Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 36 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 21 mars 2002
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et la Loi sur le Tribunal de la concurrence, se réunit ce jour à 11 h 05 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président: Notre premier groupe de témoins d'aujourd'hui nous vient des Travailleurs et travailleuses canadiens(nes) de l'automobile.
Allez-y, je vous prie.
M. Gary Fane, directeur du Secteur des transports, Travailleurs et travailleuses canadiens(nes) de l'automobile: Monsieur le président, nous aimerions vous remercier de nous recevoir ici aujourd'hui parmi vous.
Notre syndicat compte environ 250 000 membres, dont près de 49 000 oeuvrent dans le domaine des transports. Nous avons 15 000 membres qui sont au service du seul secteur du transport aérien. Nous avons encore 3 000 adhérents qui travaillent chez NAV CANADA. Ces employés de NAV CANADA sont des contrôleurs aériens et des spécialistes de vol qui assurent la sécurité des vols.
Parmi les 15 000 membres qui sont à l'emploi de l'industrie aérienne, la majorité travaillent chez Air Canada, ainsi que chez les lignes aériennes régionales d'Air Canada. Au moins 40 à 50 p. 100 d'entre eux travaillaient autrefois pour les Lignes aériennes Canadien.
Nous avons une longue histoire et avec les Lignes aériennes Canadien et avec Air Canada. Plus particulièrement, chez Canadien, nous avions des employés et des membres qui avaient auparavant travaillé pour Transair, Eastern Provincial Airlines, Nordair, les Lignes aériennes Canadien Pacifique, Wardair et Pacific Western. Je vous en fais la liste car mon collègue, Jim Stanford, va vous entretenir de l'histoire de notre syndicat et de l'industrie aérienne. Vous remarquerez que nombre des lignes aériennes que j'ai énumérées ne sont plus en activité ou ont été absorbées par une compagnie aérienne ou une autre.
Plus récemment, nous avons vécu un processus difficile avec la fusion des Lignes aériennes Canadien et d'Air Canada. Les personnes que nous représentons sont ceux et celles qui vous servent à l'aéroport. Ce sont ceux et celles qui prennent vos réservations au téléphone. Ce sont les employés des services à la clientèle.
Nos membres qui travaillent pour l'industrie aérienne aiment dans l'ensemble travailler pour l'industrie. Nous représentons de nombreuses autres petites lignes aériennes, comme par exemple First Air. Nous représentions autrefois les employés de Canada 3000. Si vous me permettez l'expression, nous accaparons le marché pour ce qui est du personnel du service à la clientèle de l'industrie aérienne au Canada.
Nous avons chez Air Canada 8 500 à 9 000 membres. Du côté des lignes aériennes régionales, nous en avons 2 000. Nos membres dans les lignes régionales sont les mécaniciens, ceux qui réparent les avions, ainsi que ceux qui vendent les billets et assurent le service à la clientèle.
La plupart de nos membres aiment travailler pour Air Canada, bien que cela ait été difficile, au cours des 12 ou 15 années depuis que nous y sommes, de veiller à ce que leur employeur, quel qu'il soit, reste en activité.
Nous nous intéressons depuis longue date à l'évolution de la politique canadienne en matière de transport aérien. Au fil des ans, nos membres ont souffert d'incertitude, de craintes et de bouleversements du fait de la nature même de la concurrence au sein de l'industrie aérienne.
Je sais que vous autres ici aujourd'hui n'êtes pas responsables de l'état de la politique canadienne en matière de transport aérien. Je sais qu'il y a d'autres comités et ministres qui en ont la charge. Cependant, nous avons un certain nombre de sérieuses préoccupations quant au projet de loi C-23. Nous estimons que le projet de loi a été examiné à la hâte et sans trop de réflexion, ce dans le but de régler de graves problèmes structuraux au sein de l'industrie aérienne canadienne.
Nous pensons qu'il aurait été préférable, au lieu de s'appuyer sur la loi en matière de concurrence, de traiter de la question de l'élaboration de politiques par le biais de la politique normale en matière de transport, en tenant compte de la situation de l'industrie et de ce qui est bien pour les Canadiens, sans oublier que nous ne sommes pas ici aux États- Unis. Nous comptons 30 millions d'habitants et avons un vaste territoire à couvrir.
À l'heure actuelle, par exemple, nous attendons de savoir quel transporteur aérien desservira les petites localités, vu qu'on nous a dit qu'Air Canada Régional va bientôt se retirer. Lors de la fusion des lignes aériennes, le gouvernement et la compagnie avaient convenu que le service serait maintenu aux petites localités du pays. Les deux années prévues sont presque écoulées. Nous sommes en train de négocier une convention collective et nous avons fait savoir qu'il y a au moins 20 ou 30 localités que l'employeur ne va plus desservir. Cela vient bien sûr stopper le processus de négociation collective.
Revenons maintenant au projet de loi C-23. Nous pensons que le projet de loi, tel que modifié par la Chambre des communes, contient des mesures uniques, arbitraires et de portée très vaste destinées à limiter explicitement la marge de manoeuvre d'Air Canada. Il serait préférable d'avoir un débat national sur la politique aérienne plutôt que d'aborder la question par la porte arrière, comme cela semble être le cas ici.
Les mesures prises ont été justifiées par les hypothèses voulant que les récents problèmes structurels, opérationnels et financiers de l'industrie aérienne canadienne résultent d'une concurrence insuffisante dans l'industrie. Cela est faux. Par ailleurs, cette approche suppose que les problèmes peuvent être résolus au moyen de mesures politiques facilitant ou protégeant une concurrence accrue à l'avenir. Aux TCA, nous avons une vision différente des choses. Les preuves économiques dont nous disposons laissent entendre que la libre concurrence croissante dans le service aérien depuis 1987 a eu des conséquences destructrices pour les clients des lignes aériennes ainsi que leurs employés et les investisseurs. Ces preuves vous seront fournies par mon collègue, M. Stanford, dans le cadre de sa présentation.
Comme M. Stanford vous l'expliquera, les 15 années qui se sont écoulées depuis la déréglementation ont été marquées par des cycles répétés d'expansion des lignes aériennes, de crises financières prolongées et, finalement, de réductions des dépenses. Les tarifs aériens n'ont pas beaucoup reculé, la qualité du service aérien s'est nettement détériorée, les pertes des investisseurs sous le régime de la déréglementation ont dépassé les trois milliards de dollars et l'industrie dans son ensemble n'a enregistré un profit que pour deux des 14 dernières années, depuis l'instauration de la déréglementation.
Il est difficile pour nous de continuer de négocier des conventions collectives de qualité pour nos membres lorsque les compagnies aériennes ne cessent de faire des coupures. Il est difficile pour nos membres d'offrir un service de qualité au public si la compagnie aérienne fait toujours deux ou trois pas en arrière à cause de la crise financière que vit l'industrie.
Ces résultats négatifs ne peuvent pas être imputés au comportement anticoncurrentiel d'Air Canada ou d'un quelconque autre intervenant sur le marché. Ils reflètent plutôt l'économie inhérente des déplacements aériens au Canada, avec la faible population du pays et sa géographie très diversifiée. Les efforts répétés du gouvernement pour soutenir artificiellement une plus grande concurrence dans l'industrie face à la pression naturelle vers une concentration de ce que produit l'industrie déréglementée n'ont pas abouti. J'ai commencé plus tôt par énumérer toutes ces lignes aériennes qui ne sont plus. Cela faisait partie de la politique de déréglementation du gouvernement.
Ont compté parmi les efforts déployés opérations de sauvetage, exonérations temporaires d'impôt et incitatifs pour nouveaux entrants. Ces efforts n'ont cependant réussi qu'à prolonger l'agonie de la surcapacité, de la détresse financière et de l'incertitude pour les passagers, les travailleurs et les investisseurs.
Les mesures contenues dans le projet de loi C-23 et qui protégeraient les nouveaux entrants de la concurrence d'intervenants existants et tout particulièrement d'Air Canada, s'inscrivent dans la même catégorie: une tentative par le gouvernement de soutenir artificiellement un niveau de concurrence dans l'industrie qui n'existerait pas sans l'intervention active des pouvoirs publics.
Pour les gens que nous représentons, nous pensons qu'il y a quelque chose qui ne va pas, surtout si vous envisagez de dire à Air Canada qu'elle ne peut pas aligner ses prix sur ceux des autres. Il y a de nombreuses années, lorsque nous avions deux transporteurs nationaux, les Lignes aériennes Canadien et Air Canada, notre syndicat avait argué qu'il fallait réglementer la capacité et qu'une seule société ne pourrait ni ne devrait pouvoir user de prix de prédation pour liquider les autres. Air Canada n'aurait jamais dû pouvoir faire cela et ne devrait toujours pas pouvoir le faire. Nous ne voyons pas là une concurrence juste.
Enfin, nous considérons que le projet de loi C-23 représente une approche arbitraire ponctuelle face aux difficultés structurales anciennes de l'industrie aérienne du Canada. Il est peu probable, étant donné l'expérience des 15 dernières années, que le projet de loi amène l'établissement d'un environnement au sein duquel plusieurs compagnies aériennes concurrentielles puissent coexister de façon productive. L'on devrait plutôt s'attendre à ce que les changements infligent des dommages économiques continus à Air Canada tout en favorisant l'accès au marché de nouveaux entrants encore plus sous-financés et n'ayant pas fait leurs preuves, offrant temporairement de bas tarifs mais voués à connaître le sort des douzaines d'entreprises émergentes ratées qui les ont précédés.
L'objet explicite du projet de loi, soit ramener à 60 p. 100 ou moins la part du trafic aérien intérieur d'Air Canada, est arbitraire et sera destructeur sur le plan économique. Nous ne parvenons pas à comprendre pourquoi vous voudriez faire cela au transporteur national. Cela nous paraît tout à fait absurde. Il s'agit tout de même du transporteur national. Nous devrions nous concentrer sur la prestation au client de services de qualité à des prix raisonnables.
Nous recommandons que soient enlevées du projet de loi C-23 les mesures spéciales autorisant l'imposition à Air Canada par le Tribunal de la concurrence de sanctions administratives pécuniaires. Nous recommandons également que les mesures de redressement par voie d'injonction proposées à l'article 103.3 du projet de loi soient tirées au clair pour exclure de ces procédures toute pratique normale de prix concurrentiel, comme par exemple l'application d'un prix équivalent à celui d'une société concurrente, quelle que soit la part de marché de la société prétendument en défaut.
Nous pensons que si vous avez deux lignes aériennes — mettons, Air Canada et WestJet — et si WestJet a un tarif de 300 $ pour un trajet entre le point A et le point B, Air Canada devrait pouvoir offrir le même tarif. Ce serait alors au consommateur de décider quelle compagnie aérienne offre le meilleur service. Tant pis pour Air Canada si la société ne parvient pas à offrir un meilleur service, car si tel est le cas, sa part de marché rétrécira. Nous ne devrions cependant pas dire à Air Canada qu'elle ne peut pas pratiquer le même prix qu'un concurrent. Cela ne tient absolument pas debout du point de vue de la concurrence.
Enfin, nous exhortons le comité à rejeter cet effort hâtif d'élaboration d'une politique aérienne par la porte arrière de la Loi sur la concurrence. Si le gouvernement estime que de nouvelles mesures sont nécessaires pour assurer un certain type de comportement de la part des compagnies aériennes canadiennes, alors il devrait élaborer et appliquer de telles politiques de façon directe et honnête, avec toute la consultation et toute la considération voulues, au lieu de les faire glisser par la porte arrière au moyen d'amendements extraordinaires apportés à un plus vaste projet en matière de réglementation de la concurrence.
J'inviterai maintenant mon collègue, M. Stanford, à résumer certains faits et chiffres illustrant le rendement concurrentiel de l'industrie aérienne au cours des 15 dernières années.
M. Jim Stanford, économiste, Travailleurs et travailleuses canadiens(nes) de l'automobile: J'aimerais étoffer certains des commentaires de M. Fane au sujet du projet de loi et de nos préoccupations quant aux amendements arbitraires et hâtifs proposés à la Chambre des communes avant Noël. J'aimerais faire ressortir un certain nombre de faits et de chiffres contenus dans notre mémoire plus long, notamment certains des résultats économiques de l'industrie aérienne en vertu de la déréglementation des 15 dernières années.
La promesse de la déréglementation se résume à des tarifs plus bas, à une meilleure efficience, à une augmentation des déplacements aériens en réaction aux plus bas tarifs et à des emplois meilleurs et en définitive plus productifs pour les travailleurs de l'industrie. C'était là la promesse faite en 1987 lorsque l'industrie a été déréglementée, et dans certaines industries, c'est tout à fait ce par quoi s'est soldée la déréglementation.
Cependant, dans la pratique, dans l'industrie aérienne canadienne, les résultats ont été très différents. La tendance d'ensemble a débouché au cours de ces 15 années sur une industrie aérienne irrationnelle, inefficiente et chaotique.
Avec la déréglementation, le coût des déplacements aériens a augmenté au Canada. Les pertes financières pour les investisseurs dans le secteur aérien ont été énormes et ne cessent d'augmenter. Ce que la concurrence a amené ce ne sont pas une meilleure efficience et de plus bas tarifs, mais plutôt un cycle improductif de nouveaux entrants et d'augmentation rapide de la capacité suivie d'une courte période financièrement insoutenable au cours de laquelle la concurrence pousse à la baisse les tarifs aériens. Tout cela amène détresse financière, grosses pertes et crises de compression.
Le service de recherche des TCA a des dossiers sur les crises de 1989, 1992, 1996 et 1999. Bien sûr, nous en avons ouvert un nouveau l'an dernier, après le 11 septembre, pour la crise de 2001.
La concurrence fait partie du problème et non pas de la solution. C'est pourquoi nous sommes ici pour poser des questions provocantes au sujet de ces amendements au projet de loi C-23, qui était censé amener une intensité renouvelée de la concurrence dans le secteur du transport aérien. Nous demandons si ce que l'on veut c'est davantage de concurrence entre compagnies aériennes. Nous pensons que la réponse est peut-être que non.
