Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 13 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 4 octobre 2001
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 35 pour examiner le commerce international des produits agricoles et agroalimentaires et les mesures à court et à long termes pour la santé du secteur agricole et agroalimentaire dans toutes les régions du Canada.
Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte.
Nous avons devant nous des témoins représentant l'Administration du rétablissement agricole des Prairies. Nous accueillons ce matin Bernie Ward, directeur, Services des analyses et des communications, et Gerry Luciuk, directeur, Service de la gestion des terres et de la diversification.
L'ARAP est présente depuis longtemps dans les Prairies, et sa présence a été bénéfique. Nous vous souhaitons la bienvenue ici ce matin et nous avons hâte d'entendre votre exposé.
M. Bernie Ward, directeur, Services des analyses et des communications, Administration du rétablissement agricole des Prairies: Je vous suis reconnaissant de m'avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui.
J'ai fait distribuer deux dépliants. Le premier décrit l'ARAP. Le deuxième explique notre programme d'aménagement hydrique rural, programme qui s'est révélé populaire au cours des deux ou trois derniers mois.
Je voudrais d'abord faire un bref exposé sur l'historique de l'ARAP, nos programmes actuels, et des observations sur la sécheresse. Je crois que l'on vous a également remis copie de l'exposé.
L'Administration du rétablissement agricole des Prairies est une direction d'Agriculture et Agroalimentaire Canada vouée à l'expansion économique et à la gérance environnementale des sols agricoles et des ressources hydrauliques en vue d'offrir une qualité de vie plus élevée aux Canadiens. Dans notre ministère, nous avons adopté trois nouveaux secteurs d'activité. La plus grande partie des efforts de l'ARAP se situe dans le secteur d'activité numéro deux, la santé de l'environnement.
La diapositive numéro 3 rappelle la création de l'ARAP et en décrit les responsabilités. La Loi sur le rétablissement agricole des Prairies a reçu la sanction royale le 17 avril 1935. À l'époque, l'ARAP était chargée de rétablir les ressources en terres dévastées par la sécheresse des années 30. Son mandat était d'élaborer et de promouvoir des pratiques agricoles saines, ainsi que des mesures de plantation d'arbres, d'approvisionnement en eau, d'utilisation des terres et d'établissement agricole qui favorisent une plus grande sécurité économique.
À ce moment-là, l'ARAP a reçu le mandat de concentrer ses activités dans les Prairies. En un sens plus large, l'ARAP peut toutefois étendre ses activités à d'autres régions du Canada, au besoin et le cas échéant.
On projette maintenant une carte de la région des Prairies, qui comprend la région de la rivière de la Paix en Colombie-Britannique. Les couleurs font ressortir les cinq régions de l'ARAP. Dans chacune de ces régions, nous avons des bureaux de district, qui sont au nombre de 22. De plus, nous avons trois centres, un centre d'irrigation à Carberry, au Manitoba; un autre centre d'irrigation à Outlook, en Saskatchewan; et le centre d'aménagement de brise-vent à Indian Head, en Saskatchewan également. Nous avons un ensemble de pâturages communautaires dispersés dans toute la région. Il y en a 87 aujourd'hui. La plupart se trouvent en Saskatchewan et au Manitoba. Le siège social de l'ARAP est à Regina, en Saskatchewan.
La diapo suivante donne l'organigramme de notre direction générale. De gauche à droite, la première colonne décrit notre service des opérations régionales. Nos bureaux régionaux et de district relèvent de notre directeur général.
Notre service de la gestion des terres et de la diversification, dirigé par M. Gerry Luciuk, administre nos programmes de base, les pâturages communautaires, les centres d'irrigation et le centre des brise-vent. La division de l'analyse et des communications est mon service. Notre service technique comprend nos services de génie, l'unité de la qualité de l'eau et le système d'information géographique, ou SIG. Le dernier service est notre division chargée de l'administration.
L'ARAP emploie 693 équivalents temps plein. Un peu plus de 200 personnes travaillent au siège social situé à Regina. Les autres employés sont dispersés un peu partout au pays.
Le budget de base est d'environ 52 millions de dollars.
L'infrastructure comprend les centres techniques et de l'irrigation à Outlook et à Carberry. Nous avons aussi un certain nombre de projets d'irrigation éparpillés dans le sud-ouest de la Saskatchewan. Au total, cela représente environ 15 000 hectares.
Le réseau des pâturages communautaires représente environ 900 000 hectares. Notre pépinière située à Indian Head distribue six millions d'arbres par année. Sa superficie est d'environ 640 acres.
La diapo numéro 7 montre que nous pouvons compter sur une solide expertise technique dans diverses disciplines. Ces talents divers nous permettent de relever des défis environnementaux extrêmement diversifiés. Nous sommes convaincus que cette solide expertise technique est l'un de nos plus grands atouts.
Tout au long de l'histoire de l'ARAP, la direction générale a connu diverses orientations successives. Tout a commencé avec l'adoption de la loi en 1935 et le creusement de mares artificielles et la mise en valeur des terres. C'est à ce moment-là que nous avons créé le programme des pâturages communautaires.
En 1938, l'ARAP s'est lancé dans de grands travaux d'infrastructure hydraulique. L'un de ses plus grands projets, commencé à la fin des années 50 et au début des années 60, a été le barrage Gardiner au lac Diefenbaker. Je pense que ce projet a duré environ dix ans.
En 1972, par l'intermédiaire du ministère de l'Expansion économique régionale, l'ARAP a assuré l'approvisionnement en eau des collectivités dans le cadre du programme des centres de services agricoles. En 1983, nous nous sommes orientés vers la conservation des sols.
À la fin des années 80, nous avons commencé à nous occuper de développement rural et avons mis en place une série d'ententes de partenariat fédéral-provincial.
Dernièrement, nous avons créé une unité de la qualité de l'eau. Cette nouvelle orientation a commencé en 1994. Vous n'ignorez pas que l'eau est une ressource très importante. Étant donné la situation actuelle et les inquiétudes qui se font jour aujourd'hui au Canada au sujet de la qualité de l'eau et de l'approvisionnement en eau, l'unité de la qualité de l'eau est toujours très occupée.
Aujourd'hui, nous mettons l'accent sur l'approvisionnement en eau, la qualité de l'eau, l'analyse et la planification des ressources, la gérance des terres, la R-D, l'exécution des programmes et les activités internationales. J'ai une série de diapos qui décriront plus en détail chacune de ces activités.
Je vais d'abord traiter de l'approvisionnement en eau. Lorsque l'écoulement est suffisant, nous nous concentrons sur l'aménagement de bassins en surface. Cette eau est généralement de bonne qualité, mais l'approvisionnement est sujet à la sécheresse. Lorsque l'écoulement est insuffisant, nous devons compter sur l'eau souterraine. Cet approvisionnement est moins vulnérable à la sécheresse, mais dans l'ouest du Canada, la qualité de l'eau souterraine est généralement médiocre. L'ARAP a entrepris des activités de cartographie pour identifier de nouvelles sources. Nous cherchons en particulier les terrains aquifères.
Les progrès technologiques récents ont rendu les pipelines ruraux économiquement viables. Depuis six ans, nous avons appuyé l'installation de pipelines ruraux pour acheminer l'eau dans les Prairies
Depuis 1935, l'ARAP a aidé à mener à bien de nombreux petits projets d'aménagement hydraulique: 148 417 mares artificielles, 111 552 puits, 14 839 barrages d'abreuvement, 10 723 projets d'irrigation et 711 pipelines. Les pipelines sont devenus prioritaires.
Dans le domaine de la qualité de l'eau, il y a deux grands secteurs d'activité. La protection comprend la gestion des zones riveraines. Nous faisons de la sensibilisation auprès des producteurs et la promotion des meilleures pratiques de gestion possible. Nous nous occupons aussi des systèmes d'arrosage à distance. Cela s'applique à la fois aux zones riveraines, aux mares artificielles et aux barrages d'abreuvement utilisés par les producteurs. Des efforts sont déployés pour éloigner les animaux des sources d'eau afin d'améliorer la qualité de l'eau. Nous avons aussi fait du travail de planification axé sur la protection de la nappe phréatique.
Le deuxième élément de nos activités dans le domaine de la qualité de l'eau porte sur le traitement des eaux des mares artificielles. Cela comprend la coagulation, l'aération et les couvercles des mares, dans le but de rendre l'eau plus propice à un usage agricole. Ces mares deviennent une source d'eau pour la pulvérisation des récoltes annuelles et pour la production animale. Meilleure est la qualité de l'eau, plus efficace est la pulvérisation. Meilleure est la qualité de l'eau, plus productif est le bétail. De plus, nous avons travaillé au traitement de l'eau pour usage domestique.
Il y a environ 18 mois, nous avons entrepris une grande étude sur les paysages agricoles des Prairies. Entre 20 et 25 personnes travaillent à cette étude, dont l'objectif est fondé sur les prédictions faites antérieurement par le Conseil canadien de commercialisation des produits agricoles. Le Conseil avait suggéré que le secteur agricole canadien se fixe comme objectif d'augmenter notre part du marché mondial des exportations agricoles pour la porter de 3 p. 100 à 4 p. 100, et d'inverser le ratio de la valeur ajoutée par rapport aux exportations de produits primaires, ce ratio devant passer de 40/60 à 60/40. La question à laquelle nous avons cherché à répondre est la suivante: quelles seraient les répercussions d'une croissance de cet ordre, dans les Prairies, sur les ressources en terre et en eau? Nous voulions faire une projection de ces répercussions sur l'année 2005.
Nous voulions identifier les points de friction potentiels. Les données ainsi recueillies pourraient être intégrées à l'orientation stratégique de notre direction générale. Le fait de connaître ces points de friction allait nous permettre de nous regrouper et de répartir nos ressources en fonction de l'avenir.
Je vais maintenant traiter des systèmes de soutien décisionnel. Dans ce domaine, nous avons mis l'accent sur le SIG, ce qui veut dire système d'information géographique. Nous utilisons ce système pour intégrer des données spatiales. C'est un outil qui permet d'intégrer les données cadastrales, démographiques, économiques et sur les ressources. Il est utilisé pour évaluer les répercussions de l'utilisation des terres, la surveillance de l'utilisation des terres, et les études de faisabilité. Son utilisation la plus intéressante est peut-être pour le choix de sites pour la production intensive de bétail.
La gestion de nos grands pâturages vise deux objectifs: la conservation des ressources et l'efficacité économique du pacage. Les grands pâturages servent aussi à maintenir une couverture végétale permanente sur les terres peu productives. Nous avons constaté que les pâturages apportent aussi d'autres avantages aux Canadiens sur le plan environnemental. Les pâturages influent sur la biodiversité, l'atténuation des gaz à effet de serre, les espèces en péril, et cetera. Ces pâturages offrent aussi des services de reproduction pour favoriser une plus grande productivité des troupeaux de bétail.
Nous avons financé conjointement des installations de recherche à Carberry et à Outlook, et nous avons une nouvelle initiative appelée Initiative Canada-Alberta de diversification des cultures, située à Lethbridge.
