37-1
37e législature,
1re session
(29 janvier 2001 - 16 septembre 2002)
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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 13 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 10 mai 2001 Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, à qui a été confiée l'étude du projet de loi C-8, Loi constituant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et modifiant certaines lois relatives aux institutions financières, se réunit aujourd'hui à 11 heures pour examiner ledit projet de loi. Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil. [Traduction] Le président: Nous sommes réunis ici ce matin pour poursuivre nos audiences sur le projet de loi C-8, Loi constituant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et modifiant certaines lois relatives aux institutions financières. Notre premier témoin est M. Claude Garcia, président du conseil d'administration de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes (ACCAP) et président des opérations canadiennes chez Standard Life du Canada. Nous entendrons également M. Mark Daniels, président de l'ACCAP, et M. J.-P. Bernier, vice-président et avocat principal de l'ACCAP. [Français] M. Claude Garcia, président de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc. et des compagnies d'assurances Standard Life du Canada: Je vous remercie de nous avoir invités à participer à l'étude du projet de loi C-8 menée par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Le président m'ayant déjà présenté, j'aimerais ajouter que je suis accompagné de Mark Daniels, président de l'ACCAP, et de J.-P. Bernier, avocat principal. [Traduction] Monsieur le président, les membres du comité ont déjà en main des copies du mémoire de notre association sur le projet de loi C-8. Je vais commencer mon exposé par vous donner un aperçu de ce qui caractérise l'ensemble de notre industrie. Je vous signale d'abord que les quelque 75 sociétés d'assurances qui forment L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, l'ACCAP, font souscrire plus de 90 p. 100 de toutes les polices d'assurance vendues au Canada. Nos membres assurent plus de 20 millions de Canadiens et des millions d'autres personnes dans le monde entier. Permettez-moi de souligner, dans un premier temps, le rôle important qu'a joué le Comité sénatorial permanent des banques dans l'élaboration de la politique des services financiers en général et, plus précisément, en ce qui concerne le cadre législatif qui régit ce secteur. Il est évident que le rapport magistral qu'a produit votre comité sur les recommandations du groupe de travail MacKay a apporté une énorme contribution à cet égard. En fait, on peut nettement déceler dans le mandat et les priorités du groupe de travail MacKay l'importante empreinte qu'avait laissée antérieurement votre comité de par sa participation active à l'élaboration de la politique sur les services financiers. Notre industrie est heureuse des nombreuses occasions que votre comité lui a données de pouvoir apporter une contribution constructive à ses délibérations et elle vous remercie de l'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui. [Français] L'industrie a examiné le projet de loi sous l'angle de trois grands objectifs jugés très importants par la plupart, sinon l'ensemble de ceux qui ont participé à sa longue élaboration. Premièrement, le projet de loi C-8 accorde-t-il aux institutions financières canadiennes la latitude accrue dont elles ont besoin pour soutenir la concurrence? Deuxièmement, permet-il de protéger plus efficacement les consommateurs canadiens dans le secteur financier? Troisièmement, tient-il compte équitablement des changements nombreux et variés qui ont été proposés ces dernières années? [Traduction] En ce qui concerne le premier objectif, le projet de loi C-8 contribuera de nombreuses façons à accroître la compétitivité des assureurs de personnes. Les nouvelles dispositions relatives aux sociétés de portefeuille d'assurances leur donneront plus de latitude sur le plan organisationnel. Le projet de loi C-8 permettra aux sociétés d'assurances de personnes - ainsi qu'aux fonds communs de placement du marché monétaire et aux courtiers en valeurs mobilières - de participer au système de paiement, ce qui leur donnera plus de souplesse et sera plus pratique pour effectuer les paiements destinés à leurs clients. Ce ne sont là que quelques exemples qui illustrent bien pourquoi l'industrie en est venue à la conclusion que le projet de loi C-8 accorde beaucoup plus de latitude pour affronter la concurrence croissante au XXIe siècle. [Français] Pour ce qui est du renforcement de la protection des consommateurs, notre industrie estime que trois initiatives en ce sens et proposées dans le projet de loi méritent d'être soulignées: l'établissement de l'Agence de la consommation en matière financière au Canada, l'élargissement de la portée des mécanismes de traitement des plaintes dont les assureurs doivent disposer de sorte à inclure les plaintes concernant tous les produits et services, l'obligation pour les assureurs de personnes d'adhérer à, au moins, un organisme tiers de traitement des plaintes. [Traduction] Enfin, en ce qui a trait à la nécessité d'assurer un juste équilibre, les consultations qui ont mené à l'élaboration du projet de loi C-8 sont sans précédent pour ce qui est de la profondeur et de l'étendue des discussions ainsi que de la diversité des intervenants invités à donner leur avis. Elles ont d'ailleurs donné lieu à d'innombrables suggestions. Le projet de loi C-8 atteint bel et bien un juste équilibre à cet égard puisque tous les intervenants du secteur des services financiers y trouveront ce dont ils auront besoin - sinon tout ce qu'ils souhaiteraient avoir - pour soutenir la concurrence sur les marchés en ce début de siècle. Bref, le projet de loi C-8 est tout à fait conforme aux trois grands objectifs stratégiques du gouvernement que sont une plus grande latitude pour affronter la concurrence, la protection accrue des consommateurs et l'atteinte d'un juste équilibre. [Français] L'industrie des assurances de personnes estime qu'il faut, dans les plus brefs délais, doter le secteur des services financiers du Canada des nouvelles balises offertes par le projet de loi C-8 et ce, pour trois grandes raisons. [Traduction] En premier lieu, étant donné la grande vitesse à laquelle se transforme le marché des services financiers, le cadre législatif et réglementaire actuel, dont l'essentiel a été mis en place en 1992 et légèrement mis au point en 1997, est de moins en moins pertinent. [Français] Deuxièmement, rappelons que d'autres pays, dont les Etats-Unis, ont modernisé le cadre législatif applicable à leur secteur de services financiers. Il est donc important que les institutions financières du Canada soient, elles aussi, munies au plus vite des outils nécessaires pour faire face aux défis du XXIe siècle. [Traduction] Troisièmement, le secteur des services financiers étant extrêmement réglementé, il est essentiel que le cadre législatif et réglementaire qui s'y applique soit libre de toute ambiguïté ou incertitude. L'industrie s'est également efforcée de déterminer comment le projet de loi C-8 pourrait être amélioré pour mieux atteindre les objectifs visés. Cet examen l'a amenée à la conclusion suivante. Le rôle que jouera l'Agence de la consommation en matière financière à l'égard de plusieurs aspects des activités des assureurs de personnes s'apparentera de près à celui que jouent déjà les surintendants provinciaux et territoriaux des assurances. Par exemple, l'Agence sera chargée d'évaluer dans quelle mesure les assureurs de personnes disposent des mécanismes appropriés pour traiter les plaintes de leurs clients. Or, les surintendants des assurances provinciaux ont justement entrepris de vérifier si ces mécanismes sont adéquats. [Français] Dans ce contexte, il serait tout à fait justifié que l'Agence coordonne ses activités en matière de traitement des plaintes avec celles des surintendants afin de tirer le meilleur parti possible des efforts déployés par ces derniers. [Traduction] C'est pourquoi l'industrie exhorte le Comité à recommander que l'Agence de la consommation en matière financière coordonne ses activités relatives aux assureurs de personnes avec celles des surintendants provinciaux des assurances de manière à éviter le double emploi. [Français] En conclusion, j'aimerais souligner une fois de plus à quel point les assureurs de personnes du Canada considèrent ce projet de loi important et pertinent. [Traduction] Monsieur le président, mes collègues et moi-même sommes maintenant prêts à répondre à toute question que les membres du comité voudront bien nous poser. Le président: Je rappelle à mes collègues, notamment à ceux qui n'étaient pas présents au début de cette séance, que nous avons décidé d'allouer une demi-heure par groupe de témoins. Nous en avons quatre à entendre. Le sénateur Angus: Messieurs, je suis désolé de n'avoir pu être ici au début de votre exposé, mais j'ai la chance d'avoir en main votre mémoire, qui est très clair. Vous souhaitez que ce projet de loi soit adopté. J'aimerais d'abord revenir sur votre dernier point, concernant l'harmonisation avec les organismes de réglementation provinciaux. Vous demandez à notre comité de recommander que l'Agence, ou son équivalent, veille à assurer cette harmonisation. Vous ne suggérez pas qu'on modifie le projet de loi de manière à prévoir cette harmonisation? M. Garcia: Non, nous n'allons pas jusqu'à proposer qu'on modifie le projet de loi en ce sens. Le sénateur Angus: Vous ne proposez aucune modification au projet de loi? M. Mark Daniels, président, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes: Pas du tout. L'Agence est un appareil qui, à certains égards importants, existe déjà dans l'univers provincial qu'est le nôtre, car ce sont les autorités provinciales qui réglementent notre marché. Le sénateur Angus: En qualifiant l'Agence d'«appareil», c'est toute une expression que vous employez là, et qui vaut d'ailleurs pour le projet de loi dans son ensemble. Il n'est pas facile pour de pauvres petits sénateurs comme nous d'y voir clair. Il nous faut compter sur l'aide d'experts comme vous pour nous y retrouver. Il y a un aspect qui a fait beaucoup jaser et qui a un lien avec votre secteur. Je veux parler du maintien de l'interdiction des fusions des grandes sociétés d'assurances avec les grandes banques. Je ne trouve dans votre mémoire aucune allusion à cette question, à moins que cela m'ait échappé. