Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 34 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 21 mars 2002
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 35 pour examiner le commerce international des produits agricoles et agroalimentaires, ainsi que les mesures à court et à long termes pour la santé du secteur agricole et agroalimentaire dans toutes les régions du Canada.
Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Bienvenue au comité. Nous entendrons ce matin des représentants de Bell Canada et de Saskatchewan Telephone. Nos premiers témoins, de Bell Canada, sont Linda Gervais et Bernard Courtois. Nous vous souhaitons la bienvenue et nous avons hâte d'entendre votre présentation. Nous entendrons ensuite les représentants de SaskTel avant de passer aux questions.
[Français]
M. Bernard Courtois, directeur de la stratégie, Bell Canada: Monsieur le président, honorables sénateurs. Il nous fait très plaisir de comparaître devant vous ce matin pour participer aux travaux importants de votre comité.
[Traduction]
Je vais vous faire une courte présentation. Mme Gervais sera notre technicienne pour ce matin. Elle s'occupera de l'ordinateur. J'aimerais commencer par vous rappeler où se situe Bell Canada dans la famille des Entreprises Bell Canada, ou BCE. Comme le montre ce tableau, BCE est notre société mère. Vous pouvez voir qu'elle s'occupe de connectivité mondiale grâce à ses liens avec Téléglobe; elle s'occupe aussi de commerce électronique par l'intermédiaire de la plus grande entreprise nord-américaine dans le domaine, BCE Emergis. Elle chapeaute aussi Bell Globemedia, qui s'occupe de contenu, de même qu'un certain nombre d'autres entreprises et BCE Investissements.
Nous allons vous parler aujourd'hui de ce qui se rattache à la connectivité canadienne, et en particulier de Bell Ontario et de Bell Québec. Il y a un certain nombre d'autres entreprises dans ce domaine, dont Aliant — qui a déjà comparu devant votre comité, je pense —, et d'autres compagnies de téléphone qui desservent la partie nord de notre territoire. Je siège au conseil d'administration de certaines d'entre elles, par exemple Télébec et Northern Telephone; je pourrai donc vous en parler si cela vous intéresse. Nous allons cependant nous concentrer surtout sur Bell Ontario et Bell Québec, qui forment ce qu'on appelle couramment Bell Canada.
Permettez-moi de vous citer quelques chiffres pour commencer. Nous avons 45 000 employés sur le territoire que nous desservons en Ontario et au Québec. Nous comptons également de plus en plus d'employés en Alberta et en Colombie-Britannique, puisque nous commençons à nous implanter sur ces marchés en concurrence avec Telus, qui les domine actuellement. Nous desservons 942 circonscriptions téléphoniques en Ontario et au Québec, et nous offrons des services commerciaux et des services sans fil en Alberta et en Colombie-Britannique.
Nous avons 11,8 millions de lignes et 3,5 millions d'abonnés mobiles dans l'ensemble du pays. Nous sommes le premier fournisseur de services de téléphonie mobile au pays, et le plus important fournisseur de service Internet. Nous servons également 1,1 million d'abonnés à la télévision par satellite et livrons une concurrence importante aux câblodistributeurs dans le domaine de la télédiffusion.
Nos revenus étaient de 17,3 milliards de dollars en 2001, et vous voyez ici à combien s'élevaient nos impôts. Nous contribuons largement au Trésor public. Nous avons également dépensé 4,6 milliards en immobilisations, ce qui contribue largement aussi à l'activité des fournisseurs canadiens.
Avant que nous passions aux défis liés aux services dans les régions rurales du Canada, je voudrais vous dire quelques mots sur la situation de l'industrie des télécommunications. Comme vous le savez, cette industrie est un peu tombée en disgrâce à l'heure actuelle, après avoir été la coqueluche des investisseurs et des marchés boursiers. Ce qui s'est passé, bien franchement — et cela pose des problèmes graves dans le monde entier —, c'est que les investisseurs s'interrogent maintenant sur la capacité de ces entreprises, qui étaient autrefois de grandes entreprises solides, à continuer sur leur lancée et à poursuivre leurs investissements. Cela vient du fait que, pendant la période d'euphorie, il y a eu une importante surcapacité. Trop de gens sont entrés sur le marché. Les capitaux ne coûtaient rien, et nous avons eu un sérieux problème de surcapacité.
Les marchés financiers jugent que l'industrie devra régler ce problème de surcapacité avant que les investisseurs soient prêts à s'y intéresser de nouveau. Ce problème ne peut être résolu que par la croissance du trafic, qui finira par absorber une partie de la capacité existante, et par la rationalisation. La communauté financière s'attend encore à d'importants efforts de rationalisation de notre industrie dans le monde entier.
L'autre problème, c'est que beaucoup de compagnies ont emprunté pour acquérir d'autres entreprises, qu'elles ont payées très cher, pour acquérir au prix fort des licences d'utilisation du spectre — surtout en Europe — et pour faire d'autres formes d'investissements. Par conséquent, l'industrie est beaucoup trop endettée comparativement à ce qu'elle peut soutenir en permanence. Encore là, les dirigeants de ces entreprises doivent redresser la situation.
Partout dans le monde, les compagnies de téléphone en place, par exemple en Allemagne, en Grande-Bretagne, en France, en Italie et même en Amérique du Nord, ont énormément de mal à réduire cet endettement excessif au moment même où elles sont toutes en difficulté. Si vous ajoutez à cela les changements sous-jacents dans notre industrie, qui nous obligent à investir des sommes importantes dans les nouvelles technologies, et le fait que les revenus des activités traditionnelles sont en déclin, vous comprendrez pourquoi les investisseurs sont quelque peu sceptiques en ce moment.
Traditionnellement, l'industrie des télécommunications s'occupait surtout de transmission de la voix. Ses revenus provenaient des échanges vocaux interurbains et locaux, mais ces deux secteurs ont amorcé un déclin permanent. Nous sommes encore une industrie en croissance, mais cette croissance se produit maintenant dans les secteurs de la téléphonie mobile, d'Internet et des échanges de données. Il faut des investissements considérables dans tous ces secteurs pour soutenir cette croissance et y participer.
Tous ces éléments font que notre industrie traverse une période assez intéressante, même si sa croissance devrait demeurer plus de deux fois supérieure à celle de l'ensemble de l'économie. Par conséquent, c'est une industrie qui devrait être en santé et présenter des perspectives positives, mais qui passe actuellement par une période d'ajustement très pénible.
Dans ces conditions, il est particulièrement difficile d'investir dans les régions rurales — surtout dans un territoire aussi vaste que celui du Canada. Quand nous avons ouvert les marchés à la concurrence, nous avons modifié la prémisse économique de base de l'industrie, à savoir qu'il y avait une réserve de fonds déterminée qui pouvait être redistribuée du service d'affaires au service résidentiel, des villes aux régions rurales, des services interurbains aux services locaux, pour aider à soutenir l'établissement de l'infrastructure d'un bout à l'autre du pays.
Quand on permet la concurrence, on ne contrôle plus l'ensemble de la réserve de fonds. Les nouveaux venus ne contribuent pas aux investissements dans les régions rurales du pays et, tout à coup, certains de ces investissements doivent devenir rentables.
Bell Canada entretient depuis longtemps des liens avec les clients de ces régions, et nous sommes très sensibles aux responsabilités qui en découlent. Pour relever ces défis, nous avons mis en place des programmes d'investissement de deux, trois ou quatre ans visant à nous permettre de nous attaquer au problème de façon concertée et de soumettre des plans d'investissement aux autorités de réglementation afin d'obtenir le soutien nécessaire pour améliorer sans cesse le service offert à nos clients des régions rurales.
Nous sommes conscients du fait que la capacité et l'infrastructure en matière de télécommunications ont souvent plus d'importance dans les régions rurales que dans les villes du Canada. Il est évident que, si vous vous trouvez au centre-ville de Toronto, vous avez accès à une foule de choses, à une importante activité économique, sans avoir nécessairement besoin de passer par le réseau de télécommunications. Cependant, si vous vivez en région rurale, les communications à la fine pointe de la technologie sont essentielles pour vous permettre d'avoir accès à l'ensemble des connaissances existantes et de l'activité économique.
J'aimerais vous citer quelques exemples tirés de notre histoire récente pour vous donner une idée de ce que nous avons fait pour nous attaquer à ce problème, de ce que nous faisons actuellement et de ce qu'il reste à faire.
Nous avons lancé un programme de modernisation de l'équipement de commutation. Un million de clients en ont bénéficié parce que leur zone d'appel locale a été étendue et qu'ils ont maintenant accès à des commutateurs numériques entièrement modernisés. Nous avons dépensé 200 millions de dollars pour ces commutateurs et 26 millions pour améliorer notre capacité de transport afin de tenir compte du trafic additionnel.
