Aller au contenu
BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 25 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 28 novembre 2001

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit ce jour à 15 h 35 afin d'examiner la situation actuelle du régime financier canadien et international.

Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Notre premier point à l'ordre du jour est l'examen, afin d'en faire rapport, de la situation actuelle du régime financier canadien et international. Nous débuterons par les questions frontalières. Nous entendrons, pour commencer, MM. Burrows et Jones de l'Association des chemins de fer du Canada.

M. Bruce Burrows, vice-président, Affaires publiques et Relations gouvernementales, Association des chemins de fer du Canada: Honorables sénateurs, bonjour. Merci d'avoir invité l'industrie du chemin de fer à vous faire part de ses réflexions sur les questions frontalières et sur l'histoire de ses relations commerciales avec les États-Unis en cette période tellement importante.

J'aimerais vous faire comprendre cet après-midi qu'à nos yeux, la sécurité et la facilitation du commerce vont de pair. Cela constitue d'ailleurs le thème central de notre mémoire.

Je ne vais pas commenter toutes nos diapositives mais plutôt m'attarder à quelques points.

L'Association des chemins de fer du Canada représente 56 compagnies ferroviaires qui sont présentes presque partout au pays et qui exploitent différents types de lignes ferroviaires allant de la catégorie 1 - celles que vous connaissez sans doute le mieux, soit le CN et le CPR - à des compagnies secondaires. Vous ignorez peut-être que 35 à 40 d'entre elles sont arrivées sur le marché au cours des cinq dernières années. Nous représentons aussi les services ferroviaires intervilles, principalement assurés par Via Rail, et les quatre principales compagnies de chemin de fer de banlieue, soit celles de Montréal, de Toronto, de Vancouver et maintenant d'Ottawa qui est notre dernier membre, ainsi que les exploitants de lignes ferroviaires à vocation touristique. Ensemble, nos membres acheminent plus de 4,2 millions de wagons de chemin de fer par an et transportent plus de 51 millions de passagers.

Même si nous le voulions, nous ne parviendrions pas à oublier l'horrible journée du 11 septembre dernier. Ces événements nous ont amené à repenser nos relations commerciales avec les États-Unis au même titre que nos relations familiales. Aujourd'hui, la frontière est importante du point de vue commercial parce que nous sommes en train d'envisager tout à fait différemment nos relations commerciales à l'échelle nord-américaine afin de trouver une façon de continuer à bien fonctionner.

La plupart des questions dont on parle actuellement ne sont pas nouvelles; elles sont antérieures au 11 septembre. C'est à cause du 11 septembre qu'elles se retrouvent maintenant à l'avant-scène.

Le ralentissement économique que nous avons perçu dans l'industrie ferroviaire au cours de l'été a été exacerbé à cause du 11 septembre. Il faut sans doute y voir là les conséquences d'un resserrement, par les Américains, de la sécurité à la frontière. Cette situation risque de porter atteinte à notre performance économique à long terme et risque aussi d'entraver le niveau d'investissement au Canada. Voilà essentiellement pourquoi autant de gens sont aujourd'hui préoccupés par les questions frontalières, par-delà l'aspect sécurité dont la sécurité des personnes.

Au cours des deux dernières années, nous avons constaté que l'industrie ferroviaire était particulièrement ciblée par les douanes américaines lors des inspections à la frontière, ce qui pose plusieurs problèmes sur les plans de l'exploitation et de la sécurité dans le cadre de nos opérations transfrontières.

Du point de vue financier, la majorité de nos compagnies membres ont fait état d'une baisse très nette de leurs résultats du troisième trimestre qu'elles viennent de publier. À certains égards, je dois dire que les répercussions sur les chemins de fer sont moindres que celles ressenties par d'autres modes de transport, parce qu'au cours des cinq ou six dernières années, nous avions effectué certains investissements et amélioré nos pratiques aux frontières. Dans le même temps, l'industrie a consacré quelque 10 millions de dollars à l'amélioration de la sécurité aux points de passage frontaliers, notamment par la pose de caméras dans les tunnels. Les principaux acteurs de notre industrie disposent de leurs propres services de sécurité. Nous avons, par ailleurs, mis sur pied plusieurs centres de contrôle et de gestion centralisés, modernes, dotés des derniers instruments de la technologie, et avons amélioré nos infrastructures de soutien pour continuer d'assurer le service autant que faire se peut malgré les effets du 11 septembre.

Ainsi, on constate que du côté du transport des passagers, les volumes de VIA Rail ont augmenté de 10 à 20 p. 100 étant donné que les gens, comme j'aime à le répéter, «s'essaient au transport ferroviaire» au lendemain du 11 septembre. Tous ces passagers empruntaient l'avion avant cette date et ils veulent essayer ce qui est, à leurs yeux, un mode de transport plus sûr.

Je dois préciser que ce sont tout particulièrement les compagnies secondaires qui, au Canada, vont être éprouvées à cause du ralentissement économique. Ce sont elles qui sont les plus vulnérables au ralentissement économique, à cause des restrictions qu'on leur impose sur le plan géographique et aussi parce qu'elles dépendent d'un marché de denrées qui se limite à un ou deux produits. À cause de leur rayonnement géographique limité, elles seront particulièrement touchées par la récession.

Pour ce qui est du transport des passagers, nous avons atteint notre pleine capacité relativement au matériel roulant que nous pouvions mettre en service dans le corridor Toronto-Ottawa ou plutôt Toronto-Montréal. Malgré une légère augmentation du trafic - qui, comme je le disais, est de 10 à 20 p. 100 - nous avons atteint un plafond au point que des compagnies comme Via ne peuvent pas accueillir plus de passagers.

Pour ce qui est de la sécurité, la situation nous est facilitée par le fait que nous exploitons des lignes dédiées, privées, le long de corridors contrôlés. De plus, depuis le 11 septembre, nous collaborons étroitement avec les services des douanes, de l'immigration et du transport ainsi qu'avec d'autres responsables gouvernementaux des deux côtés de la frontière. Nous avons conclu un protocole d'entente avec Transports Canada en 1997. Celui-ci concerne tout ce qui touche aux problèmes importants de sécurité. Nous avons adopté plusieurs autres mesures afin d'acheminer marchandises et passagers en toute sécurité, en cas de crise.

Nous avons aussi travaillé en étroite collaboration avec notre homologue, soit l'Association of American Railroads qui se trouve à Washington, avons mis sur pied un centre de commande et de contrôle qui fonctionne 24 heures sur 24 et avons pris d'autres mesures du même genre.

Pour ce qui est de l'avenir, nous recommandons essentiellement que les mesures gouvernementales susceptibles d'être adoptées au lendemain du 11 septembre le soient en collaboration avec les Américains, qu'elles soient bien pensées et efficaces et que les nouvelles dépenses relatives aux contrôles à la frontière soient réparties suivant deux catégories: celles concernant les risques élevés et celles concernant les risques faibles, tant pour ce qui est du transport de passagers que du transport de marchandises. Nous faciliterions le trafic à faible risque si nous nous concentrions uniquement sur les mouvements à haut risque. Nous estimons que ce principe est important.

Nous ne pouvons qu'encourager le gouvernement du Canada à prendre les rênes en main pour faire en sorte que le mouvement des marchandises ne soit pas compromis. D'une certaine façon, les impératifs exprimés par les États-Unis sont tous liés aux questions de sécurité. Jusqu'ici, les impératifs exprimés par les Canadiens touchent davantage à la facilitation du commerce. Il faut que les deux se recoupent et, parce que la sécurité est très importante, le Canada doit faire tout en son pouvoir pour assurer la sécurité à la frontière. Ainsi, les Américains seront davantage disposés à collaborer avec nous pour appliquer les mesures nécessaires afin de faciliter le commerce.

À ce sujet, je vais vous citer quelques statistiques relatives au commerce transfrontalier. La majorité des marchandises qui traversent la frontière vers le sud, autrement dit les exportations canadiennes ou les marchandises en transit en provenance de l'étranger, sont acheminées vers les têtes de chemin de fer aux États-Unis qui assurent 44 p. 100 du transport de marchandises en surface vers le sud.

Il existe environ 12 points de transit avec les États-Unis, répartis le long de notre frontière commune, et quelque huit compagnies ferroviaires canadiennes effectuent des opérations transfrontières.

Nous comptons suivre différentes orientations pour améliorer le commerce transfrontière. Nous avons investi beaucoup de temps, d'argent et d'efforts pour améliorer nos moyens de commerce électronique et les méthodes de préavis des services de douane dans le cas des passagers et des marchandises qui sont en route vers la frontière. Toute cette information est maintenant transmise électroniquement. Nous disposons d'un système très perfectionné, qui est sans doute le meilleur en Amérique du Nord, dans le cas des préavis de douane applicables à la majorité du trafic ferroviaire. Ce système nous a sans doute permis d'améliorer le temps consacré au service passager, de réduire les délais associés aux livraisons directes et de limiter les retards à la frontière, dans toute la mesure du possible.

Voilà ce que nous avons fait dans le passé. Comme nous éprouvons certaines craintes relativement à ce qui nous attend, nous recommandons au gouvernement d'adopter plusieurs initiative selon quatre grands axes. Voici les différentes façons qui pourraient nous permettre de mieux aligner les politiques douanières des deux pays afin d'assurer la sécurité à la frontière et d'améliorer nos échanges commerciaux.

Il convient, d'abord, de définir ce qu'il faut entendre par transport de marchandises et de passagers à faible risque. Ainsi, les organismes douaniers pourront consacrer leurs ressources aux mouvements associés à des risques supérieurs.

Deuxièmement, il faudrait, dans toute la mesure du possible, que les inspections aient lieu plus près des points de destination ou d'origine, loin des postes frontières, surtout que nous disposons déjà des installations nécessaires pour effectuer le nombre accru d'inspections qui pourraient s'imposer. Les marchandises sont déjà entreposées dans des gares entourées de murs d'enceinte, entièrement surveillées et patrouillées. Selon nous, c'est le plus loin possible de la frontière qu'il convient d'effectuer les inspections douanières et autres. Cette mesure n'aggravera en rien la situation à la frontière et devrait même, nous l'espérons, l'améliorer.

Troisièmement, le Canada dispose d'un avantage concurrentiel sur le plan de l'acheminement des marchandises en transit qui proviennent d'Europe ou d'Asie et passent par les ports de Halifax, de Montréal ou de Vancouver. Ces marchandises ne sont pas destinées au Canada mais aux États-Unis. Tout le monde profite de ce transport en transit, c'est-à-dire les ports, les compagnies de chemin de fer et les autres sociétés de services connexes.

Or, ce trafic pourrait très bien se retrouver directement aux États-Unis s'il aboutissait dans des ports américains. Nous devons veiller à conserver cette activité qui est menacée après les événements du 11 septembre. Nous croyons qu'il faudrait mettre sur pied un système - constituant ce que j'appellerais des démarches frontalières «externes» - selon lequel nous examinerions les importations de conteneurs et effectuerions des inspections uniformes et réciproques dans des ports canadiens ou américains, de sorte à disposer d'un système d'inspection douanière unifié au premier point d'entrée. Je le répète, ce point d'entrée se situerait loin de la frontière canado-américaine.

Enfin, nous soutenons que les douanes canadiennes et américaines devraient combiner leurs efforts pour créer une base de données intégrée et disposer d'un système informatique commun que tous les transporteurs, agents, importateurs et exportateurs pourraient utiliser afin d'enregistrer les informations relatives au trafic transfrontalier, à des fins de douane et d'immigration. Cela permettrait de réaliser des économies et d'améliorer des inspections de sécurité et les autres formes de vérification.

M. Jones va maintenant vous parler de certaines autres questions après quoi nous conclurons rapidement pour répondre à vos questions.

M. Chris Jones, directeur, Relations gouvernementales fédérales-provinciales, Association des chemins de fer du Canada: Le chemin de fer est sans doute, de tous les modes de transport, celui qui a été le moins touché par les événements du 11 septembre. Nous présentons plusieurs avantages intrinsèques et nous pourrions encore améliorer notre situation. Par exemple, le chemin de fer ne laisse qu'une empreinte environnementale limitée. Il est cinq fois moins énergivore que le camionnage interville et trois à quatre fois plus économe en combustible que l'automobile. Notre réseau, qui est parallèle au réseau routier, peut permettre de réduire la congestion sur les routes et l'utilisation des sols. Comme M. Burrows vous l'a indiqué, nous avons consacré des corridors qui s'enfoncent dans le territoire américain et notre réseau est essentiellement financé et entretenu par le secteur privé.

Nous estimons que le Canada doit trouver un meilleur équilibre entre les différents modes de transport. Nous avons récemment commandé un rapport à KPMG sur l'harmonisation et l'équité fiscales. Dans ses constats, la firme KPMG nous apprend que la charge fiscale totale imposée au chemin de fer canadien est d'environ 6,5 p. 100 supérieure à celle que doivent assumer les compagnies américaines et qu'elle est de 3 p. 100 supérieure à celle imposée au secteur canadien du camionnage. Nous estimons qu'il y a lieu de modifier cette situation pour que le chemin de fer puisse lutter à armes égales avec les autres modes de transport.

Nous recommandons notamment au comité d'examiner les aspects suivants: imposition de droit d'usage du réseau routier au transport commercial afin de traduire les coûts réels que représente le transport par camion, coûts qui sont actuellement assumés en grande partie par le contribuable.

Le président: Excusez-moi. J'apprécie tout ce que vous nous dites, mais il se trouve que nos audiences concernent les questions frontalières. Est-ce que le fait que vous soyez ou non taxé de façon équitable a un effet sur ces questions frontalières?

M. Jones: Oui, dans la mesure où il existe actuellement un déséquilibre systémique en faveur du camionnage et que nous avons vu ce qui s'est produit à la frontière après le 11 septembre.

Le président: Autrement dit, vous estimez que le gouvernement devrait subventionner les compagnies ferroviaires?

M. Jones: Non, nous estimons qu'il devrait nous permettre de lutter à armes égales pour qu'il y ait une meilleure répartition des mouvements de marchandises entre les différents modes de transport.

Le président: Continuez, mais je me demande si vous n'êtes pas hors sujet.

M. Jones: Les gouvernements européens envisagent d'adopter une taxe verte. Il s'agirait d'incitatifs plus efficaces et objectifs visant à encourager les expéditeurs à utiliser les transports intermodaux. Pour nous, il n'existe actuellement aucune politique complète sur le transport de surface au Canada, et celle-ci nous fait cruellement défaut. Nous estimons, par ailleurs, que le transport des passagers par le rail bénéficierait de règles plus équitables si le gouvernement consentait à financer les volets exploitation et immobilisation dans le cas des trains de banlieue.

En conclusion, il faut rappeler que le commerce est critique pour la performance économique du Canada. Il y a lieu d'améliorer la sécurité à la frontière tout en maintenant les échanges commerciaux pour ne pas dire en les bonifiant si possible. Le chemin de fer est un joueur important sur la scène économique, mais nous pourrions faire davantage moyennant quelques modifications sur le plan des politiques. Certaines des initiatives que nous venons de vous présenter nous permettraient d'y parvenir.

Le sénateur Tkachuk: À propos de l'écart de 3 p. 100, ai-je bien compris que vous parlez de l'écart entre votre secteur et celui du camionnage et que, plus les expéditeurs utiliseront le chemin de fer et plus ils allégeront les problèmes que subit actuellement l'industrie du camionnage à la frontière.

M. Jones: Ce que nous disons, c'est que si nous étions imposés à la même hauteur que le camionnage, nous pourrions offrir des tarifs beaucoup plus concurrentiels et que les expéditeurs auraient davantage tendance à faire appel à nous plutôt qu'à utiliser des camions ou du moins que cela permettrait de rééquilibrer quelque peu la situation et donc d'alléger les encombrements à la frontière.