La concurrence est censée être bonne pour les consommateurs du fait d'une réduction des tarifs aériens. Il est clair que le coût des déplacements aériens au Canada a augmenté depuis 1987. Si l'on s'appuie sur la composante transport aérien de l'indice des prix à la consommation, le coût du transport aérien aurait plus que doublé. Il y a eu une augmentation de 110 p. 100 du coût des déplacements aériens, comparativement à une augmentation de 43 p. 100 pour l'ensemble des prix à la consommation. En d'autres termes, le coût des déplacements aériens a augmenté deux fois plus vite que pour les autres articles de consommation courante.
Le coût des déplacements aériens englobe diverses taxes et surtaxes, dont certaines sont perçues par les aéroports et le gouvernement, et pas seulement par les lignes aériennes. Bien que le coût direct des billets d'avion des compagnies aériennes n'ait pas augmenté aussi rapidement que le coût d'ensemble des déplacements par avion, si l'on tient compte de ces autres taxes et surtaxes, il n'a pas non plus diminué de façon soutenue. Il n'existe aucune preuve que les tarifs aériens aient baissé de façon soutenue au Canada sous la déréglementation. Plusieurs études en fournissent la preuve, la plus récente étant une étude de la Federal Reserve Bank of San Francisco comparant les tarifs aériens au Canada et ceux des États-Unis. En fait, vers la fin des années 90, les tarifs aériens, même déduction faite de ces diverses taxes et surtaxes, ont augmenté sensiblement plus vite que l'ensemble des prix à la consommation.
Contrairement à l'hypothèse voulant que la concurrence soit bonne pour les consommateurs, 15 années de concurrence déréglementée n'ont pas bénéficié aux consommateurs. En fait, elles ont augmenté l'incertitude des consommateurs à l'égard de la fiabilité et de la qualité du service aérien. Un sondage d'opinion publique mené après le 11 septembre interrogeait les voyageurs aériens sur leur plus grande crainte. La plus grande crainte exprimée par la majorité des répondants était que leur compagnie aérienne fasse faillite pendant qu'ils étaient en déplacement quelque part et qu'ils ne puissent pas rentrer chez eux. Ils étaient davantage préoccupés par cela que par le risque d'être victime d'un incident terroriste.
Quant à la question de l'efficience productive en régime concurrentiel déréglementé, il existe amplement de preuves que la déréglementation n'a pas amélioré la productivité. Les différentes compagnies aériennes poussent plus leurs employés, exigeant d'eux plus que jamais auparavant, et si vous mesurez l'efficience en nombre de mille-sièges par employé, il y a eu des augmentations marquées.
Le problème est que nous ne sommes pas intéressés par les déplacements de sièges; nous voulons que ces sièges soient remplis par des passagers payants. Si vous mesurez la productivité par le nombre de kilomètres-passagers parcourus par employé, et nous parlons plus longuement de cela dans notre mémoire écrit — il n'y a eu aucune amélioration de la productivité au cours des 15 dernières années. Si vous mesurez la productivité en fonction de la valeur des services livrés par employé dans l'industrie, la productivité a en vérité reculé, car la qualité du service aérien, sa valeur, selon l'enquête, a diminué. S'agissant de la valeur de ces kilomètres-passagers payants, elle a en vérité diminué. Cela reflète la capacité excédentaire et le gaspillage côté frais généraux amené par les cycles improductifs d'entrées et de sorties qui ont marqué l'industrie pendant cette période.
Nous soulevons également dans notre mémoire d'importantes questions au sujet de la durabilité financière d'une concurrence déréglementée dans le secteur canadien. Les ratios d'exploitation des lignes aériennes canadiennes ont eu tendance à se maintenir à des niveaux élevés insoutenables. Depuis la déréglementation, les compagnies aériennes ont pour la plupart consacré davantage d'argent à leurs frais d'exploitation quotidiens qu'elles n'en ont touché. Les ratios d'exploitation ont été de 100 p. 100 ou plus, ce qui ne laissait rien pour payer les frais d'intérêt et autres frais généraux, sans parler de la réalisation d'un profit. L'industrie dans son ensemble n'a enregistré un profit que pour deux des 12 dernières années, et l'année dernière a été la pire de toutes.
Toute mesure destinée à augmenter l'intensité de la concurrence dans une industrie aura pour effet naturel de faire fléchir les marges de profit. Il nous faut nous demander, à la lumière des résultats des 12 dernières années qui n'ont livré que deux années au bilan positif, jusqu'où nous voulons voir les marges de profit plonger. Nous avons de graves inquiétudes quant à la durabilité financière de l'industrie.
Air Canada est souvent dépeinte comme étant le mauvais garçon dans ce malheureux scénario, ce qui a peut-être été à l'origine de certains des amendements proposés à la Chambre des communes. Il est peut-être payant, sur le plan politique, de diriger sur Air Canada une partie de la colère et de la frustration que ressentent les gens face à la situation déplorable du secteur aérien canadien. Nos membres ne plaignent pas particulièrement la direction d'Air Canada, pas plus que ne le fait le reste du public canadien, mais il nous faut être très prudents s'agissant de mesures dirigées spécifiquement et arbitrairement contre une société particulière, étant donné surtout son rôle important pour l'industrie dans son ensemble.
Air Canada est loin de ressembler à un monopole rapace si l'on regarde ses revenus, ses états financiers ou son bilan. L'avoir des actionnaires d'Air Canada s'était lentement accru pendant les années 90, mais il s'est effondré au cours des dernières années, de telle sorte que l'avoir des actionnaires est aujourd'hui négatif. C'est une entreprise qui éprouve des difficultés financières, comme c'est le cas de l'industrie tout entière. Il nous faut donc réfléchir sérieusement à toute mesure susceptible d'intensifier les pressions financières exercées sur la société.
Les perspectives pour les compagnies aériennes émergentes au Canada sont hautement douteuses. Des douzaines de compagnies aériennes sont nées pour ensuite disparaître sous la déréglementation. Chacune a eu ses propres problèmes et a commis ses propres erreurs de gestion. Cependant, ce schéma répété d'entrée optimiste, d'expansion initiale, de détresse ultime et d'effondrement a débouché sur un certain nombre de questions. Par exemple, s'il y a une courbe dans la route et qu'un conducteur quitte la route par accident, la police fera peut-être enquête et dira peut-être que la personne parlait sur son téléphone cellulaire et ne faisait pas attention. Si une autre personne quitte la route, ce sera peut-être la faute à une mauvaise visibilité. Cependant, si 40 personnes quittent la route à hauteur de la même courbe, vous vous demanderez ce qui ne va pas avec cette courbe.
Il nous faut faire de même avec l'industrie aérienne. Des douzaines de compagnies sont nées pour ensuite disparaître. La seule qui ait résisté financièrement est WestJet, et sa réussite a sa propre explication. S'il est une leçon à en tirer, c'est sans doute que c'est l'exception qui fait la règle.
Cela reflète les facteurs économiques qui sous-tendent le transport aérien au Canada. Ce n'est pas le résultat d'un accident ni d'un comportement prédateur de la part d'Air Canada. Il y a une puissante tendance vers la concentration, vers le «plus gros et mieux», dans l'industrie, du fait des économies d'échelle dont jouissent les compagnies aériennes, des économies d'envergure, de ce que les économistes appellent des économies de réseau, en vertu desquelles votre capacité d'offrir un service complet est plus grande si vous êtes actif dans plusieurs régions à la fois.
Ces facteurs économiques favorisent la concentration. Les initiatives visant à stopper cette tendance vers la concentration exigent une aide gouvernementale ou une réglementation active et elles n'ont à notre avis pas abouti en général.
D'où la situation que nous connaissons dans le cadre de laquelle un gouvernement qui a en un sens épousé une vision ou une idéologie de la libre concurrence doit intervenir afin de soutenir artificiellement un niveau de concurrence qu'un marché véritablement déréglementé ne produit pas. Un marché réellement déréglementé tend vers la situation de transporteur dominant que nous connaissons à l'heure actuelle.
Il y a eu diverses tentatives — allant de subventions forfaitaires de concurrents, aux renflouements, à des mesures qui à notre avis protègent artificiellement et arbitrairement les nouveaux entrants — tout cela en vue de subventionner la concurrence dans le seul but de la maintenir en place. Cela est très contestable du point de vue des consommateurs, voire même de l'industrie dans son ensemble.
Nous devrions accepter les faits. Après 15 ans, crise après crise, il serait temps pour nous de comprendre que le marché national canadien ne peut soutenir qu'un seul transporteur à service complet. Cela est différent de la situation américaine. Les États-Unis comptent une population qui est dix fois la nôtre, un contexte géographique plus concentré, mais le pays compte moins de dix transporteurs à service complet. Pour situer cela dans le contexte canadien, divisez cela par dix et cela vous donne moins d'un transporteur. Pourquoi dépenser tout cet argent et déployer tous ces efforts législatifs directs dans le but d'appuyer plus d'un transporteur à service complet?
Il continuera manifestement d'y avoir de la concurrence, et dans certains endroits, elle sera durable, notamment dans les créneaux comme les vols nolisés, certains services régionaux et d'autres encore. Cependant, au lieu d'essayer de protéger artificiellement et de promouvoir un niveau de concurrence que le marché lui-même ne peut pas soutenir, les politiques devraient accepter la situation et se comporter en conséquence, c'est-à-dire surveiller le transporteur dominant, que l'industrie produit naturellement, avec des règles en matière de pratiques de prix et de profits — pas pour maintenir ces prix à des niveaux artificiellement élevés, comme c'est le cas en vertu des règles actuelles, mais pour veiller à ce que les prix pratiqués ne soient pas trop élevés.
Les effets probables des changements proposés dans le projet de loi sont à notre avis multiples. Le projet de loi encouragera l'émergence de nouvelles compagnies aériennes qui ne seront pas durables sur le plan économique. Air Canada sera empêchée de réagir à ces nouveaux entrants. Le projet de loi infligera davantage de dommages financiers à la ligne aérienne qui représente, que cela plaise ou non, les trois quarts de notre industrie nationale. Souhaitons-nous vraiment aggraver les problèmes financiers de cette société, qui est déjà dans le rouge, étant donné le rôle dominant qu'elle joue dans l'industrie? Cela encouragerait Air Canada à abandonner les services régionaux dans le but d'essayer d'atteindre cette cible d'une part de marché de 60 p. 100. Que cela fait-il pour la concurrence, si vous prenez les services régionaux présentement assurés par une compagnie aérienne, qu'Air Canada s'éclipse et qu'une autre compagnie aérienne se lance? Le marché continue d'être servi par une seule compagnie aérienne, mais sans doute de façon moins fiable et avec une qualité moindre. Si le projet de loi est adopté, il se répétera alors le cycle de nouveaux entrants, de surcapacité, de détresse financière et de coupures que nous constatons depuis 15 ans.
Nos recommandations seraient les suivantes. Que soient éliminées ces pénalités administratives spéciales et, selon nous, arbitraires, visant Air Canada. Nous devrions avoir au Canada un débat sur la politique aérienne portant précisément sur cela et non pas sur des amendements apportés à la hâte dans le cadre d'un projet de loi omnibus en matière de concurrence. Nous devrions tirer au clair les dispositions en matière de mesures de redressement par voie d'injonction du projet de loi C-23, ce de façon à veiller à ce que les dispositions de l'article 103.3 du projet de loi n'excluent pas ce que nous considérerions comme étant une réaction concurrentielle normale d'une société existante à l'égard d'un nouvel entrant, soit adopter des prix équivalents. Pourquoi voudrions-nous d'une loi en matière de concurrence qui oblige un transporteur dominant à maintenir des prix élevés? Cela ne bénéficie ni aux consommateurs ni à l'industrie dans son ensemble.
J'envisage avec plaisir notre discussion et vos questions.
Le sénateur Kelleher: Êtes-vous en train de recommander que nous rejetions le projet de loi dans son entier ou que nous tentions d'apporter des amendements à certains éléments du projet de loi?
M. Stanford: Nous avons proposé des amendements à certains éléments du projet de loi qui visent arbitrairement selon nous l'industrie aérienne. Nous pensons par exemple qu'il conviendrait d'éliminer l'article proposé 104.1, qui autorise le commissaire à la concurrence à rendre des jugements sommaires. Nous aimerions que vous éliminiez l'article proposé autorisant l'imposition au transporteur aérien dominant de pénalités administratives pouvant aller jusqu'à 15 millions de dollars. Nous aimerions que vous tiriez au clair les mesures de redressement par voie d'injonction contenues dans l'article 103.3 afin qu'il ne soit plus possible de pénaliser une entreprise du simple fait qu'elle aligne ses prix sur ceux de ses concurrents. Voilà les dispositions précises que nous viserions.
Si le projet de loi avait été déposé tel qu'il se présentait plus ou moins lors de son dépôt en avril dernier à la Chambre des communes, nous ne serions même pas ici. Ce sont ces aspects selon nous arbitraires, qui ont été intégrés au projet de loi en décembre en réaction aux inquiétudes relativement à l'effondrement de Canada 3000 et ainsi de suite, qui sont ici mal avisés.
Le sénateur Kelleher: Auriez-vous quelque commentaire à faire au sujet des dispositions du projet de loi en matière d'aide mutuelle?
M. Stanford: Comme je l'ai dit, toutes ces choses étaient contenues dans le projet de loi initial. Je n'en vois aucune incidence particulière sur l'industrie aérienne. Nous ne serions pas ici si ce n'était ces autres aspects du projet de loi.
Le sénateur Kelleher: Êtes-vous en définitive en train de recommander un retour à la situation qui existait avant 1987?
M. Stanford: Pour ce qui est de notre vision d'une politique aérienne plus large?
Le sénateur Kelleher: Oui.
M. Stanford: Non. Étant donné certaines des structures de réglementation en place avant 1987, en vertu desquelles chaque route et chaque tarif devaient être approuvés par les autorités de réglementation fédérales, il ne serait pas logique de revenir à ce genre d'environnement. Dans le cadre des différents débats et discussions en matière de politique aérienne que nous avons vécus au cours des 15 dernières années, avec les successions de crises qu'il y a eu, et souvent par suite d'une enquête ou d'une commission, notre proposition a été de rétablir une certaine fonction de réglementation générale pour le gouvernement fédéral. Il s'est surtout agi pour nous d'essayer de gérer le niveau de capacité d'ensemble de l'industrie de façon à empêcher cette surexpansion qui s'est avérée si destructrice sur le plan économique, ainsi que d'assurer une capacité d'ensemble de contrôle, de surveillance et, dans certains cas, de modération des pratiques de prix d'une société dominante.