Entre 1998 et 2001, nous avons aussi investi 200 millions de dollars pour offrir le service de ligne individuelle à tous nos clients qui avaient encore une ligne partagée. Nous en avions environ 50 000, ce qui représente un faible pourcentage de notre clientèle. Cependant, c'était un problème important pour ces gens-là et nous devions nous en occuper. À la fin de 2001, nous étions en mesure d'offrir le service de ligne individuelle à tous les clients qui le désiraient.
Il restait le problème des zones non desservies ou mal desservies. Tout au long de cette période, il s'est développé sur notre territoire des secteurs que nous ne pouvions pas atteindre et où nous ne pouvions pas offrir le service. Dans certains cas, ces endroits étaient raisonnablement isolés des installations existantes. Il s'agissait simplement de poches où les gens n'avaient pas le téléphone, même si des voisins éloignés l'avaient. Nous avons dû soumettre la question aux autorités de réglementation parce que, si nous devons dépenser des montants de cet ordre-là dans les régions rurales, il faut bien que l'argent vienne de quelque part. Il doit venir d'une caisse commune, à laquelle tout le monde contribue, et il faut qu'un organisme public décide comment il sera dépensé et si les plans d'action établis sont équitables pour l'ensemble du pays.
Nous avons proposé au CRTC un programme d'amélioration du service de 31 millions de dollars. Le CRTC a demandé à toutes les compagnies de téléphone de présenter des propositions semblables et d'établir des normes à peu près communes pour l'ensemble du pays. Les 31 millions de dollars que nous prévoyons couvriront un peu plus de 5 000 résidences et entreprises dans 527 localités différentes.
Le conseil a établi quelques normes et nous a demandé d'indiquer le montant maximum que nous étions prêts à dépenser pour la clientèle que nous voulions rejoindre. Dans certains cas, nous pourrions devoir dépenser jusqu'à 25 000 $ pour un seul client, et jusqu'à 5 000 $ pour les clients saisonniers. La moyenne, pour les 5 000 résidences et entreprises couvertes, serait donc de 6 000 $ par client, avec un maximum de 25 000 $ par client.
Je vais vous donner une idée de ce que cela représente. Si nous dépensons 25 000 $ pour servir un client, il nous en coûtera 500 $ par mois. Mais nous ne facturerons à ce client que 25 $ ou 30 $ par mois. C'est une énorme différence à subventionner. Quand il y a beaucoup de clients de ce genre, l'ensemble des clients des divers intervenants de l'industrie paient pour ces subventions. Il faut y consacrer un montant raisonnable.
Nous avons effectué des sondages sur l'ensemble de notre territoire en 2000-2001, afin de déterminer où les clients souhaitaient obtenir le service et combien s'abonneraient s'il était offert. Chose étonnante, nous avons constaté que certaines personnes ont l'habitude de se passer de téléphone et qu'elles n'en veulent pas. Mais la majorité aimeraient bien l'avoir.
La page suivante porte sur les directives du conseil à toutes les entreprises au sujet de l'application des plans d'extension du service. Le CRTC a tenu des audiences à l'automne dernier et doit rendre sa décision en avril.
Je voudrais maintenant vous parler de l'infrastructure, et en particulier du service Internet à haute vitesse. Nous avons commencé à offrir ce service à la fin de 1997 sur le territoire de Bell Canada, et nous l'avons étendu en 1999. Nous avons constaté qu'avec la technologie existante, nous ne pouvions couvrir qu'un peu plus de la moitié de notre clientèle.
Nous avons décidé de nous lancer dans un programme d'investissement qui s'échelonnera entre 2000 et 2004, au coût de 1,5 milliard de dollars, pour étendre la portée de la technologie DSL, c'est-à-dire du service Internet à haute vitesse. Nous avons mis en place une nouvelle technologie qui nous permet d'offrir l'accès à haute vitesse non seulement dans les grands immeubles à bureaux centralisés, comme c'était le cas jusqu'ici, mais aussi dans les centres de commutation éloignés, et d'étendre le service dans bon nombre de circonscriptions téléphoniques et de localités supplémentaires.
Ce programme d'investissement très coûteux nous permettra de rejoindre 80 p. 100 de notre clientèle. Le Canada est un des pays les plus avancés au monde en ce qui concerne le service Internet à haute vitesse. Vingt pour cent des foyers canadiens y ont accès par câble, par téléphone ou par d'autres voies, comparativement à 10 p. 100 des foyers américains. Et c'est encore plus bas dans la plupart des autres pays. En fait, au Canada, le service Internet à haute vitesse est en train de devenir un produit de masse plus rapidement que dans la plupart des autres pays.
C'est peut-être pour cette raison que le prix du service y est beaucoup plus bas, à 40 $ ou 45 $CAN, alors que le service comparable aux États-Unis coûte environ 80 $CAN. Il est très difficile d'offrir ce service de façon économique. C'est un problème dans le monde entier.
En adoptant une nouvelle technologie, nous avons apporté de nombreux changements dans notre façon d'offrir le service afin d'en réduire le coût. Nous pensons pouvoir justifier notre objectif d'atteindre 80 p. 100 de notre clientèle.
Avec le Groupe de travail national sur les services à large bande qui a été constitué et qui a présenté son rapport l'an dernier au ministre de l'Industrie, nous avons examiné les plans d'action des compagnies de téléphone, des câblodistributeurs et de tous les fournisseurs de service du pays. Il s'est avéré que, pour ce chiffre de 80 p. 100, les considérations économiques et les difficultés sont les mêmes pour tous les fournisseurs. Quand on met tout le monde ensemble, c'est le pourcentage qu'on obtient. Partout au pays, les fournisseurs de service pourraient rejoindre environ 80 p. 100 de la population.
Cela exclut 20 p. 100 de la population, mais ces 20 p. 100 sont éparpillés dans 80 p. 100 des communautés. Évidemment, quand on dessert des grandes villes comme Toronto et Montréal, on rejoint la majeure partie de la population. Nous reconnaissons que c'est un défi de société d'une certaine importance parce que, comme je l'ai déjà mentionné, les communications de pointe sont encore plus précieuses dans les régions rurales que dans les villes du Canada.
Ce rapport a été déposé. Il s'agit de savoir si le gouvernement devrait intervenir pour aider à résoudre ce problème et, si oui, comment. Un peu partout au pays, les gens répugnent un peu à voir le gouvernement financer un service pour lequel les entreprises privées se livrent une forte concurrence. Ils n'aiment pas l'idée que le gouvernement subventionne quelque chose que certains perçoivent comme un luxe. Ils ne savent pas très bien non plus quelle part devraient assumer respectivement le gouvernement et le secteur privé.
Nous avons dit depuis le départ que nous étions conscients de ce défi de société et de l'importance, pour notre société, d'offrir à tous les Canadiens l'accès au service Internet à haute vitesse pour leur permettre de se développer sur le plan économique et personnel. Nous reconnaissons que c'est le secteur privé qui doit jouer le premier rôle à cet égard et qu'il ne faut pas puiser dans les fonds publics là où ce n'est pas nécessaire. En revanche, nous constatons qu'il y a des régions du pays où personne ne semble vouloir s'implanter. Nous sommes prêts à voir le gouvernement intervenir au besoin. C'est un problème qu'il faut régler; il faut établir la juste combinaison de fonds publics et privés, et trouver la bonne approche.
Ce problème a été résolu en Alberta, où Bell Canada est sortie de l'Ontario et du Québec pour participer à un partenariat public/privé dans le cadre du SuperNet. L'idée était de relier les communautés au réseau de base. Un des principaux problèmes économiques que pose la fourniture du service Internet à haute vitesse dans les petites communautés, c'est qu'il en coûte très cher pour réacheminer le trafic vers les réseaux centraux, qui acheminent par exemple le trafic Internet vers les sites très fréquentés de Californie, de Toronto, de Montréal ou d'ailleurs dans le monde.
Par conséquent, les clients abonnés au service Internet à haute vitesse génèrent beaucoup de trafic, ce qui ajoute aux difficultés d'installation de l'infrastructure au niveau local. Ce trafic coûte très cher à transporter. Les distances peuvent être très grandes, quoiqu'elles soient parfois assez courtes. Il peut arriver qu'une communauté située en périphérie d'un important centre urbain ne soit pas branchée. Cette communauté peut être traversée par un réseau national de fibre optique sans être branchée pour autant. C'est presque aussi coûteux de se brancher à ce réseau national situé à proximité que d'en construire un nouveau. C'est un des principaux problèmes.
Le gouvernement de l'Alberta a réglé ce problème en s'engageant à dépenser un certain montant chaque année pour les télécommunications, et il a lancé des appels d'offres pour ces services et pour des services additionnels. Il veut brancher tous les établissements publics: les écoles, les établissements de soins de santé et les bureaux du gouvernement. Il dit qu'il va payer pour ce service et il demande: «Avec le montant que nous avons mis sur la table, qu'est-ce que vous — l'entreprise privée — avez l'intention de faire et de bâtir vous-mêmes pour compléter?» Pour le reste, le gouvernement a indiqué qu'il paierait pour rejoindre un nombre accru de communautés. Cependant, quand les installations auront été mises en place à nos frais, elles seront à la disposition de tous les fournisseurs de service qui voudront les utiliser.