Le sénateur Tkachuk: Vous disiez que votre charge fiscale est d'environ 3 p. 100 supérieure à celle du secteur du camionnage; pourriez-vous nous en dire un petit peu plus à ce sujet? De quel genre de taxe s'agit-il? Est-ce que les camionneurs paient moins d'impôt parce qu'ils empruntent le réseau routier qui est subventionné par l'ensemble des contribuables?

M. Jones: Nous payons des impôts fonciers sur nos droits de passage. Non seulement nous devons construire et entretenir les voies en plus de financer ces droits de passage, mais nous devons aussi verser des impôts fonciers. Les camionneurs, eux, ne paient pas d'impôts fonciers sur les routes. Il s'agit essentiellement d'écarts de ce genre.

Le sénateur Tkachuk: Auriez-vous des chiffres à communiquer au comité sur les effets que le resserrement des mesures de sécurité par les Américains au lendemain du 11 septembre a eus sur votre situation financière?

M. Burrows: Nous avons été touchés durant deux ou trois jours par le resserrement des mesures de sécurité à la frontière. Puis, nous avons pu quasiment revenir à la normale. Pour avoir, par exemple, établi une interface électronique avec les douanes américaines, nous avons pu convaincre nos voisins qu'ils pouvaient faciliter le déplacement des marchandises par la frontière tout en respectant leurs normes de sécurité. Les répercussions économiques du 11 septembre ont été relativement minimes. Cependant, ces événements ont précipité la récession. Nous n'avons pas encore une idée très claire - et il faudra attendre un autre mois ou plus longtemps pour savoir ce qui se passe - des répercussions en question, parce qu'elles sont plutôt étendues.

Le sénateur Tkachuk: Au point 12, à la page 7 de votre document, au sujet des initiatives à prendre à la frontière en ce qui concerne les chemins de fer, vous formulez quatre recommandations. Quelle économie l'application de ces recommandations pourrait-elle vous permettre de réaliser?

M. Burrows: Vous voulez savoir combien elles vont permettre d'économiser à notre secteur ou aux gouvernements?

Le sénateur Tkachuk: Aux deux.

M. Burrows: Bien je suppose qu'il est généralement question de limiter les coûts. Je vais vous donner un exemple, celui de l'établissement d'une «frontière externe». Si nous devions regrouper les inspections à Vancouver, nous commencerions par recommander au gouvernement de mettre en place, en collaboration avec le port de Vancouver, un système de radiographie à rayons-gamma et à rayons-X pour inspecter les conteneurs. Les conteneurs arrivant par voie maritime destinés à être transférés sur le chemin de fer seraient radiographiés dans le port. L'achat d'une machine à rayons-gamma exigerait une dépense de 1,5 million de dollars à chaque installation.

Le regroupement des effectifs d'inspection entraînerait aussi d'autres dépenses. Le gouvernement américain devrait sans doute envoyer un inspecteur dans ce port. Il devrait payer pour avoir un de ses représentants sur place. Il faudrait aussi veiller à ce que les systèmes informatiques soient pleinement compatibles ce qui se traduirait par certaines dépenses également.

Quant aux économies, nous épargnerions sans doute une bonne demi-heure à une heure de travail à la frontière. Quand les conteneurs sont arrêtés à la frontière, il arrive que le service ferroviaire soit interrompu pendant trois à quatre heures, selon le nombre de conteneurs à inspecter.

Que représente trois ou quatre heures de temps de service? Cela dépend des marchandises et de la rapidité avec laquelle il convient des acheminer. Il est relativement difficile de chiffrer tout cela. Cependant, il ne fait aucun doute que les délais de service dans le secteur ferroviaire sont importants.

Le sénateur Tkachuk: Vous voudriez qu'un conteneur arrivant au port de Vancouver soit dédouané par le Canada et mis sous scellés pour pouvoir être acheminé n'importe où en Amérique du Nord sans qu'il soit nécessaire de l'inspecter de nouveau?

M. Burrows: Il voyagerait jusqu'à sa destination qui serait une gare à l'intérieur des terres, sans doute Chicago.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce que, pour cela, il faudrait harmoniser nos lois ou pourrait-on appliquer le système actuel? Serait-il nécessaire d'harmoniser nos lois concernant les douanes pour permettre ce genre de collaboration avec les Américains?

M. Burrows: Nous sommes en train d'examiner cela plus en détail. À l'heure où nous nous parlons, le service canadien des douanes est en train d'examiner la question. Ce principe est déjà appliqué dans le domaine du transport aérien. Pour cela, il a fallu modifier les lois du Canada afin de faciliter le mouvement de passagers en transit dans les aéroports de Vancouver. Nous étudions une démarche identique pour les marchandises qui passeraient par Vancouver, par exemple. D'après ce que je crois comprendre, nous disposons déjà des lois qui nous permettraient d'appliquer une telle formule, mais il faudra peut-être apporter certains changements au règlement, par exemple pour permettre à des douaniers américains de travailler en sol canadien. Tout dépendra du genre de modèle commun que les douanes américaines et canadiennes décideront d'appliquer. Il existe plusieurs possibilités: un agent des douanes américain pourrait effectuer des inspections pour les États-Unis et un agent canadien pourrait faire la même chose pour le Canada, et les deux compareraient ensuite leurs notes. Sinon, un agent des douanes américain ou canadien pourrait effectuer l'inspection pour les deux pays. Cette dernière formule est sans doute préférable et elle est la plus efficace.

Au bout du compte, il faudra peut-être que deux agents représentant chacun leur pays effectuent ensemble la même inspection. Tout dépendra du modèle que vous retiendrez et des règlements qui seront modifiés. Tout est envisageable compte tenu de ce qui se fait déjà dans le secteur du transport aérien.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Dans votre présentation, à la page 14, vous parlez de l'harmonisation au premier et au deuxième points, vous parlez aussi du coût du transport, et dans ce coût de transport il est toujours question du coût d'attente aux frontières et du temps de transport entre l'expéditeur et le receveur de la marchandise. J'aimerais que vous nous donniez une comparaison de ce coût de façon plus précise et nous envoyer un tableau sur la capacité du transport ferroviaire de livrer la marchandise dans un temps concurrent de celui du transport routier. Si je comprend bien votre présentation, vous indiquez que si l'on avait la même structure fiscale on pourrait mieux concurrencer et réduire les effets négatifs sur le plan environnemental.

Pour accélérer les temps d'attente aux fontières, serait-il plus rapide de préparer à l'avance la procédure de douane avant de passer la frontière? Cette préparation avant la frontière règlerait-elle ce problème? Pourriez-vous alors concurrencer avec d'autres moyens de transport? Cela serait peut être une façon de régler le problème environnemental.

[Traduction]

M. Jones: Le rail est sans doute bien placé pour assurer le déplacement de marchandises sur de longues distances, marchandises qui seraient ensuite livrées par camion assurant un service souple. Pour répondre à votre question sur le «juste à temps», il faut savoir que Daimler-Chrysler et la Compagnie de la Baie d'Hudson, qui dépendent beaucoup de ce type de livraison, ont récemment retenu à contrat les services Expressway du CP aux États-Unis. Voilà qui montre toute la confiance que les Américains accordent à notre secteur pour transporter des marchandises d'utilité temporaire sur leur marché.

Nous croyons que si certains de ces problèmes fiscaux étaient réglés et que le système était un peu plus équitable, plus d'expéditeurs achemineraient leurs produits vers les États-Unis en recourant à ce genre de services intermodaux.

Le sénateur Angus: Je n'étais pas là pour entendre votre exposé, mais j'ai lu vos documents. Il est possible que la question générale qu'a posé le sénateur Hervieux-Payette à propos de la préparation préalable de documents ait déjà porté sur le thème que je veux aborder, mais je suis personnellement intéressé par la comparaison entre le camionnage et le chemin de fer. Pourriez-vous nous parler davantage des économies comparatives de temps et de coût?

M. Burrows: Très certainement. Tout à l'heure, mon collègue a fait allusion au ferroutage, qui se pratique actuellement entre le Canada et les États-Unis. L'industrie de l'automobile est particulièrement sensible aux changements qui se produisent à la frontière, parce qu'elle est sans doute, pour l'instant, l'expéditeur transfrontière type.

Le ferroutage est déjà offert entre Toronto et Montréal. Pour que le service soit concurrentiel, il doit intervenir dans un créneau de huit heures. Autrement dit, si vous expédiez vos marchandises à la fin de la journée, elles doivent arriver le lendemain matin, que ce soit dans le sens Montréal-Toronto ou Toronto-Montréal. Les sociétés de chemin de fer offrent déjà ce service. Nos clients sont les camionneurs. Du point de vue des coûts, l'industrie ferroviaire est un excellent exemple de rentabilité.

Le sénateur Angus: Est-ce qu'il s'agit d'une combinaison de modes?

M. Burrows: Oui. Les camionneurs n'utilisent ce service que s'il est intéressant pour eux et l'on constate qu'ils commentent à s'en prévaloir. Sur les deux plans, je suis en mesure d'affirmer qu'au cours des cinq dernières années, le secteur ferroviaire a réalisé d'importants progrès en matière d'amélioration des coûts et des services par rapport au secteur du camionnage.

Sur les destinations éloignées, comme entre Vancouver et Toronto, le chemin de fer a toujours bénéficié d'un avantage par rapport au camion, car nous avons réduit la durée du trajet d'un jour au cours des deux ou trois dernières années. Cela représente un gain de 25 p. 100 dans les délais de livraison. Nous avons donc un avantage sur le plan du temps par rapport à l'industrie du camionnage, mais nous sommes aussi plus concurrentiels en matière de coûts en offrant des tarifs sans doute 20 p. 100 inférieurs. Ainsi, nous sommes concurrentiels sur les plans du temps et des coûts.

Le sénateur Angus: Est-il exact qu'au cours des cinq dernières années, on a constaté une tendance générale à une utilisation accrue du chemin de fer par rapport aux autres modes de transport, surtout dans le cas du trafic transfrontalier?

M. Burrows: Entendons-nous bien, ce que j'ai dit à propos de l'augmentation du taux de fréquentation du chemin de fer après le 11 septembre concerne le trafic passager qui n'est pas transfrontalier. L'augmentation concerne exclusivement le nombre de passagers des lignes ferroviaires intérieures par rapport au transport aérien. La question du transport transfrontalier est très intéressante. Le trafic de passagers par chemin de fer entre le Canada et les États-Unis est limité, mais il y en a tout se même un peu.

Le sénateur Angus: Vous parlez maintenant de marchandises plutôt que de passagers. Est-ce exact?

M. Burrows: Non, je parle toujours de passagers. Il n'y a pas beaucoup de passagers qui traversent la frontière par chemin de fer, mais il y en a. Nous avons un problème dans le corridor de Sarnia exploité par Via Rail qui doit faire passer ses passagers de l'autre côté de la frontière. Les wagons sont ensuite confiés à Amtrak qui en assure la traction sur le reste du trajet. Pour des raisons de sécurité, les douanes exigent maintenant que les gens descendent avant que le train n'emprunte le tunnel. On les transporte par autobus de l'autre côté ou on leur demande de remonter à bord du train. Vous pouvez imaginer facilement les inconvénients que cela occasionne. Nous sommes en train d'essayer de régler cette situation.

Le sénateur Angus: Est-ce un problème temporaire?

M. Burrows: Je l'espère. L'autre point de passage important dans le cas du transport de passagers par chemin de fer se trouve entre Detroit et Windsor. Là, rien n'a changé. Les déplacements d'un côté à l'autre de la frontière sont relativement réduits et il n'y a donc pas de gros problèmes. Quand nous parlons de problèmes de franchissement de frontière, nous parlons en fait de transport de marchandises, qui est à la source de la plupart des difficultés que nous rencontrons.

Dans le cas de certains corridors intermodaux, le volume des marchandises transportées par chemin de fer, comme les pièces d'automobiles, a légèrement augmenté à cause des événements du 11 septembre.

Le sénateur Furey: Je vais enchaîner sur les questions du sénateur Angus. Quand vous parlez de franchissement de la frontière à Sarnia, vous parlez en fait de transport de marchandises et de passagers et vous nous dites que le train est ensuite pris en compte par Amtrak du côté américain, c'est cela?

M. Burrows: Amtrak s'occupe du transport de passagers.

Le sénateur Furey: Que se passe-t-il dans le cas des marchandises?

M. Burrows: Il y a plusieurs points de franchissement de la frontière dans le cas des marchandises. Il arrive même que des compagnies ferroviaires canadiennes exploitent des lignes de l'autre côté de la frontière. Ainsi, le Canadien National et le Canadien Pacifique continuent d'acheminer les marchandises au sud de la frontière jusqu'à certaines destinations. Dans certains cas, l'échange se fait au niveau de la frontière et les marchandises sont transférées à une compagnie américaine qui utilise ses locomotives pour tirer les convois. Il existe donc plusieurs formules.

Le sénateur Furey: Comment se répartissent ces deux modes? En connaissez-vous le ratio?

M. Burrows: C'est une bonne question. Pour être honnête, je ne connais pas la réponse, mais je vais l'obtenir et vous la faire parvenir. A priori, je dirais que dans 30 à 40 p. 100 des cas, les compagnies ferroviaires canadiennes passent la main à des compagnies américaines et que, dans 60 à 70 p. 100 des cas, elles assurent l'exploitation jusqu'à destination au sud de la frontière.

Le sénateur Furey: Les compagnies ferroviaires canadiennes sont-elles déjà présentes au sud de la frontière?

M. Burrows: Oui.

Le sénateur Furey: Quelles ont été les répercussions du 11 septembre sur tout cela?

M. Burrows: Vous voulez parler du transit?

Le sénateur Furey: Oui.

M. Burrows: Comme je le disais, dans les deux ou trois premiers jours, nous avons effectivement subi des répercussions. Puis, nous sommes quasiment revenus à la normale. La tendance qui s'était installée il y a environ un an et demi et qui consiste, pour les douanes américaines, à inspecter de plus en plus de conteneurs acheminés par chemin de fer à la frontière, s'est confirmée. Nous craignons que cela ne devienne une habitude surtout que, depuis, il y a eu le 11 septembre.

Nous avons assisté à une confirmation de la tendance des autorités américaines à inspecter davantage de wagons, surtout ceux qui portent des conteneurs en provenance d'Asie ou d'Europe, parce que les Américains croient qu'ils constituent un risque supplémentaire. C'est ce qu'on constate aux quatre points de transit dont je vous parlais plus tôt. Si nous options pour la formule de la «frontière externe», approche qui fonctionnerait sur le principe du périmètre de sécurité, nous pourrions couvrir tous ces mouvements et éviter toutes ces inspections à la frontière.

Le sénateur Furey: Comment cette situation se compare-t-elle à l'écoulement des marchandises en provenance des États-Unis et à destination du Canada?

M. Burrows: Dans le sens nord-sud, le trafic représente les deux tiers pour ne pas dire les trois quarts de la totalité des mouvements, et il n'est que d'un quart dans le sens sud-nord. Nous acheminons une partie des marchandises américaines qui sont exportées par des ports canadiens et de celles qui rentrent dans l'autre sens. Cependant, la majorité des mouvements prennent place dans le sens nord-sud.

Le président: Merci. Pourriez-vous m'envoyer une lettre pour m'expliquer pourquoi les règles du jeu ne sont pas équitables, pour me donner certains chiffres et me faire part de certaines recommandations sur la façon de niveler la situation - par une augmentation ou une diminution des taxes, selon le point de vue qu'on adopte?

