Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 22 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 7 novembre 2001
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 15 h 45 pour examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier canadien et international.
Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Mesdames et messieurs, bon après-midi. Le présent volet de l'enquête vise à conclure notre étude. Nous nous réunirons peut-être encore une fois parce que des représentants du secteur du capital de risque entendent parler de nos travaux et que certains d'entre eux souhaitent comparaître devant nous. Nous leur demandons de nous faire parvenir leurs mémoires, qui seront passés au crible par des membres de notre personnel. Nous ferons parvenir à tous les sénateurs les conclusions finales, et nous choisirons deux ou trois d'entre eux. Nous menons la présente étude depuis longtemps, et je crois que vous serez d'accord avec moi pour dire que le moment est venu d'y mettre le point final.
Notre premier témoin nous vient de la magnifique ville de Winnipeg. Doug Davison représente le Crocus Investment Fund. Nous allons consacrer une heure à chacun de nos deux témoins. Vous disposez d'une heure que vous pouvez employer à votre guise. Je vous recommande fortement de limiter vos remarques à 15 minutes et de laisser le reste du temps pour la période de questions. La parole est à vous.
M. Doug Davison, vice-président principal, Crocus Investment Fund: Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui au nom du Crocus Investment Fund et à titre de représentant de l'industrie du capital de risque de travailleurs.
Des événements mondiaux tragiques, l'état actuel de notre économie et la nature de vos récentes délibérations m'ont permis de réfléchir à une question qui, me semble-t-il, peut vous être présentée clairement, c'est-à-dire comment un fonds de capital de risque assure volontairement le financement par actions en fonction des besoins régionaux et génère des capitaux additionnels pour la croissance et le bien-être locaux.
Monsieur le président, sénateurs, je pense que, avec la conclusion imminente de votre rapport, vous disposez d'une occasion tout à fait unique d'agir de manière à soutenir la croissance régionale pour le plus grand bien de notre économie. Mon intervention d'aujourd'hui vise à vous fournir de l'aide en ce sens.
Je vais vous présenter un point de vue très pragmatique et terre-à-terre, qui porte sur les actions et les résultats d'un fonds de travailleurs. J'espère ainsi contribuer à notre intérêt commun - il y a aujourd'hui, à cet égard, urgence en la demeure - en assurant la croissance, la stabilité, la préservation et l'approfondissement des assises démocratiques de notre économie.
Je limiterai mes commentaires à quinze minutes pour vous permettre de poser des questions.
Le Crocus Investment Fund est membre d'une alliance qui réunit d'autres fonds canadiens. Cette alliance se compose du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, du Working Opportunities Fund de la Colombie-Britannique, dont vous recevrez des représentants cet après-midi, du First Ontario Fund de l'Ontario et du Fonds d'investissement des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick.
Outre cette alliance, il existe une association des fonds de placement de travailleurs du Canada. Ensemble, nous représentons les 32 fonds de travailleurs du Canada.
Vous avez déjà reçu certains documents essentiels à vos délibérations. En août 1999, l'Alliance a témoigné devant le président Kirby. Le texte fait partie des documents que j'ai remis au greffier et que vous trouverez dans les reliures que vous avez devant vous. Monsieur le président, je vous demande que le document soumis en août 1999 soit consigné au compte rendu des délibérations de votre comité, s'il ne s'y trouve pas déjà.
Le président: Il y est déjà.
M. Davison: Vous avez également reçu des données industrielles habituelles. Les chiffres qui figurent sur la diapositive datent maintenant d'au moins un trimestre. Par souci de concision, je ne vais pas l'analyser en détail.
Nous entendons faire parvenir d'autres documents avant la limite fixée par le comité pour le dépôt de mémoires écrits. Vous les aurez donc en mains au moment de rédiger votre rapport final.
Nous sommes aujourd'hui confrontés à quelques enjeux. Nous avons besoin d'une nouvelle économie bénéficiant de nouveaux capitaux. On doit s'attaquer résolument aux besoins en déploiement de capitaux et en financement par actions. Il faut aussi que ces financements par actions et ces déploiements de capitaux produisent un impact régional et soient pertinents pour la collectivité. Les financements par actions doivent produire des résultats durables. Nous devons soumettre des rapports minutieux aux actionnaires, aux autres parties intéressées et, au bout du compte, au grand public. Nous devons périodiquement rendre compte des faits. Par-dessus tout, nous devons favoriser la croissance, particulièrement aujourd'hui.
J'aimerais maintenant vous présenter le point de vue pragmatique et terre-à-terre d'une région du pays de même que le fonctionnement d'un fonds de placement de travailleurs particulier dans la région en question.
J'aimerais vous faire connaître le Crocus Investment Fund et vous donner un bref aperçu de ce que lui réserve l'avenir.
Le fonds, établi au Manitoba, compte quelque 30 000 actionnaires. En fait, un peu plus de 30 000 personnes ont investi dans notre fonds. Nous détenons des actifs d'une valeur d'environ 170 millions de dollars, dont à peu près 125 millions de dollars en placements actifs. Nous avons investi dans une soixantaine de sociétés manitobaines, des plus diversifiées. Bon nombre d'entre elles oeuvrent dans le secteur des nouvelles technologies, en particulier des technologies de l'information et des sciences de la vie. Nous pourrons y revenir plus en détail.
Le mode de fonctionnement de notre fonds est résolument axé sur l'idée de la participation des employés aux sociétés dans lesquelles nous investissons. Il s'agit non pas d'une condition préalable, mais bien plutôt de l'approche que nous préconisons des services à valeur ajoutée, des questions relatives à la productivité et de la rentabilité dans notre portefeuille.
Aujourd'hui, il y a, à l'intérieur de ces quelque 60 sociétés, plus de 2 500 employés qui participent aux bénéfices, ce qui représente environ 26 p. 100 des employés des sociétés dans lesquelles nous investissons.
Nous sommes convaincus d'utiliser le capital de risque d'une manière différente. Au Manitoba, nous veillons à ce que nos placements produisent des synergies entre les entreprises dans lesquelles nous investissons. Nous avons créé à cette fin une table ronde des PDG. Le PDG de chacune des sociétés dans lesquelles nous investissons est membre d'office de cette table ronde.
Nous offrons ce que nous appelons du «capital de risque bonifié». À l'instar de la plupart des fonds qui prennent une participation dans des entreprises, nous mettons fortement l'accent sur la productivité et la rentabilité de nos entreprises, en misant sur les points forts de chacune tout en cherchant à faire fructifier la valeur de nos actions.
Dans le contexte du Crocus Investment Fund, l'expression «points forts des entreprises» signifie que nous nous efforçons de propos délibéré d'adopter une approche structurée des services à valeur ajoutée à l'intérieur de nos entreprises. Ces services à valeur ajoutée sont fournis dans trois secteurs de base. Le premier comprend la prestation de conseils sur le financement des entreprises et la génération d'activités indirectes de financement des entreprises au-delà de nos investissements. Le deuxième concerne un éventail de tâches liées à la régie d'entreprise. Le troisième porte sur les améliorations de la productivité et les pratiques de gestion à valeur ajoutée.
Les pratiques de gestion à valeur ajoutée et les régimes de participation des travailleurs aux bénéfices visent particulièrement la question de l'amélioration des pratiques de gestion à l'intérieur de nos entreprises. À cette fin, nous avons établi à l'Université du Manitoba un programme structuré de formation certifiée à l'intention des gestionnaires des sociétés dans lesquelles nous investissons, et nous offrons maintenant un certificat en gestion participative à ces entreprises. En même temps, nous recherchons, là où la situation l'exige, l'établissement d'un programme de participation des employés aux bénéfices à l'intérieur des entreprises. La conjugaison de ces deux facteurs contribue considérablement à la productivité et à l'approche de rentabilité de ces entreprises, ce qui, au bout du compte, ajoute à la valeur des actions de nos entreprises.
Le fonds a maintenant neuf ans. Nous sommes le principal fournisseur de capital de risque au Manitoba, mais pas le seul. En raison des activités de notre fonds, de la Chambre de commerce et de diverses administrations du Manitoba, surtout, nous avons maintenant un concurrent au Manitoba, connu sous le nom d'ENSIS Growth Fund. Nous considérons ce concurrent local comme un élément sain de notre milieu des affaires. Nous ne sommes pas le seul fournisseur, mais, avec 54 p. 100, nous sommes le principal fournisseur de capital de risque dans la province.
Nous exploitons notre fonds à titre d'entreprise de capital de risque bonifié, et nous sommes à la recherche d'effets qui se feront tôt ou tard sentir sur le développement économique de notre province. Par conséquent, on encourage bon nombre de nos employés à mener leurs activités d'une façon qui contribue de façon positive à l'économie de la province. Nous nous considérons comme une entreprise de développement économique.
Les questions relatives au pourcentage des dépenses de gestion (PDG) sont essentielles aux délibérations de diverses personnes au sujet de ces fonds et de tous les fonds d'actions. Chez nous, le PDG est de 3,54. Il est donc inférieur à la moyenne de notre secteur. Fait plus important, la question du PDG est pour une large part fonction du mode d'activité de l'entreprise. Dans notre cas, tous nos travaux de recherche liée à la diligence raisonnable s'effectuent à l'interne dans le cadre de nos placements. On n'achète pas de services à l'extérieur. Nous ne faisons pas l'acquisition de rapports générés par d'autres. En fait, nous nous occupons nous-mêmes des questions touchant la diligence raisonnable.
Le président: Qu'est-ce que le PDG?
M. Davison: PDG désigne le pourcentage des dépenses de gestion, soit essentiellement le coût de l'administration de notre fonds en proportion de nos actifs totaux.
Les services à valeur ajoutée que nous offrons exigent du temps et des ressources. Ce sont ces facteurs qui expliquent l'importance du PDG dans ce type d'entreprise.
À la lumière de nos résultats, nous sommes convaincus que les efforts et le temps que nous consacrons à un président-directeur général avant de décider ou non d'investir dans une société ne sont pas vains. En fait, les résultats sont concluants.
Dans la trousse que je vous ai remise aujourd'hui, vous trouverez un article d'un quotidien de Winnipeg daté d'hier dans lequel on fait allusion à certains de ces résultats. Quelques-uns des PDG de nos entreprises remportent année après année le prix de l'entrepreneur de l'année remis par la société Ernst & Young. Nous prenons le temps de chercher de telles personnes et de telles entreprises. Cela exige du temps et des ressources, ce qui ajoute au pourcentage des dépenses de gestion.
J'attire votre attention sur deux enjeux illustrés par le graphique. Le premier se trouve dans la colonne portant sur le rendement de notre fonds sans crédit d'impôt. Il s'agit de données sur le rendement de notre fonds par rapport au Small Cap Index de Nesbitt Burns. Il s'agit de l'un des principaux instruments de comparaison pour nos activités. Notre rendement sans crédit d'impôt est, dans une perspective pluriannuelle, supérieure à cet indice.
Le deuxième problème a trait à la dernière ligne du graphique, soit le risque sur trois ans. Il s'agit en réalité d'une mesure de la volatilité. Moins le risque sur trois ans est élevé, mieux vous vous êtes tiré d'affaire en ce qui a trait à la stabilisation du rendement pour les actionnaires. Comme notre risque sur trois ans s'établit à 7 p. 100 par rapport à 18 p. 100 pour le Small Cap Index de Nesbitt Burns, on doit conclure que nous sommes moins volatiles - et donc plus stables - dans une proportion de plus de deux pour un. Nos investissements tendent à être plus stables pour les investisseurs que ceux dont rend compte l'indice de Nesbitt Burns.
Le sénateur Fitzpatrick: Comment mesurez-vous ces facteurs? Les mesure-t-on à l'égard de sociétés cotées en bourse? Les mesure-t-on à la lumière de la valeur nette des actifs? Comment établissez-vous ces mesures?
M. Davison: La mesure correspond au rendement des sommes que nous avons investies dans les 60 entreprises auxquelles j'ai fait référence. Il est fonction du rendement des sociétés en question. Lorsque notre portefeuille de placements obtient un rendement égal à un niveau établi d'une année sur l'autre, la valeur de nos actions augmente.
Le sénateur Banks: La mesure correspond donc à la valeur des actions?