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet. Monsieur Garcia, vous êtes président-directeur général d'une importante société d'assurances non démutualisée, la Standard Life, une société prestigieuse, mais, en votre nom personnel ou au nom de l'association que vous représentez ou des deux, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire ce que vous pensez de cette question? Nous nous demandons ce qui serait souhaitable pour le Canada à cet égard. Avons-nous raison de déréglementer aussi largement ce secteur tout en demeurant aussi restrictifs sur des aspects comme celui-là? M. Garcia: Je vais vous en parler en ma qualité de directeur des opérations canadiennes à la Standard Life. Cette mesure législative ne s'appliquera pas dans notre cas, étant donné que nous sommes une société étrangère. Ce que je trouve souhaitable par-dessus tout, c'est qu'il y ait suffisamment de concurrence sur le marché. Je crois fermement que, dans le moment, le marché dans lequel évoluent les sociétés canadiennes d'assurance-vie est extrêmement concurrrentiel. Ces sociétés - nos concurrents - ont joué un rôle de chefs de file de par leur ouverture au marché mondial. Il ne fait aucun doute qu'à l'heure actuelle, la concurrence ne manque pas dans ce secteur. Je ne saurais dire si nos concurrents souhaiteraient être achetés par des banques ou acheter des banques. Le sénateur Angus: Pour vous-même ou pour votre association, ce n'est pas là un sujet d'inquiétude? M. Garcia: Non. Certains de nos compétiteurs nous livrent une forte concurrence au Canada comme à l'étranger. Il nous arrive d'avoir affaire ensemble à l'extérieur du pays. Nous sommes tout à fait satisfaits de l'état actuel des choses en ce qui touche la concurrence. Elle est très vive sur notre marché. Standard & Poor's l'a même qualifiée d'«acharnée». Si vous lisiez les rapports annuels de nos concurrents, ce que je fais consciencieusement, vous verriez que tous se plaignent de ce que le marché de l'assurance-vie n'est pas aussi profitable au Canada qu'il ne l'est dans les autres régions du monde. Voilà qui devrait vous donner une bonne idée de ce qu'il en est. Il ne s'y fait pas autant de profit que dans le secteur bancaire au Canada. Le sénateur Angus: Cela ne vous dérangerait nullement de constater que la loi a été modifiée de manière à permettre à la Sun Life de fusionner avec une banque? Vous ne vous amèneriez pas ici pour nous dire d'empêcher que cela se fasse? M. Daniels: Monsieur le sénateur, me permettez-vous d'apporter un éclaircissement, car j'ai été étonné de votre question? À ma connaissance, la loi ne l'interdit pas. Le gouvernement a fait savoir dans le Livre blanc qu'il tenait à ce que les sept principales institutions financières demeurent telles quelles. Le gouvernement souhaite qu'aucune des cinq grandes banques ne prenne le contrôle de l'une des deux grosses sociétés d'assurances, et vice versa. Il s'agit là d'un énoncé de politique qui ne se reflète nulle part dans une loi. L'industrie a compris le sens du Livre blanc. À ma connaissance, il n'y a pas eu de prise de position collective à ce sujet. Des gens ont une opinion à cet égard, dans un sens ou dans un autre, mais, à ce que je sache, l'ensemble du secteur n'a nullement pris position sur cette question. La plupart des gens s'accommodent de la situation, mais il est également important de garder à l'esprit que ce n'était qu'une déclaration d'intention du gouvernement qui valait pour ce moment-là. Nul ne sait ce que nous réserve l'avenir à cet égard? Le sénateur Angus: Vous avez raison. Qui aurait pu prévoir que, ce matin, nous lirions dans le Globe and Mail que BMO Life Insurance s'est constituée en personne morale. Où tout cela nous mènera-t-il? Chose certaine, il s'agit, comme vous le dites, d'un énoncé de politique et non d'une interdiction formelle. J'avais cru comprendre que la loi actuelle interdisait les prises de contrôle croisées des institutions financières piliers. Le projet de loi C-8 lèverait cette interdiction, sauf dans le cas des deux grandes sociétés d'assurances et des grandes banques. M. Daniels: C'est exact. À ce que je comprends, toutes les fusions sont maintenant permises, sauf dans les cas que vous avez mentionnés. Une procédure a été prévue en ce qui touche les grandes banques. Officiellement, du moins dans la loi, cette procédure ne s'appliquera toutefois pas aux deux grandes sociétés d'assurances. À part cela, il n'y a que cet énoncé de politique qui, à ce que je comprends, aurait quelque chose à voir avec l'argument du contenu canadien, un aspect dont on discute sans cesse depuis qu'on s'est engagé dans ce débat. M. Garcia: Manuvie possède une banque qui offre ses services ici sur Internet. Nous ne voyons aucun problème à ce genre de chose. Nous ne voyons aucune objection à ce qu'une banque fonde une société d'assurances; la CIBC l'a fait, puis elle a abandonné la partie. Si la BMO veut s'engager dans cette voie, c'est son privilège. Le marché est ouvert à quiconque veut y tenter sa chance. Cela ne nous cause aucune difficulté. [Français] Le sénateur Poulin: J'ai apprécié votre présentation, monsieur Garcia. Votre présentation est assez claire au niveau de la représentativité. Votre mémoire décrit aussi très clairement votre participation à l'étude de la restructuration de l'industrie financière au pays, commençant avec le « task force » et comme vous avez apprécié la consultation. Comme je suis un sénateur du Nord de l'Ontario, et donc représente une région plus éloignée des grands centres, je m'inquiète de l'équilibre qu'une législation doit assurer entre les besoins de l'industrie, les besoins des Canadiens et Canadiennes, les besoins des petits commerçants, et de la réalité de la législation et de la réglementation provinciale et fédérale. Comment voyez-vous le maintien de cet équilibre par la législation actuelle que nous étudions? M. Garcia: L'élément le plus important c'est que l'on donne dans la législation des pouvoirs additionnels aux entreprises et ce, pour qu'elles s'organisent de façon plus flexible. En même temps, on crée une structure pour la protection des consommateurs. Il y a déjà des structures en place. On n'a pas d'objection de fond à la structure. Je pense que cela est souhaitable, dans la mesure où cela permet d'obtenir satisfaction. Toutefois, cela ne veut pas dire que chaque fois que nous recevons des plaintes ayant trait à nos services, que celles-ci soient exactes. On assure des gens pour cause d'invalidité. Il arrive que le bénéficiaire ne soit pas du même avis que nous. Si une divergence d'opinion peut être qualifiée de plainte, on veut bien se pencher sur ce dossier en autant qu'on a des mécanismes en place qui permettent d'assurer une certaine équité entre les différents assurés, afin de nous assurer que l'on paie uniquement lorsque les gens sont vraiment invalides. On n'a pas de problème à faciliter le recours à des mécanismes de ce genre. C'est pourquoi l'association a pris une attitude positive pour la protection des consommateurs. On est sous juridiction provinciale, et on aime que la législation soit solide. On ne veut pas se retrouver à la Cour suprême à débattre de la constitutionnalité de la législation fédérale. On préfère que cela se fasse ainsi. On n'a pas écrit la Constitution du Canada, on doit opérer à l'intérieur des termes de la Constitution. On souhaite qu'il n'y ait pas de duplication, parce que cela coûte chère. Qu'il y ait une amélioration considérable pour la protection des consommateurs est un élément extrêmement important de la législation. On va pouvoir s'assurer d'avoir un endroit pour donner de l'information aux personnes qui en ont besoin et qu'elles soit dirigées au bon endroit. On a des mécanismes en place. On n'aime pas que les plaintes fassent la une des émissions de télévision. Personne d'entre-nous n'aime cela, ce n'est pas bon pour notre image. [Traduction] Le sénateur Meighen: Ma question a trait à la possibilité qu'on crée un poste d'ombudsman des services financiers canadiens. Dans quelle mesure l'industrie serait-elle prête à recourir à ses services? Si j'ai bien compris, les banques seront tenues de le faire. Les sociétés d'assurances pourront le faire elles aussi. Par exemple, entendez-vous jouer un rôle actif au sein du Forum conjoint des autorités de réglementation du secteur financier pour contribuer à la création d'un service complet qui... [Français] En reprenant les mots de M. Garcia, il faudrait peut-être éviter la duplication. [Traduction] M. Daniels: En ce qui touche l'ombudsman fédéral, nous souscrivons entièrement à l'intention de la loi. Au sein même de l'ACCAP, nous avons, il y a environ trois ans, mis sur pied un service d'ombudsman qui s'est ajouté au service que nous offrons déjà depuis plus de 25 ans à notre Centre d'assistance aux consommateurs. Il s'agit en fait d'un mécanisme non officiel de conciliation qui vient prolonger notre processus de règlement des différends. Quand ce projet de loi a été présenté, nous ne voulions pas être forcés de participer au projet d'ombudsman, étant donné que le gouvernement fédéral n'est pas notre principale instance réglementaire sur ces questions. C'est à la demande du Surintendant provincial des assurances que nous avions mis sur pied notre service d'ombudsman. Le Conseil canadien des responsables de la réglementation d'assurance, avec lequel nous travaillons et par l'intermédiaire duquel nous traitons la plupart de nos cas de relations avec la clientèle, nous avait demandé d'envisager de mettre sur pied un mécanisme un peu plus poussé de règlement des différends, ce que nous avons fait. C'est pourquoi nous n'étions pas prêts à jeter l'éponge pour nous ranger du côté fédéral, car le résultat aurait été tout à fait prévisible. En outre, comme les membres du comité le savent sans doute, le gouvernement de l'Ontario avait déjà créé un poste d'ombudsman. Nous avons fait savoir très clairement que nous collaborerions avec le bureau de l'OSFC une fois qu'il serait en place. Pour le moment, nous conservons le mécanisme que nous avons déjà, mais nous ne le faisons pas parce que nous croyons qu'il est en quelque sorte meilleur. Nous allons veiller à ce que les consommateurs aient accès à un service au moins comparable. Pour ce qui est de l'initiative très importante du Forum conjoint, je me dois de vous expliquer qu'il s'agit en fait d'un comité interprovincial de responsables de la réglementation en matière de valeurs mobilières, de pensions et d'assurances, que ces gens ont créé dans le but d'assurer une meilleure coordination interprovinciale de leurs activités. Ils se sont engagés dans la réalisation d'une foule de projets - dont la mise sur pied d'un mécanisme interprovincial de règlement des différends touchant toutes les activités qui relèvent de leur compétence, y compris les nôtres. Ce qui est formidable, c'est que le gouvernement fédéral y a deux ou trois représentants. Cela nous ramène, monsieur le sénateur, à la question que nous a posée le sénateur Angus. Nous aimerions qu'il soit bien entendu que notre secteur en général ne voudrait pas se retrouver entre deux feux dans tout cet épanchement de bonne volonté envers les consommateurs canadiens. Nous considérons essentiel de prendre bien soin des consommateurs. C'est ce que nous souhaitons ardemment et, pour cela, il nous faut un mécanisme coordonné. Le sénateur Meighen: Votre toute dernière affirmation m'amène à poser la question suivante: ne serait-il pas préférable qu'il n'y ait qu'un seul responsable de la réglementation pour l'ensemble du secteur? M. Garcia: Non, à cause de la Constitution. Les banques sont, sans conteste, régies par le gouvernement fédéral, alors que nous relevons des autorités provinciales. D'ailleurs, les contrats d'assurance sont régis par la common law et le droit civil. Dans ma compagnie, nous disposons d'un mécanisme d'examen des plaintes et nous veillons à ce que nos clients soient traités en toute équité. Cela ne veut pas dire qu'ils ont invariablement gain de cause, car ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Nous ne voudrions pas pour autant d'un mécanisme qui irait à l'encontre de la Constitution. Si nous rédigions nous-mêmes la Constitution aujourd'hui, nous le ferions peut-être différemment, mais il nous faut vivre avec celle que nous avons. Le sénateur Meighen: Ce n'est pas ce que je vous demandais. Dans les limites de ce que prévoit la Constitution, seriez-vous prêts à accepter l'idée d'un guichet unique, d'un seul ombudsman? M. Garcia: Oui. M. Daniels: Absolument, et le plus beau dans tout cela, c'est qu'il n'y a rien d'irréaliste là-dedans. On pourrait certes en venir là. Le président: Vous ne croyez pas qu'il s'agit là d'un rêve chimérique? M. Daniels: Pas du tout. En réalité, il serait même scandaleux que nous n'y parvenions pas. Le président: Merci beaucoup. Nous allons maintenant entendre M. Bill Podmore, du Regroupement des consommateurs d'assurance. M. Bill Podmore, président, Regroupement des consommateurs d'assurance: Je suis heureux que vous m'ayez invité à comparaître de nouveau devant votre comité pour vous faire part de mes observations sur le projet C-8. Je suis avant tout un concepteur