Étant donné la base économique fondamentale de l'industrie, au lieu de nager contre le courant et de lutter en permanence pour protéger et subventionner les concurrents de cette société dominante, nous pensons que le gouvernement fédéral devrait simplement garder cette dernière à l'oeil de façon à veiller à ce qu'elle n'agisse pas d'une façon qui ne serve pas l'intérêt public. Nous aimerions voir la reconstruction d'une capacité de réglementation générale, mais non pas un retour à la microgestion qui existait avant 1987.
Le sénateur Kelleher: Êtes-vous en train de dire que le Bureau de la concurrence n'a rien à faire dans les cockpits de la nation?
M. Stanford: Ces jours-ci, l'expression politiquement correcte serait plutôt «postes de pilotage de la nation».
Le sénateur Kelleher: Je m'inscrivais simplement dans la voie tracée par votre ancien premier ministre. Je pensais que cette analogie plairait à mes amis d'en face. J'ai un très bon adjoint qui m'aiguise.
M. Stanford: Nous ne disons pas que l'industrie aérienne devrait être exclue des dispositions normales de la loi en matière de concurrence. Ce qui nous préoccupe ce sont ces extensions arbitraires, uniques, et franchement bizarres, à l'occasion, de la loi en matière de concurrence dans son application à l'industrie aérienne. Cela s'inscrit selon nous dans une tentative visant à gérer de façon ponctuelle un problème qui devrait être réglé directement au moyen d'un examen de la politique en matière de transport aérien.
Nous ne recommandons pas que les lignes aériennes soient exclues de la loi normale en matière de concurrence. Il existe amplement de pouvoirs et de mécanismes d'intervention dans l'actuelle Loi sur la concurrence et en vertu des pouvoirs existants du commissaire à la concurrence et du Tribunal de la concurrence. Nous ne voyons pas pourquoi il nous faille avoir ces mesures uniques, et selon nous arbitraires, visant explicitement les lignes aériennes.
[Français]
Le sénateur Poulin: Vous dites que votre Association des travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile a 250 000 membres, dont 49 000 dans l'industrie du transport et 15 000 spécifiquement dans le transport aérien. Il est évident que, comme tous les membres des autres industries canadiennes, ils ont eu de grandes adaptations au cours des 10 dernières années à cause de tous les changements que nous connaissons dans les communications et l'économie. Ces adaptations n'ont pas été faciles pour les membres. Vos membres, et je cite vos paroles sont: «customer service employees».
Ce qui me frappe quand je voyage dans les régions, à plusieurs occasions j'entends vos membres discuter de leurs problèmes de syndicat au lieu de me servir et de me demander, comme client, quelle est ma réservation et à quelle heure je dois partir. J'entends les employés continuer à discuter entre eux. J'entends souvent les gens se plaindre à ce sujet non seulement de la part de mes collègues du Sénat, mais aussi des membres de famille d'amis du Nord de l'Ontario qui doivent se déplacer souvent. Que fait votre syndicat pour s'assurer que vos membres soient vraiment ciblés sur le service à la clientèle, et donc de garder leurs problèmes d'adaptation pour d'autres occasions de discussion interne?
[Traduction]
M. Fane: Honorable sénateur, il me faudrait, pour pouvoir répondre à cette question, vous inviter à déjeuner; il faudrait que nous ayons du temps devant nous. Le processus a été difficile.
Je suppose que vous voulez parler d'Air Canada et tout particulièrement de la fusion avec les Lignes aériennes Canadien. C'était la cinquième ou la sixième fusion pour nos membres de chez Canadien. Ils étaient à l'aise, sachant que le syndicat allait faire son travail et s'occuper d'eux. Nos membres chez Air Canada, qui ont écouté attentivement l'argument d'Onex et qui étaient très dévoués à leur entreprise, s'attendaient à ce que sur le beau champ de concurrence, une fois qu'Air Canada aurait remporté la bataille entre les deux gros transporteurs, ils se retrouvent en haut et que les employés de Canadien, en dépit de leur ancienneté, se retrouvent en bas. Ce n'est pas ce qui se passe avec le droit du travail et ce n'est pas ce qui se passe avec notre syndicat. Nous traitons tous les membres sur un pied d'égalité, quelle que soit l'entreprise d'où ils viennent et quelle que soit l'entreprise qui remporte le combat sur le champ de bataille de la concurrence.
Je suis heureux que notre syndicat ait été le premier à négocier un arrangement avec Air Canada en vue de rassembler les deux groupes afin de mieux servir la clientèle. Nous avons été les premiers à négocier une nouvelle convention collective. Nous avons également été les premiers à négocier la sécurité d'emploi, en vertu de laquelle l'entreprise ne pouvait pas mettre les gens à pied. Lorsque la société a connu quelques difficultés après le 11 septembre, au moins 1 000 employés sont volontairement restés chez eux, ce afin de réduire les coûts d'Air Canada pendant cette période difficile.
D'un autre côté, je me déplace au moins trois fois par semaine. Nous poussons Air Canada à veiller à ce qu'il y ait suffisamment de personnel pour servir les clients. Nous nous disputons sans cesse avec la société. Il lui faut surveiller sa rentabilité, ses profits et ses pertes. D'un autre côté, il nous faut surveiller la qualité du service à la clientèle. C'est ce que font nos membres pour gagner leur vie. Je sais qu'il y a là beaucoup de place pour l'amélioration du service à la clientèle.
Air Canada vient tout juste de faire quelques changements de gestion. Nous envisageons avec plaisir de travailler avec la nouvelle équipe de gestion. Cependant, nous savons à quel point il est important de bien s'occuper du client. Nous avons certains problèmes. Par exemple, lorsque le gouvernement se livre à un combat dans la presse avec M. Milton et la direction d'Air Canada, nous savons qu'il sera difficile pour nos membres de rendre un client heureux, si ce client n'est pas de très bonne humeur lorsqu'il se présente au comptoir.
Pour nos membres, la fusion a été un changement de culture qui les a beaucoup secoués. Ils pensaient vraiment que nombre d'entre eux allaient perdre leur emploi.
Ce n'est pas ce qui s'est passé et ce n'est pas ce qui se passe avec notre syndicat. Cela a été difficile. Nous avons mis en place de nouveaux processus avec la compagnie. Nous voulons être certains que le client reçoit un bon service. Nous savons qu'il existe de sérieux problèmes, mais nous continuerons de travailler avec la société pour mieux servir le public.
Le sénateur Furey: M. Stanford a abordé ce qui me préoccupe dans ses observations, mais j'aimerais me reporter à l'exposé de M. Fane. Vous avez dit que les pertes des investisseurs sous le régime de déréglementation ont dépassé les trois milliards de dollars, et que depuis l'avènement de la déréglementation, il n'y a eu que deux années pour lesquelles des profits ont été enregistrés.
Vous avez également dit que les résultats négatifs constatés ne peuvent pas être attribués à un comportement anticoncurrentiel de la part d'Air Canada ou d'un quelconque autre intervenant sur le marché. Ces résultats reflètent plutôt la situation économique inhérente au transport aérien au Canada, étant donné la faible population du pays et la complexité de sa géographie.
Comment expliquez-vous, dans le contexte de ces commentaires, le succès relativement impressionnant de WestJet dans ce même environnement?
M. Fane: Le premier commentaire portait sur une époque à laquelle il y avait deux grosses compagnies aériennes et un problème de surcapacité. À l'époque, nous ne parvenions à obtenir de personne au gouvernement, ni du côté des conservateurs ni de celui des libéraux, qu'il s'intéresse au problème de capacité. Les transporteurs ont continué de vendre leurs billets moins chers que cela ne leur coûtait de produire le service correspondant.
Je vous parle ici de deux transporteurs internationaux, notamment les Lignes aériennes Canadien et Air Canada, qui se livraient concurrence non seulement à l'échelle nationale mais même, dans certains endroits, à l'échelle internationale. Canadien achetait EPA, Nordair et Pacific Western, puis est venu l'achat de Wardair et le fardeau de la dette a alors dépassé les 500 millions de dollars. Nous avions toute cette capacité et nous continuions de supplier le gouvernement de réglementer la capacité. Nous en sommes arrivés à un point où tout le monde vendait de moins en moins cher. Nous sommes même intervenus relativement à Air Canada, qui pratiquait autrefois des prix d'éviction. Tout le monde contribuait à faire fléchir le marché. Les pertes qui se sont chiffrées à plusieurs milliards de dollars appartenaient à tout le monde, y compris à Air Canada.
Pour ce qui est de WestJet, cette compagnie fait un merveilleux travail. Premièrement, elle a pu se limiter au marché intérieur, ce qui était la chose intelligente à faire. Deuxièmement, elle n'est pas dotée d'une grosse infrastructure, au contraire d'Air Canada ou de Canadien. Troisièmement, elle a pu acheter assez bon marché les 737 d'Air Canada. Elle n'a pas de syndicat; ses employés sont donc moins bien payés et leurs conditions de travail ne sont pas aussi bonnes. Je pense néanmoins qu'elle fait un excellent travail. Cela ne me pose aucun problème qu'elle soit sur le marché. J'envisage avec plaisir ma prochaine comparution devant vous, lorsque je vous dirai que nous avons syndicalisé la moitié de ses employés. C'est cela que nous faisons.
Quoi qu'il en soit, elle a un marché créneau et elle devrait rester en place pendant un bon moment.
Nous nous opposons à ce que vous disiez à un transporteur national qu'il ne peut pas aligner ses prix sur les tarifs meilleur marché de WestJet. Si nous voulons de la concurrence, il nous faut laisser le client décider. Le transporteur national devrait être autorisé à aligner ses tarifs sur ceux des autres.
D'un autre côté, je ne pense pas qu'Air Canada doive pratiquer des prix prédateurs en vue d'évincer les autres du marché. Ce n'est pas bien. Un marché concurrentiel, si je peux utiliser ce terme, nous convient parfaitement, si ce marché fonctionne à la manière de WestJet et d'Air Canada qui assurent les mêmes liaisons.
Enfin, nous avons un problème en ce qui concerne les petites localités. Si les changements proposés ont pour objet de veiller à ce qu'Air Canada ait 60 p. 100 de la capacité du marché intérieur, cela signifie très littéralement que la compagnie va se retirer des petites localités dans lesquelles les lignes régionales sont à l'heure actuelle présentes. Il y aura moins de service pour ces localités. Certaines d'entre elles obtiendront peut-être que WestJet ou qu'une société ABC les desserve, mais nous estimons que cela n'est pas bon pour le pays.
Le sénateur Furey: Monsieur Stanford, quelle est selon vous l'actuelle part de marché d'Air Canada, et comment l'établit-on?
M. Stanford: Nous ne disposons pas des moyens nécessaires pour faire notre propre évaluation indépendante. Statistique Canada calcule le nombre de kilomètres-passagers qui sont assurés au Canada. Le ministère fait alors une évaluation de la part du total qui revient à Air Canada. Ses chiffres sortent avec un certain retard.
Les différentes compagnies produisent elles-mêmes des chiffres quant au nombre de kilomètres-passagers qu'elles ont assurés.
Le sénateur Furey: En tant que représentant des travailleurs, vous n'avez pas fait de travail en vue de déterminer l'importance du marché que vous desservez ni le pourcentage de ce marché qu'a saisi votre entreprise, ni les méthodes employées pour en arriver à un tel chiffre?
M. Stanford: Nous ne disposons de rien d'autre que des statistiques qui sont rendues publiques et selon lesquelles la part de marché d'Air Canada serait de 80 p. 100 ou plus. Nous ne disposons d'aucune capacité nous permettant de produire des données indépendantes à ce sujet.
Le sénateur Di Nino: Vous savez certainement que notre mandat est d'assurer aux consommateurs et aux citoyens de ce pays un régime de transport qui soit juste, confortable et abordable.
Au moins un des témoins que nous avons entendus jusqu'ici, mais sans doute davantage, estime que la concurrence devrait pouvoir venir de l'extérieur du pays, et pas seulement de l'intérieur. C'est là le concept des Ciels ouverts dont il a été question et qui couvriraient des choses comme le cabotage. J'aimerais savoir comment vous réagissez à cela.
Deuxièmement, au moins un témoin que j'ai entendu a déclaré qu'une partie du problème d'Air Canada est attribuable aux contrats de travail avec lesquels la compagnie est prise et dont certains sont très difficiles. Je vous inviterai à vous prononcer sur cette question également.
M. Stanford: D'après ma connaissance de la situation économique de l'industrie au Canada, dans le contexte géographique, j'aurais tendance à convenir que la seule façon de créer un système de concurrence durable entre transporteurs à service complet serait d'intégrer totalement le marché national canadien avec le marché américain. Le marché américain est dix fois plus grand que le nôtre.
Après 20 et quelques années de déréglementation, il y a eu consolidation de l'industrie en six, sept ou huit gros transporteurs à service complet qui exploitent à l'échelle du marché des réseaux en étoile que se chevauchent. La nature du marché, qui est plus concentrée du fait de la géographie, comparativement à la situation du Canada où le marché est tout en longueur, permet aux compagnies d'exploiter des réseaux en étoile qui se chevauchent, différentes compagnies ayant différents aéroports plaques tournantes. Chacune peut offrir à ses clients des liaisons et des combinaisons de liaisons différentes. Elles sont néanmoins moins que dix à être en activité dans une région plus concentrée et mieux définie sur le plan géographique.
Je ne pense pas que l'on puisse reproduire la même situation à l'intérieur du Canada. Cependant, si le réseau canadien était intégré au réseau américain, alors il est clair que nous pourrions faire partie d'un système concurrentiel durable.
Pour nous, les problèmes l'emportent sur les avantages. Le problème avec un tel scénario serait que la plupart des destinations canadiennes deviendraient des rayons autour des noyaux américains. Nous finirions sans doute par perdre un gros transporteur canadien. Je ne pense pas qu'Air Canada soit en mesure — en tout cas elle ne l'est certainement pas aujourd'hui — de soutenir financièrement une concurrence auprès des gros transporteurs américains qui, en dépit de leurs problèmes, ont toujours des poches plus profondes. Les circuits passant par les États-Unis exigeraient de nombreuses combinaisons de voyage Canada- Canada.
