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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 24 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 29 novembre 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 15 h 31 pour examiner le commerce international des produits agricoles et agroalimentaires et les mesures à court et à long terme pour la santé du secteur agricole et agroalimentaire dans toutes les régions du Canada.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui l'honorable Lyle Vanclief, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Il est accompagné de MM. Samy Watson, sous-ministre, et Ron Doering, président de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ainsi que de Mme Diane Vincent, sous-ministre déléguée.

Je crois savoir que le ministre fera une déclaration d'ouverture, après quoi nous céderons la parole aux sénateurs qui lui poseront leurs questions.

L'honorable Lyle Vanclief, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire Canada: Honorables sénateurs, c'est la première fois que je me trouve dans cette salle de comité ou dans cette aile du Sénat, et je dois dire que c'est absolument magnifique. En outre, pour ceux qui ne le savent pas, le président offrira le dessert à tout le monde à la fin de la réunion. Il m'a dit qu'il fera circuler le plateau à ce moment-là. Je suis sûr qu'il vous expliquera plus tard ce qu'il en est.

Monsieur le président, honorables sénateurs, je suis heureux d'être ici. La dernière fois que j'ai pris la parole devant vous, c'était en avril de cette année. Il s'est passé beaucoup de choses depuis dans le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire et je suis heureux de cette occasion qui m'est donnée aujourd'hui d'évoquer brièvement certains des grands enjeux de l'heure.

Nous savons tous que cette année a connu des hauts et des bas. Du côté négatif, encore une fois, les producteurs de bien des régions de notre pays ont souffert des caprices de la météo, en particulier cette année, il y a eu probablement plus de sécheresse dans plus de régions du pays qu'au cours des dernières décennies.

Du côté positif, mes collègues provinciaux et territoriaux et moi-même avons marqué une première historique en concluant un nouveau cadre national de politique agricole, lors de notre réunion annuelle en juin dernier à Whitehorse. Nous nous sommes retrouvés à nouveau à l'occasion de la réunion ministérielle de l'OMC à Doha, qui s'est conclue avec succès.

C'est par cette réunion que j'aimerais commencer aujourd'hui. Comme vous le savez, cette réunion a eu lieu il y a environ deux semaines. J'y ai représenté le Canada avec mon collègue, le ministre du Commerce international, l'honorable Pierre Pettigrew, lors de la quatrième conférence ministérielle de l'OMC.

À Doha, les ministres de 142 pays ont donné le coup d'envoi à un vaste cycle de négociations commerciales multilatérales. Ces négociations internationales permettront de progresser vers une plus grande ouverture des marchés pour le Canada, d'améliorer les perspectives d'avenir des producteurs canadiens et d'offrir plus de débouchés aux pays en développement.

Dans une perspective agricole, l'élargissement des négociations améliorera grandement les chances d'aboutir à des résultats substantiels et de vaste portée dans le domaine du commerce des produits agricoles - des résultats qui accéléreront l'ouverture des marchés agricoles et l'élimination des facteurs qui faussent les règles du commerce international des denrées agricoles. Nous savons que cela est tellement important pour nombre de nos producteurs.

Les ministres se sont engagés dans un processus exhaustif et ambitieux de négociations axées sur trois choses en particulier, mais pas seulement celles-là. La première est une amélioration substantielle de l'accès aux marchés; la deuxième, des réductions progressives - en vue d'une élimination à long terme - de toutes les formes de subventions à l'exportation; la troisième, des réductions considérables des mesures de soutien internes qui ont un effet de distorsion sur le commerce intérieur.

Les agriculteurs canadiens pourront alors rivaliser à armes égales avec leurs concurrents internationaux. Je tiens à faire remarquer que durant la conférence, les États-Unis se sont résolument affichés en faveur d'une élimination des subventions à l'exportation et se sont dit d'accord sur tous les points que tout le monde a dit vouloir négocier.

Nous avons également convenu d'un échéancier clair visant à faire aboutir les négociations sur l'agriculture d'ici trois ans - avant le 1er janvier 2005.

Nous sommes très heureux de ce que nous avons accompli à Doha. Nous avons atteint les objectifs que nous nous étions fixés en allant là-bas, un résultat qui, je l'espère, aura des retombées bénéfiques pour le secteur agricole et agroalimentaire du Canada. Toutefois, notre travail ne fait que commencer. Nous devons poursuivre sur notre lancée. Nous savons que les négociations en agriculture ont effectivement commencé tel que prévu lors du Cycle d'Uruguay en mars 2000. Maintenant que nous avons adopté un texte ministériel, cela nous donne des objectifs clairs, des lignes directrices et des échéanciers qui nous permettront d'atteindre nos buts dans le cadre de ces négociations.

Comme vous le savez, le Canada s'appuie, et s'appuiera tout au long des négociations de l'OMC sur le commerce agricole, sur une solide position de négociation initiale au sujet de laquelle nous faisons des propositions et présentons des documents. Cette position intègre les points de vue de l'ensemble du secteur, car elle est le fruit d'une consultation suivie avec nos partenaires du secteur agricole et agroalimentaire. Je peux vous assurer que nous maintiendrons ce dialogue avec nos partenaires tout au long des négociations. En outre, nous veillerons à ce que les décisions concernant la production et la mise en marché des produits canadiens continuent de se prendre au Canada.

Comme nous pouvons tous le constater, avec l'intégration croissante de l'économie mondiale, il devient de plus en plus important que le commerce international des produits agricoles soit régi par un cadre multilatéral de règles coercitives. Bien que faiblement peuplé, le Canada détient des enjeux importants dans le domaine des exportations agricoles. Il a donc beaucoup à gagner dans la poursuite de la réforme du commerce sous l'égide de l'OMC.

Le Canada exporte chaque année pour plus de 23 milliards de dollars de produits agroalimentaires, dans près de 190 pays. Et c'est à ces exportations agricoles et agroalimentaires que le Canada doit le tiers de l'excédent de sa balance commerciale tant en ce qui concerne les produits que les services en provenance du Canada.

S'il est important d'uniformiser les règles du jeu sur les marchés internationaux, il est tout aussi important de mettre sur ces marchés les produits que les consommateurs du monde entier recherchent, des produits dans lesquels ils ont confiance. Le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire se transforme sous l'action d'irrésistibles forces de changement. Cela n'est pas nouveau. Pour être dans le domaine de l'agriculture depuis de nombreuses années, je crois que ces forces s'exercent plus rapidement que jamais.

Le commerce international devient de plus en plus important et complexe. La science et la technologie sont témoins de progrès qui se réalisent de plus en plus rapidement. Le secteur se mue de plus en plus en un secteur du savoir exigeant de nouvelles compétences et de nouvelles pratiques de gestion.

Les consommateurs de partout dans le monde sont mieux informés et plus exigeants que jamais. Ils demandent des produits qui innovent et qui répondent à des besoins particuliers engendrés par certains styles de vie. Et ils veulent être certains de la grande qualité et de la salubrité de nos produits agroalimentaires. Ils se préoccupent de l'environnement et veulent l'assurance que leurs aliments sont produits selon des méthodes qui respectent le milieu naturel.

L'accord conclu avec mes collègues provinciaux et territoriaux permettra au secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire de relever plus facilement les défis que pose la réalité du commerce mondial. Mes homologues provinciaux et territoriaux et moi-même avons unanimement conclu un accord de principe sur un plan d'action sans précédent pour l'avenir de l'agriculture au Canada.

Ce cadre exhaustif de politique agricole est une première pour le Canada. C'est la première fois que de tels efforts concertés sont déployés pour accorder à toutes les composantes du secteur agricole le même rang et la même force - de façon à faire tourner le secteur à plein régime. Ce cadre stratégique est assurément une bonne nouvelle pour les producteurs et les transformateurs canadiens.

Les autres ministres de l'Agriculture et moi-même avons convenu des cinq grands volets de notre action pour assurer l'avenir du secteur et faire du Canada un chef de file mondial dans les domaines de la salubrité des aliments, de l'innovation et de l'écoagriculture. Ces cinq volets sont les programmes de protection du revenu agricole; les systèmes d'assurance de la salubrité des aliments à la ferme; la protection de l'environnement; la mise à profit de la science et de la recherche pour créer de nouveaux débouchés économiques et le renouveau du secteur.