Les recherches portent sur les analyses variétales, les pratiques agronomes, les techniques à faible consommation d'eau et d'énergie, et les répercussions de l'irrigation sur la qualité de l'eau souterraine. Nous utilisons un certain nombre de méthodes pour transférer la technologie aux agriculteurs. Cela se fait par des brochures et des rapports, mais surtout dans le cadre de foires champêtres annuelles.
Le centre de brise-vent situé à Indian Head, en Saskatchewan, est l'élément le plus ancien de l'ARAP. Il célèbre cette année son 100e anniversaire. Il distribue six millions d'arbres par année. Ce sont des variétés appropriées pour le climat des Prairies. Le centre fait des recherches sur les possibilités agroforestières. Nous avons constaté que les brise-vent peuvent séquestrer le carbone autant en surface qu'en sous-sol. Le centre travaille également en foresterie communautaire, fait des plantations pour la faune et étudie les variétés fruitières rentables.
En plus des programmes que nous réalisons directement, comme notre programme d'aménagement hydrique rural et notre réseau de pâturages communautaires, nous avons eu du succès grâce à des partenariats. On énumère ici certaines des initiatives les plus récentes auxquelles nous avons participé. Il y a notamment le programme des routes céréalières des Prairies. Je signale également une autre entreprise importante: le programme de paiement des transitions sur le grain de l'Ouest, qui a commencé en 1994.
L'ARAP a également des activités internationales. Nous mettons en pratique l'expertise canadienne à l'étranger, dans le cadre de projets de l'ACDI. Nous avons actuellement des projets en Égypte, en Chine, en Éthiopie et en Ukraine.
Nous nous lançons actuellement dans une nouvelle stratégie sectorielle. Nous avons élaboré un cadre pour la mise en oeuvre de cette nouvelle stratégie. Aux termes de ce cadre pour la politique agricole, les ministres fédéral et provinciaux se sont entendus lors d'une récente réunion tenue à Whitehorse sur cinq domaines prioritaires. L'ARAP s'occupe surtout de l'environnement. Notre principal défi est de trouver le juste équilibre entre les objectifs économiques des producteurs et une bonne gestion des terres et de l'eau pour assurer la conservation à long terme des ressources.
À la lumière de son histoire et de ses activités actuelles, vous vous demandez peut-être à quoi on peut attribuer le succès de l'ARAP. Nous croyons que l'administration a été couronnée de succès parce que nous avons réussi à nous adapter pour demeurer pertinents. Nous fonctionnons en partenariat. L'agriculture est une compétence partagée et nous avons toujours fonctionné dans le cadre de partenariats, tout au long de notre histoire. Nous abordons les problèmes en appliquant une approche multidisciplinaire qui fait grandement appel à notre expertise technique très diversifiée et qui est reconnue à l'échelle internationale. Et peut-être le plus important, nous rapprochons le gouvernement fédéral des citoyens.
La diapo suivante illustre le fonctionnement de l'ARAP. Nous avons choisi un exemple qui est d'actualité, à savoir la grave sécheresse qui sévit aujourd'hui dans l'ouest du Canada.
Nos activités de lutte contre la sécheresse sont axées sur la surveillance, l'analyse et la diffusion de l'information. Nous avons une programmation et une aide techniques à long terme pour tenter de stabiliser l'économie des Prairies. L'ARAP est la ressource ministérielle de surveillance et de diffusion des données sur la sécheresse dans l'ouest du Canada. L'ARAP a des représentants aux comités provinciaux de la sécheresse et travaille de concert avec les gouvernements provinciaux.
Nous faisons la surveillance et l'analyse des réseaux d'information portant sur les conditions actuelles des pâturages de l'ARAP. Les résultats sont extrapolés pour obtenir un tableau des ressources totales des Prairies en matière de pâturages et de mares artificielles. Nous analysons les données d'Environnement Canada sur la température et les précipitations. La direction de la recherche du ministère recueille des données sur les populations d'insectes. Nous analysons et interprétons cette information et faisons rapport à l'interne et aussi au grand public.
Les rapports et les renseignements sont disponibles en continu sur notre site Web consacré à la surveillance de la sécheresse. Je pense que nous avions des cartes décrivant la situation actuelle; elles n'ont pas été distribuées, mais nous en avons fait des copies ce matin et nous vous les ferons parvenir. Nous pourrons en discuter plus tard.
Au début de l'année, quand on ne prévoit pas de sécheresse, les données sont mises à jour mensuellement. Quand une sécheresse apparaît, nous faisons la mise à jour plus souvent. La plupart des données sont maintenant mises à jour chaque semaine.
Nous mettons en oeuvre le programme national de report d'impôt à l'intention des éleveurs de bétail. Nous assurons la programmation à long terme et l'aide technique. Les sécheresses sont cycliques. Nous répartissons nos ressources en application de programmes stratégiques misant sur des solutions à long terme. Nous tentons ainsi de trouver des solutions susceptibles d'atténuer les incidences des sécheresses quand elles ont lieu. On pourrait donner l'exemple de notre programme d'aménagement hydrique rural. Je vous ai remis un dépliant sur ce programme. Notre expertise en gestion des parcours, utilisée à nos propres fins internes dans notre réseau de pâturages communautaires, est également utilisée pour transférer la technologie et l'information aux producteurs et autres membres de la communauté des éleveurs de bétail.
Notre unité de la qualité de l'eau est surchargée de travail. Nous attribuons constamment de nouvelles ressources à cette unité. Quand il y a sécheresse et que l'approvisionnement en eau diminue, la qualité de l'eau diminue également.
En mai 1999, les dirigeants de l'ARAP ont décidé de créer une section de l'agro-climat des Prairies. Ce nouveau service s'est vu confier la tâche d'adapter les politiques aux conditions actuelles, en tenant compte des prévisions climatiques à long terme et du scénario de changement climatique. Cette section nous a été particulièrement utile cette année parce que la sécheresse a été fort prononcée.
Au fil des années, l'ARAP a su s'adapter à l'évolution du secteur agricole. Depuis 1935, sa souplesse lui a permis d'offrir des programmes et services efficaces dans un environnement qui change constamment. Les activités de l'ARAP soutiennent l'engagement d'Agriculture Canada relativement à son deuxième secteur d'activité, soit la santé de l'environnement. Nous croyons que la démarche intégrée du ministère contribue à la durabilité socio-économique et environnementale du secteur agricole. Merci.
Le président: Je vous remercie de cet exposé complet sur vos activités à l'Administration du rétablissement agricole des Prairies. J'ai une question à poser. Vous dites avoir 693 employés. Ce nombre comprend-il les gestionnaires des pâturages et les gens qui travaillent dans ces pâturages?
M. Ward: Je précise qu'il s'agit en fait de 693 équivalents plein temps. Ce chiffre ne comprend pas le réseau de pâturages communautaires, compte tenu du fait qu'un nombre considérable d'employés qui travaillent dans les pâturages communautaires et les abrivents sont saisonniers.
Le sénateur Wiebe: J'ai trois questions à poser. Au début de l'été, à Edmonton, j'ai eu le privilège de faire partie du groupe de travail spécial sur l'agriculture créé par le premier ministre. Notre groupe a tenu des audiences à Edmonton. Malheureusement, je ne me rappelle pas du nom d'une personne qui s'est rendue à Edmonton en voiture pour témoigner devant nous. C'est un homme qui travaille à votre bureau de Regina. J'ai trouvé que son exposé était l'un des deux meilleurs que notre comité ait jamais entendus, sur le plan de la réflexion prospective. C'est pour cette raison que j'ai instamment recommandé à notre comité d'inviter l'ARAP à témoigner devant nous.
J'espère que vous transmettrez ce compliment au monsieur qui avait rédigé ce mémoire. J'ai des copies de ces diapos et je vais les mettre à la disposition de tous les membres du comité. Malheureusement, j'avais une réunion à 7h30 et je n'ai pas eu le temps de passer à mon bureau pour les prendre et les apporter ici. C'était un exposé extraordinaire. Il traitait de ce que l'ARAP peut faire pour assurer la durabilité de l'agriculture.
C'est justement là-dessus que nous devons nous pencher. Je viens du sud-ouest de la Saskatchewan. J'ai eu l'impression que c'est principalement l'ARAP qui a relancé l'agriculture après les années 30. Je suis fermement convaincu que si l'on donnait suffisamment de ressources à l'ARAP, elle pourrait en faire autant et régler efficacement le problème actuel. Je ne parle pas de la sécheresse, mais de l'agriculture en général. Le résultat est lié à la quantité de ressources.
Un gouvernement s'est lui-même placé en mauvaise posture. Nous avons encouragé les agriculteurs à faire de l'élevage à cause du faible rendement des céréales et des oléagineux. On peut toujours discuter de la question de savoir si nous en sommes responsables, mais nous n'avons pas pris la peine de les former ou de leur donner les bons outils de gestion.
Ma ferme se trouve dans ce que l'on appelle le Triangle de Palliser, région qui s'étire entre Winnipeg et Calgary en passant par la Saskatchewan et qui est essentiellement un désert. Mon grand-père m'a dit que si je veux faire de l'élevage dans ce secteur, je dois d'abord prendre deux précautions. Premièrement, il me faut un puits profond. Deuxièmement, je dois toujours avoir une réserve de foin de trois ans.
Cette sagesse est transmise de génération en génération dans certaines familles d'éleveurs de l'ouest du Canada, encore aujourd'hui. Ces gens-là ne sont pas inquiets parce qu'ils ont suivi ce conseil. Il n'y a pas de pénurie d'eau dans leurs pâturages et ils ont toujours conservé une réserve de foin de trois ans. Ils ont résisté à la tentation de vendre le foin à un bon prix l'année dernière en comptant sur Mère nature pour leur fournir cette année le foin dont ils auraient besoin.
On nous demande maintenant, au gouvernement, de donner des subventions au transport et une aide financière pour permettre aux éleveurs d'acheter du foin ailleurs. Dans ce désert, à long terme, comme vous l'avez dit, les conditions sont cycliques. Il y a donc de bonnes années où nous pouvons produire du foin de réserve. Je pense que là où les gouvernements devraient intervenir, c'est dans des régions comme le sud-est de l'Alberta, qui en est maintenant à sa troisième année de sécheresse.
L'ARAP a-t-elle une direction ou un service qui s'occupe de diffuser des renseignements de ce genre aux gens qui envisagent de se lancer dans l'élevage du bétail ou dans quelque autre secteur qui exige des connaissances spécialisées de ce genre?
M. Ward: Oui. Nous n'avons pas à l'ARAP un service qui se consacre exclusivement à diffuser de l'information, mais nous le faisons dans différents services. Comme on peut le voir sur la diapo qui donne un aperçu géographique des bureaux de district de la Saskatchewan, certains employés sont chargés de fournir de l'assistance technique. Il y a des employés qui travaillent à des projets visant à enrichir le programme d'aménagement hydrique rural et d'autres fournissent de l'information sur l'élevage du bétail, les cultures et, dans le cas qui nous occupe, les fourrages.
En outre, nous avons tout le programme de pâturages communautaires, avec ses gestionnaires et ses spécialistes de la gestion des parcours, qui pourraient déployer davantage d'activités s'ils avaient plus de ressources.
