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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 11 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 12 juin 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 18 h 26 pour examiner le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la Société du crédit agricole et d'autres lois en conséquence.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs les sénateurs, nous recevons aujourd'hui, dans le cadre de l'examen du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la Société du crédit agricole, M. Larry McCormick, secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, ainsi que M. John Ryan, président-directeur général de la Société du crédit agricole, ou Financement agricole Canada, comme elle s'appellera dorénavant.

Nous vous souhaitons la bienvenue à tous les deux. Je tiens à souligner que le Comité de l'agriculture - et ce n'est pas parce que j'en suis le président - est l'un des meilleurs comités auxquels j'ai siégé. Nous menons nos affaires de façon réaliste. Il règne ici un esprit de collaboration et de compréhension. Si notre secrétaire parlementaire de la Chambre des communes a un jour la chance de siéger ici, il constatera que le système des comités est très efficace au Sénat. Nous l'invitons à transmettre ce message à la population en général. Cela ne fera qu'aider le Sénat.

Nous vous souhaitons la bienvenue à tous les deux. Nous allons d'abord écouter vos exposés, puis passer aux questions.

M. Larry McCormick, député, secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'agroalimentaire: Mesdames et messieurs les sénateurs, j'aimerais dire quelques mots en guise de préambule. En ce qui concerne le comité de la Chambre, j'ai dit, et j'ai entendu des membres d'autres partis dire également, que nous nous entendons là et que nous y avons de meilleurs représentants que dans tout autre comité de la Colline. J'en suis fier et comme je suis très attaché aux régions rurales du pays, il m'importe que nous poursuivions dans cette voie.

J'ai pris mes fonctions il y a sept ans et demi et aujourd'hui est un jour historique pour moi. C'est la première fois que je comparais ici. J'ai déjà participé à des séances d'information, je vous ai écoutés et vous m'avez appris des choses et j'ai dit aux citoyens que 98,9 p. 100 des sénateurs font de l'excellent travail. C'est un honneur et un privilège pour moi d'être ici et je vous en remercie.

Aujourd'hui, nous vous présentons les modifications proposées à la Loi sur la Société du crédit agricole sous la forme du projet de loi C-25. Nous discuterons du rôle de la Société du crédit agricole en tant que société d'État fédérale pour satisfaire les besoins en évolution des exploitations agricoles, des familles et de l'agriculture aujourd'hui et dans l'avenir.

Je suis accompagné aujourd'hui de M. John Ryan, président et directeur général de la Société du crédit agricole. Il pourra répondre à vos questions. Voilà quelqu'un qui a accompli un travail magnifique à la SCA. Comme mes collègues le disent, une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas à réclamer des fonds pour tous ces projets, c'est grâce au travail de nos excellents collaborateurs là-bas.

Comme vous le savez, le secteur de l'agriculture et celui des finances ne sont plus ce qu'ils étaient lorsque la Loi sur la société du crédit agricole a été modifiée pour la dernière fois en 1993. Ces modifications viennent combler les lacunes que l'on retrouve dans les services financiers et commerciaux qui ont fusionné ces dernières années. L'an dernier, la Société a rencontré plus de 100 groupes agricoles et financiers pour obtenir leur avis sur les services financiers, leurs besoins et la manière dont des modifications pourraient les aider à les satisfaire. La majorité des groupes appuient les changements législatifs proposés. Je signale avec intérêt que la Société a rencontré 400 personnes et plus de 100 groupes. On n'a certainement pas manqué de consulter les citoyens.

Après avoir entendu les observations sur son avant-projet de loi, le gouvernement a déposé le projet de loi C-25 à la Chambre le 5 avril. Le texte a été bien accueilli à la Chambre et a obtenu l'appui vigoureux du NPD et des conservateurs. Les députés de l'opposition ont déposé trois amendements au projet de loi pendant la troisième lecture. Un de ceux-là, qui limitait à cinq ans la durée pendant laquelle la Société du crédit agricole pouvait détenir une terre, a été adopté, tandis que les deux autres ont été rejetés.

Je vais brièvement passer en revue les modifications déposées à la Chambre des communes le 5 avril. La principale est que la raison sociale de l'entreprise devient Financement agricole Canada. En anglais, elle s'appellera Farm Credit Canada. Ce changement indiquera clairement l'attachement du gouvernement fédéral à l'agriculture au pays. D'autres modifications permettront à la Société d'offrir des services aux producteurs et à des entreprises reliées à l'agriculture. Ces services viendront s'ajouter à ceux qui existent déjà. La Société assurera souvent la prestation de ces services en partenariat.

Les employés de la SCA sont reconnus pour leur savoir agricole. Grâce à des partenariats, la Société pourra mettre à contribution ses connaissances pour offrir aux familles agricoles un plus grand nombre d'outils de gestion d'entreprise pour assurer leur réussite à long terme. Le résultat sera un meilleur accès aux services commerciaux dans les régions rurales du pays.

Le projet de loi C-25 permettra à la SCA d'offrir des services aux entreprises liées à l'agriculture même si elles n'appartiennent pas à des agriculteurs. Depuis la dernière modification de la loi en 1996, la Société n'a pu accorder des prêts à des entreprises liées à l'agriculture uniquement si elles appartenaient en majorité à des agriculteurs. Elle ne pourra toutefois financer ces entreprises que si elles profitent aux producteurs primaires et créent des emplois en région rurale.

En apportant son aide au secteur de création de valeur ajoutée, la Société ouvrira de nouveaux débouchés pour les producteurs primaires et renforcera l'économie rurale. La Société continuera toutefois d'aider avant tout les exploitations familiales et les producteurs primaires.

Le gouvernement a prévu une disposition dans le projet de loi qui l'oblige à continuer d'en faire sa mission première. La capacité d'acquérir des participations est une autre modification qui favorisera la croissance du secteur tout entier. Des amendements relatifs à la structure de l'entreprise et au partenariat avec d'autres organisations ou établissements financiers indiquent que cette méthode a toujours fait partie du mode de prestation des services de la Société.

Une disposition précisera donc que la Société pourra participer à des consortiums financiers et les mener. Ceux-ci permettent de répartir le risque entre les membres du consortium. Puisqu'elle pourra mener de tels consortiums, la Société pourra offrir aux producteurs un vaste éventail de services tout en réduisant ses risques de prêt.

Une disposition donnera à la Société le pouvoir de créer des filiales. Elle pourra donc s'adonner à de nouvelles activités, soit seule, soit en partenariat, tout en réduisant le risque de son portefeuille de prêts.

En conclusion, le gouvernement fédéral est convaincu que les amendements qui figurent dans le projet de loi C-25 sont pertinents et nécessaires pour permettre à la SCA de continuer à répondre aux besoins dans le secteur de l'agriculture. Grâce à ce texte, la SCA continuera d'être un facteur de stabilisation dans l'agriculture et d'assurer l'accès à des services dans tous les cycles de l'activité agricole.

Je vous remercie de votre attention. M. John Ryan, président- directeur général de la SCA, sera heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Tkachuk: Dans le résumé que j'ai ici, on dit que la Société sera autorisée à offrir des prêts aux entreprises liées à l'agriculture aussi bien lorsqu'elles appartiennent en majorité à des agriculteurs que dans le cas contraire. Qu'est-ce que cela signifie?

M. John Ryan, président-directeur général de la Société du crédit agricole: Le texte évoque le fait que nous accordons des prêts à des entreprises liées à l'agriculture qui appartiennent en majorité à des agriculteurs. Le projet de loi nous permettra d'offrir du financement aux entreprises qui n'appartiennent pas forcément à des agriculteurs, à la condition qu'elles soient liées à l'agriculture en amont ou en aval et qu'elles profitent directement aux producteurs ou à l'agriculture dans son ensemble.

Le sénateur Tkachuk: Pourriez-vous me donner un exemple?

M. Ryan: Le secteur des engrais et celui du nettoyage des semences en sont deux. Depuis quatre ans environ, des clients possibles se sont adressés à nous pour obtenir du financement. Nous avons examiné la proposition, elle avait du sens au point de vue de la création de la valeur ajoutée, était viable financièrement mais l'obstacle était le propriétaire. Si l'entreprise n'appartenait pas en majorité à un producteur, il fallait refuser.

Il y a eu le cas par exemple d'une usine de classement d'oeufs au Manitoba. L'entreprise faisait de la production primaire et a voulu passer au classement des oeufs. Les propriétaires voulaient prendre de l'expansion et ont vendu l'exploitation familiale pour investir dans l'usine de classement des oeufs. Lorsqu'ils sont revenus nous voir pour demander du financement, nous avons refusé parce qu'ils n'étaient plus des producteurs.