M. Davison: Exactement.
Le sénateur Fitzpatrick: La valeur des actions est-elle établie en fonction de la valeur nette des actifs de l'entreprise ou de la valeur marchande?
M. Davison: Elle est établie en fonction de la valeur marchande des entreprises dans lesquelles nous investissons.
Le sénateur Fitzpatrick: Il ne s'agit donc pas de sociétés cotées en bourse?
M. Davison: Il ne s'agit pas, dans la plupart des cas, d'entreprises cotées en bourse.
Le sénateur Tkachuk: Vous établissez la comparaison par rapport à quelles entreprises à petite capitalisation? Faites-vous la comparaison avec des entreprises à petite capitalisation du CDNX?
M. Davison: Sur cette illustration, j'utilise le Small Cap Index de Nesbitt Burns, soit une mesure nationale des activités d'investissement dans les entreprises à petite capitalisation.
Le président: Je suis un peu dérouté par le tableau, et je consulte des tableaux depuis longtemps. En ce qui concerne le tableau qui résume les rendements, on dirait, sous la colonne qui porte sur le rendement du fonds sans crédit d'impôt, que l'investisseur, au cours de la première année, aurait perdu 7,8 p. 100 de ses actifs. Est-ce bien ce que vous dites?
M. Davison: Les 7 p. 100 indiquent que notre fonds, par rapport à l'année précédente, a perdu 7,8 p. 100 de sa valeur.
Le président: Doit-on aussi comprendre que, après sept ans, le rendement général de l'investisseur est de 3,6 p. 100? Avez-vous établi une moyenne?
M. Davison: Il s'agit de 3,6 p. 100 mesurés sur sept ans. C'est exact.
Le président: Après avoir investi son argent pendant sept ans, on obtient un rendement de 3,6 p. 100. Est-ce exact?
M. Davison: Oui.
Le président: Je comprends bien les crédits d'impôt, mais, par rapport à d'autres fonds communs de placement, il s'agit d'un pourcentage extrêmement bas, non?
M. Davison: Par rapport à divers autres instruments, oui. Il s'agit cependant d'un pourcentage qui surpasse celui offert par d'autres instruments. Nous nous situons au milieu du peloton.
Le président: Qu'en est-il des obligations gouvernementales. Je ne cherche pas à vous harceler, mais, à titre d'investisseur, j'ai du mal à comprendre cette information.
Le sénateur Fitzpatrick: Je ne comprends toujours pas parfaitement comment vous pouvez déterminer la valeur marchande. S'agit-il d'une évaluation, du prix de vente éventuel des entreprises ou d'une mesure établie en fonction de la valeur nette des actifs? Vous avez dit qu'il ne s'agit pas d'entreprises cotées en bourse. Il ne s'agit donc pas de transactions hors cote ni officieuses.
M. Davison: Je vais tenter de répondre à votre question. Je ne suis pas un spécialiste de l'évaluation, et je ne possède pas la désignation des évaluateurs d'entreprises canadiens.
Une entreprise privée, qui n'est pas cotée en bourse et ne peut donc pas utiliser le marché pour mesurer sa valeur, se fait évaluer par un évaluateur. Pour effectuer le calcul de la valeur, on peut recourir à divers types de méthodes. Il semble que les évaluateurs aient recours à quatre ou cinq méthodes. En ce qui nous concerne, chacune des entreprises dans lesquelles nous investissons passe par un cycle périodique d'évaluation selon un calendrier préétabli par nous. Nous effectuons ces activités tous les ans, parfois plus souvent si nous sommes d'avis qu'il existe des problèmes qui exigent un suivi plus minutieux qu'une simple évaluation annuelle. Ces évaluations sont effectuées par des tierces parties.
Si aucun problème particulier ne se pose, ou si nous n'avons pas affaire à une entreprise de taille respectable, nous effectuerons ces activités à l'interne. Cependant, notre approche de l'évaluation consiste à faire en sorte que les évaluations soient le plus objectives possible et réalisées selon les pratiques reconnues d'un évaluateur d'entreprise professionnel dûment accrédité.
Le sénateur Fitzpatrick: Ai-je raison de penser que vous utilisez certains critères pour déterminer la valeur et que vous faites faire une évaluation périodique, à l'interne ou en faisant appel à des experts-conseils?
M. Davison: Oui.
Le président: Je suis dans le brouillard. Je pense que nous avons besoin de plus de précisions pour poursuivre la discussion. Si quelqu'un choisit d'investir dans notre fonds, combien doit-il verser?
M. Davison: L'investissement minimum est de 500 $.
Le président: Qu'obtient-on en échange de cette somme de 500 $? Obtient-on une participation dans quelque chose?
M. Davison: Oui, on obtient une participation dans notre fonds et un crédit d'impôt.
Le président: L'investisseur obtient donc une participation dans Crocus?
M. Davison: Oui.
Le président: La participation est-elle consignée quelque part?
M. Davison: Oui.
Le président: L'investisseur peut donc se départir de ses actions?
M. Davison: Oui.
Le président: La liste rend donc compte de la valeur de l'actif sous-jacent?
M. Davison: Absolument. Le seul éclaircissement que je tiens à apporter, c'est que, en ce qui concerne ce genre de fonds, il y a ce qu'on appelle une période de blocage, habituellement fixée à huit ans. À l'intérieur de ce délai de huit mois, on ne peut effectuer un remboursement que dans des circonstances exceptionnelles, des difficultés financières ou un décès, par exemple.
En ce qui concerne la création d'emplois, bon nombre de ces fonds ont pour but de produire des effets positifs sur l'économie en créant des emplois. En ce qui nous concerne, nous mesurons périodiquement le nombre d'emplois sauvés, créés et maintenus. Malheureusement, ce tableau ne rend pas compte du nombre d'emplois créés par une entreprise dans laquelle nous avons déjà investi. Je vais ajouter ces chiffres dans un moment.
En septembre de cette année, nous avons, depuis notre création, sauvé 276 emplois, comme l'indique la ligne d'en haut, nous en avons créé 4 089, comme l'indique la deuxième, et nous en avons maintenu 5 427. Au cours des 12 prochains mois, nous nous attendons à ce que les investissements que nous avons déjà consentis génèrent 1 399 emplois de plus. Le nombre total d'emplois que nous avons créés s'établit donc à 11 191.
En ce qui concerne le nombre d'emplois créés, il importe de tenir compte, relativement à ce type de fonds, de l'efficience qui découle de l'effet d'une telle activité. En ce qui concerne le Crocus Investment Fund, nous créons un emploi par tranche de 20 740 $ investis. Dans l'industrie et dans les activités publiques associées à la création d'emplois, la moyenne se situe aux environs de 30 000 $. Nous créons des emplois à bien meilleur compte que la plupart des autres.
Le tableau illustre la vaste diversité du portefeuille que représentent nos 60 sociétés. Elles sont largement distribuées dans l'ensemble des secteurs de l'économie du Manitoba. D'après ce que j'ai vu dans vos délibérations, on a soulevé devant vous de nombreux points au sujet de la question des liquidités et de l'affectation du capital. Je tiens à vous dire que le Crocus Investment Fund détient actuellement des actifs d'une valeur d'environ 170 millions de dollars. De cette somme, environ 125 millions de dollars sont aujourd'hui investis activement, ce qui, en d'autres termes, représente 73,5 p. 100 de l'ensemble de nos actifs. En ce qui concerne les questions touchant l'affectation du capital, il existe divers types et degrés d'exigences définis dans les lois qui régissent chacun des 32 fonds du Canada. Pour notre part, nous avons toujours devancé d'au moins un an et un ou deux trimestres les trois niveaux d'exigences relatives à l'affectation du capital avec lesquels nous devons composer. Il s'agit pour nous d'une affaire de conscience.
Dans vos délibérations, j'ai lu que certaines personnes prétendent que les fonds de placement de travailleurs ont des liquidités ou des avoirs non productifs de l'ordre de 40 p. 100. Dans notre cas, c'est inexact. En fait, nous sommes loin du compte. Notre taux de liquidités, si je puis m'exprimer ainsi, s'établit à environ 26 p. 100, et non à 40 p. 100.
Le président: Je vais vous demander d'interrompre votre exposé maintenant. Si le temps le permet, nous pourrons y revenir et vous pourrez fournir d'autres explications, mais vous avez déjà assez fait ressortir les points saillants pour que les sénateurs puissent poser des questions.
Le sénateur Tkachuk: Dans les faits saillants sur votre rendement, vous avez fait allusion au nombre d'emplois créés de même qu'à celui des emplois sauvés. Je sais que les fonds de capital de risque de travailleurs sont censés avoir une vocation sociale, mais, dans les emplois créés, incluez-vous l'ensemble des employés des sociétés dans lesquelles vous investissez ou un pourcentage tenant compte de votre investissement par opposition à celui du propriétaire ou d'autres parties?
M. Davison: Il s'agit d'emplois créés directement à la suite de notre investissement dans la société en question.
Le sénateur Tkachuk: Pour l'ensemble de l'entreprise. Si j'investis une somme de 100 000 $, que vous investissez une somme de 100 000 $ et qu'il y a 50 employés, vous allez dire qu'il y a eu 50 emplois de créés même si j'ai moi-même investi la moitié de la somme, n'est-ce pas?
M. Davison: Oui. Nous parlons ici d'emplois créés dans une entreprise à la suite de notre participation dans l'entreprise et, à l'occasion, de celle d'autres investisseurs.
Le sénateur Tkachuk: Pourquoi tentez-vous de sauver des emplois à l'aide d'investissement d'autres personnes? Je ne suis pas certain de comprendre.
M. Davison: En ce qui nous concerne, le chiffre relatif aux emplois sauvés a surtout trait au nombre d'emplois dans une entreprise qui nous a pressentis à une époque où son propriétaire et elle éprouvaient des difficultés. Cela remonte à quelques années. La société fait toujours partie de notre portefeuille et compte actuellement parmi nos investissements les plus rentables. Le chiffre de 276 correspond presque exactement au nombre d'employés qu'elle comptait au moment où une entreprise américaine s'est intéressée à elle dans l'intention de l'acheter, de la fermer pour se tailler une part du marché et de la déménager, dans ce cas, aux États-Unis.
La direction de l'entreprise s'est adressée à Crocus à une époque où nous avions la possibilité d'envisager un placement - ce qui a eu pour effet de renverser la situation. Nous avons investi dans la société en question. Nous avons acheté une participation dans l'entreprise et sauvé des emplois au Manitoba. La quasi-totalité des 276 emplois auxquels j'ai fait référence renvoie à ce cas.
Notre fonds ne s'est pas donné une sorte de programme de politique sociale en vertu duquel il finance des entreprises en difficulté et contribue à sauver des emplois qui, autrement, auraient peut-être été perdus. Ce n'est pas notre intention. Dans ce cas particulier, cependant, il se trouve que la société fait partie d'un secteur vital pour l'économie du Manitoba. Notre investissement a eu cet effet. Nous en sommes extrêmement fiers.
Le sénateur Tkachuk: En Saskatchewan, vous avez un fonds parent qui obtient un crédit d'impôt fédéral et provincial. Avez-vous droit à un crédit d'impôt provincial au Manitoba?
M. Davison: Nos 30 000 actionnaires reçoivent un crédit d'impôt fédéral et provincial, soit 15 p. 100 de la part de chacun des gouvernements. C'est la même chose pour tous les fonds de travailleurs du Canada.
Le sénateur Tkachuk: Certains gouvernements provinciaux accordent-ils un crédit d'impôt plus élevé? À une certaine époque, on pouvait, en Ontario, investir 5 000 $ et récupérer 4 500 $ en crédit d'impôt, soit plus que dans toutes les autres provinces. Comment cela fonctionne-t-il?
M. Davison: Je pense que vous avez raison. Les expériences varient légèrement selon les provinces. Cependant, les écarts ne sont pas nombreux.
Le sénateur Tkachuk: Les provinces en question, l'Ontario, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan avaient à l'époque des gouvernements néo-démocrates. En Alberta, il n'y a pas du tout de crédit d'impôt provincial.
