Aller au contenu
BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 37 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 17 avril 2002

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et la Loi sur le tribunal de la concurrence, se réunit aujourd'hui à 15 h 35 en vue d'examiner ce projet de loi.

Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous nous réunissons aujourd'hui pour examiner le projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi sur la concurrence.

Bienvenue, monsieur le ministre. Avez-vous une déclaration préliminaire?

L'honorable David Michael Collenette, ministre du Transport: Honorables sénateurs, merci de votre invitation. Je sais que vous avez hâte de terminer vos délibérations sur ce projet de loi.

Des voix: Non, non.

M. Collenette: Comme vous le savez, les Canadiens utilisent beaucoup le transport aérien pour leurs longs voyages au Canada. Leurs besoins sont considérables, compte tenu de l'étendue géographique du Canada, de la densité de population et de l'intégration de l'économie nationale.

[Français]

Pour garantir aux Canadiens une variété d'options en ce qui a trait aux services aériens et une juste valeur en échange des dollars qu'ils consacrent aux voyages par avion, un marché intérieur compétitif est essentiel.

[Traduction]

Au cours des derniers mois, il est devenu évident qu'il était nécessaire de faire en sorte que le marché intérieur du transport aérien demeure le plus compétitif possible. Profitant de ce que le projet de loi C-23 avait été déposé auprès du Parlement, le gouvernement a proposé deux modifications à ce projet de loi en décembre 2001. Nous croyons que ces modifications corrigent deux lacunes qui avaient été relevées au cours des audiences publiques que le Comité permanent de l'industrie, de la science et de la technologie avait tenues en novembre sur la législation existante.

La première modification a pour objet de permettre au Tribunal de la concurrence de prolonger une ordonnance d'interdiction provisoire, si le Commissaire a besoin de temps additionnel pour recueillir ou analyser les renseignements nécessaires pour appuyer la présentation d'une demande auprès du Tribunal de la concurrence en vue d'une mesure de redressement permanente. La seconde modification habilite le tribunal à imposer des sanctions pécuniaires administratives lorsqu'il a décidé qu'une compagnie aérienne a fait preuve d'agissements anticoncurrentiels. Ce pouvoir a pour objet de favoriser la conformité avec les dispositions de la Loi sur la concurrence régissant les abus des positions dominantes.

La concurrence au sein de l'industrie du transport aérien est très tributaire de la volonté des transporteurs nouveaux et existants de pénétrer les marchés intérieurs de ce secteur. Cependant, les nouveaux transporteurs perdront rapidement intérêt s'ils croient que tout transporteur dominant sera en mesure de miner leur initiative en tirant avantage des pratiques d'affaires injustes.

L'article 104.1 de la Loi sur la concurrence habilite le Commissaire à la concurrence à émettre une ordonnance d'interdiction temporaire si, à son avis, un transporteur sur une route abuse de sa position.

Tout transporteur dominant peut nuire très rapidement à la concurrence sur un marché en y introduisant une nouvelle capacité et en utilisant des prix exagérément faibles pour ses produits. Contrairement aux supermarchés, dont les structures matérielles sont immeubles, les biens des sociétés aériennes sont meubles. Les avions peuvent être redistribués sans préavis. Compte tenu de cela, le Commissaire a besoin d'être en mesure d'agir de son propre chef et au bon moment, ce que prévoit l'article 104.1 actuel. À noter toutefois que l'article 104.1 proposé prévoit des garanties pour prévenir tout abus de ce pouvoir. En effet, l'utilisation de ce pouvoir prévoit une révision par le Tribunal sur réception d'une plainte.

Le pouvoir en question n'est pas exclusif au Canada. Sachez que des règlements de l'Union européenne applicables aux compagnies aériennes autorisent l'organisme responsable de la concurrence à émettre une ordonnance provisoire contre tout transporteur dominant de façon à prévenir des pratiques anticoncurrentielles.

Quant au deuxième amendement, qui touche précisément l'industrie aérienne, le Tribunal prendra en considération toutes les circonstances du dossier avant de décider si une sanction pécuniaire administrative doit être imposée et, si tel est le cas, quel en sera le niveau.

L'amende maximale prévue de 15 millions de dollars se veut un moyen de dissuasion, afin de permettre à un transporteur de bien réfléchir avant de s'engager dans une activité anticoncurrentielle. Le transporteur prendra ainsi les mesures nécessaires pour s'assurer que ses actions demeurent conformes aux paramètres énoncés dans la loi.

[Français]

En résumé, honorables sénateurs, les modifications au projet de loi C-23 touchant les compagnies aériennes auront pour effet d'aider à prévenir les agissements anti-concurrentiels et de maintenir la concurrence au sein de l'industrie canadienne du transport aérien. Cette législation économique cruciale profitera aux consommateurs et aux entreprises.