Quelqu'un voulait monter une entreprise de fabrication de boissons en Colombie-Britannique, en région rurale. Il ne s'agissait pas d'un producteur mais de quelqu'un qui voulait se lancer dans cette activité, qui a trouvé des fournisseurs de fruits dans le voisinage et qui est venu nous demander du financement. Nous avons examiné la proposition et trouvé que cela se tenait du point de vue commercial mais comme il ne s'agissait pas d'un producteur primaire, on n'a pas pu le financer.

Le sénateur Tkachuk: La transformation des produits agricoles sera donc désormais admissible?

M. Ryan: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce que la compagnie Sunripe, qui fabrique du jus de pommes dans la vallée de l'Okanagan, sera admissible?

M. Ryan: Il nous faudrait examiner la taille de l'entreprise. Le texte ne nous autorise pas à financer les grandes multinationales. J'ignore quelle est la taille de Sunripe, mais seules les petites et moyennes entreprises sont admissibles.

Le sénateur Tkachuk: Comme définissez-vous cela?

M. Ryan: Il n'y a pas de définition précise de PME sur laquelle tout le monde s'entende. Il faut voir si l'entreprise correspond à ce que nous jugeons approprié à la SCA. Par exemple, le conseil d'administration a déterminé qu'aucun prêt ne dépassera 20 millions de dollars. Nous ne souhaitons pas financer les grandes entreprises nationales ou internationales.

Le sénateur Tkachuk: Combien de producteurs de la vallée de l'Okanagan, qui fabriquent des jus, ne sont pas des multinationales? Il s'agit de producteurs locaux qui ont des usines de fabrication. Ce sont des usines de transformation. Tout ce qui a trait à la transformation des produits agricoles relève dorénavant de la Société du crédit agricole.

M. Ryan: C'est juste.

Le sénateur Tkachuk: Certains sénateurs craignent peut-être que la mission de votre organisation va changer. Autrement dit, au lieu de vous occuper des exploitations familiales, vous allez maintenant financer la transformation. Cela englobe tout. Qu'est-ce que ça n'inclut pas, en particulier au Canada?

Monsieur McCormick, pensez-vous que c'est ce qui est arrivé ou est-ce que ça vous inquiéterait comme politicien? C'est un gros changement.

M. McCormick: C'est un gros changement et nous espérons aller dans la bonne direction. En réponse à votre question précédente, qui est liée à ceci, j'ai entendu des gens demander à notre comité - quelqu'un des partis d'opposition, et en particulier un parti de l'Ouest, si la Société allait se contenter de prêter tout l'argent à Saskpool, ou quelque chose comme ça. On a déjà répondu à cela à cause de la limite sur les prêts.

Mon attachement pour le Canada est d'abord et avant tout pour les régions rurales et les petites localités. Il faut être prudent lorsque l'on demande un emploi. Moi, j'ai demandé d'être président du caucus rural du gouvernement et j'occupe le poste depuis près de trois ans. Qu'est-ce que je vais faire après? Je vais travailler à la défense des régions rurales et des petites localités.

L'accès aux capitaux a toujours été difficile. Hier, le secrétaire d'État au développement rural est venu pour la première fois à Thunder Bay pour annoncer du financement. Je faisais partie d'un groupe de travail avec ce député il y a quelques années. Nous avons visité la plus grande partie du pays. On y parlait constamment d'accès aux capitaux. Tous les mercredis, j'ai fait mon rapport de président du caucus rural au premier ministre, au caucus national. Le plus dur pour moi à cette époque était de faire comprendre à notre propre Conseil des ministres chaque semaine les difficultés auxquelles font face nos régions rurales. La plupart des ministres ne viennent ni de la campagne ni des petites localités.

Nous pouvons créer des usines de transformation et des établissements qui ajoutent de la valeur. Il en a été question durant les échanges aujourd'hui. La présidence a même abordé l'une de ces questions. Nous devrons suivre de près la Société du crédit agricole et l'encourager dans ses efforts et je suis sûr que nous n'y manquerons pas. Ils ont vraiment un rôle à jouer pour ce qui est d'ajouter de la valeur aux produits du Canada rural. Je le pense sincèrement. Nous avons beaucoup réfléchi à cette entreprise qui peut être très avantageuse et j'ai hâte qu'elle se réalise.

Le sénateur Tkachuk: J'ai certaines préoccupations. Je comprends votre engagement envers le Canada rural. Dans les Prairies, nous produisons beaucoup de blé. La transformation du blé est quelque peu problématique pour nous parce que nous devons le vendre à la Commission du blé qui nous le renvoie ensuite. On sait les problèmes qu'ont connus les usines de pâte, par exemple. Le blé devait d'abord être expédié à la Commission du blé et revendu ensuite. Autrement dit, l'agriculteur ne peut pas utiliser les denrées récoltées sur sa propre ferme.

M. McCormick: Vous m'interrogez au sujet de la Commission du blé? Je me ferai un plaisir de répondre à cette question. J'aimerais vous parler de cela aussi.

Le sénateur Tkachuk: Parlez tant que vous voudrez; c'est vous le témoin. J'essaie de poser une question, mais allez-y.

M. McCormick: Les sénateurs ministériels ont eux aussi posé des questions. J'ai entendu la question qui a été posée au Sénat il y a quelques instants. Allez-y. Il faut faire beaucoup de changements, mais il faut procéder par étape.

Le sénateur Tkachuk: Nous produisons beaucoup de blé dans les Prairies. La transformation du blé est très problématique. Il faudra se tourner vers d'autres produits parce que c'est très difficile pour l'agriculteur de transformer du blé, à moins de donner de l'argent à des gens qui font concurrence à la Quaker Oats ou à d'autres grandes entreprises. Qu'avez-vous à dire là-dessus?

M. Ryan: C'est une bonne question. Elle revient constamment depuis le début, depuis que nous avons commencé nos discussions en groupe un peu partout au Canada.

Les représentants du secteur de l'agriculture ont dit clairement qu'ils perçoivent des changements dans l'industrie et que la Société du crédit agricole doit changer. Nous avons une inquiétude si nous devons nous détourner de la production primaire. Nous avons conclu en disant à la Fédération canadienne de l'agriculture que, si elle y tient, elle pourrait peut-être rédiger le libellé qu'elle souhaiterait voir inscrire dans la nouvelle loi et ensuite, quand cette loi sera adoptée, nous verrons à ce qu'elle soit mise en vigueur, parce que nous n'avons nullement l'intention de détourner notre attention principale du producteur primaire.

Notre position à la Société du crédit agricole est qu'il faut appuyer l'organisation dans son ensemble. Nous avons 100 bureaux, tous situés au Canada rural. Les gens qui y travaillent sont des Canadiens ruraux. La grande majorité de ces gens-là sont nés et ont été élevés sur une ferme et c'est la production primaire qui les intéresse au premier chef. Quand le sénateur Tunney a présenté la mesure en deuxième lecture, il a été chaleureusement applaudi à la fin de son discours. Ces applaudissements émanaient d'un certain nombre d'employés de la SCC qui se trouvaient ici à Ottawa pour une réunion de gestion et qui ont entendu dire que la mesure devait être étudiée. Ils nous ont dit que ce serait une excellente occasion d'aller entendre sur place ce qui se passe au Sénat.

Je suis tout à fait confiant que nous n'allons pas nous détourner de la production primaire. Je ne crois pas que ce soit l'un ou l'autre. Je pense que nous pouvons faire les deux.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez dit aussi que la Société aura le pouvoir de créer, de fusionner et de dissoudre des filiales. Premièrement, quelles filiales, et qu'avez-vous en tête en termes de création de futures filiales?

M. Ryan: À l'heure actuelle, nous n'avons aucun plan précis visant à créer des filiales demain, la semaine prochaine ou le mois prochain. Quand nous avons examiné la nouvelle loi, nous nous sommes dits que, puisque la loi originale existe depuis huit ans, cette nouvelle loi durera probablement encore cinq ou 10 ans. Nous voulions y inscrire une certaine souplesse et prévoir certains pouvoirs, notamment le pouvoir de constituer des filiales.

L'un des amendements que nous avons proposés permettrait à la Société de se lancer dans le capital de risque. Nous avons eu des entretiens avec un certain nombre de spécialistes du capital de risque d'un bout à l'autre du pays pour voir s'ils seraient intéressés à des partenariats avec la Société du crédit agricole du Canada. Comme le capital de risque est par définition très risqué, nous estimons qu'il nous faudrait créer une filiale afin de pouvoir suivre de près tout ce qui se passe dans la division de la Société qui s'occuperait du capital de risque. Ce serait une filiale à part entière de la Société du crédit agricole du Canada, mais une filiale qui pourrait suivre de près l'évolution du dossier.