M. Gerry Luciuk, directeur, Service de la gestion des terres et de la diversification: En réponse à la question du sénateur Wiebe, j'ajouterai que nous avons dans notre programme de pâturages communautaires un groupe de dix scientifiques spécialistes de l'élevage extensif. Ce groupe se spécialise dans l'écologie et la gestion des parcours. Nous estimons qu'il consacre environ la moitié de son temps de travail à l'appui de nos opérations internes, c'est-à-dire à la gestion des pacages sur les terres que nous possédons et exploitons directement pour nos clients. L'autre moitié de son temps est consacrée à diverses activités visant la promotion des nouvelles technologies dans la gestion des parcours, la rotation des pacages, et l'amélioration de la qualité de l'eau pour augmenter la productivité des troupeaux de bétail. D'autres activités portent sur la biodiversité et la protection de l'environnement.
Ces activités sont généralement déployées dans le contexte d'un programme quelconque, par exemple le Plan vert et le Programme d'intégration agro-alimentaire en Saskatchewan. Dans le cadre de ces programmes, nous travaillons avec des partenaires à faire la promotion de diverses technologies nouvelles pour résoudre ces problèmes.
La rotation des pacages est une nouvelle façon plus efficace de protéger les ressources des parcours, de réduire leur vulnérabilité à la sécheresse et leur productivité. Quand les ressources nous le permettent, nous mettons l'accent sur les secteurs où l'on opère la transition vers l'élevage du bétail. Par exemple, dans le centre-est de la Saskatchewan et le centre-ouest du Manitoba, les changements des tarifs de transport ont provoqué un mouvement prononcé et croissant vers l'élevage du bétail. Dans la mesure où nos ressources nous le permettent, lorsque nous pouvons compter sur des partenaires et là où il y a des programmes appropriés, nous essayons de mettre à profit nos connaissances dans ces domaines.
Le sénateur Wiebe: Vous faites donc du travail d'information à l'heure actuelle. Si l'on vous donnait le mandat d'en faire plus, auriez-vous la capacité voulue pour vous acquitter de cette tâche?
M. Luciuk: Oui. Nous avons les connaissances spécialisées. C'est une question de temps et de ressources.
Le sénateur Wiebe: Vous avez dit que nous faisons du travail en collaboration dans d'autres parties du monde. Vous en avez nommé trois dans votre exposé. Je sais que ce que nous faisons là-bas, c'est de les aider grâce à nos connaissances spécialisées.
Partagez-vous avec d'autres pays l'expertise qui peut être applicable chez nous? Par exemple, quelles relations avez-vous avec les États-Unis pour ce qui est de leurs travaux d'aménagement hydrique? Leur dernier plan agricole décennal a consacré des sommes considérables à l'amélioration des terres marginales pour la faune, la qualité des sols, et cetera. Dans le nouveau projet de loi agricole, on prévoit consacrer 16,5 milliards de dollars aux dépenses dans ces domaines. Cette somme sera dépensée sur une période de dix ans. Avons-nous un partenariat avec les États-Unis pour partager cette technologie? J'ai remarqué que cet aspect a été abordé dans votre exposé.
M. Ward: Oui. Un certain nombre de nos employés ont des relations de travail avec des employés de la USDA.
M. Luciuk: Nous travaillons avec la direction de la conservation des ressources naturelles de la USDA.
M. Ward: Nous partageons la technologie grâce à ces relations de travail. De plus, la technologie américaine est en grande partie publiée dans un certain nombre de journaux et de rapports. Nos gens se tiennent au courant de tout ce qui est publié. Le 49e parallèle n'est qu'une ligne imaginaire entre les États-Unis et le Canada dans les grandes plaines du Nord.
L'ARAP avait un programme de couvert végétal permanent à la fin des années 80 et au début des années 90, le but étant semblable à celui poursuivi par la USDA dans le cadre de son programme CRP. Nous avons toujours appuyé les programmes de ce genre. Malheureusement, le Canada n'a pas un trésor aussi bien garni que celui des États-Unis.
Le sénateur Wiebe: Je suis certain que si le gouvernement fédéral vous donnait 16,5 milliards de dollars sur les dix prochaines années, vous trouveriez le moyen de les dépenser.
M. Ward: J'en suis convaincu. Je pense que les agriculteurs nous montreraient comment faire.
Le sénateur Wiebe: Ma dernière question porte sur l'étude sur les paysages agricoles des Prairies. Cette étude est-elle terminée ou est-elle toujours en cours?
M. Ward: L'étude est terminée et ses résultats ont été publiés il y a quelques mois.
Le sénateur Wiebe: Auriez-vous l'obligeance de faire parvenir ce rapport à tous les membres du comité?
M. Ward: Oui, je vais le faire.
Le sénateur Wiebe: Je crois que cela nous serait utile. Je suis convaincu que l'étude est excellente. Le besoin s'en fait sentir depuis longtemps. J'aurais toutefois préféré que vous utilisiez un autre mot que paysage, parce que cela donne l'impression que vous plantez des fleurs et des buissons dans votre jardin. C'est difficile de présenter les choses ainsi à un producteur de boeuf ou de porc ou à un céréaliculteur, ou bien de convaincre les gens de Montréal, de St. John's ou de Toronto que cet argent a été dépensé de façon utile pour l'avenir de la production agricole. Je vous donne simplement mon avis personnel.
Le sénateur Oliver: La Bibliothèque du Parlement a rédigé à notre intention un certain nombre de questions à vous poser.
Dans sa présentation au comité, Canards Illimités Canada, dont les représentants sont venus témoigner devant nous il y a environ quatre mois, ont dit que les progrès technologiques des 50 dernières années, conjugués à la baisse des marges bénéficiaires des cultures agricoles, ont entraîné des activités agricoles qui ont eu une incidence négative sur l'eau, le sol, le poisson et la faune et sur les paysages agricoles. Au début de votre exposé, vous avez parlé de ruissellement, et cetera.
Le labourage de terres marginales et de sols érodables, l'assèchement des marécages, le surpâturage des pâturages naturels et des secteurs riverains, l'enlèvement de zones tampons de végétation le long des cours d'eau et des bordures de champs cultivés, et l'utilisation à trop fortes doses d'engrais et de pesticides sont les principales pratiques qui contribuent à la dégradation de l'intégrité écologique des paysages agricoles. Il faut mettre dans la balance la nécessité pour les agriculteurs de gagner un revenu et, d'autre part, l'incidence de leurs activités sur les paysages agricoles. Quel est le juste équilibre? Quel serait l'impact pour nos communautés rurales agricoles et nos paysages agricoles d'une agriculture toujours plus intensive et contractuelle?
Je vous remercie d'avance de bien vouloir répondre aux excellentes questions qui nous ont été fournies par la Bibliothèque du Parlement.
M. Luciuk: Il faudrait beaucoup de temps pour répondre complètement à ces questions. Ce sont en effet de très bonnes questions.
Si j'ai bien compris, la première question est de savoir où se situe l'équilibre quand on met dans la balance le revenu d'une part et la protection de l'environnement d'autre part. Cela rejoint le mandat de l'ARAP depuis sa création. Ce sont à la fois des questions de revenu et de protection de l'environnement qui ont donné naissance à l'ARAP. Il faut un effort constant pour affronter ces problèmes. Dans certains cas, l'effort doit viser à déterminer si les terres doivent demeurer ou ne pas demeurer en culture, et dans d'autres cas, c'est la méthode de culture elle-même qu'il faut étudier. Il faut des programmes pour promouvoir des techniques de production agricole qui soient à la fois les meilleures et les plus durables, tout en étant pratiques et réalistes.
On pourrait en donner bien d'autres exemples. Canards Illimités a proposé une foule de dossiers terrestres et aquatiques. Il est difficile de les aborder de front et intégralement. On pourrait toutefois donner l'exemple de la protection des terres cultivées. L'ARAP préconise des méthodes culturales de conservation du sol. Quand nous nous sommes lancés dans nos initiatives de conservation des sols, il y a une quinzaine d'années, ces méthodes culturales n'étaient pas répandues. Aujourd'hui, environ un tiers des terres cultivées dans la région des Prairies font l'objet d'un travail minimum pour assurer la conservation du sol. Nous avons encore du chemin à faire. Quand les prix des denrées vont bouger de nouveau, des problèmes vont surgir.
Le sénateur Oliver: Depuis combien de temps le travail de conservation du sol est-il pratique courante?
M. Luciuk: Depuis une quinzaine d'années, je dirais. Ça n'a pas été adopté par tout le monde, mais c'est considéré de plus en plus comme l'une des solutions au problème de l'érosion du sol. Évidemment, la protection de l'environnement pour préserver la qualité de l'eau est également l'une de nos priorités et nous encourageons les producteurs à protéger les zones riveraines. Un producteur de bétail ou quelqu'un qui vient de se lancer dans l'élevage du bétail peut vouloir abreuver son bétail sur place en pompant l'eau plutôt que de conduire le troupeau jusqu'à l'eau. Ce sont des efforts de ce genre que nous devons faire et comprendre.
L'étude sur les paysages agricoles des Prairies est une tentative pour comprendre l'incidence des diverses activités agricoles, que ce soit la production de céréales ou d'oléagineux ou l'élevage du bétail, dans le contexte des terres occupées par les producteurs. Nous essayons de comprendre d'abord les problèmes. Je pense que vous constaterez que l'étude sur les paysages agricoles des Prairies est d'une lecture intéressante à cet égard.
La question est très complexe. Il faut comprendre que l'agriculture change, que les terres sont fragiles et que la conjoncture économique comporte également des risques. C'est un problème continuel.
Le sénateur Oliver: Aux Bermudes, qui est une petite île, on capte l'eau de pluie dans des citernes. Avez-vous à l'ARAP un réseau de citernes de grande taille pour capter et utiliser l'eau de pluie?
M. Ward: Oui, nous en avons. Nous les utilisons sur une grande échelle. Nous captons l'eau non pas quand elle ruisselle du toit d'un immeuble, mais quand elle ruisselle au sol. Elle est stockée dans des mares artificielles et grâce à des barrages d'abreuvement. Dans des projets de grande envergure, on capte l'eau de fonte des neiges qui descend des montagnes vers les prairies. C'est le même concept. Beaucoup de producteurs agricoles ont des citernes pour leur propre usage.
Le sénateur Oliver: Je suis de la région de l'Atlantique. Comme votre nom l'indique, vous activités se situent dans les Prairies. Y a-t-il une organisation comparable pour le Québec, l'Ontario et l'Atlantique?
M. Ward: Il n'existe aucune organisation comparable à l'intérieur d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada. L'ARAP a le mandat de s'occuper de la région des Prairies. Mais les gens trouvent toujours le moyen de s'adapter aux circonstances. L'ARAP a été créée par le gouvernement fédéral à l'époque de la dépression des années 30, et a établi depuis plus de 60 ans un partenariat avec les gouvernements provinciaux. Dans les régions du Canada où il n'existe rien de tel, les gouvernements provinciaux ont créé des ressources différentes pour s'occuper de problèmes semblables.