D'abord et avant tout, aucun avenir intéressant n'est à espérer - sur le plan national comme international - si nos producteurs n'ont pas des exploitations robustes et financièrement bien portantes. Comme cela a été le cas l'année dernière avec la sécheresse, il y a des périodes où il est nécessaire de stabiliser le plus possible le revenu agricole par un régime souple de protection du revenu.

Nous avons mis en place un régime de ce genre. Le programme de protection du revenu prévoit 5,5 milliards de dollars sur trois ans - jusqu'en 2002 - pour stabiliser le revenu agricole. Grâce au nouveau cadre de politique agricole, les programmes de protection du revenu amélioreront efficacement la capacité des producteurs à gérer les risques qui sont propres à l'agriculture. Il prévoit une révision de nos régimes actuels de protection du revenu.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, les consommateurs s'intéressent de près à la salubrité des aliments. Or, le plan d'action vise l'application d'une politique cohérente et exhaustive de salubrité des aliments à la ferme. Nous voulons des systèmes de suivi et de traçabilité qui couvrent de bout en bout la chaîne alimentaire, qui permettent au consommateur de savoir qui a produit son aliment, d'où il provient et comment il a été produit.

Outre la salubrité des aliments, les consommateurs se préoccupent de la santé de l'environnement. Le cadre de politique agricole améliorera la prise en compte de l'environnement au niveau de la ferme en encourageant nos producteurs à prendre les mesures appropriées pour limiter les effets de leurs pratiques sur la qualité de l'eau, du sol et de l'air, et sur la biodiversité. Le succès d'un grand nombre de produits nouveaux sur le marché sera conditionné par l'accueil que leur réserveront les consommateurs. La révolution apportée par les aliments santé, les sciences de la vie et les produits nutraceutiques donne naissance à un tout nouveau monde de produits à valeur ajoutée - des produits comme les plastiques, les enzymes, l'éthanol et le biodiesel tiré des céréales et des oléagineux.

La mise en 9uvre d'un système intégré de salubrité des aliments, l'adoption de modes de production viables, l'exploitation des applications de la science ne sont réalisables, nous le savons bien, que si nos producteurs ont à leur disposition les programmes ou les outils rendus nécessaires par ce nouvel environnement agricole. C'est pour cette raison que la politique agricole comprend un volet renouveau. Pour les agriculteurs débutants, le volet renouveau signifie, par exemple, l'accès au crédit ou à des cours de gestion d'entreprise, pour les préparer à une carrière longue et fructueuse en agriculture. Les agriculteurs établis, quant à eux, ont besoin des bons programmes pour faire le point sur leur situation, améliorer leurs exploitations et faire des choix.

À cet égard, j'aimerais ajouter que mon collègue, le secrétaire d'État au Développement rural, l'honorable Andy Mitchell, travaille avec les collectivités rurales du Canada pour encourager la circulation des idées, des solutions et des stratégies qui assureront le développement durable des zones rurales.

Depuis deux ans, M. Mitchell a sillonné le Canada à la rencontre des citoyens ruraux. Il a examiné les meilleures options à prendre pour renforcer les capacités des collectivités rurales et éloignées, mettre en valeur les atouts de ces collectivités, faciliter l'accès aux programmes et services du gouvernement, faire en sorte que les Canadiens et les Canadiennes vivant en milieu rural continuent de contribuer à la richesse de notre nation et qu'ils en reçoivent également leur part.

Le mois dernier, j'ai rencontré à nouveau mes collègues provinciaux et nous avons consolidé notre engagement envers notre plan d'action à long terme pour assurer au secteur un avenir solide. Nous avons convenu, à cette occasion, d'aller de l'avant pour récolter les fruits de notre stratégie hors de nos frontières, pour faire reconnaître sur la scène internationale cette excellence que nous établissons chez nous.

Nous accorderons nos efforts dans des domaines comme le développement des marchés et l'investissement. En tant que gouvernement fédéral, nous interviendrons aussi dans les domaines du développement international, de l'assistance technique, de la politique commerciale et du commerce des techniques.

Monsieur le président, grâce aux progrès que nous avons accomplis à Doha et à la nouvelle architecture avec laquelle nous pourrons renforcer l'agriculture, je suis assuré que le secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire connaîtra un brillant avenir. C'est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions.

Le président: Merci, monsieur le ministre, Compte tenu du temps que nous avons, je demanderais aux sénateurs de restreindre leurs questions à cinq minutes pour la première ronde.

Le sénateur Wiebe: Monsieur le ministre, madame, messieurs, je m'en voudrais de ne pas signaler que les agriculteurs de notre grand pays sont bien connus pour leur capacité de s'adapter au changement. Ils font face aujourd'hui à certains changements très rapides, beaucoup plus rapides que ceux auxquels ils ont été habitués dans le passé. Je tiens à le souligner et à vous en féliciter. Je crois que c'est la première fois dans l'histoire du Comité sénatorial de l'agriculture que nous entendons un ministre de l'Agriculture à deux reprises en six mois, ce qui témoigne du fait que vous reconnaissez les changements rapides qui s'opèrent actuellement. Je vous en remercie sincèrement.

L'été dernier, au cours des six derniers mois, nous avons eu l'occasion de rencontrer de nombreuses organisations et de nombreux spécialistes de l'agriculture de tout le pays. En tant que membre du groupe de travail spécial du premier ministre sur l'avenir de l'agriculture, vous savez que nous avons eu l'occasion de rencontrer ces organisations dans leur province. Le comité a eu le plaisir de rencontrer à deux reprises le Pro-West Rally Group, dont le siège social est dans ma province, la Saskatchewan. J'aimerais vous lire un courriel que j'ai reçu de la présidente de ce groupe tard hier soir. Il est adressé à tous les membres du groupe de travail spécial du premier ministre sur l'avenir de l'agriculture.

Ce courriel est de Mme Sharon Nicholson, la présidente, qui dit ceci:

Objet: Changements récents apportés à la formule du PCRA dont le financement passe de 70 à 100 p. 100

J'ai entendu à la radio ce soir que des changements importants avaient été apportés au niveau de protection du PCRA. À mon avis, et les membres du Pro-West Rally Group que je représente pensent de même, il s'agit d'un changement majeur. J'aimerais profiter de l'occasion pour vous remercier au nom de tous les membres du Pro-West Rally Group. Cette annonce est certainement un pas dans la bonne direction et survient à un moment de l'année où l'espoir devrait être toujours vivace. Nous vous encourageons tous à continuer dans cette voie et nous espérons entendre d'autres annonces qui viendront renforcer encore davantage la stabilisation des revenus des agriculteurs et mettre un frein à l'exode des habitants des régions rurales de la Saskatchewan.

C'est là certainement un message différent de ceux que nous avons entendus de nombreuses organisations agricoles dans le passé. Monsieur le ministre, je tiens à vous féliciter de reconnaître la nécessité d'une telle intervention en ce moment, et d'avoir fait cette annonce hier conjointement avec les provinces.

Le président: Pourriez-vous nous dire ce qu'impliquent ces changements?

M. Vanclief: Le PCRA offre aux producteurs une garantie de 70 p. 100 de remboursement de leur marge brute par rapport à un certain nombre d'années références. Chaque année, nous ne remboursons pas la totalité des réclamations tant que nous ne sommes pas certains d'avoir suffisamment d'argent dans le fonds pour le faire.

Pour l'année financière 2000, nous n'avions pas remboursé la totalité des réclamations. Cette annonce est venue informer tout le monde que le chèque final serait émis pour rembourser 100 p. 100 des réclamations. Si les gens ont fait une réclamation, ils vont maintenant être remboursés au complet.

Le président: Quand peuvent-ils espérer recevoir ce chèque?

M. Vanclief: Avant Noël.

Le président: Combien d'argent est affecté à ce programme?