Le sénateur Tkachuk: Pour la même raison, le capital de risque?

M. Ryan: Ce serait une filiale qui fournirait du capital de risque. C'est tout. Elle appartiendrait à la Société du crédit agricole, mais elle fournirait du capital de risque, tout probablement en collaboration avec d'autres entreprises spécialisées dans ce domaine au Canada. L'un des grands problèmes aujourd'hui est que, bien qu'il y ait beaucoup d'argent dans le capital de risque, puisque près de 6 milliards de dollars ont été injectés dans l'économie l'année dernière, moins de 1 p. 100 de cette somme a été investi dans l'agriculture. Grâce à nos connaissances et à nos compétences spécialisées en agriculture et à notre présence au Canada rural, nous serons en mesure d'attirer d'autres investisseurs de risque. Ils peuvent apporter au dossier leur argent et leur savoir et les combiner aux nôtres pour lancer des projets qui n'auraient peut-être pas vu le jour autrement.

Le président: Quant au financement nécessaire, nous avons rencontré au fil des années beaucoup d'agriculteurs qui avaient construit la meilleure dépierreuse du monde et la compagnie John Deere leur a volé leur invention. Des agriculteurs de l'ouest du Canada ont fabriqué des cultivateurs. Certaines machines agricoles parmi les meilleures ont été inventées là-bas, notamment le semoir pneumatique. Je connais personnellement des gens qui étaient directement touchés. Pourtant, ces gens-là n'ont jamais tiré grand profit de leurs inventions. Une grande entreprise quelconque est toujours venue leur voler leur brevet.

Le sénateur Finestone: Les compagnies ont acheté la propriété intellectuelle.

Le président: Ma question est celle-ci: A-t-on observé la même chose dans le secteur de la petite fabrication, où un agriculteur ajoute un revenu d'appoint en fabriquant un dispositif ou un appareil quelconque qui fonctionne?

M. Ryan: Absolument. Parfois, de grandes entreprises sont intervenues et leur ont racheté leur invention parce qu'ils n'avaient pas les ressources voulues pour passer au niveau supérieur. Cela leur permettrait de mettre leur idée à profit à un niveau supérieur.

Le président: Je peux vous donner des exemples, notamment celui d'un agriculteur qui a fabriqué le premier semoir pneumatique et l'a installé sur sa charrue à disques. L'idée a été volée par les grandes compagnies qui ont empoché des millions de dollars. Le pauvre type a sacrifié sa ferme à travailler à développer cette idée. J'hésitais même à poser la question parce que je me demandais si vous étiez allé aussi loin. C'est excellent.

M. Ryan: Le défi sera évidemment de choisir les gagnants. Je pense que nous sommes assez proches de l'agriculture pour avoir une bonne compréhension parmi les employés qui font ce travail d'un bout à l'autre du pays.

Le président: On pourrait citer beaucoup de noms, par exemple Frigstead, qui a fabriqué les meilleurs cultivateurs et les meilleures machines agricoles et qui n'a jamais empoché le moindre sou.

Le sénateur Finestone: Pour faire suite à la question du sénateur Tkachuk, c'est une chose d'injecter de l'argent, mais comment mesurez-vous le résultat pour savoir si vous avez choisi un gagnant?

Autre question qui fait suite à celle posée par le président: Comment savez-vous, ou bien prévoyez-vous établir un lien entre toute cette question du capital de risque mettant en cause le milieu de l'éducation ou des instituts de recherche et les fonds publics, le nouveau programme d'innovation qui est lancé? Est-ce lié d'une manière quelconque? Avez-vous accès à ces fonds qui sont actuellement distribués aux universités et aux laboratoires de recherche? Peut-être que pour ce pauvre agriculteur qui a été assez brillant pour inventer un produit mais qui n'avait pas assez d'argent pour le produire, dans le monde d'aujourd'hui, grâce aux stratégies d'innovation mises en place par ce très bon gouvernement libéral, peut-être que nous pourrons trouver les fonds nécessaires.

M. Ryan: C'est une très bonne question, sénateur Finestone. Premièrement, pour ce qui est de choisir les gagnants, je tiendrais compte des antécédents de la Société, en ce sens que cela fait probablement près de six ans maintenant que nous fournissons de l'aide financière aux entreprises à valeur ajoutée. Elles sont contrôlées par les producteurs, mais ce sont quand même des compagnies à valeur ajoutée. Nous avons démontré au fil des années que nous sommes capables de choisir les gagnants. Il y aura des échecs parce qu'il y a toujours un risque. Le défi pour la Société est de se doter des personnes voulues possédant les aptitudes voulues pour choisir des gagnants plus souvent qu'autrement. Quand on se lance dans le domaine du financement, il faut savoir au départ qu'il y en aura toujours qui ne réussiront pas.

Quant à la deuxième question, au sujet du capital de risque, en tant qu'organisation, nous ne nous sommes pas encore préparés parce que nous ne voulions pas tenir pour acquise l'adoption de la loi. Notre plan est de nous préparer afin d'être en mesure de fournir du capital de risque à l'avenir, en partenariat avec d'autres, et nous devons pour cela comprendre à fond ce que font les autres intervenants afin de ne pas nous retrouver à faire double emploi avec quelqu'un d'autre ou à perdre une occasion extraordinaire de faire fructifier une idée d'un producteur en vue d'ajouter de la valeur. En bref, la réponse est celle-ci: Cela viendra en temps voulu, mais nous n'en sommes pas encore là.

Le sénateur Finestone: Vous êtes accompagné de M. McCormick, dont je me rappelle très bien qu'il allait chaque semaine au microphone pour discuter des dossiers du caucus rural de façon très compétente et très sincère. S'il peut vous aider à jeter un peu de lumière sur ce dossier, vous avez de la chance.

Je me demande sérieusement comment, parce que je crois que cette innovation du financement de la technologie dans lequel nous nous lançons, avec notamment les activités de haute technologie ou de commerce électronique, est la clé de la capacité future du Canada d'être en première ligne et à l'avant-garde mondiale. Nous cherchons à réduire notre dépendance envers les États-Unis qui absorbent entre 83 p. 100 et 89 p. 100 de nos ventes, et si vous avez voyagé le moindrement, vous savez que nos produits seraient vraiment très appréciés en Extrême-Orient et dans toute l'Asie-Pacifique.

J'espère que vous réussirez à établir des liens avec les universités et la recherche universitaire et que vous pourrez étendre vos efforts à la politique de recherche. Examinez-vous cette possibilité, de concert avec les universités?

M. Ryan: Nous n'en sommes pas encore là. Il est évident que c'est l'objectif, à terme. Depuis un certain nombre d'années, la Société s'efforce d'actionner tous les leviers possibles. Nous avons clairement adopté une philosophie ou une approche dans notre organisation selon laquelle nous ne pouvons pas tout faire pour tout le monde, mais nous pouvons trouver qui sont les meilleurs et les experts et les inciter à conclure une forme quelconque de partenariat, afin que nous puissions travailler ensemble et utiliser leurs habilités, leurs compétences et leur technologie et même les dollars qui vont avec.

Le sénateur Finestone: Vous avez évoqué les divers secteurs et endroits où vous pouvez établir des partenariats. Il y a un domaine où il est assez difficile d'être un partenaire, nommément dans le domaine du changement climatique et du réchauffement planétaire. Y a-t-il de la recherche qui se fait pour éviter l'érosion des sols et les autres catastrophes qui risquent de modifier à tout jamais l'environnement agricole? Même avec les meilleures intentions du monde et même avec tout le capital de risque et la bonne volonté, l'investissement ne peut pas contrecarrer celui ou celle qui se trouve là-haut, au-dessus du pôle Nord, et qui souffle du mauvais côté.

M. Ryan: Je ne peux parler qu'au nom de la Société du crédit agricole. Nous n'avons pas fait de recherche dans ce domaine précis. J'ignore si M. McCormick veut répondre.

M. McCormick: Vous êtes assez loin de l'agriculture; vous avez des heures, des jours, des mois d'avance.

Le sénateur Finestone: Je vous l'ai dit, je sais seulement traire les vaches.