M. Jones: Avec plaisir.

Le président: Je la ferai circuler auprès des membres du comité.

M. Jones: Nous pourrions également vous remettre un exemplaire du rapport de KPMG sur la situation fiscale.

Le président: Les politiques gouvernementales qui favorisent un secteur plutôt qu'un autre sont toujours sources de problème. Advenant que nous allions dans le sens de votre recommandation, en quoi serions-nous équitables? Encore une fois merci.

Pour la deuxième partie de nos audiences, nous allons parler de financement par actions. Ces témoins seront les derniers avant que nous passions à la préparation de notre rapport final sur le financement par actions et par capital de risque. Nous allons accueillir trois groupes de témoins cet après-midi.

Mme Mary Macdonald, présidente, Macdonald & Associates Limited: Merci beaucoup. Je suis accompagnée de M. Kirk Falconer qui est notre directeur de la recherche et de l'analyse.

Honorables sénateurs, j'ai déjà comparu devant vous il y a deux ans lors de votre première série d'audiences et je me réjouis d'avoir l'occasion de pouvoir faire le point en votre compagnie. Je serai très heureuse de vous commenter une partie des données les plus récentes concernant le secteur du capital de risque au Canada. Soit dit en passant, je dois vous préciser que ma firme est spécialisée dans le suivi de l'activité des sociétés d'investissement en capital de risque au Canada. Notre seule activité consiste à recueillir des données sur les acteurs de ce milieu, d'un bout à l'autre du Canada. C'est ce que nous faisons depuis 15 ans. Durant cette période, nous avons formé la plupart des investisseurs pour qu'ils nous fassent rapport sur leurs transactions, en réponse à nos enquêtes régulières. Nous disposons de ce que nous considérons être des données complètes et fiables sur les acteurs de cette industrie, sur l'importance du capital risque mobilisé, sur les sommes d'argent investies, sur la destination des investissements et ainsi de suite. C'est sur cette base que nous avons préparé une brève présentation aujourd'hui.

Comme je vais surtout commenter des chiffres, je pense que le mieux serait sans doute de vous distribuer la série de graphiques que nous avons préparés. À titre d'information, je vais vous commenter les données apparaissant dans ces graphiques. Tout d'abord, et pour vous replacer dans le contexte de la croissance typique d'une petite ou moyenne entreprise, il faut bien comprendre que le capital risque est un instrument de financement qui ne s'applique qu'à très peu de PME. Il est essentiellement ciblé sur les entreprises à forte croissance.

Il est, certes, important que les entreprises à faible ou moyenne croissance aient accès à différentes options de financement, mais celles-ci n'ont rien à voir avec le capital de risque. Il y a là une importante distinction à faire. Les véhicules de capital de risque s'adressent en fait à un tout petit nombre d'entreprises. Ils sont susceptibles d'avoir d'importantes répercussions économiques mais tout commence par la nécessité de bien choisir les possibilités d'investissement. Leurs répercussions dépendent de leur succès au coup par coup et non de leur généralisation.

Prenez le graphique sur les activités d'investissement trimestrielles. Nous sommes très étonnés de constater qu'à la fin du troisième trimestre, le capital de risque au Canada se maintient à un niveau relativement élevé. L'investissement total pour les neuf premiers mois de l'année est légèrement inférieur à 4 milliards de dollars canadiens, soit une diminution de 15 p. 100 seulement par rapport à la même période en 2000. Nous nous étions attendus à un recul beaucoup plus marqué. Cela en dit long de la structure de l'industrie du capital risque au Canada et de ses stratégies d'investissement. Les investisseurs de risque ne se sont pas précipités sur les entreprises Internet à l'époque où la bulle était en train de gonfler et ils n'ont donc pas subi les contrecoups du dégonflement. Loin de moi l'idée de minimiser les défis que pose l'actuelle conjoncture économique, mais il demeure que nous connaissons une stabilité raisonnable.

Cela nous distingue très nettement de ce qui se passe aux États-Unis. À la deuxième page, vous verrez que l'activité en matière d'investissement aux États-Unis est en chute libre. Au cours des neuf premiers mois, les sommes totales investies ont accusé un recul de 63 p. 100 d'une année sur l'autre et le nombre de transactions a diminué de plus de moitié. En 1999 et dans la première moitié de 2000, c'était l'euphorie puis, vraisemblablement en réaction à des ajustements économiques, aux ajustements de l'Internet et autres, tout s'est effondré.

Si vous comparez les deux séries de données, vous constaterez que le secteur du capital risque est beaucoup plus stable au Canada. Cette bonne nouvelle est en partie attribuable aux entreprises dans lesquelles nous avons choisi d'investir. De ce côté-ci de la frontière, nous avons incontestablement assisté à une transition au cours des cinq dernières années et le secteur du capital risque finance maintenant un grand nombre d'entreprises novatrices. Vous pouvez constater que les deux tiers des sommes investies vont dans ce qu'on appelle les sociétés de TI, c'est-à-dire les entreprises de technologies de l'information qui vont des réseaux de communication aux logiciels en passant par l'électronique et les semi-conducteurs. Il s'agit donc d'une cible très diversifiée.

Si nous effectuions une analyse de ce secteur à l'échelle nationale, nous constaterions que celui-ci a acquis une très forte capacité au cours des cinq dernières années, surtout du côté des prêteurs et des emprunteurs de capital de risque. Dans le secteur de la biotechnologie, la situation est également très solide. On a assisté à un véritable basculement dans le sens du financement de la haute technologie.

Je vais vous donner une rapide explication des acronymes apparaissant dans le graphique du bas de la deuxième page. Nous avons réparti les investisseurs de capital risque en différentes catégories. Il y a d'abord les sociétés d'investissement, correspondant au C et apparaissant en orange. Si l'on continue en faisant le tour dans le sens des aiguilles d'une montre, on arrive aux fonds gouvernementaux qui sont essentiellement la Banque fédérale de développement et une poignée de fonds gouvernementaux au Québec.

Puis, viennent les investisseurs institutionnels, c'est-à-dire une poignée de fonds de pension importants qui investissent directement dans les entreprises. Ils préfèrent les transactions importantes dans le domaine du prêt à risque, comme celles que pratiquent les banques commerciales.

LS correspond aux fonds de travailleurs. La tranche PI est celle des fonds indépendants privés - pour la plupart des partenariats - qui vont chercher l'argent ailleurs qu'auprès de sources institutionnelles et privées. La tranche FI, quant à elle, est celle des investisseurs étrangers et la OT est constituée par tout le reste.

Les investisseurs étrangers sont principalement des fonds de capital de risque américains. Comme vous pouvez le voir d'après ce graphique, ils représentent pour l'instant près du tiers de tous les investissements réalisés dans ce secteur. Pour la plupart, ces fonds investissent en commun avec des prêteurs de risque canadiens. Les fonds à risque canadiens sont généralement plus petits que les fonds américains. Encore une fois, comme nous ne sommes pas aussi enthousiastes que les Américains, nous ne bénéficions pas du même apport de capital. Un grand nombre d'acteurs canadiens ont instauré des relations avec des groupes d'investissement en capital de risque américains qui disposent de fonds supérieurs et qui sont prêts à convertir. En général, cette formule permet aux sociétés canadiennes de s'ouvrir sur le marché américain.

Évidemment, les compagnies qui sont axées sur la haute technologie vendent sur les marchés internationaux à la fin de leur première année d'activités et 90 p. 100 de leurs revenus proviennent de l'extérieur du Canada. Elles doivent donc pouvoir s'ouvrir sur le marché américain et s'associer à des acteurs américains susceptibles de leur apporter une valeur stratégique ajoutée. Cela étant, les acteurs américains apportent un capital de risque nécessaire parce qu'il n'y a pas suffisamment d'argent au Canada pour répondre à la demande.

Soit dit en passant, il convient de signaler que si l'investissement réalisé par l'industrie du capital de risque aux États-Unis a reculé de 60 p. 100 d'une année sur l'autre, les sommes mises à disposition par les mêmes fonds au Canada ont augmenté de plus de 40 p. 100 dans la même période. Les Américains reconnaissent la qualité des sociétés de haute technologie au Canada, la capacité croissante de nos équipes de gestion entrepreneuriale et l'importance accrue des relations entre certains acteurs américains et canadiens.

Il convient, cependant, de maintenir un équilibre. Quant à nous, nous nous tournons du côté de l'offre pour faire en sorte qu'il y ait suffisamment d'intervenants prêts à financer des transactions représentatives de nos compagnies à forte croissance qui méritent de bénéficier d'investissements d'envergure.

S'agissant de l'offre, force est de constater que les capitaux communs au Canada sont particulièrement diversifiés. Un graphique comparable pour les États-Unis montrerait que les fonds indépendants privés, qui sont soutenus par des groupes institutionnels, occupent 90 p. 100 de l'industrie. Au Canada, les choses sont mieux réparties. Entre le début et le milieu des années 90, la majorité des groupes financés par des institutions ne parvenaient pas à mobiliser de capital. Les fonds de travailleurs ont commencé à faire sentir leur présence entre le début et le milieu des années 90, à une époque où les capitaux étaient effectivement très rares.

Nous sommes maintenant dans une situation qui correspond à ce que j'appelle un «tabouret à trois pieds». La stabilité de l'industrie dans le contexte canadien est constituée par trois éléments: les fonds de travailleurs, les fonds indépendants privés et les sociétés d'investissement. Ces trois acteurs contribuent aux capitaux communs et sont des intervenants actifs sur le marché.

En une période d'incertitude économique, cette diversité nous rend un grand service parce que nous ne comptons pas sur une seule source. En revanche, aux États-Unis, les fonds de pension sont en train de subir les contrecoups économiques des récents événements. Ils reviennent sur les engagements qu'ils avaient pris dans le domaine du capital de risque. Dans le contexte canadien, quand ce genre de situation frappe un groupe, les deux autres peuvent intervenir et continuer à mobiliser des capitaux de risque. Nous ne dépendons pas d'une seule source.

Comme vous pouvez le constater, les fonds de pension au Canada ne sont que moyennement intéressés dans les investissements en capital de risque. Au cours des cinq dernières années, l'essentiel du capital, c'est-à-dire plus de la moitié de l'argent disponible, est essentiellement venu de particuliers qui ont investi dans des fonds de travailleurs et, dans une moindre mesure, de particuliers aux avoirs importants qui ont apporté leur appui à des fonds indépendants privés. Des entrepreneurs ont créé des véhicules de capitaux de risque en collaboration avec d'anciens camarades de travail rencontrés dans le cadre d'entreprises ayant réussi. Ces gens là remplissent un rôle essentiel dans la mise à disposition des capitaux au Canada.

Certains de mes collègues et des personnes qui travaillent avec moi dans cette entreprise depuis 15 ans pourraient vous dire que si je me laissais aller à vous parler de la participation des fonds de pension, je pourrais largement dépasser mes 12 minutes.

Le président: Retenez-vous.

Mme Macdonald: Je ne le ferai pas. C'est une question qui relève à la fois de la structure et de l'éducation et qui explique la raison pour laquelle les institutions canadiennes participent peu au capital de risque. Ce faisant, il est d'autant plus important de pouvoir compter sur d'autres sources.

Je sais que John Eckert, président de l'Association canadienne de capital de risque, a soulevé cette question quand il a comparu devant vous. L'industrie est en train d'essayer de répondre aux besoins d'éducation et de sensibilisation. C'est là un travail à long terme qui n'aboutira pas du jour au lendemain.

J'ai pensé, honorables sénateurs, que vous trouveriez intéressant de pouvoir comparer notre situation avec celle des fonds de pension américains. Nous avons préparé ce graphique qui présente les engagements des fonds de pension sur le plan des investissements en capital selon deux axes, de un à dix, de sorte que si nous ajoutions ici la contribution relative des fonds de pension au Canada, les deux courbes se superposeraient. Comme vous pouvez le voir, au cours des dernières années, elles ont été loin de se superposer. Il existe un écart important en ce qui a trait aux intérêts de financement comparatifs. Encore une fois, cela souligne l'importance qu'il y a de disposer de multiples sources de capital.

Enfin, l'avant-dernier graphique, celui des liquidités, présente le résultat de nos calculs sur les sommes actuellement disponibles pour des investissements. Il est incroyable de constater que nous disposons de près de 20 milliards de dollars de capitaux prêts à être investis; reste à savoir quelle proportion aboutira dans des sociétés. Quand nous avons commencé nos calculs à cet égard, en 2001, nous avons obtenu un chiffre légèrement supérieur à 4 milliards de dollars. Ce genre d'investissement intervient dans un environnement où l'industrie tout entière, en 2001, a investi 6,3 milliards de dollars, ce qui souligne encore une fois l'importance qu'il y a d'attirer des investisseurs extérieurs à notre base habituelle.

En examinant tout cela à bord de l'avion, cet après-midi, je me suis rendu compte que la ligne rouge de ce graphique n'était pas annualisée. Cela devrait donner plus de 5 milliards de dollars. Ce graphique vous montre qu'il n'y a pas d'offre de capitaux excédentaires, sous forme liquide, qui pourraient être consacrés à des investissements. Quant à nous, nous devons continuer à veiller à ce que l'offre de capitaux soit suffisante pour répondre aux besoins des sociétés de haute technologie qui sont en pleine croissance, surtout en période de difficultés économiques.

Pour conclure, je dirais que, dans l'état actuel de l'économie, au vu des événements du 11 septembre, nous nous trouvons dans une situation chargée de défis. Les sociétés financées ont besoin de plus d'argent pour passer au travers de ces temps difficiles. Dans l'avion, j'étais assise à côté d'un jeune entrepreneur d'Ottawa qui rentrait de Toronto. Il était allé là-bas pour essayer d'obtenir de l'argent une troisième fois. Il m'a avoué être sur le point de craquer, parce qu'il lui était excessivement difficile dans les conditions présentes d'obtenir les fonds supplémentaires nécessaires. De plus, les compagnies de capital de risque auront elles-mêmes de plus en plus de difficultés à trouver des fonds même si, d'après un article du The Globe and Mail ou du National Post de ce matin, la conjoncture actuelle devrait permettre aux fonds de travailleurs d'attirer davantage d'argent.

Honorables sénateurs, ce que je tiens à vous faire comprendre par-dessus tout, c'est que la stabilité de l'offre est le facteur le plus important de tous. Nous avons réussi à faire éclore, au Canada, des talents dans le domaine de la gestion entrepreneuriale. Nous sommes parvenus à traverser des périodes économiques difficiles. Nous sommes parvenus à un stade où nous avons su retenir l'intérêt de la toute première industrie du capital de risque dans le monde, celle des investisseurs américains. Au Canada, nous pouvons compter sur un groupe solide et expérimenté de prêteurs dans le domaine du capital de risque. Il est essentiel de permettre à ces gens-là de continuer à accéder à des capitaux stables pour qu'ils puissent continuer d'investir.

Le sénateur Angus: Madame Macdonald, vous avez parlé du montant de capital liquide prêt à être investi au Canada. Comment mesurez-vous cela? Vous avez conclu que 4 milliards de dollars seraient disponibles pour l'investissement. Comment avez-vous isolé cette somme et comment l'avez-vous mesurée?