J'ai indiqué que l'ARAP est une direction générale régionale du ministère. Toutefois, notre sous-ministre est en train d'établir une nouvelle structure de gestion ministérielle. Son objectif est d'intégrer les ressources de la direction générale dans un concept d'équipe horizontale. L'ARAP est présente dans un certain nombre de ces équipes. À mesure que le ministère mettra en place cette nouvelle structure de gestion, indirectement, ces ressources seront davantage intégrées et réparties à l'échelle nationale.
Le sénateur Oliver: La raison pour laquelle je pose la question, c'est qu'en Nouvelle-Écosse, l'une des grandes préoccupations des agriculteurs est l'eau, la conservation et l'utilisation de l'eau. Je suis fasciné par les recherches approfondies que vous avez effectuées depuis des décennies sur ces questions. Ce serait magnifique si notre pays trouvait le moyen de partager votre expertise avec d'autres régions du Canada qui ne peuvent pas compter sur une organisation comme la vôtre. Vous avez également travaillé en Chine, en Égypte et en Éthiopie et ce serait magnifique si, au Canada, la région de l'Atlantique pouvait bénéficier un peu de votre expertise.
M. Ward: C'est probablement une question à laquelle je ne peux pas répondre. Je suis certain que mon ministre se pose constamment cette question. Les efforts, les recherches et les études que nous avons effectués, tout cela a été publié. Nous participons à des ateliers et des conférences pour diffuser cette information de sorte qu'elle n'est pas isolée.
Le sénateur Oliver: Je pense que le sénateur Wiebe a entendu lui aussi ces renseignements, lesquels vont peut-être faire leur chemin jusqu'aux provinces de l'Atlantique.
Le président: Sénateur Oliver, je pourrais peut-être répondre à votre question de la façon suivante. Quand l'Ouest a été colonisé, nous nous sommes fait dire par les botanistes, et en particulier par un nommé Macoun, qui a donné son nom à la ville dans laquelle j'habite, que le Triangle de Palliser était un désert. On ne pouvait rien faire pousser à cet endroit. Oubliez cela. C'est ce qu'on disait. Depuis lors, comme le sénateur Wiebe l'a dit tout à l'heure, on a beaucoup produit dans cette contrée très aride. La moyenne annuelle des précipitations y est d'environ 12 pouces. En une année comme celle-ci, nous n'atteindrons peut-être même pas cinq pouces. En fait, il n'a pas plu pour la peine depuis trois mois. Pourtant, il fut un temps où le Triangle de Palliser tout entier était considéré impropre à la culture. L'ARAP a évidemment beaucoup travaillé pour changer cette façon de voir les choses.
Canards Illimités a comparu devant notre comité. À la suite de son témoignage, il y a eu confrontation à Langenberg, en Saskatchewan, entre Canards Illimités, d'une part, et les municipalités et les agriculteurs, d'autre part. Je pense que l'affaire est maintenant devant les tribunaux. Des gens de cette région sont venus me voir chez moi pour me demander s'ils pouvaient comparaître devant notre comité, parce que les gens de Canards Illimités nous avaient fait certaines déclarations. Avez-vous des commentaires à formuler là-dessus?
M. Luciuk: On m'a déjà posé cette question en public. C'est une question très complexe qui a rapport à la gestion de l'eau et qui, dans une grande mesure, est de compétence provinciale. La Saskatchewan Water Corporation est particulièrement en cause. Plus loin à l'est, il y a également des questions de drainage transfrontalier.
Le président: C'est une question qui est chargée d'émotion parce que les agriculteurs de l'endroit estiment qu'ils se font bousculer par Canards Illimités, surtout que cette organisation est en grande partie financée par de l'argent américain. C'est pourquoi toute l'affaire s'est retrouvée devant les tribunaux. C'est une question très sérieuse pour les agriculteurs. Je suis certain qu'ils plaideront leur cause devant le comité.
Leur situation nous amène à réfléchir à un autre problème auquel nous sommes confrontés. Au Canada, les citadins ne savent pas grand-chose de l'agriculture et ne sont pas conscients du stress causé par la sécheresse. Y a-t-il dans votre association une volonté d'informer le grand public du Canada sur ce qui se passe dans le Canada rural?
Je me rappelle de M. Alvin Hamilton, qui a servi cette région pendant des années et qui, à titre de ministre de l'Agriculture, a été le principal responsable des grandes ventes de blé à la Chine. Quand j'ai été élu la première fois député, il m'a dit: il y a une guerre non déclarée entre le Canada rural et le Canada urbain, principalement parce que l'on ne comprend pas ce qui se passe ou ce que l'on essaie de faire dans ces régions. Ce sont là des paroles très dures.
Avez-vous des observations à faire là-dessus? Avez-vous votre mot à dire pour ce qui est de faire l'éducation du grand public au Canada?
M. Ward: Oui. Nous cherchons constamment de nouvelles manières de sensibiliser notre population urbaine. À l'ARAP, nous avons un certain nombre de publications et de présentations visuelles. Nous sommes présents dans diverses expositions et foires partout dans l'ouest du Canada, où nous installons des stands et avons du personnel pour répondre aux questions du public. Nous essayons alors de faire l'éducation du grand public au sujet de l'agriculture et des problèmes des ressources auxquels les agriculteurs sont confrontés. De plus, nous avons entrepris un certain nombre de projets dans les écoles, dans l'espoir qu'il soit peut-être plus facile de former les jeunes. Qui sait quelle est l'ampleur des efforts à accomplir?
Dans notre pays, la nourriture est abondante. En fait, notre plus grand problème est souvent de savoir comment la vendre et l'exporter de façon rentable. Ce n'est pas toujours une question qui se pose dans l'esprit d'un citadin. Quand je vois les sondages et les enquêtes et les questions que l'on pose sur les difficultés qu'éprouvent les agriculteurs, je suis surpris de constater à quel point les citadins accordent de l'importance au soutien des agriculteurs. En général, ils semblent nous appuyer.
Le président: Je voudrais dire qu'au milieu des années 80, j'ai présidé le groupe de travail sur la sécheresse dans l'ouest du Canada. Le Toronto Star m'a téléphoné un jour pour me dire: si nous pouvons vous être utiles de quelque façon, nous nous ferons un plaisir de le faire.
Pour revenir à ce que vous disiez au sujet de l'abondance, nous avons entendu en Europe, quand notre comité s'est rendu là-bas pour discuter de la situation agricole dans différents pays, que la nourriture est tellement abondante en Amérique du Nord qu'on ne s'en est jamais vraiment soucié.
Je crois qu'il est important que nous communiquions. Votre organisation est l'une des mieux placées pour relever ce défi. Votre idée d'être présent dans les foires est excellente. Peut-être devrions-nous aller directement à Toronto, Montréal, Vancouver et d'autres grandes villes et se fixer comme objectif de rendre cette présence possible.
M. Luciuk: Si je peux donner suite à votre question sur la sensibilisation, c'est toujours une très lourde tâche d'informer le public au sujet d'un tout petit secteur par rapport aux autres secteurs de production de l'économie nationale. À l'ARAP, nous avons généralement dirigé nos efforts vers des questions très précises. Je vais donner quelques exemples pour montrer comment nous pouvons cibler une question précise et obtenir des résultats mesurables.
La qualité de l'eau est l'un des dossiers en question. Nous avons certaines initiatives spécifiques au sujet de l'utilisation de l'eau en agriculture et de ses conséquences. Dans le cadre de cette initiative, nous cherchons notamment à montrer comment l'agriculture peut améliorer à son propre avantage l'utilisation de l'eau et mieux gérer les approvisionnements d'eau. En conséquence, il y a une image positive de l'agriculture dans le dossier de la gestion de l'eau.
Un autre exemple récent est le Fonds canadien d'action dans le dossier du changement climatique. Nous travaillons avec l'Association canadienne des éleveurs de bétail et le Conseil canadien de conservation des sols dans une initiative pour promouvoir une meilleure sensibilisation du grand public et des agriculteurs, en particulier en ce qui a trait à l'agroforesterie et à l'utilisation d'arbres pour atténuer le changement climatique.
Nous utilisons des démonstrations pour cibler des initiatives précises. C'est là une réponse partielle à la question de Canards Illimités, qui est également liée à la sensibilisation. Nous avons travaillé avec Canards Illimités dans le cadre de projets visant à montrer comment l'agriculture et la communauté environnementale peuvent collaborer au lieu d'être antagonistes. Il y a eu notamment un projet de démonstration dans un pâturage communautaire à Montrose. En fait, un biologiste de Canards Illimités a été détaché auprès de notre personnel. Nous avons travaillé ensemble pour montrer comment la rotation des pacages et la production agricole ont amélioré le paysage environnemental de ce pâturage, ce qui a été tout à l'avantage de la sauvagine, par exemple. Ce pâturage est souvent utilisé pour montrer qu'il est possible de collaborer avec les groupes de défense de l'environnement et d'utiliser les pratiques agricoles pour renforcer la défense de l'environnement. Je pense que le ministre de l'Environnement a visité ce pâturage au cours des deux dernières années.
Le sénateur Oliver: Comment cela fonctionnait-il? Le pâturage y était-il interdit pendant toute une année au cours de laquelle il était réservé aux canards et autres gibiers d'eau?
M. Luciuk: Non. Nous avons utilisé une approche qui tient compte de l'écologie. On fait une rotation systématique des bestiaux dans des enclos. La production peut augmenter. Un avantage additionnel autant pour le bétail que pour le gibier d'eau est le couvert végétal qui contribue à la nidification et à une saine gestion des bordures de tous les plans d'eau.
Si l'on s'y met vraiment, on peut réaliser des projets qui seront positifs pour toutes les parties prenantes.
Le président: La rotation des pacages consiste, par exemple, à déplacer le bétail dans des espaces restreints, au lieu de le laisser brouter jusqu'à destruction totale du pâturage. Les animaux sont continuellement déplacés dans un autre pré, on fait la rotation. L'agriculteur peut obtenir une production accrue de cette manière, et c'est beaucoup mieux pour la terre.
M. Ward: Pourrais-je ajouter qu'un certain nombre d'études montrent que lorsque des terres marginales pour les récoltes annuelles sont converties à la culture fourragère vivace, ou bien mises de côté et laissées en friche, ce n'est pas conforme aux meilleurs principes écologiques et l'on n'obtient pas la productivité maximale de ces terres. En utilisant ces terres de façon systémique pour le pâturage et en pratiquant le brûlis ou la tonte dans certains endroits, on peut maintenir l'équilibre de la biodiversité.
On fait souvent l'analogie suivante. Avant la colonisation des Prairies, d'immenses troupeaux de bisons et de wapitis utilisaient de cette manière l'écosystème des Prairies. Quand les colons sont arrivés et ont commencé à y pratiquer la culture annuelle, bien des gens disent que le pendule est allé trop loin dans l'autre direction. Par contre, si l'on revient au couvert végétal permanent, il faudra imiter l'influence qu'avaient sur l'écosystème les bisons et les wapitis.