Cette diapositive montre que le projet SuperNet commence à se déployer. Évidemment, il faut du temps pour bâtir ce genre de chose. Si vous voulez obtenir un résultat deux à quatre ans plus tard, vous devez comprendre qu'il faut de trois à quatre ans avant de pouvoir lancer des appels d'offres. Il faut du temps aussi pour tout le processus d'appels d'offres, et pour s'entendre sur le rythme de construction et entreprendre les travaux. La carte présentée sur cette diapositive montre qu'il y aura de nombreuses communautés, grandes et petites, qui seront couvertes en Alberta.
Le service sans fil est un autre secteur qui intéresse les Canadiens des régions rurales. Notre service de téléphonie mobile en Ontario et au Québec rejoint jusqu'à 95 p. 100 de la population. Nous avons dépensé beaucoup d'argent pour implanter ce réseau. Encore là, la mise en place d'un réseau sans fil est une entreprise économique majeure, mais la couverture de base est là.
Nous commençons maintenant à numériser notre réseau de base. Nous en sommes déjà à la troisième génération d'installations sans fil, qui font l'objet d'essais dans le monde entier dans le but de fournir les services les plus avancés de transmission de données.
Pour aider à résoudre les difficultés économiques de l'industrie, nous discutons de diverses solutions avec nos concurrents — comme cela se fait dans le monde entier. Les compagnies ont dû assumer les coûts liés à l'achat de licences d'utilisation du spectre et au déploiement du réseau, et elles ont connu de graves difficultés financières. Partout dans le monde, des entreprises qui se livraient pourtant une concurrence féroce ont été forcées de se regrouper pour partager les dépenses d'infrastructure afin que ce déploiement soit économiquement faisable.
Au Canada, nous nous sommes entendus avec nos principaux concurrents; nous allons nous servir d'une partie de leur réseau sur leur territoire et ils vont faire la même chose sur notre territoire. Même si cela signifie qu'ils pourront nous faire concurrence plus facilement auprès de nos clients, il était nécessaire, pour des raisons financières, de comprendre que nous devions tous fonctionner de cette façon-là.
Je vous ai apporté une carte montrant la couverture et l'emplacement de nos opérations de téléphonie mobile. De cette façon, nous pouvons couvrir à peu près tous les endroits où on retrouve une population relativement nombreuse.
Pour finir, je voudrais vous citer quelques exemples des types de projets de coopération auxquels nous participons dans nos communautés, à titre de grande entreprise et fournisseur d'une infrastructure essentielle. Premièrement, nous offrons l'accès au service de transmission de données à haute vitesse dans 80 communautés du nord de l'Ontario. Dans le cadre de notre projet d'amélioration des services, nous avons aussi équipé 270 communautés du sud de l'Ontario d'une plate-forme permettant de fournir des services de transmission de données. Évidemment, la transmission de la voix est importante, mais de nos jours, la transmission des données l'est tout autant pour la conduite des affaires. Nous avons aussi un fonds de développement communautaire grâce auquel nous appuyons, de façon sélective, divers projets de développement économique dans nos communautés. Nous avons des projets comme «L'entraide, une solution d'affaires» et des salons itinérants sur le commerce électronique pour aider les gens à comprendre les avantages et la valeur du commerce électronique. C'est une importante avenue de développement économique.
Pour résumer, il y a déjà longtemps que nous sommes présents dans les régions rurales du Canada et que nous entretenons des relations avec les gens de ces régions. Même si la situation économique et les conditions d'exploitation changent considérablement, nous faisons les investissements nécessaires pour moderniser notre infrastructure, améliorer notre service et étendre la portée de nos installations. Nous sommes là pour rester et nous avons bien l'intention de continuer encore longtemps à participer au développement des régions rurales du Canada.
Le président: Devrions-nous passer aux questions tout de suite et entendre ensuite les témoins de SaskTel?
Le sénateur Tkachuk: Pourquoi ne pas entendre la présentation de SaskTel?
Le président: Nous allons donc passer aux questions.
Je vis en région rurale. Quand je voyage entre Estevan et Regina, il y a cinq endroits différents où mon cellulaire ne fonctionne pas. Cela reflète le problème auquel font face les Canadiens des régions rurales, et dont vous avez déjà parlé. Il y a deux ans, je recevais constamment des appels d'AT&T et d'autres compagnies qui voulaient m'offrir leurs services. On aurait dit que ces compagnies attendaient l'arrivée du sans fil pour prendre le contrôle de l'industrie téléphonique. Quand ma femme a changé de fournisseur, j'ai voulu retourner immédiatement à SaskTel parce que je craignais que nous n'ayons plus de service de téléphone dans notre région si les choses continuaient ainsi. Nous sommes maintenant le pays le plus urbanisé au monde. Nous avons de sérieux problèmes dans le Nord, surtout en Saskatchewan et dans certaines régions du Manitoba. L'Alberta a peut-être les poches assez bien garnies pour soutenir le service, comme vous l'avez indiqué dans votre présentation.
Est-ce que Bell Canada va continuer à nous servir, ou si vous allez entrer en conflit avec SaskTel, avec les compagnies de téléphone des provinces Atlantiques et avec la Société de téléphone du Manitoba? Est-ce que vous vous entendez bien avec les gens de SaskTel?
M. Courtois: Oui. Nous sommes en concurrence directe avec Telus, qui est basée dans les provinces prospères de l'ouest du pays. Pour être réalistes, nous nous attendons à ce que nos deux entreprises concentrent leurs efforts sur les zones urbanisées de leur territoire respectif. C'est le cas de nos concurrents. Il y a beaucoup de concurrents et, comme je l'ai déjà dit, les milieux financiers estiment qu'il y en a trop et que la situation ne pourra pas s'améliorer tant qu'il n'y aura pas de rationalisation.
Mais, dans les régions rurales du Canada, nous constatons que certains de nos concurrents peuvent se servir de nos installations pour offrir des services interurbains ou d'autres services. Ce qui se passe aussi, c'est que les compagnies se servent d'Internet pour offrir toute une gamme de services alors que le branchement de base à Internet va quand même venir des compagnies de téléphone locales. À cet égard, nous collaborons avec les compagnies de téléphone des provinces Atlantiques, de même qu'avec SaskTel, pour régler tous les problèmes liés à la politique publique et la technologie.
Le sénateur Fairbairn: Merci de votre présentation. Vous avez certainement évoqué — et je pense que la plupart des gens qui sont ici seront d'accord — une situation critique pour notre pays. Je ne suis pas certaine que nous soyons conscients de la profondeur des changements de société qui se produisent actuellement, ou qui vont se produire, à moins que Dieu ne vienne mettre fin à la sécheresse dans notre région.
Je viens du sud de l'Alberta, qui est probablement la région la plus menacée du pays à l'heure actuelle. Je suis sénateur depuis 18 ans et, même si on a dit que la sécheresse était cyclique, ce n'est pas vrai. Nos communautés agricoles ont connu très peu de bonnes années depuis 18 ans. Les dernières années, et surtout la toute dernière, ont été désastreuses.
C'est un problème qui ne touche pas seulement l'agriculture. Il touche aussi les petites villes des régions rurales de l'ouest du Canada. Si elles ne peuvent plus compter sur une agriculture viable, elles n'auront pas d'autre choix que de développer leurs entreprises et de créer de l'emploi dans leur propre communauté, sinon les gens devront s'en aller. Le dépeuplement est bel et bien une réalité.
Les liens que fournissent vos entreprises représentent une part importante de la solution qui ralentirait le dépeuplement de nos régions rurales. Vous avez expliqué dans votre présentation les difficultés que vous avez connues en raison de l'expansion rapide de votre industrie et des problèmes connexes. Je sais ce qui s'est passé dans ma province, en Alberta. L'option que vous offrez pour remédier aux problèmes actuels du Canada rural entre-t-elle en ligne de compte dans ce que vous voulez faire dans ces régions' Non seulement Internet est un excellent outil, mais votre industrie pourrait devenir un lien vital qui assurerait la survie de bon nombre de ces petites villes à risque, auxquelles sont attachés non seulement les gens qui y vivent, mais également ceux qui se trouvent ici même dans cette pièce.
Est-ce que cela entre en ligne de compte dans vos réflexions' Quand vous parlez des difficultés, est-ce que vous tenez compte de cet aspect-là?
M. Courtois: Naturellement, nous ne sommes pas en mesure de corriger les changements sous-jacents dans l'agriculture et dans l'industrie minière, qui assuraient traditionnellement la subsistance de ces communautés.
Le sénateur Fairbairn: En effet.
M. Courtois: Mais avec la technologie moderne, nous pouvons donner le choix à ces communautés, en ce sens qu'elles peuvent maintenir un certain degré d'activité ou même opter pour un nouveau genre d'activité économique qui se déroulerait chez elles. L'accès aux moyens de communications de pointe permet aux communautés d'exercer ce choix en tendant la main vers le monde extérieur pour vendre leurs produits et pour offrir un service de haut niveau. Les communautés peuvent parfois attirer de nouvelles activités.
