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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 1 - Témoignages du 1er mars 2001


OTTAWA, le jeudi 1er mars 2001

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel on a renvoyé le projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les coopératives ainsi que d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 11 heures du matin pour examiner le projet de loi.

Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum. Nous nous réunissons ce matin pour étudier le projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les coopératives ainsi que d'autres lois en conséquence.

Les témoins sont des hauts fonctionnaires d'Industrie Canada et du ministère de la Justice. M. Gill a un exposé à nous faire, après quoi les sénateurs poseront les questions qu'ils jugent pertinentes.

Veuillez commencer, monsieur Gill.

M. Lee Gill, directeur, Politique des lois commerciales, Direction générale de la régie d'entreprise, Secteur politique industrielle et scientifique, Industrie Canada: Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité pour seconder les sénateurs dans leurs délibérations d'aujourd'hui.

Avec votre permission, je vais faire une synthèse des principaux éléments du projet de loi S-11, en commençant avec ses quatre thèmes principaux, et ensuite je vous exposerai les différences entre le projet de loi et son prédécesseur, le projet de loi S-19.

Mon exposé sera court afin de réserver le temps maximum pour les questions et réponses ainsi que pour me permettre de donner les éclaircissements que les membres du comité pourraient vouloir obtenir sur certains articles du projet de loi.

[Français]

Je ne ferai pas un historique détaillé des consultations qui ont mené à ce projet de loi. La plupart des membres du comité sont bien au courant des vastes consultations avec les intéressés qui ont précédé la rédaction des modifications proposées à la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les coopératives.

La version originale du projet de loi S-19 est morte au Feuilleton lorsque le Parlement a été dissous l'automne dernier. Le projet de loi que vous avez devant vous comporte un certain nombre de changements par rapport à la version précédente. La plupart d'entre eux sont de nature technique, mais il existe quelques modifications de fond sur lesquelles je reviendrai dans un instant.

Les changements qui ont abouti au projet de loi S-11 devant vous reflètent les observations et les suggestions faites par les témoins que votre comité a entendus à la fin du printemps et au début de l'été l'an dernier, ainsi que, il va sans dire, les observations utiles des membres du comité.

[Traduction]

La Loi canadienne sur les sociétés par actions est la principale loi commerciale fédérale au Canada. Elle établit le cadre juridique et réglementaire pour l'exploitation de plus de 155 000 entreprises, y compris la moitié des plus grandes sociétés au Canada et des dizaines de milliers de petites entreprises.

La Loi canadienne sur les coopératives est aussi une loi cadre importante, qui régit les coopératives constituées fédéralement. Les modifications proposées à cette loi visent à rendre ses dispositions compatibles avec les changements que l'on propose d'apporter à la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

L'objectif que l'on vise en modifiant ces deux lois est de garantir une loi d'encadrement du marché qui favorise une régie d'entreprise et un processus décisionnel judicieux tout en accordant aux sociétés la souplesse nécessaire pour leur permettre de répondre aux réalités d'un marché en évolution et aux nouvelles technologies.

Les modifications ont été groupées sous quatre thèmes. Le premier est la participation. En vertu des modifications, le droit des actionnaires de communiquer entre eux sans une ingérence excessive de nature réglementaire, se trouve amélioré. En outre, les modifications proposées permettront aux sociétés de pouvoir mieux utiliser les nouvelles et naissantes technologies pour communiquer avec les actionnaires. De plus, les modifications dont vous êtes saisis accroîtront les droits des actionnaires de faire des propositions.

Un deuxième objectif de cette initiative est la compétitivité. Il est crucial que la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les coopératives répondent aux besoins des sociétés canadiennes qui font des affaires au pays et dans le monde entier. Pour y parvenir, ces lois doivent faciliter l'innovation et la prise de risques appropriés. C'est ce que fait le projet de loi à l'étude en assouplissant les exigences relatives à la résidence des membres des conseils d'administration, en modifiant les dispositions de responsabilité touchant les administrateurs et les règles relatives à l'acquisition d'actions d'une société mère par une filiale étrangère.

À l'égard des dispositions concernant la résidence, le projet de loi propose de ramener de 50 à 25 p. 100 la proportion des membres du conseil d'administration qui doivent être des résidents canadiens sauf dans le cas des secteurs ou des sociétés qui sont assujettis aux restrictions relatives à la propriété des actions.

En matière de responsabilité des administrateurs, les modifications permettront aux administrateurs d'invoquer une défense de diligence raisonnable.

Le projet de loi propose également de permettre à une filiale d'utiliser les actions d'une société mère afin de faciliter son acquisition d'une entreprise étrangère.

[Français]

Un troisième objectif de cette initiative consiste à préciser la responsabilité. Cet objectif sera atteint en apportant des modifications qui touchent la possibilité des personnes qui ont participé à la préparation de renseignements financiers exigés aux termes de la loi.

Pour donner suite aux recommandations du comité, le projet de loi propose une responsabilité proportionnelle modifiée pour les personnes ayant participé à la préparation de renseignements financiers exigés par la Loi canadienne sur les sociétés par actions ou la Loi canadienne sur les coopératives.

Le projet de loi apporte également des éclaircissements sur le transfert des pouvoirs en vertu d'une convention unanime d'actionnaires.

Le quatrième thème est celui de l'efficience. Des modifications prévues dans le projet de loi élimineront les chevauchements et réduiront les coûts.

Cet objectif sera atteint en abrogeant des dispositions de la Loi canadienne sur les sociétés par actions relatives aux offres d'achat visant à la mainmise et aux transactions d'initiés et en les assujettissant aux lois sur les valeurs mobilières. Les modifications prévoient aussi expressément des opérations de fermeture de sociétés ayant fait appel au public, dans la mesure où le participant se conforme aux lois provinciales pertinentes sur les valeurs mobilières.