Mme Macdonald: Dans notre base de données, nous suivons ce que font près de 200 sources de capitaux. Pour chaque fonds, nous déterminons les capitaux mobilisés au début. Nous contactons par téléphone les gestionnaires des fonds privés indépendants, autrement dit ceux qui sont financés par les institutions et qui investissent la totalité de l'argent mobilisé. Nous soustrayons simplement les sommes qu'ils investissent de celles qu'ils reçoivent. La formule est plus compliquée dans le cas des fonds de travailleurs, parce que nous nous appuyons sur les dispositions législatives et réglementaires de chaque province, que nous devons soustraire la part devant constituer les réserves en liquide, pour ne retenir que la différence. Si un fonds a reçu pour mandat de conserver 20 ou 30 p. 100 de ce qu'il recueille, cela veut dire qu'il n'y a plus que 70 ou 80 p. 100 de disponible dans son portefeuille, moins les sommes déjà investies. Ce calcul nous permet de connaître les liquidités des fonds. Nous nous livrions régulièrement à ce genre d'exercice. Les chiffres ne sont pas parfaits. Certains groupes attribuent des sommes notionnelles année après année. Ils n'annoncent pas forcément officiellement qu'ils vont investir, par exemple, 500 millions de dollars dans telle ou telle catégorie. Tout n'est pas parfaitement tranché. Je crois cependant que notre formule nous permet de déterminer avec une précision relative le montant des liquidités disponibles sur le marché.

Le sénateur Angus: Vous avez dit que la moitié de l'argent provient de particuliers très fortunés. S'agit-il des personnes qui ont lancé des fonds de capital de risque clairement définis?

Mme Macdonald: Oui.

Le sénateur Angus: Cela ne comprend pas les anges ni les personnes aux avoirs importants.

Mme Macdonald: Non. Les anges sont des gens qui investissent dans les fonds de travailleurs parce que ceux-ci effectuent presque tous les types d'investissement. Il existe sans doute trois ou quatre fonds d'investissement, se situant dans la fourchette des 50 millions de dollars, qui sont essentiellement alimentés par des personnes ayant des avoirs importants.

Le sénateur Angus: Vos statistiques m'intéressent. La différence entre le Canada et les États-Unis se trouve amplifiée. Il est évident que, pour commencer, la situation est entièrement différente. Elle montre le genre de désavantages que subissent nos PME et nos jeunes entreprises.

Au début de notre étude, nous avons consulté plusieurs sociétés financières d'innovation américaines, surtout des particuliers qui administrent des capitaux mis en commun. Un jour, à Chicago, nous avons posé les questions suivantes: «Est-ce qu'il vous arrive d'envoyer des dépliants au Canada? Est-ce que vous iriez au Canada? Est-ce que vous proposez vos fonds à des sociétés canadiennes? C'est de là d'où nous venons. Il y a là-bas toutes sortes de situations et d'entrepreneurs intéressants». On nous a répondu: «Vous n'y pensez pas? Jamais!» Quand nous avons voulu savoir pourquoi, les gens nous ont parlé de l'environnement particulièrement défavorable qui règne au Canada. Pour vous dire honnêtement, je crois qu'ils n'ont pas voulu rentrer dans les détails par politesse, mais le message était très clair.

Selon vous, quelles sont les trois ou quatre grandes différences qui font qu'il est difficile aux entrepreneurs ou à ceux qui veulent lancer de nouvelles entreprises de trouver de l'argent?

Mme Macdonald: Voulez-vous parler d'entraves sur le marché canadien?

Le sénateur Angus: Pourquoi le marché est-il tellement inamical ici, à quelles caractéristiques doit-on son côté peu amical? On dit que ce sont les taxes, l'absence d'incitatifs au réinvestissement. Ici, l'investisseur qui réalise ses bénéfices se fait assommer, bénéfices qu'il ne peut pas reporter d'une année sur l'autre. C'est ce qu'on nous a répété à maintes reprises. Comme vous raisonnez clairement et que vous mesurez tout cela de façon logique, j'espère que vous pourrez nous permettre de mettre le doigt sur les raisons de ce genre de réaction.

Mme Macdonald: C'est tout le régime fiscal qui est en question. Plusieurs mesures ont été prises au cours des deux dernières années. Le ton est très certainement beaucoup plus positif aujourd'hui en matière de gain en capital et de report d'une année sur l'autre et l'on a donc réalisé des progrès. Dans le passé, nous avons eu de la difficulté dans le cas du bassin de talents de gestion entrepreneuriale. Nous avons compris ce qu'il fallait pour bâtir des entreprises solides et la situation a commencé à s'améliorer au cours des cinq dernières années. Désormais, cet aspect fait davantage partie de notre culture. Cela pourra vous paraître banal, mais nous essayons encore de voir comment il convient de sanctionner nos réussites sur ce plan.

Du point de vue technique, c'est l'offre qui est la plus préoccupante. Pourquoi une telle différence d'attitude sur le marché américain vis-à-vis de la participation institutionnelle? Je vous consens que les Américains ont plus de fonds de pension et de fondations que nous, mais cette réalité est le résultat d'une répartition des actifs visant à inclure le marché du capital à risque élevé. Au Canada, les six ou sept premiers fonds n'adhèrent pas à cette culture. L'offre et la demande sont devenues inextricablement liées. J'y vois là une importante partie du problème. Si les Américains commencent à investir au Canada, c'est qu'ils reconnaissent de plus en plus les bénéfices qu'ils peuvent retirer de ce qui se fait ici dans les secteurs de la haute technologie et de la gestion entrepreneuriale.

Ce que je veux faire, par-dessus tout, c'est d'attirer des investissements institutionnels. Récemment, nous avons modifié notre réglementation pour permettre aux fonds de pension américains d'investir plus facilement dans des sociétés canadiennes d'investissement en capital de risque. Il y a quelque 18 mois, un fonds de capital de risque de Boston, qui avait activement investi dans la région d'Ottawa, est parvenu à mobiliser 400 millions de dollars auprès d'investisseurs américains après avoir annoncé son intention d'investir 50 à 75 p. 100 de cette somme dans des sociétés d'Ottawa. Cependant, un fonds de capital canadien n'a rien obtenu de ces mêmes investisseurs à cause des répercussions négatives que les dispositions fiscales auraient pu avoir dans ce cas. Ce problème a été résolu au deux tiers environ, mais il reste encore un tiers. Nous devons nous doter d'une structure réglementaire susceptible d'intéresser des gens qui sont un peu en marge du courant principal. Nous allons dans la bonne direction sur ce plan, mais il y a encore des progrès à faire tant sur le plan de la fiscalité que sur celui des investisseurs institutionnels.

Le sénateur Kroft: J'ai été frappé par les chiffres impressionnants que vous avez cités en réponse à la question du sénateur Angus, surtout pour ce qui est du déclin des investissements sous la forme de capital de risque aux États-Unis. Par ailleurs, j'ai cru comprendre que les Américains ont augmenté de beaucoup leur participation au financement par capital de risque au Canada.

Mme Macdonald: C'est exact.

Le sénateur Kroft: C'est là une remarque intéressante qui a peut-être un rapport avec ce que vous êtes en train de nous dire. J'aimerais comprendre un peu mieux ce qui se passe. Est-ce que vous pourriez nous en dire plus long?

Mme Macdonald: Deux ou trois choses contribuent à cette situation, au risque de trop simplifier les choses. De façon générale, le secteur du capital de risque au Canada est beaucoup plus discipliné qu'aux États-Unis, parce que les fonds y sont plus petits. Les Canadiens investissent de plus petites sommes.

Il y a 18 mois, les entrepreneurs canadiens vous auraient dit que les sociétés financières d'innovation n'investissaient pas suffisamment dans leurs compagnies et qu'il leur était plus difficile de trouver des capitaux que pour leurs concurrents américains. En fait, on constate que la majorité des entreprises qui sont parvenues à se faire financer ont acquis une bonne discipline de gestion, d'une série de négociations à l'autre, alors qu'aux États-Unis, où les sociétés financières d'innovation prêtent à coup de 30 ou 40 millions de dollars à des sociétés émergentes, le ton n'est pas à la discipline d'entrée de jeu.

La situation canadienne a donc donné des résultats. Nous pouvons compter sur un bon bassin d'entreprises aptes à passer au travers de périodes économiques difficiles. Cela fait partie des résultats. L'autre aspect est bien sûr celui de la force du secteur des communications, surtout ici dans la région d'Ottawa. Ce secteur a attiré une grande partie des fonds investis.

Le sénateur Kroft: Vous nous citez des chiffres qui sont regroupés à l'échelle nationale?

Mme Macdonald: Oui.

Le sénateur Kroft: Au fil des ans, on nous a beaucoup parlé des variations qui existent à l'échelle du pays sur le plan de la capacité des entreprises d'obtenir du financement. Pour revenir à votre exemple du tabouret à trois pieds, où les fonds de pension sont l'élément le plus faible du système, vous avez dit que les fonds de travailleurs sont devenus l'un des trois pieds. Pour moi, ce «pied» est un acteur important sur le plan de la distribution régionale, en ce sens que les fonds de travailleurs sont, par nature, mieux répartis à l'échelle géographique. Est-ce que je me trompe? Pourriez-vous nous parler un peu plus du problème de la répartition géographique des capitaux de risque?

Mme Macdonald: Pour commencer, sénateur, je dois dire qu'en matière de répartition régionale des investissements sous la forme de capital de risque, on ne peut s'attendre à une activité importante quand il n'existe pas de masse critique. Comme il est question de choisir les possibilités les plus prometteuses, il est évident que plus le marché est petit et moins il présente de telles possibilités et donc moins le gestionnaire de fonds est en mesure d'atténuer les risques qu'il prend. Par définition, vous ne parviendrez jamais à une répartition géographique uniforme au Canada et c'est également le cas aux États-Unis. Quarante-huit pour cent des investissements en capital de risque se font dans la région de la Baie de San Francisco et 20 p. 100 sans doute prennent place dans la région de Boston.

Cela dit, comme je suis ce secteur depuis 16 ans, je peux vous affirmer que le capital disponible à l'échelle du pays a augmenté. Je suis vraiment encouragée par cette situation. On dirait que les différentes parties du pays n'ont pas toutes mûri au même rythme. Ainsi, il y a cinq ou six ans, on ne trouvait quasiment pas de capital de risque dans l'Atlantique. Aujourd'hui, trois fonds de travailleurs y sont présents et un groupe local, ACF Equity Atlantic - qui est une entreprise en coparticipation où l'on retrouve les quatre provinces de l'Atlantique, le gouvernement fédéral et des banques - essaie de regrouper des capitaux spécialisés pour stimuler davantage d'activités. J'estime que c'est effectivement ce qui s'est produit. Même chose dans les provinces des Prairies, même si l'activité y est plus limitée. Dans l'Atlantique, j'ai remarqué que les capitaux mis en commun avaient une capacité d'intervention accrue. Les quatre provinces ont atteint une certaine masse critique ensemble mais, si j'avais essayé de faire quelque chose toute seule de mon côté - et si j'avais participé à la création de ce fonds - plutôt que d'agir de façon collective, j'aurais eu beaucoup plus de difficultés.

Nous sommes en train de régler peu à peu ce problème, qui demeurera toujours dans une certaine mesure. Tout ce que je veux dire, c'est qu'il est important de prendre acte de ce problème et d'essayer de le régler, sans essayer pour autant de cibler le développement économique par le biais de l'investissement en capital de risque, parce que les choses ne fonctionnent pas ainsi.

Le sénateur Oliver: Votre société recueille des données, effectue des mesures du marché et ainsi de suite. Dans votre exposé, vous avez dit qu'un des problèmes liés au financement par capital de risque au Canada tient au fait que nous n'avons pas un bassin suffisant de compétences en gestion entrepreneuriale. Que pourriez-vous faire à cet égard? Qu'avez-vous fait ou que recommanderiez-vous? Que devrions-nous recommander au gouvernement à ce sujet? Que pouvons-nous faire pour corriger la situation?

Mme Macdonald: Ce que j'ai dit, c'est que cette situation posait un véritable problème il y a cinq ans. Aujourd'hui, les choses commencent à s'améliorer. Malheureusement, le temps est l'un des principaux facteurs de changement dans ce genre de situation. Au cours des cinq dernières années, les choses ont grandement changé. Pendant plusieurs années, je me suis dit qu'un de nos principaux actifs que nous n'exploitions pas, était le nombre de Canadiens expatriés depuis dix ans, ayant acquis une certaine expérience à l'étranger, surtout aux États-Unis. Je ne suis pas certaine de ce que vous pourriez faire de façon très précise pour régler la situation, mais nous pourrions davantage sensibiliser les Canadiennes et les Canadiens sur ce qui se passe ici, chez eux. Il y a neuf ou 12 mois, le Globe and Mail a publié un profil très intéressant d'un entrepreneur qui était venu de Californie pour diriger une société à Vancouver. Il n'était parti que deux ans et il n'avait aucune idée de ce qui se passait dans le domaine de la haute technologie à Vancouver. Les gens reviennent pour rendre visite à leurs familles ou reprendre contact, mais ils ne rentrent pas pour des raisons professionnelles.

Nous pourrions très nettement améliorer ce qui se passe ici, surtout dans cet environnement, quand on pense à toute la question de la sécurité des personnes et du fait que les gens de 42 ans avec une famille de deux enfants, qui vivent en Californie, pensent aujourd'hui différemment de ce qu'ils pensaient il y a à peine six mois. Dans la plupart des cas, leurs options sur actions ne valent pratiquement plus rien et ils ne donnent plus autant que ce qu'ils le faisaient 12 mois plus tôt. Il est alors merveilleux d'être un gros poisson dans un petit étang. Il y a plus de mille et une raisons pour lesquelles nous nous trouvons aujourd'hui en bonne posture et pouvons envisager d'attirer ces gens-là.

Je siège au conseil d'Innovations Foundation qui est la branche de commercialisation de l'Université de Toronto. J'ai commencé à parler de la façon dont nous pourrions établir un lien avec les universités qui parviennent de mieux en mieux à suivre ce qu'il advient de leurs diplômés et qui les contactent dans leur campagne de financement. On peut se demander si le gouvernement et les universités ne devraient pas collaborer afin de faire savoir que le Canada est une terre fertile, plutôt que d'essayer d'augmenter le taux de progression de l'actuel panier de compétences?

Le sénateur Oliver: Pour en revenir au fait que votre principale occupation consiste à recueillir des données et à attirer de l'argent pour des investissements sous la forme de capital de risque, vous avez dit, au début, que dans les neuf premiers mois de cette année vous aviez recueilli et investi près de 4 milliards de dollars.

Mme Macdonald: Nous avons investi près de 4 milliards de dollars.

Le sénateur Oliver: Pourriez-vous nous dire comment cette somme a été répartie? À combien se chiffre l'investissement moyen? Qui a bénéficié des investissements? Était-ce principalement en Ontario ou en Colombie-Britannique? Disposez-vous de ces données?

Mme Macdonald: Oui. Je ne me les rappelle pas très précisément, mais je vais vous en donner une idée. Des tendances très définies se profilent. L'investissement moyen est légèrement inférieur à 5 millions de dollars et l'on constate d'importants écarts d'une partie à l'autre du pays. En Ontario, l'investissement moyen était supérieur, puisqu'il s'approchait des 9 millions de dollars, là encore parce que l'investissement est supérieur dans des domaines comme les réseaux, la fibre optique et la photonique qui exigent tous beaucoup d'argent. Il est rare qu'une entreprise de fibre optique ait besoin de moins de 20 millions de dollars. En revanche, au Québec - et quelqu'un d'autre vous en parlera mieux tout à l'heure - l'activité est davantage concentrée dans les régions et sur des transactions moins importantes.

L'activité est incroyablement soutenue en Colombie-Britannique. Dans les neuf premiers mois de cette année, les sociétés de cette province ont reçu beaucoup plus d'argent que tout au long de 2000. Il s'agit de sociétés surtout spécialisées dans les technologies de l'information et en biotechnologie. Dans la région de l'Atlantique, on dénombre moins de transactions qui sont aussi moins importantes. Quand on examine les données, il n'y a rien là de contre-intuitif. Cela correspond au bassin de compétences. Les entreprises de logiciel ont généralement besoin de plus d'argent que les sociétés spécialisées en matériel ou en semi-conducteurs. Ce sont les centres d'excellence et les écoles de compétence qui attirent l'argent.