Pour revenir à la question de la sensibilisation, Ottawa sera l'hôte dimanche prochain le 14 octobre d'un événement appelé Fun Fest. L'ARAP y sera présente et nous espérons que notre présentation visuelle contribuera à la sensibilisation.
Le sénateur Hubley: À l'instar du sénateur Oliver, je viens moi aussi de la région de l'Atlantique, plus précisément de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous avons assurément des points communs. Par exemple, l'agriculture est la principale industrie de l'Île-du-Prince-Édouard. L'utilisation et la gestion de l'eau y sont également très importantes.
Au sujet de votre diapo intitulée Démonstration d'irrigation, pouvez-vous nous donner des renseignements sur l'objet des recherches? Vous étudiez les répercussions de l'irrigation sur la qualité de l'eau souterraine. En quoi consistent exactement vos recherches dans ce domaine? Au départ, je me demande même en quoi l'irrigation influe sur la qualité de l'eau souterraine.
M. Luciuk: L'irrigation dans l'ouest du Canada utilise l'eau de diverses sources, habituellement en surface. Dans certaines régions, en particulier au Manitoba, l'eau est toutefois tirée de sources souterraines. Dans le centre du Manitoba, elle vient d'une importante nappe phréatique appelée aquifère du delta de l'Assiniboine. Cette nappe phréatique est recouverte d'un terrain sablonneux et meuble. Par conséquent, les intrants agricoles, engrais, pesticides, fongicides, peuvent facilement percoler jusqu'à l'eau souterraine.
De plus, de vives préoccupations ont été exprimées au sujet de la durabilité de cette pratique de pomper l'eau souterraine pour l'irrigation. Cette inquiétude est liée à l'allocation des droits d'utilisation de l'eau. L'un de nos objectifs est de veiller à faire la démonstration des pratiques les plus durables pour l'utilisation de l'eau en surface. Nous devons savoir comment l'eau est utilisée et être au courant des diverses technologies qui y sont associées.
Le sénateur Hubley: J'ai jeté un coup d'oeil à votre carte indiquant le pourcentage de précipitations moyennes dans les régions agricoles. Je pense qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, nous sommes probablement dans la moyenne, bien que nous apparaissions un peu pâles sur ce document.
Le travail accompli par l'ARAP au fil des ans est considérable. Depuis la dépression des années 30 jusqu'à la sécheresse actuelle, en passant par la sécheresse des années 80, pouvez-vous mesurer les fruits de votre travail? Êtes-vous en mesure de maintenir une partie du secteur qui aurait autrement été dévastée par la sécheresse?
La sécheresse est très grave cette année. Je me demande si vous n'avez pas subi un recul dans vos efforts. La sécheresse actuelle a-t-elle détruit une partie des résultats que vous avez déjà obtenus?
M. Ward: La sécheresse n'est jamais la bienvenue, quelle qu'en soit la gravité. Je dirais toutefois qu'une sécheresse aussi prononcée que celle-ci permet de voir à quel point certaines techniques que nous avons préconisées donnent de bons résultats. Dans certaines régions des Prairies, les précipitations sont les plus faibles jamais enregistrées. C'est donc dire que les précipitations sont même inférieures à celles des années 30.
En comparant la sécheresse actuelle à celle des dures années 30, on constate que nous avons en effet éprouvé cette année des pertes et des difficultés. Par contre, nous n'avons pas vu les grandes tempêtes de poussière que nous avions connues il y a des décennies. De telles tempêtes sont très coûteuses en termes de perte de sols et d'éléments nutritifs du sol. Des producteurs doivent brader leurs troupeaux, mais je crois que nos activités au fil des ans ont permis de réduire l'ampleur de ces ventes à perte.
Notre projet d'irrigation a notamment été utile; il a été créé pour aider à maintenir la production de fourrages pendant les années de faibles précipitations. Le travail n'est pas terminé, mais nous espérons avoir renforcé la stabilité dans la région et atténué les difficultés auxquelles les producteurs sont confrontés.
M. Luciuk: Le sénateur Gustafson a fait remarquer que les agriculteurs, et en particulier les éleveurs adoptent des stratégies particulières en prévision de la sécheresse. Nos indicateurs montrent que ces stratégies ont très bien fonctionné, mieux que dans le passé. De nombreux progrès ont été accomplis dans le domaine de la conservation des sols et de l'intention de maintenir les résidus. L'utilisation optimale de l'eau permet à l'agriculteur d'utiliser les ressources en eau disponibles beaucoup mieux que par le passé.
Nous travaillons à l'ARAP à de nouvelles technologies applicables. L'Unité de l'agro-climat des Prairies s'intéresse en particulier à l'utilisation de prévisions saisonnières à plus long terme. Vous avez probablement entendu parler de La Niña et d'El Niño. L'idée est d'utiliser l'information sur la température des océans pour prédire, six et neuf mois à l'avance, quelle est la probabilité d'apparition de ces phénomènes. Les prédictions ne sont pas favorables actuellement. Par contre, si l'on sait dès maintenant que nous aurons un hiver plus sec et plus chaud, alors on peut adapter son entreprise, quand on est un éleveur ou un céréaliculteur. Nous étudions cela.
Nos scientifiques spécialistes des céréales utilisent également la modélisation informatique pour comprendre comment divers paramètres climatiques influent sur la quantité de graminées sur laquelle on peut compter. À l'heure actuelle, nous essayons de prédire le pourcentage de croissance de l'herbe en fonction de précipitations normales, inférieures à la normale et supérieures à la normale. Si l'on peut prédire ce pourcentage ou mieux comprendre cette évolution, des choix plus éclairés peuvent être faits le printemps prochain, ou à l'été ou à l'automne. Un agriculteur doit être prévoyant à ce point-là. Ces technologies et connaissances scientifiques sont encore parfois assez floues, mais nous devons continuer de travailler pour faire reculer les frontières de la science. Quand nous comprendrons mieux tout cela, nous pourrons appliquer nos connaissances à l'élevage et à l'agriculture. Beaucoup d'autres percées nous ont permis de mieux résister, même si nous savons que la sécheresse reviendra toujours.
Le président: Je pourrais peut-être expliquer que l'adoption de la culture en continu et du semis direct signifie que la terre n'est plus cultivée, qu'elle est simplement ensemencée. On fait aujourd'hui moins de jachères que par le passé.
Hier soir, à Regina, le vent soufflait si fort qu'il a apparemment renversé un petit avion qui était stationné. Il y a parfois des accidents causés par le vent et la poussière et la perte de visibilité. Le vent semble aller de pair avec la sécheresse. J'ignore pourquoi. Vous avez probablement des statistiques là-dessus. Au milieu des années 80, les clôtures étaient couvertes de poussière. Cette expérience a accéléré l'adoption de la culture en continu et la pratique de la jachère a été abandonnée.
Quel est le pourcentage de terres qui est encore en jachère? D'après ce que j'ai observé, cette pratique a fortement reculé.
M. Luciuk: Je ne connais pas le chiffre exact. À l'extérieur de la Saskatchewan, le pourcentage de jachères a baissé considérablement. Les rotations sont beaucoup plus longues. Dans les régions les plus arides du sud-ouest de la Saskatchewan et du sud-est de l'Alberta, il y en a encore plus de 40 p. 100. C'est simplement parce que c'est tellement sec que l'on ne peut pas y échapper. Par contre, les agriculteurs font de meilleures jachères quand ils y sont obligés.
Depuis deux ans, et cela reflète peut-être le cours des denrées, on a mis des terres en jachère deux fois de suite dans certaines régions. C'est parce que les agriculteurs décident de réduire leurs coûts. Comme ils ne peuvent pas se permettre d'acheter des produits chimiques pour la pulvérisation, ils découlent qu'il est aussi bien de laisser la terre en jachère, ce qui réduit le risque.
Le président: Cela devient une décision économique.
M. Luciuk: En effet.
Le président: Par opposition à l'utilisation optimale du sol.
M. Luciuk: En effet.
Le président: C'est évident dans notre région, où nous avons adopté la culture continue. En fait, nous produisons plus de boisseaux à l'acre qu'à l'époque des jachères, mais c'est coûteux. On peut dépenser jusqu'à 200 $ l'acre pour les engrais et les pulvérisations. On se demande parfois si le coût des intrants est égal au rendement. Depuis deux ou trois ans, c'est l'expérience que nous avons menée sur notre exploitation agricole et je pense que beaucoup d'autres en ont fait autant.
Le sénateur Wiebe: Dans le sud-ouest de la Saskatchewan, il n'y a pas autant de cultures continues. Les agriculteurs font la jachère; au lieu de labourer le sol, ils se contentent de faire une jachère chimique. On s'est rendu compte qu'il coûte moins cher de pulvériser le chaume que de faire la jachère proprement dite. La pulvérisation permet de conserver l'humidité, parce qu'il n'y a pas la moindre croissance. L'humidité peut être conservée pour la récolte de l'année suivante et l'on fait alors le semis direct.
Grâce aux travaux de l'ARAP, les agriculteurs se sont magnifiquement bien adaptés à la sécheresse. La sécheresse actuelle est l'une des plus terribles de l'histoire, et pourtant notre production moyenne a baissé de seulement 20 p. 100.
Dans ma région de la province, la pluie est arrivée au bon moment. Les agriculteurs ont produit entre 31 et 45 boisseaux à l'acre, alors qu'il est tombé moins de pluie cette année qu'au cours de l'année la plus sèche de la décennie 1930. La technologie permet aussi de créer de nouvelles variétés de cultures. Et il y a de nouvelles pratiques culturales qui permettent maintenant de passer à travers une sécheresse d'un an.
Voyez ce qui s'est passé au sud de Lethbridge et de Medicine Hat. Ils en sont maintenant à leur troisième année de sécheresse. Il n'y a plus la moindre réserve là-bas. L'an prochain, il faudra vraiment suivre la situation de près. Il ne reste plus d'eau souterraine pour alimenter les racines. C'est ce qui nous a sauvés cette année. Si nous n'avons pas de bonnes chutes de neige cet hiver, nous serons vraiment dans le pétrin.
Le sénateur Tunney: Je voudrais d'abord préciser que je suis un agriculteur de l'Ontario. Ma ferme se trouve à mi-chemin entre Toronto et Ottawa, sur la rive du lac. Je ne suis pas trop affecté par la sécheresse. Ma récolte sera très près de la moyenne cette année.
Le sénateur Oliver a posé une excellente question au sujet d'un programme comparable à celui de l'ARAP pour l'est du Canada. Il y en a un, mais il est d'une moins vaste portée; il s'appelle la société d'aménagement. Nous avons l'habitude, dans l'est du Canada, d'élire des premiers ministres provinciaux qui ne veulent pas que le gouvernement fédéral empiète sur ce qu'ils considèrent comme leur fief. Ces organismes relèvent des autorités provinciales et ont été créés sous l'égide de lois provinciales. Elles fonctionnent très bien. Elles travaillent avec les agriculteurs et s'occupent de la qualité de l'eau, de l'approvisionnement en eau, et cetera.