graphique. J'ai fondé le Regroupement des consommateurs d'assurance par suite du recours collectif que j'ai intenté contre la Sun Life à propos du prélèvement des primes sur la valeur de rachat des polices d'assurance. Depuis lors, j'ai eu connaissance de cas encore plus graves de traitement abusif de la part d'institutions financières à l'endroit de consommateurs. J'aimerais vous faire part d'un certain nombre de choses qui me préoccupent, mais ma principale préoccupation demeure le fait qu'on s'apprête à mettre en place un cadre législatif pour le secteur des services financiers sans que les principaux acteurs soient de la partie. À mon sens, pour que ce cadre puisse avoir l'utilité escomptée, il faudrait que tous les acteurs concernés y soient parties prenantes. Étant donné que les acteurs du secteur des assurances ne le sont pas, je ne vois pas pourquoi on se livre à une telle discussion. Premièrement, nous croyons que l'action concertée en faveur de la protection des consommateurs de services financiers ne procurera pas à ceux-ci la structure la plus efficace et la plus simple pour déposer leurs plaintes et chercher à obtenir une aide véritable. Cette inquiétude s'est manifestée à l'occasion d'initiatives récentes de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes et du Conseil canadien des responsables de la réglementation d'assurance en collaboration avec la Commission des assurances de l'Ontario et d'autres organisations. Comme nous l'avons fait remarquer dans notre mémoire au Groupe de travail MacKay le 10 octobre 1997, bien que de nombreux groupes gouvernementaux et non gouvernementaux de défense des intérêts des consommateurs interviennent de bonne foi en faveur du consommateur assiégé, leurs efforts sont dispersés et risquent de créer une situation contre-productive qui se traduira par du double emploi, des coups d'épée dans l'eau et des résultats décevants. Nous craignons que faute de plan clairement défini et de volonté politique ferme du gouvernement fédéral d'harmoniser les efforts en vue d'assurer la protection des consommateurs et le rôle de l'Agence, les intérêts des consommateurs canadiens ne seront pas adéquatement servis. Évitons de créer de la confusion, comme on s'apprête à le faire, au sein du secteur financier ou en ce qui concerne les mesures de protection du consommateur. Ce serait un gaspillage inutile de ressources humaines et financières. Deuxièmement, comme on le précise dans le projet de loi, l'Agence aurait un mandat de surveillance, de promotion et de contrôle. Elle aurait pour mission de superviser les institutions financières pour s'assurer qu'elles se conforment aux dispositions visant les consommateurs, de promouvoir l'adoption de dispositions favorables aux consommateurs, de sensibiliser les consommateurs à l'existence de ces dispositions, et enfin, de surveiller la mise en oeuvre de codes de conduite volontaires. Nous croyons que ces dispositions sont tout à fait inadéquates. Nous recommandons, encore une fois, que l'Agence soit indépendante du gouvernement pour éviter tout conflit d'intérêts apparent ou réel. De même, l'Agence devrait être investie de pouvoirs beaucoup plus étendus pour faire appliquer la loi, et elle devrait établir un système adéquat et efficace propre à donner aux consommateurs de services financiers canadiens un accès gratuit à un service d'aide juridique efficace et compétent. Troisièmement, étant donné qu'il peut se révéler fort compliqué et long d'harmoniser les services financiers entre les gouvernements fédéral et provinciaux - au mieux qu'on y parviendrait -, nous proposons la création d'un groupe national d'action juridique. Ce groupe serait financé au départ avec l'aide du gouvernement de manière à ce qu'il ne représente que les intérêts juridiques des consommateurs de services financiers canadiens en étroite collaboration avec les regroupements de consommateurs. Si nous jugeons bon de faire cette suggestion, c'est notamment pour avoir l'assurance que les consommateurs pourront continuer d'avoir accès à des avocats compétents pour les défendre. On nous a fait savoir que certains cabinets d'avocats - qui ont excellé dans le passé dans la défense des consommateurs de produits financiers - ont conclu des contrats qui les lient à des institutions financières. Par conséquent, les institutions en question ont placé ces cabinets d'avocats en situation de conflit d'intérêts et ont réussi à empêcher les consommateurs d'avoir accès à des défenseurs avisés et compétents. De plus, dans le cas de poursuites en recours collectifs, les avocats des plaignants - comme le mien - ne touchent pas leurs honoraires tant que la décision judiciaire finale n'a pas été rendue. Il leur faut souvent assumer un fardeau financier déraisonnable pour intenter une poursuite, alors que les avocats de la défense, eux, sont payés mensuellement. Ce déséquilibre contribue à décourager les avocats et les consommateurs d'intenter des recours collectifs. Quatrièmement, nous souscrivons aux observations qu'a formulées le sénateur Kolber et qui ont été rapportées dans le Financial Post du jeudi 22 juin 2000, à savoir que le projet de loi C-8 sur les services financiers manque de vision et ne comporte aucune stratégie globale concernant l'évolution actuelle de l'industrie des services financiers. Notre groupe est d'avis que la mesure législative proposée ne constitue essentiellement qu'un plan visant les fusions bancaires plutôt qu'un plan concernant l'ensemble du secteur des services financiers. Cinquièmement, selon nous, ce projet de loi ne traite pas convenablement des questions relatives à la fourniture d'une information complète, claire et adéquate aux consommateurs, non plus que de la nécessité d'instaurer des pratiques équitables, raisonnables et exemptes d'abus en matière de transactions et d'offrir des recours appropriés pour régler les différends éventuels, comme le proposait le Groupe de travail dans sa recommandation no 53. Sixièmement, nous estimons que ce projet de loi ratera probablement une intéressante occasion de prévoir des mesures propres à coordonner les efforts entre les groupes de défense des consommateurs, l'industrie et le gouvernement. La recommandation no 56 du Groupe de travail proposait instamment la création d'une organisation des consommateurs de services financiers. Nous sommes d'avis qu'une telle entité, dotée de mécanismes de soutien comme ceux que décrivait le Groupe de travail dans son rapport, notamment d'un réseau d'action juridique, aiderait considérablement l'Agence dans son travail. Au niveau des collectivités locales, elle servirait en outre de centre de ressources pour renseigner et sensibiliser les consommateurs. Septièmement, en ce qui a trait aux violations de la loi, nous sommes d'avis que la limite de 100 000 $ relative aux pénalités est totalement insuffisante. Nous préconisons vivement qu'il n'y ait pas de limite au montant des amendes imposées. Nous croyons que la peine imposée devrait être plutôt fonction de la gravité de la violation. Je sais que M. Nystrom a tenté d'obtenir que cette pénalité soit accrue, mais sans succès. Nous croyons également qu'on devrait envisager l'imposition de pénalités plus sérieuses, y compris la suspension du permis d'exploitation, comme on le fait aux États-Unis. Huitièmement, en ce qui a trait aux règles relatives aux violations, j'ai lu que la prise des précautions voulues pourra être invoquée comme argument de défense dans une poursuite relative à une violation. Je crains que cette disposition ne serve d'échappatoire pour éviter des poursuites. Neuvièmement, nous recommandons avec insistance que le projet de loi prévoie l'établissement de règlements relatifs aux ventes liées et à la protection des renseignements personnels, et qu'on porte une attention toute spéciale à tout le domaine de la confidentialité des renseignements personnels et de l'information génétique. Le président: Comme il ne me semble pas y avoir de questions, je vous remercie du temps que vous nous avez consacré. Nous prenons bonne note de vos observations. Le groupe que nous allons maintenant entendre représente le Bureau d'assurance du Canada. Monsieur Anderson, avez-vous une déclaration préliminaire à faire? M. George Anderson, président et chef de la direction, Bureau d'assurance du Canada: Merci de nous avoir invités à venir nous entretenir avec vous ce matin. Je suis accompagné de M. Paul Kovacs, premier vice-président, et de Mme Suzanne Sabourin, notre directrice exécutive responsable des relations gouvernementales, ici même à Ottawa. Comme bon nombre d'entre vous le savent sans doute, le Bureau d'assurance du Canada est l'association professionnelle nationale qui représente les assureurs de dommages au Canada. Nos membres font souscrire environ 90 p. 100 de toutes les polices d'assurance automobile, habitation et entreprise vendues au Canada. L'an dernier, l'industrie a versé quelque 15 milliards de dollars en règlement de sinistres pour réparer des habitations et des véhicules, remplacer des biens volés, et permettre à des victimes d'accidents de recouvrer la santé. Notre industrie compte environ 100 000 employés répartis dans les grandes villes, petites localités et villages du Canada. Je tiens à reconnaître le rôle de premier plan qu'a joué votre comité au fil des ans; il a servi de tribune pour débattre des grands enjeux et résoudre les principaux problèmes du secteur des services financiers canadiens, et pour veiller à ce qu'il fonctionne de manière à répondre aux intérêts supérieurs des consommateurs canadiens. Cette dernière étape du processus de consultations, l'étude du projet de loi C-8, constitue l'aboutissement de quelque 40 mois d'analyse et d'examen détaillés du secteur des services financiers au Canada. Le BAC et ses sociétés membres ont participé à ce débat à chacune de ses étapes depuis 1987. Nous sommes convaincus que le cadre législatif dont on vous a confié l'examen comprend un ensemble raisonnable et équilibré de réformes qui profiteront aux consommateurs canadiens et à l'ensemble du secteur des services financiers de notre pays. Par ailleurs, nous sommes particulièrement heureux de ce que cette mesure législative marque une pause dans ce débat - pour ne pas dire qu'elle y met un terme - qui dure depuis de nombreuses années concernant le pouvoir des banques en matière d'assurances. Nous appuyons ce projet de loi et exhortons votre comité à réclamer son adoption. Permettez-moi d'insister aujourd'hui sur certaines considérations concernant les facteurs actuels et émergents qui contribueront à ce que les consommateurs canadiens puissent profiter des retombées d'un secteur des services financiers sain et concurrentiel. Cela fait maintenant un certain nombre d'années que nous nous efforçons de faire valoir - nous l'avons fait devant votre comité et partout où on nous a invités à prendre la parole - que le secteur de l'assurance de dommages est bien particulier, tout comme le sont d'ailleurs les produits qu'on y offre. Nous nous réjouissons de ce que la plupart des sénateurs en conviennent avec nous. Le rapport de 1998 de votre comité, intitulé «Plan directeur de changement», soulignait le caractère distinctif de notre secteur. On y lisait: Les assurances incendie, accidents, risques divers sont un produit de pure protection contre le risque. Elles ne possèdent aucune des caractéristiques d'investissement ou de gestion du patrimoine de l'assurance-vie. Il va sans dire que nous souscrivons à ces observations. L'assurance de dommages ne constitue pas un placement au sens traditionnel du terme; c'est une mise en commun de ressources visant à protéger les consommateurs contre le risque de perte accidentelle. C'est pourquoi l'industrie a besoin d'un niveau de capitalisation plus élevé. Naturellement, l'assurance des biens est confrontée à un plus large éventail de risques de grande