Cela dit, comme pourra vous le préciser le Dr Stiller de Canadian Medical Discoveries Fund, c'est parce que les sociétés de biotechnologie ont besoin de beaucoup d'argent que la moyenne baisse. Toutefois, l'importance des capitaux que le groupe d'experts doit investir influence bien sûr les sommes accordées à chaque société. On a assisté à des pressions à la baisse sur l'ampleur des transactions en biotechnologie, surtout à cause de la fonte des liquidités dont disposent les fonds spécialisés dans ce domaine.

Le sénateur Oliver: Qui achète vos services? Ce sont les fonds de pension?

Mme Macdonald: Je suis heureuse de vous dire que nous fonctionnons en fait en sens inverse, même si ce n'est jamais suffisant. Notre base de données est offerte en ligne et nous vendons nos services aux sociétés financières d'innovation.

Le sénateur Oliver: Ce sont donc les sociétés financières d'innovation qui sont vos principaux clients?

Mme Macdonald: Non, ce sont les fonds de pension et les sociétés de haute technologie, comme IBM et HP, les comptables, les avocats et d'autres qui achètent nos données parce qu'ils veulent savoir quelles sociétés attirent des capitaux.

Pour en revenir à ce que je disais au début, à savoir que 2 p. 100 seulement de toutes les PME présentant un potentiel de croissance supérieur attirent des capitaux de risque, nombreux sont ceux qui, pour des raisons différentes, veulent en savoir davantage à leur sujet.

Le sénateur Furey: Je vais enchaîner sur la dernière question du sénateur Oliver, parce que je suis un peu confus. Êtes-vous en train de nous dire que la répartition géographique de l'activité dans le domaine des investissements en capital de risque suit le schéma géographique de l'activité économique ou que c'est le contraire?

Mme Macdonald: Il existe un lien entre les deux, en cens sens qu'il faut d'abord pouvoir s'appuyer sur une masse critique et compter sur une culture entrepreneuriale bien implantée. Voilà pour commencer. Pour reprendre l'exemple de la région de l'Atlantique, autour de Dalhousie, je vous dirais qu'on assiste à un intérêt croissant pour les transactions dans le domaine de la biotechnologie. La taille de l'économie provinciale n'est pas forcément aussi importante que la présence d'un véritable centre d'excellence.

Le sénateur Furey: Quel est le pourcentage des capitaux de risque qui est dirigé vers des entreprises émergentes plutôt que vers des entreprises déjà établies?

Mme Macdonald: Au Canada, le ratio est très élevé. Récemment, il a presque atteint les 60 p. 100. On assiste à un nouveau phénomène remarquable et Ottawa en est un bon exemple. Des entreprises comme Nortel ou Newbridge lancent des équipes de gestion composées de spécialistes d'expérience qui rassemblent 30 à 40 millions de dollars pour lancer des entreprises dans le domaine de la haute technologie et pour les stimuler par la suite. Je suis intimement convaincue que, il y a trois ans encore, cela était quasiment impossible au Canada. Les investissements se situent dans une fourchette allant de 200 000 $ à 60 millions de dollars. C'est donc une fourchette très étendue.

J'apprécie beaucoup qu'on me donne l'occasion de tuer certains mythes. Ainsi, nous sommes tous convaincus que les Américains ont davantage l'esprit d'entreprise que les Canadiens. Pourtant, chez nos voisins du sud, au cours des deux dernières années, près des deux tiers des sommes prêtées ont servi à financer l'expansion tandis que chez nous, ce n'est pas du tout la même chose. Cela est en partie dû au fait que notre secteur de l'investissement en capital de risque est moins développé qu'aux États-Unis et que nous n'avons pas élaboré le même portefeuille. Après la première série d'investissement, il faut continuer de financer les entreprises dans leur phase de croissance. Autrement dit, à un moment donné, c'est-à-dire deux ou trois ans plus tard, il faut financer l'expansion de ces sociétés qui, à l'époque où vous les avez intégrées dans votre portefeuille n'étaient que des sociétés émergentes.

Le président: Avez-vous dit que 60 p. 100 du capital de risque au Canada aboutit dans des sociétés émergentes en haute technologie?

Mme Macdonald: Oui.

Le président: J'ai certaines informations à ce sujet, mais je ne sais pas si elles sont exactes. J'ai lu «Venture Capital Financing of Entrepreneurship in Canada», dans un ouvrage de Zott, Amit et Brander intitulé Financing Growth in Canada, publié par les presses de l'Université de Calgary et par Industrie Canada. À la page 237, les auteurs prétendent que 35 p. 100 seulement du capital de risque est en fait destiné à des entreprises émergentes, ce qui est contraire aux préoccupations exprimées avant 1984. Est-ce que cela vous paraît logique?

Mme Macdonald: J'ai l'impression que ce sont de vieilles statistiques. Je ne connais pas leurs sources. Pour en revenir à ce qui s'est passé il y a deux ans, 30 p. 100 de l'argent était destiné aux entreprises émergentes. On a assisté à un changement très important au cours des deux dernières années.

Le président: Mais ça été vrai à un moment donné.

Mme Macdonald: Tout à fait.

Le sénateur Oliver: Qu'entendez-vous par «entreprise émergente»?

Mme Macdonald: C'est une entreprise qui n'en est pas encore au stade de la production commerciale, qui vient juste d'être créée. Un premier accord de financement de départ est conclu avec une société qui ne dispose pas encore d'une équipe de gestion, qui en est encore à l'étape de la R-D et qui n'a pas encore testé son produit sous forme beta. La société devient émergente quand elle est prête à rentrer sur le marché et à proposer son produit. Les sociétés financières d'innovation prêtent de l'argent à ce genre de compagnie quand elle très près de la phase de production, sauf peut-être dans le domaine de la biotechnologie.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Madame Macdonald, au sujet des fonds de pension vous avez dit qu'aux États-Unis la proportion des fonds investis dans des «ventures» était beaucoup moins importante. Au Canada, un fonds de pension bénéficie de privilèges fiscaux, ne devrions-nous pas alors insister pour que les fonds de pension mettent un minimum de 3 à 5 p. 100 dans les «ventures»? Nous avons des réserves de fonds immenses qui sont investies dans des bons du Trésor. Je ne pense pas que c'est nécessairement le meilleur investissement. Ne devrions-nous pas avoir un politique où l'on insiste que les fonds de pension investissent une petite portion de leurs fonds dans des «ventures»?

[Traduction]

Mme Macdonald: J'ai participé à un projet il y a six ou sept ans de cela, qui m'a amenée à conclure que ce n'était pas une bonne idée de contraindre les gens à faire des choses qu'ils n'estiment pas eux-mêmes valables, parce qu'ils s'arrangent toujours pour mal les faire.

Je suis tout à fait opposée au fait d'imposer un mandat aux fonds de pension. Cela dit, je suis favorable à tout effort concerté. Quant à moi, le problème est de deux ordres. D'abord, il se situe sur le plan de l'éducation. La majorité des gestionnaires de fonds estiment intuitivement que, qui dit capital de risque, dit risque élevé, ce à quoi ne doit pas servir l'argent des retraités. Les experts-conseils en matière de retraite, au Canada en particulier, jugent que l'investissement en capital de risque n'est pas une façon légitime de dépenser leur actif, même s'ils ont des associés aux États-Unis qui le font de façon systématique. Pour commencer, l'industrie du capital de risque doit chercher à trouver des façons de mieux sensibiliser et de mieux faire connaître son action pour que la légitimité des capitaux privés - qu'il s'agisse de capital de risque, de financement d'achat ou de financement secondaire - soit reconnue en tant que démarche d'affectation des actifs. Un fonds de pension qui applique ce genre de démarche consacre généralement 5 à 8 p. 100 de ses actifs à cette catégorie d'investissement.

Deuxièmement, compte tenu de la taille des fonds de pension au Canada et de leur nombre limité, nous sommes aux prises avec un problème structurel qu'il va falloir régler. Aux États-Unis, les fonds de pension mettent les capitaux en commun si bien qu'ils n'investissent peut-être que 2 millions de dollars chacun en capital de risque. Cela ne suffit pas pour qu'ils se dotent des compétences maison nécessaires à ce genre d'investissement et l'on ne voudrait certainement pas qu'ils s'en occupent directement. Ils ont ce qu'on appelle des «fonds de fonds», c'est-à-dire des conseillers qui les regroupent de façon informelle et qui gèrent leurs comptes en leur nom.

Nous n'avons pas encore créé ce genre d'infrastructure au Canada. D'ailleurs, nous ne voyons pas comment nous pourrions y parvenir de façon économique puisqu'il n'y a que 10 acteurs dans ce domaine. Je suis intimement convaincue qu'il y a davantage lieu d'abattre tous les obstacles qui empêchent les fonds d'agir que de leur dire ce qu'ils doivent faire.

Comme les honorables sénateurs se le rappelleront peut-être, en 1985, quand je me suis lancée dans ce domaine, j'ai effectué des recherches sur la participation des fonds de pension. Le gouvernement fédéral de l'époque avait décidé, dans son budget, d'adopter des dispositions prévoyant que, pour chaque dollar investi dans une PME ou dans des fonds reconnus, les fonds de pension pourraient investir 3 $ de plus dans des titres étrangers. Cependant, tout a déraillé parce que, comme les fonds l'ont justement fait remarquer, il n'existait aucun lien entre la politique sur l'investissement étranger et la politique sur l'investissement dans les PME. Les dispositions n'ont pas donné lieu aux résultats attendus et elles ont peut-être même occasionné un recul parce qu'elles ont suscité énormément de mauvaise volonté.

Il y a donc place pour l'amélioration de la participation du gouvernement, mais celle-ci devra se faire de façon constructive. Le gouvernement doit comprendre pourquoi il doit intervenir et pourquoi il faut compter sur une infrastructure.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Les fonds de pension qui investissent dans les «ventures», ont-ils une meilleure performance de croissance?

[Traduction]

Mme Macdonald: Le rendement du capital de risque n'est qu'un élément de l'activité des fonds de pension qui placent aussi leur argent dans des actions ordinaires et dans des obligations. En collaboration avec l'Association canadienne de capital de risque, nous essayons, pour la première fois, d'établir des données repères en matière de rendement, parce que celles-ci n'existent pas encore. Malheureusement, comme il faut du recul nous ne pourrons effectuer de mesures avant que les fonds n'oient disposé de trois à quatre ans pour bâtir leurs portefeuilles et obtenir un certain rendement. J'espère qu'au début 2002, nous disposerons de telles données pour savoir ce qu'il en est. C'est là une question importante pour les fonds de pension.

Le président: Merci, madame Macdonald.

Je vais maintenant inviter le groupe suivant à s'asseoir à la table. Je souhaite la bienvenue à M. Patterson, au Dr Stiller et à MM. Delaney et Steplock.

Veuillez vous asseoir et commencer par un bref exposé, après quoi nous passerons aux questions.

M. Dale Patterson, directeur général, Association des fonds d'investissement de travailleurs: Honorables sénateurs, merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de témoigner devant vous. Dans les quelques prochaines minutes, nous vous ferons une brève présentation et de nous mettre à votre disposition pour répondre à vos éventuelles questions. Nous vous avons fait remettre deux ensembles de documents. Le deuxième est une série de références et je ne m'attends pas à ce que vous le lisiez en détail. Nous vous laissons ces documents pour que vous-même et votre personnel puissiez les consulter à loisir.

Je vous souhaiterai, par ailleurs, qu'ils soient officiellement annexés au procès-verbal comme faisant partie de notre témoignage. Nous avons consacré pas mal de temps à les préparer. Le premier volume est le produit de plusieurs discussions que nous avons eues entre nous afin d'essayer de nous préparer à vos questions et de répondre à vos préoccupations.

Je vais commencer par vous présenter rapidement le premier document de référence qui comporte deux principaux éléments. À la section 2, vous trouverez une sélection de résumés émanant de certains fonds. Tous nos membres n'apparaissent pas ici. Il s'agit de sommaires émanant d'un certain nombre de fonds qui ont répondu aux questions que vous avez posées au cours des dernières semaines et des derniers mois. Nous voulions vous donner un bref aperçu de la position de nos membres.

Dans ce même document, nous avons inclus certains témoignages. Il y a deux ans, nous avons contacté nos sociétés d'investissement et leur avons demandé des témoignages décrivant ce qu'il serait advenu d'elles si elles n'avaient pas bénéficié de fonds de travailleurs. Les témoignages portent sur les emplois créés, le développement économique et l'avenir. Nous les avons donc inclus dans nos documents.

Nous avions préparé tout cela il y a deux ans quand M. Martin, pour le gouvernement fédéral, et M. Eves, pour le gouvernement provincial, voulaient parler de l'impact des fonds. Nous avons aussi inclus dans ce document la présentation de l'Association canadienne du capital de risque, le document de la Banque fédérale de développement dont il a été question plus tôt ainsi que l'analyse de Mme Macdonald et de ses associés.

Notre association a été fondée il y a quatre ou cinq ans. Elle a pour mandat de représenter les fonds adhérents qui sont presque tous situés en Ontario. En effet, sur 16 membres, 15 sont en Ontario et l'autre est au Manitoba. Nos 16 membres représentent quelque 25 fonds pour un portefeuille de 2,75 milliards de dollars.

Les trois messieurs qui m'accompagnent sont tous présidents et pdg de fonds. Ils s'occupent quotidiennement d'investir et de gérer leurs fonds. Ils possèdent le genre de bagage qui vous intéresse. Nous répondrons à vos questions sous peu.

Je voulais commencer par vous citer deux statistiques: d'abord, dans le huitième sondage annuel de BDB, il est fait mention d'une augmentation annuelle de 39 p. 100 du niveau d'emploi dans les sociétés financées par des capitaux de risque. Entre 1995 et 1999, ces mêmes entreprises ont augmenté leurs chiffres d'affaires de 31 p. 100 par an, leurs exportations de 38 p. 100 et leur R-D de 52 p. 100. Pour ce qui est des sociétés du secteur de la haute technologie, les taux de croissance ont été supérieurs; le niveau d'emploi a augmenté de 54 p. 100, le chiffre d'affaires de 50 p. 100, les exportations de 56 p. 100 et la R-D de 52 p. 100.

Parmi les autres documents de référence dont je voulais vous parler, il y a aussi deux études d'impact sur le développement économique, une concernant le Québec et l'autre la Colombie-Britannique. Selon ces études, le coût fiscal pour le trésor est récupéré en l'espace de 2,2 à 2,6 ans.

Le témoin précédent vous a parlé de la taille des investissements, mais je me permets de vous rappeler que les investisseurs institutionnels engagent 86 p. 100 de leurs capitaux dans des transactions de 5 millions de dollars ou plus et que 82 p. 100 de ces transactions sont supérieures à 20 millions de dollars, pour une moyenne par transaction de 8,7 millions de dollars. Les fonds de travailleurs, quant à eux, réalisent 41 p. 100 de leurs investissements dans des transactions de moins de 5 millions de dollars, la moyenne s'établissant à 1,6 million de dollars. La différence est notoire.

Comme vous trouverez nos conclusions dans notre rapport, je ne vais pas vous les lire. Nous estimons, pour notre part, avoir rempli plusieurs objectifs de la politique gouvernementale. Encore une fois, je suis accompagné de trois représentants de fonds membres de notre association et nous serons plus qu'heureux de répondre à vos questions et commentaires.

