mesure. Cela aiderait à maintenir la population des petites localités rurales. Cela aiderait à conserver le mode de vie rural. Ce sont des entreprises de grande envergure. N'oubliez pas qu'un parc d'engraissement de 10 000 têtes est la plus petite exploitation rentable. Un agriculteur doit avoir au moins ce nombre de bêtes pour bénéficier des avantages potentiels. Il faut beaucoup de vaches et de veaux.

Le sénateur Banks: Une grande concentration de parcs d'engraissement crée un problème écologique.

M. Hildebrandt: On pourrait...

Le sénateur Banks: Il y a moyen d'en mitiger l'effet.

M. Hildebrandt: La Saskatchewan a un avantage en ce sens que notre population est relativement faible et éparpillée sur une grande superficie. Par conséquent, une bonne gestion nous permettrait d'éviter les problèmes que nos amis européens connaissent. Si l'on s'y prend bien, il y a possibilité de multiplier ces entreprises à valeur ajoutée. À mon avis, le passage de la culture des céréales à l'élevage du bétail ou du porc est l'un des moyens les plus rapides de nous en sortir.

Le sénateur Banks: Cette situation peut changer du tout au tout en quelques semaines.

M. Hildebrandt: Le risque de pertes n'est pas aussi grand si l'on contrôle les coûts du fourrage et des veaux, et si tout cela est intégré à la structure. Mme Olver peut vous dire qu'ils se sont diversifiés il y a quelques années en se lançant dans des cultures spécialisées. Il leur en a coûté 41 000 $ pour diversifier leur production. Mais ils avaient déjà la moitié de l'équipement sur place. Il faut maintenant engranger ces coûts de culture spéciale. C'est un coût énorme pour un agriculteur qui fait le changement seul. On sait que le prix du boeuf peut baisser très rapidement. On sait également qu'un seul cas de fièvre aphteuse peut ruiner un agriculteur. C'est un scénario.

Le sénateur Banks: Les bons, les obligations dont vous avez parlé seraient-elles des obligations du Canada? Qui s'occuperait de leur émission? Il faut bien qu'il y ait des modalités, des conditions à remplir pour leur émission. De plus, je crains que des profiteurs pourraient détourner le système à leur avantage. Je les vois déjà remplir toutes les conditions pour obtenir les obligations même s'ils prévoient fermer boutique dans quatre ou cinq ans. Mon expérience antérieure dans d'autres secteurs m'a fait prendre vivement conscience du danger de ces profiteurs et de leurs méthodes.

Parlons un peu de ces obligations. Le sénateur Tunney a posé une question à ce sujet tout à l'heure. Ce que vous proposez semble très compliqué. Il faudra peut-être une procédure compliquée pour que votre travail débouche sur des résultats concrets. Il faudra mettre en place une procédure complexe, peu importe ce que l'on finira par faire. Qui s'occuperait de ces obligations?

M. Hildebrandt: À nos yeux, l'argent serait séparé également entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Ce financement servirait au démarrage, pour lancer le mouvement. En l'absence de cet argent, nous ne pouvons pas créer de valeur ajoutée.

L'administration des terres mises en réserve se ferait simplement par l'entremise de notre assurance-récolte et grâce à la technique de la cartographie par infrarouge. Cette technique nous permettrait de dire quelles terres sont mises de côté et lesquelles sont en culture.

Les agriculteurs auraient accès aux obligations moyennant preuve de diversification. C'est là l'élément d'incertitude dont vous parlez. Je n'ai pas de réponse précise à votre question de savoir comment ce serait contrôlé et comment cette partie du programme serait mise en place.

C'est une façon de prouver qu'il y a effectivement eu diversification. Si je prétends avoir acheté 10 000 $ de distributeurs d'aliments, j'en aurai la preuve.

Le sénateur Banks: Vous n'avez pas dit que la diversification était un pré-requis pour l'obligation. Vous avez dit que la valeur ajoutée était un pré-requis.

M. Hildebrandt: Je devrais être plus précis dans ma terminologie. Nous appellerons cela la valeur ajoutée. À nos yeux, quelqu'un qui passerait de la culture céréalière à un atelier de soudure se trouverait à diversifier son entreprise. Appelons cela la valeur ajoutée. Pour être en mesure de maintenir ou d'obtenir la valeur comptant de l'obligation, il faut présenter une preuve quelconque de valeur ajoutée; que ce soit un atelier de fabrication; une étude de faisabilité en vue d'un terrain de golf; la construction d'un terrain de golf; ou encore le fait de planter des arbres.