Si vous croyez en une concurrence non réglementée, le seul moyen de soutenir plus d'un transporteur à service complet au Canada est d'intégrer le système avec le système américain. Le coût de cela pour le Canada l'emporterait sur les avantages. Cela étant, nous n'y sommes pas favorables. Nous préférerions voir un certain contrôle réglementaire exercé sur un seul transporteur dominant actif sur le marché canadien.
M. Fane: En ce qui concerne la question de la flexibilité dans les conventions collectives, même si nous sommes intervenus dans la tentative d'Onex visant le rachat d'Air Canada et de Canadien, ce pour quoi nous avons dû essuyer certains coups, nous avons été le premier syndicat à signer de nouvelles conventions collectives avec Air Canada. Nous avons fait de même dans les régions. Il ne nous en reste plus qu'une en suspens. Tout ce qui est sur la table de négociation est négociable. Le syndicat n'a aucun intérêt à ce qu'il y ait en place des règles qui sont vieilles, archaïques et qui ne cadrent plus.
D'un autre côté, je ne peux pas laisser les employeurs me dire «Nous pourrions faire en sorte que Jean soit plus productif s'il voulait bien perdre une semaine de vacances ou accepter une baisse de salaire». Une règle de la négociation collective veut que tout dépend de la question de savoir si vous vendez ou si vous achetez. La gestion du changement dans les conventions collectives ne nous pose aucun problème.
Pour ce qui est de la fusion Air Canada-Canadien, toutes les règles qui ont été conservées étaient celles d'Air Canada. Celles de Canadien ont été jetées par-dessus bord. La compagnie et le syndicat n'arrêtent actuellement pas de dire: «Vous voudrez peut-être examiner cette règle; c'est plus productif». Notre tâche est de veiller à ce que la compagnie soit productive. Il est plus facile de négocier des augmentations de salaire et des améliorations des avantages sociaux lorsque la compagnie est productive. C'est chose difficile lorsque ce n'est pas le cas. Nous sommes flexibles quant aux règles, mais ce n'est tout de même pas Noël. Nous ne sommes pas prêts à céder n'importe quoi. C'est une négociation.
Air Canada vient tout juste de changer ses grands responsables des relations de travail. D'aucuns disent que si elle a fait cela c'est en vue de forger de meilleures relations avec les syndicats. Nous avons déjà une relation acceptable avec Air Canada.
Le sénateur Kroft: J'aimerais avoir une meilleure idée de votre vision de l'industrie aérienne et de la façon dont elle est régie. J'aimerais revenir à un commentaire que vous avez fait, monsieur Stanford, voulant que si nous ne faisons pas telle ou telle chose, nous n'aurons pas plus qu'un transporteur national pleinement intégré.
Êtes-vous d'avis que, dans l'intérêt des Canadiens, il devrait et pourrait y avoir plus d'un transporteur pleinement intégré, ou transporteur national à service complet, pour employer le terme que vous avez utilisé?
M. Stanford: La conclusion à laquelle nous sommes arrivés après 15 années douloureuses est qu'il n'y a pas assez de place, sur le plan économique, pour plus d'un transporteur national à service complet au Canada. Les tentatives commerciales passées ont échoué. Les tentatives passées du gouvernement visant à appuyer, à subventionner, à protéger et à soutenir des concurrents face à Air Canada ont échoué. Autant faire en sorte que la politique reflète cette vérité, au lieu d'essayer de nager contre le courant.
Le sénateur Kroft: Je vous avais mal compris. Je pensais que vous cherchiez toujours à faire en sorte qu'il en ait plus qu'un.
M. Stanford: Acceptez la tendance vers un transporteur dominant, puis mettez en place un mécanisme de contrôle réglementaire pour veiller à ce que le transporteur se comporte d'une façon qui soit compatible avec l'intérêt public.
Le sénateur Kroft: Dans vos exposés, vous avez parlé de la nécessité de gérer la capacité, le nombre de sièges. Ce que j'en tire, en gros, est qu'il nous faudrait revenir à un système réglementé.
M. Stanford: Nous avons prôné le rétablissement d'un pouvoir de réglementation général au niveau fédéral, et non pas de la microgestion ou un régime dans le cadre duquel vous devez faire approuver chaque trajet et chaque tarif. Encore une fois, cela concerne la politique générale en matière de transport aérien plutôt que le projet de loi C-23 en tant que tel.
Par exemple, nous avons proposé un système de ventes aux enchères de quotas en vertu duquel le ministère fédéral des transports émettrait des quotas pour une certaine augmentation de la capacité sur certains trajets. De nouveaux entrants pourraient se lancer dans l'industrie en faisant des offres pour ces quotas, mais l'on ne se retrouverait pas avec la surexpansion non soutenue de la capacité totale que nous avons vue par le passé.
Il existe diverses façons de gérer le niveau d'ensemble de la capacité et de surveiller le comportement du transporteur dominant sans pour autant revenir à la microgestion d'avant 1987.
Le sénateur Kroft: M. Mulder, qui a beaucoup d'années d'expérience avec le gouvernement du côté de la réglementation, nous a recommandé hier d'accepter ses conseils et a dit que si nous pensions ne serait-ce qu'un instant que le gouvernement pourrait gérer la capacité, nous faisions fausse route. Si l'expérience nous a appris quelque chose, c'est que le gouvernement est incapable de faire les calculs qui rendent possible la réglementation sous forme de gestion de la capacité.
La deuxième chose qu'on nous a dite est que les études, y compris la toute dernière qui est sortie il y a une semaine ou deux, montreront que depuis la déréglementation le coût des déplacements aériens au Canada a régulièrement et sensiblement diminué comparativement à l'IPC. Il me semble que vous avez dit que c'était tout le contraire. Je crois que vous avez convenu qu'il y avait eu des périodes épouvantables mais que le coût des déplacements aériens au Canada n'avait pas diminué. C'est là un élément essentiel dans notre évaluation de la situation. Tout ce que vous pourriez faire pour nous aider — et pas forcément tout de suite — pour appuyer l'opinion selon laquelle le coût des déplacements au Canada n'a pas diminué serait utile.
Le sénateur Poulin: Vous avez fait quelques commentaires au sujet du processus d'examen du projet de loi. Vous avez utilisé des expressions comme «entrer par la porte arrière», «examen arbitraire et à la hâte». J'aimerais mieux comprendre ce que vous auriez préféré voir, car le projet de loi a été déposé en première lecture au Sénat en décembre. Il a ensuite été renvoyé au comité début février. Nous siégeons depuis en tant que comité deux fois par semaine et nous avons entendu près de 20 témoins. Il nous reste encore à en recevoir beaucoup d'autres étant donné l'importance que nous accordons au projet de loi. Nous savons également à quel point la concurrence et l'industrie des transports sont importantes, étant donné que nous venons tous de régions différentes du pays.
Cela nous tient très à coeur que les Canadiens soient bien servis, à des prix raisonnables, dans les collectivités grandes et petites. Je suis quelque peu étonné par vos doutes quant au processus étant donné que nous tenons ces audiences publiques et que nous avons veillé à ce qu'elles soient radiodiffusées.
M. Stanford: Je n'entendais aucunement critiquer le processus adopté par le comité. Encore une fois, je vous suis reconnaissant de l'occasion qui nous a été donnée de comparaître devant vous ici. Il me semble que ce que je critiquais c'était la façon dont la politique est établie. Si nous devons avoir un débat au sujet d'un service structural fondamental touchant une industrie importante, alors nous devrions avoir un débat exhaustif. La discussion ne devrait pas se résumer à l'étude de quelques paragraphes difficiles à comprendre qui ont été accolés à la dernière minute à un projet de loi qui avait ressemblé au départ à quelque chose de très différent. Je ne voulais aucunement entacher le comité. Nous apprécions le temps que vous consacrez à cette question.
Je pense que vous avez entendu un certain nombre de préoccupations semblables selon lesquelles ces amendements apportés au projet de loi en décembre soulèvent des inquiétudes quant à la procédure équitable, à l'incidence économique à long terme, et ainsi de suite. J'aurais préféré que les décideurs de la politique fédérale adoptent une approche différente quant à la conception, à l'élaboration et au déroulement du débat là-dessus. Il me semble que la plupart des Canadiens ne savent même pas que nous sommes en train de discuter de la structure fondamentale de l'industrie aérienne. Or, je pense qu'ils devraient l'être, étant donné l'importance des questions abordées en vertu de ces amendements.
M. Fane: J'ai des antécédents dans l'industrie aérienne. J'y étais, à l'époque, par exemple, où tous ces transporteurs fermaient boutique. Nous ne cessions pas de demander: «Pourquoi?» Pourquoi est-ce qu'Eastern Provincial cesse son activité? Pourquoi lui faut-il être absorbé par autrui? Pourquoi est-ce que Quebecair n'est plus là? Comment en est-on arrivé à une discussion quant à savoir qui allait acheter Wardair et assumer une dette de 500 millions de dollars? Les Lignes aériennes Canadien et Air Canada se sont battues au sujet de Wardair dans les coulisses.
J'étais là lorsque le gouvernement conservateur a décidé d'aider CP-Air à continuer, à condition que tous les travailleurs acceptent de faire des concessions salariales. C'est notre syndicat qui disait: «Les concessions salariales n'étaient pas le problème; le problème, c'était la capacité et les prix d'éviction».
Nous ne voulons pas vous donner l'impression d'être tout négatif. Nous sommes ravis d'être ici.
Lorsque nous avons lu le projet de loi — et tout particulièrement les parties dont M. Stanford a dit qu'elles ont été rajoutées — il nous avait semblé que le gouvernement du Canada voulait punir Air Canada. Si Air Canada s'adonne à des pratiques de prix d'éviction, alors nous pensons que le gouvernement devrait intervenir pour y mettre fin.
Cependant, nous pensons que nous aurons maintenant un transporteur national, et il y aura toujours des concurrents comme Westjet.
Le sénateur Poulin: Il y a définitivement deux côtés à toute médaille, quelle qu'elle soit, car nous percevons un effort clair visant à faire en sorte que l'industrie aérienne demeure concurrentielle, et ce dans l'intérêt de tous les Canadiens. Nous ne considérons pas cela comme étant du dénigrement des compagnies aériennes.
M. Fane: C'est bien.
Le vice-président: Merci beaucoup d'être venus ici aujourd'hui. Vu l'intérêt qu'ont manifesté mes collègues, ce fut une heure fort productive.
Nos témoins suivants sont Mme Margaret Sanderson et M. McTeague.
Monsieur McTeague, nous sommes honorés d'accueillir ici un membre de l'autre endroit.
Allez-y, je vous prie.
Mme Margaret F. Sanderson, vice-présidente, Charles River Associates: Je remercie le comité de me donner l'occasion de comparaître devant lui aujourd'hui. Je travaille comme économiste chez Charles River Associates depuis août 1998. J'y offre des conseils en matière de concurrence à des intérêts gouvernementaux et privés en tant qu'économiste et non pas avocate. Avant de me joindre au cabinet CRA, j'ai pendant dix ans travaillé au Bureau de la concurrence où j'ai occupé différents postes au sein de la direction de l'économie et des affaires internationales ainsi qu'au sein de la direction des fusions. J'ai donc accumulé de nombreuses années d'expérience dans les boyaux de l'organisation, si je puis m'exprimer ainsi, ainsi qu'en conseillant des personnes appelées à traiter avec le gouvernement à l'extérieur du bureau.
Lorsque j'ai été invitée à comparaître devant vous, il m'a été suggéré de traiter dans mes remarques liminaires de trois questions. On m'a notamment recommandé de vous parler de l'accès privé au tribunal, de l'expérience américaine en matière d'accès privé et des dispositions du projet de loi C-23 en matière d'ordonnances provisoires. Je vais donc en traiter à la suite.
J'appuie fermement le droit d'intervention privé proposé et je félicite le Comité de l'industrie d'avoir réinscrit cela dans le projet de loi. Comme les professeurs de l'école de droit de l'Université de Toronto l'ont expliqué fort succinctement, il est difficile voire impossible de défendre un monopole public d'exécution de lois dont la principale raison d'être est le redressement des maux des monopoles privés.
Le droit effectif d'action privée produit plusieurs avantages immédiats. Tout d'abord, cela augmente ce que beaucoup conviendraient sont des ressources publiques relativement limitées, et avec des ressources privées et avec des renseignements et des initiatives privées. Dans certains cas, les parties privées sont mieux renseignées et mieux en mesure de relever et de contrer des pratiques anticoncurrentielles que le gouvernement.
Deuxièmement, l'intervention privée peut être un moyen efficace et efficient d'introduire une reddition de comptes supplémentaire pour le commissaire et le Bureau de la concurrence relativement aux dossiers qu'ils choisissent de ne pas prendre en mains. D'autre part, un système d'accès pour les parties privées bien conçu permet aux plaignants de faire des recours pour des préjudices tant passés que futurs. En dernier lieu, cela améliorera l'effet dissuasif.
À la lumière de cela, je pense que les dispositions du projet de loi C-23 en matière d'accès privé au tribunal, bien qu'étant louables, ne vont pas suffisamment loin. Dans son libellé actuel, le projet de loi C-23 ne prévoit qu'un droit d'action privée très limité. Plus particulièrement, les droits en matière d'action privée se limitent aux articles 75 et 77 proposés. Partant, ils ne sont reconnus qu'à l'égard de refus de vendre, de ventes exclusives, de ventes liées et de restriction du marché. D'autre part, tout ce que peuvent espérer obtenir les parties privées se sont des redressements par injonction et, possiblement, le remboursement de leurs coûts.
J'estime que cela est trop étroit. Je vous exhorte donc à recommander que le projet de loi C-23 autorise également l'accès par des parties privées au titre de l'article 79, traitant d'abus. Il devrait également autoriser les parties privées à demander des dommages-intérêts compensatoires dans le cadre du redressement.
En ce qui me concerne, je ne comprends pas pourquoi les dispositions en matière d'abus sont exclues. Il y a trois questions que j'aimerais soulever auprès du comité à cet égard.