M. Vanclief: Je ne le sais pas. Les chiffres augmentent constamment. Nous l'avions déjà augmenté une fois. Je ne me souviens pas jusqu'à quelle hauteur se situaient les paiements auparavant, mais cette fois-ci, on rembourse la totalité. Le montant du chèque dépendra de la réclamation qui aura été faite. Les gens seront remboursés au complet.

Le sénateur Tkachuk: Comme l'a dit le sénateur Wiebe, un certain nombre de groupes d'agriculteurs, surtout de l'Ouest du Canada, se sont dits inquiets du prix de leurs marchandises et de l'aide fédérale disponible. Comme vous le savez, nous sommes en plein milieu d'une guerre commerciale à l'échelle mondiale, et ça n'est pas de leur faute.

Bien sûr, nous croyons toujours que le gouvernement n'en fait pas assez si l'on tient compte du fait que nous évoluons dans un libre marché dans les Prairies, alors que chez les agriculteurs de nombreuses autres régions du Canada, tel n'est pas le cas. Cela s'applique particulièrement à l'offre. Lors de sa séance du 18 octobre, le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a déposé une motion condamnant le gouvernement fédéral pour ne pas être intervenu dans la crise agricole de l'Ouest. Étonnamment, la motion a été adoptée par le comité.

Tout à l'heure, vous avez fait état des pourparlers commerciaux futurs et vous nous avez dit que vous discuterez des subventions à l'exportation, question qui, je crois, a été mise sur la table par les Américains.

Quelle sera notre stratégie? Nous savons que les Européens offrent des subventions qui sont articulées autour de mesures de conservation et d'environnement. J'ai bien l'impression qu'il ne s'agit que d'un écheveau entremêlé de subventions qui sont données à la ferme. Bien sûr, cela s'explique par des raisons politiques. Quelle sera notre stratégie à cet égard? Quelles mesures adopterons-nous pour aider les agriculteurs entre-temps?

M. Vanclief: Sénateur, sur la scène internationale, notre stratégie consiste à négocier avec les États-Unis et tous les autres pays. À Doha, il était intéressant de voir que, au moment où nous avons abordé les derniers paragraphes concernant l'agriculture dans la déclaration ministérielle, c'était l'Union européenne qui était contre le reste du monde dans nos discussions portant sur l'expression «dans le but d'éliminer graduellement». Nous avons cru comprendre que seulement deux pays de l'Union européenne voulaient garder cette phrase et que les 13 autres des 15 États membres étaient d'accord pour la supprimer. Ces pays ont leurs propres négociations internes entre États membres. En bout de ligne, les termes ont été gardés.

Je ne sais pas qui a commencé à subventionner les exportations. Je sais seulement que la dernière fois qu'on m'a informé sur cette question, l'Union européenne accordait 89 p. 100 de toutes les subventions de ce genre au monde. Les États-Unis ont eux aussi des subventions à l'exportation et nous, au Canada, n'en avons pas.

Les autres subventions qui sont certainement néfastes en ce qui a trait à la production, au commerce et à la distorsion des prix dans le monde, sont les subventions intérieures. Certaines de ces subventions sont des subventions vertes ou autorisées selon l'OMC; d'autres sont de la catégorie «feu jaune», ce qui veut dire que l'on ne sait pas si on doit les accepter ou pas. Elles sont peut-être douteuses. Il y a débat autour de ces questions parfois, si bien que nous nous retrouvons pris entre deux feux: les subventions à l'exportation, la plupart en provenance de l'Union européenne et certaines des États-Unis, et les subventions intérieures versées aux États-Unis.

Le problème, c'est que nous, au Canada, n'avons pas les poches assez profondes pour mettre les mêmes sommes sur la table. Par conséquent, ce qu'il faut faire, c'est tenir compte de nos programmes de protection des revenus, y donner tout le soutien que nous pouvons apporter et faire en sorte que le filet de sécurité soit plus serré. Par exemple, en Saskatchewan, les paiements d'assurance-récolte et autres de cette année, répartis entre les gouvernements fédéral et provinciaux, permettront aux agriculteurs de cette province de retirer plus de 1 milliard de dollars. L'an dernier, ils ont reçu 775 millions de dollars. Au cours des cinq dernières années, la moyenne n'a été que de 440 millions de dollars, c'est donc une augmentation considérable cette année.

Cela ne veut pas dire que tout le monde a reçu l'équivalent d'une bonne récolte et d'un bon prix. Il nous faut travailler avec nos programmes de sécurité du revenu afin qu'ils soient plus efficaces. Peut-être faudrait-il tous les réunir, afin que chaque producteur soit davantage assuré et rassuré par ce que les programmes peuvent lui offrir.

Il nous faut également tabler sur la réputation que nous nous sommes bâtie pour la qualité de nos produits, leur salubrité, et ainsi de suite, de sorte que dans bien des secteurs, si nous ne pouvons pas offrir le même prix que les Américains ou les Européens, nous puissions les devancer à d'autres égards. Ainsi, lorsque les gens dans le monde et au Canada pensent nourriture, ils pensent produits canadiens, et veulent acheter ces produits canadiens plutôt que ceux de quelqu'un d'autre. Et cela recoupe de nombreux enjeux allant de l'environnement à la salubrité des aliments.

Le sénateur Oliver: Monsieur le ministre, je suis assez vieux pour me souvenir du temps où une personne pouvait gagner sa vie en agriculture avec 300 à 400 acres d'une ferme familiale. La question que je vous pose porte sur la fin de la ferme familiale, la concentration des entreprises à la ferme et de la ferme à l'assiette. Quel est votre modèle? Si la ferme familiale est en train de mourir et que les modèles des grandes exploitations agricoles prennent le dessus, qu'est-ce que cela aura comme conséquence pour l'avenir de l'agriculture au Canada? Est-ce là une chose que votre gouvernement souhaite voir se produire? Sinon, que ferez-vous pour essayer de redonner vie aux collectivités rurales, redonner confiance aux petites exploitations agricoles familiales?

M. Vanclief: Premièrement, il faut dissiper le mythe que la ferme familiale est en train de mourir. Aujourd'hui, plus de 98 p. 100 des fermes au Canada appartiennent à des familles individuelles. Il peut y avoir diverses combinaisons de membres de la famille qui ont décidé d'exploiter la ferme et l'entreprise familiales. Cela n'est pas tellement différent - et je n'aime pas établir le parallèle - du fait qu'il n'y a pas autant de petits cabinets d'avocats au Canada qu'il y en avait il y a de nombreuses années. Les avocats se dirigent vers les grands cabinets afin d'avoir un style de vie différent, d'être plus efficaces, ou quelle que soit la raison.

Aujourd'hui, plus de 98 p. 100 des fermes canadiennes sont exploitées par des familles. Elles peuvent être constituées en sociétés pour des raisons commerciales, mais je ne pense pas que nous puissions les qualifier de sociétés agricoles pour autant. C'est ça la réalité.

Il nous faut envisager une approche exhaustive, proactive, comme le cadre de politique agricole, qui aidera les agriculteurs dans de nombreux domaines différents. L'aspect renouveau est un volet incroyablement important aussi. L'aspect renouveau consiste à aider les gens à rester à la ferme, contrairement à ce que certaines personnes croient, c'est-à-dire que les agriculteurs devraient quitter la ferme.

Beaucoup de ressources sont rattachées à la ferme: la taille de la terre, le type de terre, les ressources financières, les compétences. Ces ressources varient, et c'est peut-être sous l'aspect ressources que nous examinerons le volet renouveau. Par exemple, il se peut qu'un producteur de céréales n'ait pas les ressources financières suffisantes pour diversifier ses activités et passer à la production de bétail.

La réalité est que le pourcentage des agriculteurs ayant une scolarité avancée est faible. Au Canada, le nombre moyen de diplômés d'écoles secondaires est d'environ 64 p. 100, mais chez les agriculteurs, on n'en retrouve qu'environ 50 p. 100. Pouvons-nous aider certaines de ces personnes, que ce soit des agriculteurs débutants, des agriculteurs au milieu de leur carrière ou ceux qui veulent prendre leur retraite? Pouvons-nous les aider à évaluer leur situation?