Par exemple, nous travaillons avec les groupes locaux pour attirer des centres d'appel dans les petites villes de notre territoire, comme de celui de Télébec et de Northern Telephone. Les centres d'appel n'offrent peut-être pas les emplois les mieux payés, mais les conditions de travail y sont bonnes; quelques centaines d'emplois, dans une petite communauté, peuvent parfois avoir d'énormes retombées. Comme ces centres d'appel peuvent fonctionner n'importe où, nous travaillons activement avec les gens d'affaires et les décideurs de ces communautés pour attirer des centres de différentes entreprises, et même de compagnies américaines.
Nous faisons le même genre de chose sur le plan du développement économique; nous travaillons avec les gens de l'endroit pour aider à faire avancer les choses grâce à l'utilisation de l'infrastructure de télécommunications.
Mme Linda Gervais, vice-présidente, Relations avec le gouvernement fédéral, Bell Canada: J'aimerais ajouter deux choses. Premièrement, pour les investissements dans les régions rurales, nous devons faire concurrence aux autres pour le montant global des capitaux disponibles. Il doit y avoir un certain rendement. Un des problèmes, c'est que les communautés se font souvent concurrence entre elles pour obtenir l'infrastructure ou les emplois. À Bell Canada, nous avons des agents de développement économique qui travaillent de concert avec les gens des petites communautés pour les aider à mettre leurs rivalités de côté puisque nos investissements se justifient plus facilement s'il y a un plus grand nombre d'utilisateurs. Ces agents travaillent avec les gens de villes voisines et les aident à fonctionner ensemble pour attirer les investissements.
Ces efforts ont été couronnés de succès. Nous avons commencé il y a quelques années en Ontario. Nous avons aussi des directeurs régionaux qui font la même chose au Québec. Ce n'est pas une solution parfaite; il y a des problèmes à l'intérieur des villes. Bell a grand besoin de rationaliser ses opérations et de réduire ses effectifs en cette période de profonde transformation, d'une situation de monopole à un univers de concurrence, d'un rôle de transmission de la voix à celui de fournisseur de service Internet.
Nous ne fonctionnons plus comme avant. Pour bien nous enraciner dans les communautés où nous n'avons pas beaucoup d'employés, nous avons des cadres supérieurs qui sont chargés de défendre les intérêts de certaines régions et d'y entretenir des liens avec les maires et les responsables du développement économique. Ils travaillent en étroite collaboration avec nos agents de développement économique.
Voilà quelques-unes des choses que nous essayons de mettre en place. Nous savons bien que, si nous ne sommes pas là, ce n'est pas AT&T qui va se battre pour offrir le service à Upper Rubber Boot, Saskatchewan. C'est la vie!
Mais nous devons quand même respecter certaines contraintes économiques. Même en Alberta, il y a environ 20 p. 100 de la population qui ne sera pas touchée par le SuperNet. Même en Alberta — et pourtant, l'approche adoptée là- bas est probablement la plus innovatrice jusqu'ici —, il y a des problèmes importants. C'est une des réalités de notre pays.
Le sénateur Fairbairn: Personne ne veut être alarmiste, mais à l'heure actuelle, il y a des régions du Canada où les gens n'ont aucune autre option et où c'est la météo qui mène leur vie. C'est toujours difficile pour les gens qui ne veulent vraiment pas avoir à déménager pour trouver autre chose. Ce que vous avez dit aujourd'hui montre que vous êtes sensibles à la question.
Cependant, sur le plan économique, votre rôle dans certaines de ces régions va probablement devenir beaucoup plus essentiel qu'il ne l'a été jusqu'ici.
Le président: J'aimerais souligner qu'un des éléments positifs de notre comité, c'est que nous concevons les communications comme une voie à deux sens. Nos ressources naturelles — les pêches, le bois, le pétrole et le gaz, l'agriculture, les mines, les forêts, la potasse — viennent toutes du Canada rural. Ce sont les moteurs qui font avancer notre pays. Et pourtant, comme l'a dit Le sénateur Fairbairn, nous n'avons plus beaucoup de moyens de défense sur le plan politique. Nous essayons de montrer à quel point cette question est importante pour le Canada.
Nous serions heureux de votre participation à cet égard parce que les communications sont très importantes. Que ce soit pour exploiter les forêts du nord de la Colombie-Britannique, pour chercher du pétrole dans le sud de la Saskatchewan ou pour travailler dans le Grand Nord, nous avons des représentants dans toutes ces régions. Nous avons besoin de communications.
Il y aura certainement des occasions où vous pourrez rencontrer les autorités en place pour discuter des problèmes du jour et où vous pourrez joindre votre voix à la nôtre pour nous aider à faire comprendre l'importance du développement rural au Canada.
M. Courtois: Dans les domaines que nous connaissons, nous pouvons certainement parler d'autorité. Il est évident qu'il y a des domaines auxquels nous ne connaissons rien. Nous disons souvent aux décideurs des régions urbanisées du pays que les défis que les télécommunications de pointe peuvent permettre de relever, et les contributions qu'elles peuvent apporter, sont des questions d'intérêt national qu'il est important de régler.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez dit quelques mots sur Internet et sur les efforts pour brancher les Albertains à Internet. C'est important, surtout pour les hôpitaux et les fournisseurs de services de santé, parce que cela permettra de transmettre dans des régions rurales de la Saskatchewan ou de l'Alberta les connaissances de spécialistes qui vivent pour la plupart à Regina, Saskatoon, Calgary ou Edmonton.
Je ne comprends pas très bien la technologie sans fil, même si je me sers d'un cellulaire. Nous avons parlé du coût du câble et du téléphone pour assurer le service Internet et le service sans fil. Est-ce qu'il pourrait être utile que les gens puissent se brancher au câble ou à Internet sans avoir besoin de toute cette infrastructure souterraine, avec tous les problèmes que cela comporte?
M. Courtois: Oui, il y a des solutions sans fil. Le projet SuperNet, en Alberta, sera fondé sur la fibre optique. Dans certains cas, il y aura des installations sans fil fixes. Et il y a aussi le satellite.
Chacune de ces technologies a ses avantages et ses inconvénients, selon la distance à parcourir et la densité de population. Les installations sans fil fixes sont avantageuses pour les régions à densité moyenne. Elles peuvent avoir une plus grande portée que les installations de transmission par fil, de façon économique, mais elles doivent être raisonnablement bien réparties parce qu'elles ne peuvent pas soutenir une densité relativement substantielle.
Le satellite est certainement un élément nécessaire — et inévitable — de la solution. Il y a un fort pourcentage de la population que nous ne pourrons tout simplement jamais rejoindre grâce à la transmission par fil ou à un réseau de communications au sol. La société peut difficilement justifier les dépenses nécessaires pour installer un réseau de transmission par fil ou par fibre optique, ou encore pour appliquer la technologie DSL afin de desservir une ferme située à des milles de distance de tout autre abonné. Heureusement, la technologie du satellite est non seulement la voie de l'avenir, mais elle s'améliore considérablement. Il y a une nouvelle génération de satellites qui s'en viennent — ce qu'on appelle les satellites à bande KA — dont les transpondeurs sont beaucoup mieux ciblés. Ils peuvent en fait transmettre des signaux dans les deux sens. Il serait possible ainsi d'avoir une connexion interactive plus rapide à Internet, peut-être pas autant qu'avec une solution fondée sur la transmission par fil, mais presque.
Le problème, avec le satellite, c'est que toutes les difficultés que connaît l'industrie des télécommunications sont encore pires dans ce secteur. Dans certains cas, la communauté financière a commencé à s'inquiéter pour l'industrie des télécommunications à cause des satellites. Nous avions des projets pour lesquels des gens étaient prêts à investir des milliards de dollars pour envoyer dans les airs 20, 30, 80 ou 100 satellites de haute capacité et les faire fonctionner. Ces projets étaient intéressants quand l'argent ne coûtait rien, mais ils ne sont pas viables si quelqu'un doit vraiment en assumer les coûts.
Par conséquent, l'industrie du satellite vit actuellement des temps difficiles. Il y a beaucoup de rationalisation, et de nombreux projets sont abandonnés. Je suis quand même fermement convaincu que, d'ici quelques années, nous constaterons qu'il y a un très bon marché pour les satellites et que ces appareils seront très utiles. Ils pourront répondre à une bonne partie des besoins des petites entreprises, des résidences, et ainsi de suite.
Jusqu'à un certain point, le satellite peut également servir pour les établissements communautaires, par exemple dans le domaine de la santé ou de l'éducation. Ces installations ont besoin d'une capacité beaucoup plus élevée que celle que permet normalement un satellite à bande KA. Il serait possible de transmettre un signal de haute capacité à un point central de la ville et de relier ensuite, avec ou sans fil, les établissements qui pourraient avoir besoin, par exemple, de services d'imagerie médicale exigeant une forte capacité.