Le sénateur Banks: La valeur ajoutée, cela pourrait aussi être se lancer dans un autre secteur rentable, au lieu de prendre un produit et d'ajouter de la valeur à ce produit. C'est cela, la définition de la valeur ajoutée. J'ai toujours supposé que la valeur ajoutée, c'était par exemple de cultiver des céréales et ensuite de les transformer en pain. Êtes-vous en train de dire que si je prends un champ planté de pois chiche et que j'y fais pousser des arbres pour la production de bois d'oeuvre, ce sera considéré comme valeur ajoutée? C'est de la diversification, n'est-ce pas? Un agriculteur qui ferait un tel changement serait-il admissible à l'obligation?

M. Hildebrandt: Oui, il le serait. Ce serait considéré comme se lancer dans une production rentable. Cela créerait des emplois. Ce serait contribuer à l'essor économique d'une collectivité.

Le sénateur Gill: Je voudrais revenir à la diversification, mais je vais parler français, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

[Français]

Le sénateur Gill: Au sujet de la diversification ou de la conversion dont vous avez parlé tantôt, j'aimerais obtenir un peu plus d'explication. Je suis profane dans le domaine de l'agriculture.

Vous avez parlé de la plantation des arbres, par exemple, et j'ai cru comprendre dans votre exposé que dans certains cas vous suggériez de convertir des terres dans l'ordre de 20 à 25 p. 100, en moyenne, dans certains cas, et dans d'autres cas peut-être de 10 ou 15 p. 100, tout dépendant des terres.

J'aimerais savoir si vous plantez des arbres, par exemple, dans une partie d'une ferme, là où vous avez l'habitude de cultiver, j'imagine que cela aura un impact sur la main d'oeuvre utilisée de même que sur la machinerie utilisée habituellement, et donc, il y aura une perte de revenu dans le domaine où vous étiez, et évidemment il y a aussi, j'imagine, un investissement. J'ai cru comprendre que les agriculteurs sont prêts à faire cela pourvu que la récupération des investissements se fasse sur une période raisonnable. Est-il est possible que cela ait un impact important si vous convertissez une terre, par exemple en une plantation d'arbres pour 15 ou 20 p. 100 de vos terres? Est-ce que cela a un impact financier important, de même que sur la main-d'oeuvre?

Il me semble que vous aurez besoin de la même main-d'9uvre. Vous serez obligés de garder la même machinerie et, par surcroît, elle sera moins utilisée. D'où viendra le financement pour tout cela? Pourriez-vous m'expliquer le processus?

[Traduction]

M. Hildebrandt: Je voudrais préciser que quand nous parlons de loyer environnemental, nous voulons dire que ce loyer serait rétroactif aux actuels lots boisés et marécages. Par exemple, en Saskatchewan, il est question de fermes abandonnées.

Les fermes abandonnées sont devenues des oasis pour la faune. Nous rendrions ce loyer environnemental rétroactif et il correspondrait à la superficie délimitée par les clôtures existantes.

Vous avez posé des questions sur la plantation d'arbres et vous avez demandé s'il y aurait des emplois créés ou perdus. Certains craignent la perte de certaines industries des services, comme dans la vente de machines agricoles. C'est possible. Vous nous demandez de tourner notre regard vers un avenir lointain. En utilisant cet exemple, nous disons que les arbres ont un énorme potentiel pour ce qui est d'assainir et de filtrer l'environnement. Le fait de cultiver des arbres présente évidemment des avantages. Nous devons être remboursés si nous faisons plus que simplement cultiver des céréales et des oléagineux.

Le nombre d'emplois, notre infrastructure et tout le secteur des industries agricoles ont déjà beaucoup décliné dans les céréales et les oléagineux parce qu'on nous a forcés à nous lancer dans une course éperdue aux économies d'échelle. Un seul tracteur de 400 chevaux vapeur fait deux fois plus de travail que n'en faisaient trois tracteurs de 100 chevaux. Un marché inéquitable et injuste crée aussi des distorsions dans les économies d'échelle. On craint de perdre les concessionnaires ou les ventes de machines agricoles.