[Traduction]

Je vais maintenant passer aux différences entre l'ancien projet de loi S-19 et le nouveau projet de loi S-11.

Le projet de loi S-11 incorpore un grand nombre de propositions formulées par les témoins au comité le printemps dernier et au début de l'été ainsi que les observations très utiles des membres du comité même. Ces modifications sont toutes importantes au succès de cette réforme. Pour gagner du temps, je vais m'attarder à trois de ces modifications.

La première vise à inclure dans la Loi canadienne sur les coopératives le droit pour les membres de ces dernières d'utiliser des moyens électroniques de communication de la même manière que celle proposée pour les actionnaires de sociétés. Le régime prévu dans le projet de loi S-19 pour la Loi canadienne sur les sociétés par actions n'existait pas à l'origine pour la Loi canadienne sur les coopératives. Cela tient au fait que certaines dispositions dans ce domaine avaient déjà été abordées dans la Loi canadienne sur les coopératives qui avait été adoptée par le Parlement en 1998. Cependant, des témoins du secteur des coopératives ont fait valoir leur préférence nette pour le nouveau régime prévu dans le projet de loi S-19. Ces changements ont donc été introduits.

Une deuxième modification traite des règles concernant les propositions des actionnaires. Au cours de l'étude du projet de loi S-19 par votre comité, un certain nombre de témoins ont soulevé des objections concernant deux aspects des dispositions relatives aux propositions des actionnaires telles qu'elles étaient rédigées alors. Le projet de loi proposait de permettre aux sociétés de rejeter une proposition d'actionnaires si son objet principal était de servir des fins générales d'ordre économique, politique, racial, religieux, social ou analogue, à moins que la personne qui ait soumis la proposition n'ait prouvé que cela avait un rapport significatif avec les activités commerciales ou les affaires internes de la société.

Les actionnaires se sont opposés au fait que les sociétés pouvaient toujours rejeter des propositions dont l'objectif était de servir des fins d'ordre social, religieux et analogue. Ils se sont aussi opposés au fait que c'était à la personne qui faisait la proposition de prouver que celle-ci était liée de façon importante aux activités commerciales ou aux affaires internes de la société.

Dans le nouveau projet de loi, en réaction à la position adoptée par bien des témoins, les causes générales de rejet ont été éliminées. La société peut désormais rejeter une proposition seulement si elle n'est pas liée de façon importante à ses activités commerciales ou à ses affaires internes. En outre, le fardeau de la preuve nécessaire pour rejeter la proposition incombe désormais à la société et non à l'actionnaire qui fait la proposition. Les actionnaires devront encore présenter une motion devant le tribunal si la société refuse la proposition; cependant, c'est à la société de justifier son refus.

Une troisième modification permet à une filiale étrangère d'une société canadienne d'acquérir temporairement des actions de sa société canadienne mère dans des circonstances limitées et nettement définies. La filiale sera autorisée à utiliser ces actions comme monnaie courante afin de faciliter l'acquisition d'une entreprise étrangère par suite d'une fusion, d'une acquisition ou de tout autre regroupement d'entreprises. Les compagnies constituées en vertu d'une loi fédérale peuvent ainsi s'affronter plus loyalement sur le terrain.

[Français]

Enfin, des règlements portant sur un vaste éventail de sujets s'ajouteront aux lois. Ils porteront notamment sur les aspects suivants: l'harmonisation de la Loi canadienne sur les sociétés par actions et les dispositions pertinentes des lois provinciales; les règles détaillées pour la présentation des propositions d'actionnaires; le seuil d'investissement qui définit un petit investisseur pour l'application du régime de responsabilité proportionnelle modifiée; les règles détaillées qui régiront les communications électroniques entre les sociétés et leurs actionnaires; des exceptions supplémentaires relatives aux règles sur la sollicitation des procurations; les règles définissant dans quels cas les filiales peuvent acquérir des actions de leur société mère.

[Traduction]

Monsieur le président, par courtoisie pour les sénateurs, nous vous avons fait distribuer un tableau comparatif où figurent côte-à-côte les différences entre l'ancien projet de loi et celui-ci. Si vous le désirez, nous sommes prêts à examiner ces tableaux avec les membres du comité.

Je vous remercie de votre attention. Nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions que vous pourriez avoir sur le projet de loi S-11.

Le président: Peut-être pourriez-vous souligner les questions que vous jugez litigieuses.

M. Gill: J'espère qu'elles ne seront pas trop nombreuses. Je vais souligner les plus importantes.

Sur la première page de l'état récapitulatif des différences, les trois premiers articles sont des changements de libellé -- qui représentent des questions qui nous ont été signalées. Ces changements sont tous importants dans l'interprétation du projet de loi mais le quatrième, qui a trait au paragraphe 18(2) vise à permettre à une filiale d'acquérir des actions de sa personne morale mère. J'en ai parlé dans mon exposé. La raison de cette modification est d'établir des règles du jeu égales pour les sociétés canadiennes lorsqu'elles veulent acquérir des actions dans une société ailleurs. Par exemple, si vous voulez acquérir une société aux États-Unis, vous pouvez faire acquérir la société par votre filiale -- présenter les actions de la personne morale mère, par l'entremise de la filiale, aux actionnaires de la société que vous voulez acquérir. Ce faisant, il en découle certains avantages fiscaux pour les gens auxquels vous donnez les actions de la personne morale mère. Par conséquent, il s'ensuit une certaine réduction du coût lorsqu'on fait l'acquisition d'une société. C'est une méthode courante aux États-Unis, nous dit-on. On nous dit également que cette méthode est déjà autorisée en vertu de la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario et nous avons reçu des demandes d'uniformisation pour permettre aux sociétés régies par la Loi canadienne sur les sociétés par actions de pouvoir s'en prévaloir, ce qui explique la présence de cette modification.