Il y aura un mélange de technologies. Le satellite est la seule technologie permettant de rejoindre une bonne partie de la population canadienne. Pour le moment, toutefois, les choses sont au point mort.
Il y a un service par satellite. Il permet assez facilement d'aller chercher des choses sur Internet, mais pour le reste, il faut se servir du téléphone.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce que la plus grande partie de la recherche au sujet de cette technologie est financée par le privé ou selon une combinaison du public et du privé?
M. Courtois: C'est surtout financé par le privé, bien qu'il y ait un certain mélange de fonds public et privé. Certains travaux se font à Ottawa en collaboration avec les établissements nationaux de recherche. Toutefois, les dépenses publiques dans ce domaine sont loin d'atteindre par exemple le niveau des dépenses militaires aux États-Unis. Il est clair que les Américains consacrent beaucoup plus d'argent à la recherche que nous ne pourrions le faire au Canada. Il arrive parfois que la recherche aboutisse à la fabrication de certains produits commercialisables.
Actuellement, il est certain que Telesat collabore étroitement avec le gouvernement et fait de la recherche dans ce domaine. C'est certainement un des chefs de file mondiaux.
Le sénateur Tkachuk: Des petites villes comme Weyburn, en Saskatchewan ou même des plus petites localités sont desservies par le câble. Est-il difficile pour ces localités de recevoir le service Internet à haute vitesse? Ces petites villes captent leurs signaux à partir des satellites. Tous les gens sont branchés et payent leur part du produit. J'ai toujours pensé que c'était un excellent système.
M. Courtois: En effet. Il y a deux obstacles à surmonter. Le premier est celui de l'amélioration du système de câble pour permettre d'accepter la circulation dans les deux sens et de permettre de perdre moins de données au cours des allers et retours. C'est généralement possible à partir d'un réseau de câble et c'est payant. Comme vous l'avez dit, c'est une bonne affaire.
Le deuxième problème consiste à cheminer toutes les communications en partance de la localité vers le tronçon principal. Que le serveur loue une fenêtre satellite ou qu'il ait recours à fibre ou à d'autres moyens, c'est un service coûteux, parce que les usagers passent du service Internet commuté qui leur permettait un certain nombre d'heures de connexion par mois, à un service beaucoup plus intense que celui qu'ils avaient auparavant. Le fournisseur de services, de son côté, doit alors prendre en charge les communications à l'entrée et à la sortie de la localité.
Dans beaucoup de cas, le réseau de câble et le réseau téléphonique peuvent offrir le service à haute vitesse. C'est d'ailleurs sans doute la principale raison pour laquelle le service Internet à haute vitesse est plus répandu au Canada qu'aux États-Unis et dans d'autres pays. Ces deux secteurs de l'industrie se font concurrence depuis plus longtemps et de manière plus ouverte que dans les autres pays.
En revanche, dans certaines localités, ni le câblodiffuseur, ni le service téléphonique ne peuvent justifier le coût d'acheminement des communications vers l'extérieur. Le promet national d'Internet à large bande s'est penché sur l'incidence de projets tels que le SuperNet en Alberta. L'usager peut-il payer uniquement pour entrer et sortir de sa localité? Le fournisseur local de services peut ensuite offrir ces services sur une base commerciale.
Le sénateur Tkachuk: Pour le moment, le CRTC interdit à un câblodistributeur d'offrir un service de téléphone, par exemple, ou à vous d'offrir un service de câblodistribution. Ne serait-il pas plus efficace de combiner les deux services dans une localité. Autrement dit, la concurrence, c'est bien, mais qui en a besoin dans une petite ville? Les gens ne sont pas prêts à payer plus pour avoir tous les produits.
M. Courtois: Actuellement, ce n'est pas vraiment le CRTC qui s'y oppose. Il faut rester pragmatique. Vous devez accepter que les gens s'intéressent à la concurrence ou prendre conscience que la concurrence est possible. Les gens raisonnables connaissent normalement ces conditions.
Il peut arriver aussi qu'il n'y ait pas de concurrence et qu'il n'y ait pas de service. Dans les régions nordiques du Québec, le CRTC a d'ailleurs autorisé nos compagnies de téléphone, Télébec, à acheter des réseaux de câblodistribution. Le service de câblodistribution ne rapportait pas suffisamment pour permettre d'améliorer le réseau et d'offrir plus que le minimum de chaînes. La combinaison des deux services a permis de réaliser des économies.
Nous avons pu améliorer la câblodistribution de manière à offrir un service analogue à celui dont disposent les habitants des plus grandes villes. Pour la population locale, c'est un énorme avantage. Cela nous permet d'utiliser cette infrastructure commune pour offrir la haute vitesse. La combinaison des deux services nous donne les moyens d'assumer les coûts d'entrée et de sortie des communications.
Cependant, la combinaison des services n'est pas une panacée. La concurrence est plus avantageuse pour les consommateurs, lorsque le système peut l'offrir. Toutefois, dans les régions rurales du Canada, il faut demeurer réaliste; l'objectif est d'offrir le service à la population et de trouver des solutions innovatrices convenant à la situation.
Le président: J'ai une autre question destinée à Bell Canada, puis nous passerons à SaskTel. Les représentants de Bell Canada peuvent-ils rester à la table?
M. Courtois: Oui. Je dois m'en aller à 10 heures, mais je vais rester jusque-là. Mme Gervais restera plus tard.
Le sénateur LaPierre: Je ne suis pas membre du comité, mais les grandes réalisations que j'ai faites pour notre nation m'ont valu d'être membre du caucus de l'est de l'Ontario. J'ai découvert le Canada rural. Cela m'a ramené à mes origines.
Lorsque j'habitais en Colombie-Britannique, j'ai rencontré le sénateur Carney. Elle a implanté à elle seule un réseau de téléenseignement en Colombie-Britannique. Elle venait du Nord. Elle a réussi à convaincre le gouvernement de le faire. Ce commentaire est un prélude à ma question.
Mercredi, nous avons découvert que des centaines de petites localités du Canada — en particulier les réserves autochtones — n'auront peut-être jamais aux services et n'auront peut-être jamais l'accès que nous avons en ville. Nous avons appris aussi que notre pays risque de perdre son caractère rural — qui est pourtant le fondement même de notre pays — si nous ne réagissons pas assez vite. J'ai appris tout cela dans le caucus de l'est de l'Ontario.
Pourquoi le public canadien ne se sert-il pas du gouvernement canadien qui est l'instrument fondamental d'amélioration? Nous avons construit deux chemins de fer transcontinentaux, les micro-ondes, et la Société Radio- Canada. Nous avons à plusieurs reprises conjugué nos ressources pour offrir des chances égales à toute la population canadienne.
Pourquoi ne pas le faire une fois de plus? Devrions-nous le faire? Pourquoi ne pouvons-nous pas convaincre le gouvernement d'entreprendre une telle chose? Serait-ce une bonne chose? Pensez-vous que nous pouvons laisser cette initiative au secteur privé?
M. Courtois: Vous avez raison. Nous sommes une entreprise privée et nous sommes le chef de file mondial dans ce domaine. Nous savons que nous avons un rôle à jouer à ce niveau-là et nous estimons que puisqu'il s'agit d'un rôle ciblé, on ne devrait pas nous reprocher d'utiliser des fonds publics pour le faire. Cependant, il reste de l'éducation à faire.
Je suis en contact avec beaucoup de membres d'associations du secteur privé et de décideurs des diverses régions du pays. Le Canada rural se montre assez réticent à reconnaître cette valeur. Je leur transmets ce message et je le répète souvent, parce qu'il y a beaucoup d'incompréhension entre le Canada rural et le Canada urbain.
J'ai découvert également qu'il est utile de rappeler aux gens que le Canada rural n'est pas seulement un endroit situé à 10 000 kilomètres de chez eux et qui leur est totalement étranger. C'est peut-être un endroit qui se trouve tout près de chez eux et qui a les mêmes besoins.
Le sénateur LaPierre: Je vous remercie pour votre réponse et pour votre encouragement.
Le président: Merci de votre appui, sénateur. Nous vous inviterons plus souvent à notre comité.
Nous allons maintenant entendre le témoignage de Pat Tulloch de SaskTel. Soyez la bienvenue. Nous espérons que notre rencontre sera favorable au maintien de bonnes communications dans cette province. La parole est à vous.
Mme Pat Tulloch, directrice générale, Commercialisation, SaskTel: Merci de me donner l'occasion de vous présenter les réalisations de SaskTel dans la province de la Saskatchewan.
J'ai l'intention ce matin de vous parler de SaskTel, des défis particuliers à notre province et des priorités principales de notre société. J'ai l'intention ensuite de vous exposer un certain nombre d'initiatives que notre société a prises dans la province, et de vous parler des mesures que nous avons prises au sujet d'Internet à haute vitesse et des buts que nous nous sommes fixés à cet égard.