Il suffit de faire une balade d'une dizaine de milles en Saskatchewan pour voir quatre ou cinq fermes abandonnées. Le déclin est déjà réel et j'entrevois la croissance des emplois. Peut-être pas dans le secteur des arbres, comme on en donnait l'exemple, mais plutôt dans la fabrication de biodiesel et d'éthanol.

Les arbres aideraient beaucoup à stocker le carbone. Il y a aussi une pénurie mondiale de bois dur et il faut envisager de se lancer dans cette culture. Tout cela revient au problème de la fausse surproduction de céréales et d'oléagineux. Les gouvernements doivent se pencher sur ce problème. Il y a des marchés croissants car il faut toujours plus de viande et de céréales pour nourrir les gens. Je veux parler de notre désir de changer, de rationaliser.

Les agriculteurs canadiens sont parmi les producteurs de céréales et d'oléagineux les plus efficaces au monde. Il est très difficile d'accepter qu'on nous demande de changer de culture parce qu'il y a surproduction des plantes que nous cultivons.

Je voudrais dissiper cette idée fausse. Il n'y a pas de surproduction. Il y a plus de gens qui meurent de faim.

Le sénateur Oliver: Il y a des stocks.

M. Hildebrandt: Les stocks sont à un plancher record.

Mme Olver: Les stocks de blé sont à 19 p. 100 et l'on prévoit qu'ils tomberont à 12 p. 100 d'ici la fin de l'année. Il n'y a pas surproduction.

M. Hildebrandt: Je ne réponds pas carrément à la question et je m'en excuse. Il y a de nombreux aspects que nous ne pourrons comprendre que quand nous aurons progressé davantage. Si un nouveau marché surgit pour les essences de bois dur, nous envisagerons de cultiver des forêts de ces essences. Nous devons toutefois être remboursés pour notre travail.

Mme Olver: Quelqu'un a posé la question de savoir d'où viendrait l'argent. Je crois que l'industrie devrait payer. Nous espérons que le Canada continuera d'adhérer à l'entente de Kyoto. Au terme de cette entente, les arbres sont reconnus comme des «puits de carbone». Dans certaines régions des États-Unis et dans certains pays d'Europe, il est reconnu que l'argent peut venir des industries polluantes.

[Français]

Le sénateur Gill: Le gouvernement de la Saskatchewan a-t-il un programme de reboisement, soit au ministère des Forêts ou au ministère de l'Agriculture, pour permettre aux gens de faire du reboisement sur les terres? Cela existe-t-il en Saskatchewan?

[Traduction]

M. Hildebrandt: Pas à ma connaissance, monsieur. Il y a eu des entreprises privées des États-Unis qui sont venues dans notre province et qui ont organisé des réunions pour proposer de nous lancer dans la culture des arbres.

Le sénateur Gill: Au Québec, le gouvernement provincial a aidé les agriculteurs qui ont décidé de convertir leurs fermes pour y cultiver des arbres. Le gouvernement du Québec a des programmes qui distribuent des jeunes arbres et de l'aide aux agriculteurs qui veulent se lancer dans ce domaine. Il y a des programmes pour aider les gens qui ont décidé de transformer leur exploitation.

Le sénateur Christensen: Il y a eu une longue discussion sur les obligations de diversification. Il est certain que l'on peut entrevoir l'avantage environnemental de ces obligations et aussi la possibilité d'imposer une taxe environnementale à l'industrie afin d'en défrayer le coût. Il semble aussi que vous envisagez de recourir à l'obligation de diversification pour d'autres choses, par exemple pour l'installation d'usines sur la ferme. D'où proviendrait l'argent?

M. Hildebrandt: J'en reviens à l'exemple que je donnais: on peut réaliser des gains en prenant des terres marginales plantées de céréales et d'oléagineux et en les transformant en un loyer environnemental. Des études effectuées aux États-Unis montrent qu'il peut en découler une forte croissance des revenus.

Le sénateur Christensen: En établissant des usines ou d'autres entreprises sur cette terre?

M. Hildebrandt: Si l'on peut gagner en mettant de côté ces terres marginales au lieu de les subventionner pour y cultiver des céréales, c'est déjà un gain et on passe ensuite à un autre secteur, celui de la fabrication, qui permet de prendre des matières premières et d'y ajouter de la valeur. Cela crée des emplois et ajoute au PIB.