Le sénateur Angus: Merci, messieurs, de vous être déplacés. Je crois savoir que vous étiez tous là quand Mme Macdonald a fait son exposé. Êtes-vous essentiellement d'accord avec ce qu'elle nous a dit?

M. Patterson: Oui.

Le sénateur Angus: Notamment pour ce qui est des 60 p. 100?

M. Patterson: Des 60 p. 100 investis dans les sociétés émergentes? Oui.

Le Dr Calvin Stiller, président-directeur général, Canadian Medical Discoveries Fund Inc., Association des fonds d'investissement de travailleurs: Je crois que vous pourriez encore ventiler ce pourcentage en deux catégories: les capitaux d'amorçage et les capitaux de mise en marche. Pour ce qui est des capitaux de risque, nous travaillons principalement dans le domaine de la haute technologie. Dans ce milieu, les gens se plaignaient et continuent de se plaindre du fait qu'ils ne parviennent pas à obtenir de financement par les banques, qu'ils ont épuisé leur recours auprès de la famille, des amis et des autres et qu'ils ne trouvent plus personne pour investir dans la haute technologie et écouter leurs histoires pourtant convaincantes.

Le sénateur Oliver: J'ai l'impression qu'on a davantage affaire, dans ce cas, à des capitaux d'amorçage qu'à des capitaux de mise en marche. C'est ce que disait le sénateur Furey.

Le Dr Stiller: C'est là un aspect très important. Au Canada, nous avons assisté à un profond changement dans le cas des capitaux d'amorçage essentiellement débloqués par les fonds de travailleurs, très souvent en association avec des fonds universitaires. Pour investir dans le secteur de la haute technologie, le gestionnaire d'un fonds de travailleurs s'associe très souvent à d'autres sources.

Le Canadian Medical Discoveries Fund dispose actuellement d'un portefeuille de 40 millions de dollars en capitaux d'amorçage, même si nous ne dépassons pas les 400 000 $ par transaction. Il faut dire que le taux d'échec dans ce secteur est très élevé; en revanche les succès sont spectaculaires. Ils transforment la communauté et permettent d'obtenir d'excellents rendements. Il faut beaucoup travailler. Il faut être conscient que nous offrons toute une gamme de services allant du financement de démarrage au financement de l'expansion en passant par celui de la mise en marche.

Le sénateur Angus: D'où viennent les 40 millions de dollars dont vous venez de parler et que vous consacrez aux fonds de démarrage? Viennent-ils de particuliers?

Le Dr Stiller: Je voulais vous montrer comment le Canadian Medical Discoveries Fund s'associe à d'autres investisseurs pour débloquer des capitaux d'amorçage à des jeunes sociétés. University Medical Discoveries Inc. et MedTech ont investi 7 millions de dollars en Nouvelle-Écosse.

Ces fonds, en association avec des entrepreneurs locaux, cherchent à encadrer les sociétés et à en créer de nouvelles ou du moins à prouver que le principe de la haute technologie peut fonctionner.

Le sénateur Angus: Des médecins travaillant dans des hôpitaux au Canada ont parfois de bonnes idées. Toutefois, ils n'ont pas les compétences voulues en gestion et ne savent pas comment se procurer des capitaux d'amorçage pour lancer et exploiter des entreprises qui pourrait faire un malheur. C'est dans ce domaine que vous travaillez, que vous intervenez?

Le Dr Stiller: C'est plutôt une des phases où nous intervenons. J'appelle cela ma «pépinière», parce que nous accompagnons les sociétés qui démarrent jusqu'à la phase de mûrissement. Nous ne cherchons pas à investir dans des sociétés, mais dans des projets. Nous ne voulons pas de plan d'entreprise, nous voulons des idées.

La transformation au sein des instituts de recherche, de Vancouver aux Maritimes, a été extraordinaire.

Le sénateur Angus: Vous parliez de réaliser votre mission et d'appliquer les objectifs de la politique gouvernementale qui vous avait été confiée. Je crois comprendre que vous créez des emplois et que vous aidez les jeunes PME à se structurer en leur fournissant des conseils professionnels et autres.

Selon vous, qu'adviendrait-il des fonds de travailleurs si le gouvernement décidait de réduire ou d'éliminer les incitatifs dont vous bénéficiez, surtout les incitatifs fiscaux?

M. Ken Delaney, président-directeur général, First Ontario Fund, Association des fonds d'investissement de travailleurs: Ce serait très dommageable pour l'industrie. Selon l'ampleur de l'intervention, cela pourrait occasionner d'importants dégâts.

On a déjà joué avec les incitatifs. Comme vous le savez, le gouvernement a commencé par offrir un crédit fiscal combiné de 40 p. 100, soit 20 p. 100 de chaque côté. Tout le monde s'est entendu sur le fait que cette offre était peut-être un peu trop généreuse. Certains fonds ont mobilisé d'importants capitaux et ont brûlé les étapes en les investissant.

Ensuite, il a été question de ramener le crédit d'impôt à 15 p. 100 des deux côtés. L'investissement maximum qu'un particulier pouvait réaliser a été ramené à 3 500 $.

Cette fois-ci, le balancier est allé trop loin de l'autre côté. Certaines années, il nous a été très difficile de trouver de l'argent. Après avoir fait la preuve de notre capacité de bien investir l'argent et d'avoir un effet positif sur l'économie, le balancier s'est stabilisé au milieu. Le crédit d'impôt a été maintenu à 15 p. 100 pour les fonds et à 15 p. 100 pour les particuliers, mais l'investissement maximum a été porté à 5 000 $ par an.

À ce niveau, le programme est tout à fait viable. Nous en sommes très satisfaits.

Le Dr Stiller: Je vais ajouter une remarque à ce qui vient d'être dit, parce qu'une expérience nationale vient d'être réalisée dans ce domaine. Le Canadian Medical Discoveries Fund est un fonds national. Je siégeais à l'exécutif du Conseil de la recherche médicale quand celui-ci s'est demandé pourquoi, puisque nous étions bons dans le domaine de la science, nous n'avions pas un secteur privé solide. L'exécutif m'a demandé de faire quelque chose à ce sujet. C'est pour cela que le fonds a été créé.

Nous sommes donc un fonds national. Nous estimons devoir être présents dans chaque université, chaque hôpital et chaque institut de recherche au Canada. Nous ne parvenons pas à obtenir des crédits d'impôt correspondants en Alberta et à Terre-Neuve. Là-bas, nous ne pouvons rien faire.

Le sénateur Angus: Pourquoi?

Le Dr Stiller: Les 15 p. 100 du gouvernement fédéral ne suffisent pas. Quinze pour cent, ce n'est pas assez. Je ne sais pas ce que donneraient 20 p. 100 ou 25 p. 100. Quoi qu'il en soit, 15 p. 100, ça ne suffit pas. Il n'est pas possible d'attirer des investisseurs canadiens à coup de crédits d'impôt de 15 p. 100.

Le sénateur Angus: Le représentant de Terre-Neuve est ici et il va vous régler tout cela, j'en suis sûr.

Le sénateur Furey: Que diriez-vous de 30 p. 100?

Le sénateur Angus: Pour enchaîner sur une question générale, et compte tenu de tout ce qui vient de se dire, comment réagissez-vous collectivement à la critique que l'on vous adresse, autrement dit que les fonds de travailleurs bénéficient d'un avantage injuste par rapport aux sociétés d'investissement en capital de risque et aux fournisseurs?

M. Patterson: Vous constaterez, j'en suis sûr, qu'il n'est pas facile de pratiquer l'éviction. Regardez où nous investissons. Nous sommes très différents de ce que font les sociétés financières d'innovation.

Le sénateur Angus: Vos statistiques sont frappantes, comme 1,6 million par rapport à 8,7 millions de dollars et ainsi de suite. Or, il y a d'autres témoins qui sont venus plancher devant nous et qui ont démonté ce genre de critique. C'est le jeu. Qu'avez-vous à répliquer? Aidez-nous.

M. Delaney: La remarque de M. Patterson au sujet de l'éviction est importante. Du point de vue de la politique gouvernementale, nous voulons disposer du tabouret à trois pieds dont Mme Macdonald vous a parlé. J'imagine aisément que les deux autres pieds du tabouret se diraient capables d'obtenir de meilleurs prix s'il y avait un resserrement de l'offre de capitaux. Ils ont donc un intérêt dans tout cela. Ils peuvent choisir parmi un nombre stagnant d'investissements possibles, sans avoir à faire face à autant de concurrence que nous. Je ne pense pas que cela soit une bonne politique publique ni que ce soit bon pour le pays. Il est donc très important que nous formions le troisième pied du tabouret.

Ce qui nous distingue vraiment par rapport aux autres fonds d'investissement de capital de risque, c'est que le gouvernement est un intervenant de premier plan. Comme les provinces accordent un incitatif fiscal de 15 p. 100 et que le fédéral consent le même pourcentage, le gouvernement est automatiquement actionnaire du fonds à hauteur de 15 p. 100. Vous pouvez exiger de nous certaines choses que vous ne pouvez exiger d'autres.

L'investissement moyen des membres de l'Association des fonds d'investissement de travailleurs est de 1,6 million de dollars tandis qu'il est 8,4 millions pour les non-membres, précisément à cause du rôle que joue le gouvernement. Chaque province applique son propre programme et ses propres règles mais en Ontario où nous sommes présents, nous devons investir une partie de notre argent dans des entreprises qui ne dépassent pas une certaine taille. Il y a donc certains types d'investissement et d'activité qui nous sont fermés. C'est là une énorme différence.

Nous constituons non seulement une partie importante de l'industrie globale du capital de risque, mais nous comblons certains manques, ce que nous ne pourrions pas faire si ce programme n'existait pas.

Le sénateur Angus: Autrement dit, nous sommes en train de comparer des pommes et des oranges. On ne peut dès lors parler d'avantages injustes ni de règles du jeu inéquitables. Vous obéissez à un mandat particulier. Vous l'exécutez et vos concurrents n'occupent même pas le même espace. Est-ce que je simplifie trop?

M. Delaney: Il y a des recoupements, mais il est évident que nous sommes présents sur certains segments où les autres sont absents.

Le Dr Stiller: Je dois dire que c'est un recoupement très sain. Nous cherchons des coinvestisseurs le plus tôt possible dans les projets et en plus grand nombre possible, et nous cherchons des gens qui ont les poches pleines.

Certains n'aiment pas intervenir de façon précoce auprès des tout petits poissons avec lesquels nous travaillons. Ils aiment les voir franchir les premiers rapides avant de lancer leurs hameçons.

Nous, nous essayons de bâtir des entreprises canadiennes. Je n'ai pas honte d'arborer le drapeau canadien sur ma manche, tout comme les Américains portent la bannière étoilée. Nous sommes là pour lancer des entreprises canadiennes et nous ne voulons pas être, dans cette économie du savoir, des bûcherons et des porteurs d'eau.

Nous ne voulons pas que la haute technologie touchant à la propriété intellectuelle disparaisse de l'autre côté de la frontière, dans la mallette de quelque avocat. Nous voulons que le développement se fasse ici.

Le sénateur Angus: Que tout cela est doux à nos oreilles, docteur.

Le Dr Stiller: Quand j'étais plus jeune, à Saskatoon où j'ai grandi, on parlait de requins de la finance pour décrire les prêteurs de capital de risque. C'était des gens redoutables.

Le sénateur Angus: C'est là un des problèmes. Voilà pourquoi vous êtes si importants.

Le Dr Stiller: Cependant, nous nous enorgueillissons que les scientifiques et les jeunes, qui font des découvertes, qui ont des idées, qui sont prêts à investir l'argent de leurs familles et leur sueur dans une entreprise, puissent conserver la majorité dans les sociétés que nous les aidons à lancer grâce aux capitaux de risque prêtés par des maisons de Chicago. Que Dieu les bénisse, parce que nous voulons que ces maisons soient encore là après le passage des rapides.

Le sénateur Angus: Commençons par les avocats. Un avocat qui a comparu devant le comité l'autre jour a commencé son exposé en nous disant: «Je ne suis qu'un pauvre avocat». À la fin, il nous a pourtant déclaré: «les gens ne sont pas intéressés par un avocat aussi cher que moi». Nous étions un peu confus.

Le sénateur Kelleher: J'en suis sûr.

Le sénateur Angus: Nous conduisons deux études de pair, mais toutes deux se recoupent dans une certaine mesure. La première porte sur la disponibilité des capitaux, qu'il s'agisse de capital de risque, de fonds d'amorçage ou autres, destinés aux PME canadiennes. Nous nous sommes également penchés sur les conséquences économiques éventuelles du 11 septembre. Dans les témoignages, nous avons entendu parler d'un autre facteur, ce fameux mot qui commence par un «R» et qui désigne un repli de l'économie.

Pour ce qui est de la question du nationalisme canadien, docteur Stiller, un témoin nous a déclaré que c'est dans l'industrie de la haute technologie que les conséquences ont été les plus importantes, car on a assisté à une importante phase d'expansion. L'investissement a nettement augmenté et l'on a assisté à une multiplication des sociétés émergentes, surtout dans la vallée de l'Outaouais. Les idées étaient bonnes, mais elles étaient mal capitalisées. C'est là qu'on retrouve les gros «richards» qui attendent patiemment avec leur petite serviette à la main. Dès que l'affaire est conclue, ils se montrent le bout du nez, achètent les sociétés et les déménagent aux États-Unis avec nos bonnes idées. Doit-on tenir compte de cela? Est-ce une situation inquiétante?

Le Dr Stiller: C'est une situation effectivement inquiétante. Ce matin, j'ai passé deux heures et demie dans une réunion qui a précisément porté sur cette question. Nous voulions savoir qui alimente qui et voir s'il ne serait pas possible d'appliquer une véritable vision pan-nord-américaine, faire preuve d'un peu plus de courage et renverser la vapeur.

L'un des graves problèmes que nous avons est celui de notre marché de capitaux. Les sociétés que nous avons lancées sont mal capitalisées et elles se débattent comme elles peuvent pour trouver de l'argent. Elles ont désespérément besoin de fonds pour continuer à exister. Rien ne sort du marché canadien et ces entreprises sont des fruits tout mûrs que les Américains ont de la facilité à cueillir.

Vous ne nous avez pas demandé le genre de changement qu'il faudrait apporter, mais nous estimons, pour notre part, qu'il faut commencer par comprendre que nos marchés de capitaux qui s'adressent à des sociétés débutantes sont effectivement des marchés de capitaux de risque. Il y a lieu de les considérer de façon différente de ce que nous l'avons fait par le passé.

Le sénateur Angus: C'est essentiel.

[Français]

Le sénateur Poulin: Madame MacDonald a mentionné que les investissements auprès du développement des nouvelles entreprises étaient de l'ordre de 60 p. 100. Afin d'assurer l'essor économique du pays, serait-il préférable que ce pourcentage augmente ou qu'il demeure stable?

[Traduction]

Le Dr Stiller: C'est essentiel pour maintenir le niveau d'investissement. Nous devons faire des mises en commun pour assurer la croissance. C'est l'un des problèmes auxquels je faisais allusion au sujet des marchés de capitaux s'adressant aux jeunes entreprises, lesquels sont en fait des marchés de capitaux de risque. Ces petites entreprises peuvent n'avoir des chiffres d'affaires que de 50 ou 60 millions de dollars, mais elles ont besoin de capitaux de risque pour continuer à survivre et pour éviter de se faire acheter. Ce pourcentage est trop élevé, mais la part qu'il représente, elle, est trop faible.

[Français]

Le sénateur Poulin: Quelles suggestions ou recommandations pourriez-vous nous donner pour améliorer l'environnement?