Le président: Je suppose qu'une filiale peut acquérir des actions de la personne morale mère sans avoir nécessairement à compter sur quelqu'un d'autre pour se les procurer.

M. Gill: Non, en vertu de la LCSA une filiale n'est pas autorisée à l'heure actuelle à acquérir les actions.

Le président: Si elle les acquiert, elle doit les utiliser?

M. Gill: Il y a certaines exceptions, mais en l'occurrence elle doit les utiliser. C'est une sorte d'apport constant. Ces actions servent à l'achat d'une filiale étrangère. À l'heure actuelle, une filiale n'est pas autorisée à détenir les actions d'une personne morale mère.

Le président: Pourquoi ne pas simplement utiliser l'argent comptant?

M. Gill: Si vous payez comptant, l'actionnaire de la filiale étrangère devra payer une taxe sur les gains en capitaux.

Le président: Ce serait un échange net de taxes?

M. Gill: Oui.

Le président: Maintenant c'est compréhensible.

Le sénateur Tkachuk: Mes questions se rapportent aux droits des actionnaires de présenter une proposition au programme de la société pour tenir une réunion annuelle.

Comment la charge de la preuve inversée s'applique-t-elle en réalité? Auparavant cela devait se rapporter aux activités directes de la société.

Il semble maintenant que vous disiez que la société doit pouvoir prouver que cela n'avait rien à voir avec ses activités commerciales directes. Est-ce à dire alors qu'un actionnaire peut présenter à la direction une proposition sans valeur pour la société et s'adresser ensuite au tribunal et que la société devrait toujours pouvoir prouver qu'il en est autrement? Est-ce bien ce que vous dites?

M. Gill: À ma connaissance, c'est à quoi aboutirait le recouvrement de la charge de la preuve.

Le sénateur Tkachuk: Il peut donc y avoir un élément politique?

M. Gill: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Si les méthodes d'abattage des arbres d'une compagnie forestière déplaisaient aux actionnaires, même si celle-ci respectait la loi, et que les actionnaires aient acheté les actions pour s'immiscer dans les affaires de la société sous un angle politique, ils pourraient demander le droit de soulever cette question à l'assemblée annuelle et la société devrait prouver que la question n'a rien à voir avec ses activités commerciales même si cela allait de soi?

M. Gill: Elle devrait prouver que la question n'est pas liée de façon importante aux activités commerciales de la société. Si la question a effectivement un rapport important -- et quiconque peut se sentir libre de me reprendre -- alors l'actionnaire doit prouver qu'il ou elle détient un certain nombre d'actions pendant une certaine période pour prouver qu'il ou elle est un actionnaire sérieux. On ne peut pas simplement acheter les actions la veille.

Le sénateur Tkachuk: Quelle serait la durée de la période... six mois?

M. Gill: Je crois que c'est six mois, 2 000 $, ou 1 p. 100 de la société.

Le président: Je ne pense pas que c'était là la question.

M. Gill: Non. J'y arrive. Il faut que ce soit des actionnaires marquants. S'ils s'adressent au tribunal et prouvent que leur proposition est liée de façon importante aux activités commerciales ou aux affaires internes de la société, ils peuvent alors soumettre leur proposition.

La loi comporte des restrictions sur le nombre de fois où l'on peut représenter la même proposition. Cela vise à protéger les sociétés.

Mme Veronica Wessels, agente principale intérimaire de projet, Politique des lois commerciales, Direction générale de la régie d'entreprise, Industrie Canada: Un autre argument qu'il faut faire valoir c'est que, dans la législation actuelle, le fardeau de la preuve incombe à la société qui doit montrer que la proposition n'est pas liée de façon importante à ses activités commerciales ou à ses affaires internes. Dans le projet de loi S-11, nous supprimons les motifs auxquels les actionnaires s'opposaient mais le fardeau de la preuve incombe à la société. Dans le projet de loi S-19, ce fardeau incombant aux actionnaires, lesquels s'y sont opposés. C'est le statu quo en ce qui concerne le fardeau de la preuve.

Le sénateur Oliver: Ma question porte aussi sur les propositions des actionnaires. Vous dites que les règles détaillées concernant les propositions que pourront soumettre les actionnaires seront présentées plus tard sous forme de règlements. Y aura-t-il des lignes directrices outre les règlements, ou simplement les règlements?

M. Robert Weist, directeur, Direction de la conformité, Direction générale des corporations, Industrie Canada: Pour le moment il n'y aura que des règlements. Ceux-ci énoncent des lignes directrices, prescrivant comment on doit procéder pour présenter une proposition. Ce dont M. Gill parlait c'était des cas où la proposition avait été soumise auparavant et avait fait l'objet d'un vote par la compagnie.

Le sénateur Oliver: Je comprends cela. Je me suis renseigné. Je voulais savoir s'il y avait d'une part la mesure législative, d'autre part les règlements, et en outre des lignes directrices?

M. Weist: Oui. Nous ne projetons pas d'émettre des lignes directrices à ce sujet pour le moment. Si l'on discerne une certaine confusion, nous en publierons certes dès qu'il sera évident que c'est nécessaire.

Le sénateur Oliver: Avez-vous énoncé des lignes directrices pour d'autres secteurs?

M. Weist: Oui.

Le sénateur Oliver: Les nouveaux mots que vous employez, puisque vous vous êtes débarrassé des adjectifs «économique», «racial», et cetera, sont «activités commerciales» et «affaires internes». Allez-vous définir ces deux mots dans les règlements ou dans les lignes directrices?