Premièrement, les articles 75 et 77 sont ce que les économistes appellent des restrictions verticales. Il s'agit de restrictions contractuelles entre un fournisseur et ses clients. Les économistes arguent depuis longtemps, et cela est couramment accepté, que la plupart de ces pratiques favorisent l'efficience et la concurrence et ne sont donc pas forcément anticoncurrentielles. En conséquence, vous voyez dans la loi, à l'exception des dispositions en matière de refus de vendre, que ces pratiques doivent sensiblement amoindrir la concurrence avant qu'on ne puisse les attaquer.
Il n'y a eu que très peu de dossiers au sujet desquels le commissaire est intervenu en vertu des articles 75 et 77. Le commissaire a plutôt été plus actif du côté des dispositions en matière d'abus de position dominante. Pourquoi cela est- il? Du point de vue de l'économiste, les pratiques restrictives qui seraient attaquées en vertu de ces dispositions en matière d'abus seraient des actions prises, et des actions restrictives prises horizontalement plutôt que verticalement. Toutes autres choses étant égales, cette pratique tend à être davantage anticoncurrentielle lorsqu'on s'y engage horizontalement par opposition à verticalement. C'est don ce genre de comportement que nous voulons stopper.
La question que je pose est la suivante: pourquoi voudrions-nous limiter les actions privées à des comportements moins susceptibles de nuire à la concurrence?
La deuxième question est celle de savoir si nous introduisons des distorsions inutiles entre différents articles de la loi qui risquent en bout de ligne de viser le même comportement. Par exemple, dans l'affaire d'abus de Nutrasweet, le commissaire a attaqué les mêmes dispositions contractuelles incitatives en vertu et de l'article 79 et de l'article 77. Pourquoi un comportement attaqué en vertu d'une disposition de la loi serait-il exposé à des droits d'action privée supplémentaires tandis que le même comportement, s'il est attaqué en vertu d'une autre disposition de la loi, n'y serait pas exposé?
Troisièmement, en n'incluant pas l'article 79, nous ne reconnaissons pas aux parties privées victimes de pratiques d'éviction le droit à une action privée devant le tribunal. S'il s'agit d'une affaire de prix d'éviction pénale, la partie privée a le droit d'intervenir du côté du droit pénal, mais non pas devant le tribunal si nous n'incluons pas l'article 79 dans le projet de loi C-23.
Or, j'imagine que vous avez consacré un pourcentage élevé du temps accaparé par ces audiences à parler du renforcement de la loi relativement aux lignes aériennes en insistant tout particulièrement sur l'aspect prédateur du comportement des compagnies. Je ne vais certainement pas prôner un droit d'action privée spécial pour les cas de pratiques d'éviction des seules compagnies aériennes, et je ne comprends pas pourquoi cette grave préoccupation pour les petites et moyennes entreprises n'est pas limitée au seul contexte des compagnies aériennes, sans tenir compte des choses comme l'éviction verticale dont vous a certainement parlé la CIPMA.
L'éviction verticale est un acte anticoncurrentiel qui est explicité à l'article 78 de la Loi sur la concurrence. Cela fait partie des dispositions en matière d'abus. Il s'agit ici encore d'une chose dont se disent souvent préoccupés les propriétaires des stations d'essence indépendants. Ils n'auraient pas le droit à une action privée pour réagir à ce genre de problème en vertu du projet de loi C-23, l'article 79 étant exclu des droits d'accès privé.
Au bout du compte, je ne comprends pourquoi ces choses n'ont pas été mises sur la table. Il me semble qu'un droit d'action privée pour toute l'industrie, en vertu de l'article 79, accorderait des pouvoirs supplémentaires importants aux petites et moyennes entreprises ainsi qu'à d'autres entreprises.
Comme je l'ai déjà dit, je pense également que le projet de loi C-23 devrait inclure le droit des parties privées de demander des dommages-intérêts compensatoires au tribunal. Un redressement par injonction ne suffit pas. Pour comprendre pourquoi, je vous expliquerai brièvement comment quelle façon, en ma qualité d'économiste, j'envisage le crime et la dissuasion.
Les économistes supposent toujours, peut-être bêtement, que les sociétés sont des maximisateurs rationnels de profit. En conséquence, la pénalité à laquelle s'expose une société du fait de s'engager dans un comportement anticoncurrentiel doit être suffisamment lourde pour contrecarrer les gains qu'un tel comportement pourrait lui rapporter, sans quoi il n'y a pas du tout de dissuasion.
En conséquence, si le seul coût pour moi en bout de ligne est qu'on va me dire de mettre fin à mon mauvais comportement et me demande de payer certaines notes d'avocat, peut-être pour moi-même ainsi que pour le plaignant, alors je suis peu incitée à ne pas m'adonner au mauvais comportement au départ, si ce comportement serait rentable pour moi.
Comparez cela à une situation dans laquelle je sais que si je me fais prendre il me faudra mettre fin à mon mauvais comportement et compenser les victimes pour ce que je leur aurai infligé; je peux également considérer cela comme revenant à rendre les biens mal acquis que j'ai obtenus du fait de mon mauvais comportement. Cela donnerait lieu à un tout autre ensemble de calculs s'agissant de décider si je maximiserai mon profit en m'adonnant à des pratiques restrictives à l'égard d'un concurrent.
En conséquence, je pense que le droit de récupérer des dommages-intérêts doit exister, sans quoi il n'y a aucune autre incitation pour le plaignant à intenter au départ une action devant le tribunal. Par ailleurs, nous n'offrons pas aux entreprises la bonne incitation à ne pas enfreindre la loi au départ.
Mon dernier point avant de passer à la question des États-Unis est qu'il y a également un hic technique dans l'actuel libellé du projet de loi C-23. L'actuel libellé du paragraphe 103.1(8) du projet de loi prévoit un délai. Le texte dit ceci:
La demande doit être présentée au plus tard un an après que la pratique visée dans la demande a cessé.
Or, si le seul redressement possible pour vous est un redressement par injonction, alors il n'y a aucune raison pour qu'une action privée soit lancée une fois que le comportement a cessé, sauf si le comportement a en effet cessé et que l'intéressé veut s'assurer qu'il ne reprenne jamais.
Cette disposition est beaucoup plus sensée s'il est question de prévoir également des dommages-intérêts simples dans le cadre des dispositions de redressement.
Passant maintenant à la deuxième question dont j'aimerais traiter brièvement, la crainte souvent exprimée au Canada est que si l'on élargit les droits en matière d'action privée, l'on se retrouvera très vite aux prises avec le bourbier qui existe aux États-Unis, où l'on allègue qu'il se fait énormément de litiges stratégiques.
Le Canada est très différent des États-Unis. Il existe certaines différences fondamentales telles que cette possibilité est presque inexistante. Premièrement, les États-Unis ont conçu leur système en vue d'encourager les poursuites. L'une des choses qu'ont les Américains se sont des dommages-intérêts triples. Leurs règles en matière de coûts sont elles aussi différentes. Recours collectifs et honoraires conditionnels font depuis des décennies partie de leur paysage judiciaire. Lorsque les dommages sont déterminés par un jury, ce qui semble être la norme aux États-Unis, ils ont tendance à être plus élevés. Toutes ces choses ajoutées les unes aux autres font qu'il existe un environnement général dans lequel il y a une plus grande incitation à engager une poursuite.
Or, ces choses-là n'existent pas au Canada. Si l'on ajoute à cela les garanties prévues dans le projet de loi C-23, je pense qu'il y a peu de raisons pour les entreprises canadiennes de faire un usage gravement abusif d'un quelconque droit d'action privée, même si celle-ci englobe l'article 79 ou autorise la récupération de dommages-intérêts.
Il existe en fait très peu de preuves empiriques quant à l'existence d'un tel phénomène aux États-Unis. À ce chapitre, malheureusement, nous ne pouvons pas nous appuyer sur une quelconque étude qui aurait été faite en vue de déterminer quelles poursuites auraient peut-être été fallacieuses.
Je soulignerai, de façon anecdotique, que nombre des décisions antitrust rendues par la Cour suprême des États- Unis ont résulté d'actions privées. Les normes présentement en vigueur pour les cours américaines relativement aux pratiques d'éviction, aux comportements restrictifs et aux ventes liées ont toutes découlé d'actions privées. Les indications livrées par ces décisions sont bien sûr précieuses pour tous les intervenants, y compris le gouvernement.
L'autre chose que vous voyez aux États-Unis et que vous ne voyez pas au Canada est que lorsque vous allez à une conférence aux États-Unis ou avez un débat général sur les lois antitrust, il y a un barreau des plaignants actif. Il y a un groupe au-delà des organes d'exécution du gouvernement qui tient à ce qu'il y ait de très solides lois antitrust. La situation n'est pas la même ici au Canada. Au Canada, le barreau est surtout un barreau de la défense, bien qu'il y ait aujourd'hui un certain nombre d'avocats de plaignants.
Typiquement, le gouvernement, dès lors qu'il propose le moindre amendement, bute contre un mur d'opposition. Même lorsque les praticiens canadiens sont favorables au renforcement des lois en matière de concurrence, ils risquent la colère de gros clients corporatifs. Partant, leur appui n'est ni aussi public ni aussi bruyant qu'il l'aurait peut-être été autrement. Il y a aux États-Unis un débat public plus équilibré.
On m'a demandé de dire quelques mots au sujet de l'article 103.3. Je sais, ayant lu la transcription des réunions du comité que celui-ci a entendu de la bouche de nombreux intervenants que les gens sont nombreux à juger que l'actuel libellé de cette disposition est imparfait, et je suis de cet avis. Je ne suis pas favorable à l'actuel libellé de ce paragraphe.
Cela étant dit, je pense qu'il importe de prévoir des mesures de redressement provisoires. Je recommanderais, comme d'autres l'ont déjà fait au comité, que les mesures de redressement provisoires soient structurées à la manière de ce qui est prévu à l'article 100, auquel peut présentement recourir le commissaire dans le contexte de fusions. J'ai lors du dépôt initial de ces dispositions rédigé un texte à ce sujet avec un professeur de l'Université de Toronto. Vu l'heure, je ne vais pas m'y étendre davantage.
M. Robert a eu la gentillesse de m'envoyer la proposition faite au comité par Stanley Wong. Je suis tout à fait en accord avec lui sur ce qu'il a proposé. Je suis maintenant prête à répondre à vos questions.
M. Dan McTeague, député: En tant que membre de l'autre endroit, je souhaite dès le coup d'envoi déclarer un intérêt. Je représente les consommateurs et électeurs canadiens. Ils me payent en tant que contribuables et en tant que participants depuis de nombreuses années au processus concurrentiel.
Il me faut également souligner que cela me fait chaud au coeur de savoir qu'un si grand nombre de membres de la Chambre haute se penchent maintenant sur la question de la Loi sur la concurrence. Tout cela est en grande partie de ma faute. J'espère que vous serez indulgents avec nous pendant la durée de ce processus très exhaustif. Beaucoup de ce que vous voyez ici devant vous est en réalité le résultat d'efforts déployés par certains députés, moi-même compris, qui avons été tout à fait prêts à reconnaître la grande nécessité d'un changement dans la façon dont nous percevons la Loi sur la concurrence ainsi que les changements survenus dans l'économie canadienne depuis les dernières rondes d'importance en 1986.
L'économie canadienne est différente de ce qu'elle était lorsque le Parlement a modifié la Loi sur la concurrence. Nous avons une économie qui est principalement caractérisée par des petites et moyennes entreprises beaucoup plus vigoureuses. Un certain nombre de changements sont survenus côté envergure et force des intervenants dans l'économie canadienne. Il y a eu reconnaissance générale d'une plus forte concentration. Une part importante de tout cela est inévitable. D'autres éléments relèvent peut-être d'une loi qui a peut-être été bien écrite mais qui est à toutes fins pratiques impossible à appliquer.
Grâce à une série de projets de loi, déposés par moi-même et d'autres collègues, nous avons réussi à convaincre le gouvernement, ainsi que le Parlement, en tout cas la Chambre des communes et le comité permanent, de la nécessité de certains modestes changements qui nous aligneraient avec nos partenaires non seulement du Sud mais de partout dans le monde. Il y a une perception courante — et cela a été assez bien évoqué par Mme Sanderson — de ceux qui ont eu le mot de la fin ou le seul mot quant aux discussions en matière de politique publique et sur l'instrument économique dont on peut soutenir qu'il est le plus important dans leur arsenal, la Loi sur la concurrence.
Le barreau au Canada est défini comme étant très pro-défense. Bien sûr, il y a eu dans tout cela certaines tensions quant à savoir qui aurait le mot de la fin s'agissant de tout changement — important, modeste ou autre.
Je suis surtout intéressé par mon projet, mais je pense que c'en est un que la Chambre des communes a largement appuyé. Il est important de souligner que la Chambre des communes, et donc pas seulement le comité permanent mais également la Chambre elle-même, a renvoyé cette question au Sénat sur division pour diverses raisons. Il est important qu'un consensus général ait pris forme à la Chambre des communes relativement à ces amendements.
Je sais que certaines préoccupations ont été soulevées relativement à certains aspects du refus de vendre. Je suis heureux d'entendre que des préoccupations n'ont pas été soulevées relativement à la question de l'accès privé.
D'aucuns ont fait état de la nécessité d'un critère d'effet sur la concurrence. J'arguerais qu'en 1975, lors de l'élaboration des dispositions en matière de refus de vendre, cela s'est inscrit dans le contexte de l'interprétation de 1986, soit l'interprétation et l'objet de la loi à l'article 1. L'article 1, qu'il ne faut pas critiquer ou rejeter du revers de la main, avait pour objet d'augmenter la participation de tous les intervenants, y compris les petites et moyennes entreprises, ainsi que de témoigner d'un peu de déférence pour ceux qui, qu'ils soient consommateurs ou autres, auraient la possibilité de veiller à ce qu'il y ait des fruits du processus concurrentiel qui permettent aux Canadiens de jouir de l'innovation et de produits et de services résultant d'un modèle concurrentiel vigoureux et efficace.