Ces agriculteurs ont peut-être des compétences qu'ils peuvent utiliser à l'extérieur du secteur agricole. L'agriculture a toujours attiré des gens qui travaillent dans d'autres secteurs de l'économie afin d'avoir les moyens de faire de l'agriculture. Le pourcentage d'agriculteurs qui font cela aujourd'hui n'est pas tellement différent de ce qu'il était il y a plusieurs années. Dans de nombreuses familles canadiennes aujourd'hui, on compte deux sources de revenu, qui proviennent possiblement de deux secteurs différents de l'économie. La même chose se passe en agriculture. Quelqu'un peut très bien avoir une petite entreprise à Ottawa ou à Belleville, la conjointe peut enseigner, ou être infirmière, ou peut-être députée ou sénateur.

Le sénateur Oliver: Que pensez-vous de la concentration des entreprises entre la ferme et l'assiette?

M. Vanclief: C'est un problème partout dans le monde. Bien honnêtement, je n'ai pas de réponse à vous donner. Nous avons la Loi sur la concurrence, nous avons des instances qui s'occupent de cette question. Cependant, cela ne fait aucun doute qu'il y a de moins en moins d'acheteurs et de moins en moins de vendeurs pour les producteurs.

Le sénateur Oliver: N'est-ce pas là une des raisons pour lesquelles il y a si peu d'argent qui reste à la ferme pour les producteurs de denrées brutes?

M. Vanclief: Je ne crois pas que ce soit le cas. Par exemple, nos distributeurs d'engrais ou les concessionnaires de machinerie agricole sont peu nombreux. Lorsque j'exploitais ma ferme, j'en comptais probablement plus qu'on ne peut en compter sur les doigts d'une main, mais maintenant, il n'y en a que deux. Il y a moins d'agriculteurs, mais toutes les terres sont encore exploitées. Il y a moins d'équipement parce que l'équipement est plus efficace. Mon fils, avec le système de semis direct, peut ensemencer 100 acres en une journée avec une personne. Moi, avant, il fallait que je prépare la terre, que je fasse toutes sortes de choses avant de pouvoir commencer à planter, mais je ne m'aventurerai pas là-dedans pour l'instant. Cependant, l'équipement n'est certainement pas moins cher qu'il ne l'était auparavant.

Je n'irai pas par quatre chemins: nous n'avons plus besoin d'autant d'épandeurs à fumier sur deux roues qu'auparavant. On ne procède plus de la même façon. Nous n'avons plus besoin d'autant de cultivateurs de 14 pieds dans le comté de Prince Edward, parce qu'il y a moins d'agriculteurs et qu'ils ont des cultivateurs de 30 et 40 pieds. On procède par semis direct, et les agriculteurs n'ont pas besoin de cet équipement. Ils achètent un semoir pour semis direct et font beaucoup de travail avec cet instrument-là. Ils peuvent même travailler pour leurs voisins aussi.

Prenons le prix des engrais, par exemple, je ne dis pas qu'il n'est pas élevé, mais il s'agit de prix internationaux contrôlés. Si vous comparez les prix à ceux des États-Unis, les prix canadiens ne sont pas démesurés. Les agriculteurs s'adaptent au changement. Cela ne fait aucun doute. Est-ce que c'est facile? Non, ça ne l'est pas, et il nous faut les aider.

Certaines personnes ont effectivement besoin d'aide, et nous espérons pouvoir la leur fournir en partie grâce au renouveau du cadre politique. Cependant, la meilleure aide qu'ils pourraient obtenir serait celle de leurs pairs. Les mieux placés avec qui discuter de changements, ce sont d'autres agriculteurs. Quand j'exploitais la ferme, si quelqu'un prenait la parole lors d'une réunion et qu'il portait une chemise blanche, une cravate et une veste et qu'il essayait de me dire comment produire du porc, je remettais en question ce qu'il disait. Cependant, lorsqu'un producteur se levait, que cette personne ait été un de mes mentors ou non, j'apprenais beaucoup de lui parce qu'il avait de l'expérience.

Le sénateur Hubley: Récemment, nous avons entendu un témoignage de représentants de l'Union européenne au cours duquel l'ambassadrice a présenté des chiffres. À son avis, les subventions de l'Union européenne et des États-Unis étaient d'un ordre complètement différent de celles du Canada. Je suis ressortie de cette réunion en me posant des questions sur les chiffres.

Quand on parle constamment de distorsions commerciales comme les subventions vertes ou autorisées, comme l'a dit le sénateur Tkachuk, on a tendance à s'enrober de toute une série de descriptions. Est-ce qu'on a des chiffres qui peuvent être présentés dans un débat?

M. Vanclief: Oui, nous en avons, et on les retrouve dans les équivalents subventions à la production de l'OCDE. Nous n'avons pas de chiffres culture par culture, mais nous les avons pour l'industrie laitière, le boeuf, le porc, les céréales, les oléagineux, et cetera.

Cependant, il faut garder en tête la définition que donne l'OCDE de l'équivalent subvention à la production. L'OCDE tient compte de toutes les formes d'aide d'un gouvernement, que ce soit par le biais de tarifs douaniers élevés ou de mesures législatives. Par exemple, le sénateur Tunney sait que l'industrie laitière dispose d'un niveau très élevé d'équivalents subventions à la production. Cependant, les pays offrent ce type d'équivalents de façon différente à chaque industrie. Certains le font en donnant de l'argent, alors que d'autres utilisent d'autres moyens.

Ces chiffres sont connus. Nous pouvons certainement faire parvenir au président toute l'information et le greffier pourra ensuite la remettre au comité.

Le président: Merci.

Le sénateur Hubley: L'autre élément qu'a soulevé la représentante de l'Union européenne, c'est que les Canadiens ont une attitude différente à l'égard de leurs collectivités agricoles de celles des habitants de l'Union européenne. Je pense qu'elle voulait dire que, peut-être, nous n'avons pas beaucoup d'estime pour nos agriculteurs, que nous ne les appuyons pas toujours lorsqu'ils ont besoin d'aide financière, et ainsi de suite. Qu'avez-vous à dire à cela?

M. Vanclief: Je dirais qu'elle a probablement raison. La population est dispersée sur tout le territoire canadien alors qu'il y a une grande concentration de producteurs primaires dans de nombreux pays de l'Europe. Les exploitations vinicoles, les vergers et les exploitations de bétail sont disséminés çà et là parce que les populations sont denses. Tout le monde vit soit près d'un producteur primaire, soit encore a un membre de la famille qui s'intéresse à l'agriculture et à l'agroalimentaire. Il est probable qu'un pourcentage plus élevé d'habitants de l'Union européenne se souviennent de ce que c'est que d'avoir faim. Malheureusement, certains Canadiens ont faim aujourd'hui aussi.

Nous avons tous un défi à relever, nous avons tous la possibilité de changer les choses grâce au cadre de la politique agricole. À mon avis, nous y parvenons avec un certain succès, même au Cabinet. Ce n'est pas que l'on ne reconnaissait pas la situation avant, mais beaucoup de gens ouvrent les yeux quand on leur dit qu'un Canadien sur sept travaille dans l'industrie agroalimentaire, qu'il s'agit d'une industrie de 130 milliards de dollars et que la production des aliments est l'industrie manufacturière la plus importante dans sept des dix provinces. Très peu de Canadiens connaissent ces faits. Nous savons que l'industrie automobile est importante en Ontario, mais je ne crois pas que beaucoup d'Ontariens savent que l'agriculture est la deuxième industrie manufacturière en importance de leur province.

Or, avoir une haute estime pour les agriculteurs, cela ne veut pas dire seulement leur accorder une aide financière. Bien sûr, l'argent est toujours le bienvenu. Depuis 1985, le gouvernement du Canada a consacré 37 milliards de dollars à des programmes de revenus agricoles alors que les gouvernements provinciaux ont injecté environ 13 milliards de dollars de plus. Même si nous avons ensemble dépensé 50 milliards de dollars, nous parlons encore aujourd'hui des mêmes problèmes que nous discutions il y a 10, 15 ou 20 ans.

Je ne dis pas que l'argent n'était pas nécessaire et qu'il n'a pas été bien utilisé. Cependant, nous devons maintenant voir s'il n'y a pas de meilleures façons de dépenser cet argent, ces ressources restreintes, pour obtenir de meilleurs résultats.