M. McCormick: Sénateur, j'aurai la chance le mois prochain d'accompagner le ministre fédéral pour aller rencontrer chacun des ministres de l'Agriculture des provinces dans le nord du Canada. Nous progressons bien. Nous travaillons ensemble pour pouvoir étiqueter nos aliments en y apposant une étiquette canadienne encore plus grande. Cela m'a fait penser que Financement agricole Canada sera le nouveau nom si nous sommes couronnés de succès. Nous pourrons démontrer au monde entier que nous produisons nos aliments dans le plus grand respect possible de l'environnement. Nous travaillons aussi pour pouvoir faire un suivi de nos aliments, afin de pouvoir retirer immédiatement tout aliment qui présenterait un problème. Nous sommes beaucoup plus avancés que nos voisins du Sud. C'est vers cela que nous nous dirigeons. Je pense que nous aurons de belles occasions. Ce serait bien de travailler avec les universités et de puiser dans les fonds disponibles pour la recherche et le développement. On entend dire qu'environ 1 p. 100 de cette somme de 6 milliards de dollars sera consacrée à l'agriculture et si nous pouvons y avoir accès et doubler ce pourcentage, cela fera une grande différence.

Le sénateur Tunney: Je serai très bref. J'estime avoir dit ce que j'avais à dire. Je voulais donner un exemple d'entreprise que vous envisagerez, j'espère, de financer, alors que vous n'étiez pas en mesure de le faire auparavant. Dans mon coin de pays, dans un rayon de 30 ou 40 milles, nous avons trois abattoirs de taille moyenne. Deux d'entre eux sont sur le point de fermer leurs portes et le troisième se débat pour se sortir du trou et se conformer à toute la réglementation environnementale. Il faudra y apporter beaucoup d'améliorations. La situation est passable actuellement, mais l'abattoir n'est pas conçu pour une augmentation du débit. Ils aimeraient rester dans ce secteur. Nous voulons qu'ils restent. Autrement, nous devrons expédier le bétail depuis mon secteur situé à environ 70 milles au nord de Toronto jusqu'aux grands abattoirs de Toronto et des alentours. Le produit nous reviendrait ensuite deux ou trois semaines ou je ne sais combien de semaines plus tard. C'est un autre exemple que je voulais porter à votre attention. Vous n'êtes pas obligé de répondre si vous voulez passer à la question suivante.

M. Ryan: Je vais me faire un plaisir de répondre brièvement. Si l'analyse de rentabilité est bonne, c'est le genre d'entreprise que nous appuierons.

Le sénateur Chalifoux: Premièrement, je connais plusieurs femmes qui veulent se lancer dans l'agriculture. Elles se sont adressées aux banques. J'ai fait la même expérience. Il y a une discrimination latente contre les femmes. Ils veulent bien nous donner un prêt personnel, mais ils refusent de financer quoi que ce soit d'autre. C'est la première question.

Deuxièmement, dans ma région, nous avons plusieurs usines de transformation de la luzerne. Monsieur McCormick, vous savez vous-même que nous avons lutté pour les conserver. À Legal, l'usine est sur le point de faire faillite. À Falher, elle a déjà fait faillite. C'est une situation épouvantable. Ce projet de loi permettra-t-il de remédier à cette situation?

Troisièmement, au sujet des champignons et du chanvre, il y a des gens qui veulent faire la culture des champignons et du chanvre. Ce projet de loi leur permettra-t-il de se lancer dans ce secteur?

Vous connaissez sûrement le sigle HACCP. La réglementation associée au HACCP ruine littéralement nos transformateurs à valeur ajoutée dans nos petites localités. À Calahoo, nous avons un excellent abattoir. Il a de bons contrats. Mais comme il doit dépenser plus d'un million de dollars pour respecter les règles du HACCP, il fera faillite. Ce projet de loi va-t-il aider?

M. Ryan: Je réponds d'abord à votre première question sur les femmes. Nous ne faisons pas de discrimination. Nous analysons la rentabilité économique. Si c'est rentable, nous fournissons l'argent. Il y a un exemple précis où nous, de concert avec les coopératives de crédit, la BDC et une autre organisation de l'Ontario, avons mis sur pied un programme spécial pour un réseau de femmes. Donc, la réponse concise à votre question est qu'il n'y a aucune discrimination.

Quant à vos divers exemples, la transformation de la luzerne, les champignons, le chanvre, en ce qui concerne la transformation de ces denrées, ce projet de loi nous permettrait d'offrir du financement. Naturellement, il nous faudrait examiner la situation au cas par cas et établir la rentabilité à long terme. Si nous faisons notre évaluation et arrivons à la conclusion qu'une entreprise n'est pas rentable, nous n'aidons personne en accordant un prêt.

Le sénateur Chalifoux: Nous savons cela. Mais ce projet de loi dont nous sommes saisis va-t-il aider les gens qui veulent se lancer dans ce secteur? Nous avons dû fermer la porte à nos transformateurs de luzerne parce que personne n'est en mesure de les aider. Je veux savoir si ce projet de loi, une fois adopté, va aider les transformateurs?

M. McCormick: Les gens qui s'occupent de déshydratation de la luzerne sont rangés dans la catégorie de l'intégration verticale. Il ne semblait pas juste, dans le passé, que les responsables se voient interdire d'appliquer le programme d'aide agricole ACRA. Aujourd'hui, c'est le Programme canadien d'aide au revenu agricole. Je pointe du doigt un monsieur qui est dans la salle et je lui dis que nous sommes mieux de voir si nous pouvons simplifier ce programme afin qu'il s'applique à ces gens-là. Je vous remercie pour votre question opportune. Je dis cela en toute sincérité, sénateur Chalifoux.

Le sénateur Chalifoux: Je voulais seulement savoir quelle sera l'incidence de ce projet de loi dans ces secteurs. Même si vous ne faites pas de discrimination, il y a quand même une certaine discrimination contre les femmes qui veulent se lancer dans l'agriculture. Je l'ai toujours entendu dire. On nous l'a dit aussi au groupe de travail sur l'Ouest. Je sais que tout dépend de vos gestionnaires et de vos employés, mais je voudrais vraiment qu'on me donne l'assurance que ce projet de loi n'entraînera aucune discrimination contre les femmes agricultrices.

M. Ryan: Je peux dire catégoriquement qu'il ne causera aucune discrimination. J'ai dit tout à l'heure qu'il fallait examiner les entrailles de la Société. Vous constaterez qu'environ la moitié des membres de notre conseil sont des femmes. Je ne sais pas trop quel est le pourcentage parmi les employés, mais je sors tout juste d'une réunion en Ontario et il y avait probablement plus de femmes que d'hommes dans la salle. Ce sont là des agents de première ligne. Je peux affirmer sans aucune crainte de me tromper qu'il n'y aura aucune discrimination.

Le sénateur Tkachuk: Une question supplémentaire sur la discrimination. Le sénateur Chalifoux a mentionné les producteurs de chanvre et la transformation des champignons. Si vous financez les entreprises de transformation des champignons, celles-ci rivaliseront avec celles qui existent déjà qui se sont autofinancées. Je songe notamment aux Vietnamiens, aux Chinois et autres Asiatiques, surtout dans l'agglomération de Vancouver. Ces gens-là travaillent à un point incroyable. Ils ont construit des entreprises de transformation à partir de rien, alors qu'ils ne parlaient même pas anglais en arrivant au Canada. Comment se fait-il qu'ils réussissent à le faire et pas nous?

M. Ryan: Si vous jetez un coup d'oeil à notre portefeuille, vous constaterez que nous avons financé les entreprises de culture des champignons qui existent actuellement. Ce secteur est couronné de succès. Le projet de loi C-25 nous permettra d'accélérer ce financement et de l'offrir en partant du point de vue que ceux que nous avons financés jusqu'à maintenant étaient les producteurs primaires. En plus de cela, ils s'occupent aussi de la transformation ou du conditionnement des champignons.

Au début avril, je me trouvais dans la région du sénateur Tunney et j'ai eu des entretiens avec les exploitants d'entreprises de transformation des champignons et je peux vous dire qu'ils ont beaucoup de succès en Ontario.

Le sénateur Tkachuk: Quelle est l'étape suivante de la transformation?

M. Ryan: Je ne sais pas si l'on peut pointer du doigt une lacune manifeste. Nous faisons très peu de transformation actuellement. Nous exportons surtout des denrées en vrac.

Le défi que doivent relever la communauté, et tout le milieu des affaires, c'est de saisir les occasions qui s'offrent maintenant. Elles se situent dans presque tous les secteurs et sous-secteurs de l'agriculture. Notre rôle est de positionner la Société pour qu'elle soit en mesure de répondre à ces demandes de compagnies ou de particuliers qui veulent ajouter de la valeur.