M. Weist: Ils ne sont pas définis dans les règlements à l'heure actuelle. Si l'on s'aperçoit que les gens ont de la difficulté à comprendre ce que veulent dire les activités commerciales et les affaires internes de la société, nous publierons des lignes directrices.

Le sénateur Oliver: Êtes-vous en mesure de déclarer officiellement maintenant quelles choses seront expressément incluses ou exclues dans votre définition d'activités commerciales ou affaires internes de la société?

M. Weist: Non. Selon le projet de loi, la proposition doit être liée de façon importante aux activités commerciales ou aux affaires internes de la société. C'est ce que dit ce projet de loi.

Le sénateur Oliver: N'avez-vous pas une explication plus générale? Cela n'est pas d'un grand secours pour l'actionnaire qui veut faire une proposition, n'est-ce pas?

M. Irving Miller, avocat-conseil, Section du droit commercial, Industrie Canada et Justice Canada: Je crois que la loi donne une définition des mots «affaires internes» de la société -- dans l'article relatif aux définitions, mais il n'y en a pas pour le mot «activités commerciales». Les affaires internes sont définies comme suit:

[...] les relations, autres que d'entreprise, entre la société, les personnes morales appartenant au même groupe et leurs actionnaires, administrateurs et dirigeants.

C'est une définition générale qui peut être d'un certain secours, et qui dit essentiellement qu'il s'agit des relations entre la société et les actionnaires, et les administrateurs et dirigeants.

Le sénateur Oliver: J'imagine que cette définition n'inclut pas des fins générales d'ordre économique, politique, racial, religieux, social ou analogue. Cette définition ne serait pas assez vaste pour comprendre tout cela, n'est-ce pas?

M. Gill: Je n'en suis pas certain. Dès que le projet de loi sera contesté devant les tribunaux, la majorité de ces expressions seront définies. La définition pourrait inclure des fins d'ordre économique. On verra comment le tribunal définit les affaires internes de la société et les relations importantes, en particulier avec les activités commerciales de la société.

Le président: Je suis un peu perplexe. Je croyais que vous aviez désormais retirer les fins d'ordre politique et religieux?

M. Gill: Nous avons retiré les références précises à ces fins-là, oui.

Le président: Les retirer ne signifie pas les éliminer?

Le sénateur Oliver: C'est ce que je disais.

M. Weist: La question était de savoir si une proposition qui a des connotations religieuses, sociales ou économiques pourrait être interprétée comme se rapportant aux activités commerciales ou aux affaires internes de la société. C'est un problème qu'il faudra régler au cas par cas.

Le président: Pouvez-vous nous donner un exemple ayant un caractère religieux qui influerait sur la société?

Le sénateur Meighen: L'abattage des arbres le dimanche.

Le président: Mme Wessels a dit qu'en ce qui concerne le fardeau de la preuve, c'était le statu quo, mais M. Gill a dit que dans l'ancienne loi le fardeau de la preuve incombait à l'actionnaire et qu'il incombe maintenant à la société.

M. Gill: Dans le cas du projet de loi S-19, c'est l'actionnaire qui a le fardeau de la preuve.

Le président: Dans le cas du présent projet de loi, est-ce la société?

M. Gill: Dans le cas de ce projet de loi-ci, c'est la société, tout comme dans la loi actuelle.

Le président: Et auparavant?

M. Gill: À l'heure actuelle, dans la LCSA, c'est la société qui a le fardeau de la preuve. Dans le projet de loi S-19, c'était l'actionnaire.

Le sénateur Oliver: Le projet de loi que nous avons examiné l'année dernière changeait donc le fardeau de la preuve. Beaucoup des témoins l'ont déploré.

Le président: Donc vous rétablissez ici ce qui existait antérieurement?

M. Gill: Oui, nous rétablissons ce qui existait antérieurement.

Le président: C'est ce que vous vouliez dire en parlant du statu quo?

M. Gill: Oui.

Le sénateur Meighen: Ma question s'adresse sans doute à M. Martel. Le droit ne m'occupe pas assez c'est temps-ci et je ne sais pas assez manigancer pour arriver à me servir des tribunaux dans un sens ou dans l'autre, mais je crois que nous avons ici une occasion rêvée de tirer les choses au clair. Voyons voir ensemble comment les choses se dérouleraient.

Avant son assemblée annuelle, la société doit envoyer un avis de convocation faisant état des propositions concernant la société. Celle-ci doit d'abord indiquer quelles propositions elle a refusées et quelles elle n'a pas refusées. Compte tenu de la date de l'assemblée annuelle, quand doit-elle indiquer quelles propositions ont été refusées?

Il est indiqué dans le résumé législatif préparé par la Bibliothèque du Parlement que la société dispose de 21 jours pour l'examen d'une proposition d'actionnaire. Selon la loi, combien de jours l'actionnaire dispose-t-il pour présenter une proposition avant la date de l'assemblée annuelle ou après la réception de l'avis de convocation? Ou la loi contient-elle une telle disposition?

M. Weist: Vous l'avez bien dit, sénateur, la société doit envoyer l'avis de convocation entre le cinquantième et le vingt et unième jour qui précèdent la date de l'assemblée annuelle. Avant ce délai, l'actionnaire qui souhaite déposer une proposition dispose de 90 jours à l'intérieur de cette période pour le faire.

Le sénateur Meighen: Maintenant je ne m'y retrouve plus du tout.

M. Weist: Disons que la société va tenir son assemblée annuelle le 30 juin.

Le sénateur Meighen: Si je suis actionnaire, comment et quand en serai-je mis au courant?