envergure. Songez, par exemple, à la possibilité que survienne un tremblement de terre dévastateur dans la région des terres basses continentales de la Colombie-Britannique. Il s'en produira un - espérons que ce n'est pas pour bientôt, mais d'après les géologues et les séismologues, un tel événement est appelé à survenir inévitablement. Les cycles de notre marché, que nous qualifions tantôt de rigides et tantôt de souples, se succèdent plus brutalement que ceux du marché de la plupart des autres secteurs. D'ailleurs, nos divisions de règlement des sinistres emploient énormément de main-d'oeuvre. Par contre, les placements des banques, des sociétés de fiducie, des maisons de courtage et des sociétés d'assurance-vie visent en grande partie la gestion d'un patrimoine et se fondent sur la présomption que les pertes ne surviendront qu'en marge de leurs activités de placement. Une autre caractéristique de notre secteur, c'est qu'il est hautement concurrentiel. Sans dire, comme l'a fait M. Daniels, que la concurrence y est «acharnée», First Marathon Securities n'en a pas moins affirmé qu'il était le plus concurrentiel de toute l'industrie des services financiers au Canada. Deux cent trente sociétés s'y font activement concurrence pour répondre aux besoins changeants des Canadiens d'un océan à l'autre en matière d'assurances. Toutes ces sociétés exercent leurs activités dans un environnement rigoureusement réglementé - surtout au niveau provincial, mais également au niveau fédéral. Je reviendrai sur cette question, car j'estime qu'elle évolue et que votre comité devrait s'y pencher. Notre secteur est le moins concentré parmi les principaux secteurs de l'industrie canadienne des services financiers; il n'est dominé par aucune société ou groupe de sociétés. En réalité, les 10 principales sociétés de notre secteur ne contrôlent qu'environ 50 p. 100 du marché de l'assurance de dommages. Aucune société dans notre secteur ne détient plus de 11 p. 100 du marché. C'est dire que les petits assureurs peuvent affronter avec succès la concurrence des moyens et gros assureurs sur le marché canadien. Cette concurrence porte souvent sur le prix. Les normes de service au client sont élevées, et les assureurs de dommages offrent un très large éventail de produits. Le cadre réglementaire de notre secteur permet depuis longtemps aux sociétés étrangères de faire concurrence à nos compétiteurs canadiens sur un pied d'égalité. Les consommateurs ont accès à des produits et services offerts par les plus importants groupes d'assureurs au monde, qui sont tous actifs sur le marché canadien. La présence de centaines de concurrents dans ce secteur permet aux consommateurs de disposer d'un vaste choix - non seulement parmi un large éventail d'assureurs, mais également parmi un nombre croissant de circuits de distribution. Le fonctionnement sans contrainte d'un marché libre ne garantit pas que les consommateurs seront toujours satisfaits des services qu'ils reçoivent. Le projet de loi C-8 reconnaît ce danger. On y trouve des dispositions plus strictes concernant les ventes liées - une mesure réclamée par plusieurs. La création, prévue dans le projet de loi, de l'Agence de la consommation en matière de services financiers et du poste d'ombudsman des services financiers permettra également de mieux protéger le consommateur. D'autres intervenants ont parlé de ces deux organismes ce matin. Afin de pouvoir nous conformer à la loi, nous travaillons actuellement, en collaboration avec le Forum conjoint des autorités de réglementation du secteur financier, tout comme d'ailleurs toutes les autres associations et industries du secteur, à la conception d'un cadre national visant la mise sur pied d'un nouveau mécanisme de règlement des différends et l'adoption de pratiques qui ont déjà fait leurs preuves dans le secteur des services financiers. En ce qui concerne les défis pour l'avenir, je crois que le projet de loi C-8 souligne également l'importance de deux ou trois autres éléments qui sont peut-être directement abordés dans le projet de loi mais dont les sénateurs et d'autres personnes impliquées dans l'établissement des politiques gouvernementales au Canada devraient se préoccuper. Pour que cette mesure législative ait les effets escomptés dans le secteur des services financiers, il nous faudrait un régime fiscal et réglementaire propre à permettre aux consommateurs de profiter du nouveau contexte de la concurrence. Nous encourageons les membres de votre comité à ne pas perdre d'occasions, une fois qu'ils en auront terminé avec l'étude de ce projet de loi, de raffiner et d'améliorer l'environnement dans lequel évoluent les institutions financières canadiennes. Le niveau d'imposition auquel nous sommes assujettis demeure préoccupant. D'après un des fiscalistes canadiens les plus en vue, le secteur de l'assurance de dommages est le plus lourdement taxé de toute l'industrie canadienne des services financiers. Le président: Ces considérations sont-elles pertinentes au projet de loi? M. Anderson: Je crois qu'elles ont quelque chose à voir avec les chances que le projet de loi, une fois qu'il aura franchi l'étape de l'étude en comité et qu'il aura été adopté, apporte les bienfaits escomptés. Le président: Je crois que nous sommes en train d'outrepasser les limites de notre mandat. Poursuivez, je vous prie. M. Anderson: Dans ce cas, avant de terminer, permettez-moi de dire quelques mots à propos de la réglementation. À l'instar de tous les autres acteurs du secteur des services financiers, nous sommes en faveur d'une réglementation visant à ce qu'à l'intérieur de notre pays et dans le monde entier, notre secteur des services financiers soit réputé solvable et digne de confiance. Un juste équilibre entre la réglementation gouvernementale et le libre jeu des forces du marché garantira le maintien de la confiance dans notre système financier, protégera les intérêts des consommateurs et favorisera la prospérité future des entreprises qui oeuvrent dans ce secteur. S'il est important que les Canadiens suivent l'évolution de la réglementation dans d'autres pays, il est tout aussi important de reconnaître que qu'une réglementation excessive risquerait de freiner l'entrée de capitaux au Canada. Cette considération revêt particulièrement d'importance quand on songe que certains types de réglementation sont un sous-produit systémique de notre structure politique et qu'aucun organisme ne semble en mesure d'assumer la responsabilité des coûts supplémentaires qu'entraîne l'observance de la réglementation canadienne en matière de services financiers. L'aménagement de notre environnement concurrentiel devient de plus en plus important en raison du risque que présente l'inévitable résurgence de l'intérêt à fusionner les banques. Avec l'avènement d'un monde de «banques sans frontières», nous devons tenir à ce que le fardeau réglementaire et fiscal demeure équitable et concurrentiel pour les banques, les sociétés d'assurances et les autres institutions financières. En conclusion, nous nous réjouissons de l'orientation stratégique du projet de loi C-8 et saluons la clairvoyance du gouvernement au chapitre de la protection des intérêts des consommateurs et du maintien d'une industrie prospère et d'une saine concurrence au sein du secteur des institutions financières canadien. En encourageant la venue de nouveaux acteurs sur le marché et en appliquant des mesures de protection du consommateur, le gouvernement fédéral contribue à accroître les choix offerts aux Canadiens. L'adoption de cette mesure législative contribuera à corriger le déséquilibre concurrentiel croissant entre les divers secteurs de l'industrie canadienne des services financiers. Nous croyons qu'il s'agit là d'une bonne nouvelle pour les consommateurs canadiens et nous encourageons votre comité à favoriser l'adoption de ce projet de loi. Le secteur de l'assurance des personnes a un régime de protection de ses titulaires de polices. Existe-t-il également un tel régime dans votre secteur? M. Anderson: Ce régime est administré par la Société d'indemnisation en matière d'assurances IARD. Il fonctionne de la même manière que celui de la Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes, auquel vous faites référence. Le sénateur Kelleher: Ce régime fonctionne-t-il raisonnablement bien? M. Anderson: Oui, et ce, depuis de nombreuses années. Le sénateur Kelleher: Les banques ont la SADC. Les gens qui ont été lésés pourraient, en un sens, s'en remettre aux ressources de l'État. M. Anderson: Oui. Le sénateur Kelleher: Un tel mécanisme serait-il avantageux pour votre groupe? Souhaitez-vous d'une certaine manière pouvoir offrir une protection similaire, ou préféreriez-vous demeurer à l'écart de la SADC? M. Anderson: Comme vous le savez, monsieur le sénateur, c'est une arme à deux tranchants. Quand vous vous adressez au gouvernement pour obtenir de l'aide, vous risquez d'écoper. Le sénateur Kelleher: On ne saurait trop se méfier lorsque le gouvernement cogne à notre porte pour nous offrir son aide. M. Anderson: Nous en sommes venus à la conclusion que la possibilité que le gouvernement fédéral intervienne dans ce domaine, qui est largement réglementé par les provinces, est très mince. Notre régime, qui est financé par l'industrie elle-même, fonctionne de manière satisfaisante. On ne perçoit pas chez nos membres un vif besoin de compter sur les ressources de l'État pour protéger nos clients dans l'éventualité fort peu probable où une société d'assurances ferait faillite. Le sénateur Kelleher: Le gouvernement fédéral exerce-t-il une surveillance quelconque sur votre fonds et sur la façon dont il est administré? M. Anderson: Les autorités provinciales exercent une surveillance sur la composition du fonds de la Société d'indemnisation en matière d'assurances IARD. Le gouvernement fédéral, par l'entremise du BSIF, veille à ce que les diverses sociétés qui sont en affaires soient solvables et ne présentent pas de risque. Les représentants du BSIF et les dirigeants de notre Société d'indemnisation en matière d'assurances IARD se tiennent en étroite relation, de sorte que les autorités fédérales sont tenues bien au fait des situations qui pourraient nécessiter une certaine aide. Le sénateur Kelleher: Je vois. Merci. Le sénateur Finestone: À la page 5 de votre mémoire, vous parlez de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques au regard des droits des consommateurs à la protection de leur vie privée. J'ai trouvé intéressantes vos observations à ce sujet. Vous mentionnez qu'il convient de reconnaître et d'appliquer les codes de pratique sectoriels ou organisationnels approuvés. Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet. J'aimerais également que vous nous fournissiez des éclaircissements sur ce qui vous préoccupe concernant la protection des renseignements personnels. M. Anderson: Nous prenons au sérieux la question de la confidentialité des dossiers personnels, comme c'est d'ailleurs le cas, je crois, de tous les assureurs. Je me suis toujours dit qu'à certains égards, la confidentialité des renseignements qu'on nous transmet est le fondement même sur lequel repose la crédibilité de notre entreprise. Le plus grand risque qu'une société d'assurances courrait en omettant de traiter convenablement les dossiers personnels qu'elle détient, ce sont les pertes qu'elle s'exposerait à subir s'il devenait notoire qu'elle fait preuve de laxisme à cet égard. Même si notre secteur n'a pas connu de problème à cet égard, nous avons participé ouvertement à la préparation de cette mesure législative. Auparavant, nous avions travaillé pendant trois ans en collaboration avec l'Association canadienne de normalisation à l'élaboration de critères et lignes directrices qui ont contribué à l'établissement d'un code de conduite type et d'un système propres à assurer la protection des renseignements personnels. Nous avons adopté ce code intégralement. Nous avons été le premier secteur de l'industrie des services financiers à avoir été reconnu par l'organe compétent de l'Association canadienne de normalisation comme respectant scrupuleusement ces règles. Notre secteur a maintenant son propre code, qui est distribué à toutes nos sociétés membres. Nous avons en outre implanté d'un bout à l'autre du pays un régime de protection des renseignements personnels concernant nos assurés. Le sénateur Finestone: Je suis consciente que la législation canadienne sur les normes est le principe directeur qui sous-tend le projet C-8, ce qui m'apparaît important. Ce qui demeure préoccupant, c'est la difficulté d'appliquer concrètement ces normes, compte tenu des énormes changements technologiques auxquels nous assistons actuellement et qui facilitent l'accès à l'information au moyen de l'ordinateur, des méthodes modernes de collecte de données et de la possibilité de faire des recoupements entre les renseignements auxquels nous avons accès. La question des ventes liées soulève de graves inquiétudes. Bien que tout le monde semble se dire, comme l'ont prétendu les économistes, qu'il nous faut nous faire à l'idée que plus rien n'est confidentiel de nos jours, ce n'est pas le cas. Nous ferions mieux de nous rendre à l'évidence que la question de la protection des renseignements personnels se pose comme jamais au XXIe siècle et d'établir comment nous allons devoir agir en conséquence. Vous avez mentionné que la législation canadienne sur les normes donne des résultats. Vous avez signalé que vous observez scrupuleusement les dispositions de cette loi. Vous dites avoir appliqué au sein de votre propre structure diverses normes afin de remédier à certaines anomalies dans les diverses réglementations provinciales, celles-ci n'étant pas uniformes. Est-ce de cela que vous vouliez parler quand vous avez mentionné que le défi numéro un dans le secteur des services financiers, c'est de veiller à ce que le pouvoir d'octroyer du crédit qui est conféré aux institutions financières canadiennes ne soit pas utilisé à l'encontre des intérêts des consommateurs? En disant cela, songiez-vous aux ventes liées, à la communication indue d'information? Disons que je présente un risque de maladie congénitale et que j'ai souscrit une police d'assurance; si j'ai besoin de faire une demande de prêt ou d'assurer certains de mes éléments d'actif, cela pourra-t-il compromettre mes chances, étant donné que vous avez en main à mon sujet de l'information qu'au départ, vous n'aviez même pas le droit d'obtenir? M. Anderson: Je vais tenter de répondre de mon mieux à votre question, mais je vais l'esquiver en partie, parce que c'est aux banquiers qu'il faudrait la poser. La question des ventes liées nous inquiète effectivement. En ce qui concerne nos produits - l'assurance de dommages - il existe au niveau provincial une réglementation fort efficace. Nous avons des règlements qui interdisent les ventes liées. Sauf erreur, l'article 491 du projet de loi traite des ventes liées. Le gouvernement fait son possible pour rappeler que la pratique des ventes liées devrait être interdite. Même au moment où l'on considérait que ce projet de loi constituait une amélioration à cet égard par rapport aux mesures législatives antérieures, 16 p. 100 des Canadiens disaient qu'au moment de contracter un emprunt, ils avaient eu le sentiment qu'on avait exercé sur eux des pressions pour qu'ils achètent d'autres produits d'institutions financières. J'ignore jusqu'où pourrait aller le gouvernement pour contrôler, par voie de réglementation, les milliers de discussions qui se tiennent quotidiennement entre des banquiers et leurs clients qui font des demandes d'hypothèque ou de prêt automobile. Nous ne sommes pas convaincus que cette mesure législative pourra enrayer cette pratique. Le sénateur Finestone: Monsieur le président, c'est là un problème inquiétant. Nous avons entendu des gens de tout le Canada dire qu'ils avaient été forcés, en raison des pratiques de prêt lié, d'aller emprunter ailleurs qu'à l'endroit où ils se proposaient de le faire, ou qu'ils s'étaient vus refuser un prêt à cause de ce qui figurait dans leur dossier d'assurance concernant leur santé. Le président: Je ne suis pas convaincu que notre comité puisse faire quoi que ce soit en ce sens au regard du projet de loi C-8. Le sénateur Finestone: Ce sont là des considérations qui figurent dans ce mémoire. Le président: Je sais qu'il s'agit là de votre cheval de bataille, et je n'ai rien contre cela, mais je ne suis simplement pas certain que ce soit dans le sujet actuellement. Le sénateur Finestone: Ça va, pourvu que vos collègues autour de cette table gardent cet aspect à l'esprit au cours de vos discussions. Le président: Nous y prendrons soin. Le sénateur Finestone: Merci. Le président: Il y a une différence entre une vente liée et une vente liée coercitive, mais nous aborderons cette question à une autre occasion. Le sénateur Oliver: Ma question s'adresse à M. Anderson et porte sur la réglementation. En prenant connaissance du projet de loi, j'ai l'impression qu'il pousse un peu loin la réglementation et qu'il accorde un trop grand pouvoir discrétionnaire au ministre. À la page 7 de votre mémoire, vous abordez la question de la réglementation et vous formulez une observation intéressante sur laquelle j'aimerais que vous reveniez de manière plus détaillée. J'aimerais que vous étayiez votre position de preuves ou d'illustrations pour le bénéfice du comité. En parlant de l'importance de la réglementation - vous avez mentionné que la solvabilité et la confiance en dépendent assurément - vous avez signalé qu'il est important que le Canada suive l'évolution de la réglementation dans d'autres pays. Pourriez-vous nous fournir des indications sur notre capacité future de demeurer compétitifs, comparé aux États-Unis et aux pays européens, compte tenu du nombre de règlements qui régiront votre secteur en vertu du projet de loi C-8? M. Anderson: Cet aspect nous inquiète, sénateur. M. Kovacs, notre économiste en chef, a étudié cette question en profondeur. Si vous le permettez, il va se charger de vous répondre. M. Paul Kovacs, premier vice-président, Élaboration des politiques, et économiste en chef, Bureau d'assurance du Canada: Je vais commencer par nuancer mes propos. Nous recommandons effectivement l'adoption du projet de loi. Nous avons des problèmes, mais nous sommes d'avis qu'il devrait être adopté. Le sénateur Oliver: Pourquoi prenez-vous cette position? Il y a tellement de gens qui craignent de comparaître devant notre comité, et ceux qui le font ferment les yeux et nous demandent d'adopter le projet de loi. Pourquoi les gens ont-ils peur de se prononcer sur quelque chose qui touche à d'importantes questions stratégiques et d'intérêt public? M. Kovacs: Nous sommes convaincus d'avoir eu à ce sujet des discussions poussées et nous reconnaissons le rôle que votre comité a joué à cet égard, de même que notre habileté à participer au débat. Nous croyons que beaucoup suggestions ont été apportées et que nous sommes maintenant en mesure de marquer certains progrès. Ce projet de loi nous apparaît utile, et nous sommes favorables à son adoption. Nous devons toutefois avouer que notre plus grande préoccupation, c'est que le contexte dans lequel évolue le secteur des services financiers canadien - celui des assureurs dans le cas qui nous occupe - n'est pas aussi favorable qu'il devrait l'être. Le sénateur Oliver: Est-il trop contrôlé, trop réglementé? M. Kovacs: La réglementation et la fiscalité en sont en partie responsables. Il existe tout un éventail de problèmes, dont certains peuvent être atténués grâce à l'intervention du gouvernement. Pour illustrer par un exemple ma réponse à la question que vous avez posée, je vous signale que, de concert avec les responsables de la réglementation, nous nous penchons actuellement sur les exigences en matière de capitalisation que sont tenus de respecter les assureurs canadiens. À cet égard, il semble bien que nous soyons passablement plus exigeants que d'autres pays. Avant de se lancer dans ce genre d'entreprise, on se demande d'abord combien il faut d'argent simplement pour exploiter son commerce et, ensuite, quelle capitalisation il faut avoir pour répondre aux exigences du gouvernement. Si le gouvernement se montre trop exigeant à cet égard, il devient difficile d'être rentable. Comment parvenir à dégager le profit escompté, quand on exige que vous mobilisiez des capitaux beaucoup plus importants que nécessaire? Si les exigences du Canada sur ce plan sont excessives en regard de ce qu'elles sont dans d'autres pays, les investisseurs bouderont le Canada, ils ne créeront pas d'emploi chez nous, ils opteront pour d'autres pays. Ce sont là des questions qui sont longues à approfondir et à cerner avant de pouvoir tirer des conclusions en connaissance de cause. Ce n'est là qu'un parmi tout un ensemble de problèmes qui se posent sur le chapitre de la réglementation concernant notre environnement commercial. Nous n'en recommandons pas moins l'adoption du projet de loi, car, dans l'ensemble, il nous apparaît valable. Le sénateur Oliver: Je vois ce que vous voulez dire. M. Anderson: Prenez cet autre exemple que sont les règles internationales en matière comptable et la façon dont on les applique au Canada. Des discussions sont en cours à propos des règles comptables internationales, à propos de la façon dont les livres doivent être présentés. C'est une discussion qui s'impose, compte tenu de la mondialisation des placements. Les investisseurs devraient pouvoir s'attendre à ce que les livres comptables soient tenus de la même façon d'un pays à l'autre. Dans l'état actuel des choses, il peut arriver que les règles comptables adoptées pour les sociétés canadiennes ou pour les filiales canadiennes de sociétés étrangères ne concordent pas avec celles qui sont en vigueur dans le reste du monde. Une société mère étrangère s'en trouve alors réduite à devoir en effectuer une analyse approfondie pour comprendre ses activités au Canada. Les plus récalcitrantes peuvent tout simplement décider de quitter notre pays plutôt que de se soumettre à de telles conditions. Toutefois, quand nos chefs d'entreprise se débattent pour qu'on augmente la capitalisation de leur société, on leur dit que notre réglementation est trop compliquée et que notre régime fiscal est trop lourd. Les investisseurs ne veulent pas geler leurs capitaux inutilement. Ce sont là des choses dont, dans une économie mondialisée, nous devrons commencer à nous inquiéter. Le président: Est-il exact que la plupart des autres pays permettent aux banques de vendre de l'assurance? M. Anderson: En Europe, c'est le cas. Le président: Qu'en est-il aux États-Unis? M. Anderson: Effectivement, aux États-Unis, les banques peuvent vendre de l'assurance. Le président: Vous me semblez ne souligner que les aspects négatifs de la situation au Canada, mais si nous voulions en venir à la pleine concordance avec les autres pays, c'est ce qu'il nous faudrait faire, n'est-ce pas? M. Anderson: Je ne crois pas que ces deux questions soient reliées. Le président: Selon moi, si nous voulons occuper pleinement notre place sur le marché international, cet élément doit entrer en ligne de compte. Le sénateur Oliver: Voulez-vous répondre à cette question? M. Anderson: Votre comité, tout comme le groupe de travail MacKay, ont reconnu à de nombreuses occasions qu'il n'y a pas naturellement de synergie entre notre secteur et celui des banques. Cela s'explique notamment du fait de la nature concentrée et du poids considérable du secteur bancaire au Canada, ce qui est tout à fait différent de ce qu'on observe à cet égard en Europe ou aux États-Unis, ou encore à peu près n'importe où ailleurs dans le monde. Par exemple, l'Allemagne compte 3 000 banques... Le président: Ce n'est pas le