Le sénateur Hubley: À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons deux grandes entreprises de transformation qui font surtout des pommes de terre. De temps à autre, elles s'occupent d'autres denrées. Si ces compagnies modifiaient leurs activités pour transformer d'autres denrées, seraient-elles alors considérées admissibles pour recevoir du capital de risque pour financer cette opération précise, ou bien examinerait-on l'ensemble de leurs activités pour voir si elle sont viables? Une opération en particulier peut connaître beaucoup de succès tandis que la compagnie serait quand même admissible à du capital pour une deuxième opération. Qu'en pensez-vous?

M. Ryan: Vous entrez dans les détails, mais s'il s'agissait de financer une grande entreprise multinationale, la réponse serait probablement non, parce que nous servons surtout les petites et moyennes entreprises. Par contre, dans le cas d'une petite entreprise de transformation qui voudrait avoir un deuxième secteur d'activité, nous examinerions l'ensemble de l'entreprise. Cela dépend tout à fait de l'organisation qui, directement ou indirectement, demande de l'aide.

Le sénateur Hubley: Ma deuxième question porte sur l'agriculture biologique. Considérez-vous les agriculteurs biologiques sur le même pied que les autres agriculteurs? Je crois savoir qu'il y a beaucoup de femmes qui exploitent, seules ou en partenariat, des fermes de culture biologique. Je me demande quel sera le statut de l'agriculteur biologique aux termes de ce projet de loi.

M. Ryan: Chose certaine, nous avons déjà fourni de l'aide financière à l'agriculture biologique. Je répète que si nous examinons le plan d'affaires et qu'il semble solide et que l'entreprise semble rentable, notre rôle est d'appuyer la personne ou l'entreprise agricole en question.

M. McCormick: Au sujet de l'agriculture biologique, j'ai lu avec intérêt le communiqué publié vendredi par notre ministre de l'Agriculture. Une somme de 600 000 $ a été injectée dans le domaine de l'agriculture biologique pour aider ces gens-là à mettre au point leurs lignes directrices. Nous avons rencontré l'autre jour les futurs dirigeants du monde agricole au Canada et une personne présente était une femme qui avait tenté de rassembler toutes les forces vives à l'Île-du-Prince-Édouard pour lancer le mouvement biologique. Il est certain que c'est un secteur en pleine croissance qui vaut actuellement un milliard de dollars.

Le sénateur Wiebe: Je n'avais pas prévu de poser des questions pendant cette séance parce que, bien que je sache que rien n'est parfait, je pense que ce projet de loi est à peu près aussi parfait qu'il peut l'être. Il est certain qu'il aurait dû être adopté depuis longtemps et je veux féliciter le gouvernement d'avoir pris cette mesure audacieuse. Cela aidera tous les agriculteurs du Canada, peu importe qu'ils exploitent des fermes petites, moyennes ou grandes.

Pour revenir aux observations de M. McCormick, vous avez dit qu'un amendement a été autorisé. Pouvez-vous me dire sur quel argument on s'est fondé pour inclure cet amendement et si cette restriction s'applique à nos banques et à nos coopératives de crédit au Canada?

M. McCormick: Sénateur, voulez-vous parler de l'amendement sur la période de cinq ans que nous avons accepté de l'opposition?

Le sénateur Wiebe: Oui.

M. McCormick: Vous connaissez beaucoup mieux que moi, j'en suis sûr, les tenants et aboutissants de cette question. On nous a dit qu'il y a quelques années et à cause de certaines circonstances, la Société du crédit agricole possédait un nombre considérable d'hectares de terres qu'elle avait accumulées et dans lesquelles elle ne voulait pas nécessairement investir. Je crois que c'est le gouvernement provincial qui lui avait demandé de se départir de ces terres. Sauf erreur, le chiffre est passé d'un million d'acres à moins de 100 000 acres aujourd'hui.

Cet amendement est venu du parti de l'opposition - je l'appelle le nouveau parti de l'Ouest. Nous avons parlé de cet amendement et l'on s'est demandé s'il limiterait trop strictement ce que la Société du crédit agricole pourrait faire à l'avenir, surtout en tenant compte des besoins des jeunes agriculteurs qui voudraient avoir accès aux terres de la Société du crédit agricole. En pareil cas, la Société devra indéniablement lancer un nouveau programme.

L'amendement nous permettait, semble-t-il, d'assurer les bonnes gens de la Saskatchewan en particulier que cela ne se reproduirait pas, et que la Société du crédit agricole n'avait aucune intention d'amasser à nouveau une telle banque de terres. L'amendement empêcherait assurément que cela ne se reproduise. La Société du crédit agricole a affirmé qu'elle n'avait aucun intérêt à le faire. Monsieur le président, je cède la parole à mon collègue, qui vous fournira des explications supplémentaires.

M. Ryan: M. McCormick disait que, il y a plusieurs années, nous possédions 1,3 million d'acres de terres. Aujourd'hui, nous en détenons un peu moins de 100 000 acres. L'an dernier nous avons vendu environ 250 000 acres. La presque totalité de ces terres étaient situées en Saskatchewan. Lorsque l'amendement a été proposé, on nous a demandé si nous avions l'intention d'amasser une banque de terres à l'avenir, et nous avons répondu que non.

En ce qui concerne le temps qu'il faut pour revendre une terre que nous avons acquise, nous avons déjà répondu à cette question et la réponse est de 12 à 24 mois, et non cinq ans. Nous n'avons eu aucun mal à accepter cet amendement. De toute évidence, notre intention n'est pas d'être des détenteurs de terres. Nous voulons plutôt remettre ces terres à la communauté agricole le plus rapidement possible.

Pour répondre à votre deuxième question, je crois que, outre la loi qui était en place en Saskatchewan, les banques et les coopératives de crédit ne sont pas assujettis à cette même restriction.

Le sénateur Wiebe: Vous dites que les banques et les coopératives de crédit ne sont pas assujettis à cette restriction?

M. Ryan: C'est exact.

Le sénateur Wiebe: Puisque vous êtes une société d'État, on pourrait dire que vous traitez avec des fonds publics plutôt que des fonds d'investissements privés; et puisque vous êtes tenus de respecter l'obligation de vendre vos terres après cinq ans, vous pourriez être obligés de les vendre à prix de liquidation. Est-ce là une saine gestion des deniers publics? Voilà mon objection ou ma déception par rapport au projet de loi.

Je comprends le contexte. Il y a eu une lutte acharnée dans la province de la Saskatchewan sur la question de la banque de terres. Bien sûr, l'opposition croyait que le gouvernement avait l'intention de mettre la main sur toutes les terres de la province, et forcer tous les exploitants à devenir des métayers. Au fil des ans, cela s'est démenti. Aujourd'hui, l'opposition nous sert le même argument, et continuera de l'appliquer à la Société du crédit agricole. Il est malheureux de constater que des déclarations malencontreuses et erronées à propos des intentions du gouvernement mettront en péril l'argent des contribuables, au nom de la philosophie de l'antagonisme à tout prix prônée par certains membres de l'opposition.

Si vous avez confiance que cet actif est bien protégé, je n'ai aucune objection et je ne vois pas pourquoi vous devez poursuivre cette politique.

M. Ryan: Nous sommes confiants, monsieur le sénateur. Je comprends très bien votre point de vue. D'après nos projections, nous détenons un peu moins de 100 000 acres. À la fin de l'année, nous n'en aurons plus que 40 000 et, l'an prochain, ce chiffre passera à 10 000 acres ou moins. Au cours des années, nous avons constaté que, quand nous sommes contraints de racheter des terres, il est favorable au marché de les remettre en vente le plus tôt possible. Plus nous devons les conserver longtemps, plus il devient possible que les prix se mettent à baisser. Peut-être que cela nous incitera à revendre les terres le plus rapidement possible. L'un des objectifs de la Société est de ne pas influencer les valeurs des terres, ni à la hausse ni à la baisse, mais plutôt de les maintenir au prix du marché.

Le sénateur Wiebe: Encore une fois, permettez-moi de vous féliciter pour un excellent projet de loi.

[Français]

Le sénateur De Bané: Je suis très heureux de pouvoir vous rencontrer et de voir ces nouveaux instruments de la Société du crédit agricole, qui vont vous permettre d'aider davantage le secteur agricole. J'ai été sensibilisé au travail que fait la Société par l'un de vos vice-présidents, M. Jacques Lagacé, qui m'a énormément instruit à ce sujet.

En prenant de l'équité dans une entreprise, les autres entreprises agricoles ne se plaindront-ils pas que par leurs taxes, ils sont en train de créer un concurrent? Que répondez-vous à cette objection?