M. Weist: Il est indiqué dans la loi que la société doit tenir une assemblée annuelle.

Le sénateur Meighen: C'est juste, mais elle est assez libre de décider de la date, n'est-ce pas?

M. Weist: En effet.

Le sénateur Meighen: Aux termes de la LCSA, la société est obligée de tenir son assemblée annuelle dans les six mois qui suivent la fin de son exercice financier, est-ce bien cela, monsieur Martel?

M. Paul Martel, associé, Fasken, Martineau, DuMoulin: C'est bien cela.

Le sénateur Meighen: Il y a donc un battement de six mois. Disons que son exercice se termine le 31 décembre. Elle doit donc tenir son assemblée avant le 30 juin. Disons que je suis actionnaire. J'ignore la date de l'assemblée annuelle. Quand en serai-je avisé? Quel préavis doit-on me donner de l'assemblée annuelle, ou y a-t-il une disposition fixant la date de l'assemblée annuelle?

M. Weist: On doit vous donner un avis de convocation entre le 50e et le 21e jour qui précèdent l'assemblée annuelle.

M. Martel: Le projet de loi stipule que la proposition doit être soumise avant le délai réglementaire, qui est au moins 90 jours avant l'expiration d'un délai d'un an à compter de la dernière assemblée annuelle. La date de celle-ci est connue.

Mme Wessels: J'aimerais ajouter que la circulaire indiquera la date limite de soumission d'une proposition l'année suivante. Dans le cas de la circulaire, le règlement a été modifié de manière à exiger que la société indique la date limite de soumission d'une proposition pour l'année suivante. Ainsi, la date limite de soumission d'une proposition pour l'année suivante sera claire.

Le sénateur Meighen: Parlez-vous de la circulaire précédant l'assemblée annuelle pour, disons, l'année en cours?

Mme Wessels: Oui.

Le sénateur Meighen: Étant actionnaire, je saurais donc la date de l'assemblée annuelle de l'année suivante.

Mme Wessels: Vous ne connaîtrez pas la date de l'assemblée annuelle de l'année suivante. Vous connaîtrez toutefois la date limite pour la soumission de votre proposition. Les actionnaires nous ont demandé de prévoir une telle disposition, et c'est ce que nous avons fait.

Le sénateur Meighen: En gros, la date limite serait combien de jours avant l'assemblée annuelle? Avez-vous dit 90 jours?

M. Martel: C'est 90 jours avant la date de l'avis de convocation de la dernière assemblée annuelle envoyé aux actionnaires, qui était au moins 21 jours avant l'expiration du délai d'un an. Cette date limite vient donc avant la date limite pour l'envoi de l'avis de convocation. Elle correspond au moins à la date de l'avis de convocation envoyé aux actionnaires.

Le sénateur Meighen: Permettez-moi d'aborder tout cela d'un autre angle. Je vais adopter la perspective aussi bien de la personne qui veut faire entendre sa proposition que de la société qui y oppose un refus. J'essaie de savoir si cette mesure législative est juste pour les deux côtés.

Disons que je soumets ma proposition. La société a 21 jours pour l'examiner, est-ce exact?

M. Gill: Oui.

Le sénateur Meighen: J'ai lu dans le projet de loi que l'article 47 du projet de règlement prévoit que la société dispose de 21 jours plutôt que des 10 jours que prévoit la loi actuelle pour examiner la proposition; est-ce bien cela?

Mme Wessels: Oui.

Le sénateur Meighen: La société a 21 jours pour examiner la proposition. Disons qu'elle la refuse. À combien de jours de l'assemblée annuelle ce refus pourrait-il avoir lieu?

M. Weist: Si vous parlez du refus de la proposition de la part de la société, tout cela dépend de la date de dépôt de cette proposition.

Le sénateur Meighen: Disons que la proposition a été déposée le dernier jour du délai que prévoit la loi pour le dépôt d'une proposition.

M. Weist: Dites-vous qu'elle est déposée le 51e jour ou le 22e jour, par exemple?

Le sénateur Meighen: C'est cela. Prenons le délai le plus court. La liste limite à laquelle on peut soumettre une proposition est 21 jours avant l'assemblée annuelle. Il y a donc 21 jours pour étudier la proposition et ensuite il y a l'assemblée annuelle. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Martel: Selon l'article 7, la société dispose du délai réglementaire fixé, c'est-à-dire 21 jours suivant la réception de la proposition, pour donner avis à l'actionnaire de son refus de la joindre à la circulaire.

Le sénateur Meighen: Ça, je le sais. Prenons une société, fixons la date de l'assemblée annuelle et remontons dans le temps à partir de là.

M. Martel: Disons que c'est le 1er juillet.

Le sénateur Meighen: Quand l'avis doit-il être donné?

M. Martel: Au moins 21 jours avant cette date.

Le sénateur Meighen: Parlez-vous de l'avis de convocation à l'assemblée annuelle?

M. Martel: Oui.

Le sénateur Meighen: Disons que la société aime les manigances et donne avis 22 jours avant l'assemblée annuelle.

M. Martel: Je vois.

Le sénateur Meighen: Donc, elle donnera avis le 8 juin. Disons que mon ami l'actionnaire, le sénateur Tkachuk, recevra l'avis le 22 juin et qu'il veut soumettre une proposition.

M. Martel: Il sait déjà que la date limite à laquelle il peut envoyer une proposition est celle que nous avons déjà fixée, c'est-à-dire le délai d'un an à compter de la date de l'avis de convocation de la dernière assemblée annuelle envoyé aux actionnaires. Il faut tenir compte également de cette date. Disons que l'année d'avant l'assemblée a eu lieu le 1er juin et que l'avis de convocation à cette assemblée devait la précéder d'au moins 21 jours, ce qui correspond au 10 mai.