Dans l'Ouest, je suis fasciné par les méthodes que vous avez mises au point pour abreuver les bestiaux sur les fermes d'élevage extensif et peut-être aussi dans les parcs d'engraissement. Vous utilisez des mares artificielles. Vous avez dit aussi que vous cherchez à éviter que le bétail aille dans l'eau. Comme l'électricité vient de loin, utilisez-vous d'autres formes d'énergie pour pomper l'eau, par exemple l'énergie solaire ou éolienne?
M. Ward: Oui.
Le sénateur Tunney: Je suis allé à Pincher Creek en août. Entre Lethbridge et Pincher Creek, c'est le désert intégral. Il n'y a d'eau nulle part. Des quotas d'eau sont imposés pour irriguer les betteraves à sucre et les pommes de terre, quand il y a de l'eau disponible. Allez-vous rendre visite à ces endroits où la situation est critique? J'espère que vous le faites.
Dans les années 30, il y avait des terres dans la région de Stettler-Consort qui ont été à l'origine, je crois, de la création de l'ARAP. Cela s'appelait des zones spéciales. L'expression n'est peut-être même plus utilisée maintenant. À l'époque, on y faisait de l'élevage extensif et le prix du bétail servait à payer l'utilisation de ces zones spéciales. Je me demande si cela existe toujours.
Je connais très bien l'agriculture en Ukraine et en Russie. J'ai travaillé plusieurs années là-bas avec des agriculteurs, surtout avec des éleveurs laitiers. En Russie et en Ukraine, les agriculteurs brûlent encore leur paille. Je les réprimande sévèrement pour abuser de la terre de cette façon, et je leur conseille de ne pas le faire. Ici, dans l'Ouest, il y a déjà eu une loi interdisant de brûler la paille.
C'est tout ce que je vais vous infliger pour l'instant.
M. Ward: Je vais commencer par votre dernière question au sujet de brûler la paille ou le chaume. C'est un problème. Au Manitoba, c'est interdit par la loi. La Saskatchewan ne réglemente pas cette pratique, mais les fonctionnaires provinciaux s'en inquiètent. En Alberta, je ne crois pas que ce soit interdit, mais je n'en suis pas sûr.
L'expression «zone spéciale» signifie que la terre appartient au gouvernement de l'Alberta et a été louée au producteur. L'expression est encore utilisée dans cette région.
Je vais laisser M. Luciuk répondre à la question sur l'abreuvement à distance. Ces méthodes sont utilisées dans le grand réseau de pâturages communautaires, qui comprend de très grandes terres éloignées et désertes.
M. Luciuk vous donnera aussi quelques renseignements sur son travail en Ukraine dans le cadre du projet de pâturages.
M. Luciuk: L'abreuvement des bestiaux est toujours une entreprise coûteuse. Les éleveurs et les producteurs de bétail étudient toujours soigneusement le type de système d'approvisionnement en eau qu'ils veulent installer. Dans nos pâturages et de façon générale dans le secteur de la production privée, nous utilisons beaucoup de moulins à vent. Comme on l'a dit, le vent souffle vraiment fort dans les Prairies. Les moulins à vent fournissent une source constante d'énergie pour le pompage de l'eau. Ils exigent toutefois de l'entretien. Il faut les inspecter, sous peine de perdre des troupeaux entiers de bétail quand le vent tombe.
Nous utilisons de plus en plus de panneaux solaires. Nous avons participé à des études conjointes avec la direction générale de la recherche de notre ministère. L'une de ces études nous a permis de constater que l'on obtient une forte augmentation du poids des bêtes si l'on vide la mare de son eau pour la nettoyer. La plupart du temps, le coût additionnel se rembourse de lui-même.
Nous utilisons des pipelines dans nos pâturages communautaires. Cela peut exiger d'enfouir des dizaines de milles de tuyaux en plastique, mais permet d'amener de l'eau en plusieurs endroits à partir d'un seul puits bien placé.
Ce sont là toutes des solutions que nous appliquons nous-mêmes. Nous en faisons aussi la promotion auprès des éleveurs. C'est un aspect très important. C'est une solution vieille de plusieurs décennies, mais nous en avons trouvé de nouveaux avantages.
À Pincher Creek et dans les districts d'irrigation, en particulier en Alberta, l'eau provient de la fonte des glaciers dans les Montagnes rocheuses. Par conséquent, la situation actuelle ne résulte pas seulement de la sécheresse, mais aussi des conditions climatiques qui contribuent à l'accumulation de neige dans les montagnes. Nous ne savons pas comment cela finira. Ce n'est pas toujours lié à la sécheresse dans les Prairies. Nous espérons que cette année, la quantité d'eau provenant des Montagnes rocheuses et servant à l'irrigation sera supérieure. La situation est dramatique là-bas. La quantité d'eau disponible pour certains districts d'irrigation est minime, ce qui aggrave le problème.
Nous n'aimons pas que l'on brûle la paille. Rien n'irrite plus un défenseur de la conservation des sols. J'ai moi aussi dissipé les illusions de mes collègues ukrainiens qui se croyaient obligés de labourer leurs terres à tours de bras et de brûler la paille.
Nous avons fait directement la promotion de la technologie forestière canadienne. Nous avons fourni des conseils au Comité des ressources de la terre de l'État au sujet de la transition des terres et des techniques de pacage. Dans le cadre de cet effort général, l'ARAP et d'autres intervenants de l'ouest du Canada ont remarqué avec plaisir que les machines agricoles servant au travail de conservation du sol se sont très bien vendues dans l'est de l'Ukraine. Les ventes y ont été importantes. Tout le monde s'y trouve gagnant car c'est avantageux pour notre économie et nous espérons que cela les incitera à brûler moins de paille.
Le président: Le sénateur Tunney sera embauché comme historien du gouvernement pour ces grands dossiers.
J'ai deux ou trois questions à poser. Je voudrais entendre ce que vous avez à dire au sujet de la taille des entreprises agricoles, de la concentration des porcheries et des questions environnementales émanant des consommateurs. Au sujet des coûts de transport, avez-vous constaté des changements importants avec la modification du tarif du Corbeau dans les Prairies, en particulier en Saskatchewan et au Manitoba?
M. Ward: Dans cette publication intitulée Les paysages agricoles des Prairies, nous avons des tableaux et du texte sur ces questions. On y montre aussi la diminution progressive des jachères.
Quant à la taille des exploitations agricoles, le remembrement existe depuis ma naissance et il se poursuit de nos jours. Il y a de moins en moins de fermes. Nous avons remarqué qu'à une époque, la représentation de la taille des fermes donnait une courbe de distribution normale. La moyenne était la médiane. La plupart des fermes étaient de taille moyenne. Depuis les quatre dernières années de recensement, c'est-à-dire depuis 20 ans, on constate que le nombre de grandes fermes augmente. Le nombre de très petites fermes augmente aussi, qu'il s'agisse de véritables fermes ou de simples lopins de terre. Entre les deux, le groupe moyen, qui était auparavant le plus nombreux, diminue. Il y a donc eu déplacement vers les deux extrémités.
Les changements au tarif des transports ont donné un choc très brutal aux agriculteurs de l'Ouest. Les gens ont commencé à s'adapter pour se préparer au changement et n'ont cessé de s'adapter depuis. Les agriculteurs, surtout le long de la frontière Manitoba-Saskatchewan, abandonnent la culture pour se lancer dans l'élevage de bétail. Dans d'autres régions de la Saskatchewan, par exemple dans le secteur centre-ouest, beaucoup se sont lancés dans les cultures spéciales. Tout cela vise à compenser les coûts du transport.
Partout au Manitoba, le nombre de porcheries a augmenté, la production porcine étant une solution à l'augmentation des coûts de transport. En effet, les porcs nourris au grain réduisent le volume de grains de 3,5 p. 100. Non seulement les porcheries sont beaucoup plus nombreuses, mais elles sont aussi plus grandes. Les promoteurs ou les producteurs qui investissent dans des porcheries semblent avoir besoin d'au moins 500 nouvelles truies tous les deux ans pour réaliser les économies d'échelle qui leur donnent le coût de production le plus bas possible. Ces changements ont été très visibles pour le grand public et les agriculteurs.
Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour aider les gouvernements municipaux à situer ces porcheries. Nous utilisons notre système d'information géographique. Des données sont superposées sur diverses cartes pour vérifier la densité de la population, la présence des aquifères, l'emplacement des routes et des services publics. La décision ultime est prise par le promoteur et, dans la plupart des cas, par la municipalité rurale.
Le président: L'année dernière, à cause de la situation économique et de la faiblesse des cours, il y a eu beaucoup d'agricultures sous contrat dans notre région. Je connais au moins quatre exploitations qui s'occupent maintenant d'une centaine de quarts de section. Ce sont des terres louées. Alors qu'ils payaient probablement 4 000 $ par quart comptant auparavant, les agriculteurs louent maintenant ces sections contre un petit pourcentage simplement pour pouvoir payer les impôts. Ce sont de grandes entreprises. Elles englobent 100 quarts de section, et tout cela est arrivé l'année dernière.
Il semble que ce soit plus répandu au sud de la frontière avec les États-Unis qu'au nord. Certains agriculteurs dans notre région s'en vont dans le nord, à Bell Valley, cultiver de grandes superficies de terres. Des exploitants qui offrent des services de moissonnage-battage à l'entreprise sont allés dans le sud. Ils ont beaucoup de machines agricoles. C'est un mouvement massif comme on n'en avait pas vu d'exemple jusqu'à l'année dernière, tout au moins dans la région d'Estevan-Weyburn, et aussi au Manitoba.
M. Ward: Je m'occupe actuellement d'une entreprise agricole en Saskatchewan, entre Moose Jaw et Swift Current. Je constate la même chose. Mon beau-frère cultive maintenant 14 000 acres. Il me dit qu'il ne crée pas la moindre richesse. Il dit que l'argent rentre et sort à flot et qu'il essaie de gagner sa vie. Les marges à l'acre sont très faibles.
Ce que l'on voit, c'est le système économique à l'oeuvre. Si la marge est très faible, pour survivre, il faut avoir beaucoup d'acres pour gagner les 30 000 à 40 000 $ dont on a besoin pour joindre les deux bouts. Il faut des fermes immenses pour se permettre d'acheter l'équipement moderne. Pour utiliser les nouveaux semoirs pneumatiques, il faut un tracteur à quatre roues motrices. Tout cela coûte cher. Je ne sais pas trop quelle est la solution. On entend toutefois des agriculteurs dire: je ne peux pas survivre avec une entreprise de cette taille. J'envoie ma femme travailler à l'extérieur. Que devrais-je faire? Devrais-je me trouver un emploi? Si je le fais, alors je devrai me débarrasser d'une partie de ma terre et me contenter d'une toute petite entreprise agricole. Ou bien devrais-je aller voir mon banquier pour essayer de le convaincre de me permettre de voir encore plus grand? Dans ce cas, il me faudrait m'emparer de la terre de quelqu'un d'autre. Le remembrement est accéléré.