Je vous soumettrai que les rares dossiers qui sont portés devant le tribunal sont alarmants et n'offrent aucun réconfort quant à la notion qu'il existe en la matière une vaste jurisprudence. Pourquoi des parlementaires interviennent-ils dans ce domaine?
Il est généralement reconnu que les industries ne devraient pas échouer parce que les dés sont pipés ou parce qu'une loi dit beaucoup de choses mais ne peut pas être appliquée de façon pratique ou opportune. Cela freine en définitive la concurrence et les effets positifs que la concurrence procure à l'économie canadienne.
Ayant étudié la question depuis quelque temps déjà, aucun de nous, parlementaires, n'irait jusqu'à dire que nous devrions créer des lois spécifiques pour des industries spécifiques. J'ai lu les délibérations et les commentaires au sujet des articles 103 et 104 du projet de loi. Je ne suis pas convaincu que si une personne subit une activité anticoncurrentielle elle peut se permettre d'attendre d'appeler un juge par opposition à un policier pour faire régler le problème ou en tout cas en arriver à une solution le plus rapidement possible. Vous avec une situation dans laquelle, dans le cas de l'industrie aérienne, il y a plusieurs exemples de sorties du marché, mais très peu d'entrants.
J'y reviendrai un peu plus en réponse à vos questions, mais s'il faut un an et demi à deux ans pour que le tribunal règle la question de WestJet-Air Canada, alors nous avons certainement un problème de délais. J'ignore s'il y aurait beaucoup de gens du secteur privé disposant de suffisamment de marge ou de poches assez profondes pour soutenir des procès étirés ou des enquêtes préliminaires susceptibles d'avantager ceux qui ont peut-être commis un acte anticoncurrentiel. Le fardeau de la preuve exigera peut-être plus de temps que prévu.
L'une des préoccupations que nous avons soulevées est la nécessité d'un arbitre efficace et vigoureux capable de trancher rapidement. Les articles 103 et 104 proposés, qui vous intéressent sur le plan ordonnances de cessation, ne vous donneront pas de jugement. Ils permettent néanmoins de mettre fin à certaines situations intéressant des industries.
La présentation faite par Air Canada à la conférence des transporteurs aériens de 2002 a reconnu que la domination exercée par la société sur le marché canadien est maintenue et renforcée sur tous les marchés à près de 80 p. 100. On dit ici que c'est de l'ordre de 78 p. 100.
Les compagnies aériennes sont une industrie unique, avec des circonstances uniques et toute une histoire derrière elles. Cependant, il ne faudrait pas laisser entendre que le commissaire à la concurrence n'est pas en mesure d'identifier un problème ni de fournir des outils efficaces. Certains témoins qui sont intervenus auprès de vous ont laissé entendre que le commissaire pourrait déposer une ordonnance en l'espace de 24 heures. Il faudrait pour cela que des preuves soient fournies.
Vous avez, avec la publicité mensongère, la piste civile qui a été instaurée avec le projet de loi C-20, la dernière fois que le comité a traité de cela, des exemples de publicité mensongère perçus comme étant une occasion de saisir un tribunal de l'affaire et d'obliger celui-ci à trancher. Nous voyons aujourd'hui des affaires qui pourraient demander sept mois avant que le tribunal ne soit en mesure d'émettre une ordonnance en vue de stopper ou d'empêcher l'activité anticoncurrentielle alléguée.
La suggestion voulant que cela puisse se faire en l'espace d'une journée par opposition à sept mois a amené nombre d'entre nous qui siégeons au Comité de l'industrie de la Chambre des communes à penser que c'était peut-être là de simples voeux pieux ou un optimisme exagéré. Autrement, cela pourrait déboucher sur des circonstances dans lesquelles ces industries, par suite du retard, qui vous préoccupe pour des raisons constitutionnelles, pourraient vivre quelque chose de très différent de ce qui se passe dans le secteur privé.
Je vais m'arrêter là pour l'instant à ce sujet. J'espère que certains des commentaires et questions que vous aurez nous donneront l'occasion d'étoffer nos propos. J'interviens ici devant vous car je crains, après cinq années de travail, que les amendements que le comité ici réuni envisagera aient pour effet de retarder trop longuement voire de gripper les bons articles du projet de loi que le comité souhaite appuyer.
Pour ce qui est des questions qui préoccupent les sénateurs, je recommanderais que, au lieu de proposer un amendement au sujet d'une question qui vous tient très à coeur relativement à l'ordonnance de cessation, vous exigiez peut-être que le commissaire rende compte au Parlement chaque année. Il me semble que cela rassurerait le comité et permettrait également de trancher la question de savoir si cet amendement en matière d'ordonnances de cessation, aux articles 103 et 104, est en fait efficace ou constitue peut-être un trop lourd fardeau, créant par la même occasion des problèmes pour les puristes du droit qui sont préoccupés par la concurrence et par les voies de droit régulières.
Le vice-président: J'aimerais ajouter également que M. McTeague est vice-président du Comité permanent de la Chambre de l'industrie, des sciences et de la technologie.
Le sénateur Kelleher: Monsieur McTeague, comme vous l'avez si bien souligné, il y a eu de nombreuses discussions au sujet des articles 103 et 104 du projet de loi. Un certain nombre des témoins ont dit qu'à leur avis l'article 104 est en gros redondant, qu'il n'est pas nécessaire et que la loi survivrait très bien si l'on supprimait cet article. Vous avez une grande expérience de ce projet de loi. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. McTeague: Je tiens moi aussi à veiller à ce qu'il existe un moyen rapide et efficace de repérer ce qui, aux yeux d'autrui, pourrait constituer des changements très subtiles dans l'industrie. Les choses bougent vite dans le monde des affaires. La plupart des gens conviendraient qu'il existe des moments et des cas pour lesquels nous ne disposons pas de tous les outils ni de tout le temps nécessaire pour assurer un long processus de démonstration devant le tribunal de la nécessité, sans preuve prima facie, d'une ordonnance de cessation ou d'une ordonnance provisoire.
Nous pourrions très bien connaître une situation dans laquelle un concurrent vigoureux et efficace qui s'est lancé dans une industrie, qui s'est maintenu, se trouve soudainement écarté nonobstant le fait qu'il ait peut-être été assujetti à une loi anticoncurrentielle. Le recours est trop éloigné. En tant que parlementaires, nous nous trouvons obligés de nous occuper de pierres tombales pour de nombreuses compagnies très efficientes dans ce pays. L'effet, bien sûr, est plus vaste que cela. Ce n'est pas juste la question de la honte de savoir si nous avons ou non un arbitre vigoureux; cela a également un effet sur les consommateurs.
Les exemples donnés par l'industrie aérienne sont sans doute aussi bons que n'importe quel autre exemple. Il existe de nombreux cas dans lesquels Air Canada a dû plus ou moins reconnaître devant notre comité que là où il n'y avait pas de concurrence, par exemple, là où elle ne concurrençait pas une autre société, et c'était tout particulièrement le cas de WestJet, les prix mille pour mille étaient sensiblement supérieurs que sur les marchés où il y avait un concurrent. Peut-on parler là de livrer concurrence à l'autre ou bien s'agit-il tout simplement de profiter d'une occasion qui se présente, en l'absence d'une quelconque concurrence, cette occasion étant de faire de l'argent?
Je devine que ce qu'il vous fallait, et c'est l'une des raisons pour lesquelles le comité n'a pas relevé la redondance de l'article 104 proposé, c'était en vérité de veiller à ce que le matériel soit là pour le commissaire dans certaines circonstances, ce qui, en passant, a été prouvé dans la jurisprudence. Certains avocats ont pris le temps de se pencher là-dessus, dans les affaires d'American Cyanamid et d'Ethicon, et de Hoffman-LaRoche, et il en est ressorti que le commissaire entreprend rarement une affaire si elle s'appuie sur un comportement frivole ou contrariant. Il nous faut faire confiance à l'industrie, qui comprend les nuances de façon plus subtile que la plupart d'entre nous, et stopper les choses avant que les dommages ne soient irréparables.
Le sénateur Kelleher: Certains d'entre nous, moi-même compris, sommes peut-être curieux. Le projet de loi a eu une période de gestation et une naissance étranges à la Chambre avant d'atterrir ici. Certains sont venus se plaindre à nous que ces amendements aient été apportés après leur témoignage devant les différents comités. Pourriez-vous nous expliquer l'histoire plutôt compliquée de ce projet de loi?
M. McTeague: Le projet de loi C-23 a sans doute ses origines dans mon propre projet de loi votable, le projet de loi C-235. Vous vous souviendrez d'une enquête que j'ai menée — certains députés du parti au pouvoir connaîtront l'historique de nos préoccupations à l'égard des pompistes indépendants qui ont dû fermer boutique à cause de ce qui se passait en aval dans l'industrie. Il y avait à l'époque un sentiment voulant que les recommandations faites par le passé par l'ancienne Commission sur les pratiques restrictives du commerce, la Commission Bertrand, avaient été largement ignorées. L'effet a été une poussée côté coûts quant à la limite des consommateurs, ou des circonstances extraordinaires dans le cadre desquelles un grossiste d'essence qui concurrençait également au détail son plus gros client, qui se trouvait être un indépendant non intégré, vendait de l'essence à des prix inférieurs au gros. L'on penserait que cela pourrait résulter d'un certain nombre de circonstances, mais, pour nous, si cela ressemblait à un canard, faisait coin-coin comme un canard et volait comme un canard, alors c'était manifestement un canard. Nous y avons vu des prix d'éviction et avons tenté de rectifier les choses.
Nous ne savions pas à l'époque qu'interviendraient quantité d'autres industries, par exemple l'industrie du ciment, l'industrie de l'alimentation, les industries du câble, des télécommunications et du téléphone. La liste n'a cessé de s'allonger. Ce que nous avons découvert par hasard, dans notre petit groupe, était que ce qui était vrai dans l'industrie gazière et pétrolière, notamment en aval, était également vrai du côté d'autres industries. Cela nous a amenés à la conclusion que même si de grosses boîtes éliminaient des emplois, les gens étaient en train de trouver du sol fertile pour lancer leurs propres entreprises.
Nous avions pensé qu'il était important de reconnaître qu'à une époque où le pays comptait sur la petite entreprise pour porter le fardeau d'une économie réussie et pour être le moteur de la croissance, celle-ci était en train de se faire étouffer et, souvent, renversée par ceux-là même qui l'approvisionnaient.
Nous avons également trouvé étrange qu'il y ait une situation dans laquelle un comportement qui était complètement illégal dans d'autres pays, notamment aux États-Unis, était parfaitement légal au Canada et que ceux qui n'aimaient pas les changements recommandaient que le Canada adopte des lois subordonnées ou inapplicables. En conséquence, le fardeau tombait de façon déséquilibrée sur ceux qui ne cherchaient pas forcément un terrain de jeu égal mais qui ne cherchaient pas une occasion de jouer sur le terrain. Cela a, j'imagine, débouché sur certaines négociations entre des membres de notre caucus et le gouvernement quant à la nécessité d'apporter de nombreux changements à la Loi sur la concurrence. De nombreux intervenants sont venus nous voir et ont dit, comme l'a évoqué le sénateur, qu'ils pourraient aller en Australie et porter plainte et demander des dommages et intérêts. Nous connaissions l'historique de cela au Canada, et la plupart du temps, ces tentatives avaient échoué, mais nous voyions également que de nombreuses entreprises pensaient que ce serait une bonne chose qu'elles puissent déposer des questions qui n'étaient pas forcément de nature publique, qui n'avaient pas forcément des ramifications publiques mais qui étaient de nature davantage contractuelle, à l'attention du tribunal, pour lui donner une idée de ce qui se passait dans le vrai monde.
Je ne veux aucunement dénigrer le tribunal, mais simplement dire que pour certaines questions comme la pratique de prix d'éviction, où il n'y a peut-être eu que neuf affaires depuis le tout début, il y avait manifestement un problème. Les changements apportés ont été le produit de nombreuses années de travail de la part de députés mettant de l'avant des préoccupations qui étaient ostensiblement reflétées par ceux et celles qu'ils représentaient.
Le sénateur Kelleher: Qu'en est-il de la prétendue accusation selon laquelle nombre de ces modifications ont été apportées à mi-parcours pendant les audiences? Les témoins qui comparaissaient n'ont jamais eu l'occasion d'aborder les questions soulevées par ces amendements tardifs. J'ignore si cela est juste ou non.
M. McTeague: Je ne pense pas que ce soit juste. Je sais que nombre des témoins qui ont comparu ont été recyclés. Il y a eu un solide groupe de 20 — ces mêmes personnes qui ont largement participé au lancement de la première ronde d'amendements en 1986 — qui a laissé entendre que tout ce que nous faisions c'était gripper toute l'industrie canadienne. Il y en a qui disaient que si ces amendements étaient adoptés, aussi inoffensifs qu'ils paraissent aujourd'hui aux yeux de la plupart des critiques, notamment en ce qui concerne l'accès privé, la récession économique qui aurait pu s'ensuivre au Canada aurait facilement pu être imputée à ces changements. Il s'agissait de personnes qui avaient des intérêts dans la protection des intérêts de leurs clients et d'une poignée d'individus, par opposition aux ramifications générales pour l'économie. Nous avons trouvé cela déloyal et injuste, compte tenu de ce que nous présentions.
Le projet de loi C-23 a vu le jour avec le gros de ce qui était là, bien qu'il y ait eu certains changements en matière d'ordonnances provisoires et d'ordonnances de cessation, changements qui avaient été prônés dans le projet de loi C- 472 une année et demie plus tôt. Il n'y avait là rien de nouveau pour le comité. D'aucuns ont dit ne pas aimer certaines des inclusions et vouloir s'y opposer, mais leur dossier n'était guère convaincant, compte tenu des garanties mises en place.
Il y a de ceux qui font ces acquisitions, et c'est très bien. Cependant, il nous faut regarder quels sont ceux qui ont proféré cette opinion. S'ils croyaient vraiment que ces choses allaient paralyser l'industrie, alors il nous faudrait peut- être examiner le dossier des défenseurs de cette opinion et leurs intérêts.
Le sénateur Furey: Madame Sanderson, nous avons entendu bon nombre de questions au sujet de la part de marché. Pourriez-vous nous donner une idée de la contestabilité du marché dans le cas de l'industrie aérienne canadienne? Devrions-nous être préoccupés par la part de marché d'Air Canada? Cela changerait-il quelque chose que cette part soit de 60, 70 ou 80 p. 100?