Nous pensons que cela peut se faire dans l'agriculture ou de façon connexe à l'agriculture. Nous espérons également que cela pourra se faire dans la droite ligne du discours du gouvernement fédéral. Nous ne sommes pas étroits d'esprit au point d'interdire que l'on transforme une terre en terrain de golf. Si quelqu'un veut prendre un quart de sa terre et le transformer en terrain de loisirs ou en un musée du patrimoine, la société en bénéficiera quand cette terre marginale sera consacrée à une activité davantage favorable à l'environnement.

Le sénateur Christensen: Je ne pensais pas à des terrains de golf, mais plutôt à des terres laissées dans leur état naturel. Que pensez-vous d'autres secteurs de fabrication ou du maintien de l'équipement de ferme?

M. Hildebrandt: Cela dépasse le portefeuille de l'agriculture. Cela met en cause les ministères de l'Industrie et de l'Environnement.

On nous a dit que l'argent sera injecté dans l'agriculture. D'après certains commentaires faits par le ministre de l'Industrie, l'agriculture est une forme d'industrie.

Je soupçonne qu'en Saskatchewan rural, une grande partie de la valeur ajoutée, bien qu'elle puisse être perçue comme totalement séparée, sera axée sur le besoin de services à l'industrie agricole. Je comprends ce que vous voulez dire quand vous parlez des avantages environnementaux.

Le vice-président: J'ai l'impression, d'après ce que je pressens à Ottawa, que des programmes de ce genre ne seraient pas nécessairement financés par le ministère de l'Agriculture. Le ministère de l'Environnement pourrait beaucoup plus facilement convaincre la population canadienne d'adhérer à un programme de mise hors production des terres que le ministère de l'Agriculture.

Nous devrons nous tourner vers trois ou quatre ministères fédéraux différents pour trouver l'argent nécessaire pour financer certains de ces programmes, au lieu de passer exclusivement par le budget du ministère de l'Agriculture.

Préconisez-vous que votre programme remplace l'aide qui est actuellement offerte? Ou bien laissez-vous entendre qu'un tel programme s'ajouterait aux programmes existants?

M. Hildebrandt: Nous le considérons comme un complément. Nous ne savons pas si nous voulons qu'il soit classé dans la catégorie des programmes de soutien. Nous y voyons plutôt un plan stratégique de changement. Il faudrait conserver les programmes de soutien du revenu et les réexaminer. Il y aurait des changements une fois que les fonds seraient débloqués.

Vous verrez une différence entre la phase 1, dans le document original, et les montants prévus pour la phase 2 dans l'annexe. Vous verrez une grande différence. Dans la phase 1, les montants consacrés au retrait des terres étaient beaucoup plus élevés et considérés davantage comme une aide au secteur des céréales et des oléagineux.

Dans l'annexe, nous avons étendu la portée du programme à l'échelle nationale. C'est plus faisable puisque c'est lié à la productivité de la terre et davantage en ligne avec les montants que l'on peut escompter. Nous nous rendons compte par ailleurs que les autres programmes de soutien du revenu doivent demeurer.

Même avec les deux programmes, nous percevons encore le besoin de l'assurance-récolte. Nous appuyons un examen en profondeur des programmes de soutien du revenu qui existe actuellement. C'est une autre question, mais le programme ACRA ne fonctionne pas dans beaucoup de secteurs et dans beaucoup de régions. Injectons l'argent dans les secteurs qui sont durement éprouvés quand ils en ont besoin et n'allons pas gaspiller l'argent. Une partie de l'argent fédéral n'a pas été utilisé là où on en avait besoin.

Pour répondre à votre question, nous y voyons un programme séparé. Nous croyons que les programmes actuels doivent être réexaminés et modifiés.

Le vice-président: Quinze pays veulent se joindre au marché commun européen pour tirer profit des subventions versées aux agriculteurs. J'ignore si vous avez eu connaissance de l'annonce faite il y a deux mois. La Grande-Bretagne a décidé qu'elle ne pouvait plus se permettre de payer ces énormes subventions aux producteurs agricoles. Les Britanniques mettent donc sur pied un programme d'abandon des terres et un programme pour convertir les terres cultivées en sols herbagers, pour diverses raisons.