Le sénateur Meighen: D'accord.

M. Martel: Il sait qu'il doit soumettre sa proposition au plus tard le 10 mai.

Mme Wessels: Elle doit être soumise dans les 90 jours qui précèdent le 10 mai.

M. Martel: C'est ça, dans les 90 jours qui précèdent. Si la proposition n'est pas soumise dans ce délai, peu importe que l'avis de convocation arrive en retard. Si votre ami ne le reçoit pas, il est déjà bien trop tard de toute façon pour soumettre une proposition pour cette année-là.

Le sénateur Meighen: Je crois que nous avons démontré que tout cela n'est pas facile à saisir. Puis-je dire que l'avis de convocation de l'année antérieure indiquera clairement aux actionnaires la date limite de soumission d'une proposition pour l'assemblée de l'année suivante?

Mme Wessels: Oui.

M. Weist: Sénateur Meighen, c'est ma faute si vous avez mal compris. L'article 43 du projet de règlement précise que la proposition doit être soumise avant le délai réglementaire -- c'est-à-dire au moins 90 jours -- précédant l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date de l'avis de convocation de la dernière assemblée annuelle envoyé aux actionnaires.

Le président: À compter de quoi?

Le sénateur Meighen: Est-ce à compter de la date de l'avis de convocation pour la dernière assemblée annuelle?

M. Weist: C'est bien ça. Si l'avis de convocation doit être donné 21 jours avant l'assemblée, vous y ajoutez 90 jours. Si l'actionnaire soumet sa proposition 90 jours avant cette date, les conditions sont remplies. C'est 90 jours ou trois mois.

En prenant votre exemple, si nous remontons au 10 mai, on rajoute trois mois encore et cela nous amène à février. Ce serait donc avant le 10 février que l'actionnaire soumettrait la proposition.

Le sénateur Meighen: Êtes-vous en train de me dire que la proposition doit être soumise au plus tard le 10 février?

M. Weist: C'est bien ça.

Le sénateur Meighen: Disons que je suis mis au courant de tout ça à la dernière minute et que je réussis à soumettre ma proposition le 10 février. La société dispose de 21 jours pour l'examiner; c'est bien ça?

M. Weist: C'est bien ça.

Le sénateur Meighen: Cela nous amène au 3 mars, puis la société vous annonce: «Désolé, nous la refusons». Quand l'assemblée annuelle doit-elle avoir lieu?

M. Weist: Je crois que l'assemblée annuelle a lieu le 30 juin ou le 1er juillet.

Le sénateur Meighen: Nous en sommes donc à mars, avril, mai. Il est donc question d'un minimum de quatre mois. Il y a toujours moyen de jouer avec ces 90 jours, c'est-à-dire de changer la date de l'assemblée annuelle pour qu'elle tombe dans ce paramètre de six mois d'une année à l'autre.

M. Weist: C'est au conseil d'administration de fixer la meilleure date pour l'assemblée annuelle.

Le sénateur Tkachuk: Selon les dispositions actuelles, la société a jusqu'à six mois après la fin de son exercice pour tenir cette assemblée. Si votre exercice se termine le 31 janvier, vous tenez une assemblée en juillet. L'année d'ensuite, l'actionnaire soumet une proposition le 10 février, la date limite du délai de 90 jours, et la société, dont l'exercice se termine le 31 janvier, convoque son assemblée annuelle dans 21 jours.

Le sénateur Tkachuk: La société peut convoquer son assemblée annuelle. Elle doit en donner avis, et quel est le délai minimum?

M. Weist: Vingt et un jours.

Le sénateur Tkachuk: Si la proposition est litigieuse, ils convoquent l'assemblée annuelle dans 21 jours, à partir du 10 février, date limite de soumission des propositions. N'oublions pas que l'exercice s'est terminé le 31. Ils affirment qu'ils auront toutes les données, qu'ils sont au courant de tous, que les rapports de vérification sont sur le point d'être publiés, mais nous savons que les états financiers sont terminés et qu'ils convoqueront l'assemblée annuelle.

Ils n'ont qu'à refuser la proposition à la fin du délai de 21 jours. L'assemblée annuelle est une chose du passé au moment où ils vont devant les tribunaux. Il n'y aura pas d'autre assemblée avant l'année suivante, n'est-ce pas? N'est-il pas possible d'agir ainsi? Je ne dis pas que c'est ce qu'ils feront; je dis simplement que c'est ce qu'ils pourraient faire. Je pense que c'est ce que je ferais moi-même.

Le sénateur Banks: Agir ainsi, c'est anticiper tous ces rapports.

Le sénateur Tkachuk: C'est anticiper les propositions de cette nature.

Le sénateur Banks: Vous ne pourriez le faire que cette année-là.

Le sénateur Maheu: L'année suivante, on vous attendra au tournant.

Le sénateur Meighen: Examinons quelques scénarios.

M. Wayne Lennon, analyste principal des politiques, Industrie Canada: Honorables sénateurs, si la société agissait de cette façon, on verrait tout de suite qu'elle veut cacher quelque chose. Un actionnaire pourrait s'adresser aux tribunaux pour obtenir une injonction empêchant la tenue de l'assemblée jusqu'à ce que la question soit examinée. N'est-ce pas le cas, monsieur Martel?

M. Martel: Le projet de loi précise que sur demande de l'auteur de la proposition qui prétend avoir subi un préjudice suite au refus de la proposition, le tribunal peut, par ordonnance, empêcher la tenue de l'assemblée à laquelle la proposition devait être présentée. Il est impensable qu'ils puissent tenir la réunion et affirmer qu'il est trop tard maintenant pour examiner la proposition.