Mme Sanderson: En ce qui concerne la notion de contestabilité, tout ce concept économique pourrait être simplifié en disant que d'aucuns parlent d'un marché caractérisé par des entrées-sorties rapides. Il peut y avoir un marché dans lequel les investissements qui y sont faits sont importants mais réversibles si l'investisseur en décide ainsi. Les économistes diront que ces investissements ne sont pas «irrécupérables». Cette terminologie serait utilisée dans un tel cas.
Des lignes aériennes ont émergé parce que des gens ont demandé quels investissements étaient requis: location d'appareils; pilotes; location de portes; location de créneaux d'aéroport; et embauche de main-d'oeuvre. J'imagine que je ne devrais pas dire cela tout juste après l'exposé des travailleurs de l'automobile, mais vous pouvez déplacer des travailleurs et cela est parfois plus facile que dans d'autres circonstances.
La notion de base était qu'il n'y avait pas grand-chose côté investissement qui était irrécupérable. Partant, le marché était «contestable». Cela voulait dire que je pouvais être un gros joueur sur le marché. Je ne vous donne là que la théorie: la notion était qu'un gros joueur pouvait rester assis sur le marché, avec, peut-être, une part de 100 p. 100 de ce marché. Cependant, ce marché demeurait entièrement contestable, de telle sorte que si les prix augmentaient et qu'un concurrent arrivait sur le marché, ne serait-ce qu'à court terme, cela obligeait le gros joueur à baisser ses prix en réaction. Cette personne pouvait rester ou s'en aller. Il y avait donc tout un va-et-vient d'activité d'entrée et de sortie.
L'investissement n'est nullement englouti, et il peut donc y avoir un défilé de joueurs du genre, créant un flux continu d'activité d'entrée et de sortie. L'essentiel est que les prix n'augmentent pas pour atteindre des niveaux anticoncurrentiels même si le gros joueur a la plus grosse part. C'était là la théorie originale, et elle a été postulée dans le contexte des compagnies aériennes.
Depuis, l'on a effectué un certain nombre d'études empiriques pour vérifier si la théorie se retrouvait dans la pratique. Je dirais que la grande majorité des études empiriques publiées dans le domaine économique et portant sur les marchés aériens conviennent pour dire que les marchés aériens ne sont pas contestables — pas pleinement. Il nous faut nous inquiéter des grosses parts de marché dans le secteur aérien.
La raison à cela a été évoquée plus tôt par les représentants des travailleurs de l'automobile lorsqu'ils ont parlé des effets de réseau sur les marchés aériens. Il y a deux façons de voir cet effet de réseau: le coût au fur et à mesure que le fournisseur faiblit et que le nombre de points d'origine et de destination augmente; et la valeur du point de vue demande du client — soit la valeur que le client est prêt à payer. Le système prend de la valeur au fur et à mesure que des points d'origine ou de destination se libèrent. La téléphonie — un réseau téléphonique — est un exemple de cela. Un réseau téléphonique qui a quatre clients versus le réseau qui a le reste du pays est beaucoup moins intéressant pour moi, que je sois le fournisseur du service ou le client qui le paye.
La question est la suivante: devrions-nous nous préoccuper de parts de marché dans le contexte des compagnies aériennes? J'estime que nous devrions nous en préoccuper énormément. Quelqu'un posera peut-être la question suivante: quelle est la différence entre une part de 75 p. 100 et une part de 90 p. 100? Il y a une différence, et elle peut intervenir à de nombreux niveaux. L'entrée sur le marché sera d'autant plus difficile pour un concurrent potentiel désireux de se lancer et de concurrencer le mammouth qui jouit de tous ces autres avantages.
Une chose que les gens oublient est le concept du «tout juste» s'agissant de couvrir son prix dans le contexte des marchés aériens. Par exemple, mon vol de ce matin a été annulé; cela arrive à tout le monde. La compagnie aérienne a été très arrangeante, me trouvant un siège avec Tango afin que je puisse arriver à l'heure. Si vous mentionnez le Sénat, toutes sortes de bonnes choses vous arrivent. En tout cas c'est mon impression.
Le vice-président: C'est une nouvelle pour nous.
Mme Sanderson: Vous pouvez voir qu'il y a une différence dans le service — parlons-nous du même produit? Lorsqu'il y a un produit disponible et que le service est en déclin, les queues ne sont pas aussi longues, il y a un salon pour la classe affaires, il y a les points grands voyageurs et il y a des vols plus fréquents. Cet ensemble de services-là est- il le même que celui proposé par Tango ou par une toute nouvelle compagnie qui se lance dans la course? Il nous faut nous préoccuper de la part de marché d'Air Canada. Il y a de nombreuses façons d'aborder la chose.
Le sénateur Furey: Voici maintenant une question à laquelle vous ne pourrez pas forcément répondre. D'après ce que j'ai compris, il n'existe aucune norme dans l'industrie pour mesurer la part de marché, mais nous avons entendu différentes choses à ce sujet. Cela rend-il difficile la détermination de la part de marché d'une compagnie donnée? Quels sont les facteurs utilisés pour faire cette détermination?
Mme Sanderson: Il y a des méthodes communément acceptées en vue de mesurer la capacité dans l'industrie. Par exemple, l'on tiendra compte des sièges-kilomètres, puis l'on mesurera les parts détenues par les différents joueurs. L'on peut également tenir compte des revenus par kilomètre.
Ce n'est pas différent de ce que l'on fait pour d'autres industries pour lesquelles il existe des normes convenues en vue de mesurer la capacité. Ce qui arrive, typiquement, c'est que l'autorité en matière de concurrence examine les pratiques en vigueur dans l'industrie. La façon dont je gère mes affaires sur la base des sièges-kilomètres disponibles et la façon dont j'assure la distribution et dont je prends mes décisions d'investissement sont des critères utilisés pour évaluer ma part de marché.
Le sénateur Maheu: J'ai une préoccupation très particulière relativement au fait que le projet de loi traite exclusivement d'Air Canada. Il s'agit d'une compagnie aérienne nationale, qui dessert notre pays d'une rive à l'autre, le gouvernement insistant pour qu'elle offre le service dans les deux langues officielles, ce qui, dans certains cas, lui pose des problèmes que ne connaissent pas les autres compagnies aériennes.
Ma crainte est que l'article 104 du projet de loi confère des pouvoirs arbitraires spéciaux en matière d'imposition de sanctions administratives pécuniaires? Jusqu'où cela ira-t-il? Ne mettons-nous pas en péril notre ligne aérienne nationale? N'y a-t-il pas un risque pour la population canadienne si nous autorisons l'imposition de pénalités pouvant aller jusqu'à 15 millions de dollars? Combien de pénalités du genre pourraient être imposées avant qu'Air Canada ne commence à réellement en souffrir? Cela pourrait-il amener la compagnie à repenser sa position en tant que ligne aérienne canadienne nationale? Dans l'affirmative, autant oublier le bilinguisme dans notre espace aérien et le service au quart de notre population.
Pourriez-vous vous prononcer là-dessus, ou bien est-ce que je me trompe complètement dans ma crainte d'effets néfastes pour la population canadienne si nous pénalisons Air Canada?
Ce qui me préoccupe surtout est le fait qu'une personne jouisse de ce pouvoir, sans intervention d'un tribunal ou d'une cour. Tout dépend de la façon dont cette personne est nommée, de qui elle est, du gouvernement en place et de l'intérêt que nous prenons à un groupe donné de la population.
[Français]
M. McTeague: Sénateur Maheu, j'apprécie la question que vous posez. Je vais vous lire la situation telle qu'elle est décrite dans le projet de loi C-23, à l'article 11.4:
Si l'entité qui fait l'objet d'une ordonnance en vertu des paragraphes (1) ou (2) exploite un service intérieur, au sens du paragraphe 55(1) de la Loi sur les transports au Canada, le Tribunal peut aussi prononcer à son égard une sanction administrative pécuniaire maximale de 15 000 000 $, à payer selon les modalités qu'il peut préciser.
[Traduction]
Une compagnie comme Air Canada n'aurait rien à craindre si, après examen par un tribunal, elle s'était adonnée à un geste anticoncurrentiel. Bien que nous soyons préoccupés par la concurrence, notre intérêt ne se résume pas à la simple possibilité que le commissaire puisse imposer une sanction de 15 millions de dollars; ce n'est pas ce qui est envisagé dans le projet de loi. Il y est dit qu'il n'y aurait sanctions administratives pécuniaires que s'il était déterminé que la compagnie était coupable d'actes anticoncurrentiels. Je ne vois pas en quoi cela pourrait diminuer ou entacher son excellente politique.
[Français]
Il est évident que j'accepte la politique du bilinguisme dans le transport aérien. Sans doute en d'autres circonstances on pourrait parler davantage des autres compagnies aériennes qui nous font concurrence dans ce milieu et qui seront aussi obligées de refléter cette réalité dans notre pays.
Le sénateur Maheu: Ils ne sont pas assujettis à notre Loi sur les langues officielles. Je vous remercie, je pense que l'on va probablement vous inviter à témoigner à un autre comité.
[Traduction]
Madame Sanderson, conviendriez-vous que cette possibilité n'existe de toutes façons pas?
Mme Sanderson: Nous avons dans ce pays une histoire de séparation de la poursuite et du jugement. Nous devrions maintenir cela, étant donné que ce système fonctionne. Il y avait des éléments dans des versions antérieures du projet de loi en vertu desquels le commissaire avait un certain nombre de pouvoirs. Maintenant, il faudra faire une demande auprès du tribunal relativement à certaines de ces dispositions de redressement provisoire. Si le tribunal est dans une situation dans laquelle il doit déterminer s'il y a eu infraction, et s'il y a procédure équitable, le commissaire et Air Canada présentant leurs dossiers, alors il n'y a pas lieu de se préoccuper du commissaire. Une personne choisit d'entamer la poursuite et la défense doit intervenir.
Dans le contexte de sanctions administratives, si nous nous intéressons à la dissuasion, nous ne souhaitons qu'aucune compagnie s'adonne à des actes d'éviction ou à des pratiques abusives. Pourquoi cela est-il limité à Air Canada? Franchement, la sanction administrative pécuniaire de 15 millions de dollars devrait s'appliquer généralement. En Europe, les autorités en matière de concurrence imposent de très lourdes amendes administratives. L'on doit supposer qu'une société qui est en train d'envisager de recourir à des pratiques d'éviction en sera dissuadée par le risque de subir ces amendes.
Le sénateur Kroft: Monsieur McTeague, pour ce qui est du processus parlementaire, vous vous souviendrez du rôle que nous avons joué et des mesures prises par le comité en matière d'amendements au projet de loi sur le blanchiment d'argent. Dans le cas de ce projet de loi, il y a eu quatre amendements, dont la plupart avaient avoir avec différents aspects de la procédure équitable et de la pratique professionnelle. Cette expérience a aiguisé mon intérêt ici, étant donné que ce projet de loi venait de l'autre endroit et nous avait été présenté comme résultant d'un examen. Au fur et à mesure de notre étude, nous en sommes arrivés à un consensus selon lequel il y avait des failles dans le processus et la constitutionnalité de certaines des dispositions aurait dû être examinée. Après mûre seconde réflexion, certains amendements y ont été apportés.
Je suis préoccupé — et je ne pense pas, pour reprendre votre expression être un puriste en droit — par les dispositions qui confèrent un certain nombre de pouvoirs arbitraires très dramatiques. Quelles assurances pouvez-vous donner au comité quant à l'exhaustivité de l'examen par votre comité, ainsi que dans le cadre du débat à la Chambre des communes, des préoccupations possiblement inhérentes aux pouvoirs conférés en vertu de l'article 104 du projet de loi?
M. McTeague: Sénateur Kroft, je ne voudrais certainement pas me lancer dans un débat sur le purisme. Nous nous amuserions tous les deux un petit peu avec cela. Cela fait longtemps depuis que j'ai vu un projet de loi adopté à la Chambre des communes après un processus aussi long et aussi exhaustif, et je songe ici, bien sûr, à ce que j'ai peut-être omis de mentionner au sénateur Kelleher: le forum sur la politique publique, le rapport Van Dusen et cinq années de délibérations au Comité de l'industrie, qui jouissait d'une telle confiance de la part de la Chambre qu'il n'a pas été jugé utile ni nécessaire qu'il y ait un vote.
En ce qui concerne l'article 104, je pense qu'il est devenu très clair dans l'esprit de la plupart des députés, en tout cas chez ceux avec qui j'en ai discuté et ceux qui n'ont pas eu d'objection à l'idée, qu'il faut qu'il y ait un arbitre rigoureux et efficace, une personne qui puisse réagir instantanément, étant donné la marge très étroite qui existe dans de nombreuses industries mais tout particulièrement dans celles du transport aérien. Je ne pense pas que nous devrions être dans une situation dans laquelle nous sommes amenés à reconsidérer ce que dit le commissaire. Qu'on lui donne foi. Il a fait un bon travail lorsqu'il a disposé des outils nécessaires.
La difficulté est que ceux qui tiennent fermement à l'idée de procédure équitable et qui nourrissent toujours des préoccupations au sujet de la constitutionnalité sont en même temps apparemment totalement imperméables à l'argument fondé sur ce qui se passe dans notre économie. Nous ne suggérons pas qu'une personne qui a été accusée va être jugée coupable d'un acte anticoncurrentiel donné. Nous disons simplement que nous avons le très net sentiment qu'il y a quelque chose qui ne va pas ici, et c'est pourquoi nous voulons stopper cette situation en attendant que le tribunal s'y penche. Le tribunal a l'habitude de prendre pas mal de temps avant d'entendre une affaire, surtout s'agissant de l'industrie aérienne.
Je vous rappellerai ce qui est arrivé dans le cas de WestJet et Air Canada. Une plainte qui a été déposée en août 2000 n'a pas encore été entendue, sans parler de décision rendue.
Le sénateur Kroft: En bout de ligne, il y aura une action et une défense face à cette action, et il y aurait possibilité de recourir au tribunal. Une affaire pourrait néanmoins traîner longtemps dans le processus judiciaire, quelle que soit la façon dont elle a été lancée. Il vous faut séparer ces deux choses.