En Saskatchewan, un terrain de golf a fait faillite, et le fonds est entré en concurrence avec d'autres pour s'en emparer. Il me semble qu'il s'agit là d'une mauvaise utilisation d'un fonds de capital de risque. Il y avait d'autres investisseurs intéressés à faire l'acquisition du terrain de golf, mais le fonds a été en mesure de soumettre une offre plus élevée grâce à tous les investisseurs qui lui ont permis d'offrir un prix légèrement supérieur à celui que les autres gens d'affaires étaient prêts à accorder.
Faites-vous ce genre de choses? Devez-vous répondre à certains critères le moment venu d'investir dans l'immobilier, du moins par rapport à d'autres types de placements?
M. Davison: Il se trouve que mon collègue de la Colombie-Britannique est ici, et il s'intéressera à cette question dans un moment, mais il se trouve que, au Manitoba, on nous interdit de faire certains types de placements. Certains autres types de placements sont inadmissibles parce qu'ils ne répondent pas aux exigences touchant l'affectation du capital auxquelles nous devons nous soumettre. Les choses deviennent alors très compliquées. Il y a des limites définies pour les investissements que nous pouvons et ne pouvons pas faire. De façon générale, ces limites sont fixées par les gouvernements, compte tenu du fait qu'ils assument les coûts de crédits d'impôt offerts pour inciter à investir dans de tels fonds des particuliers qui, autrement, ne s'intéresseraient pas au genre d'activités dont il est ici question. Je pense qu'il s'agit d'un point essentiel pour les crédits d'impôt et ce qu'ils signifient pour les particuliers et des fonds comme le nôtre.
Pour ce qui nous concerne, nous ne sommes pas autorisés à investir dans l'immobilier, dans la production agricole primaire ni dans la production minérale primaire. Le gouvernement impose ces interdictions pour protéger les personnes qui investissent dans de tels fonds. Pour donner un exemple extrême, le gouvernement veut éviter qu'on utilise ces fonds comme on a en gros utilisé des économies et des prêts aux États-Unis. Dans de tels cas, on a affaire à des investisseurs qui sont extrêmement exposés, par exemple, aux marchés hypothécaires. Ces investisseurs ont des moyens relativement modestes. Ils investissent en moyenne environ 2 500 $ par année dans des fonds de ce genre. Le gouvernement, qui soutient ces investisseurs au moyen de dépenses fiscales, soit des crédits d'impôt de l'ordre de13 à 15 p. 100, ne souhaite pas que les citoyens soient sujets à ce genre de risque. C'est pourquoi il impose parfois ce genre d'interdiction.
Lorsqu'il est possible de le faire, nous recourons ensuite à des investissements à multiples niveaux. Lorsque nous pouvons faire partie d'investissements consortiaux dans le domaine de la nouvelle technologie, par exemple, et donner naissance à une entreprise qui, dans le cas contraire, n'aurait pas eu accès aux capitaux dans notre genre de marché, nous le faisons. Je pourrais vous citer quelques exemples d'entreprises qui font aujourd'hui partie de notre portefeuille, la plupart dans le domaine médical et dans celui des sciences de la vie, où c'est ce que nous avons fait.
Je sais que les témoins de la Colombie-Britannique évoqueront aussi cette question. Il s'agit d'une caractéristique importante du genre d'activités qu'ils mènent. J'espère avoir répondu au moins à certaines parties de votre question.
Le sénateur Tkachuk: Oui. J'y reviendrai peut-être.
Le sénateur Furey: J'aimerais obtenir un éclaircissement. Vous avez présenté les points saillants concernant votre rendement, et je ne suis pas certain de vous avoir bien compris quand vous avez parlé de la plus grande stabilité de votre fonds. Vouliez-vous dire que le fonds était plus stable ou que c'était son taux de rendement qui l'était?
M. Davison: À l'intérieur de la période de blocage de huit ans, l'investisseur obtient généralement un rendement supérieur à celui que lui auraient procuré d'autres achats d'action possibles. Il s'agit donc, sur quelques années, d'un placement relativement plus stable par rapport à d'autres.
Le sénateur Furey: Le phénomène s'explique-t-il par le fait que vous investissez dans des entreprises moins risquées?
M. Davison: Je pense qu'il s'agit d'une combinaison de facteurs. Dans notre cas, nous réduisons les risques en faisant preuve de la plus grande diligence raisonnable possible avant d'investir.
Je pense que la question dont le sénateur et moi venons tout juste de parler à propos des interdictions explique également en partie cette situation.
Le fait que les fonds d'un investisseur particulier soient bloqués pendant huit ans joue aussi un rôle. Le phénomène s'est fait tout particulièrement sentir au cours des deux dernières années en ce qui concerne notre fonds par rapport à d'autres dans notre secteur. Mis à part le tableau de rendement que je vous ai présenté auparavant, qui portait sur de multiples années, notre rendement, même lorsqu'on l'examine d'une année à l'autre et qu'on l'examine en association avec des organismes comme Bell Charts ou Globe Fund et qu'on le compare au rendement du TSE300, on constate que, au cours des deux dernières années, la volatilité de ce genre d'investissement était nettement inférieure à celle des marchés.
Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un aspect dont les fonds de travailleurs doivent se vanter. Il s'agit essentiellement d'une réalité du marché.
Le sénateur Furey: Avez-vous une idée du pourcentage de vos investissements à risque élevé et de vos investissements à risque faible?
M. Davison: Je ne sais pas comment je pourrais procéder à une telle évaluation. Comme je l'ai dit, nous avons adopté une approche particulière de la diligence raisonnable en amont du processus d'investissement. Cette approche répond à celle des activités d'autres entreprises de capital de risque.
Dans notre cas, cette approche comprend notamment une activité spéciale portant sur ce que nous appelons le «bilan social». Il s'agit d'un examen approfondi des pratiques de l'entreprise portant sur son mode d'administration. Est-elle exposée à des risques exceptionnels pour la santé et la sécurité? Est-elle exposée à des obstacles réglementaires indus, si je puis m'exprimer ainsi, dans ces activités?
Au stade de l'examen de la diligence raisonnable, nous tentons d'éliminer les facteurs pouvant faire en sorte que la société représente un risque élevé, en partie grâce au bilan social que nous effectuons, lequel s'ajoute à d'autres activités à caractère strictement financier qui touchent la diligence raisonnable. Nous tentons de réduire les risques le plus possible en amont avant de décider d'investir.
Le sénateur Furey: Avez-vous le mandat de consentir certains investissements à risque élevé ou de consentir certains capitaux d'amorçage ou de lancement?
M. Davison: Je pense qu'il est généralement correct d'affirmer que oui, à ceci près, comme je l'ai indiqué plus tôt, que nous ne pouvons pas effectuer certains types d'investissement, qui tendent généralement à représenter un risque extrêmement élevé. Cependant, ni le gouvernement ni d'autres organismes extérieurs à notre structure de gestion ne nous imposent d'effectuer tel ou tel type d'investissement à risque élevé par rapport à tel ou tel autre type d'investissement sans risque.
Le sénateur Furey: Il n'y a pas de lien avec les crédits d'impôt, par exemple?
M. Davison: Non.
Le sénateur Furey: J'ai sous les yeux un article du Financial Post du mois d'août, et je compare votre rendement sur cinq ans à un rendement sur cinq ans du WOF. L'écart est relativement considérable. Votre rendement est de 3,3 p. 100. Après avoir consulté vos faits saillants sur le rendement, j'imagine que le chiffre ne tient pas compte des crédits d'impôt. Pour comparer des pommes avec des pommes, je tiens pour acquis que leur rendement ne tient pas compte des crédits d'impôt lui non plus et est présenté de la même façon. Le rendement du WOF est de 13,6 p. 100.
Je comprends qu'il s'agit du seul fonds du genre en Colombie-Britannique et que vous devez composer avec des concurrents. Est-ce l'une des raisons qui expliquent cet écart? Le phénomène est-il imputable au fait que ce fonds court des risques plus élevés et obtient par conséquent des rendements plus élevés?
M. Davison: Je vais laisser le soin de répondre à mon collègue de la Colombie-Britannique. Je ne connais pas assez bien ces chiffres pour pouvoir répondre.
Le sénateur Furey: Je me rends compte qu'il y a un écart considérable au chapitre de la valeur nette des actifs. La valeur des vôtres est de 170 millions de dollars; la valeur des actifs du WOF est de 428 millions. Dans l'ensemble, le taux de rendement semble nettement plus élevé.
M. Davison: Je préférerais laisser à mon collègue le soin de répondre. Avant de m'établir à Winnipeg pour travailler au Crocus Investment Fund, j'ai habité à Vancouver pendant quelques années. L'économie de la Colombie-Britannique, en particulier la vallée du bas Fraser, est différente de celle du Manitoba. C'est peut-être là une explication partielle. Il y a aussi la proximité des marchés asiatiques, qui joue peut-être un rôle. Je ne veux pas parler à la place des gens de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Kroft: Je tiens à ce que nous comprenions bien que votre secteur particulier de l'industrie s'appuie sur un indicateur commun autre que le rendement. Sur le plan de la politique publique, accepteriez-vous comme postulat de départ que le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux, ou les contribuables par l'intermédiaire de leur gouvernement, ont décidé de soutenir un certain type d'activité économique exécuté par des fonds comme le vôtre au moyen d'un mécanisme de déduction fiscale? Le phénomène s'apparente-t-il aux investissements que fait le gouvernement du Canada dans le capital de risque en consentant un taux préférentiel sur les gains en capital, après s'être donné pour politique d'investir dans cette forme particulière d'industrie en accordant un tel avantage additionnel en amont? Êtes-vous d'accord pour dire que le contribuable canadien investit dans ce volet particulier de l'industrie?
M. Davison: Oui, je serais d'accord. Si cela faisait partie également de votre prémisse, je me risquerais à dire que...
Le sénateur Kroft: J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec la prémisse.
M. Davison: Oui, ce type d'initiative comporte un volet d'investissement public.
Le sénateur Kroft: C'est ma prémisse. Étant donné l'avantage lié à l'impôt sur les gains en capital, la déduction d'impôt au titre des REER ou d'autres mesures du genre, ce genre de politique ou d'investissement assure-t-il un rendement au contribuable?
Dans ce contexte, bénéficiez-vous d'un avantage injuste par rapport à d'autres intervenants de l'industrie ne bénéficiant pas d'un tel privilège? Je pense qu'il s'agit d'une question importante.
Vos données laissent entendre qu'il n'y a pas véritablement de concurrence sérieuse dans le domaine du capital de risque au Manitoba. Vous avez dit qu'il y a un autre fonds, mais que vous fournissez 54 p. 100 de l'ensemble du capital de risque au sein du marché. Il y a peut-être aussi des investissements privés dont les données ne rendent pas compte.
Avez-vous le sentiment d'utiliser les avantages fiscaux dont vous bénéficiez pour livrer concurrence à d'autres? Privez-vous d'autres concurrents de possibilités de placement?
M. Davison: Deux enjeux sont ici en cause. Je vais les aborder dans le sens inverse.
Je n'ai pas l'impression que nous bloquions la route à d'autres entreprises de capital de risque. En fait, l'expérience de notre Fonds au Manitoba est tout à fait le contraire. En 1996, par exemple, il n'y avait pas d'activité mesurable dans le domaine du capital de risque du Manitoba. Pour croître, les entreprises ont besoin de capitaux de développement. Elles devaient s'adresser à l'extérieur pour tenter d'accéder à ce genre de capitaux, souvent en vain.
Entre 1996 et 1998, notre fonds comptait pour les deux tiers du capital de risque investi dans la province. De toute évidence, ce pourcentage a diminué en raison d'autres intervenants actifs dans le marché, y compris notre concurrent local. Notre part du marché a changé, mais au lieu de barrer la route à d'autres intervenants, la création du Crocus Investment Fund au Manitoba a contribué à l'expansion du capital de risque offert par un vaste éventail d'autres organismes aujourd'hui actifs dans la province. Je crois que nous avons eu l'effet contraire à celui que vous avez évoqué.
En ce qui concerne le rendement des contribuables, on a réalisé trois études importantes depuis 1996, deux au Québec et une en Colombie-Britannique. Il s'agit d'études de fond qui montrent toutes que les sommes investies dans ces crédits d'impôt pour ce type d'investissement assurent au citoyen un rendement remarquable rapide et efficient.
Le sénateur Kroft: Le petit investisseur, celui qui souhaite investir 500 ou 5 000 $ dans du capital de risque, dispose-t-il d'autres véhicules que le placement collectif?