cas. Dans de nombreux pays européens, le marché bancaire est fortement concentré, par exemple aux Pays-Bas et en Suisse. M. Anderson: Ce sont les deux seuls pays où cela s'avère. Le président: Vous affirmez des choses qui ne sont pas exactes. Le sénateur Meighen: La Suisse a des banques de deuxième et de troisième rangs. Le président: On y trouve également des banques dominantes, comme chez nous. Le sénateur Meighen: Nous n'avons pas, comme les Suisses, de banques de deuxième et de troisième rangs. Le président: Je ne vois pas comment cela peut y changer quelque chose. M. Anderson: Sénateur, il va sans dire que ce débat n'est pas clos à jamais. Il sera repris lors de l'examen des prochaines mesures législatives qui seront proposées, comme ce fut invariablement le cas dans le passé à de telles occasions. Nous nous réjouissons, de notre côté, de ce qu'on se soit penché sérieusement sur la question au cours des six dernières années. Le gouvernement a eu trois occasions de se demander ce qu'il ferait à cet égard, et il a décidé d'aller de l'avant avec la structure actuellement proposée, qui n'est toutefois pas immuable. Le point que je cherche à faire valoir concernant la réglementation, c'est que, indépendamment de la structure des services financiers dans les divers pays, il nous faut garder à l'esprit que nous avons au Canada un problème particulier de par la façon dont nous réglementons nos institutions financières, étant donné que chaque province ainsi que le gouvernement fédéral ont leur mot à dire dans la gestion de ces sociétés, ce qui entrave la concurrence. J'ai participé à un dîner l'autre soir avec le Surintendant des institutions financières, où étaient également présents des représentants de banques, M. Daniels et bien d'autres. On nous a demandé de mettre sur la table les problèmes qui se poseront dans l'avenir, et c'est de cette question que nous avons surtout parlé. Le sénateur Oliver: De la réglementation? M. Anderson: Oui. Le président: Nous partageons votre opinion là-dessus. Nous ne sommes pas certains de ce que nous devrions faire à cet égard. M. Anderson: Je ne le suis pas moi non plus. Le sénateur Oliver: À propos d'exigences en matière de capitalisation, y a-t-il une différence entre les exigences prévues dans le projet de loi C-8 et celles qui ont cours aux États-Unis? Si oui, dans quelle mesure ces exigences sont-elles plus sévères chez nous? M. Kovacs: Nombre des questions que nous soulevons ne sont pas forcément abordées dans le projet de loi C-8. Il y a tout un cadre réglementaire - tant provincial que fédéral - qui existe indépendamment de ce que prévoit le projet de loi C-8. Nous sommes d'avis que la connaissance de ce qui se fait ailleurs dans le monde est d'importance cruciale pour nous au moment de prendre des décisions. Dans certains cas, il peut être important que notre décision concorde avec ce qui se fait dans le reste du monde, alors que dans d'autres cas, nous pourrions délibérément opter pour une orientation différente ici au Canada. Il y a des cas où il est logique d'agir différemment. Nous sommes fiers du rôle que votre comité et d'autres ont joué en ce qui concerne ce dont nous avons parlé à propos de la nécessité d'être prêts en prévision d'éventuels tremblements de terre. L'approche que nous avons adoptée fait d'ailleurs maintenant école dans le monde. Nous avons l'un des systèmes les plus avancés qui soit. Il y a des domaines où il est dangereux de ne pas s'aligner sur ce qui se fait ailleurs dans le monde. Le cas échéant, cela équivaut à émettre un signal négatif. Nous y perdons alors sur le plan des emplois et d'autres façons. Le projet de loi C-8 tient compte de cette réalité. Il y a évolution sur certains plans, notamment en ce qui touche la protection des consommateurs. D'autres aspects ne sont pas formellement abordés dans le projet de loi C-8 et devront l'être à une autre étape de notre recherche de solutions. Par exemple, la question des exigences de notre pays envers les sociétés d'assurances en matière de capitalisation en regard de ce que sont ces exigences ailleurs dans le monde n'est pas expressément abordée dans ce projet de loi. Les discussions auxquelles nous participons actuellement à propos des pratiques comptables et de l'hypothèse d'amener le Canada à s'aligner sur le reste du monde à cet égard ne s'inscrivent pas dans le cadre de l'examen du projet de loi C-8. Cette préoccupation a émergé d'une autre tribune. Les soi-disant avantages que présenterait la situation actuelle - et que d'ailleurs nous mettons doute - ainsi que les coûts que, selon nous, cette situation engendre sont des préoccupations qui, jusqu'à maintenant, n'ont pas fait l'objet d'un débat élargi. Le sénateur Oliver: Si je m'en reporte à ce que vous avez affirmé tous les deux, il me semble que vous faites une grave erreur en omettant de soulever maintenant vos craintes à propos d'une réglementation que vous jugez excessive. Je sais que votre société, comme bien d'autres, souhaite désespérément que ce projet de loi soit adopté. Cependant, vous auriez tort de ne pas profiter de toutes les tribunes pour faire valoir votre point de vue sur cette question. Si les dispositions du projet de loi relatives à la réglementation posent des problèmes que vous n'osez pas soulever pour des raisons qui vous sont personnelles, quand croyez-vous que ces problèmes seront soulevés? Ne croyez-vous pas qu'une fois que le projet de loi sera adopté, il sera déjà trop tard? Pourquoi ne pas exposer vos inquiétudes à ce sujet devant le comité dès maintenant, de manière à ce que nous puissions au moins commencer à y réfléchir? M. Anderson: Je ne crois pas que nos observations à cet égard, comme le président me l'a déjà rappelé à deux reprises, aient directement quelque chose à voir avec le projet de loi C-8. Autrement dit, nos préoccupations s'inscrivent dans une perspective plus large. Par exemple, nous soulignons le fait que les provinces travaillent parfois de concert, parfois en conflit, avec le gouvernement fédéral quand une mesure législative comme celle-ci est mise en application. Le contexte réglementaire entourant le projet de loi C-8 n'est pas pour nous un important sujet de préoccupation, sauf sur un plan précis. Nous sommes préoccupés par les dispositions du projet de loi qui ont trait à un nouveau mécanisme de règlement des différends impliquant le consommateur. Nous participons activement actuellement à un Forum conjoint de discussion sur la façon dont nous allons nous orienter à cet égard. Nous militons énergiquement en faveur de laisser l'industrie établir ses propres mécanismes de traitement des plaintes dans le respect de principes directeurs établis à l'échelle nationale. Nous fonctionnerions tous, comme nous le faisons déjà dans le cas de la protection des renseignements personnels, sur la base d'un ensemble de normes nationales que nous serions tenus de respecter. Les consommateurs pourraient s'adresser à un guichet unique pour présenter leurs doléances concernant des services bancaires ou d'assurance et se voir diriger vers les responsables compétents du secteur concerné. Le sénateur Oliver: Combien de ces équipes de responsables devrait-il y avoir selon vous - une pour le secteur bancaire et une pour le secteur des assurances? M. Anderson: Il y en aurait autant qu'il y a de secteurs de services financiers au Canada. L'autre modèle possible - qui m'inquiète énormément - comporterait la mise sur pied d'un organisme national dont le personnel n'aurait assurément pas la compétence voulue pour traiter l'ensemble de ces questions. Avec un tel organisme national, nous risquerions d'avoir à reléguer des cas, qui devraient normalement se régler dans le secteur concerné, à un système central où ils dormiraient pendant des années avant d'être examinés de près, si tant est qu'ils le soient un jour. Voilà ce qui nous inquiète au plus haut point. Nous sommes favorables à un guichet unique en ce qui touche le dépôt des plaintes. Nous sommes en faveur d'un système auquel tout le monde serait tenu d'adhérer. Nous nous opposons à ce qu'on crée une autre société d'État fédérale qui viendrait se mêler des affaires de tout le monde. Le sénateur Angus: Il y a un point sur lequel je crois qu'il vaudrait la peine de revenir parmi ceux que le sénateur Oliver a soulevés dans ses questions. Si je vous ai bien compris, outre la question de la fiscalité, vous dites que le secteur de l'assurance de dommages doit assumer au Canada un fardeau réglementaire excessif comparé à ce qu'il en est à cet égard dans d'autres pays où nous faisons des affaires. Vous soutenez que cette réglementation constitue une entrave pour les sociétés étrangères d'assurances de dommages qui désirent s'établir au Canada ou pour les filiales de sociétés étrangères qui s'installent chez nous. Nos exigences réglementaires ne seraient pas conformes aux normes internationales ou en harmonie avec celles qui existent au Royaume-Uni, en Allemagne ou en Italie. Est-ce bien cela? Est-ce là le point que vous vouliez faire ressortir? M. Anderson: Oui, mais je n'irais pas jusqu'à dire que nous sommes actuellement à cet égard gravement déphasés. Ce que je crains, c'est que nous ne le devenions. Les mécanismes dont nous disposons dans notre pays pour nous amener à nous mettre au pas sont très difficiles à appliquer. Par exemple, nous croyons qu'il serait souhaitable que, dans le Canada Atlantique, nous n'ayons qu'une loi uniforme sur les assurances. Il y a deux millions de personnes qui vivent dans cette région du pays. L'établissement d'un seul ensemble de règles en matière d'assurances et d'un processus uniformisé d'enregistrement des entreprises serait une bonne chose, tout le monde en convient. Le sénateur Angus: Notre comité s'est penché sur la question des commissions des valeurs mobilières, où l'on est censé faire preuve d'innovation et de créativité. S'agit-il d'un projet de ce genre? M. Anderson: Oui. Sauf tout le respect que je dois aux premiers ministres de ces provinces, cela fait maintenant cinq ans que nous en parlons et ce projet n'est toujours pas réalisé. Le sénateur Oliver: Vous dites que tout le monde serait d'accord sur une telle solution. M. Anderson: Si ce projet ne s'est pas encore matérialisé, c'est que chaque province a quelque chose de spécial qu'elle tient à soustraire à la loi. C'est ce qui explique qu'au lieu d'aboutir à l'adoption d'une loi en ce sens, nous en sommes tenus à un simple énoncé d'intention d'harmonisation. C'est mieux que rien, mais s'il nous faut tant de temps et surmonter tant d'obstacles pour concrétiser une telle intention, qu'en sera-t-il dans un contexte international où il nous faudra chercher à nous remettre à niveau ou à harmoniser nos façons de faire avec les pays avec lesquels nous sommes en concurrence? Cela nous inquiète. Je ne veux pas dire que le fardeau de notre réglementation est excessif au point de nous empêcher de faire des affaires ailleurs dans le monde. Ce n'est certes pas le cas actuellement, mais je crains fort que ça ne le devienne dans l'avenir. Nous avons des exemples de situations où c'est déjà ce qui se produit. Le sénateur Angus: Le BSIF est l'organisme fédéral qui est chargé de réglementer votre industrie, mais ce n'est pas tellement cet organisme ou le cadre réglementaire fédéral qui vous posent problème. Votre secteur étant de compétence provinciale, le problème tient plutôt à l'absence d'harmonisation des règles entre les provinces, n'est-ce pas? Ou le gouvernement fédéral pose-t-il problème lui aussi? M. Anderson: Nous sommes passablement satisfaits du travail du BSIF. Maintenant que le surintendant actuellement en poste s'apprête à prendre sa retraite, nous ne le craignons plus autant. Nous avons même commencé à l'admirer. Le sénateur Angus: Il se tient complètement à l'écart des affaires du secteur de l'assurance de dommages. M. Anderson: Nous avons nos