Avez-vous eu l'occasion d'examiner ce programme pour voir comment il se compare à ce que vous proposez?

M. Hildebrandt: Non, mais nous sommes au courant de ce qui se passe en Europe et en Asie.

J'ignore si je l'ai déjà dit, mais le Canada est un important exportateur de plusieurs céréales: blé dur, lin, moutarde, et cetera. Un programme d'abandon de terres ou de réduction de cette production pourraient faire monter les prix des céréales et des oléagineux.

Les Européens abandonnent graduellement les subventions visant des denrées précises et examinent combien il en coûte de conserver ce mode de vie. Ils tiennent compte du revenu moyen des Européens et paient la somme en question pour que les producteurs restent dans leurs terres.

Je ne sais pas trop comment ils s'attaquent au problème de la rationalisation. Au lieu de subventions visant spécifiquement les céréales ou le blé, les Européens reconnaissent qu'il leur faut des producteurs et ils leur versent un salaire de base. Ce salaire est comparable au salaire moyen des travailleurs du pays en question.

Le vice-président: J'ai une suggestion à faire pour ce programme. Je n'ai jamais été en faveur de donner de l'argent à un agriculteur pour qu'il mette ses terres en jachère. Je ne pense pas que ce soit la bonne solution pour tenter d'encourager l'abandon des terres. J'espère que, dans votre programme, la prime versée pour les terres en jachère serait très faible et que les montants seraient plus élevés pour transformer les terres en question en prairies herbeuses ou autres vocations, afin d'encourager cette transition.

M. Hildebrandt: Pour maintenir le statu quo dans la production des céréales et des oléagineux, nous devrons revenir à la manne de subventions gouvernementales. Les projections mondiales changent. Nous avons vu des fluctuations pouvant atteindre 63 p. 100. La mise de côté des terres, c'était une once de prévention au lieu de réagir après coup.

Enlevons à l'agriculteur une partie du poids de ce risque. Mettons de côté une partie des terres. Si nous produisons certaines denrées à des prix un peu plus élevés, c'est bon. Atténuons une partie du problème qui nous afflige et qui continuera d'imposer un fardeau aux contribuables si nous n'apportons pas des changements.

Nous préconisons, dans le cadre du programme de mise de côté des terres, l'engrais vert au lieu de la jachère. Nous avons fini par reconnaître que la pratique de la jachère est mauvaise sur le plan économique. Néanmoins, cela permet de supprimer 20 p. 100 du risque et dégage des liquidités pour faire autre chose, notamment l'engrais vert. Cela contribue aussi à réduire les intrants sur le premier cinquième de la deuxième année. C'est pourquoi le programme de mise de côté a été créé.

Nous mettons davantage l'accent sur les étapes deux et trois de la rationalisation dans le secteur céréalier. Nous n'avons pas renoncé complètement à ce secteur. Utilisons de façon un peu plus constructive les fonds fédéraux ou provinciaux dans ce secteur.

Le vice-président: Je fais une mise en garde: nous ne pouvons pas compter que les terres que nous mettons en jachère auront une incidence sur le cours des céréales dans notre pays. Nous ne serons pas en mesure d'obtenir ce résultat.

Si vous voulez convaincre les gens d'adopter le programme de mise de côté pour des raisons environnementales, ce sera beaucoup plus difficile si vous y incluez la jachère. En effet, les terres en jachère n'ajoutent aucune verdure à l'environnement. Deuxièmement, l'une des façons les plus rentables de mettre une terre en jachère est de procéder à la «jachère chimique». En pareil cas, on ajoute à la charge de polluant au lieu de la réduire. Si l'ont veut une bonne intendance de nos terres, c'est mieux de faire la jachère chimique que d'utiliser un cultivateur ou une charrue à disques pour travailler la terre.

Si l'on veut que ce programme soit adopté, nous devons pouvoir convaincre les gens d'y adhérer. Ce sera beaucoup plus difficile si nous augmentons la quantité de produits chimiques utilisés.

Le sénateur Stratton: Je m'interroge sur certains aspects. Vous avez dit que vous avez énormément de difficultés parce que votre crédit est épuisé. Vous dites que vous n'avez aucun capital.