M. Davison: Je songe à une ville comme Winnipeg et à des clubs de placement comme ceux d'autrefois.
Le sénateur Kroft: Je pensais non pas à des placements sur le marché, mais plutôt à des placements dans de nouvelles entreprises, des entreprises de croissance ou des entreprises en démarrage de la collectivité. Existe-t-il un autre véhicule?
M. Davison: Il y a à cette question une réponse intéressante. Les 60 PDG des sociétés locales dans lesquelles le Crocus Investment Fund investit siègent à la table ronde des PDG. Certaines de ces sociétés existent depuis longtemps; d'autres sont en démarrage. Il y en a des grandes et des petites. Au cours des dernières années, la table ronde des PDG a travaillé d'arrache-pied avec d'autres intervenants de la collectivité pour créer la Bourse de Winnipeg en vue de répondre précisément à la question que vous avez posée.
De la part de notre fonds, il s'agit d'un effort conscient déployé en marge de ses activités pour assurer aux particuliers des possibilités de placement au niveau local. Dans le reste de mon exposé, je pourrai vous citer des exemples de possibilités qui, dans les années à venir, seront offertes aux Manitobains en partie grâce à nos efforts.
Le sénateur Kroft: Nous pourrons consulter les documents que vous nous avez fournis.
Le sénateur Oliver: J'ai une série de brèves questions. Quel est le plus important investissement que vous ayez fait? Quel est le plus petit? Quelle est la taille de votre investissement moyen? J'aimerais savoir si vous avez déjà investi dans des entreprises en démarrage. À ce propos, faut-il que la société ait généré des revenus avant que vous y investissiez? Le cas échéant, quel genre de garanties exigez-vous en contrepartie?
M. Davison: Pour répondre d'abord à votre dernière question, nous sommes un investisseur qui s'adresse aux entreprises. Nous prenons une participation dans une société, d'une façon très conventionnelle.
Le sénateur Oliver: Qu'exigez-vous en contrepartie?
M. Davison: Compte tenu du but recherché quand nous investissons, nous allons établir divers degrés de taux de rendement minimal. Ces taux de rendement minimal seront nettement inférieurs à ceux qu'exigent bon nombre d'autres investisseurs en capital de risque, si c'est ce que vous voulez dire par contrepartie. Si nous agissons de la sorte, c'est aussi pour nous assurer de cheminer avec les sociétés dans lesquelles nous investissons pendant un temps considérable et pour veiller à leur réussite. Nous ne recherchons pas les investissements à court terme dans le dessein de réaliser un profit élevé. Nous entendons rester en place pendant longtemps et contribuer à l'établissement d'une entreprise rentable et prospère avec notre argent. L'importance de nos investissements varie considérablement.
Le président: Je ne suis pas certain que vous ayez répondu à la question. Investiriez-vous dans une entreprise qui en est à ses premiers balbutiements et qui n'a aucun revenu?
M. Davison: Le nombre d'entreprises en démarrage auxquelles nous avons été mêlés est extrêmement limité, mais, le cas échéant, nous étudierions cette possibilité. La réponse est oui. Nous nous demanderons s'il s'agit d'une entreprise prospère au moment de l'investissement, si l'entreprise est dotée d'un plan d'affaires efficace, d'une politique d'établissement des prix, d'un plan de financement et d'un plan de marketing prometteur, et ainsi de suite. La seule réserve, c'est que nous n'allons pas investir dans une entreprise sans perspectives d'avenir.
Le sénateur Oliver: Avez-vous investi dans des entreprises qui, au moment de l'investissement, ne généraient pas de revenu?
M. Davison: Oui, dans un petit nombre de cas.
Le président: La question du sénateur Oliver m'intéresse vivement. Vous dites n'investir que dans des entreprises qui réussissent. Entendez-vous par là les entreprises qui réalisent des profits? Que veut dire l'expression «entreprises qui réussissent»?
M. Davison: Il s'agit des entreprises qui débutent dans un secteur dans lequel on observe des débouchés importants et qui ont devant elles un flux de revenu qu'elles sauront rechercher et concrétiser. Ces entreprises sont dotées d'un plan d'affaires solide du point de vue des facteurs de réussite, ce qui est normal dans l'évaluation de toute nouvelle entreprise.
Le président: Je ne mets en doute que la terminologie. Apparemment, vous effectuez des investissements prometteurs. «Qui réussissent» est une expression comme une autre.
M. Davison: Je suis d'accord pour dire que ces mots s'assortissent d'un volet qualitatif important.
Le sénateur Hervieux-Payette: Quel est l'écart entre votre plus petit et votre plus grand investissement?
M. Davison: Notre investissement le plus important se chiffre entre 8 et 9 millions de dollars; quant à notre plus petit, il oscille entre 75 000 et 100 000 $.
Le sénateur Oliver: Disposez-vous actuellement de liquidités de l'ordre de 45 millions de dollars?
M. Davison: Oui, nous avons des actifs de 170 millions de dollars, dont quelque 125 millions sont investis.
Le sénateur Oliver: Vous avez déclaré auparavant faire l'impossible pour assurer une diligence raisonnable. Vous avez notamment recours à ce que vous appelez le bilan social, qui tient compte des pratiques de la société. En ce qui concerne les entreprises du secteur des sciences de la vie et des nouvelles technologies, à quels autres types de vérification avez-vous recours pour assurer la diligence raisonnable? Appliquez-vous à ces sociétés des mesures de diligence raisonnable particulières?
M. Davison: On a recours au bilan social dans tous les cas. Nous nous intéressons à l'intendance de l'environnement de même qu'à la rigueur des pratiques environnementales des entreprises. Nous étudions le dossier des sociétés en ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail, et nous tenons compte de la gestion des relations de travail, afin de nous assurer qu'elles sont relativement équitables. Je n'utilise pas l'expression au sens syndical. En fait, je fais référence aux pratiques de gestion.
J'utilise les mots «facteurs financiers» dans un sens très large. Relativement à d'autres aspects de la diligence raisonnable, nous étudions à fond des questions liées au marché connu. Dans le cas d'une entreprise qui oeuvre dans le secteur des sciences de la vie, par exemple, nous nous demanderons si les données scientifiques sont suffisamment connues pour que l'entreprise réussisse relativement à telle ou telle technologie. Je songe en particulier à l'imagerie cérébrale, un des secteurs dans lesquels nous avons investi. Nous allons tenir compte de toutes les mesures financières habituelles pour déterminer si l'investissement paraît prometteur.
Le sénateur Oliver: Avez-vous un conseil d'administration et tous les comités habituels? Y a-t-il un comité de placement chargé de superviser les investissements majeurs de votre fonds?
M. Davison: Oui, nous avons un conseil d'administration et des comités de direction, selon la norme établie au Canada pour les entreprises. Nous avons un comité de placement composé d'employés, un comité de placement du conseil d'administration et un comité consultatif en placements de membres de la communauté des affaires du Manitoba, qui fournit périodiquement des avis sur chacun de nos investissements.
Le sénateur Oliver: Quelle est la taille de ce comité consultatif?
M. Davison: Je crois qu'il se compose de neuf personnes.
Le sénateur Banks: Avez-vous un comité de vérification et un comité d'évaluation?
M. Davison: Oui.
Le sénateur Banks: Quel pourcentage de vos investissements les entreprises en démarrage représentent-elles? Le pourcentage explique peut-être la nature de votre taux de rendement. S'agit-il d'un pourcentage élevé ou d'un faible pourcentage?
M. Davison: Faible.
Le sénateur Banks: Très souvent, vous investissez dans des entreprises en exploitation, n'est-ce pas?
M. Davison: Oui.
Le sénateur Banks: Par opposition à des entreprises en démarrage?
M. Davison: Absolument.
Le sénateur Banks: J'essaie d'établir la part de risque que vous courez. Vous avez dit ne pas être un spécialiste de l'évaluation, mais l'un des facteurs les plus fréquemment utilisés pour évaluer des entreprises non cotées en bourse est une formule qui applique un multiplicateur au profit. Savez-vous si votre fonds utilise un tel mécanisme pour calculer les chiffres qui figurent dans la deuxième colonne sous la rubrique portant sur les données sans crédit d'impôt? Est-ce l'un des modes d'évaluation utilisés? Le cas échéant, savez-vous quel multiplicateur est le plus couramment utilisé?
M. Davison: Dans ce cas-ci, je vais devoir plaider l'ignorance. Pardonnez-moi. En ce qui concerne la question précise du multiplicateur, comme je l'ai indiqué auparavant, nous avons recours à quatre ou cinq techniques différentes. Selon le cas, la partie indépendante concernée choisira la méthode d'évaluation qu'il convient d'utiliser.
Le sénateur Banks: Les entreprises dans lesquelles vous investissez peuvent donc être assujetties à des critères différents?
M. Davison: J'ai l'impression que vous confondez deux choses ici. Vous voulez strictement parler de l'évaluation?
Le sénateur Banks: Oui.
M. Davison: Il existe diverses méthodes que les évaluateurs d'entreprises accrédités indépendants utilisent pour mesurer avec objectivité et exhaustivité la valeur d'une société qui a déjà bénéficié d'investissements.
Le sénateur Banks: Retenez-vous les services des évaluateurs pour évaluer les entreprises dans lesquelles vous investissez?
M. Davison: Absolument. Même dans le cadre d'activités non liées à l'évaluation qui portent sur les examens liés à la diligence raisonnable que nous effectuons avant d'investir, nous avons recours à une diversité de tierces parties qui contribuent aux précautions que nous prenons au nom de la diligence raisonnable.
Le sénateur Banks: N'avez-vous pas dit que les recherches liées à la diligence raisonnable étaient effectuées à l'interne et non confiées à des tierces parties?
M. Davison: Ce que je voulais dire, c'est que, par rapport à d'autres types d'organismes de financement par actions, nous ne limitons pas nos activités relatives à la diligence raisonnable à l'achat de rapports tout prêts portant sur la valeur d'un secteur ou d'une entreprise donnée. Nous allons rendre visite à l'entreprise, et, au besoin, nous confierons à des tierces parties le mandat d'examiner la question en détail.
Le sénateur Banks: Le Small Cap Index de Nesbitt Burns porte-t-il sur les sociétés cotées en bourse?
M. Davison: Oui.
Le sénateur Banks: Comparons-nous bien des pommes avec des pommes? Souvent, les méthodes utilisées par un évaluateur d'entreprise n'aboutissent pas à des résultats correspondant au cours des actions.
M. Davison: Je comprends ce que vous voulez dire, sénateur. Relativement à ce genre d'entreprise, il existe divers moyens de comparer l'information sur le rendement.
Le sénateur Banks: Par «genre d'entreprise», vous voulez parler de votre entreprise et non de celle dans laquelle vous investissez, n'est-ce pas?
M. Davison: Oui.
Le président: Quand le premier fonds de capital de risque de travailleurs a-t-il vu le jour au Canada?
M. Davison: En 1983.
Le président: Il y a une période de blocage de sept ou huit ans, selon les exigences de tel ou tel fonds, mais, à la fermeture du fonds, nous pourrions établir le rendement des investisseurs, n'est-ce pas?
M. Davison: Oui.
Le président: Pourriez-vous obtenir cette information pour le comité et nous en faire parvenir un résumé?
M. Davison: Mon collègue répondra à cette question.
Le président: Comme le sénateur Banks l'a indiqué, l'écart entre un titre coté et la valeur qu'on accorde à un titre varie considérablement. Il suffit d'examiner les rapports d'analystes de diverses entreprises au cours des trois dernières années pour constater l'importance des erreurs qui ont été commises. Les chiffres étaient pourtant ceux d'évaluateurs. Je ne critique pas votre fonds. Je cherche simplement à comprendre comment un investisseur arrive à se retrouver dans ce que vous faites.
Quelqu'un m'a dit qu'on pouvait obtenir un remboursement de 90 p. 100 en investissant dans un REER. Êtes-vous au courant?
M. Davison: Je n'ai pas entendu.
Le président: Je poserai la question au groupe de témoins suivant. Je vous remercie.
Le sénateur Tkachuk: On obtient le crédit d'impôt et la déduction pour REER.
Le président: Ce qui totalise 90 p. 100, n'est-ce pas?