[Français]

Pour toutes ces raisons, je vous encourage fortement à appuyer ce projet de loi. Je suis prêt à répondre aux questions qui portent plus particulièrement sur l'état du transport aérien depuis la fusion d'Air Canada et des Lignes aériennes Canadien. Merci.

Le président: Sénateurs, on m'a dit que le ministre n'avait pas beaucoup de temps. Je vous demande donc de bien vouloir limiter vos questions à 10 minutes chacun. S'il nous reste du temps, nous ferons un autre tour de table.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur le ministre, dans votre résumé, vous avez dit que les modifications applicables au transport aérien aideraient à prévenir les pratiques anticoncurrentielles. Et pourtant, vous avez modifié la politique du gouvernement. J'essaie de justifier le projet de loi.

Vous avez modifié la politique du gouvernement lorsque la société ONEX a essayé d'acheter les Lignes aériennes Canadien et Air Canada. Si elle avait réussi, nous nous trouverions avec un monopole équivalent, sinon plus grand, à celui que nous avons aujourd'hui.

Pourquoi n'étiez-vous pas inquiet à l'époque et pourquoi l'êtes-vous maintenant?

M. Collenette: Je suis content que vous posiez la question. Il y a beaucoup de désinformation au sujet de ce qui s'est passé en 1999. Les Lignes aériennes Canadien et Air Canada avaient discuté d'une éventuelle fusion de façon non officielle pendant plusieurs années. Cette fusion a failli se produire en 1993-1994, alors que M. Young était ministre.

En 1999, les présidents des deux compagnies aériennes sont venus me consulter. M. Benson et M. Durette, qui a précédé M. Milton, souhaitaient négocier une fusion. Ils souhaitaient tous les deux que les ministères facilitent la transaction. Nous avons discuté avec les deux transporteurs. À un moment donné, j'ai cru que la transaction serait effectuée.

Le fait qu'ils aient eu confiance dans la capacité du gouvernement de faciliter cette transaction était une bonne chose. Au cours de discussions tenues en mars 1999, un des cadres supérieurs d'Air Canada a mentionné la possibilité de se prévaloir de l'article 47 de la Loi sur les transports au Canada, dont une disposition controversée permet de suspendre pendant un certain temps la compétence du Commissaire à la concurrence afin de faciliter la fusion.

Les fonctionnaires n'avaient pas examiné cet angle. Ils ont été intrigués par la proposition et ont commencé à l'examiner. Par la suite, M. Benson nous a informés que, vu l'échec des efforts des deux sociétés de réaliser la fusion avec notre aide, il espérait que nous pourrions nous prévaloir de l'article 47 afin de favoriser l'application d'une solution venant du secteur privé.

Le recours à cet article de la loi aurait constitué une mesure exceptionnelle, puisque personne ne s'en était prévalu auparavant. La suspension de l'application de la Loi sur la concurrence était une mesure très controversée. Nous avons dit que nous examinerions cette possibilité, mais que les deux sociétés devraient présenter leur demande par écrit. C'est ce qu'elles ont fait.

Je dois vous dire que la décision a été bien difficile à prendre. Elle a été prise le matin de l'annonce, le 13 août 1999, je crois.

Le recours à cet article de loi a eu pour effet de faciliter l'application d'une solution venant du secteur privé. Onex a fait sa proposition, et Air Canada, une contre-proposition. Onex a décidé de laisser tomber, mais Air Canada — et c'est tout en son honneur — a décidé d'aller de l'avant. Nous croyons que cette mesure était très justifiée, même si elle était controversée. Je suis peut-être coupable de ne pas l'avoir suffisamment expliquée. Toutefois, le gouvernement s'est trouvé pris entre deux feux, entre deux soumissions rivales.

Votre expérience du monde des affaires vous a sans doute appris, sénateur que les achats d'entreprises et les fusions — les batailles entre les sociétés — peuvent être parfois féroces. Dans ce cas-ci, le gouvernement s'est trouvé entre l'arbre et l'écorce en essayant de faciliter la transaction.

Cela n'a pas été facile. Toutefois, la décision d'Air Canada de présenter sa contre-offre s'est révélée salutaire pour l'intérêt des Canadiens.

Le sénateur Tkachuk: Je ne comprends pas très bien. L'article 47 a-t-il été modifié après l'échec des négociations sur la fusion?

M. Collenette: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Les négociations ont échoué et vous avez décidé ensuite de prendre cette mesure? À ce moment-là, ONEX était-elle prête à laisser tomber son offre?

M. Collenette: Je n'ai pas les dates sous les yeux, mais M. Benson a déclaré à un moment donné qu'il avait à sa disposition des investisseurs de l'extérieur de la société et qu'il souhaitait que soit appliquée une solution venant du secteur privé. Le ministre de l'Industrie de l'époque, M. Manley, et moi-même, avons reçu une lettre dans laquelle on demandait l'application de cet article.