SaskTel est un fournisseur de services de communication complet dans la province de la Saskatchewan. Nous avons un portefeuille diversifié d'investissement en Saskatchewan, dans les diverses régions du Canada et dans le monde. Nos recettes annuelles brutes sont d'environ 850 millions de dollars et nos actifs se chiffrent à environ 1,2 milliard de dollars. Nous employons à peu près 4 000 employés dans les diverses régions de la Saskatchewan.
Comme nous l'avons mentionné, nous avons également une alliance sans prise de participation avec BCE et avec les compagnies du groupe Bell. Nous sommes une société parapublique qui relève de la Crown Investments Corporation of Saskatchewan.
Comme vous le savez, notre province est relativement étendue sur le plan géographique, mais notre population compte moins d'un million d'habitants. La Saskatchewan compte plus de 400 villages de moins de 200 habitants. Cela signifie qu'environ 42 p. 100 de nos clients vivent dans des secteurs dont la déserte est coûteuse, par comparaison à 15 p. 100 pour Telus et 12 p. 100 pour Bell. Sur le plan de la densité démographique, la Saskatchewan ne compte que 0,7 personne au kilomètre carré, par comparaison au secteur desservi par Telus qui en compte 7,1 habitants au kilomètre carré et le secteur de Bell qui en compte 10,8 habitants. La diminution de notre clientèle est le défi auquel nous sommes confrontés. Nos clients sont de plus en plus nombreux à quitter les exploitations agricoles pour s'installer dans les zones urbaines. Le coût de remplacement et d'entretien de l'infrastructure est à la hausse.
SaskTel est pleinement conscient des défis et des possibilités qui se présentent à l'industrie — par exemple l'émergence de concurrents nouveaux et inattendus, la croissance d'Internet, l'évolution technique rapide et une concurrence féroce des prix. En conséquence, SaskTel met l'accent sur trois priorités commerciales principales. La première est un programme d'efficacité opérationnelle triennal qui doit nous permettre de réaliser des économies annuelles de 60 millions de dollars jusqu'en 2003. Pour le moment, le programme évolue comme prévu. Deuxièmement, SaskTel a remis l'accent sur l'accroissement des recettes. Enfin, nous avons mis en place une stratégie de cyber-affaires comprenant deux volets principaux: installer SaskTel sur le net afin d'utiliser Internet pour améliorer et transformer nos priorités commerciales auprès de nos clients, de nos employés et de nos fournisseurs; et pour mettre au point des produits et services permettant à nos clients de se livrer au commerce électronique.
SaskTel compte de nombreuses et excellentes années de services à la population de la Saskatchewan. Nous avons respecté ou même dépassé les objectifs de services de base fixés par le CRTC pour l'ensemble de nos clients, à l'exception de 200 dans l'extrême-Nord de la Saskatchewan qui ne peuvent bénéficier du service normal. Nous avons été les premiers au Canada à éliminer les lignes communes, à déployer des réseaux de fibres optiques; et un des premiers à mettre en place un réseau de connexion entièrement numérique.
Nos prix pour le service téléphonique de base sont comparables, malgré l'acheminement onéreux du service dans certains secteurs, et nous avons mis en oeuvre un certain nombre de plans de services interurbains qui sont particulièrement avantageux pour les clients des régions rurales.
Par ailleurs, nous avons lancé un programme triennal EAB. Il s'agit d'un programme qui a permis d'amalgamer plus de 100 circonscriptions et d'améliorer le service pour près de 100 000 consommateurs en Saskatchewan. Grâce à ce programme, nos clients sont plus nombreux à bénéficier d'un accès téléphonique local aux services essentiels importants tels que les hôpitaux, les écoles, les services de police et d'incendie. Par ailleurs, SaskTel a mis sur pied un programme triennal de 24 millions de dollars visant à étendre sa couverture numérique de 64 p. 100 en 2000 à 90 p. 100.
SaskTel offre un accès gratuit par réseau commuté à Internet à l'ensemble de ses clients et a été la première compagnie téléphonique d'Amérique du Nord à offrir le service Internet à haute vitesse utilisant la technologie DSL.
SaskTel a une tradition d'engagement social qui se manifeste par notre investissement annuel de 100 millions de dollars dans l'amélioration du réseau central; par le maintien d'emplois dans 55 localités de Saskatchewan; par son partenariat avec plus de 170 entreprises de Saskatchewan; et par son investissement dans un programme d'amélioration du service aux Premières nations en Saskatchewan qui a permis de doubler le nombre de foyers bénéficiant du service de base. Par ailleurs, nous avons établi en collaboration avec les Autochtones un télécentre qui leur appartient, en Saskatchewan.
Je vais prendre quelques instants pour parler du programme CommunityNet en Saskatchewan, parce que c'est essentiellement à ce programme que je consacre le reste de mon exposé. CommunityNet est un réseau d'accès commuté IP partagé, sûr et privé sont le but est de brancher l'ensemble des écoles et établissements postsecondaires, les établissements de soins de santé et les bureaux du gouvernement de notre province. CommunityNet permettre de relier finalement 366 localités; 795 écoles élémentaires, écoles secondaires et bureaux de conseils scolaires; 86 écoles des Premières nations; 39 collèges régionaux; 310 établissements de santé; et 256 bureaux du gouvernement. C'est un immense projet qui est le résultat d'un effort de collaboration du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial et de SaskTel. Selon le groupe d'études national sur l'Internet à large bande, c'est peut-être l'initiative la plus avancée par comparaison aux autres projets entrepris de par le monde par des gouvernements nationaux ou provinciaux comparables.
Je suis fier d'annoncer que SaskTel se donne pour but d'offrir d'ici 2005 un service Internet à large bande rentable à 95 p. 100 de la population de la Saskatchewan. Jusqu'à présent, nous avons investi plus de 56 millions dans ce projet. Nous avons commencé en 1996 et, jusqu'en 1998, nous avons offert le service à dix localités, à une population moyenne d'environ 56 000 consommateurs. en 2000, nous avons ajouté neuf localités d'une population moyenne de 4 700 habitants. En 2001, l'investissement que nous avons fait dans l'infrastructure de l'Internet communautaire déjà en place nous a permis d'étendre le réseau à 27 localités, atteignant ainsi une population moyenne d'environ 2 000 consommateurs.
La semaine dernière, nous avons annoncé une autre expansion de 191 points desservant une moyenne de 500 consommateurs. Tout cela est rendu possible grâce à l'infrastructure de CommunityNet. Cela signifie que d'ici la fin de 2003, SaskTel offrira le service à 237 collectivités de Saskatchewan, soit environ 71 p. 100 de notre population, à des localités qui parfois ne regroupent pas plus de 100 habitants.
Notre défi est d'offrir le service à la dernière tranche de 24 p. 100, afin d'atteindre notre but de 95 p. 100. Les 24 p. 100 restants sont composés des exploitations agricoles et des petites localités. Il nous faudra faire appel à toute une gamme de technologies, y compris la communication sans fil. Actuellement, nous faisons un essai technique et nous procéderons bientôt à un essai de mise en marché de la technologie MCS. Nous sommes continuellement à l'affût des nouveautés sur le plan technologique et économique. Sur le plan commercial, nous ne pouvons pas prétendre à la rentabilité et nous prévoyons un manque à gagner d'environ 40 millions de dollars pour équiper la dernière tranche de 24 p. 100 du marché. Cela nous contraint à collaborer constamment avec nos fournisseurs et à rechercher des options de financement.
En résumé, SaskTel est parvenue à atteindre 50 p. 100 de la population à la fin de l'année 2000. En se servant de l'infrastructure de CommunityNet et en redéployant la technologie en place dans les localités plus grandes, nous avons réussi à offrir une couverture de 61 p. 100 à la population avant la fin de 2001; et 71 p. 100 de la population sera branchée d'ici la fin de 2003. Cela nous laisse un dernier défi de 24 p. 100 pour relier les agriculteurs et les petites localités; nous poursuivons nos efforts dans cette direction. Notre but est de desservir 95 p. 100 de la population.
Le président: Merci pour ces renseignements. Un conseiller de la ville de Saskatoon à qui je parlais hier me disait que, selon les prévisions, la population de Saskatoon qui est actuellement de 250 000 habitants, passera bientôt à 400 000. La population de Regina augmentera, mais la population globale de la Saskatchewan elle, n'augmentera pas.
Mme Tulloch: Elle va diminuer.
Le président: C'est le défi auquel vous devrez faire face. Si l'on a pu constater cela en n Saskatchewan, il est probable que la situation générale est encore pire. Pouvez-vous poursuivre cet excellent travail? Je le souligne, parce que vous avez fait un excellent travail dans les régions rurales de Saskatchewan. Je me demande toutefois si vous pouvez continuer, face aux pressions qui existent? Quelle est la pression la plus grande que vous ressentez de la part de vos concurrents de l'extérieur qui n'auront peut-être pour principe de maintenir le soutien rural?