À l'échelle fédérale, nous avons consacré 1,1 milliard de dollars à l'assurance-récolte, aux programmes complémentaires du CSRN et du PCRA. Ces programmes pourraient être épurés. Si aucune aide n'est offerte dans le cadre d'autres programmes, alors le PCRA pourrait offrir une certaine forme d'aide - si on peut même la demander.

Y a-t-il une façon de prendre ce 1,1 milliard de dollars et de mieux l'utiliser? Il doit y en avoir une. Tous les producteurs nous disent qu'ils aiment l'assurance-récolte, mais que le programme doit être amélioré, actualisé. Ils nous disent qu'ils aiment le CSRN, mais qu'il faut lui apporter des changements. Ils disent également qu'ils aiment le PCRA, mais que ça ne fonctionne pas dans tous les cas. La question est donc la suivante: utilisons-nous l'argent de la meilleure façon possible?

Nous devons travailler de concert avec notre industrie afin de nous préparer à affronter les autres réalités de l'heure. Jamais on ne parlait autant de salubrité des aliments il y a trois ans. Lorsque je suis devenu ministre en juin 1997, cette question-là n'était pas un enjeu. Ensuite, on a eu peur de contracter la salmonellose et d'être victimes d'autres formes d'empoisonnement alimentaire. Cependant, depuis le 11 septembre, on se préoccupe beaucoup de la salubrité des aliments.

Ces commentaires s'appliquent aussi à l'environnement. Les inquiétudes et les enjeux au sujet de l'environnement que nous avons aujourd'hui ne se sont pas posés tant que nous n'avons pas eu de plus grosses exploitations d'élevage. Les consommateurs veulent du boeuf et du porc moins chers, et veulent profiter des retombées de ces améliorations. Cependant, il incombe aux gouvernements fédéral et provinciaux, tout comme aux producteurs, d'avoir des exploitations qui sont viables.

Le sénateur Sparrow: Vous avez mentionné que 98 p. 100 des fermes sont toujours la propriété de familles individuelles. Combien y avait-il d'agriculteurs il y a 20 ou 30 ans, et combien y en a-t-il aujourd'hui? Beaucoup de fermes familiales sont aujourd'hui exploitées comme des composantes de grandes fermes commerciales. Avez-vous ces statistiques?

M. Vanclief: Je ne les ai pas avec moi aujourd'hui. Il est indiscutable qu'il y a moins d'agriculteurs. Quand j'étais enfant, je parcourais dans le camion de lait les 2,5 milles jusque chez mon grand-père. J'arrêtais à toutes les 40 perches, soit tous les 650 pieds, pour ramasser un bidon de lait. Aujourd'hui, je sors de chez moi et je conduis 7,5 milles jusqu'à la prochaine route. C'est en milieu rural mais la dernière fois que j'ai compté, il y avait 97 maisons le long du chemin. Trois agriculteurs vivent dans le secteur. Mais toute la terre est encore consacrée à l'agriculture.

Le sénateur Sparrow: Est-ce que l'un de vous a des chiffres concernant le nombre d'agriculteurs?

M. Vanclief: Il y a différentes définitions pour déterminer ce qu'est un agriculteur, nous devons nous assurer, lorsque nous donnons les chiffres, d'avoir compté, pour ainsi dire, des pommes avec des pommes.

Je crois qu'à un moment donné, Statistique Canada a indiqué que quiconque vendait pour plus de 2 500 $ de produits agricoles était un agriculteur. Je vous laisse le soin de décider si cette personne pourrait être décrite comme un agriculteur. J'ai récolté pour 14 000 $ de courgettes sur une acre de terre une année.

Le sénateur LeBreton: Monsieur le ministre, vous devez avoir lu dans mes pensées lorsque vous avez parlé de salubrité des aliments parce que, même si j'ai été élevée dans une ferme laitière de l'Est de l'Ontario, et mon père se retournerait dans sa tombe s'il savait ce que je pense de certains produits agricoles, je ne mange pas de beurre. Je ne veux même pas manger de boeuf.

M. Vanclief: Monsieur le président, je ne veux pas me lancer dans une chicane ici.

Le sénateur LeBreton: Nous avions des vaches Jersey et nous buvions du lait cru qui était de la crème aux trois quarts.

De toute façon, en tant que consommatrice, la question de la salubrité des aliments me préoccupe aujourd'hui. Vous avez parlé de traçabilité des produits du début à la fin de la chaîne alimentaire, de mettre en place les bons programmes et de donner les bons outils aux agriculteurs, notamment. Pourriez-vous donner plus de détails ou des exemples?

Je suis devenue une consommatrice très conscientisée en ce sens que je regarde d'où vient le produit. De fait, lorsque je vois qu'un produit provient d'un certain pays, je ne l'achète pas, parce que j'ai l'impression que les denrées alimentaires ne sont peut-être pas produites dans un milieu propre ou sûr. Je ne sais pas ce que ce pays utilise comme engrais.

Pourriez-vous nous donner des exemples du genre de choses que vous faites pour assurer la traçabilité des denrées alimentaires, non seulement des produits maraîchers, mais également de la viande, dans tout le système. Je parle ici de faire la traçabilité de la denrée alimentaire littéralement à partir du moment où elle est produite, jusqu'à ce qu'elle arrive sur les tablettes des supermarchés.

M. Vanclief: Comme exemple, je vais vous parler des investissements qu'a faits le gouvernement fédéral dans l'industrie du boeuf il y a quelques années. Plus de 1 million de dollars ont été investis en collaboration avec l'industrie du boeuf au Canada pour établir un processus d'identification. Depuis janvier dernier, tous les boeufs qui quittent la ferme, y compris une vache laitière de réforme qui est utilisée pour la viande, sont étiquetés, de sorte que l'abattoir sait d'où vient l'animal. Certains pays européens ont poussé le système un peu plus loin.

Il est déjà arrivé à quelques reprises que l'industrie du boeuf ait dû retracer un animal. On a été capable d'identifier la ferme d'où provenait l'animal. Ce système est excellent pour bien des raisons. Il est excellent pour le consommateur, pour retracer des maladies, mais aussi pour l'industrie. S'il devait y avoir un problème avec un troupeau, tous les producteurs de boeuf de l'Alberta ne voudraient pas être mis dans le même panier. Les origines de ce troupeau peuvent être retracées.

L'autre exemple porte sur le secteur des graines. J'ai parlé à un grand producteur international de graines l'autre jour qui me disait qu'il est facile d'obtenir 10 ou 20 $ la tonne en préservant l'identité. Les acheteurs de graines de soja du Japon viennent maintenant en Ontario durant l'année et ils achètent des graines de soja de consommation humaine. Ils viennent dans les champs mêmes. Ils veulent savoir où sont produites les graines de soja, comment elles le sont, ce qui est utilisé dans les champs, et ils les suivent à la trace jusqu'à la fin.

Nous devons tabler là-dessus. Ce système de traçabilité est ce que l'on appelle la préservation de l'identité. On peut s'en servir pour identifier du boeuf et des céréales. L'industrie horticole a une bonne longueur d'avance. Lorsque les producteurs horticoles amènent un produit sur le marché de produits alimentaires de Toronto, le nom de la ferme doit être marqué sur le carton. Lorsqu'il est expédié dans une chaîne de magasins, si nécessaire, on peut le retracer.

Le sénateur LeBreton: Est-ce que les bovins à viande sont étiquetés à la naissance?

M. Vanclief: Oui, sur l'oreille. L'industrie du mouton veut aller dans cette direction aussi. L'industrie du porc y est déjà parce que chaque animal est tatoué et le producteur est payé selon la qualité de l'animal. Lorsque je mettais 100 porcs sur le marché en une semaine, on me remettait un coupon indiquant le poids en carcasse de chaque porc. Si on avait décelé une maladie ou un résidu dans l'un de ces animaux, on aurait su qu'il venait de ma ferme.

Le sénateur LeBreton: Donc, ça toucherait tout le troupeau.