problèmes avec le BSIF, notamment en ce qui concerne ses relations avec la province de l'Ontario en matière d'assurance automobile. Qui prend soin de tenir compte du fait que ce fardeau réglementaire cumulatif constitue une entrave à notre capacité de faire des affaires? De la façon dont notre système est structuré actuellement, personne ne le fait. Il en résulte une réglementation opportuniste et des effets multiplicateurs. J'ai bien peur que nous ne cherchions à tout réglementer en dehors de nos frontières non seulement à intérieur du Canada mais partout dans le monde. Nous devons nous montrer prudents à cet égard. Le président: Vous auriez dû aborder cette question dans votre mémoire. Vous avez là des arguments intéressants. Le sénateur Meighen: Monsieur Anderson, vos membres seraient-ils les mieux placés pour offrir l'assurance cautionnement financier si on pouvait le faire au Canada? Pourquoi ne pouvons-nous pas le faire au Canada? Essayez-vous, comme les représentants du BSIF nous l'ont indiqué hier, d'engager des discussions avec le BSIF pour voir si vous ne pourriez pas offrir ce type d'assurance dans l'avenir? M. Anderson: Merci de m'avoir posé la question à laquelle nous nous étions préparés à répondre. Le sénateur Meighen: C'est vous-même qui m'avez demandé de vous la poser! M. Kovacs: L'assurance cautionnement financier est offerte au Canada à quiconque veut se la procurer. Généralement parlant, toutefois, on ne peut souscrire ce genre de police qu'auprès de sociétés étrangères. La plupart des assureurs qui ont tenté d'offrir ce produit au Canada n'ont pas obtenu de résultats satisfaisants. Ils y ont perdu de l'argent. C'est un produit très difficile à commercialiser. La plupart des assureurs qui, à notre connaissance, ont essayé de se lancer dans ce domaine, faisaient partie du secteur de l'assurance de dommages. Il s'agit d'un produit extrêmement différent de ceux qu'offre normalement notre secteur. C'est un produit qui pose problème. Offrir une protection à caractère financier, ce n'est pas comme offrir une protection contre l'incendie, les accidents et d'autres risques plus courants. Il y a dans le monde des sociétés d'assurances de dommages qui offrent ce genre de produit. Avec une certaine insistance, nous nous sommes adressés à nos membres pour leur demander si ça ne les intéresserait pas de se lancer dans ce domaine. La difficulté dans leur cas tient en partie à ce qu'il leur faudrait mettre sur pied une équipe qui s'y connaît en la matière. S'intéresser à ce domaine voudrait également dire que l'organisme responsable de la réglementation mette au point les procédures requises pour surveiller les assureurs qui offriraient ce genre de produit, car s'il s'y connaît en matière d'assurance automobile ou d'assurance de dommages en général, il n'a certes pas eu l'occasion d'acquérir au Canada l'expertise voulue en matière d'assurance cautionnement financier. Le dialogue à ce sujet se poursuit actuellement. Nous encourageons les sociétés d'assurances à y songer. La principale raison pour laquelle à l'heure actuelle il n'y a pas beaucoup d'assureurs canadiens qui exercent ce type d'activité, c'est que, dans le passé, ce domaine ne s'est pas révélé rentable dans notre pays. C'est un produit à risque. Sur une plus grande échelle, il y a certaines sociétés d'assurances étrangères qui offrent aux Canadiens ces produits. Cela peut se faire. Certaines de ces sociétés en tirent des profits, mais celles qui se sont essayées dans ce domaine au Canada ont connu des résultats négatifs. Le sénateur Meighen: On le fait aux États-Unis, n'est-ce pas? M. Kovacs: C'est exact. Le sénateur Angus: Les règlements et les lettres patentes de la Lloyd's, par exemple, n'interdisent-ils pas l'offre d'assurance cautionnement financier? M. Kovacs: Je ne saurais dire ce qu'il en est de cette société, mais je ne serais pas étonné que ce soit le cas. D'après ce que j'ai entendu dire, certaines sociétés s'y seraient essayées et auraient décidé de ne plus jamais le faire. La Lloyd's est peut-être de celles-là. Si une société canadienne voulait se procurer ce produit, elle pourrait le faire. Le président: Merci beaucoup d'avoir comparu devant nous. Notre dernier témoin aujourd'hui nous vient de L'Ombudsman bancaire canadien. J'accueille maintenant l'ombudsman bancaire canadien. Avez-vous une déclaration préliminaire à faire? M. R. Michael Lauber, FCA, ombudsman et chef de direction, L'Ombudsman bancaire canadien: Nous avons fait distribuer notre mémoire plus tôt et nous avons remis au greffier deux ou trois autres documents d'information. Je suis l'ombudsman bancaire canadien. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Peggy-Anne Brown, de Vancouver, présidente depuis quatre ans du conseil d'administration de L'Ombudsman bancaire canadien Inc. Je vous remercie de nous avoir invités à participer à l'examen du projet de loi C-8 que votre comité effectue. Nous voulons vous parler aujourd'hui de la proposition de création du poste d'ombudsman des services financiers du Canada, l'OSFC, et de la nécessité d'avoir un système de recours plus exhaustif. Faute de temps, je vais me contenter de vous donner un aperçu des services de L'Ombudsman bancaire canadien Inc., dont vous trouverez une description plus détaillée dans le document que vous avez entre les mains. Je vous invite à le lire. L'OBC est un organisme dirigé par un conseil d'administration dont la majorité des administrateurs n'ont aucun lien de dépendance avec les banques qui en sont membres. Je relève personnellement de ce conseil d'administration. Nous défendons les intérêts de la petite entreprise et du consommateur. Nous traitons les dossiers de l'ensemble du groupe financier des banques, ce qui englobe les questions relatives aux opérations bancaires, aux valeurs mobilières, aux fonds communs de placement ainsi qu'aux assurances, tant l'assurance-vie que l'assurance de dommages. Nous ne nous occupons pas de questions systémiques, comme celles relatives aux frais de service, aux fermetures de succursales, et cetera. Normalement, ces questions relèveraient plutôt de l'Agence de la consommation en matière financière. Non pas que les cas de cette envergure soient représentatifs des dossiers que nous traitons, mais le plus important règlement que nous ayons eu à recommander au cours des ans était de l'ordre de 260 000 $, et j'ai personnellement agi comme médiateur dans un règlement de l'ordre de 500 000 $. C'est donc dire qu'il nous arrive de traiter des cas passablement importants, mais ceux que nous traitons habituellement sont plutôt de l'ordre de 5 000 $ à 10 000 $. J'aimerais maintenant vous parler de l'OSFC proposé dans le projet de loi C-8. Dans son livre blanc de juin 1999, le ministre des Finances précise que le gouvernement fédéral travaillera avec les institutions financières dans le but de mettre en place un ombudsman indépendant du gouvernement et de l'industrie, qu'on désigne alors sous le nom d'OSFC. En vertu du projet de loi C-8, les banques et leurs affiliés désignés seraient tenus d'être membres de l'OSFC une fois celui-ci créé, alors que d'autres institutions financières sous réglementation fédérale pourraient adhérer à l'OSFC mais seraient néanmoins tenues de participer à un système de règlement des différends indépendant. Le projet de loi dispose que le ministre pourra nommer la majorité des administrateurs de cet organisme. L'OBC appuie l'initiative de création de l'OSFC en ce sens que ce dernier sera indépendant à la fois de l'industrie et du gouvernement. Comme il n'aura sans doute pour membres que des banques, comme on l'a déjà mentionné, il constituera donc simplement une réplique de l'OBC. Nous croyons toutefois que le modèle de l'OSFC ne correspond pas tout à fait aux recommandations qu'avait formulées votre comité dans le cadre de l'examen de 1998 du rapport du groupe de travail MacKay. Votre comité avait conclu que le service de l'ombudsman devrait englober toutes les institutions de services financiers et être indépendant de l'industrie, mais qu'il ne devait pas être créé au moyen d'une loi. Mme Brown va maintenant vous entretenir d'une solution de rechange. Mme Peggy-Anne Brown, présidente du conseil d'administration, L'Ombudsman bancaire canadien: Le conseil d'administration de l'OBC a toujours appuyé l'idée d'un ombudsman unique et indépendant assurant une protection intégrale à tous les consommateurs des services financiers. Nous avons d'ailleurs fait cette recommandation au groupe de travail MacKay en 1997. Étant donné la convergence qui se produit actuellement dans le secteur financier, la nécessité de ce genre de service unique n'a jamais été aussi grande. Après l'adoption de ce projet de loi, il sera de plus en plus difficile de faire la distinction entre les services d'une banque, d'une compagnie d'assurance-vie, d'une société coopérative de crédit ou encore d'une maison de courtage. Imaginez un peu les questions de compétence qu'il faudra prendre en considération lorsque la Banque de commerce et le Groupe Great West Life Investors feront de l'interdistribution de produits, ou qu'un groupe de planification financière émettra une carte de crédit MBNA ou encore que Merrill Lynch et HSBC participeront conjointement à des investissements. Les méthodes de règlement des différends fondées sur le cloisonnement - banques, assureurs, sociétés d'investissement, et cetera. - pourraient donner lieu à de grandes lacunes pour les consommateurs. C'est pourquoi le groupe de travail MacKay déclarait que «ce serait un pas en arrière que de créer des bureaux d'ombudsman distincts pour chacun des piliers précédents». Les consommateurs seraient plutôt perturbés s'ils devaient choisir entre divers processus de règlement des conflits légèrement différents, ou bien s'ils devaient utiliser plus d'un processus dans le cadre d'un différend chevauchant plusieurs champs de compétence. L'idée d'un seul ombudsman traitant avec tous les consommateurs des différents segments du secteur des services financiers a été endossée par le groupe de travail MacKay, par les membres de votre comité, par les membres du Comité permanent des finances et, plus récemment, par le Secrétaire d'État Peterson lorsqu'il a présenté le projet de loi C-8 à la Chambre, à l'étape de sa deuxième lecture. Les groupes de consommateurs - et je crois que vous avez entendu les porte-parole de l'ACC hier - appuient eux aussi le concept d'un ombudsman national unique qui offrirait un seul moyen de traiter toutes les plaintes. Cette option serait facile à utiliser par les consommateurs et supprimerait les écarts dans la couverture et les champs de compétence. L'ombudsman national unique représente aussi l'orientation adoptée par le Royaume-Uni, et l'Australie prend lentement cette direction. Il existe actuellement une initiative visant à créer un ombudsman national unique pour l'ensemble des services financiers. Le Forum conjoint des autorités de réglementation du secteur financier est une association d'organismes provinciaux de réglementation de l'assurance, des valeurs mobilières et autres, mise sur pied pour tenter d'harmoniser les lois sur les services financiers de l'ensemble du Canada. Le Forum a créé un groupe de travail composé de représentants du gouvernement fédéral et du secteur des services financiers, dont le but est d'essayer de mettre en place un processus national de règlement des différends englobant tous les services financiers, des banques aux assureurs en passant par les planificateurs financiers et les sociétés de placement, en conformité avec les recommandations formulées par votre comité en 1998. Le groupe de travail s'est réuni à deux reprises. Nous invitons donc expressément votre comité à encourager le gouvernement à poursuivre en toute priorité ses efforts, en collaboration avec l'industrie et les provinces, par l'entremise du Forum. Un tel processus mettrait