Le sénateur Meighen: Selon vous, monsieur Martel, y a-t-il suffisamment de temps, quel que soit le scénario, pour saisir un tribunal de l'affaire et compter sur une décision rapide ou obtenir une injonction?

M. Martel: J'en suis convaincu. Ordinairement, si la société n'essaie pas de faire ce que vous venez de décrire, l'assemblée aurait lieu environ un an après la dernière. Un délai de quatre mois est prévu pour toutes ces mesures. Il y a amplement de temps. Cependant, s'il le faut, un tribunal pourrait simplement retarder ou empêcher la tenue de l'assemblée.

Le sénateur Banks: Je tiens à dire, avant que nous ne passions à autre chose, que cela me dérange toujours un peu quand quelqu'un prétend savoir ce qu'un tribunal fera.

Le sénateur Meighen: Non, c'est son opinion.

Le sénateur Banks: Je n'aime pas non plus que la société puisse compter sur une interprétation si vaste de ce qui constitue le fardeau de la preuve.

Je vois mille et une façons -- c'est un peu comme chercher des poils sur les oeufs -- de faire en sorte que la proposition d'un actionnaire se rapporte aux activités commerciales et aux affaires internes de la société.

Un environnementaliste, par exemple, pourrait prétendre qu'il est dans l'intérêt de la société de se comporter en bon citoyen et de ne pas procéder à l'exploitation forestière d'une certaine vallée. Ce serait difficile de trancher. Je ne crois pas qu'il soit possible de savoir à l'avance ce qu'un tribunal décidera dans un cas comme celui-là à propos des activités de la société.

Cela me dérange que l'on s'en remette tant à l'interprétation dans une mesure législative, à tel point que l'on dit tout de suite en partant: «Nous verrons où cette loi nous amène en laissant les tribunaux décider.» Êtes-vous convaincus que c'est une bonne idée? Est-ce une chose que nous sommes prêts à accepter?

M. Miller: Il y aura toujours de l'ambiguïté, quelle que soit la formulation que l'on adopte. Selon la loi actuelle, la société peut refuser une proposition si celle-ci se rapporte à des choses telles que l'économie, la politique, la race, la religion, les facteurs sociaux ou d'autres causes semblables. La société peut parvenir assez facilement à prouver qu'il en est ainsi. Si une proposition porte sur plusieurs questions, comme c'est ordinairement le cas, il suffit que la société démontre que l'une de ces questions se rapporte à la politique, à la race ou à une autre chose de cette nature pour que la proposition puisse être refusée sans appel.

Dans le présent projet de loi, c'est à la société qu'il appartient de prouver que la proposition ne se rapporte pas aux activités ou aux affaires internes de la société. Ce semble être là un fardeau beaucoup plus lourd. Je reconnais que l'on peut interpréter de différentes façons ce qui constitue les activités commerciales ou les affaires internes d'une société, mais, en général, les tribunaux ont été uniformes à cet égard. Je doute fort cependant que l'on puisse en dire autant des recours.

Le sénateur Banks: Nous savons bien que les propositions des actionnaires sont en grande partie pertinentes, utiles et fondées, mais êtes-vous convaincus que les sociétés sont suffisamment protégées dans ce projet de loi contre les propositions vexatoires et frivoles?

M. Miller: Si une question n'a rien à voir avec les activités commerciales ou les affaires internes de la société -- je suppose que c'est ce que vous appelez une proposition vexatoire --, j'estime qu'une telle proposition vexatoire ne serait pas liée de façon importante aux activités commerciales ou aux affaires internes de la société et que la société pourrait la refuser. Il y a un juste milieu ici pour ce qui est du fardeau de la preuve. Je dirais donc que les dispositions sont équitables. Il sera possible de refuser une proposition purement vexatoire.

Vous ne tenez pas à aller dans les détails sur la nature des activités ou des affaires. Les activités sont définies de façon générale, mais si c'est trop limité, vous y imposez des restrictions et vous ne donnez pas aux tribunaux la flexibilité dont ils ont besoin pour examiner distinctement chaque cas.

Il est toujours risqué d'essayer d'être trop spécifique avec certains de ces termes. C'est pourquoi nous en parlons de façon générale.

Le président: Mais au sujet de la responsabilité proportionnelle modifiée, quel genre de plaignants sont exemptés de l'application du régime de responsabilité proportionnelle modifiée et comment avez-vous déterminé le seuil d'investissement de 20 000 $?

M. Gill: Les exemptions sont prévues pour les organismes de charité, pour les fournisseurs non garantis et le gouvernement. Nous avons pensé que ces groupes n'étaient pas comme les autres grands investisseurs qui peuvent influencer la société. L'on peut s'assurer que la situation financière et la vérification de la société soient effectuées de façon appropriée.

Pour les petits investisseurs, nous avons pris le chiffre que ce comité avait proposé, et à l'origine il était question d'un capital net de 100 000 $, à l'exception de certains biens, comme le domicile et d'autre choses, ou 500 000 $. Comme nous y réfléchissions on nous a appris que ceci pourrait potentiellement soulever un problème relativement à la Charte, ou encore à la Constitution, relativement à la protection de la vie privée, parce que nous exigions des groupes qu'ils dévoilent leurs biens.

Nous avons donc examiné la question. Avec des avoirs d'une valeur nette de 100 000 $ à 500 000 $, quel montant maximal seriez-vous disposé à investir dans une entreprise particulière? Si vos biens sont raisonnablement diversifiés, vous avez probablement mis au maximum 20 000 $ par compagnie.

Le sénateur Oliver: Vous avez dit jusqu'à 500 000 $.