Le sénateur Tkachuk: Oui
Le président: Je souhaite la bienvenue à nos témoins suivants, M. David Levi, M. Murray Munro, de GrowthWorks Capital Limited. La parole est à vous.
M. David Levi, président-directeur général, GrowthWorks Capital Ltd.: Je vais d'abord vous présenter un bref aperçu historique. C'est en 1983, au Québec, que le mouvement syndical a créé les fonds de travailleurs en collaboration avec le gouvernement provincial. Les investisseurs dans les fonds de travailleurs font partie du fonds de solidarité, qui est le principal fonds du Canada et compte pour environ le tiers du capital de risque au Canada.
Si vous investissez dans ce fonds, vous devez y laisser vos placements jusqu'à l'âge de 65 ans, à moins d'appartenir à l'une des catégories de personnes aux prises avec des difficultés particulières. Les investisseurs visent le long terme. En 1984, le gouvernement conservateur a introduit le crédit d'impôt de contrepartie.
Des fonds ont aujourd'hui été créés dans huit des dix provinces. En Colombie-Britannique, c'est le Crédit social qui a mené à bien les négociations qui ont présidé à la création du Working Opportunity Fund. En Saskatchewan, je crois que c'est le gouvernement conservateur qui était au pouvoir lorsque le crédit d'impôt de contrepartie a été accordé au Fonds de relance, qui est un fonds national. Il exerce principalement ses activités en Ontario, mais il bénéficie d'un crédit d'impôt de contrepartie en Saskatchewan.
En Ontario, c'est le gouvernement du NPD qui l'a créé, mais c'est le gouvernement de l'Ontario qui, l'année dernière, a fait passer le crédit de 15 à 20 p. 100, en raison de l'utilité de l'investissement de fonds à un stade précoce.
Ces fonds ont principalement été créés par des gouvernements libéraux et conservateurs du pays. Ils possèdent une longue histoire, et nous allons discuter des motifs pour lesquels ils ont été ainsi créés.
Je vais également dire un mot du terrain de golf de la Saskatchewan. À ma connaissance, aucun représentant de l'industrie du capital de risque, à l'exception des personnes qui ont investi à l'insistance du gouvernement de la Saskatchewan, ne voulait investir dans le terrain de golf. Le terrain de golf n'a pas été un placement positif pour ce fonds.
J'ai lu le compte rendu de l'audience précédente, et c'est le sénateur Oliver, je crois, qui a posé une question au sujet du crédit d'impôt de 40 p. 100. Il y a cinq ans, on a ramené le crédit d'impôt de 40 p. 100 à 30 p. 100 au total - 15 p. 100 au niveau fédéral et 15 p. 100 au niveau provincial. Un certain nombre de personnes ont fait des commentaires à la table au sujet de l'incitatif fiscal combiné pour les REER.
Examinez le processus tel qu'il a été établi par des décideurs d'Ottawa et des diverses provinces. Déjà, 20 milliards de dollars vont chaque année dans les REER. Ces sommes vont pour la plupart dans les marchés secondaires, qui sont les bourses, ou dans les CPG, les obligations gouvernementales et les débentures. Près de 30 p. 100 de ces sommes quittent aujourd'hui le pays.
Comment pouvions-nous faire en sorte que ces fonds se concentrent dans les secteurs à plus forte croissance de l'économie et les contraindre à servir le secteur à risque? Le crédit d'impôt fédéral de 15 p. 100 et le crédit d'impôt provincial de 15 p. 100 ont constitué la réponse. Ces crédits encouragent le déplacement d'une petite partie des REER des bourses, des bourses internationales et des certificats de dépôt garantis fortement liquides vers des investissements bloqués et à risques élevés ne visant que des PME et le capital de risque de même que les actions ordinaires. Nos créances ne sont nullement garanties.
Les créances, très limitées dans la plupart des portefeuilles, sont de second rang et nettement inférieures au seuil de sécurité. La loi canadienne ne nous autorise pas à accorder de créances garanties, sauf lorsqu'une entreprise connaît d'extrêmes difficultés. Dans ce cas, nous n'avons pas droit, relativement à l'affectation du capital, à un crédit sur ces sommes. Nous sommes des investisseurs en actions non garantis qui ne prennent qu'une petite partie du gâteau - environ six milliards de dollars sur des investissements totaux dans les REER de 250 milliards de dollars - et qui sont voués à une chose uniquement, c'est-à-dire travailler auprès des entreprises à forte croissance.
Dans certaines annonces, on laisse entendre que nous obtenons des économies de 60, 70 ou 80 p. 100, mais, du point de vue des finances gouvernementales, le chiffre de 40 p. 100 au titre des économies sur les REER ne tient plus. La différence, c'est qu'au lieu d'investir dans une société cotée à la Bourse de Toronto, Nortel par exemple, ou d'investir dans des CPG offerts par une banque, la Banque Royale par exemple, les fonds, en contrepartie d'une somme de 30c. par dollar, sont répartis à parts égales entre les deux ordres de gouvernement, à ce secteur à risque élevé des sociétés privées du Canada.
Nous investissons à un stade précoce. La plupart des fonds, à l'exception probablement de celui du Manitoba, investissent à un stade précoce.
Nous sommes ce qu'on appelle des investisseurs des catégories A et B, ce qui signifie que nous allons habituellement, dès la première ronde, au-delà des amis et des membres de la famille. Nos investissements tendent à osciller entre 500 000 et 2 millions de dollars. Fréquemment, nous nous associons à d'autres investisseurs en capital de risque. Nous encourageons un tel comportement parce que nous souhaitons collaborer avec d'autres portefeuilles bien garnis présents autour de la table. À titre d'investisseurs à un stade précoce, nous assurons la croissance d'entreprises auprès desquelles nous investirons au cours de la deuxième, de la troisième, de la quatrième, puis de la cinquième rondes.
Chacun des fonds a été conçu en fonction des besoins de régions du pays. En Colombie-Britannique, nous mettons fortement l'accent sur les ressources forestières et primaires. Au cours des dernières années, c'est dans le secteur de la haute technologie et de la biotechnologie que les besoins étaient les plus pressants.
Nous faisons face à des interdictions précises. La plupart des fonds doivent se conformer à d'autres interdictions selon la province dans lesquelles ils se trouvent. Nous n'investissons pas dans les ressources primaires, dans les lotissements immobiliers, les sociétés financières, les établissements bancaires, les compagnies d'assurance ni les services au détail.
Au Manitoba, par exemple, l'investissement dans les commerces de détail est permis, l'économie de la province étant différente. Les règles qui s'appliquent au Québec sont légèrement différentes en raison des besoins propres de la province. Lorsqu'ils ont tout mis en place, les concepteurs ont tenu compte des secteurs dans lesquels nous disposons de marchés des capitaux bien établis et de ceux où de tels marchés font défaut.
Au moment de notre création, il n'y avait pratiquement pas, en Colombie-Britannique, d'investisseurs dans les secteurs de la biotechnologie et de la haute technologie. Personne ne s'intéressait au domaine du tourisme ni à celui du divertissement à un niveau professionnel de capital de risque. Dans un moment, je vais vous faire un portrait de nos investissements dans ces domaines.
Nous investissons dans la diversification de l'économe. Nous sommes un fonds relativement important. Nous sommes le plus important dans l'Ouest canadien, et nous nous classons probablement au troisième ou au quatrième rang des entreprises de capital de risque du pays. Nous avons à notre service 13 professionnels du placement. Étant donné nos taux de rendement, je dirais qu'ils sont parmi les meilleurs au pays. La seule réussite que je puisse m'attribuer jusqu'ici, c'est d'avoir embauché les bonnes personnes.
La prochaine diapositive porte sur la création d'emplois. Récemment, nous vous avons fait parvenir une étude. Le nombre total d'emplois créés par nos sociétés au cours de cette période se chiffre à 10 700. L'étude a fait l'objet de nombreuses délibérations avec des représentants fédéraux et provinciaux.
Ce sont deux experts-conseils indépendants qui l'on réalisée. Ils ont communiqué avec tous les PDG et demandé à ces derniers s'ils croyaient qu'ils auraient pu obtenir des capitaux ailleurs. Ils ont ensuite réduit le nombre d'emplois créés en rapport avec le fonds selon que les PDG étaient ou non d'avis que nous étions leur seul investisseur ou leur seul investisseur partiel. Lorsque les PDG ont affirmé qu'ils auraient pu obtenir des fonds ailleurs, nous avons obtenu «zéro» du point de vue du nombre d'emplois créés. Leurs calculs terminés, les experts-conseils ont établi à 6 600 le nombre réel d'emplois pouvant être directement imputés à l'activité du fonds au cours des cinq dernières années.
Du point de vue du calendrier d'investissement, les médias ont beaucoup fait état, il y a six ou sept ans, de ce qui était alors l'un des plus importants fonds de travailleurs du pays. Parmi 22 fonds existants, celui-ci et un autre étaient les seuls à ne pas avoir respecté le calendrier. À l'examen de notre calendrier, vous constaterez que les exigences relatives à l'affectation du capital auxquelles nous nous conformons sont parmi les plus élevées au Canada, soit 80 p. 100. Au Manitoba et en Ontario, le pourcentage est de 70 p. 100. Au Québec, il est, je crois, de 60 p. 100, même si le fonds a conservé une moyenne de 65 à 70 p. 100.
Nous devançons nettement le calendrier le plus exigeant au pays, lequel nous oblige à investir directement en actions ordinaires ou dans les PME 80 p. 100 des fonds que nous recueillons. Le cumulatif orange indique ce que nous sommes tenus d'investir. À l'heure actuelle, nos obligations se chiffrent à 20 millions de dollars, et nous en sommes à environ 60 millions de dollars, donc nettement en avance.
Voilà qui témoigne des occasions que nous percevons en Colombie-Britannique. Nous ne sommes pas contraints d'investir si nous ne pouvons pas le faire, mais nous voyons de nombreuses occasions et nous continuons d'investir à un rythme supérieur à celui qui nous est imposé.
À leur début, les fonds ont fait l'objet de critiques. En raison d'une diversité de facteurs de croissance, certains semblaient croire que nous n'investissions pas aussi rapidement que nous aurions dû le faire. Le phénomène s'explique en partie par la force d'impulsion. Au départ, mon fonds comptait trois personnes. Nous avons mis de trois à quatre ans à réunir notre première tranche de 100 millions de dollars. Avant d'avoir réuni environ 100 millions de dollars, on n'a pas la capacité d'investir adéquatement dans le secteur du capital de risque.
De 1992 à 1998, nous avons investi 96 millions de dollars. Au cours des deux dernières années, nous avons investi 163 millions de dollars. Nous avons investi 103 millions de dollars au cours des deux dernières, soit plus que ce que nous avons accumulé. Nous devions investir 80 millions de dollars, mais nous avons fini par investir 103 millions de dollars.
Il s'agit pour nous d'un problème d'affectation du capital. Au fur et à mesure que nous finançons des entreprises, nous avons besoin de sommes plus considérables. L'année dernière, la province a étudié la question et nous a donné un coup de pouce parce que, en Colombie-Britannique, il y a un maximum que nous sommes autorisés à recueillir chaque année. La province a fait passer notre plafond de 60 millions de dollars à 80 millions de dollars parce qu'elle a constaté le travail que nous faisions dans la province et souhaitait que nous continuions à donner un élan à nos industries.
En l'an 2000, nous avons investi 62 millions de dollars. Nous avions 16 nouvelles sociétés dans notre portefeuille, et nous continuions d'investir dans 24 entreprises.
Vous avez soulevé la question des capitaux d'amorçage. Parmi les quelque 70 entreprises qui sont passées par notre portefeuille, nous nous sommes intéressés à des entreprises dérivées de l'Université de la Colombie-Britannique, de l'Université Simon Fraser et de l'Université de Victoria. Il s'agit de sociétés en démarrage, qui comptent parfois aussi peu qu'un seul employé, mais qui en comptent généralement quatre ou cinq. Nous avons investi dans une trentaine d'entreprises de ce genre. Nous avons été très actifs dans le secteur des sociétés en démarrage. Nous préférons investir dans celles qui en sont à leurs premiers balbutiements au stade légèrement supérieur.