Nous en avons discuté. Nous estimions toutefois que nous ne pourrions pas ramener les partis à la table de négociations et qu'il fallait donc laisser les marchés en décider.

Autrement dit, le gouvernement s'est retiré de l'affaire, il a autorisé le recours à l'article 47 et nous avons examiné ce qui s'est fait. Une page d'histoire a été tournée.

Le sénateur Tkachuk: J'ai une ou deux questions et j'espère que j'aurai le temps de vous en poser d'autres dans ce domaine. Je ne suis pas certain de certaines choses.

ONEX n'a pas réussi. Comme vous l'avez dit, cela n'a pas été facile. Air Canada a ensuite fait l'achat des Lignes aériennes Canadien, ce qui a eu pour effet de créer un monopole dans le transport aérien au Canada.

Pourquoi est-il si urgent maintenant d'adopter la mesure législative proposée? Pourquoi n'était-ce pas aussi urgent à cette époque, alors qu'on créait en fait un monopole?

M. Collenette: Quand ONEX a retiré son offre, à la suite de la décision de la Cour supérieure du Québec, le Conseil d'administration d'Air Canada a décidé — et il faut l'en féliciter — de présenter sa contre-offre. Le gouvernement disposait de quelques options. Nous aurions pu tirer de difficulté les Lignes aériennes Canadien. M. Benson avait déclaré qu'il avait besoin de 100 millions de dollars avant le 1er février, ce qui nous a tous mis sur des charbons ardents. Nous aurions pu permettre aux Lignes aériennes Canadien de faire faillite et à Air Canada de reprendre toutes les routes internationales. Le gouvernement n'aurait pas eu d'autre choix que de permettre à Air Canada de reprendre tous les itinéraires internationaux et le reste du marché national. Air Canada se serait encore trouvée en position dominante, mais 16 000 travailleurs se seraient également retrouvés au chômage.

L'autre option consistait à accepter l'offre d'Air Canada et à essayer de négocier des mesures d'atténuation pour trouver un juste milieu. Je vous rappelle que le 21 décembre 1999, les Lignes aériennes Canadien n'avaient plus que pour deux jours d'encaisse. La société ne pouvait pas payer ses employés le 23 décembre. Il n'était pas possible, ni au Canada ni aux États-Unis, de transporter tous les voyageurs de la période de Noël. Nous nous serions retrouvés dans le chaos absolu et, en plus, 16 000 personnes se seraient retrouvées au chômage. Nous avons été heureux de la décision du conseil d'administration d'Air Canada de présenter sa proposition.

Contrairement à ce qu'ont dit certains, y compris Air Canada, nous n'avons tordu le bras de personne. Le conseil d'administration a pris sciemment cette décision et nous en avons été heureux. Ma sous-ministre, Margaret Bloodworth, et M. Von Finckenstein, le Commissaire à la concurrence, ont été mandatés par le Cabinet pour agir à titre d'interlocuteurs dans la rédaction du contrat. À vrai dire, la position du gouvernement n'était pas très solide et la situation était, bien sûr, loin d'être idéale, puisque Air Canada aurait pu se retirer des négociations n'importe quand. Air Canada a fait certaines concessions dans une lettre d'engagement qu'elle a signée le 21 décembre, je crois. Ces concessions ont été incluses dans le projet de loi C-26, qui a été adopté. Il faut avouer qu'Air Canada a respecté la loi et ses engagements.

Également le projet de loi C-26, que le Sénat a adopté à l'unanimité, contenait des mesures pour empêcher les pratiques d'éviction, l'utilisation d'une capacité excessive pour miner un autre transporteur. Vous avez examiné ces amendements, que le Sénat a adopté à l'unanimité en juin 2000. Tout cela faisait partie intégrante de la réaction du gouvernement à la fusion.

Air Canada a, bien sûr, fait certaines observations à cette époque. Ses représentants ont comparu devant les comités du Sénat et de la Chambre des communes. Ils comprenaient qu'il fallait imposer certaines limites à un monopole virtuel.

Les dispositions sont excellentes. Il y a eu un certain nombre de requêtes — le commissaire l'a d'ailleurs expliqué dans la lettre qu'il a envoyée au président et que j'ai lue récemment — mais les dispositions n'ont été appliquées qu'une fois, dans l'affaire CanJet. Ces requêtes ex parte ne sont pas présentées par simple caprice. C'est une affaire grave et on peut toujours contester ces requêtes devant la Cour fédérale. C'est ce qu'a fait Air Canada, et la Cour fédérale d'appel a maintenu le droit du commissaire d'appliquer ces dispositions.