[Traduction]

M. Ryan: C'est une excellente question qui nous a déjà été posée dans le passé, par rapport aux aspects concurrentiels de la Société. Si vous jetez un coup d'oeil à la structure de nos taux d'intérêt, vous pouvez voir que nos taux dépassent ceux du secteur privé de un dixième à un quart voire un demi-point de base. Vous trouverez peut-être des soumissions qui font exception à cette règle. Nos dossiers nous indiquent qui nous avons financé et à quel taux. En règle générale, le taux se situe entre un dixième et un quart et un demi-point de base au-dessus du taux du secteur privé. De ce point de vue, l'argument de la concurrence s'estompe.

Le sénateur De Bané: Si la Société prend de l'équité dans une entreprise, ne craignez-vous pas que les autres agriculteurs se plaindront que leurs taxes sont utilisées pour créer des concurrents? On utilise des deniers publics pour aider les concurrents de ces exploitants à devenir plus puissants qu'eux. Qu'en pensez-vous, du point de vue d'une participation au capital?

M. Ryan: En ce qui concerne ce dernier point, d'abord, nous nous attendons à ce que la plupart de l'activité se déroule du côté de la valeur ajoutée et non du côté de la production primaire. Le capital comporte un risque plus important, il doit donc générer un meilleur rendement.

Du point de vue du producteur primaire, il sera bénéfique de pouvoir mettre sur pied une entreprise à valeur ajoutée grâce à du capital de risque, et il s'agit d'une entreprise qui n'existait pas auparavant. Si ce producteur primaire a ensuite l'occasion de vendre ses produits à cette entreprise à valeur ajoutée, il en profitera parce qu'il aura accès à un marché qui ne lui était pas accessible auparavant. Nous espérons que la proximité aura une incidence à ce chapitre.

Le sénateur De Bané: D'après tous mes renseignements, cette Société a une connaissance plus détaillée de la microactivité des exploitants que, avec tout le respect que je lui dois, le ministère de l'Agriculture. Le ministère de l'Agriculture traite de questions plus globales. Vous faites affaire avec chaque agriculteur sur une base individuelle. Ça ressemble au rapport entre le ministère de l'Industrie et le ministère des Approvisionnements et Services, puisque ce dernier achète vraiment chez les fournisseurs et les connaît.

Les bailleurs de fonds et les banquiers connaissent les entreprises de leurs clients dans leurs moindres détails. Cela étant, ne croyez-vous pas que la loi devrait inclure, dans le mandat de la Société, la fourniture de services conseils au ministère de l'Agriculture?

Si vous prêtez de l'argent aux agriculteurs, et que vous connaissez leurs entreprises dans leurs moindres détails et mieux que quiconque, ne croyez-vous pas que le mandat conféré par la loi devrait inclure des conseils au ministère?

M. McCormick: Monsieur le président, je voudrais faire une observation, et ensuite je céderai la parole à M. Ryan.

Bien sûr, lorsqu'on considère que la Société du crédit agricole gère 100 bureaux, et que la plupart de ces bureaux déploient des hommes de terrain qui ont grandi sur des fermes familiales, ce que vous dites est éminemment sensé, à tel point que, si l'on s'en tient à vos conseils, une pression s'exercera pour que nous soyons écoutés plus attentivement et pour que nous suivions cela de plus près.

M. Ryan: J'ajouterais une seule observation aux propos de M. McCormick. Nous avons offert notre collaboration au ministère de l'Agriculture, lorsque celui-ci se réunit pour discuter de stratégie, en vue d'élaborer un plan d'avenir; nous leur avons proposé d'inviter du personnel de première ligne qui comprend l'agriculture et travaille dans ce milieu au quotidien; c'est ce genre de point de vue que nous avons proposé d'amener à la table de travail. Il y a du personnel compétent. S'ils travaillent en première ligne jour après jour, ils peuvent apporter au processus une valeur ajoutée. C'est ce que nous avons offert au ministère.

Le sénateur De Bané: Notre président, le sénateur Gustafson, m'a fait part du désespoir de nombreux agriculteurs qui se sont investis tout entiers dans leur entreprise, et ainsi de suite. Si nous avions une société d'État avec un accès direct aux décideurs du ministère qui seraient tenus par la loi d'écouter les conseils de cette société d'État, cela rétablirait la confiance chez les agriculteurs. Voilà la réserve que j'exprime.

Le sénateur Sparrow: Monsieur le président, je suis d'accord avec ce qui est proposé dans le projet de loi. Mais je suis préoccupé par les grandes entreprises agricoles et par ce type de gigantisme, qui supplantent l'entreprise agricole familiale. Cela contribue à la destruction de la communauté rurale et des petites villes et villages, ce qui entraîne le déménagement des écoles et des étudiants, qui doivent se déplacer très loin pour aller à l'école en milieu urbain; cela entraîne aussi des fermetures d'hôpitaux et de silos. Prenons par exemple une déshydrateuse de luzerne qui s'installe dans une collectivité et s'assure, par bail ou par d'autres moyens, 40 000 acres ou plus de terres agricoles, comme le font certaines de ces entreprises. Au cours des dernières années, ces 40 000 acres de terres agricoles auraient pu permettre à 40 familles d'agriculteurs de vivre sur les terres.

Après que cette entreprise de déshydratation se soit constituée en société en saisissant des terres par bail ou par d'autres moyens, et après que le propriétaire de cette terre soit déménagé en ville sans se soucier de la possibilité qu'une famille puisse s'installer sur cette terre à terme, la grande entreprise qui en résulte entraîne la perte de 40 familles. Ce n'est pas bien difficile aujourd'hui d'accaparer 80 000 acres de terres si le marché de la luzerne déshydratée est le Japon, ou ailleurs, peu importe.

Ce n'est là qu'un exemple. Comme le sénateur Tkachuk l'a mentionné, il pourrait très bien y avoir des cas, en Colombie- Britannique, où nous encourageons l'expansion d'entreprises qui procèdent ainsi, sans nous vanter toutefois parce que nous investissons tant d'argent et octroyons des prêts pour financer l'acquisition des terres qui sont en fait le fondement de nos collectivités agricoles. C'est une question préoccupante que nous semblons oublier parfois. Notre premier objectif doit être la protection de l'entreprise familiale.

Je reconnais que vous ne financez pas nécessairement les syndicats du blé de la Saskatchewan, mais cela ne veut pas dire que vous ne financerez pas les ramifications de ces entreprises, comme les élevages de bétail, et ainsi de suite. Vous pourriez très bien financer ces entreprises subsidiaires qui, à leur tour, contribueraient à réduire la taille des collectivités rurales.

Je ne sais trop comment aborder cette question en particulier, mais le sénateur parlait du rôle de conseiller que pourrait jouer votre société jusqu'à un certain point auprès du ministère de l'Agriculture. Ce dernier ne juge pas nécessairement la situation comme étant problématique. Le ministère se dit plutôt: «Excellent, plus besoin de traiter avec 40 individus, nous n'avons plus qu'à faire affaire avec une personne», ou quelque chose du genre.

M. McCormick: Trois amendements ont été proposés. Dans mon intervention, j'ai mentionné que le NPD et le Parti conservateur avaient appuyé le projet de loi à la Chambre. J'ajouterais que deux membres au moins de l'Alliance canadienne ont également appuyé le projet de loi.

Sénateur Sparrow, nous faisons tous des erreurs. Certains de vos nouveaux voisins, comme les membres du nouveau parti de l'Ouest, ont commis une erreur de taille. Ils ont proposé des amendements que nous avons rejetés. L'un de ces amendements prévoyait que l'on retranche les mots «entreprise familiale» du projet de loi. C'est tout dire.

M. Ryan: Je ne sais trop quoi ajouter, mais je dirai clairement que notre motivation n'est pas de contribuer à la destruction des collectivités rurales. Bien au contraire. Lorsqu'on regarde le secteur de la valeur ajoutée, je crois qu'il est inapproprié de dire qu'il se compose uniquement de grandes entreprises. Il y a de nombreuses occasions pour les petites entreprises qui pourraient avoir des équipes de deux, trois, quatre ou cinq personnes.

De plus, la nouvelle loi s'intéresse aux nouveaux produits et services que nous serons en mesure d'offrir. L'un de nos objectifs clairs est de contribuer davantage à la dimension intergénérationnelle de l'exploitation agricole. Comme vous l'avez dit plus tôt à propos des terres agricoles qui sont cédées à bail, la question est la suivante: Pouvons-nous aider la jeune génération à prendre la relève, tout en veillant à ce que les parents qui quittent l'exploitation aient un revenu suffisant pour la retraite? Vous verrez des efforts en ce sens à mesure que notre société ira de l'avant. Dans le cadre de cette nouvelle loi, nous souhaitons dès le début être en mesure d'améliorer la situation à ce niveau et d'éviter d'y nuire ou d'y faire obstacle.