[Traduction]

Le Dr Stiller: Par où voulez-vous commencer? Je vais vous parler de génétique. Au Canada, nous répugnons à prendre des risques dans le domaine de la génétique, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis.

Il nous faudrait instaurer un environnement qui favoriserait des formes d'investissement légitimes autres que les obligations résiduaires et les bons du trésor. Depuis quelque temps, Mme Macdonald soutient que nous devons inciter nos fonds de pension à participer pleinement à ce secteur. C'est dans doute la chose la plus importante à faire pour aller dans le sens des objectifs que le ministre Martin a énoncés en matière de capitaux de risque à l'échelle internationale, de pourcentage de R-D et de croissance dans les secteurs de la haute technologie.

[Français]

Le sénateur Poulin: Lors d'un témoignage nous avons entendu que les investisseurs institutionnels, donc les fonds de pension, ont diminué de 23 à 14 p. 100. À quoi attribuez-vous cette diminution?

[Traduction]

Le Dr Stiller: Je ne sais pas. Je serais intéressé d'entendre ce que Mme Macdonald a à dire à ce sujet.

Le sénateur Furey: D'après ce que vous avez dit, je crois comprendre que vous êtes tout à fait d'accord avec Mme Macdonald et qu'au cours des deux dernières années, on a assisté à un renversement presque complet sur le plan des sommes investies dans les premières phases de la vie des compagnies sous la forme de capitaux de risque.

Le Dr Stiller: Effectivement.

Le sénateur Furey: Quel pourcentage de vos investissements placez-vous en capital-actions et quel pourcentage consentez-vous sous la forme de dettes?

Le Dr Stiller: Vous voulez savoir ce que fait notre fonds à titre d'exemple?

Le sénateur Furey: Oui.

Le Dr Stiller: Nous convenons de modalités portant sur les capitaux propres. Nous nous intéressons au capital-actions. Nous investissons sous la forme de mécanismes de dettes convertibles, ce qui correspond essentiellement à du capital-actions. Il n'y a pas de garantie et nous n'avons pas priorité sur les banques en cas de problème.

Le sénateur Furey: Quel genre de véhicule utilisez-vous pour cela? Vous avez recours à des partenariats limités ou à une simple prise de participation?

Le Dr Stiller: À la prise de participation.

Le sénateur Furey: Quelles conditions imposez-vous sur le plan de la gestion des entreprises dans lesquelles vous investissez?

Est-ce que vous insistez pour que vos gens soient à la tête de ces entreprises?

Le Dr Stiller: Pas sur le plan de la gestion, mais nous voulons être au conseil d'administration. Nous recrutons beaucoup pour ces compagnies. Dès qu'il y a un poste de libre au niveau gestion, nous intervenons et nous adhérons bien sûr à l'idée qui est d'attirer les Canadiens expatriés ou de nous tourner vers des secteurs qui n'ont rien à voir avec les sciences de la vie, pour attirer d'autres ressources.

Le sénateur Furey: Quel pourcentage de vos investissements sous la forme de capital de risque pensez-vous passer en pertes, sur une base annuelle, biannuelle ou quinquennale?

Le Dr Stiller: En règle générale, la proportion est de 1 à 10, autrement dit nous réussissons dans un cas sur dix et nous échouons lamentablement dans un cas sur dix également. Entre les deux, nous enregistrons des résultats variables. Nous radions près de 10 p. 100 de nos investissements. Nous n'en sommes pas à ce niveau, mais comme Mme Macdonald vous l'a laissé entendre, les citrons mûrissent vite et les perles prennent plus longtemps à parvenir à maturité. Nous, ce sont les perles qui nous intéressent.

M. Delaney: J'aimerais ajouter une chose à propos de ce qui s'est dit sur les 60 p. 100 de capitaux aboutissant dans des sociétés émergentes. Il faut bien être conscient que cette situation pourrait facilement basculer. Le Dr Stiller a raison quand il dit que c'est le montant total qui est important et pas le pourcentage. Certaines de ces entreprises naissantes vont réussir, elles vont passer à l'étape de la commercialisation et elles auront besoin davantage de fonds. Compte tenu des capitaux en commun sur lesquels nous pouvons compter, il est tout à fait possible, la prochaine fois que nous analyserons les mêmes chiffres, que nous constaterons qu'il y a eu un basculement. Cela tient au fait que nous travaillons avec des sociétés qui en sont à leur tout début, sociétés que nous aidons à grandir.

Le président: Êtes-vous en train de nous dire que c'est cyclique?

M. Delaney: Cela dépend de la nature des portefeuilles.

Parfois, il faut beaucoup de capitaux à l'étape de la commercialisation. De plus, on ne peut pas compter sur d'autres sources parce que les capitaux de risque sont encore nécessaires au stade de développement qui intervient dans les premières phases de la commercialisation, surtout dans un marché comme celui que nous connaissons actuellement après le 11 septembre.

Le sénateur Furey: Est-ce que les investissements correspondants aux dernières étapes de l'évolution d'une société, que ce soit celle de l'expansion, de l'acquisition, de la transformation ou de l'exploitation, sont inclus dans les statistiques que vous établissez à partir de l'investissement des premières étapes? C'est quelque chose de différent, n'est-ce pas?

M. Delaney: Oui.

Le sénateur Furey: Vous n'incluez donc pas ces étapes dans les 60 p. 100?

M. Delaney: Non.

Le sénateur Kroft: On entend parler de la différence d'état d'esprit entre les Canadiens et les Américains sur le plan de l'entrepreneuriat. Il en a été question plusieurs fois aujourd'hui, de différentes façons. Je me demandais ce qu'il en est du côté des investisseurs. Il est évident que les investisseurs des fonds de pension sont différents de ceux qui prêtent à des fonds d'investissement en capital de risque traditionnels, ne serait-ce que pour la taille des investissements.

Je vais vous proposer un scénario: vous vous trouvez en présence d'un grand nombre de gens ayant de petites sommes à investir. Ce faisant, est-ce que votre objectif est de permettre aux Canadiennes et aux Canadiens de mieux comprendre ce qu'est l'investissement à risque et de les intéresser à ce genre d'opération, de créer des opportunités dans ce sens afin que, plus de gens participeront au risque et plus il y en aura qui comprendront ce dont il s'agit? Cela étant posé, que faites-vous pour créer ce genre d'opportunité? Quel lien existe-t-il entre les investisseurs et leurs investissements? Quelles possibilités ont-ils d'adhérer à ce processus de prise de risque?

M. Delaney: C'est justement là une des choses que je trouve très bien avec le programme de fonds de travailleurs. Il donne la possibilité aux gens de se lancer dans une forme d'activité économique qui leur serait sinon interdite. Nous essayons de commercialiser notre produit auprès de nos commanditaires de sorte à recueillir leurs réactions en permanence. D'après les petites histoires que nous recueillons, parce que nous n'avons pas de données scientifiques à cet égard, nous constatons que les gens sont maintenant intéressés à investir. Voilà pour la première étape. Il est difficile de dire comment telle ou telle personne décide d'investir. Nous sommes un fonds de 65 millions de dollars auquel 16 000 personnes contribuent. Nous ne pouvons communiquer avec ces gens-là que par le biais de bulletins et de documents divers. Ils voient bien ce que nous faisons et, quant à nous, nous constatons ne serait-ce que de façon non scientifique que les gens sont de plus en plus intéressés à investir.

Si l'un des objectifs de la politique gouvernementale consiste à faire en sorte que les Canadiennes et les Canadiens soient davantage disposés à prendre des risques et à effectuer ce genre d'investissement, eh bien je pense que le programme des fonds de travailleurs est un outil très intéressant pour y parvenir.

Le sénateur Angus: Messieurs, vous venez de nous dire certaines choses très intéressantes, surtout dans le contexte du lendemain du 11 septembre et de la récession. Les fonds comme ceux que vous représentez sont essentiels à la santé de notre économie. Votre présence est donc importante. J'aimerais vous poser une question concernant un processus.

Comme vous le savez, il y a des centaines d'entreprises de ce genre ici. Toutes sont en quête d'argent, toutes prétendent qu'il n'y a pas d'argent et qu'elles doivent se tourner vers des maisons de courtage. Certaines de ces maisons s'occupent de transactions de petite taille, mais d'autres, comme Wood Gundy et RBC, ne s'intéressent qu'aux grosses transactions. Comment vous y prenez-vous pour faire la promotion de vos fonds? Comment l'entreprise qui a besoin d'argent sait-elle que vous existez?

M. Delaney: Dans la plupart des cas, nous nous en remettons à des intermédiaires.

Le sénateur Angus: Il y a donc un rôle pour les agents.

M. Delaney: Il peut s'agir d'avocats ou de comptables. Nous essayons de faire passer le mot. Dans certains milieux, dans certains secteurs, nous nous faisons une réputation et nous donnons une idée du genre de capital que nous pouvons fournir. Nous récupérons même des lettres de référence auprès des sociétés dans lesquelles nous investissons, qui sont prêtes à témoigner noir sur blanc du fait que nous apportons une valeur ajoutée par-delà le capital. Il est évident que, pour maintenir notre présence sur le marché, nous devons recourir à notre propre réseau de comptables, d'avocats et d'autres intermédiaires.

Le sénateur Angus: Vous avez entendu Mme Macdonald dire qu'il y a actuellement sur le marché une certaine somme qui est disponible pour l'investissement. Il y a des petites entreprises tout à fait légitimes qui sont en quête d'argent. Je pourrais vous en citer 10 tout de suite. Nous, nous avons de la chance, parce que vous venez témoigner devant nous, que vous nous parlez de vos fonds, que vous nous remettez vos documents concernant votre association ainsi que les statistiques de Mme Macdonald. Moi, je me précipite au téléphone. Il est tout à fait légitime que vous fassiez votre promotion auprès de la clientèle potentielle, que vous portiez le drapeau canadien sur votre manche, docteur.

Le Dr Stiller: Eh bien, figurez-vous que nous avons le problème inverse et que j'aimerais bien changer de nom et inscrire mon numéro de téléphone sur la liste des numéros confidentiels. Les gens nous connaissent et savent où nous trouver. Ils ont même l'impression que nous sommes à leur entière disposition. Nous avons conclu des partenariats stratégiques avec plusieurs universités et hôpitaux de même qu'avec l'Institut canadien de recherche en santé. J'aimerais beaucoup instaurer au Canada un système d'entrepreneuriat et d'encadrement local très fort, grâce à des anges qui investiraient plus de temps que d'argent. Nous sommes victimes d'un énorme gaspillage de compétences au Canada, parce qu'il y a des personnes d'âge mûr, comme moi, qui pourraient apporter beaucoup à ces sociétés créées à partir des hôpitaux et des universités.

Quant à moi, la ressource la plus précieuse est le temps. Il faut trouver le temps de s'asseoir avec les dirigeants des petites sociétés pour leur permettre d'évoluer. Vous savez, les sociétés financières d'innovation investissent dans des entreprises qui sont toutes à côté de leur siège social, là où se trouve l'argent. Elles ne s'éloignent pas beaucoup.

Nous devrions être aussi accessibles qu'Internet ou le téléphone. Nous sommes investis d'une certaine responsabilité envers les contribuables canadiens. J'estime qu'ils sont tous actionnaires de mon fonds. Ils sont actionnaires à hauteur de 30 ou 35 p. 100. J'ai une double responsabilité. D'abord, je dois leur garantir un certain rendement. Nous assurons un rendement complet sur les investissements après quelque 26 mois. Deuxièmement, dans le même esprit, je dois bâtir des entreprises canadiennes. Nous devons faire en sorte d'être tout à fait disponible.

Certaines des idées dont nous sommes saisis ne devraient pas bénéficier de l'argent de la famille, des amis et des autres, parce qu'elles ne mènent nulle part. Les entrepreneurs ont besoin d'être encadrés, il leur faut quelqu'un qui puisse leur dire que leur idée est bonne, mais qu'elle n'aboutira pas. Et puis, il y a ceux qui méritent qu'on leur donne de l'argent et qu'on les encadre, ceux qui bâtiront quelque chose de très légitime. Nous essayons de jouer sur les deux plans.

Le sénateur Tkachuk: Tout à l'heure, nous avons parlé des crédits fiscaux à Terre-Neuve et en Alberta. Est-ce que l'Alberta a de la difficulté à attirer des capitaux de risque? Autrement dit, est-ce que les choses seraient bien différentes si l'Alberta consentait un crédit d'impôt?

Le Dr Stiller: Tout ce que je peux vous dire, c'est que dans le domaine des sciences de la vie, cette province se débrouille plutôt mal. Pourtant, elle compte parmi les meilleurs scientifiques du monde. Quand Peter Lougheed a créé le Heritage Fund, il a investi dans les meilleurs scientifiques. Ces gens-là sont une incroyable ressource pour la province laquelle dispose donc des meilleurs cerveaux dans ce domaine. Celle-ci est nettement en deçà de ses possibilités sur le plan de la commercialisation des découvertes médicales. La province prétend qu'elle s'en sort bien. Or, quand on analyse sa situation, par million de dollars investi ou par centaine de doctorats, force est de constater qu'elle n'est pas au niveau auquel elle devrait se trouver.

Le sénateur Tkachuk: Disposez-vous de statistiques que vous pourriez nous communiquer?

Le Dr Stiller: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Il serait intéressant de voir si l'Alberta est vraiment en deçà de ses possibilités ou si les entreprises de cette province ont de la difficulté à attirer des capitaux de risque sans l'aide des fonds spécialisés dans le domaine. Autrement dit, est-ce que les choses seraient très différentes si vous n'existiez pas?

Le Dr Stiller: Très bonne question. Nous examinerons les statistiques. Nous verrons ce qui se passe à Terre-Neuve et en Alberta et nous vous communiquerons les chiffres.

Le président: Messieurs, merci de vous être rendus à notre invitation pour une séance qui nous a beaucoup appris.

Honorables sénateurs, Crocus Investment Fund, qui a un portefeuille de 500 millions de dollars investis à Winnipeg et dans sa région, nous a communiqué un mémoire qu'il nous demande de consigner simplement au procès-verbal. Honorables sénateurs, m'en accordez-vous l'autorisation?

Des voix: D'accord.

Le président: Je vais maintenant appeler les représentants du Fonds de solidarité, c'est-à-dire Fernand Daoust, Maurice Prud'homme et Guy Versailles.

Avant que vous ne commenciez, messieurs, j'aimerais connaître la taille de votre fonds. Si je ne m'abuse, c'est le plus important au Canada.

[Français]

M. Fernand Daoust, conseiller spécial auprès du président, Fonds de solidarité FTQ: Monsieur le président, on vous a dit que je ferais une très brève présentation. Je vais essayer de faire cela le plus rapidement possible afin que nous puissions échanger à l'égard des problèmes que vous souhaitez soulever devant nous.

J'aimerais commencer par une citation tirée d'une étude qui a été faite tout récemment, en avril 2000, par le Centre de recherche sur les innovations sociales dans l'économie sociale, les entreprises et les syndicats. C'est un groupe formé de chercheurs universitaires qui se penchent sur l'évolution des sociétés.

En 1983, la proposition d'un fonds de travailleurs pour fournir du capital de risque aux entreprises québécoises relevait de l'impensable aussi bien pour les syndicats que pour le patronat. Sous cet angle, ce projet aurait constitué une innovation radicale et même ouvert un nouveau sentier d'innovations dont la mise en valeur supposait un long processus d'apprentissage. [...] Si ce projet novateur a pu recevoir aussi rapidement l'aval des pouvoirs publics, c'est en grande partie parce qu'il proposait de faire le lien entre l'intérêt collectif, celui des travailleurs, et l'intérêt général, celui du développement économique du Québec, sans négliger l'intérêt particulier des actionnaires éventuels. [...] le Fonds de solidarité des travailleurs peut être considéré comme une innovation radicale [...] La cohabitation des syndicalistes et des financiers comme administrateurs, gestionnaires, employés et même bénévoles constituent une matrice pour ces innovations continues, d'où d'ailleurs l'expression de «tensions créatrices» avancée par la plupart de nos informateurs clés.