Mme Tulloch: Je pense que nous pouvons poursuivre notre travail. Nous sommes en communication avec nos fournisseurs et les prix de la technologie ont diminué dans certains cas. Nous sommes continuellement à la recherche de nouvelles technologies. Nous avons maintenant de la concurrence en Saskatchewan, mais notre population étant dispersée, nous n'avons pas subi de véritable assaut sur nos marchés. Nous comptons de nombreux clients fidèles en Saskatchewan. Nous travaillons constamment en partenariat avec notre gouvernement et nos fournisseurs pour offrir des services en Saskatchewan. Je suis optimiste et je pense que nous pourrons continuer à faire un bon travail en Saskatchewan.
Le président: Quelle est la situation financière de la société d'État?
Mme Tulloch: Elle est excellente. L'an dernier, nous avons enregistré un profit net de 100 millions de dollars.
Le sénateur Robertson: Merci pour les intéressants exposés que vous avez présentés ce matin. J'aimerais poser une question qui fait suite aux commentaires du sénateur LaPierre concernant le téléenseignement.
Nous savons que notre système de soins de santé traverse actuellement une crise grave et que tout le monde cherche des moyens d'assurer sa survie. Dans certaines régions, on s'intéresse à la télémédecine. Certains d'entre nous estiment que si cette discipline se développe comme il se doit, beaucoup de petits hôpitaux qui dispensent des soins secondaires et tertiaires n'auront plus à le faire; il sera possible d'offrir ces soins sans être obligés d'attirer à grands frais des spécialistes qui souhaitent pratiquer dans de plus grands centres. Pensez-vous que la télémédecine a fait des progrès grâce au système de communication?
Mme Gervais: Plusieurs initiatives sont en cours. Pardonnez-moi mon audace, mais j'aimerais suggérer au comité d'inviter Telesat à venir témoigner ou peut-être d'aller visiter ses installations, puisque Telesat a plusieurs initiatives en cours.
Il existe plusieurs applications de télémédecine qui fonctionnent bien dans les régions éloignées de Terre-Neuve. Une infirmière ou un travailleur social de la localité peut communiquer par caméra vidéo avec un médecin. C'est vraiment impressionnant. Dans plusieurs localités, il n'y a pas de médecin, mais la personne qui soigne le patient peut communiquer en temps réel avec le médecin afin d'établir le diagnostic, de donner les soins, de prendre des décisions et d'examiner le cas. C'est un système plutôt intéressant.
Cependant, un dollar, c'est un dollar et le financement est un des problèmes de la télémédecine, car les dépenses consacrées aux soins de santé au cours de l'année font partie du budget. Si les hôpitaux et les centres de santé communautaire veulent vraiment mettre l'accent sur la télémédecine, ils doivent faire d'énormes investissements et choisir d'investir dans l'infrastructure plutôt que de payer les médicaments, les infirmiers et infirmières et les lits. Par conséquent, le financement représente actuellement un défi important. Il faut donc une injection ponctuelle de crédit pour éliminer cette décision.
La province de Québec a agi un peu de la sorte. Elle a pris en charge les frais de connexion à haute vitesse de tous les grands hôpitaux, les établissements universitaires d'enseignement et les centres, de manière à établir un réseau de soins de santé. Cela aurait posé problème si le réseau avait dû être financé par les établissements hospitaliers eux-mêmes. Il y a également d'autres défis comme la création d'un registre national et les questions de réglementation professionnelle. Du point de vue des communications, plusieurs essais sont actuellement en cours, comme à l'Hôpital pour enfants de Toronto, ainsi qu'ici à Ottawa où nous avons participé à la mise en oeuvre d'une application de télémédecine à l'Hôpital pour enfants de l'est de l'Ontario. Il existe différentes applications et différents essais.
Le plus grand défi en matière de financement, c'est qu'un tel système exige un important investissement et qu'il faut choisir entre les lits et l'infrastructure.
Le sénateur Robertson: Mais si nous n'investissons pas dans les collectivités rurales, elles vont disparaître.
Mme Gervais: C'est à ce niveau que le gouvernement a un rôle à jouer. L'industrie des télécommunications n'est pas une experte en matière de santé, mais nous pouvons apporter notre expérience afin d'améliorer l'efficience et faciliter la prestation de la télémédecine. Les décisions doivent être prises ailleurs.
Le sénateur Tunney: Je vous souhaite la bienvenue parmi nous ce matin. SaskTel me fascine, car c'est une si belle histoire. C'est la preuve que l'on peut faire avancer les choses en faisant appel au gouvernement.
Je me souviens d'avoir visité en Saskatchewan et en Alberta, des exploitations agricoles où l'on pouvait voir des petits bureaux de téléphone. Il arrivait souvent que les fermières se relaient pour faire fonction d'opératrices tandis que leurs maris se chargeaient à tour de rôle de réparer les fils, surtout après une grande tempête.
J'en avais parlé avec l'ancien premier ministre au cours d'une rencontre en Saskatchewan. Il m'avait exposé ses projets d'amélioration du service téléphonique en Saskatchewan et il a fait exactement ce qu'il avait prévu.
J'aimerais savoir si vous avez eu de la difficulté à maintenir le service avec les employés que vous avez tout en conservant des tarifs raisonnables. Je vous ai entendu dire que vous avez fait des bénéfices d'environ 100 millions de dollars et je ne vous aurais pas posé cette question si ces résultats ne m'avaient pas paru incroyables. Vous avez une dette, si j'ai bien compris' Est-ce que vous remboursez cette dette ou est-ce que vous faites de nouveaux investissements'
Mme Tulloch: Nous continuons à rembourser notre dette. À l'origine, notre dette se situait à environ 60 p. 100 et nous l'avons ramenée à environ 40 p. 100. Notre dette a diminué au cours des 20 dernières années et nos effectifs qui étaient d'environ 4 400 employés ont diminué pour atteindre environ 4 000 employés au cours des 20 dernières années.
Le sénateur Tunney: Pouvez-vous nous parler de vos investissements en capital'
Mme Tulloch: Nous avons un portefeuille varié. Nous avons des investissements dans le monde entier. Nous disposons d'un certain nombre de compétences essentielles dans notre réseau et nous les réinvestissons. Nous menons également des projets en Tanzanie. Ces investissements ont rapporté environ 100 millions de dollars à la Saskatchewan au cours de la dernière décennie. Nous avons fait également d'autres investissements à l'extérieur de la province qui ont profité à la province de la Saskatchewan et à SaskTel.
Le sénateur Tunney: Est-ce que je peux acheter des actions de SaskTel?
Mme Tulloch: Non, c'est impossible.
Le sénateur LaPierre: C'est extraordinaire que d'ici 2005, 95 p. 100 de la population de la province de la Saskatchewan aura accès au service. C'est Tommy Douglas qui aurait été fier!
Mme Tulloch: C'est ambitieux, mais nous voulons relever le défi.
Le sénateur LaPierre: Pour faire suite aux commentaires du sénateur Tunney au sujet des agriculteurs qui réparent les lignes de téléphone, c'est ce qu'on appelait chez nous la corvée. Cela nous vient directement de la Nouvelle France où, quel que soit votre village, le capitaine de la milice vous appelait pour vous demander de réparer les chemins. C'était vraiment magnifique.
J'ai autre chose à vous raconter au sujet du sénateur Carney. C'était une des plus grandes contributions à notre pays et je m'en souviens très bien. J'avais fait une émission à Vancouver dans laquelle on voyait un médecin à l'hôpital et une infirmière en présence d'un petit garçon, quelque par dans un village du Nord. Le médecin et l'infirmière pouvaient se voir et, sur les instructions du médecin, l'infirmière a opéré l'enfant, lui sauvant ainsi la vie. Ce fut une des expériences les plus émouvantes de ma vie. Cette infirmière, qui n'avait jamais touché un scalpel, avait réussi à opérer l'enfant. Voilà ce que j'aimerais vous voir mettre en place, en partenariat avec le gouvernement.
Le sénateur Setlakwe: En quelle année était-ce?
Le sénateur LaPierre: C'était en 1978 ou 1979. C'était extraordinaire à voir.
Le sénateur Fairbairn: Je vais en parler au sénateur Carney. Non seulement elle a été une journaliste de premier plan, mais en plus, elle a fait des choses extraordinaires pour le Nord.
Dans votre rubrique «Engagement social continu», j'ai été intéressé par le travail que vous avez fait avec les Premières nations. C'est extraordinaire que les Premières nations puissent communiquer dans leur propre langue, mais au cours de vos interventions dans leurs villages, dans quelle mesure avez-vous facilité l'utilisation d'Internet ou d'autres mécanismes analogues pour faire des affaires' Ce que je veux dire, c'est qu'il ne suffit pas de connecter les localités, mais également leur donner la capacité ou l'idée d'utiliser Internet pour faire des affaires.