La Loi sur la société du crédit agricole sera bientôt modifiée. Cela aidera-t-il à atténuer vos préoccupations d'ordre financier?

Mme Olver: Ne vont-ils pas exiger une garantie pour prêter de l'argent?

Le sénateur Stratton: À votre avis, cela va-t-il atténuer votre problème? J'entends dire qu'il y a de l'argent disponible dans le secteur privé. J'entends dire que certaines banques ont de l'argent disponible et que vous pouvez recevoir de l'argent si vous en avez besoin. Je n'en crois rien. Si j'étais banquier, je placerais certainement les agriculteurs très bas dans l'échelle des gens à qui prêter.

C'est intéressant de parler de diversification. Je suis assez vieux pour me rappeler les aléas et les avatars que nous avons connus au Canada quand nous injections de l'argent dans des régions pour tenter de les mettre en valeur. Pour la plupart, ces efforts de développement ont échoué. Les gouvernements ont été échaudés à de nombreuses reprises dans ce domaine. C'est pourquoi les gouvernements prétendent que cela ne fonctionne pas. Ils ont essayé et ils en ont maintenant assez de se faire critiquer vertement par les contribuables pour cette raison.

Vous nous dites maintenant que nous devrions créer ces obligations. Vous tenez peut-être une idée pour faire du sucre à partir de la cellulose. Il y en a un cas classique à Morris, au Manitoba. La ville a fait faillite, emportant dans la ruine beaucoup d'investisseurs.

Je crains qu'une personne qui toucherait l'obligation pourrait délibérément se déclarer en faillite. C'est une autre version de ce que disait le sénateur Banks.

Les gouvernements se voient ensuite reprocher d'avoir prêté ou donné de l'argent à ces groupes ou organisations qui veulent diversifier leurs entreprises ou se lancer dans de nouveaux domaines. Depuis trois quarts de siècle, la plupart de ces entreprises ont été des échecs complets.

La diversification de l'Ouest, que notre gouvernement a créée, a relativement bien réussi. Au Manitoba, l'argent a été utilisé à bon escient. Je connais une organisation du Manitoba qui a injecté de l'argent dans la mise au point de certains produits agricoles. Les chercheurs y travaillent actuellement et il faut espérer que ce sera un succès. Ce n'est pas dans la ville de Winnipeg, mais plutôt à l'extérieur de la ville.

Les compagnies de capital de risque investiront si l'agriculteur peut leur prouver que son idée est rentable. C'est ce que recherchent ces entreprises de capital de risque. Si vous pouvez leur prouver que vous allez faire de l'argent, elles investissent. Pourquoi ne pas compter sur le secteur privé pour développer ces systèmes différents? Vous devez prouver que vous êtes capables de le faire et vous devez prouver que c'est une solution de rechange viable.

Je crains que si le gouvernement se lance là-dedans, nous nous retrouverons avec une suite ininterrompue de désastres.

M. Hildebrandt: Je voudrais préciser une chose: ce document, c'est la main du cultivateur sur le volant du véhicule que le gouvernement du Canada conduit déjà.

Il n'y a rien de neuf dans ce que je vous dis. C'est l'orientation qu'a prise le gouvernement fédéral pour ce qu'ils appellent le «Western Red Basin». Il n'est plus viable de subventionner cela. Il faut changer et il faut que cela débloque quelque part. Nous avons élaboré cela en prenant à coeur l'intérêt du producteur. Nous sommes prêts à faire le plus de rationalisation possible. Nous n'essayons pas de convaincre qui que ce soit de se charger du programme, nous disons plutôt que, en tant que producteur primaire, nous devons mettre la main au volant, parce que nous voulons que le système fonctionne pour garantir la pérennité de la population rurale au Canada.

Il ne s'agit pas de vendre quelque chose qui n'a jamais marché. C'est simplement une orientation. Je crois que c'est le National Post qui publiait hier un article où l'on disait qu'il y aurait un dernier paiement qui mettrait fin à la longue série de paiements aux producteurs, mais que tout sera changé ensuite. Nous sommes conscients du besoin de changer et nous présentons ceci sous l'impulsion des producteurs eux-mêmes et en tenant compte de la façon dont le changement devrait survenir.