Le sénateur Wiebe: Pour ce qui est de l'exploitation agricole familiale, j'espère qu'on ne la définit pas comme comportant 160 acres. Certaines des exploitations très prospères du pays sont plutôt grandes, elles se tirent très bien d'affaire et sont possédées par un père et quatre ou cinq de ses fils. Le projet de loi modifié permettra une cession appropriée de l'actif et de la terre du père à ses trois ou quatre fils, pour qu'ils puissent poursuivre leurs activités agricoles.

Si nous voulons repeupler les régions rurales de la Saskatchewan, il sera difficile de compter sur l'agriculture comme telle pour y arriver. Il y avait en Saskatchewan à un moment donné 1,5 million d'habitants. C'était à l'époque où il y avait des agriculteurs dans toutes les régions. C'est une illusion de croire qu'on pourra revenir à cela.

Ce projet de loi offre aux agriculteurs l'occasion de se regrouper afin de construire une usine de transformation dans leur propre région. Cette usine offrirait de l'emploi à 50 personnes. Ces 50 personnes reviendraient dans leur collectivité. Honorables sénateurs, voilà comment nous repeuplerons les régions rurales de la Saskatchewan. Ce projet de loi nous aidera en ce sens. C'est pourquoi je dis que rien n'est parfait, mais ce projet de loi est aussi près de la perfection qu'il est possible de l'être, et il nous fournira les outils qui nous permettront d'entamer ce processus.

Le président: En ce qui a trait aux capitaux propres, si vous prenez par exemple un agriculteur de 70 ans qui a deux ou trois fils, cet agriculteur devra-t-il fournir des capitaux propres? Disons qu'il donne sa terre en garantie. Doit-il fournir une garantie personnelle, ou accepterez-vous la garantie personnelle de son fils?

M. Ryan: Dans bien des cas, nous acceptons la garantie personnelle du fils. Je déteste devoir dire que c'est tout l'un ou tout l'autre. En bout de ligne, il s'agit de trouver un moyen de discuter avec les membres de la famille et de suggérer que c'est le moment pour une transition, et de leur présenter les éléments dont ils doivent tenir compte et les différentes options qui s'offrent à eux. Il incombera ensuite à la famille de déterminer le meilleur moyen d'effectuer le transfert tout bien considéré.

J'aimerais terminer en disant que si on doit se fier aux garanties personnelles pour octroyer des prêts, on fait erreur. Il faut tenir compte de la viabilité de l'exploitation agricole par comparaison à la garantie personnelle.

Le président: C'est ainsi que le transfert entre générations du système fiscal fonctionnera, n'est-ce pas?

M. Ryan: Je ne suis pas fiscaliste. Je dirais toutefois que nous avons uni nos forces récemment. Le sénateur Tunney en a parlé en termes de partenariat. Nous nous sommes réunis avec Robinson and Company, Meyers Norris Penny et les KPMG du monde pour indiquer que nous voulons nous pencher sur toute cette question de la planification successorale. Nous serons le catalyseur. Nous voulons réunir les gens du secteur agricole et leur dire qu'à titre d'experts dans leur domaine, nous voulons que ce soit eux qui assument la responsabilité.

À ce jour, nous avons mené quelques projets pilotes, mais nous escomptons terminer à l'automne. Nous comptons sur ces entreprises spécialisées pour pouvoir examiner la situation fiscale dont vous venez de parler.

Le sénateur Tkachuk: Je veux simplement préciser ce projet de loi parfait. Je suis désolé si je ne m'affiche pas comme un partisan, mais je ne suis pas ici pour ça. Je vais tout de même y prêter mon appui parce que ce n'est pas un mauvais projet de loi, malgré que ce soit un projet de loi libéral.

Je tiens à m'excuser, monsieur, au nom du parti dans l'ouest du Canada qui vous a posé quelques problèmes concernant ce projet de loi. Ils ont cependant gagné 50 p. 100 des voix dans l'ouest du Canada, y compris 50 p. 100 dans ma province, où environ 80 p. 100 des voix représentaient des agriculteurs. Je dois admettre que parfois ce qu'ils disent a du sens.

M. McCormick: D'accord.

Le sénateur Tkachuk: Pour en revenir à la question de la propriété agricole, vous avez toujours eu le droit de saisir une exploitation. Plus tôt vous avez dit au sénateur Wiebe que vous aviez accumulé ces terres. Vous l'avez fait au moyen de saisies, car les gens ne pouvaient plus payer leurs factures. Le gouvernement craignait que cette accumulation continue et qu'un jour ces terres seraient écoulées sur le marché, ce qui ferait chuter les prix. Le gouvernement voulait que vous vous débarrassiez de ces terres de façon méthodique afin que cela ne se produise pas.

Dans son discours, le président a parlé du transfert intergénérationnel. Quel article du projet de loi traite particulièrement de cette question? J'aurais des questions à poser.

M. Ryan: Vous le trouverez à l'article 4, où on déclare:

«La Société a pour mission de mettre en valeur le secteur rural canadien en fournissant des services et produits financiers et commerciaux, spécialisés et personnalisés [...]».

Par le passé, nous avons pu offrir de l'aide financière. Ce dont on parle ici déborde du cadre de l'aide financière. C'est ce à quoi je faisais allusion auparavant lorsque j'ai parlé d'unir nos forces avec d'autres exploitations agricoles, d'aider à la planification successorale, à planifier les activités, a assurer la planification écologique. Le but de ce projet de loi est d'offrir des services financiers et commerciaux.

Le sénateur Tkachuk: Allez-vous percevoir des frais pour ces services?

M. Ryan: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Allez-vous faire concurrence aux petits cabinets d'experts-comptables à Turtleford, à Prince Albert ou à Wayburn, ou même aux petites études d'avocats? Ce ne sont pas tous les avocats qui travaillent dans de grands cabinets d'avocats. À Yorkton, nous avons beaucoup de petits cabinets comptant une ou deux personnes. Ils offrent des services de planification financière et successorale. Il s'agit non seulement des experts-comptables, mais aussi des comptables agréés. Il y a les sociétés de courtage dans les petites villes. Ferez-vous concurrence à tous ces gens?

M. Ryan: Dans un monde parfait on peut dire qu'il existe toujours le risque d'une certaine concurrence. Comme j'ai dit plus tôt, le but de la société est de servir des réussites en agriculture comme exemple afin d'établir un partenariat avec les autres. Nous ne sommes pas des spécialistes de la planification successorale. Il faudra déterminer qui dans la collectivité se spécialise dans le domaine et la façon dont nous pourrons unir nos forces pour que, en bout de ligne, ces services soient disponibles.

Le sénateur Tkachuk: Ne détenez-vous une matraque assez puissante étant donné que vous fournissez les fonds à la personne qui assurera la prise en charge? Ils devront s'adresser à vous, et vous aurez une part des retombées aussi, n'est-ce pas? Ils doivent toucher leurs honoraires. Si un avocat demande 100 $ de l'heure, vous devez aussi prendre votre part, vous enverrez donc une facture à l'agriculteur. Vous avez cependant un argument massue, car vous dites: «Venez nous voir nous vous offrirons des services de planification successorale, juridique, comptable et, soit dit en passant, il y a une belle somme d'argent ici pour vous, fiston».

M. Ryan: Ce n'est pas du tout la façon dont je perçois les choses.

Le sénateur Tkachuk: Je ne vois pas comment ça pourrait fonctionner autrement. Ça me préoccupe beaucoup.

M. Ryan: Si on envisage la question sous l'angle juridique, et n'étant pas avocats nous ne serions pas en mesure d'exercer le droit et n'étant pas comptables, alors nous ne pourrions pas préparer des états financiers ou faire des prévisions financières. Nous pourrions cependant dire: «Voici ce qui est essentiel pour l'exploitation de votre industrie primaire, ou de votre entreprise. Et si vous choisissez d'aller ailleurs, ça va». Cependant, la société ne cherche pas à vider les poches de qui que ce soit ou à faire d'énormes profits. Elle veut plutôt jouer un rôle de catalyseur et souhaite offrir ces services, soit directement, ou en collaboration avec d'autres.

Le sénateur Tkachuk: Sans frais?

M. Ryan: Non, je ne crois pas qu'on pourra offrir ces services sans frais.

Le sénateur Tkachuk: J'essaie de comprendre, monsieur. Commençons par dire que je suis un partisan de la Société du crédit agricole. Je sais que mon président a dit que c'est un très bon projet de loi et que toutes ses dispositions sont excellentes. J'essaie simplement d'avoir réponse à des questions. À mon avis, ça ressemble à la banque de crédit agricole; c'était une bonne idée au départ. La banque de crédit agricole nous a donné une fausse impression du coût de la terre parce que le gouvernement l'achetait; on n'en connaissait donc pas la valeur. On ne le sait jamais.