Pour 2001, comme vous le voyez, nous respectons notre calendrier. Cette année, la seule différence tient au fait que la quantité de capitaux de risque disponibles en Colombie-Britannique a diminué. Les besoins de nos entreprises continuent d'augmenter. Nous devons les accompagner en permanence.
Notre portefeuille, vous le voyez, compte jusqu'à 25 sociétés auxquelles nous consentons des investissements suivis. Nous allons terminer avec un pourcentage beaucoup plus élevé d'investissements de suivi que par les années passées.
Nous investissons dans le secteur de la TI dans une proportion de 40 p. 100 et dans celui des sciences de la vie dans une proportion de 25 p. 100. En Colombie-Britannique, nous sommes le plus important investisseur dans les sciences de la vie. Nous parvenons à attirer d'autres investisseurs, y compris bon nombre d'investisseurs américains en raison de notre taille et de notre réputation. Nous avons collaboré avec une trentaine d'investisseurs de l'étranger qui ont manifesté de l'intérêt parce que nous sommes l'investisseur local. Ils peuvent compter sur nous pour avoir leurs intérêts à coeur.
Nous nous intéressons également au secteur de la fabrication de pointe. Le secteur du cinéma et du divertissement compte pour une petite partie de nos activités. Nous nous intéressons à des entreprises des secteurs du tourisme et de l'environnement. Quant aux autres, elles représentent celles que nous n'avons pu catégoriser adéquatement.
En ce qui a trait à notre taux de réussite, vous verrez que nos pertes absolues se chiffrent jusqu'ici à 27,6 millions de dollars. Nos gains s'élèvent à 257 millions de dollars.
Le président: Les plus-values latentes?
M. Levi: Les gains réalisés et les plus-values latentes. Environ la moitié des gains ont été réalisés. L'autre moitié ne l'a pas encore été. Nous devons agir ainsi parce que nous exerçons nos activités en continu. Nous accueillons régulièrement de nouveaux investisseurs. Par conséquent, la loi et nos responsabilités de fiduciaire nous obligent à valoriser nos actions, y compris les sociétés que nous détenons, toutes les semaines.
On peut investir toute l'année. Nous fixons notre prix toutes les semaines. Si nos évaluations étaient trop basses, nous pénaliserions nos investisseurs existants à cause d'un phénomène de dilution. Si nos évaluations sont trop élevées, nous pénalisons les personnes qui investissent. Voilà pourquoi nous fonctionnons de cette façon.
Nous utilisons le même mécanisme d'établissement du taux de rentabilité interne que les autres fonds de capital de risque du pays. Relativement à notre portefeuille de capital de risque, notre taux de rendement interne a été de 34 p. 100 par année, ce qui est compensé de l'autre côté par la portion...
Le président: Pouvez-vous expliquer comment vous établissez votre TRI? Quelle est la durée que vous retenez? Quand tenez-vous pour acquis que vous aurez vendu votre participation?
M. Levi: Nous utilisons les liquidités.
Le président: Vous devez définir un échéancier. Comment pouvez-vous établir votre TRI si vous ne savez pas à combien vous allez vendre?
M. Levi: Nous suivons l'investissement à compter de la date d'achat: nous avons donc en main l'investissement et les réinvestissements que nous allons faire en cours de route. Nous suivons l'évolution jusqu'au stade de la liquidité ou de l'évaluation. Nous sommes alors en mesure d'établir rétroactivement notre taux de rendement interne. Par exemple, nous avons investi quatre millions de dollars dans une société du nom de Hothouse, que nous avons par la suite vendue à la société Broadcom des États-Unis pour 150 millions de dollars.
Le sénateur Tkachuk: À combien se transigent aujourd'hui les actions de la société?
M. Levi: Les actions de Broadcom, lorsque nous avons commencé à les vendre, se transigeaient à 110 $. Elles valent aujourd'hui environ 65 $. Nous avons tout vendu.
Dans nos livres, il s'agit d'un véritable gain réel. Notre portefeuille compte une douzaine d'entreprises cotées en bourse. Elles étaient toutes cotées en bourse lorsque nous avons débuté. Pour ces sociétés, nous disposons aussi de la valeur en bourse.
C'est un évaluateur indépendant qui, deux fois par année, se charge du processus d'évaluation à l'aide des pratiques normales dans l'industrie. Nous sommes vérifiés au même moment. Le vérificateur et l'évaluateur mènent chacun leur enquête, l'un selon les normes établies par l'Institut canadien des experts en évaluation d'entreprises, l'autre selon celles de l'Institut canadien des comptables agréés.
Le président: Êtes-vous en train de nous dire que vous utilisez des chiffres réels et non le TRI?
M. Levi: Ce sont les chiffres réels. Nous administrons également quelques caisses de retraite. Ces caisses de retraite tiennent à savoir quel est notre rendement dans le domaine du capital de risque.
Le président: Pour établir le TRI, vous établissez le prix auquel, dans cinq ou dix ans, vous allez vendre une participation que vous détenez aujourd'hui, n'est-ce pas?
M. Levi: Non, pas à nos fins. Le taux de rendement interne rend essentiellement compte des sommes que nous avons en main, de la période au cours de laquelle nous les détenons et de leur valeur au moment de la liquidation.
Le président: Il s'agit donc d'un taux de rendement réel.
M. Levi: C'est ce que nous appelons le taux de rendement interne puisqu'on ne tient plus compte de facteurs comme les frais de gestion.
Si vous comparez notre rendement à celui de la Bourse de Toronto, vous verrez que nous avons affiché un rendement supérieur à celui de la bourse presque tous les ans depuis que nous avons été créés, exception faite de la période de cinq ans. Je vous parle ici de rendements sans crédit d'impôt. Nous avons fourni des données sur les rendements avec et sans les crédits d'impôt. La situation au cours de la période de cinq ans en question s'explique par le fait que 60 ou 70 p. 100 de nos investissements étaient en bons du Trésor. Nous en étions alors au stade de rattrapage initial par où on doit passer lorsqu'on crée un tel fonds à partir de zéro. Au lieu d'avoir investi nos fonds dans une proportion de 65 à 70 p. 100 comme c'est le cas aujourd'hui, nous étions alors toujours en mode de croissance élevé en raison des campagnes de financement annuelles. Notre portefeuille contenait donc une forte proportion de bons du Trésor.
La prochaine diapositive porte sur l'effet de levier. Pour chaque tranche de 1 million de dollars que nous réunissons, nous générons des placements de 4 millions de dollars de plus de la part d'investisseurs de l'extérieur de la province, dont bon nombre des États-Unis. Pour chaque tranche de 15 cents qu'il investit, le gouvernement obtient donc un effet multiplicateur de vingt.
Nous avons établi des fonds régionaux pour les petits investissements oscillant entre 5 000 et 150 000 $. Ces investissements sont inscrits là où ces fonds existent en Colombie-Britannique.
Je vais m'intéresser brièvement à la diapositive portant sur les bénéfices nets. Les chiffres proviennent d'une étude. Pour le gouvernement fédéral, on a établi les coûts jusqu'ici à 34 millions de dollars en crédits d'impôt. Les bénéfices qui s'accumuleront au cours de la période de huit ans pendant laquelle nous détiendrons ces fonds se situeront à environ 239 millions de dollars, compte tenu de notre dossier sur huit ans. Il s'agit d'un rendement rapide. Les chiffres ne se fondent pas que sur une de nos études internes. Trois autres études ont été effectuées. Elles font toutes état d'un rendement rapide sur deux à trois ans pour les gouvernements fédéral et provinciaux.
Il s'agit des derniers chiffres rendus publics par l'Association canadienne du capital de risque. Ils indiquent où les capitaux sont dépensés. La Colombie-Britannique compte sur environ 12 p. 100 du capital de risque. Il s'agit d'une augmentation par rapport à l'année dernière, ce qui s'explique par la distorsion produite par le passage de 15 p. 100 à 20 p. 100 de la proportion admissible d'investisseurs étrangers. Nous fournissons 60 p. 100 du capital de risque en Colombie-Britannique.
On nous pose toujours des questions au sujet des liquidités que nous avons en main. Dans notre portefeuille, dont la valeur s'établit aujourd'hui à 484 millions de dollars, 277 millions de dollars sont investis dans des actions ordinaires de PME. Nous devrons rembourser à nos actionnaires environ 150 millions de dollars au cours des dix-huit prochains mois. Si nous avons réuni cette somme, c'est parce que nos investissements ont une durée moyenne de quatre à six ans. Nous ne pouvons réinvestir aujourd'hui quand nous ne disposons plus que de 18 mois.
Ce sont des sommes que les investisseurs ont déjà gagnées. Plus de la moitié du montant de 150 millions de dollars a trait à des gains en capital cumulé qui seront remboursés à nos actionnaires. Les capitaux réels qu'il nous reste pour cette année se chiffrent à 57 millions de dollars, ce qui correspond aux placements que nous allons effectuer. Nous recueillons des fonds chaque année parce que nous déboursons maintenant plus d'argent que nous en recevons en raison des gains en capital que nous avons accumulés.
Aujourd'hui, la tendance, au sein de l'industrie, est à la baisse. Au Canada, l'industrie du capital de risque a connu une diminution d'environ 20 p. 100, comme le montre la diapositive, et le nombre de transactions a pour sa part diminué de 25 p. 100 environ. Les signes avant-coureurs qui nous viennent des États-Unis font ressentir leurs effets parce que, au cours des deux dernières années, nous avons eu de nombreux investisseurs des États-Unis. La proportion de nos investissements en capital de risque qu'ils représentent a presque doublé, passant de10 à 20 p. 100. Cependant, la situation aux États-Unis est nettement plus défavorable qu'elle l'est ici.
En ce qui concerne la collecte de fonds et les placements, le marché des États-Unis s'est effondré. Il compte pour moins du tiers de ce qu'il était il y a un an. Quand les investisseurs qui viennent au Canada se rendent compte qu'ils n'ont pas de liquidités, ils n'investissent pas aux États-Unis, ce qui a une incidence sur nous. L'un des problèmes relatifs à la collecte de fonds par les fonds de travailleurs tient au fait que ces derniers doivent assurer des investissements continus: c'est ainsi qu'on peut garantir un flux constant de capitaux dans l'industrie.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez fait état de rendements concurrentiels. Quel a été votre rendement au cours des cinq dernières années?
M. Levi: C'est notre rendement au cours des cinq dernières années.
Le sénateur Tkachuk: Entre 2000 et 1995?
M. Levi: Il s'agit du cumulatif à ce jour. Nous vous avons fourni les données les plus à jour puisque le marché est instable depuis trois mois. Il s'agit ici de nos taux de rendement composé au cours d'une période de cinq ans, soit 10 p. 100 par année sans les crédits d'impôt, par rapport à 6,2 p. 100 pour la Bourse de Toronto. Nous avons inclus le montant tenant compte du crédit d'impôt, soit, pour nos investisseurs, l'équivalent de 16,7 p. 100.
Le sénateur Tkachuk: Qu'est-ce que le fonds de travailleurs? Vous adressez-vous à un syndicat pour obtenir un permis de fonds de travailleurs? Comment cela fonctionne-t-il? Quels sont les avantages pour le syndicat?
M. Levi: L'histoire a débuté au Québec. Il s'agit d'une création du mouvement syndical québécois, avec le Fonds de solidarité. Pendant la récession des années 80, de nombreuses grandes industries ont connu des fermetures d'usine. Lorsque la récession a pris fin en 1982 et en 1983, les grandes entreprises n'ont pas réembauché dans les mêmes proportions. On a donc fait face à une rationalisation aux effets permanents. Lorsqu'ils se sont rendu compte que leurs membres ne retournaient pas dans les usines et dans les scieries, les syndicats ont regardé autour d'eux et constaté que la croissance se concentrait dans les PME. Ils sont allés voir le gouvernement provincial, à qui ils ont fait valoir que certaines entreprises étaient en difficulté. Par exemple, ils ont investi dans trois fabricants d'autobus et les ont intégrés en un seul. S'ils pouvaient obtenir un crédit de la part du gouvernement provincial, les syndicats pourraient s'adresser à leurs membres et leur demander d'investir de l'argent jusqu'au moment de leur retraite. Certaines personnes cotiseront à ces fonds pour une période de 30 à 40 ans. Les syndicats voulaient également fournir des capitaux à de nouvelles industries.