M. McTeague: Sénateur, CanJet n'existe plus en tant que compagnie. D'après tous les renseignements dont on dispose, son dossier est toujours devant le tribunal pour ce qui est de l'ordonnance temporaire dont il est question en vertu de l'article 104 du projet de loi. Cette affaire n'a pas encore été réglée.
La question importante est la suivante: quelles garanties y a-t-il que lorsque le commissaire à la concurrence pensera qu'il y a un problème le tribunal apportera un redressement rapide et efficace pour stopper une situation susceptible d'avoir des conséquences irréparables? Plus important encore, nous croyons tous dans certains principes de droit démocratiques et fondamentaux. Mais il en est un qui a cours dans ma rue, dans ma circonscription et partout au pays: justice différée est justice refusée.
Cela m'ennuie que nous reconsidérions une chose qui n'a pas pour effet de nuire à une partie donnée, qui se demandera peut-être pourquoi les choses sont arrivées ainsi, mais qui pourrait néanmoins empêcher un événement cataclysmique de survenir dans une industrie qui aurait autrement beaucoup de mal à s'en remettre. C'est là la préoccupation. Nous avons plus ou moins dit que dans des cas de force majeure — et nous pensons que cette industrie en est l'exemple parfait, pas juste dans notre propre imagination mais également dans le contexte plus général de l'intérêt public — le commissaire devrait peut-être avoir la possibilité de réagir et être doté des pouvoirs nécessaires pour ce faire.
Peut-être que le modèle de séparation de l'administration de ceux qui appliquent et de ceux qui jugent n'est pas le parfait modèle pour les préoccupations canadiennes voire même internationales. Il me semble que la CVMO jouit d'un certain pouvoir lui permettant de stopper une activité avant qu'elle ne cause des dommages. Vous n'avez pas à passer cinq jours ou cinq années devant un tribunal pour expliquer pour quelle raison l'on devrait mettre fin à une situation susceptible de causer des préjudices irréparables. J'imagine que le même genre de sagesse qui existe dans un autre pays où le commissaire, ou son équivalent, jouit de ces pouvoirs devrait être présente ici au Canada également. Nous ne devrions pas tolérer des activités anticoncurrentielles du simple fait que certains trouvent que le contraire constituerait un empiétement, aussi mal défini soit-il, sur leurs droits.
Le sénateur Gustafson: Je suis en train de me demander si je devrais poser ma question à un collègue avec qui j'ai servi pendant pas mal de temps. Le problème le plus profond auquel nous nous trouvons confrontés ici n'est-il pas celui de la concurrence? Les syndicats nous ont dit que nous ne pouvons pas concurrencer les Américains. Il y a plein de gens qui prennent l'avion à Minot, dans le Dakota du Nord, à cause des tarifs. Il y a plein de gens qui prennent l'avion à Vancouver. J'ignore quelle est la situation dans l'Est, mais je suis convaincu qu'il s'y passe le même genre de chose. D'autre part, vous pouvez vous rendre par avion de Toronto à une île quelque par dans le Sud pour 670 $, hôtel compris, mais un voyage aller-retour de Regina à Ottawa vous coûtera 2 200 $.
N'est-ce pas là le coeur du problème auquel nous autres Canadiens nous trouvons confrontés? Nous y sommes confrontés non seulement chez Air Canada mais également du côté des nombres et d'un certain nombre de choses que je pourrais mentionner, mais que je m'abstiendrai de faire.
Tout, en vérité, peut être ramené à une seule et même chose: nous sommes dans un étau. Nous avons un dollar qui vaut 60 cents, et j'en comprends fort bien les avantages, mais nous subissons également des désavantages très épineux s'agissant de concurrence.
M. McTeague: Sénateur, j'ai souligné qu'il y avait dans notre économie un certain nombre d'éléments incontournables, et votre description est sans doute un tableau très juste de ce que j'avais en tête. Je ne dis pas que le Canada devrait avoir exactement les mêmes prix et le même régime que les États-Unis. Nous avons un système très solide, nonobstant la Loi sur la concurrence. Nous avons servi de modèle à d'autres pays, comme par exemple l'Afrique du Sud.
Quant à la question d'échelle, sommes-nous en mesure au Canada de faire ce qu'ils font aux États-Unis? Clairement pas. Les économies d'échelle ne sont pas là. Cela coûte-t-il plus cher de se rendre en avion de Toronto à Ottawa que de Toronto à Londres? Sans doute.
Mon intérêt ici concerne tout simplement les cas dans lesquels la concurrence n'est pas suffisante pour dire que nous allons simplement nous aligner sur elle. Mon souci en ce qui concerne Air Canada est qu'en l'absence de tout contrôle réglementaire, d'une personne qui soit là pour dire qu'il y a une ligne très ténue entre concurrence et prix d'éviction, les conséquences en bout de ligne pourraient être des prix plus élevés pour les consommateurs, s'il n'y a pas le genre de surveillance et de contrôle pour dire que telle ou telle pratique pourrait causer un tort dont on ne pourrait jamais se remettre.
Le vice-président: Le témoin suivant est M. Peter Greensmith. Allez-y, je vous prie.
M. Peter Greensmith, président, Canadian Survey Research Council: Je comparais ici devant vous au nom de l'industrie des enquêtes et des études de marché. Nous apprécions l'occasion qui nous est ici donnée de vous soumettre nos vues.
Notre intérêt à l'égard du projet de loi C-23 se limite strictement à l'aspect concours déloyaux. Je ne vais donc traiter que de cela dans mes commentaires. Nous appuyons dans l'ensemble et ne contestons pas ce qui s'y trouve déjà contenu; nous aimerions simplement que les choses soient poussées un peu plus loin.
Pour la gouverne de ceux qui ne connaissent pas très bien notre organisation, le Canadian Survey Research Council, ou CSRC, nous sommes l'organisation qui chapeaute les milieux d'études et d'enquêtes de marché au Canada. Nous représentons les intérêts de la majorité des grosses boîtes d'études de marché et des grosses sociétés qui utilisent enquêtes et études de marché.
L'un des principaux éléments de notre mandat est de protéger la bonne relation qui existe entre les enquêteurs de marché et le public. En fait, notre dépendance par rapport à une collaboration volontaire de la part du grand public ou d'autres publics en vue de la bonne exécution de notre travail établit une alliance très étroite entre nos intérêts et l'intérêt public.
Comme je l'ai mentionné, nous appuyons la loi en ce qui a trait aux concours malhonnêtes mais nous estimons que le texte de loi devrait aller plus loin encore pour protéger les Canadiens de toutes les formes de sollicitation trompeuse, et pas seulement les concours déloyaux. Lorsqu'il y a empiétement sur les droits des Canadiens, comme c'est le cas avec les concours mensongers, la méfiance publique se généralise et nuit aux industries légitimes comme la nôtre qui comptent sur des communications non sollicitées pour mener à bien leurs affaires.
Je ne vais pas m'étendre sur les initiatives d'autoréglementation que nous prenons, mais les fondements de nos normes professionnelles résident dans une représentation honnête et dans le respect des droits à la protection de la vie privée du public. Ce sont là les pierres angulaires de nos normes professionnelles. Une ambiance de confiance publique, ce qui suppose une meilleure collaboration, est essentielle à la qualité de notre travail; elle est également importante pour les usagers tant privés que publics de nos travaux de recherche qui comptent sur les renseignements que nous leur fournissons pour prendre des décisions en matière de produits ou de politiques fondées sur les opinions véritables des gens.
Un récent sondage que nous avons mené l'automne dernier — un sondage sur les sondages, si vous voulez — a fait ressortir que les Canadiens entretiennent une attitude favorable à l'égard des études et des enquêtes de marché. Ils comprennent que ces travaux jouent un rôle utile et apprécient même, en fait, l'occasion qui leur est donnée de faire connaître leurs opinions. À cet égard, cela peut être considéré comme étant une forme de participation démocratique qu'apprécie le public.
Cependant, le même sondage a révélé un fait quelque peu alarmant: un pourcentage élevé de répondants, soit plus de 52 p. 100, ont déclaré avoir été contactés sous prétexte d'un sondage qui s'était en fait avéré être un numéro de vente. En d'autres termes, ils avaient été victimes de représentation malhonnête, chose que nous autres dans l'industrie appelons du matraquage — de la commercialisation déguisée en recherche. De telles sollicitations malhonnêtes nuisent clairement à notre industrie et à toutes les autres industries légitimes qui comptent sur la confiance du public pour mener leurs opérations.
Cet aspect a été abordé en 1999. On a ajouté à la Loi sur la concurrence des dispositions très strictes qui ont fait beaucoup pour dissuader les gens de recourir à de telles pratiques de télémarketing mensonger. Plus précisément, les modifications apportées en 1999 ont exigé que les télévendeurs ne fassent pas de représentation trompeuse. Ils doivent maintenant annoncer tout de suite qui ils sont et pourquoi ils appellent. Nous avons bien sûr appuyé ces changements. Je soulignerai néanmoins qu'ils visaient le problème du télémarketing trompeur et étaient limités aux seules communications téléphoniques.
En ce qui concerne le projet de loi C-23, nous sommes également favorables aux changements relatifs aux concours malhonnêtes quel que soit le mode de communication retenu, et pas seulement par courrier. Cependant, hier, la question était le télémarketing trompeur; aujourd'hui, la question est celle des concours trompeurs; demain, ce sera peut-être autre chose de trompeur encore. En résumé, le Canadian Survey Research Council propose une combinaison logique d'éléments législatifs en vue d'élargir la loi de façon à interdire toutes les formes de sollicitation trompeuse, et pas seulement les concours trompeurs livrés par quelque moyen de communication.
Le sénateur Poulin: Monsieur Greensmith, si j'ai bien compris, vous êtes en train de dire que lorsque le projet de loi C-23 apporte des changements en vue de l'interdiction de la tromperie et des concours mensongers, vous aimeriez que les modifications apportées à la Loi sur la concurrence soient encore plus sévères, ce afin d'éviter tous les types de sollicitation mensongère, par exemple?
M. Greensmith: Oui. Il semble que le projet de loi ait été récemment modifié pour englober d'autres médias que le courrier régulier ou électronique. Nous disons également qu'il serait utile que le projet de loi soit élargi pour englober toutes les formes de sollicitation trompeuse — dont certaines ont déjà été couvertes dans la Loi sur la concurrence, s'agissant de représentation trompeuse au téléphone. La question plus générale a déjà été abordée dans une certaine mesure; il serait cependant peut-être préférable d'interdire tout simplement toutes les formes de sollicitation trompeuse par quelque moyen de communication que ce soit.
Le sénateur Poulin: Ma question porte sur un sujet tout à fait différent, étant donné que vous êtes un spécialiste des études de marché et que votre association fait même des sondages sur des sondages. L'un des témoins que nous avons entendus hier, un ancien sous-ministre des Transports, nous a dit que selon lui la définition de «transporteur dominant» que nous utilisons a différentes définitions dans l'industrie des transports. En d'autres termes, il faudrait peut-être en donner une définition régionale plutôt que nationale.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Je viens du Nord de l'Ontario, et l'un de nos principaux transporteurs là- bas est la Bearskin Airlines. Chaque fois que nous avons discuté de changements à la Loi sur la concurrence et que nous avons parlé du transporteur dominant dans l'industrie aérienne, nous avons tous pensé à Air Canada, qui compte pour près de 80 p. 100 du marché. Quelle est votre opinion là-dessus en votre qualité de spécialiste des études de marché? Comment définiriez-vous le transporteur dominant?
M. Greensmith: En gros, il vous faut déterminer si vous parler de domination dans un contexte national ou dans un contexte régional. Si l'on s'intéressait à une région en particulier, il s'agirait de savoir qui est dominant dans cette région. C'est ainsi que nous verrions les choses.
Le vice-président: Vous avez parlé d'élargir la loi de façon à englober toutes les formes de publicité trompeuse. Il me semble qu'il existe des lois interdisant le gros de la publicité trompeuse.
Pour ce qui est de la sollicitation téléphonique, pensez-vous que les compagnies de téléphone aient une responsabilité en matière de surveillance de ce que les gens font par téléphone, à l'image des radiodiffuseurs et des maisons d'impression?
M. Greensmith: Cela intéresse certainement le CRTC que les compagnies de téléphone jouent un rôle du genre. Ce n'est pas mon cas.
Le vice-président: Comment empêcheriez-vous cela? Vous pouvez dire que vous ne pouvez pas faire quelque chose, mais il vous faut trouver le moyen d'empêcher les gens de faire quelque chose. Comment empêcheriez-vous les gens de raconter des mensonges au téléphone?
M. Greensmith: Manifestement, il importe de définir clairement les différents types de déclarations trompeuses dont il est question. Vous vous souviendrez que lorsque j'ai parlé de notre enquête j'ai dit que nous avions découvert qu'un pourcentage élevé de gens continuaient de se faire matraquer par des télévendeurs qui les abordaient sous le masque de la recherche au lieu de dire franchement ce pour quoi ils appelaient. Et cela est arrivé en dépit du fait que la Loi sur la concurrence avait été modifiée en 1999. Il est illégal de faire cela.
Il importe de porter cela à l'attention des autorités appropriées afin que celles-ci prennent des mesures. Ces affaires doivent être rapportées. C'est au public qu'il revient de faire ces rapports.
De notre point de vue, une grosse part de ce travail revient au public. Si cela arrive dans les milieux d'affaires, alors il y a de meilleures chances que ce soit rapporté. Le public est parfois tolérant ou alors les gens ne savent pas très bien ce qu'ils peuvent faire. Ils savent qu'ils peuvent aborder le Bureau de la concurrence ou le CRTC.
L'une des méthodes d'autoréglementation de notre industrie est que nos sondages sont enregistrés. Le CSRC a un système d'enregistrement des sondages. Il s'agit en quelque sorte d'un dialogue lignes ouvertes avec le consommateur afin que celui-ci puisse établir la légitimité du sondage et faire des commentaires ou des plaintes.
Comme vous l'avez dit, la situation doit être exposée.
Le vice-président: Merci beaucoup, monsieur Greensmith.
La séance est levée.