Pourquoi ne pas nous adresser au secteur privé? Agri-vision examine cette possibilité et nous allons rencontrer ses représentants vendredi. Vous devez comprendre, et je suis sûr en fait que vous comprenez que le rendement dans la plupart des entreprises agricoles, qu'elles soient à valeur ajoutée ou non, n'est ni énorme ni rapide.

Il est certain que les investisseurs privés peuvent obtenir ailleurs un rendement plus attrayant et plus rapide. Il y a aussi certaines contraintes.

Il y a des contraintes pour ce qui est de l'éthanol. Il faut changer la loi pour permettre un pourcentage plus élevé d'éthanol dans l'essence ou encore pour permettre la vente interprovinciale de l'éthanol. Les investisseurs privés ne vont pas se lancer dans ces secteurs. Nous ne sommes pas ici pour convaincre le gouvernement d'adopter un programme. Nous essayons d'ajouter notre grain de sel à l'orientation que le gouvernement fédéral a déjà prise. Notre mode vie rural est notre principale préoccupation et c'est la raison de notre présence ici.

Mme Olver: Les agriculteurs ont plus en jeu dans leur investissement que ce n'était peut-être le cas de certains autres programmes. Si nous devons mettre une terre de côté sans en tirer un sou, il faudra trouver de l'argent ailleurs. Quand nous aurons l'argent, nous serons judicieux dans nos investissements.

C'est là la différence. Avec mon argent, si je le recevais, j'envisagerais probablement un investissement du type mutualiste. Je ne mettrais pas tous mes oeufs dans le même panier, mais j'investirais plutôt dans diverses entreprises, par exemple un foyer d'accueil privé et une autre entreprise dans le domaine de l'agriculture.

Je ne crois pas que beaucoup d'agriculteurs vont dépenser l'argent uniquement parce que cela vient de la part du gouvernement. Ils considéreront que ces fonds leur appartiennent, et feront attention à la dépense. Voilà peut-être la différence.

Le sénateur Stratton: Comprenez bien que je n'essaie pas de critiquer vos idées. Je me préoccupe plutôt du bilan jusqu'à aujourd'hui. Je suis d'accord avec vous: il faut faire quelque chose. La situation est désespérée dans les régions rurales partout au Canada.

Mon autre préoccupation serait comment vendre cette idée aux citadins? Selon eux, les agriculteurs en ont reçu assez; terminé; et le secteur privé dit essentiellement la même chose.

Si vous pouvez nous présenter des idées définitives quant à votre diversification, cela serait fort utile. Ce n'est pas nécessaire de nous fournir des idées précises, mais plutôt des idées générales qui nous montrent le potentiel pour le développement. Pour l'instant, c'est difficile d'imaginer où ce potentiel se trouve. Si vous étiez en mesure de choisir un territoire qui serait à une bonne distance d'un grand centre urbain, tel que Regina, Winnipeg ou Calgary, qu'est-ce que vous pourriez suggérer comme solution de rechange? Y a-t-il des exemples précis pour une région ou une ville particulière, afin d'assurer sa survie?

Il faudrait communiquer ces renseignements. De cette façon, les gens pourraient s'enthousiasmer pour l'idée que vous essayez de vendre.

Mme Oliver: Par exemple, on pourrait cultiver, récolter et presser la coriandre afin de produire de l'huile, un excellent décapant. Un groupe local voulait lancer ce projet, mais il n'avait pas les fonds nécessaires. Si l'on réunissait 50 agriculteurs, et que chacun investissait 10 000 $, il y aurait suffisamment d'argent pour bâtir l'usine. Il faudrait que ce soit en partenariat avec une compagnie comme CIL.

On ne peut pas faire concurrence à ces gens. Il faut fabriquer un produit qu'ils utiliseront. Cela nécessitera probablement des fonds supplémentaires pour la recherche afin d'être certain de ne pas entamer un projet inopportun.

Le vice-président: Il est maintenant 10 h 30, et je sais qu'il reste des questions dans la deuxième ronde, mais nous avons convenu que la discussion se terminerait à 10 h 30.

Merci d'être venus. Vous voyez bien, à partir des questions et du nombre de sénateurs qui n'ont pas eu la parole, que vous nous avez présenté une question très intéressante. Je vous en remercie. Je sais que vous allez revenir voir notre comité plus souvent dans l'avenir.

Nous voulons que le reste de la réunion soit à huis clos.

La réunion se poursuit à huis clos.


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