C'est peut-être un peu savant, mais je pense que cela traduit relativement bien l'importance de cette innovation que nous qualifions d'extrêmement originale, dont le lancement fut fait en 1983.

Laissez-moi vous rappeler que la loi, qui nous a donné naissance, prévoit que ce fonds aura quelques grandes missions qui sont décrites de façon fort précise dans une loi qui fut votée en 1983 par l'Assemblée nationale du Québec. Je vais les reprendre très rapidement et les commenter par la suite.

Ce fonds fait appel à l'épargne publique et à la solidarité de la population québécoise dans le but d'investir dans des entreprises québécoises en vue de contribuer à leur développement, de créer, de maintenir ou de sauvegarder des emplois. Deuxièmement, de favoriser la formation des travailleurs et des travailleuses dans le domaine de l'économie afin de leur permettre d'accroître leur influence sur le développement économique du Québec. Troisièmement, de stimuler l'économie québécoise par des investissements stratégiques qui profiteront aux travailleurs et aux travailleuses de même qu'aux entreprises québécoises.

Je voudrais commenter quelque peu la façon avec laquelle nous avons réussi à faire en sorte que ces mandats qui nous ont été donnés par le législateur puissent se réaliser dans les faits et dans les chiffres.

Je sais que nous vous avons distribué des documents que vous aurez l'occasion de consulter, mais je voudrais reprendre quelques-unes des statistiques qui découlent de ces différents documents. Ce fonds aujourd'hui - et au 30 juin dernier pour être encore plus précis - comptait environ un demi-million d'actionnaires qui y contribuent par les moyens traditionnels, que ce soit par des déductions à la source dans les entreprises ou par des montants forfaitaires versés à ce fonds. Pour une bonne partie d'entre eux, - sans aucune doute les données pourraient être établies avec beaucoup plus de précision - c'est le premier investissement que ces actionnaires font dans un véhicule d'investissement dans des entreprises. Le montant moyen investi par les actionnaires à ce fonds de solidarité est d'environ 9 000 $. Ce n'est pas 9 000 $ d'un coup évidemment puisque c'est limité à 5 000 $ par année, mais c'est le montant moyen compte tenu de l'ensemble des actionnaires.

Les emplois qui ont été créés, maintenus ou sauvegardés au 30 juin 2001 sont de 93 026. On parle des emplois directs, indirects et induits, que ce soit par le fonds comme tel, les fonds régionaux et locaux ou les fonds spécialisés. Puisqu'on ne peut pas lire tout ce document qui est tout de même assez volumineux, je vous invite à le consulter pour savoir ce qu'on entend par des fonds: le fonds comme tel, le grand fonds de solidarité, les fonds régionaux et les fonds locaux. Je voudrais vous donner quelques détails à l'égard de la création d'emploi et des investissements qui ont été faits. Je veux mentionner que le fonds comme tel, dont le siège social est à Montréal, fait des investissements. Ce qui est tout à fait normal puisque c'est notre rôle. Le Fonds de solidarité a mis sur pied dans les 17 régions économiques du Québec des fonds régionaux qui sont financés à la fois par le Fonds de solidarité et par d'autres institutions financières. Quant aux dépenses de fonctionnement, c'est le gouvernement du Québec qui nous accompagne à l'égard de ces actions. Nous aurons peut-être l'occasion d'en parler un peu plus tard si vous nous posez des questions.

Il y a donc 17 fonds régionaux: par les municipalités régionales de comtés, nous avons mis sur pied 86 fonds locaux d'investissement dans des regroupements de municipalités du Québec qui jouent un immense rôle à l'égard d'une prise de conscience au sujet des problèmes économiques et à ces problèmes de création d'emploi et d'investissement dans les entreprises.

Les fonds régionaux vont faire des investissements dans les entreprises par des participations de 50 000 à 750 000 $. Au-delà de 750 000 $, c'est le Fonds de solidarité comme tel, par son siège social, qui fera des investissements sur l'ensemble du Québec. Dans les régions, ce sont des investissements entre 50 000 et 750 000 $. Les 85 fonds locaux, qu'on appelle «solides», s'occupent de démarrage, d'expansion et de relance et les participations commencent à 5 000 $ et peuvent aller jusqu'à 50 000 $.

Il y a beaucoup de données qu'on peut commenter sur l'incroyable succès de ces fonds régionaux, de ces fonds locaux de même que sur le Fonds de solidarité de façon générale. Je vous ai parlé des emplois créés par l'ensemble de ces fonds au Québec, de cette présence aussi bien à l'échelle de tout le Québec que dans les régions et dans les localités.

J'aimerais vous dire deux mots très rapidement à l'égard des activités de formation du fonds. Je vous ai mentionné que nous avions un mandat de créer, de maintenir et de sauvegarder les emplois, mais nous avons aussi un mandat de formation économique.

De juillet 2000 à juin 2001, il s'est donné 445 cours qui se sont adressés à 7 000 participants dans les entreprises, chez les responsables de ce fonds dans plusieurs secteurs, et évidemment, dans bien des milieux que je ne vous décrirai pas puisque vous avez ces détails dans notre rapport annuel.

Je vais conclure en disant que ce fonds a substantiellement changé les mentalités au Québec à l'égard du développement économique, des relations de travail et du rôle des grands partenaires socio-économiques.

La présence du fonds dans toutes les régions du Québec, avec des conseils d'administration qui collent aux réalités de la société civile de ces régions ou de ces localités, les activités de formation du fonds et ces activités d'investissement sans aucune doute, ont fait en sorte - il n'y a pas d'ambiguïté là-dessus - qu'il y a eu une conscience du développement économique, qui s'est développée chez nous, et qui jouit d'une très grande notoriété et d'une très grande crédibilité.

Je pense qu'il est important de souligner que si la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec, qui est à l'origine de ce fonds, a cru bon qu'il fallait qu'un tel instrument soit créé, c'est parce qu'elle sentait que sans développement économique, sans que les entreprises puissent jouir d'une santé économique normale, le problème des emplois et la création de ceux-ci connaîtrait des difficultés. L'obsession que nous avons c'est l'emploi: la création d'emploi se fait par le développement économique. Le développement économique sans aucun doute est conditionné, dans bien des cas, par des investissements de ce type de capital de risque.

Le sénateur Poulin: Messieurs Daoust, Prud'homme et Versailles, je vous remercie beaucoup de votre excellente présentation. Je vous avoue, monsieur le président, que M. Daoust a répondu à mes questions au fur et à mesure de sa présentation.

Ma première question portait sur les régions. Je viens du nord de l'Ontario et justement j'ai posé ma question à M. Delaney tantôt concernant la relation entre le First Ontario Fund et la région du nord de l'Ontario, de l'est de l'Ontario et de l'ouest de l'Ontario. Dans les 17 fonds régionaux et les 85 fonds locaux, quel est le pourcentage des sommes d'argent dans l'ensemble des investissements?

M. Maurice Prud'homme, vice-président de groupe aux participations, Fonds de solidarité FTQ: Je pense que ce n'est pas tant le pourcentage qui compte que le travail qu'on a fait en termes de démocratisation du capital de risque et de l'accès aux entrepreneurs des régions à du capital de risque. Je m'explique.

Cela représente environ 300 millions de dollars consacrés sur les quatre milliards de l'actif du fond. À l'heure actuelle, il n'y a pas un entrepreneur ayant un dossier d'entreprise qui serait viable au Québec, qui ne peut pas s'adresser à notre réseau. C'est ce qui est important. On a donné un accès, on a rapproché l'accès dans le fonds. On s'est rapproché des entrepreneurs et des idées. On a aussi formé des gens et on continue à former des gens, non pas à seulement faire de l'investissement, mais à soutenir le développement des entreprises, que ce soit de la très petite entreprise ou de la moyenne entreprise. On aide les entreprises à se développer parce que dans notre métier, et mes collègues l'ont dit tantôt, cela demande beaucoup de temps aux investisseurs de capital de risque pour aider les entreprises. J'ai l'habitude de dire que lorsque nous faisons un chèque à l'entrepreneur, notre travail commence et va durer de cinq à huit ans avec les entreprises. C'est un travail de longue haleine. C'est ce qu'on a fait avec les fonds régionaux et les solides.

M. Guy Versailles, vice-président, Communications, marketing et relations publiques, Fonds de solidarité FTQ: Il faut dire aussi qu'à mesure que l'argent est requis, des sommes additionnelles vont être investies. Chacun des 17 fonds régionaux reçoivent des tranches de 6 millions, et dès qu'une tranche est utilisée on en ajoute une autre. Présentement, plusieurs de nos régions sont maintenant rendues à 24 millions de dollars, la quatrième tranche, ce qui est quand même significatif dans la mesure où ces fonds ont été créés il y a moins de cinq ans.

Le sénateur Hervieux-Payette: Souvent, je pense que même si vous avez une grande notoriété et une grande crédibilité c'est toujours au niveau du rendement. Lorsque vous calculez le rendement du fonds d'investissement, est-ce que vous calculez le rendement sur l'investissement net, c'est-à-dire une fois que l'employé a reçu les bénéfices fiscaux ou avant? C'est sûr que cela ne donnera pas le même calcul. Quand vous faites vos rapports, donnez-vous les deux calculs?

M. Prud'homme: La loi nous interdit de donner le rendement officiel avec crédit d'impôt. Les rendements pour l'actionnaire du Fonds de solidarité représente le coût brut.

Le sénateur Hervieux-Payette: Cela ne vous donne pas une bonne image. Quand on le compare aux autres fonds, cela fait quand même un chiffre peut-être moindre et dans le classement de la performance des fonds, je suis sûr que cela affecte vos calculs.

M. Prud'homme: Notre actionnaire le comprend. Et quand on fait des sondages pour l'intérêt de nos actionnaires, un des premiers intérêts est de savoir que l'argent qui est investi bénéficie d'un crédit d'impôt, mais est réinvesti au Québec. Cela aussi c'est important pour développer l'emploi au Québec.

Le sénateur Hervieux-Payette: Quand vous mentionnez que vous accompagnez les entreprises, est-ce que vous les accompagné par un appui technique d'employés du Fonds de solidarité ou si vous comptez seulement sur les personnes qui siègent au conseil d'administration?

J'ai des amies entrepreneures qui ont fait des affaires avec vous et souvent, et c'est leur plainte, la personne ne connaît pas bien leur secteur. Évidemment, si vous avez trois comptables dans une compagnie en biotechnologie, ils sont peut-être bien beau et bien fin et ils savent compter, mais le problème c'est qu'ils ne connaissent rien du conseil d'administration sur lequel ils siègent. Quel est votre modalité de recrutement pour les conseils d'administration? Combien de femmes avez-vous sur les conseils d'administration?

M. Prud'homme: En réponse à la première question: comment on règle le problème de représentation au conseil d'administration et comment on aide nos entrepreneurs dans nos entreprises partenaires, premièrement, il est certain qu'on essaie toujours de se spécialiser, et c'est ce qu'ont fait depuis trois ans, les équipes qui interviennent. Vous savez comme moi qu'il y a beaucoup de secteurs d'activités dans l'économie canadienne et québécoise et pour créer des équipes spécialisées par secteur d'activité, cela prend une masse critique pour que ce soit rentable et fait de façon efficace. Ce qui nous permet, au fur et à mesure que l'actif du fonds va croître, d'améliorer cette spécialisation de nos employés dans des secteurs précis et très pointus. On a aussi, depuis dix ans, au moins cinq ou six nouveaux secteurs d'activités qui se sont développés. Il faut donner le temps aux spécialistes et aux personnes de capital de risque de se spécialiser et de prendre leur expérience. Notamment, en biotechnologie, on se rappelle que cela fait dix ans que les premiers dossiers d'investissement ont été réalisés au Québec, c'était en 1990, 1991, quand le Fonds de solidarité a initié ce nouveau secteur d'activité. On travaille constamment à améliorer la qualité de notre personnel par de la formation autant à l'extérieur qu'à l'intérieur de nos murs.

Pour ce qui est du choix des représentations ou de la composition d'un conseil d'administration, on le choisi souvent selon la taille de l'entreprise. Ce choix va justifier le fait d'avoir des représentants externes qui représentent le fonds mais qui ne sont pas des employés du fonds. Les facteurs dont nous tenons compte sont souvent la taille de l'entreprise et la disponibilité des gens que nous considérons pour siéger sur de tels conseils d'administration. On sait que plus l'entreprise est jeune, plus il est difficile de trouver des administrateurs externes pour la compagnie parce qu'il y a des risques de poursuites qui peuvent se développer et on essaie de combler par des assurances efficaces, mais il reste que c'est plus difficile de trouver des administrateurs. Il ne faut pas oublier que le rendement qu'on a, c'est le rendement que l'entreprise va faire. Il est de notre avantage d'avoir le meilleur conseil d'administration possible et de s'assurer qu'il y a une complémentarité entre les membres du conseil d'administration et entre les membres de la direction de l'entreprise. Autant que possible, on essaie d'équilibrer ce jeu avec les ressources dont on dispose et les besoins de l'entreprise.

En ce qui a trait à la représentation des femmes et le choix des femmes sur les conseils d'administration, depuis trois ans le Fonds de solidarité a développé une banque d'administratrices. On essaie d'enrichir cette banque chaque année. Il y a à ce niveau aussi une question de disponibilité, de formation pour avoir des femmes disponibles. Je vous rappellerai qu'au Fonds de solidarité, à peu près 50 p.100 des directeurs et des directrices de comptes sont des femmes. Cela aussi améliore l'industrie du capital de risque. Ce sont des nouvelles venues dans l'industrie parce qu'il y a dix ans, les femmes étaient absentes dans cette industrie.

Le sénateur Hervieux-Payette: Une de mes préoccupations, autant à la Caisse de dépôt que chez vous, c'est la confidentialité. Par exemple, si vous avez développé une grande expertise en biotechnologie, vous ne pouvez pas envoyer cette personne qui vous représente à tous les conseils d'administration d'entreprises qui auraient des produits concurrents. Quelle est la politique d'un fonds comme le vôtre pour une personne qui maîtrise bien un secteur pour ne pas, si elle siège et qu'elle suit une entreprise, qu'elle soit au détriment d'une autre entreprise qui serait dans le même secteur où vous êtes aussi investisseur?

M. Prud'homme: Il faut tenir compte de l'expérience antérieure de certains employés que l'on embauche. Cela se complique et de plus en plus dans les secteurs des nouvelles technologies, c'est un nouveau problème, une nouvelle donnée que l'on doit prendre en compte lorsque vient de temps de signer le dossier au départ, et de le gérer par la suite. Cela nous force de plus en plus à avoir recours à des administrateurs externes et, contrairement à ce qu'on avait dans le secteur industriel où l'on pouvait donner ou assigner à un même administrateur externe quatre ou cinq conseils d'administration différents, à ce moment, on va devoir de limiter à un ou deux dans des secteurs différents même si c'est dans le même créneau d'activité.

[Traduction]

Le président: Merci, messieurs, pour votre excellente présentation.

Au nom des membres de notre comité, je vais demander à la Bibliothèque du Parlement de refaire l'étude. Le sénateur Tkachuk sera sans doute d'accord pour que des membres de notre personnel supervisent le processus et que les honorables sénateurs reçoivent une ébauche de cette étude.

La séance est levée.


Haut de page