Le président: Cette tendance s'accélère à un tel point que, j'en suis convaincu, la situation dans les Prairies en sera changée pour toujours. Beaucoup d'agriculteurs qui louent leur terre sont âgés et veulent prendre leur retraite. C'est leur façon de le faire. Cependant, à cause de la sécheresse et des prix, ils ne peuvent pas vendre leur terre à un prix raisonnable et ils se contentent donc de la louer. Certains l'ont louée dans notre région pour le montant des impôts. D'autres exigent 10 p. 100 du rendement. C'est bien fini l'époque où l'on obtenait 4 000 $ par quart, du moins dans notre région.
Il y a encore des secteurs où ce n'est pas le cas. Le sénateur Wiebe vient d'une région où les récoltes ont été excellentes ces trois ou quatre dernières années, de sorte qu'une seule année de sécheresse ne les perturbe pas vraiment. Ailleurs, le problème est très très grave. Les banques ont cessé de financer les agriculteurs. Ce sont maintenant les compagnies de machines agricoles qui le font. Elles disent aux grands agriculteurs: prenez deux moissonneuses-batteuses à 600 000 $ chacune, mais amortissez-les en cultivant 150 quarts de section.
Les compagnies de machinerie parviennent ainsi à résister, parce que les banques n'offrent plus de prêts. Les compagnies de machinerie se financent maintenant à l'interne. Cette tendance s'accélère tellement que je me demande si tout cela n'échappe pas à notre contrôle. Je pense que nous ne pouvons même pas imaginer comment cette situation se répercutera sur notre vie rurale.
M. Luciuk: Cette tendance a été constante dans l'agriculture. Nous n'en comprenons peut-être pas la vitesse et la gravité, mais nous pouvons mettre le doigt sur deux problèmes précis. Ce remembrement a-t-il des répercussions environnementales? Dans l'affirmative, alors nous espérons que nos activités vont aider à résoudre ce problème, compte tenu des nouvelles formes d'entreprises et de gestion.
L'autre aspect est la dimension économique. L'extensification, ou la culture de terres de plus en plus grandes, débouche sur des situations où des terres cultivées sont dotées d'un couvert végétal permanent. Un deuxième problème est que la terre peut être utilisée pour l'élevage du bétail et gérée en fonction d'un profil économique quelque peu différent. Cela infléchit également dans cette direction les tendances dans l'utilisation des terres. Je ne suis pas sûr que nous comprenions parfaitement la situation. Nous savons que les gens transforment l'utilisation de leurs terres. Ils ensemencent des terres en fourrage et se lancent dans l'élevage du bétail. Il y a là un problème de gestion des terres qui soulève la question de savoir dans quelle mesure on peut laisser libre cours à tout cela, et à quel prix pour la collectivité.
Le président: Le comité est allé aux États-Unis en juillet. Il semble que le mouvement vers des exploitations agricoles de plus en plus grandes s'y soit inversé. Les agriculteurs ne vendent plus leurs terres. L'offre que leur fait leur gouvernement pour les conserver est si généreuse qu'ils refusent maintenant de vendre leurs petites entreprises agricoles.
En outre, il y a des programmes de préservation des terres agricoles aux États-Unis. Nos voisins, tout juste de l'autre côté de la frontière, nous disent que leur terre vaut 100 000 $US le quart de section et que les exploitants refusent de les vendre. Du côté canadien, la terre se vend à environ 50 000 $CAN, soit 30 000 $US. Je suis persuadé que cet écart va poser un important problème pour toute l'économie canadienne. Avec la faiblesse du dollar, nous sommes maintenant plongés dans une situation dont il nous faudra du temps pour sortir. Je crois que nous devons nous pencher sur ce problème si nous voulons survivre en tant que communauté rurale.
M. Ward: Il y a certainement des régions dans les Prairies où le remembrement agricole n'est pas compensé par la moindre valeur ajoutée supplémentaire. C'est le cas dans ma région. Ailleurs, les terres sont regroupées dans le secteur céréalier, et il y a également eu agrandissement des exploitations dans l'élevage porcin, les parcs d'engraissement, les entreprises de conditionnement du boeuf, et parfois dans l'ajout d'installations supplémentaires pour la volaille.
Dans le secteur des céréales, il y a des usines de traitement des semences pour les cultures spéciales. Malheureusement, il n'y en a pas suffisamment. Au rythme où on en construit, il n'y en aura jamais suffisamment pour compenser l'immigration des agriculteurs.
Le sénateur Wiebe: J'ai quelques observations à faire sur les zones spéciales. Je pense que ce qui a en partie précipité le changement, c'est que les agriculteurs, qu'ils soient éleveurs de bétail, producteurs de porcs ou céréaliculteurs, sont des preneurs de prix. Nous ne sommes pas des décideurs en matière de prix. Pour compenser cela, les économies d'échelle ont joué un grand rôle. Je pense que ce qui se passe dans le secteur du porc va se répéter dans les secteurs des oléagineux et des céréales. En 1971, j'ai construit une grande porcherie parce que je trouvais que nous avions beaucoup trop de céréales. Il me semblait que nous pourrions commercialiser ces céréales par l'intermédiaire des porcs. À cette époque-là, c'était l'une des deux plus grandes porcheries dans la province. Aujourd'hui, quiconque essaie de construire une porcherie de cette taille est voué à la faillite avant même l'ouverture des portes. Les économies d'échelle dictent maintenant des entreprises de l'ordre de 200 à 1 000 truies. Leurs marges sont très serrées.
À un moment donné, les économies d'échelle ne peuvent plus suffire. Je pense que la taille des entreprises agricoles atteindra un jour un point où il n'y aura plus d'économie d'échelle possible. Nous devons réfléchir sérieusement à ce qui se passe dans l'agriculture.
Pour renforcer votre observation au sujet de ce qui est survenu dans les transports, j'ai examiné les paiements au titre de l'ACRA dans l'ouest du Canada, en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. Je n'arrivais absolument pas à comprendre pourquoi les paiements moyens pour le Manitoba et l'Alberta étaient tellement plus élevés qu'en Saskatchewan. On m'a expliqué au ministère que, fondamentalement, quand le tarif du Corbeau a été supprimé, la plupart des agriculteurs de l'Alberta et du Manitoba ont pris la décision de se diversifier dans l'élevage du bétail. Ceux de la Saskatchewan ont décidé au contraire de se diversifier dans les cultures des légumineuses à grain. En conséquence, à cause de la moyenne de base de l'ACRA, l'élevage du bétail étant tellement plus élevé à cause de cette diversification, les paiements sont beaucoup plus élevés. Le niveau de base pour les céréales et les oléagineux était beaucoup plus bas que le niveau de base pour le bétail. Quand je parle de niveau de base, je veux dire la moyenne sur cinq ans qui sert à le déterminer. Ce que vous venez de dire corrobore certainement ce raisonnement. Pourquoi les agriculteurs de la Saskatchewan ont-ils pris cette décision, au lieu de se lancer dans l'élevage, je l'ignore. Je voudrais le savoir, parce qu'alors nous pourrions nous attaquer au problème. Chose certaine, c'est une réponse logique.
L'eau est une ressource naturelle. Au fil des ans, l'ARAP a réussi à travailler en étroite collaboration avec les provinces de l'ouest du Canada. Les provinces sont les gardiennes de cette ressource naturelle. Cette ressource leur appartient. L'ARAP a fondé certaines entreprises qui ont été très bien gérées. Dans ma province, la Saskatchewan Water Corporation a repris certaines de ces entreprises. La réponse des agriculteurs et de tous les intéressés n'a pas été aussi favorable envers la Saskatchewan Water Corporation qu'elle l'avait été envers l'ARAP.
Je dis tout cela pour établir l'arrière-plan. Nous devons nous rappeler que l'eau n'est pas seulement une ressource, mais aussi un aliment. Vous et moi ne pouvons pas vivre sans eau. C'est un aliment. Nous devons commencer à ranger l'eau dans la catégorie des aliments. La demande de cet aliment émanant non seulement du Canada, mais aussi des États-Unis et d'autres pays, et la tentation de la part de certaines provinces, comme on l'a vu à Terre-Neuve, de vendre une partie de cette ressource feront de l'eau un dossier central à l'avenir.
Participez-vous à l'examen de ces dossiers? Estimez-vous que votre coopération avec les provinces de l'Ouest va se poursuivre? Ou bien est-ce une nuisance relativement à certaines activités et initiatives que vous aimeriez prendre?
Je vous demande de regarder dans une boule de cristal.
M. Luciuk: Nous continuons de travailler avec nos homologues provinciaux. Par exemple, nous participons au Conseil de l'eau des provinces des Prairies, organisation qui traite essentiellement des questions relevant de diverses juridictions dans le domaine de la gestion de l'eau. Nous avons toujours été partie prenante de ce processus et nous continuons dans cette voie. Au niveau opérationnel, depuis 15 ans, nous n'avons pas entrepris la moindre initiative d'envergure sur le plan de l'infrastructure avec l'une ou l'autre des provinces.
Dans l'ensemble, nos efforts ont été plutôt dirigés vers les aspects théoriques, l'utilisation de l'eau et la recherche appliquée, les initiatives de démonstration et de gestion de concert avec les organismes provinciaux compétents. Dans une certaine mesure, nos efforts ont aussi porté sur le domaine de la gestion des ressources hydriques et de la politique de l'eau. Dans cette mesure, nous avons collaboré avec nos homologues provinciaux en Saskatchewan. En l'occurrence, il s'agit de la Saskatchewan Water Corporation. En Alberta, il y a le ministère de l'Environnement et d'autres organisations. Je vais vous donner des exemples précis. Au Manitoba, il y a le Conseil des ressources de l'eau. En Alberta, nous avons participé à l'étude de l'an 2000, une refonte en profondeur de la loi provinciale de l'Alberta dans le domaine de l'attribution des droits sur l'eau. L'ARAP a contribué et participé à ces études. Nous n'étions pas l'un des principaux intervenants, mais nous étions présents et nous avons appris dans ce cadre à planifier et à répartir les ressources hydriques quand elles sont rares. Il s'agit essentiellement d'attribuer l'eau aux districts d'irrigation.
En Saskatchewan, nous avons collaboré avec la Saskatchewan Water Corporation surtout dans le domaine de la recherche appliquée et des projets de démonstration, et aussi des programmes pour la promotion de l'irrigation. Nous avons fait de même au Manitoba. De plus, au Manitoba, nous avons appuyé les efforts visant à régler les questions d'attribution des ressources d'eaux souterraines. Cela exige notamment de tenir compte de considérations environnementales auxquelles le grand public est sensible.
Dans cette mesure, nous continuons à participer à la gestion des ressources hydriques.
Les grands projets peuvent donner à beaucoup de gens l'accès à d'importantes quantités d'eau. Dans le passé, les gouvernements ont en général évité d'investir dans de telles initiatives. Au niveau de la gestion, nous l'avons fait, toutefois. Je pense que vous avez bien montré que ces dossiers prendront une importance de plus en plus grande.
Nous avons fait porter l'essentiel de nos efforts sur la gestion de la qualité de l'eau au niveau micro, en particulier à la lumière des demandes du public à Walkerton et à North Battleford. Nous devons nous efforcer de maintenir des ressources consacrées à ce domaine.