Je veux revenir sur ce point. Si vous allez offrir tous ces services, je m'attends à ce qu'il y ait des frais qui s'y rattachent. Allez-vous offrir des services de planification successorale gratuitement? C'est vraiment de la concurrence déloyale. Vous allez enlever une source de revenus aux avocats, comptables et toute autre personne dans ces petites communautés que vous essayez justement d'aider. Si vous imposez des frais, je veux qu'on le dise officiellement pour qu'on sache bien que vous serez en concurrence avec les gens de ces petites collectivités. Ça me va, si c'est ce que le gouvernement souhaite faire. L'idée n'a pas à me plaire, mais je veux simplement le savoir.

M. Ryan: Peut-être puis-je essayer de répondre à vos diverses questions. Tout d'abord, nous offrons des services directs. Nous allons percevoir des frais pour ces services. Deuxièmement, nous voulons offrir ces services directs en partenariat avec d'autres. Cela ne signifie pas que nous devons obtenir une commission sur le prix que nous réclamons à la communauté agricole. Si ce sont les autres qui font affaire avec la société XYZ et on s'en occupe, ce sont eux qui toucheront les frais qui s'y rattachent et non pas la Société de crédit agricole.

Lorsque je parlais de frais un peu plus tôt, je me référais par exemple à une situation où nous organiserions des réunions d'information partout dans les zones rurales au Canada, afin de parler de l'importance de la planification successorale. Il y a des coûts qui s'y rattachent. Il faut payer pour la chambre et des repas. Il faudrait trouver un moyen de récupérer ces coûts. Ce n'est pas un secteur d'activité indépendant où nous nous attendons à faire des profits appréciables.

Le sénateur Tkachuk: Pour ce qui est de la question de cinq ans, était-ce pour une terre que vous aviez achetée? Je ne devrais pas dire «achetée», mais plutôt «acquise». Peut-on acquérir une terre? Peut-on seulement acheter une exploitation agricole?

M. Ryan: Il s'agit ici de l'énorme quantité de terres qui a été acquise, mais qui en fait a été redonnée à la société pour régler des dettes qui remontaient à la fin des années 80 et au début des années 90. Le gouvernement de la Saskatchewan a alors imposé un moratoire et a déclaré: «Vous avez six ans pour redonner à bail cette terre au producteur primaire». Cette loi est maintenant périmée. Nous n'allons pas renouveler ces baux, nous voulons plutôt revendre ces terres à la collectivité agricole.

Le sénateur Tkachuk: C'est bien. La période de cinq années s'appliquait aux terres que vous pourriez saisir dans l'avenir. Vous pensez qu'en cinq ans vous pourriez vous en débarrasser?

M. Ryan: Nous espérions que ça se fasse en 12 ou à 24 mois tout au plus. C'est pourquoi cinq ans nous convenait. Notre but n'est pas d'accumuler une réserve foncière, mais de remettre ces terres entre les mains des agriculteurs le plus rapidement possible.

Le sénateur Tkachuk: Je le comprends, et je vous félicite de vos efforts.

Le président: Un point est ressorti de la question du sénateur Tkachuk: que la Société de crédit agricole ou quiconque d'autre s'en charge, il existe un besoin réel de tenir des réunions d'information pour renseigner les agriculteurs au sujet de leurs droits dans divers secteurs. Je vous donne un exemple: un homme de 82 ans m'a téléphoné. Il m'a dit: «Len, pensez-vous que je devrais me prévaloir du programme de transfert transgénérationnel?» J'ai dit: «Quel âge a votre fils?» Il m'a répondu: «Eh bien, il a 62 ans».

Je connais un peu la question des transferts transgénérationnels. Les terrains peuvent être cédés à la troisième génération s'il s'agit d'agriculteurs authentiques, et on peut céder les machines, mais ne pas céder les céréales ni le bétail, et ça, c'est la loi. Très peu d'agriculteurs le savent. Pourtant, c'est bien simple. Organiser une réunion d'information à l'intention des agriculteurs leur épargnerait sans doute beaucoup d'argent en frais d'avocats et de comptables, qui ne le comprennent peut-être pas non plus. Je tenais à le dire.

Le sénateur Tunney: Je veux revenir brièvement à une discussion que nous avons eue plus tôt. Cela découle d'une intervention du doyen du Sénat, qui parlait des déshydrateurs. J'ai eu un groupe de déshydrateurs dans mon bureau il y a environ deux semaines. J'ai appris plus sur ce sujet à ce moment-là que je n'aurais pu de quelqu'autre façon que ce soit, à moins d'en faire l'expérience personnellement.

Cette entreprise-là marchait très bien, et la majorité de leurs entreprises étaient très rentables. Cependant, ils ont failli fermer leurs portes à cause de l'économie japonaise. Maintenant, les acheteurs sont de retour.

En fait, ils travaillent maintenant avec les éleveurs de troupeaux laitiers au Japon et en Corée, qui tiennent désespérément à augmenter le rendement des troupeaux. Ce faisant, ils vont augmenter la demande de luzerne déshydratée. Ils font des boulettes pour la volaille et pour les porcins, et ils font des flocons ou cubes pour l'industrie laitière.

Je tiens à signaler deux faits intéressants que j'ai appris, et ensuite, je n'en parlerai plus. D'abord, ils sont incapables de répondre à la demande actuelle. En effet, ils disent que cette année, l'offre restera probablement de 30 à 40 p. 100 au-dessous de la demande. De plus, les États-Unis n'ont nulle intention de suppléer au manque. Ils fournissent environ 2 p. 100 des exportations de luzerne déshydratée et de luzerne à forte teneur en protéines à destination de la Corée. Le Japon est le principal acheteur.

Je crois que c'est une excellente culture de rechange, non seulement parce qu'elle est assez nouvelle, mais encore parce qu'elle offre aux agriculteurs l'option de l'assolement. À mon avis, et le sénateur Sparrow en conviendra, la rotation des cultures est très importante.

Maintenant, pour conclure, je dois vous dire combien je suis ravi du regain d'appui de la part du sénateur Tkachuk en faveur de ce projet de loi.

M. McCormick: Monsieur le président, puis-je profiter de cette occasion dans cette splendide et très fonctionnelle salle de comité pour reconnaître et féliciter mon collègue, le sénateur Sparrow, d'avoir été nommé au Temple de la renommée de la Saskatchewan.

Des voix: Bravo!

Le président: C'est un honneur bien mérité. Y a-t-il d'autres questions avant qu'on passe à l'examen article par article?

Le sénateur Oliver: Je propose que nous passions à l'examen article par article.

Le président: Êtes-vous d'accord pour que l'on aborde l'étude article par article du projet de loi C-25?

Des voix: D'accord.

Le président: Le titre est-il réservé?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 1 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 2 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 3 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 4 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 5 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 6 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 7 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 8 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 9 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 10 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 11 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 12 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 13 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 14 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 15 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 16 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 17 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 18 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 19 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 20 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 21 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 22 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Le projet de loi est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Est-on d'accord pour que je fasse rapport du projet de loi sans amendement à la prochaine séance du Sénat?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté. Je remercie nos témoins de leur comparution. Je remercie les honorables sénateurs d'avoir posé d'excellentes questions.

M. Ryan: Je tiens à dire, honorables sénateurs, combien je suis ravi de la qualité des questions que vous avez posées, tant lors de notre dernière comparution ici en avril, qu'aujourd'hui. Manifestement, vous avez beaucoup réfléchi à ce qui est important pour le secteur agricole. Je peux vous dire que les membres du personnel qui se trouvaient au Sénat cet après-midi ont suivi la discussion avec beaucoup d'intérêt. Je crois qu'ils sont même ici peut-être. Nous avons amené quelques-uns de nos cadres pour qu'ils entendent directement ce que le Sénat avait à dire à propos de l'agriculture et de votre passion de l'agriculture. Vous nous avez traités avec le plus grand respect. Nous vous remercions tous sans exception de la confiance que vous avez faite à la Société du crédit agricole, et nous nous réjouissons des progrès qui y seront apportés.

Nous vous remercions particulièrement, sénateur Tunney, d'avoir pris l'initiative de présenter et de piloter le projet de loi.

Le président: Merci d'avoir comparu.

M. McCormick: Merci, chers collègues, puisque vous êtes mes collègues.

Le président: L'agriculture est un sujet très important.

La séance est levée.


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