La province a donné son accord et consenti un crédit d'impôt de 30 p. 100 la première année. La deuxième année, la province et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec ont demandé au gouvernement fédéral de verser des fonds de contrepartie. Au lieu de verser des fonds de contrepartie dans une proportion de 15 p. 100 pour 15 p. 100, les gouvernements l'ont fait dans une proportion de 20 p. 100 pour 20 p. 100, soit 40 p. 100 des crédits totaux.
Le gouvernement fédéral, qui ne pouvait réserver ses interventions qu'au Québec, a dû réserver des fonds pour le reste du pays. Par conséquent, il a adopté une loi qui portait qu'il allait allouer des crédits à toute province disposée à accorder un crédit correspondant aux termes de la réglementation fédérale, à condition que le parrainage d'un organisme syndical soit acquis. Le cadre est donc défini au niveau fédéral, mais les nuances sont suffisantes pour que les gouvernements provinciaux puissent adapter le programme à chacune des économies du pays.
En vertu des règles définies par le cadre fédéral, le conseil d'administration doit se composer majoritairement du mouvement syndical. Il n'y a pas d'incitatifs financiers pour le mouvement syndical. On délimite également de façon très nette l'utilisation d'information obtenue des sociétés dans lesquelles nous investissons par rapport au mouvement syndical. Nous avons trois sociétés syndiquées dans notre portefeuille. Les autres ne le sont pas. On ne fournit pas de renseignements aux syndicats outre ceux qui sont publics.
Au Québec, on tend à investir dans des sociétés plus grandes. Dans la province, le volet portant sur les nouvelles sociétés est très important. On effectue beaucoup de travail au niveau régional, mais le fonds investit dans certaines sociétés de plus grande taille, et la proportion des entreprises syndiquées est plus importante. Nos plus grandes sociétés tendent à être syndiquées.
Le sénateur Tkachuk: Lorsqu'un organisme syndical accepte de vous parrainer, obtenez-vous automatiquement des crédits d'impôt qui vous permettent de recueillir des fonds?
M. Levi: Oui. Ce problème s'est posé tout particulièrement en Ontario parce que les Ontariens étaient autorisés à s'adresser à tous les organismes syndicaux. Les services étrangers en ont un, et la police a le sien. La Ligue canadienne de football a un fonds. Cependant, les citoyens ne sont pas laissés dans l'ignorance.
À l'examen des taux de rendement, on doit tenir compte de la taille des fonds. En Ontario, il s'agit dans la plupart des cas de petits fonds d'une valeur de moins de 100 millions de dollars. Le problème des taux de rendement n'a pas pris de temps à se poser, au même titre que celui des droits applicables aux transactions dans ce domaine. Les fonds ont donc commencé à s'atrophier. Ceux qui entretiennent des liens plus complets dans l'ensemble du pays ont tendance à afficher de meilleurs rendements, du point de vue des incitatifs gouvernementaux tout autant que de celui des investisseurs.
Le sénateur Tkachuk: Votre taux de rendement est-il exceptionnel? Il ne s'agit pas de la moyenne offerte par ces fonds de travailleurs dans l'ensemble du pays, n'est-ce pas?
M. Levi: Parmi les fonds de notre catégorie, soit ceux d'une valeur de 100 millions de dollars ou plus, c'est nous qui avons le dossier le plus favorable au pays, mais nous ne sommes pas les seuls.
Le sénateur Tkachuk: Quelle serait la moyenne?
M. Levi: Le Financial Post a établi cette moyenne, mais je n'ai pas l'article devant moi. Dans un premier temps, j'éliminerais les fonds plus petits parce qu'ils n'affichent pas véritablement de croissance. Ils constituent des artefacts historiques.
Le sénateur Tkachuk: Du point de vue de la politique gouvernementale, ils sont importants parce qu'ils ont bénéficié de crédits d'impôt aux particuliers et que des sommes y sont bloquées pour de longues périodes.
M. Levi: Je suis entièrement d'accord avec vous. Nous avons fait des observations à ce sujet au Comité permanent des finances de la Chambre des communes de même qu'au ministère de l'Industrie et du Commerce. Nous nous sommes également adressés au gouvernement de l'Ontario, même si nous n'exerçons pas nos activités dans cette province. Il s'agit d'une préoccupation majeure. Il n'y a pas de structure qui permette d'intégrer les fonds. Par conséquent, on a créé toute une série de fonds. Heureusement, on a affaire, au total, à des montants relativement limités lorsqu'on les compare à ceux qu'on retrouve dans l'industrie du capital de risque.
Aujourd'hui, nous fournissons plus de 60 p. 100 du capital de risque offert dans la province. Il y a deux ans, nous comptions pour environ la moitié des investissements dans l'industrie du capital de risque. En raison de l'afflux d'Américains et de quelques autres intervenants et de la croissance du secteur des entreprises, nous nous sommes transformés. À la suite du passage de la limite des crédits d'impôt de 40 à 30 p. 100 il y a trois ans, la proportion des investissements que nous représentons a diminué, mais nous sommes toujours à tout le moins des partenaires égaux par rapport à tous les autres groupes de capital de risque.
Le sénateur Tkachuk: La durée permise des investissements varie-t-elle selon les provinces ou y a-t-il une norme nationale?
M. Levi: À l'origine, la norme nationale était établie à cinq ans. Le Comité des finances l'a revue il y a quatre ou cinq ans. Le comité a communiqué ses résultats au ministre, des modifications ont été apportées. Nous avons été heureux de constater qu'on avait modifié la période de blocage en fonction de la nôtre, soit huit ans. Dans l'ensemble du pays, la durée de la période de blocage oscillait entre cinq et sept ans. Au Québec, elle s'appliquait jusqu'à l'âge de 65 ans. Maintenant, la norme est de huit ans partout.
Le sénateur Tkachuk: Pour les fonds de 100 millions de dollars ou plus, quel serait le taux moyen de rendement dans l'ensemble du pays?
M. Levi: Je ne peux pas vous citer le chiffre de mémoire. Je dirais que, sur une période de cinq ans, il est de l'ordre de7 ou 8 p. 100.
Le sénateur Tkachuk: Ces fonds comptent pour la grande majorité des fonds de travailleurs, n'est-ce pas?
M. Levi: Le Fonds de solidarité, VenGrowth, CMDF, le Fonds de relance et GrowthWorks comptent pour environ 90 p. 100 de l'argent.
Le sénateur Tkachuk: Pensez-vous que l'assimilation des fonds plus petits aux plus grands serait une bonne idée? Comment protéger les intérêts des investisseurs et des crédits d'impôt consentis? Sur le plan de la politique gouvernementale, autoriser la fusion ou la prise de contrôle de fonds plus petits constituerait-elle une bonne idée?
M. Levi: La difficulté vient de la complexité du droit canadien des entreprises. L'évaluation est un problème, tout comme l'est la période de blocage de huit ans, sans compter qu'il s'agit dans la plupart des cas d'entreprises privées. À ce niveau, on ne peut rien faire sans modifier au préalable le droit des entreprises partout au pays. C'est très difficile.
Il est bien que le marché se soit prononcé. Le marché est conscient de la situation, et les investisseurs effectuent leurs transactions puis disparaissent.
Le sénateur Banks: Vous avez dit que vous détenez vos actions dans une société pendant une période de quatre à six ans. Y a-t-il des exceptions à cette règle? Êtes-vous toujours présents dans certaines des entreprises dans lesquelles vous avez investi un régime?
M. Levi: Il y a des exceptions. J'utilisais une moyenne. Nous avons dans notre portefeuille des investissements vieux de sept ans. Le phénomène s'explique peut-être par le fait que la société ou son schéma de croissance nous plaisent ou encore par celui qu'elle éprouve des difficultés, que nous en avons réduit la valeur et que nous sommes à la recherche d'un acheteur.
Le sénateur Banks: C'est votre comité de placement qui détermine des ventes tout autant que des acquisitions?
M. Levi: Non. Le Comité de placement a cédé ce pouvoir à la direction.
Le sénateur Banks: C'est vous qui décidez?
M. Levi: Oui.
Le sénateur Banks: Lorsque vous décidez de faire coter une entreprise en bourse ou de faire un premier appel public à l'épargne, est-ce vous ou quelqu'un d'autre qui a le dernier mot?
M. Levi: Nous ne détenons jamais une participation majoritaire dans une société. C'est donc toujours la direction qui prend la décision. Cependant, nous nous réservons chaque fois un siège au conseil d'administration. Nous consacrons beaucoup de temps aux gestionnaires de nos entreprises. Nos gestionnaires ne s'occupent que de cinq entreprises à la fois, ce qui leur permet de consacrer 20 p. 100 de leur temps à chacune. Nous avons beaucoup d'influence, mais ce n'est pas à nous que revient la décision finale. Fréquemment, nous coinvestissons avec d'autres groupes de capital de risque, des fonds communs de placement et d'autres que nous sommes parvenus à attirer.
Le sénateur Banks: Si je me présente chez vous avec une compagnie en démarrage qui semble prometteuse, il n'y a pas de convention des actionnaires en vertu de laquelle vous exercez certains droits, bien que vous ne soyez qu'un actionnaire minoritaire, sur la décision de faire coter l'entreprise en bourse, de la vendre, et cetera?
M. Levi: Il y a une convention des actionnaires. Les conventions varient d'une entreprise à l'autre. Dans la première ronde, il y a généralement une disposition qui nous permet, si nous sommes les seuls investisseurs, à bloquer un premier appel public à l'épargne. Il y a habituellement quatre ou cinq rondes. Dès le deuxième, la disposition disparaît habituellement puisque l'investisseur suivant risque de se montrer intéressé par un premier appel public à l'épargne.
L'une des choses que nous établissons d'entrée de jeu avec nos sociétés a trait à l'endroit où elles doivent s'adresser pour obtenir des liquidités. Nous avons une vision commune des modalités de notre retrait. Il arrive parfois que des investisseurs tombent en amour avec leurs sociétés et ne souhaitent jamais vendre. Grand bien leur fasse, mais nous avons pour notre part de nombreux REER que nous devons rembourser aux personnes qui prennent leur retraite. Par conséquent, nous passons le processus en revue avec elles. À condition que nous puissions nous entendre, nous consentons l'investissement.
Le sénateur Banks: Si j'investis dans votre fonds et que je suis assujetti au blocage de huit ans, êtes-vous assujetti à des contraintes en ce qui concerne les investissements ou pouvez-vous acheter aujourd'hui et vendre demain?
M. Levi: Théoriquement, nous pourrions le faire. Cependant, pour répondre aux exigences relatives à l'investissement, nous devons réinvestir toutes les sommes que nous avons placées.
Si, par miracle - notez que cela ne nous est jamais arrivé -, nous investissions un jour et que, dès le lendemain, on nous offrait un taux de rendement substantiel, nous nous saisirions probablement de l'occasion. Cependant, il faudrait que ce soit un rendement de 200 à 300 p. 100 parce que, de façon générale, c'est le schéma de croissance que nous étudions lorsque nous décidons d'investir dans la société.
Le sénateur Banks: Vous avez dit avoir certains investisseurs américains. Ils n'ont pas droit à des avantages fiscaux, n'est-ce pas?
M. Levi: Ils ne font pas partie de notre réserve de capitaux; ce sont des coinvestisseurs.
Le sénateur Furey: Quel pourcentage de vos capitaux êtes-vous tenu de conserver en actifs liquides?
M. Levi: Vingt pour cent. L'inverse est aussi vrai. Nous sommes tenus d'investir au moins 80 p. 100. Par exemple, nous pourrions, si nous le souhaitions, investir 85 p. 100.
Le sénateur Furey: La loi le prescrit?
M. Levi: La loi de la Colombie-Britannique prescrit un minimum de 80 p. 100.
Le sénateur Furey: Est-ce suffisant ou excessif?
M. Levi: Nous sommes portés à croire que c'est excessif parce que c'est le pourcentage le plus élevé au pays. La vérité, comme l'indiquent les chiffres que nous vous avons fournis, c'est que nous n'avons pas d'importantes liquidités en main. Que le pourcentage soit fixé à 80 ou à 70 p. 100, nous allons toujours faire des placements.