fin au système de mesures disparates et déroutantes qu'entraîne la présence de plusieurs ombudsmans à travers le pays. Plus particulièrement, le gouvernement devrait retarder sa décision concernant l'OSFC en attendant les conclusions du groupe de travail du Forum, probablement à la fin de l'année. Le fait de repousser les décisions concernant l'OSFC ne coûte rien et ne comporte aucun risque, en plus de laisser le temps au projet national global de se développer. Ce report n'aurait aucune incidence sur le cheminement du projet de loi C-8, et le gouvernement pourrait toujours revenir au modèle de l'OSFC si les travaux du Forum ne débouchent sur rien. M. Lauber: Entre-temps, l'OBC continuera d'exercer ses activités et de venir en aide aux consommateurs et au milieu de la petite entreprise. Encore une fois, je vous remercie de nous avoir invités à venir témoigner devant votre comité. Il nous fera maintenant plaisir de répondre à vos questions. Le sénateur Angus: onsieur Lauber et madame Brown, merci pour votre mémoire. J'ai une question à vous poser qui pourrait vous permettre d'étoffer un peu les propos que vous venez de nous tenir. Pourriez-vous nous donner un exemple illustrant le problème inhérent au fait d'avoir plusieurs ombudsmans pour traiter des questions relatives aux différentes institutions de services financiers? M. Lauber: Un exemple qui est utilisé dans les documents que vous avez en main, c'est celui d'une entente de marchandisage entre le Groupe Great West Life Investors et la CIBC. Disons que je suis un client de la CIBC et que j'y achète un produit d'assurance. Après quelques années, un problème se présente. Je m'adresse à la banque, qui, après examen, prétend que la question ne relève pas d'elle puisqu'il s'agit d'un problème d'assurance. Je m'adresse donc à l'ombudsman des assurances, qui me dit que non, il ne s'agit pas là d'un problème d'assurance mais plutôt d'un problème relatif à une vente et que le vendeur du produit est la banque. Je dois donc me tourner de nouveau vers la banque. La même situation pourrait donc exister dans un cas mettant en cause la HSBC et Merrill Lynch. Si l'ombudsman n'a de compétence que sur la HSBC et que le problème concerne Merrill Lynch, que fera-t-on alors? Il y a toutes sortes de failles. À mesure qu'il y aura davantage de convergence entre les divers secteurs de l'industrie, il se posera de plus en plus de tels problèmes pour le consommateur. Par contre, si l'on n'avait qu'un service d'ombudsman ayant compétence sur l'ensemble des secteurs de l'industrie, le dossier pourrait passer d'un responsable à l'autre au sein de la même organisation, mais il n'y aurait au bout du compte qu'un seul décideur. Mme Brown: J'aimerais souligner que cela serait non seulement plus efficace, mais aussi plus rapide pour le consommateur, ce qui répondrait à un besoin réel. Le sénateur Angus: J'ai noté que vous étiez présents quand les témoins du Bureau d'assurance du Canada ont répondu aux questions du sénateur Oliver. Ils ont fait valoir que le personnel du bureau de cet ombudsman devrait avoir une connaissance incroyablement étendue des divers secteurs de l'industrie pour pouvoir rendre des jugements rationnels et intelligents. Avez-vous une opinion là-dessus? M. Lauber: C'est vrai. Il y a dans ce domaine, notamment dans les secteurs des assurances et des valeurs mobilières, une foule de lois et de règlements. Au Royaume-Uni, il y avait auparavant huit ombudsmans dans le secteur des services financiers. On est à les regrouper en une seule organisation. On a créé un bureau ayant à sa tête un ombudsman en chef et qui comprend trois divisions: les services bancaires, les assurances et les placements. Naturellement, les responsables dans chacun de ces groupes se devront d'acquérir l'expertise voulue. Il s'agit davantage d'une question d'affectation et d'embauche de personnel que d'une question de structure. Si l'on optait pour une structure comportant cinq organisations cloisonnées, il n'en faudrait pas moins mettre l'accent sur la connaissance. Le sénateur Angus: Ce serait une opération coûteuse. M. Lauber: Bien que la connaissance soit très importante, au bout du compte, il s'agit d'analyser la situation, qui se ramène souvent à une question d'équité. Dans la plupart des cas, on n'a pas besoin d'être un expert pour établir ce qui est juste. Le sénateur Angus: Je suis sûr que le sénateur Hervieux-Payette doit être désolée de n'avoir pu participer à notre séance de ce matin. Elle a acquis une expertise particulière dans votre domaine. Je suis personnellement désolé de n'avoir pu assister à la séance de l'autre jour. J'avais un autre engagement. D'autres témoins ont dit, comme vous, qu'il serait prématuré à ce moment-ci d'aller de l'avant avec le projet d'OSFC, et qu'il vaudrait mieux attendre que le Forum conjoint des autorités de réglementation du secteur financier ait terminé son étude. Vous nous demandez de faire tout notre possible pour retarder la mise en oeuvre de ce projet, si seulement il doit voir le jour. Que nous suggérez-vous de faire en ce sens? M. Lauber: La loi est permissive à cet égard. En d'autres termes, elle dit que «le ministre peut». Sur le plan législatif, on n'est pas tenu d'aller de l'avant immédiatement sur cette question. La décision demeure une question de jugement. Nous croyons que, sur le plan de l'intérêt public, le consommateur comme l'industrie seraient mieux servis par l'organisme national unique auquel songe le Forum conjoint. En créant le poste d'OSFC, on compromettrait, à mon avis, les chances que cet autre projet se réalise. C'est le danger auquel on s'expose si on va de l'avant avec le projet d'OSFC. Je vois mal qu'on mette sur pied un tel organisme et qu'on fasse marche arrière six mois plus tard. Une fois qu'on l'aura créé, on aura tendance à vouloir qu'il survive, sans compter qu'il faudra un certain temps pour le démanteler. Nous sommes d'avis qu'il faudrait donner sa chance au Forum conjoint. Le sénateur Angus: Pour m'assurer que je vous comprends bien, j'aimerais savoir si, selon vous, dans l'éventualité où le gouvernement, dans sa sagesse, retarderait la création du poste d'OSFC et où on donnerait plutôt suite à cette autre proposition, cela signifierait l'abandon à jamais du projet de création de l'OSFC. M. Lauber: Je le crois, car nous n'en aurions plus besoin. Nous aurions alors un organisme national englobant tous les segments du secteur des services financiers. La création d'un organisme fédéral deviendrait alors inutile. Au regard de l'intérêt public, je vois un bon côté à ce qu'on en vienne là. Au fil des ans, nous avons cherché sans trop de succès à rationaliser certaines opérations du secteur des services financiers. Nous avons eu la Commission nationale des valeurs mobilières il y a deux ou trois ans; plus récemment, nous avons mis sur pied un régime d'agrément des planificateurs financiers, qui est en quelque sorte en train de se désintégrer un peu au fil du temps. Il serait souhaitable que nous connaissions enfin une réussite fédérale-provinciale dans le secteur des services financiers. C'est un projet qui n'est pas menaçant. Il ne nécessite l'adoption d'aucune loi ni règlement. Il s'agit simplement d'une organisation mise sur pied par un organisme, et ce, en toute indépendance par rapport à l'industrie et au gouvernement. Cette organisation n'aurait pour toute fonction que de se pencher sur les différends susceptibles de survenir entre les institutions financières et leurs clients. C'est un organisme qui oeuvrerait en deçà de l'horizon réglementaire. Ce ne serait pas un organisme de réglementation. Peut-être qu'on pourrait conclure une entente fédérale-provinciale pour permettre sa création. Ce serait beau d'en arriver à une telle réussite. Le sénateur Angus: N'est-ce pas que ce serait beau? M. Lauber: Oui, et peut-être qu'à partir d'une petite réussite on pourrait en arriver à de plus grandes. Le président: Il vous faudra une entente fédérale-provinciale. M. Lauber: Les responsables de la réglementation qui constituent le Forum conjoint tentent, de concert avec des représentants du ministère des Finances, d'amener les représentants de l'industrie à résoudre ensemble certaines de leurs divergences pour créer un organisme non gouvernemental. Le président: Pourriez-vous répondre par un oui ou par un non? M. Lauber: À mon sens, il ne s'agit pas tellement d'obtenir une approbation fédérale-provinciale, mais simplement une acceptation. Le président: C'est du pareil au même, selon moi. Le sénateur Furey: Ma question sera brève. Vous avez mentionné dans vos observations que l'OBC ne s'occupe pas de questions systémiques. Je crois qu'à cet égard vous avez donné en exemple les prix et les produits en général, les taux d'intérêt, les fermetures de succursales, et cetera. Vous avez affirmé que de telles questions relèveraient probablement plutôt de l'ACFC en sa qualité d'organisme de réglementation. Si on assistait à une fusion de l'OCB et de l'OSFC, ces questions, selon vous, seraient-elles sous le couvert d'un parapluie unique, ou continuerait-on d'en traiter séparément? M. Lauber: Non, je trouve qu'on devrait continuer de les traiter à part. Je vous rappelle que l'ombudsman s'occupe de problèmes individuels de clients avec leur institution financière. Ce n'est pas vraiment le rôle d'un ombudsman que de s'occuper des grandes questions systémiques. Ces dernières relèvent plutôt de l'organe responsable de la réglementation. Le sénateur Furey: Cela vaut-il même s'il est probable que le grand public aurait du mal à s'y retrouver? M. Lauber: C'est un bon point, mais nous n'avons pas de difficulté avec les gens qui s'adressent à nous et qui écoutent nos explications. Ils comprennent que nous ne pouvons résoudre tous les problèmes de frais de service qui se posent dans le pays. Le sénateur Furey: Merci. Le sénateur Kelleher: Monsieur Lauber, vous recommandez qu'on retarde de six mois la création de ce poste, ce qui m'apparaît souhaitable. Avez-vous eu l'occasion de discuter de cette question avec les représentants du ministère des Finances? Quelle est leur attitude à cet égard? M. Lauber: Pour le moment, je ne sais pas trop encore s'ils ont l'intention d'aller de l'avant avec ce projet. Nous avons eu certaines indications que le processus actuellement mené par le Forum conjoint a de bonnes chances d'être plus rassembleur, pour ainsi dire, et il serait idiot de notre part de ne pas en attendre les résultats. Cependant, je ne crois pas que la position des gens du ministère soit claire à ce sujet. Le sénateur Kelleher: Compte tenu de cette attitude des gens du ministère des Finances, vous nous dites, si je vous ai bien compris, qu'il serait utile que notre comité recommande ce report? M. Lauber: Nous sommes toujours heureux de recevoir l'appui des sénateurs. Le président: Une dernière question. M. Peterson a-t-il fait savoir qu'il ferait de même lui aussi, à savoir qu'il recommanderait ce report? Vous l'avez cité dans votre mémoire. M. Lauber: Je n'ai pas en main le texte intégral de notre mémoire, mais je pourrais vous le faire parvenir. Essentiellement, M. Peterson a dit, en parlant du mécanisme national de règlement des différends, que ce serait là un objectif souhaitable. Il a ensuite félicité Dina Palozzi, surintendante et directrice générale de la Commission des services financiers de l'Ontario, et Doug Hyndman, président de la B.C. Securities Commission, qui dirigent le mouvement en ce sens, pour leur leadership concernant cette question. Le président: Avez-vous l'impression qu'il serait d'accord pour qu'on reporte à plus tard la création de ce poste? M. Lauber: Oui, je suis porté à le croire. Le président: Le projet serait-il reporté jusqu'à ce que le Forum ait terminé ses travaux? M. Lauber: Exactement, pourvu que le délai soit raisonnable. Le président: Merci de votre intéressant exposé. La séance est levée.