Mme Gervais: Puisque vous parlez des Premières nations, j'aimerais citer un certain nombre de programmes que nous n'avons pas mentionnés. Ce ne sont pas nos propres programmes, mais nous intervenons à titre de partenaires. Le premier est le programme d'accès communautaire qu'Industrie Canada a mis sur pied. Industrie Canada a facilité la mise en place de l'accès communautaire, de points de présence et de sites Internet à haute vitesse dans toutes les localités du pays et dans un grand nombre de collectivités des Premières nations. Une partie du programme visait également à expliquer aux gens comment utiliser Internet, et notamment pour faire des affaires.
Nous sommes également d'importants partenaires du réseau scolaire canadien qui consiste à connecter les écoles. Il y a deux ans, le gouvernement canadien a réalisé son objectif de connecter toutes les écoles du pays. Bell Canada et d'autres compagnies de téléphone ont été d'importants partenaires, dès les débuts, fournissant gratuitement une grande partie de l'infrastructure de base. Nous sommes toujours partenaires de ce programme qui étend Internet aux localités, complétant ainsi le travail que nous faisons.
Nous n'aidons pas vraiment les gens à créer des entreprises. Notre travail consiste à fournir la connectivité. Bell Canada et nos employés participent activement à des programmes comme jeunes entreprises ou oeuvrent au sein de la collectivité. Dans le Nord, plusieurs de nos employés sont des Autochtones, mais je ne suis pas certaine que nous les aidions vraiment à monter des entreprises à partir d'Internet. Cependant, nous avons les outils et nous fournissons l'accès à des sites de cyber-affaires. Par exemple, dans le cadre des services que nous offrons aux petites entreprises, il est possible pour quelqu'un qui voudrait monter une entreprise de vente de sculptures en scéatite, d'apprendre à créer un site Web. C'est un avantage énorme pour une entreprise canadienne d'être branchée sur le Web. Une grande entreprise a les moyens de le faire, mais ce n'est pas nécessairement le cas d'une petite entreprise. Nous pouvons aider une entreprise à s'installer sur le Web, même si ces propriétaires ne savent pas exactement comment construire leur propre portail. Nous pouvons le faire pour eux. C'est un service que nous offrons.
Mme Tulloch: Pour SaskTel, j'ai parlé du programme CommunityNet. Ce programme offre un service Internet par satellite dans toutes les collectivités des Premières nations que je connais, par l'intermédiaire des écoles des Premières nations. Nous avons également une équipe spéciale qui travaille avec les collectivités autochtones pour les aider à s'associer avec d'autres entreprises pour concevoir leur page Web, etc.
Le sénateur Fairbairn: C'est extraordinaire. C'est une initiative extrêmement importante dans un secteur qui a vraiment besoin de ce type de connexion.
Vos deux sociétés respectives jouent un rôle important dans le programme RESCOL qui permettra, espérons-le, à la génération future d'acquérir la compréhension et les capacités qui sont parfois difficiles à absorber dans la situation actuelle. C'est un incroyable outil d'acquisition des compétences.
Mme Gervais: Il est impossible de sous-estimer l'utilisation de ces sites dans le Nord. Une personne qui avait aidé les habitants du Nunavut à constituer leur gouvernement avait constaté avec étonnement que les Inuits apprennent pratiquement plus vite à se servir d'un ordinateur qu'à lire et écrire. Ils savent bien utiliser Internet longtemps avant de savoir lire couramment. Cela en dit long sur le potentiel des nouvelles technologies.
Le sénateur Fairbairn: Ayant consacré moi-même beaucoup de temps à l'alphabétisation, je suis fermement convaincue qu'il faut privilégier les instruments qui donnent de bons résultats.
Le président: Nous allons continuer pendant cinq minutes environ, parce que nous voulons poursuivre à huis clos pendant quelque temps afin d'examiner d'autres affaires concernant le comité.
Madame Tulloch, êtes-vous régulièrement en contact avec d'autres compagnies de téléphone dans les secteurs ruraux? Avez-vous une association ou des réunions avec ces autres compagnies?
Mme Tulloch: Nous avons mis sur pied un certain nombre de comités lorsque nous faisions partie du groupe Stentor. Nous avions l'habitude de nous réunir de façon régulière ou de réunir les différentes équipes de vente. À l'époque, nous avions plusieurs marchés verticaux ou horizontaux. Depuis que Stentor n'existe plus, les réunions sont moins nombreuses.
Nous continuons à rencontrer les compagnies affiliées à Bell, mais c'est surtout pour des échanges d'information. Il y a toujours des réunions, mais elles ne sont pas aussi approfondies.
Mme Gervais: Il n'y a plus d'association des compagnies de téléphone, mais les échanges d'information sont nombreux.
Le réseau de communications doit être ouvert et accessible. Nous devons collaborer avec toutes les autres compagnies de téléphone pour pouvoir offrir un réseau qui permet à nos clients d'appeler aussi facilement et avec la même efficacité leur voisin ou un abonné à l'autre bout du monde. Cela nous a obligé, pour la gestion du réseau de communications, à adopter une approche très différente de celle qu'ont adopté par exemple les fabricants de logiciels ou d'ordinateurs.
Au début, tous les systèmes étaient différents. Un ordinateur IBM ne pouvait utiliser que du matériel IBM. Par contre, que vous soyez un de nos clients ou le client d'une autre compagnie de téléphone, vous devez pouvoir décrocher votre combiné pour appeler votre voisin ou n'importe où dans le monde.
J'ai visité d'autres pays, y compris les États-Unis et je sais que la situation est idéale et tout à fait unique au Canada. C'est la même chose si vous êtes un client de Sprint; vous avez la même facilité pour téléphoner. Nous avons un réseau exceptionnel qu'on ne trouve nulle part ailleurs.
Le sénateur Robertson: Il y a quelques années, j'ai assisté à une démonstration. C'était une technique en cours de développement qui permettait à un abonné du Nouveau-Brunswick d'appeler le Japon, de s'exprimer en anglais et d'entendre son message traduit en japonais. L'abonné recevait la traduction anglaise de la réponse en japonais. Est-ce qu'il y a eu des progrès dans ce domaine? Où en est-on? C'est une expérience qui m'avait paru fascinante.
Mme Gervais: C'est fascinant en effet. Et cela paraît tout droit sorti de Star Trek. Nous n'y sommes pas encore.
Lorsque vous appelez l'opératrice en composant le 411, il y a un dispositif d'identification de la langue qui se déclenche. Lorsque vous composez le 411, vous entendez un enregistrement qui peut être assez ennuyeux, je l'avoue. Il a fallu faire de grands progrès techniques pour pouvoir convaincre les gens qu'une machine peut comprendre la personne à l'autre bout du fil. Il faudra attendre assez longtemps avant de pouvoir offrir la traduction instantanée. Cependant, j'ai très hâte.
Le sénateur LaPierre: J'aimerais avoir quelques précisions sur l'utilisation d'Internet dans les localités éloignées. Qui dirige Microsoft? M. Gates n'a-t-il pas mis en place un système de satellite de faible puissance pour aider les pays africains à communiquer? Je crois bien qu'il l'a fait.
Avons-nous progressé au Canada dans l'utilisation de satellites de faible puissance pour permettre aux 5 p. 100 de la population de la Saskatchewan de bénéficier du service Internet? S'agit-il d'une possibilité éloignée?
Mme Gervais: Les possibilités sont importantes. Je vous invite à convoquer Telesat. Le domaine des satellites est complexe et un peu aventureux. On est à la merci des tempêtes solaires et des lancements de fusées. C'est un secteur difficile, mais qui offre des possibilités réelles au pays, même pour SaskTel.
Pour une société d'État, c'est un défi énorme d'offrir le service à la tranche restante de 20 p. 100 et 5 p. 100 ne bénéficieront toujours pas du service. Les satellites présentent un réel potentiel, assez économique, pour aider le pays à offrir le service à la tranche restante de 20 p. 100 qui ne regroupe pas d'entreprises. Les possibilités sont réelles.
La capacité sera accrue, grâce au lancement de nouveaux satellites, en 2003, je crois. C'est une question de créneaux orbitaux et de plans d'affaires. C'est une spécialité en soi. Les satellites peuvent offrir des possibilités intéressantes à notre pays pour combler ce fossé et offrir les services requis.
Le président: Madame Gervais et madame Tulloch, je tiens à vous remercier pour cet échange dynamique et excellent. Nous vous réinviterons si la situation se dégrade.
Mme Gervais: Permettez-moi de vous remercier au nom de M. Courtois et en mon nom propre. Ce fut un plaisir de venir témoigner. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à nous contacter. Nous serions ravis de revenir.
Le président: Occupez bien de la Saskatchewan.
Le président: Avant de poursuivre à huis clos, nous avons besoin d'une motion pour le virement de crédits d'un compte à l'autre.
Le sénateur Tunney: Je propose:
Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts approuve le transfert de 4 000 $ de la rubrique Transports et communications à la rubrique Services professionnels et autres.
Le président: D'accord? La motion est adoptée.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.