M. Vanclief: Les personnes viendraient voir directement Lyle Vanclief et Willowlee Farms Ltd.

Le sénateur Tunney: Monsieur le ministre, je siège au Comité sénatorial des finances, qui examine actuellement le Budget des dépenses supplémentaire. J'ai remarqué un poste de 550 millions de dollars. Je suppose que ces 550 millions de dollars portent sur l'annonce faite il y a un an. Je me demandais pourquoi un chiffre de 550 millions de dollars apparaissait maintenant dans le Budget des dépenses supplémentaire quand le chiffre dont on nous a parlé était 500 millions de dollars.

Si ce chiffre est indiqué dans notre Budget de dépenses supplémentaire, cela veut-il dire qu'une partie ou la totalité de l'argent a été versée? Je suppose que s'il figure dans le Budget des dépenses supplémentaire, l'argent n'a pas été versé.

M. Vanclief: Sénateur, le chiffre de 500 millions de dollars, c'était le montant spécial que nous avons annoncé en mars dernier. Cet argent a été versé aux provinces. On leur a donné la possibilité de distribuer l'argent chez elles, comme elles le voulaient. Les 500 millions de dollars, c'était la portion fédérale de 60 p. 100. Les provinces ont ajouté 40 p. 100. Donc, à l'échelle nationale, le chiffre est devenu 830 millions de dollars.

Je vais demander à mon sous-ministre si les 50 millions de dollars, c'est de l'argent qui n'a pas été dépensé en Alberta; par conséquent, il a été reporté à cette année.

Le sénateur Tunney: Je ne m'inquiète pas au sujet de l'Alberta parce que les Albertains sont tous riches.

J'aimerais poser une question à M. Doering. Dans ma région du sud de l'Ontario, les petits abattoirs, là où on tue les animaux, on les emballe et on les congèle, ont cessé leurs activités pour diverses raisons, notamment parce qu'ils n'étaient pas efficaces, leur productivité était faible et leurs coûts élevés. Dans certains cas, la cause est le coût élevé du respect des règlements environnementaux. Je me suis toujours demandé pourquoi certaines de ces usines sont inspectées par les autorités fédérales, d'autres par les autorités provinciales. Pourquoi y a-t-il une différence?

M. Ron Doering, président, Agence canadienne d'inspection des aliments: Merci de me donner la possibilité d'expliquer cette situation un peu compliquée. L'inspection de la viande au Canada est une responsabilité partagée entre les provinces et le gouvernement fédéral. Si un établissement de transformation de la viande veut exporter son produit dans une autre province ou à l'étranger, sa viande doit alors être enregistrée au niveau fédéral. L'Agence canadienne d'inspection des aliments a la responsabilité de toutes les usines immatriculées au fédéral. Ces usines représentent 95 p. 100, en volume, de la viande produite au Canada. Cela veut dire que 95 p. 100 de la viande produite au Canada est produite sous la surveillance d'un vétérinaire de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et des inspecteurs qui travaillent pour lui.

Si une usine de transformation de la viande n'a pas l'intention de vendre son produit dans une autre province, la compétence fédérale ne s'applique pas. C'est la compétence provinciale qui entre en jeu. Ce sont ces régions, par exemple dans le sud-ouest de l'Ontario, qui sont alors assujetties au ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario. Pour plusieurs raisons, on a assisté à une réduction importante des petits abattoirs provinciaux dans ces régions. L'une étant que les nouveaux règlements sur la sécurité ont été mis en place pour hausser les normes provinciales. L'autre est qu'il faut tenir compte de certains facteurs environnementaux. Je suis sûr qu'il y a d'autres éléments concernant l'efficacité et l'efficience qui entrent en ligne de compte.

Le gouvernement fédéral n'a pas de représentant dans ces usines. Le seul moment où le gouvernement fédéral intervient dans ces usines, c'est lorsqu'il y a un problème. Ces usines ne relèvent pas de la compétence fédérale. S'il y a un problème, cependant, en vertu de la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments et de la Loi sur l'inspection des viandes, nous intervenons et réglons le problème. Nous pouvons imposer des rappels et, au besoin, fermer une usine en vertu d'autres lois.

C'est pourquoi il y a responsabilité partagée au Canada. Nous nous occupons de 95 p. 100, en volume, de la viande, mais nous traitons avec moins de 20 p. 100 des abattoirs au Canada.

Le sénateur Day: Monsieur le ministre, merci de votre présentation très intéressante. Lorsque nous recevrons la transcription des rapporteurs, nous pourrons réfléchir à nombre des points que vous avez soulevés en si peu de temps.

D'abord, je dois avouer que je ne suis pas agriculteur et que je ne viens pas de l'Ouest. Je suis minoritaire parmi ce groupe. Cependant, cela ne veut pas dire que l'agriculture ne m'intéresse pas, loin de là.

M. Vanclief: Je suis sûr que vous aimez toujours bien manger.

Le sénateur Day: Vous avez tout à fait raison. Vous avez visité ma région du sud du Nouveau-Brunswick il y a quelque temps, vous y avez rencontré les agriculteurs pour discuter de certains problèmes particuliers auxquels les producteurs de cette région font face. J'espère y amener mes collègues l'an prochain.

Comme vous l'avez dit, l'agriculture est devenue plus complexe à cause des problèmes environnementaux, de la science et de la recherche sur la salubrité des aliments et, plus particulièrement, parce que les questions commerciales font maintenant partie de l'ensemble du portefeuille auquel l'agriculteur doit s'intéresser par l'entremise d'organisations agricoles.

Je vous félicite, vous et le ministre du Commerce international, pour les succès que vous avez obtenus à Doha, au Qatar, et au sein de l'Organisation mondiale du commerce. Je suppose qu'il y aura certains débats importants et d'importantes discussions sur l'agriculture et l'industrie agroalimentaire à la suite de ces discussions et des progrès qui ont été réalisés.

Cependant, nous étions un peu déçus de voir que nous n'avions pas de représentant de notre comité là-bas, et je tiens à préciser tout de suite que nous avons un mandat. L'ordre de renvoi du comité prévoit que nous sommes autorisés à examiner les questions de commerce international en agriculture et en agroalimentaire. Je tiens simplement à vous rappeler, ainsi qu'à votre personnel, que la question nous intéresse, que nous sommes capables et désireux de participer à ce débat. Sans aucun doute, des questions législatives vont découler des délibérations au cours des prochaines années et le comité pourrait être d'une bien plus grande utilité s'il avait eu la possibilité de participer à tout le débat.

M. Vanclief: Merci, sénateur. Notre négociatrice en chef pour l'agriculture sera très prise par les négociations, mais je suis certain que si son calendrier le lui permet, elle ou certains membres de son personnel se feront un plaisir de venir rencontrer le comité pour discuter de toute la situation.

Dans les négociations, il est intéressant de noter qu'il y a habituellement des gens qui ont la même opinion. Lorsque nous avons assisté aux négociations ministérielles, 142 pays étaient représentés. Nous avons eu également la déclaration ministérielle qui comprenait un certain nombre de paragraphes. Il y en avait sur l'agriculture, l'environnement, l'investissement et la concurrence, le commerce et les droits de propriété intellectuelle qui s'appliquent aux médicaments. Les pays en voie de développement étaient préoccupés par ces questions, notamment. Avec tout cela, nous voulions établir une déclaration ministérielle. Si le Canada avait écrit le texte, je suis certain qu'il aurait été différent du texte de l'Union européenne et ou du Zimbabwe. Nous nous sommes retrouvés avec une déclaration ministérielle dans laquelle tout le monde avait l'impression que ses enjeux pourraient être soumis à la négociation et qu'à partir de là, ils pourraient progresser.

Par exemple, dans le texte sur l'agriculture, nous avons abordé les trois piliers que j'ai mentionnés. Mais nous avons également indiqué qu'il devrait y avoir un traitement spécial et différentiel pour les pays en développement. L'un des problèmes pour les pays en développement et les pays moins développés est que certains des pays les plus prospères ne sont parfois pas très chauds à l'idée d'accueillir leurs produits. Nombre de pays en développement ont des économies agraires; par conséquent, ils doivent vendre les produits agricoles afin d'obtenir des devises qui leur permettent de se diversifier et d'acheter d'autres produits à des pays comme le Canada.