M. Gill: Dans ces 500 000 $, on compte votre maison.

Le président: Vous ne parlez pas des biens mais de leur valeur nette, n'est-ce pas?

M. Gill: Oui, leur valeur nette.

D'après ce que nous avions compris, ce comité avait discuté de la question et avait convenu que 20 000 $ serait un chiffre approprié et représenterait probablement un investisseur dont la valeur nette correspondrait au montant que le comité envisageait. Ce ne sont pas exactement des chiffres équivalents, mais ils sont raisonnables, pour ce que nous essayons de faire.

Le sénateur Oliver: J'aimerais parler aux témoins d'une lettre qu'un représentant en valeurs mobilières a envoyée à notre président. Une bonne part de la discussion que nous avons sur la proposition d'actionnaire découle de ce que j'appelle l'affaire Talisman. L'année dernière, cette disposition a permis à la direction de Talisman Energy de rejeter une résolution tout à fait légitime des actionnaires qui mettait en relief le fait que les activités de la société au Soudan risquaient de porter atteinte aux droits de la personne.

Selon une modification que vous avez proposée, la direction peut exclure de telles propositions à moins que l'actionnaire démontre que la proposition se rapporte sensiblement aux activités ou aux affaires des sociétés dont ils détiendraient des actions.

Dans une lettre envoyée à notre président, on lit ce qui suit:

Cet amendement n'améliorerait nullement la disposition. En effet, elle préserverait le pouvoir discrétionnaire des dirigeants de sociétés de refuser de mettre à l'étude des propositions légitimes et en plus, les actionnaires devraient maintenant démontrer devant les tribunaux en quoi leurs propositions se rapporteraient sensiblement aux activités ou aux affaires des sociétés dont ils détiendraient des actions. La nécessité de comparaître devant un tribunal peut coûter cher en argent et en temps[...]

Là encore, les actionnaires s'inquiètent beaucoup de la position où vous vous trouvez maintenant. Avant de proposer les changements qui se trouvent dans ce projet de loi, aux articles dont nous avons discuté, avez-vous le moindrement consulté les gens qui ont comparu devant ce comité et qui ont formulé ces plaintes? Le cas échéant, pourquoi écrivent-ils maintenant des lettres à notre président pour se plaindre de la formulation de ce projet de loi?

M. Gill: Nous avons consulté ces groupes. Nous avons proposé plusieurs changements qu'ils ont demandés. Pour répondre à l'une de vos questions, c'est à la société qu'il incombe de prouver qu'il n'y a pas de lien important avec les activités ou les affaires de la société. C'est un changement d'importance. Il réduit certainement ce qu'il en coûte à l'actionnaire de fournir la preuve au tribunal.

Nous reconnaissons que certains témoins auraient préféré un scénario selon lequel ils n'auraient pas à se présenter devant un tribunal, et rien n'a été prévu en ce sens. Il y a beaucoup de problèmes, dans cette loi, qui nécessiteraient un recours en justice des actionnaires insatisfaits, et ceci en est un.

Comme l'ont signalé certains témoins, aux États-Unis, la Security and Exchange Commission fait un examen préliminaire de la situation.

Étant donné le nombre de propositions d'actionnaires qui seraient faites, et, par conséquent, de rejets, il n'a pas semblé économique de créer un groupe au sein du gouvernement fédéral chargé d'examiner les propositions d'actionnaires seulement pour les sociétés régies par la Loi sur les sociétés, comme ce serait le cas. S'il y avait un organe national s'occupant des commissions des valeurs mobilières, d'autres lois et de nous, ce serait peut-être faisable. Ce serait difficile à mettre sur pied, comme vous pouvez bien l'imaginer. Nous avons analysé la possibilité et, actuellement, nous tentons de déterminer si ce peut être fait dans le futur. En fait, nous avons attribué un contrat pour cette étude, et ce n'est pas encore terminé. Nous travaillons sur la question, mais ce n'est pas quelque chose que nous, ou quiconque d'autre qui l'a étudiée, trouvions facile à faire, étant donné la situation au Canada avec ses les lois différentes et les divers organes nationaux relatifs aux valeurs mobilières.

Le sénateur Oliver: Dans vos observations préliminaires, vous avez dit avoir fait une consultation. Pourriez-vous être plus précis? Avez-vous simplement téléphoné à des gens? Avez-vous, en fait, rencontré des groupes? Quelle forme a eu cette consultation?

M. Gill: Nous avons rencontré le Comité inter-Églises, et aussi M. Yaron et, aussi, des membres de Démocratie en surveillance pour parler de ces questions.

Le président: À nos audiences qui auront lieu dans deux semaines, nous avons prévu d'entendre les témoignages de certaines personnes sur le dépôt de demande aux sociétés visant des changements quelconques. Il serait utile que vous puissiez envoyer un tableau à chaque membre du comité pour résumer ce dont parlait le sénateur Meighen, c'est-à-dire les délais, etc., et nous décrire un ou deux scénarios types. Ainsi nous serions plus à l'aise avec le sujet lorsque nous entendrons ces témoins.

M. Gill: Nous pouvons le faire.

Le sénateur Banks: Vous avez dit que près de la moitié des grandes sociétés du Canada sont constituées en sociétés en vertu de cette loi. Quelle loi régit la constitution en société des autres compagnies?

M. Gill: Ce sont diverses lois provinciales, dont une grande part sont de l'Ontario.

Le sénateur Banks: Cependant, toutes les grandes sociétés fédérales dont les actions sont cotées en bourse sont constituées en société en vertu de cette loi?

M. Gill: Oui.

Le président: Je vous remercie beaucoup pour ces informations. Nous attendrons avec impatience ce document.

La séance est levée.


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