Nous continuons à travailler à l'utilisation de l'eau à des fins de production. Notre récente initiative, sur la diversification des cultures en Alberta, est réalisée en partenariat avec le ministère albertain de l'Agriculture, de l'Alimentation et du Développement rural. Cette initiative fait la promotion de l'irrigation et de la diversification dans la région de Lethbridge. C'est une initiative de plus petite envergure. Quoi qu'il en soit, nous poursuivons notre travail, car nous prévoyons que l'eau continuera d'être un dossier très important. Compte tenu des considérations géopolitiques mondiales que vous avez signalées, les pressions sur l'utilisation de l'eau seront de plus en plus fortes.
M. Ward: Tout au long de l'histoire de l'ARAP, nous nous sommes efforcés de travailler dans le cadre de partenariats dans tous nos domaines d'activité. Ce que vous m'avez dit, je crois, c'est que ces partenariats seront encore plus importants à l'avenir. Nous avons fermement l'intention de continuer dans le même sens et même de renforcer ces partenariats.
Le sénateur Wiebe: Cela semble encourageant. Merci.
Le président: Vous avez utilisé le mot mondial.
M. Luciuk: L'exportation d'eau est un problème mondial. Je signale avec intérêt que des débats sont en cours sur l'exportation d'eau. Les répercussions sont immédiates.
Le président: Je n'y connais pas grand-chose. Certains documents ont atterri sur mon bureau, émanant d'une organisation qui est censée s'organiser pour déplacer vers le sud d'importantes quantités d'eau. Ces gens-là semblent avoir fait beaucoup de travail dans ce but. Cela soulève un grave problème politique. Alvin Hamilton, qui semblait toujours avoir 20 ans d'avance sur tout le monde, a dit que l'eau était notre plus grande ressource et qu'un jour elle serait au premier plan. Il y a eu beaucoup de débats sur ce qu'il y a lieu de faire ou de ne pas faire dans ce dossier.
Le sénateur Hubley: Je voudrais simplement rappeler que nous avons un ministère de l'Environnement. Ce ministère devrait s'occuper de ce dossier. En Île-du-Prince-Édouard, je dois dire que la communauté agricole elle-même a fait preuve d'une belle coopération. Elle a mis au point des pratiques comme la rotation des cultures, le rétablissement des zones vertes en bordure de tous les plans d'eau et le retour des haies qui divisaient autrefois les champs et qui sont disparues lorsque l'on a commencé à utiliser des machines agricoles lourdes pour faire la récolte des pommes de terre et d'autres cultures.
Je suis tout à fait certain que vous avez vous aussi trouvé que la communauté agricole faisait preuve d'une telle collaboration dans toutes les initiatives que vous avez lancées.
Le sénateur Tunney: Au sujet de l'utilisation des terres et des pratiques culturales et du labourage minimal ou nul, je pense qu'il faudrait faire des recherches très approfondies sur ce que nous devrions faire différemment. Dans ma région, la culture sans labour est très populaire. Vous avez évoqué les machines lourdes qui accompagnent ce type de culture. La culture sans labour était censée réduire l'utilisation des machines, mais ça n'a pas été le cas. Cela a plutôt multiplié le coût des machines agricoles.
Je pense que nous perdons beaucoup d'occasions de faire des semis directs parce que nous ne travaillons pas le sous-sol. Des machines comme le cultivateur sous-soleur, que j'utilise, et d'autres machines encore meilleures, permettent de briser la couche durcie du sol et d'ouvrir le sous-sol se trouvant sous cette croûte pour y stocker l'eau. Cela permet d'accumuler de l'eau qui autrement ne traverserait pas la croûte. Au fil des années, les machines agricoles qui passent et repassent sur la terre tassent le sol à un point tel que l'eau s'évapore ou ruisselle. Si l'on travaille le sous-sol, l'eau passe à travers la couche superficielle et la couche durcie et va s'emmagasiner dans le sous-sol. En une année de sécheresse, les plantes peuvent aller chercher cette eau.
Qu'en pensez-vous?
M. Luciuk: C'est une question technique. Cela dépend spécifiquement des zones pédologiques et des types de sol. Le scénario que vous avez présenté pose un problème. Je peux seulement vous répondre que la recherche se poursuit dans nos stations de recherche et que l'on s'efforce constamment de mettre au point de nouvelles et meilleures façons de travailler la terre en vue de sa conservation.
Je pense que c'est une observation valable et un sujet d'étude valable. C'est vrai que le travail du sol contribue pour beaucoup au stockage de l'eau. En fait, le travail de conservation est généralement plus efficace sur le plan hydrique. Il peut y avoir des problèmes plus pointus qui exigent de nouvelles recherches.
M. Ward: Quand nous faisons ces recherches, nous devons toujours garder à l'esprit les problèmes de réchauffement planétaire, de changement climatique et de gaz à effet de serre. Il y a une autre école de pensée selon laquelle tout travail du sol, quel qu'il soit, libère une plus grande quantité des matières organiques et du carbone qui sont stockés dans le sol. Cela crée alors différents gaz à effet de serre. Si le Canada ratifie Kyoto, nous aurons certaines obligations à cet égard. Ce seront là d'intéressantes recherches.
Le sénateur Tunney: Pourrais-je transformer notre président et notre vice-président, qui ont personnellement de l'expérience en matière agricole, en témoins pour une minute ou deux?
Le président: Sur ce même sujet, nous avons des hivers très froids. La gelée ouvre des fissures dans la terre. Ce n'est peut-être pas le cas en Ontario. Je ne connais qu'un seul agriculteur qui a fait ce type de labour en profondeur. Il a pris un tracteur et installé une énorme fourche qu'il a enfoncée à je ne sais trop quelle profondeur. Je ne pense pas qu'il ait constaté un changement important sur sa terre. Toutefois, le gel dans notre coin de pays, où nous avons des nuits à moins quarante, secoue durement le sol. Je pense que cela suffit à la tâche.
Je dois dire que cette matinée a été très intéressante. On pourrait poser des questions sans fin. La question qui me préoccupe concerne les pulvérisations. Sur notre ferme, quand nous avons adopté le semis direct, nous avons obtenu nos meilleures récoltes. Par contre, le semis direct exige beaucoup de pulvérisations. Du point de vue environnemental, je ne suis pas un grand partisan de la pulvérisation, surtout quand on s'attaque aux sauterelles à l'aide de différents produits chimiques.
Je crois sincèrement qu'il y a là certains dangers et certains problèmes pour l'environnement. Néanmoins, on utilise énormément de pesticides. On ne peut pas vraiment être compétitifs en agriculture de nos jours à moins de pulvériser. Quand nous sommes allés aux États-Unis, le président de Wheat Growers nous a donné un témoignage allant dans le même sens. Il a dit: nous adoptons la culture sans labour. Nous pulvérisons tout ce qui bouge. Nous ne savons peut-être même pas à l'heure actuelle quel sera l'impact de tous ces produits chimiques que nous déversons sur les terres.
M. Ward: Je suis d'accord. Quand on utilise le semis direct dans la région des Prairies, il faut utiliser une grande quantité d'engrais chimiques, ou de fumier quand il est disponible. Quand on engraisse les cultures, on engraisse du même coup les mauvaises herbes. Celles-ci doivent être enrayées, sinon la récolte sera gâchée. Comme vous l'avez dit, on utilise de plus en plus de pesticides.
Nous devons approfondir nos recherches sur les pratiques de gestion entourant la gestion intégrée des parasites. De plus, les chercheurs trouvent constamment de nouvelles variétés d'herbicides d'utilisation pointue. Je crois comprendre que ces nouveaux produits chimiques, en comparaison des anciens, sont moins nocifs pour l'environnement.
Je ne veux pas insinuer que nous n'avons pas de problèmes. Mais nous pouvons peut-être trouver certains éléments positifs.
Le président: La prochaine fois que vous viendrez, nous aurons une discussion sur les cultures modifiées génétiquement.
Le sénateur Wiebe: Je voudrais faire une observation sur le commentaire du sénateur Tunney au sujet du labourage en profondeur. En Saskatchewan, on trouve tous les types de sols imaginables. Sur une distance de quelques milles, le sol varie. Dans mon secteur, en une année normale pour l'humidité, quand on s'apprête à faire la récolte, si l'on tombe en panne, on s'étend habituellement sur le sol. On voit alors que notre sol est parsemé de fissures d'un pouces à un pouce et demie de large. Si l'on laisse tomber un outil dans cette crevasse, il disparaît. Ces crevasses font des merveilles. Mais cela n'arrive pas dans les sols sablonneux. Dans les sols ainsi fissurés, il n'est pas nécessaire de labourer en profondeur.
M. Luciuk: Je n'ai pas les chiffres exacts. Mais vous trouveriez intéressant de voir ce qui se passe au niveau micro-biologique dans les sols qui subissent un travail minimal ou nul. L'activité biologique augmente considérablement. Des tonnes de vers de terre que l'on ne trouverait pas dans des terres cultivées se trouvent dans les sols qui ont subi un travail minimal ou nul. Cet important changement biologique a de grandes conséquences sur le régime hydrique du sous-sol.
Le sénateur Wiebe: Quand je parle de culture sans labour ou de semis direct, je veux dire que la terre est laissée non productive pendant un an. On n'y fait pas de culture continue, mais on ne la travaille pas non plus. Sur une terre que l'on cultivait en continu, j'ai constaté quand j'ai commencé à appliquer la culture sans travail qu'au cours des trois premières années, ma facture d'engrais était incroyablement élevée. Je mettais mon sol à l'épreuve. J'y répandais plus d'engrais à l'acre.
À partir de la quatrième année, mes besoins d'engrais ont chuté brutalement. Il n'y avait pas tellement de différence en termes de besoin d'engrais par livre. La formule avait changé, mais la quantité ne différait pas tellement par rapport à mes terres que je laissais en jachère. Au cours des trois premières années, les intrants étaient extraordinairement élevés. Après cela, que ce soit à cause des vers de terre ou de la décomposition de toute la paille laissée sur place, qui génère également de l'azote, le coût a diminué.
De plus, une bonne rotation des cultures sur les terres en culture continue permet de réinjecter beaucoup de nitrate dans le sol sans faire appel aux engrais.
Jusqu'à maintenant, les résultats sont positifs. On entend parler de quelques cas négatifs, mais aussi d'excellents résultats. Il faudra peut-être encore quelques années avant de pouvoir dire avec certitude que c'est la voie à suivre.
Le président: Je veux vous remercier pour une matinée très intéressante et enrichissante. Je voudrais insister sur un point, au nom du comité. N'hésitez pas à faire tout ce qui est en votre pouvoir pour communiquer toute l'importance de ces méthodes. Aux États-Unis, les sondages indiquent que 75 p. 100 de la population veut que l'on soutienne les agriculteurs au moyen de subventions ou par d'autres moyens. Au Canada, ce pourcentage est très bas. À mon avis, il est très important que nous fassions comprendre l'importance de l'agriculture pour notre économie et pour nos perspectives à long terme au Canada. Avec ses nombreuses années d'expérience, votre ministère est bien pourvu pour se charger de cette tâche.
Je vous remercie beaucoup. Ce fut un échange intéressant et enrichissant.
La séance est levée.