Le sénateur Furey: Quel est le pourcentage des investissements qui sont vendus à l'expiration de la période de blocage?
M. Levi: C'est la première fois qu'on me pose la question. Environ le tiers de nos investisseurs vendent leur participation et réinvestissent pour une autre période de huit ans; environ le tiers d'entre eux reprennent leur argent; et le dernier tiers d'entre eux laissent leur argent dans le bassin de liquidités en raison des taux de rendement offerts. Cela nous pose un problème considérable puisque nous ne pouvons réinvestir cet argent en capital de risque. C'est pourquoi nous avons 150 millions de dollars que nous ne pouvons pas investir.
Le sénateur Furey: J'ai demandé au témoin précédent de dire pourquoi le taux de rendement de son entreprise était de 3,3 p. 100 par rapport à celui de la vôtre, qui est de 13,6 p. 100. L'écart est relativement considérable. Le phénomène s'explique-t-il en partie par le fait que votre situation, en Colombie-Britannique, s'apparente davantage à celle d'un monopole?
M. Levi: Nous ne sommes pas un monopole. Nous sommes un monopole en ce sens que personne d'autre dans la province n'est en mesure de réunir des fonds pour faire ce genre de travail parce que nous sommes une entreprise de capital de risque. Nous avons des groupes de capitaux indigènes comme Ventures West, la Banque de développement, qui a une division active en Colombie-Britannique, et la Coopération Placements Banque Royale, même si elle vient tout juste de fermer ses bureaux et de déménager ses pénates dans l'Est après avoir joué un rôle des plus actifs en Colombie-Britannique. Il y en a encore d'autres qui interviennent au cas par cas.
La principale différence a trait aux économies. Le fonds manitobain a réellement été structuré pour venir en aide aux propriétaires d'entreprises. Au Manitoba, la tendance habituelle est la suivante: une entreprise bâtie au Manitoba est vendue à une autre entreprise canadienne ou américaine, puis elle ferme ses portes et assure le service au moyen d'un entrepôt. Prenez l'exemple des 275 personnes qui travaillent toujours que le représentant du fonds manitobain a cité en exemple. C'est l'une des principales raisons qui expliquent la création du fonds manitobain. Les taux de rendement que vous obtenez pour ce genre d'investissement seront, par nature, moins élevés.
En Colombie-Britannique, nous misons aujourd'hui sur la plus importante communauté biotechnologique au pays, à moins qu'elle ne vienne au deuxième rang. Les risques sont élevés, mais les taux de rendement sont spectaculaires. Nous bénéficions d'un secteur de la haute technologie dynamique, grâce auquel nous bénéficions d'occasions différentes de celles qui s'offrent au Manitoba.
Le sénateur Furey: Si on s'intéresse à l'expérience de l'Ontario, où il y a plus de concurrence, et qu'on la compare à la vôtre, vous êtes probablement mieux en mesure, par rapport à un grand nombre d'entreprises, de choisir vos placements, n'est-ce pas?
M. Levi: Nos concurrents se trouvent dans l'ensemble du Canada et des États-Unis.
Le sénateur Furey: Je vous félicite de votre taux de rendement.
M. Levi: Généralement, nous investissons avant que quiconque d'autre ne manifeste de l'intérêt. Rares sont les parties intéressées à investir au niveau où nous le faisons. Si vous interrogez des personnes au sujet du nombre d'entreprises dérivées dont elles se sont occupées - trois professeurs d'université en sarrau blanc qui se constituent en société -, vous constaterez que les intervenants ne sont pas légion. À notre niveau, qu'il y ait un, cinq ou dix intervenants en ville, nous n'avons pas de concurrents en ce qui a trait au premier investissement. Ce n'est pas là que les investisseurs interviennent.
Le seul groupe avec qui nous travaillions, Ventures West, est remonté plus haut le long de la chaîne. Il tend à se concentrer sur des investissements plus importants, et nous sommes restés dans notre «créneau», c'est-à-dire les investissements à un stade très précoce. Nous continuons d'investir à toutes les étapes du processus, mais nous sommes présents dès les tout débuts. Ce qui justifie notre taux de rendement, c'est non pas ce facteur, mais bien plutôt le stade précoce auquel nous investissons et la qualité de notre équipe de placement. Au sein du marché des premiers appels publics à l'épargne, nous avons connu une période enivrante, et nous sommes assurés de vendre au moment opportun, pour éviter de nous retrouver avec, sur les bras, les mêmes investissements que d'autres intervenants.
Le sénateur Tkachuk: À combien se chiffrent vos frais de gestion?
M. Levi: Ils sont inférieurs d'environ 40 p. 100 à la moyenne de l'industrie. En vertu de notre contrat, les frais se situent à environ 2,4 p. 100.
Le sénateur Tkachuk: C'est très bon.
M. Levi: Il n'est pas facile de s'en accommoder, mais nous y parvenons. Par exemple, le plus important fonds, le Fonds de solidarité, est le seul fonds dont les frais de gestion soient inférieurs aux nôtres, soit environ 2,1 p. 100. Cependant, le fonds administre un actif de quelque 4,5 milliards de dollars.
Le sénateur Hervieux-Payette: Y a-t-il de nombreuses femmes entrepreneurs qui viennent frapper à votre porte?
M. Levi: Oui, par rapport à d'autres entreprises, mais non si on tient compte de l'ensemble du portefeuille. Nous avons quatre ou cinq femmes PDG d'entreprises florissantes. L'une des entreprises dérivées de l'Université Simon Fraser s'appelle Encompass Laboratoires. C'est une professeure d'université qui la dirige. Nous avons amené Intel Ventures à investir dans la compagnie, de même que des Européens et une diversité d'autres investisseurs. Nous avons récemment vendu la société à Microsoft.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous avez réalisé des gains importants, grâce à une femme. Combien de femmes siègent aux conseils d'administration? Vous devez bien avoir un bassin de personnes que vous désignez au conseil des diverses sociétés. Comment choisissez-vous les membres des conseils? Comment vous y prenez-vous pour déterminer si elles sont aptes à occuper un siège?
M. Levi: Le Working Opportunity Fund se compose de femmes à environ 40 p. 100. Nous misons également sur un conseil consultatif des entreprises, chargé de passer en revue nos placements, lui aussi composé à 40 p. 100 de femmes. Nous incitons nos entreprises à étudier la possibilité de nommer des femmes à leur conseil d'administration, et nous le faisons aussi. De toute évidence, nous examinons les compétences en premier.
Nous sommes actuellement en mode de croissance pour des particuliers ayant suffisamment d'expérience, en particulier des femmes, puisque ces dernières ont mis du temps à pénétrer ce marché. Il a fallu quelques années avant qu'elles possèdent les qualités requises pour occuper un poste d'administratrice, mais nous pouvons aujourd'hui compter sur certaines femmes solides et chevronnées.
Le sénateur Hervieux-Payette: Ai-je bien compris que, au moment d'investir dans une entreprise, vous exigez généralement un siège au conseil d'administration? Serait-il inusité que vous en occupiez plus d'un?
M. Levi: Habituellement, nous exigeons que l'un de nos agents de placement siège au conseil. C'est l'expertise que nous mettons au profit de la table. Nous exerçons également une influence considérable sur les discussions entourant la nomination des autres membres du conseil.
Le sénateur Hervieux-Payette: Quelle serait la taille moyenne des investissements, par rapport à celle du plus petit ou du plus important investissement?
M. Levi: Nous commençons par de petits investissements pour finir par des investissements plus importants. Nous abordons chaque ronde au cas par cas. Par exemple, notre plus petit placement est de l'ordre d'environ 100 000 $. Le plus important placement de notre portefeuille se chiffre aujourd'hui à quelque 13 millions de dollars, étalés sur quelques années.
Les chiffres que vous avez vus à propos de notre calendrier de placement ne tiennent pas compte des deux dernières rondes auxquelles nous avons procédé parce que la société était trop importante.
Le sénateur Hervieux-Payette: L'une des critiques que les femmes d'affaires du Québec adressent au Fonds de solidarité, c'est que, leur semble-t-il, le Fonds attribue toujours une très faible valeur à leurs entreprises. Lorsqu'il investit, le Fonds acquiert une participation importante, et les entrepreneures ont l'impression de se faire voler.
Comment vous y prenez-vous pour évaluer une entreprise de telle manière qu'un entrepreneur n'ait pas le sentiment qu'il s'agit d'un dernier recours pour éviter la faillite? Comment vous y prenez-vous pour éviter que l'investisseur ait le sentiment d'être contraint de vous donner tout ce que vous voulez? Comment vous y prenez-vous pour assurer un traitement équitable à l'entrepreneur?
M. Levi: C'est l'histoire qui permet de répondre à la question. Si vous n'êtes pas équitable et que vous profitez de personnes en difficulté, la colère se manifestera sous une forme ou une autre deux ou trois ans plus tard. N'oubliez pas que nous détenons toujours une participation minoritaire. Lorsque quelqu'un s'adresse à nous, nous lui recommandons dans un premier temps de visiter notre site Web et de sélectionner trois entreprises au hasard. Nous les encourageons ensuite à parler au PDG des modalités de la collaboration avec nous. Si nous avons vendu, comment les choses se sont-elles passées? Ce sont nos meilleurs agents de promotion. Nous nous en remettons aux PDG.
Nous assumons une responsabilité, et cette responsabilité nous pèse chaque jour. Des gens nous confient leur épargne-retraite. Ne nous le perdons jamais de vue. Il s'agit de la portion risquée de leur épargne-retraite. Nous n'allons pas consentir à quelqu'un un prix élevé et, ce faisant, risquer de nuire à nos investisseurs.
La réponse à votre question, c'est que nous tentons toujours d'être équitables. Cependant, je suis certain que chacun se fait une idée différente de ce qui est équitable.
Le sénateur Hervieux-Payette: Lorsqu'une société fait appel à l'épargne publique, les investisseurs souhaitent profiter d'une nouvelle occasion et demandent un rabais. Lorsque la société fait un appel public à l'épargne, payez-vous le même prix que les autres investisseurs?
M. Levi: Généralement, nous n'investissons pas au moment d'un premier appel public à l'épargne, à moins que la société ne nous demande de lui manifester notre appui. Souvent, la société de courtage qui inscrit l'entreprise lui demande si son investisseur est un acheteur ou un vendeur. Le fait que l'investisseur soit un acheteur lui donne un coup de pouce. Au moment d'un premier appel public à l'épargne, je ne pense pas qu'on puisse obtenir en Ontario un rabais pour la Colombie-Britannique puisque la Commission des valeurs mobilières ne l'autoriserait pas.
Si vous obtenez un rabais, vous êtes tenu de conserver vos actions pour une période qui s'établit généralement à un an. Certaines personnes effectueront un placement privé avant un premier appel public à l'épargne, mais, à ce stade, vous le ferez au coût du marché. Dans la plupart des cas où nous avons proposé de faire l'acquisition d'actions, nos entreprises sont parvenues à attirer assez de capitaux pour que nous n'ayons pas à continuer à investir.
Le président: M. Mains, de Government Consulting Inc., demande que l'information de base concernant le Fonds de solidarité du Québec soit incluse dans le compte rendu. Il s'agit du rapport annuel. Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Banks: Je suppose que vous ne pouvez pas faire partie de la liste du président.
M. Levi: Il existe une règle qui nous empêche d'investir à titre personnel.
Le sénateur Banks: Pourriez-vous décrire la nature des placements que vous faites dans le domaine du cinéma et du divertissement? Cela fait partie du secteur des services, n'est-ce pas?
M. Levi: Nous avons investi dans trois ou quatre entreprises. Nous avons une participation dans Mainframe, qui est le principal studio d'animation en Amérique du Nord. Il a à son actif, par exemple, Reboot et Beasties. Nous pensons qu'il s'agit là d'une occasion internationale de premier plan. Nous investissons aussi dans une entreprise appelée Peace Arch, qui est la plus importante société de production d'émissions télévisées en Colombie-Britannique. Nous investissons dans un groupe spécialisé dans le cinéma pour enfants qui réalise quatre ou cinq films par année. Nous avons le sentiment d'être des chefs de file dans ce secteur.
Le président: Messieurs, je vous remercie de votre temps.Je vous félicite de votre brillant rendement général.
La séance est levée.