Lorsqu'arrive la période de mise en 9uvre, ce qu'il faut prendre en compte, c'est la façon dont les choses sont mises en 9uvre dans les pays en développement, la vitesse à laquelle cela est fait, afin que ces pays obtiennent l'aide dont ils ont besoin pour améliorer un peu leur situation. À mon avis, c'est pourquoi les négociations de l'OMC n'ont pas été lancées à Seattle. Beaucoup de choses se sont passées dans la rue à Seattle, mais ce qui s'est véritablement produit, c'est que tout juste avant le Cycle d'Uruguay, en 1993-1994, l'Union européenne et les États-Unis avaient conclu ce que l'on a appelé l'«Accord de Blair House». J'exagère peut-être un peu, mais essentiellement, ce que l'on a dit à de nombreux pays en développement: «Nous vous proposons une entente qui sera bonne pour vous. Signez».

Les pays en voie de développement ont constaté qu'entre 1994 et 2000, leurs échanges commerciaux n'avaient augmenté que de 1 p. 100. À Seattle, certains de ces pays ont dit qu'ils voulaient être davantage impliqués. Le Canada a aidé un certain nombre d'entre eux à renforcer leurs capacités parce que certains ne savaient pas comment participer à ce genre de choses. Ce n'est pas de leur faute, ce n'est que la réalité. Ils n'avaient jamais participé auparavant. Ils ne savent pas comment aborder ce genre de choses. C'est également un de nos engagements, sénateur.

Nous allons être très occupés et, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous pouvons maintenant progresser. Mais ce sera difficile pour tout le monde. On réussit des négociations lorsque tout le monde quitte la table en ayant l'impression d'avoir gagné quelque chose.

Le sénateur Chalifoux: J'aimerais aborder trois questions. Je viens d'une région rurale de l'Alberta où les agriculteurs ne sont pas tous riches. Les riches s'enrichissent, et les pauvres s'appauvrissent. Il ne semble pas y avoir de classe moyenne dans ma province. À deux endroits dans ma région, il y a de petites usines de transformation de la viande qui veulent prendre de l'expansion, mais pour ce faire, elles doivent respecter les normes de l'HASAP, ce qui coûtera environ 1,5 million de dollars. Elles n'ont pas cet argent. Elles me rencontrent continuellement. Elles ont essayé de toutes les façons, mais sans succès. Elles doivent aborder les questions de qualité, elles doivent également traiter avec les grandes sociétés pétrolières.

Les grandes organisations qui ont l'argent pour respecter les normes de l'HASAP, et qui le font, prennent également les contrats et enlèvent le travail à nos petites collectivités rurales qui font faillite. C'est là un problème grave dans au moins trois petites villes à industrie unique en Alberta. Actuellement, elles relèvent du ministère de la Santé pour leurs inspections mensuelles. Cependant, si elles veulent accroître leur part de marché, elles doivent respecter les normes de l'HASAP et elles n'en ont pas les moyens.

Autre problème auquel elles doivent faire face: les barrières provinciales. Elles ne peuvent pas franchir les frontières pour aller dans les territoires. Je ne sais pas si vous avez une idée de ce que sont les barrières provinciales pour nos producteurs.

En ce qui concerne les discussions de l'OMC, il y a des experts en agriculture autour de cette table, pourtant, les honorables sénateurs n'ont pas été invités à siéger avec la délégation à l'OMC. Le Canada a un système bicaméral. Même le protocole voudrait que vous contactiez notre président ou notre coprésidente en pareilles matières. Le sénateur Fairbairn et le sénateur Gustafson sont allés à Seattle. Cette année, nous n'avons pas été invités.

Voilà les trois préoccupations que je voulais soulever.

M. Vanclief: Je vais demander à M. Doering de faire des commentaires sur la première question dans un instant.

Je dois être honnête, je m'attendais à ce que les sénateurs soient à la réunion de l'OMC. Je sais qu'il y a un certain nombre de députés qui n'étaient pas à Seattle. Je n'essaie pas de me défiler de mes responsabilités, mais je sais effectivement que certains députés ont décidé de ne pas y aller à cause de la situation dans le monde et de l'endroit où se tenait cette réunion. Ma femme ne voulait pas que j'aille. La délégation était principalement dirigée par des représentants du ministère des Affaires étrangères. Je ne sais pas si des invitations ont été envoyées au Sénat. Sinon, je suis d'accord avec vous que vous auriez dû en recevoir. Je ne dis pas cela parce que je comparais devant vous aujourd'hui. Les sénateurs devraient avoir la possibilité d'assister à ces réunions. Si vous décidez de ne pas être là, c'est une autre histoire.

Le sénateur Chalifoux: À notre âge, on ne se fait pas de soucis. On y va.

M. Vanclief: Il vous reste encore du temps, madame le sénateur. La fête n'est pas encore terminée.

M. Doering: En ce qui concerne les usines d'aliments, la plupart des gens ne comprennent pas qu'il y a deux compétences en jeu. Les usines dont vous avez parlé sont des usines provinciales de l'Alberta. Certains marchés exigent maintenant le respect des normes de l'HASAP. Par exemple, les magasins Safeway s'attendent à ce que leurs fruits et leurs légumes respectent les normes de l'HASAP. C'est purement une question provinciale qui n'a absolument rien à voir avec le gouvernement fédéral.

Cependant, si ces usines veulent expédier leurs produits au-delà des frontières provinciales, les exporter aux États-Unis ou dans un autre pays, vous avez tout à fait raison, elles doivent respecter la norme fédérale. La norme fédérale est une combinaison de règlements et de normes de l'HASAP et oui, il peut être coûteux d'assurer la conformité. L'entreprise doit prendre une décision: vaut-il la peine de dépenser de l'argent pour améliorer ses installations afin de respecter la norme du pays dans lequel on veut exporter, oui ou non?

Quant aux usines qui veulent être immatriculées au gouvernement fédéral, parce qu'elles ont décidé qu'elles peuvent gagner de l'argent si elles exportent leurs produits, il y a des programmes d'Agriculture Canada pour aider les petites usines de transformation à respecter les normes de l'HASAP et à s'immatriculer au fédéral.

Honorables sénateurs, je suis tout à fait d'accord qu'il y a des situations où le processus est coûteux. La norme canadienne pour fins d'exportation doit satisfaire aux exigences du client. Il a toujours raison. Si les Américains exigent certaines normes de nos usines de transformation de la viande, nous devons exiger que la norme soit respectée.

Le sénateur Chalifoux: Mais la norme de l'HASAP, c'est une norme internationale. Les organismes de réglementation disent que toutes les usines de transformation devront respecter les normes de l'HASAP d'ici à 2003. Lorsque j'étais à Washington, les sénateurs et les membres du Congrès m'ont dit qu'ils ont le même problème aux États-Unis. Les petites usines vont tout simplement mourir. Je pense que c'est injuste. Je pense qu'au Canada, nous devrions nous préoccuper de nos collectivités rurales. L'HASAP est un organisme de réglementation international. Le gouvernement fédéral devrait au moins avoir une idée de la façon d'aider les petites usines de transformation.

M. Doering: Soit dit en passant, l'HASAP n'est pas une norme internationale. L'HASAP permet aux gens d'avoir des points de contrôle critiques. C'est une façon dont un gouvernement peut être amené à vérifier les systèmes d'évaluation des risques d'une industrie.

Si une usine de transformation de la viande veut vendre ses produits aux Américains, elle doit avoir la norme de l'HASAP. Elle doit respecter la règle des mégarèglements américains, sinon, elle ne peut pas expédier ses produits aux États-Unis. Pour se conformer à cette règle, l'usine doit être immatriculée au fédéral. Ensuite, il y a un vétérinaire qui fera un examen de chaque animal sur pied et abattu. Il doit y avoir trois inspecteurs qui s'occupent de chaque partie de l'examen.

Il ne fait aucun doute qu'il est dispendieux de respecter cette norme. Comme je l'ai dit, il existe des programmes pour aider les gens à devenir reconnus comme usine utilisant la norme de l'HASAP et immatriculée au fédéral, si c'est ce qu'elles veulent.

Le sénateur Chalifoux: Pourriez-vous me faire parvenir de l'information à ce sujet?

M. Doering: Certainement.

Le président: Monsieur le ministre, ma première question est la suivante: est-ce que la guerre contre le terrorisme a eu impact sur les exportations de céréales?

Autre question: Ça m'a dérangé quand vous avez dit que nous allons délaisser les subventions pour un certain nombre de raisons. Premièrement, lors de notre visite aux États-Unis en juillet, il m'a semblé que les Américains font de belles promesses, mais ne les tiennent pas. Si vous demandez en privé à un membre du Congrès s'il pense que les États-Unis vont se défaire des subventions, il répond de ne pas trop compter là-dessus.

Après vos rencontres, le 16 novembre, The New York Times écrivait ceci:

Le Comité sénatorial de l'agriculture a approuvé aujourd'hui un projet de loi sur l'agriculture de 88 milliards de dollars qui n'impose aucune restriction aux subventions versées aux agriculteurs les plus riches des États-Unis [...]

L'auteur de l'article disait également que la Chambre des représentants avait adopté un projet de loi sur l'agriculture d'une durée de 10 ans et d'une valeur de 171 milliards de dollars qui offre des subventions plus généreuses aux agriculteurs et moins d'argent pour la conservation, et que les démocrates de la ceinture agricole avaient réussi à bloquer les désirs du gouvernement Bush de reformuler la politique agricole. Le président Bush avait également demandé des compressions à cause des attaques terroristes.

Il me semble que, contrairement à ce que vous nous dites aujourd'hui, et j'espère que vous avez raison, les Américains font le contraire. Ils injectent tout cet argent dans leurs fermes. C'est comme s'ils agissaient par désespoir à la dernière minute par rapport à la conférence.

M. Vanclief: En réponse à votre première question, les fonctionnaires m'ont informé que la guerre contre le terrorisme n'a pas, apparemment, touché les exportations de céréales. Si vous avez entendu quelque chose de différent, je vous saurais gré de nous le dire.

Le président: Nous ne savons rien.

M. Vanclief: Pour ce qui est de la deuxième question, je suis d'accord avec vous que nous voulons que les Américains tiennent leurs promesses. J'ai eu une rencontre bilatérale avec la secrétaire, Mme Veneman et l'ambassadeur au commerce, M. Bob Zellick tout juste avant les réunions du Groupe de Cairns au début de septembre, avant le 11. Les États-Unis ne sont pas membres du Groupe de Cairns, mais y ont fait un exposé. La secrétaire Veneman a dit exactement la même chose lorsque j'ai eu une rencontre bilatérale et que je me suis entretenu avec elle à plusieurs reprises à Doha au Qatar.

Le débat sur le projet de loi agricole aux États-Unis est loin d'être terminé. Il ne fait aucun doute que le Congrès a présenté une loi richement dotée, tout comme le Sénat. Ils vont maintenant passer par leur programme d'entretiens.

Hier encore, il y a eu des déclarations à Washington. Je vais vous lire les deux ou trois premières phrases:

Pendant qu'une réforme des subventions aux agriculteurs américains appuyée par les démocrates attend au Sénat, le président Bush a demandé mercredi que l'on adopte une loi agricole «généreuse mais abordable» qui respecte les limites du budget et donne aux agriculteurs un filet de sécurité sans provoquer la surproduction.

Dans une entrevue distincte, son secrétaire à l'agriculture a dit que le projet de loi des démocrates, que le leader de la majorité au Sénat, le sénateur Tom Daschle, prévoit mettre aux voix à la fin de la semaine ou au début de la semaine prochaine, augmente tellement les taux de subventions que cela pourrait encourager une telle surproduction et faire baisser le prix des marchandises.

Ann Veneman aurait dit ceci:

Cela exerce des pressions pour que les paiements du gouvernement augmentent, créant ainsi un cycle autodestructeur et, en bout de ligne, intenable.

Je pense qu'ils ont enfin compris. Respecteront-ils leurs promesses? Monsieur le président, nous allons exercer des pressions pour qu'ils le fassent. Lorsque je les ai rencontrés au début de septembre, j'ai fait remarquer et à Mme Veneman et à M. Zellick la réalité aux États-Unis. Il est prouvé, et nous pouvons vous le montrer, que les dépenses en immobilisations aux États-Unis ont augmenté au cours des dernières années. Les États producteurs de céréales ne se sont pas diversifiés comme nous l'avons fait au Canada, pas du tout dans la même mesure que nous l'avons fait. Ils capitalisent nombre de ces subventions dans le coût de la terre. Ils augmentent leurs coûts de production. Le rendement n'augmente pas en conséquence. Ils vont ensuite voir le gouvernement et disent: «Nous avons un plus grand trou à remplir cette année que l'année dernière».

J'ai également eu une conversation avec leur négociateur en chef en agriculture, qui était d'accord avec moi. Nous avons eu cet échange lors d'une rencontre privée. À la réunion du Groupe de Cairns, je leur ai signalé qu'ils disaient les bonnes choses mais que nous allions voir s'ils allaient agir en conséquence.

Le président: Cela est très important parce que le lobby agricole aux États-Unis est très puissant.

En ce qui concerne les subventions, nos agriculteurs canadiens espèrent développer la culture des légumineuses.

M. Vanclief: Ils l'ont fait.

Le président: Ils ont fait un bon travail. Cependant, les Américains menacent maintenant d'accorder des subventions pour les légumineuses comme les pois, les fèves et ainsi de suite, ce qui viendra limiter les possibilités des agriculteurs canadiens. Est-ce que vous êtes au courant de cela, monsieur le ministre?

M. Vanclief: Oui, je le suis.

Le président: Je pense qu'il est important de dire que nous ne sommes pas d'accord à cet égard.

Je tiens à vous remercier d'être venu comparaître devant le comité aujourd'hui, monsieur le ministre.

J'ai mentionné à notre coprésidente à quel point vous êtes devenu efficace, au fil des ans, pour présenter votre point de vue. Nous sommes contents que vous soyez venu ici. Nous espérons que l'importance de l'agriculture sera davantage reconnue au Canada.

Le sénateur Tkachuk: Votre présence à la séance du comité est très appréciée. Nous espérons que vous avez pris l'habitude de venir nous rencontrer deux fois par année.

Comme vous le savez, nous au Sénat n'avons pas les mêmes possibilités de poser des questions durant la période des questions qu'ont les députés de la Chambre des communes, même si je dois admettre que je ne suis pas certain qu'ils en apprennent beaucoup au cours de cette période.

M. Vanclief: Ils posent simplement les mauvaises questions, même si nous donnons toujours les bonnes réponses.

Le sénateur Tkachuk: Cette réunion a duré une bonne heure, monsieur le ministre. Bien sûr, l'agriculture est un sujet compliqué. Le gouverneur de la Banque du Canada comparaît devant notre comité des banques deux fois par année, à raison de deux heures chaque fois. Je pense que c'est une excellente pratique que les membres de l'exécutif de notre gouvernement prennent. Est-ce que vous songeriez à nous faire la même courtoisie, parce que je ne doute pas que nous pourrions facilement prendre deux heures? Nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour aborder de nombreuses questions qui intéressent le comité. Il s'agit ici d'un excellent forum de discussion en ce sens que l'on ne s'attend pas à ce que quiconque adopte une attitude de confrontation. C'est une façon pour nous d'obtenir de l'information qui va nous aider dans notre propre travail, à exécuter nos fonctions au Sénat. Je vous soumets la proposition.

M. Vanclief: Sénateur, je vais l'examiner. Je vais venir aussi souvent que je peux et pour aussi longtemps que je peux, mais je dois intégrer cela à l'horaire de tout le monde. J'aime toujours assister à vos réunions de comité. En ce qui me concerne, lorsque nous avons une discussion comme celle que nous avons eue aujourd'hui, nous en retirons tous quelque chose. Comme vous l'avez dit, nous avons eu un échange de vues sur une industrie complexe.

La séance est levée.


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