Après la faillite de Canada 3000, nous avons dit au commissaire que nous nous retrouverions dans la même situation, puisque Air Canada aurait 80 p. 100 du marché. Nous lui avons demandé s'il disposait d'autres pouvoirs pour garantir l'application de règles équitables à tous les concurrents sur ce marché. Le commissaire nous a proposé les modifications dont vous êtes aujourd'hui saisis.

Le sénateur Tkachuk: Le prix à payer pour sauver les Lignes aériennes Canadien vous ont peut-être mis sur des charbons ardents, mais vous êtes-vous sentis aussi coincés lorsque vous avez dû verser un montant équivalent pour deux Jet Challenger?

M. Collenette: Je ne vois pas très bien le rapport avec notre discussion, mais le sénateur a dit ce qu'il avait à dire.

Le sénateur Tkachuk: Très bien.

Le sénateur Kroft: Puisque vous avez suivi de près les audiences de notre comité, vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, que nous avons manifesté un intérêt particulier, et je devrais peut-être même parler de préoccupations, envers les dispositions de l'article 104 proposé, particulièrement l'article 104.1, qui confère au commissaire des pouvoirs de décision ex parte. Ma question porte sur cette disposition.

Dans vos remarques préliminaires, vous avez dit que ce pouvoir n'est pas particulier au Canada. Vous avez dit qu'un pouvoir semblable existe dans l'Union européenne. Je n'en connais pas les détails. Néanmoins, qu'il existe ou non dans l'Union européenne, sous la même forme ou non, il faut avouer que bon nombre des membres de ce comité ne sont pas entièrement d'accord avec les pouvoirs extraordinaires qui sont conférés par cette disposition. J'essaie de comprendre ce pouvoir dans le contexte de l'élaboration d'une politique nationale du transport aérien au Canada.

Entre parenthèses, il semble que la seule raison pour laquelle on autorise le commissaire à agir en première instance, sans renvoi au tribunal, soit pour accélérer la procédure. Notre comité a entendu des témoignages très crédibles, mais divergents à ce sujet, à savoir à quel point cette mesure est essentielle, combien de temps est perdu, un jour, deux ou trois, et quelles en sont les conséquences.

Je ne suis pas absolument convaincu que, aux fins de la politique, le pouvoir conféré est un compromis valable par rapport au temps qui peut être perdu. C'est peut-être parce que je suis un sceptique.

À votre avis, ce pouvoir devient-il une caractéristique permanente du transport aérien ou considérez-vous — tout comme moi, je l'avoue — que c'est un mal nécessaire, une mesure de transition qui doit être prise maintenant en l'absence d'autres politiques ou pratiques établies dans le cadre de la politique du transport aérien?

M. Collenette: Sénateur, on a toujours dit que le projet de loi C-26 était une mesure législative visant à faciliter la transition après la fusion. J'ai toujours dit qu'il y aurait une transition de deux ans, qui aurait pris fin le 31 décembre 2001. Nos propos auraient peut-être été différents, ou je ne serais peut-être pas devant vous aujourd'hui, sans les événements tragiques du 11 septembre, qui ont provoqué la faillite de notre deuxième plus important transporteur aérien. Le 10 septembre, cette société avait connu un nombre record de réservations. La part de marché d'Air Canada et des Lignes aériennes Canadien, qui était de 82 p. 100 au moment de la fusion en décembre 1999, est tombé à 61, 62 ou 63 p. 100 après le 11 septembre.

Il y a donc une prolongation de cette transition de deux ans. Pour combien de temps, je n'en sais rien. J'espère que ce genre de disposition ne sera pas nécessaire à plus long terme. Toutefois, elle est nécessaire maintenant à cause du contrecoup des événements du 11 septembre. Nous devons donc créer un climat qui permet à des compagnies aériennes comme WestJet — et CanJet a annoncé hier son retour — d'obtenir une part du marché, surtout dans l'est du Canada, où la concurrence est faible. Je ne crois pas que cette mesure soit nécessairement permanente. Il est toujours possible de modifier la loi.

Le sénateur Kroft: Merci. Ce sera tout pour l'instant.

M. Collenette: Hier, M. Rowe, le président de IMP, a déclaré que le lancement de CanJet était dû aux nouvelles lois adoptées par le gouvernement fédéral pour accroître la concurrence dans le transport aérien au Canada. J'ai parlé avec lui jeudi dernier, et il m'a expliqué ce retour sur le marché en disant qu'après avoir lu les nouvelles modifications proposées au projet de loi C-23, il estimait que ces modifications encourageaient la concurrence. J'ai trouvé que son annonce d'hier tombait à point compte tenu de ce que je devais me présenter devant votre comité aujourd'hui.

Le sénateur Oliver: Malheureusement, la question que je voulais poser recoupe en partie celle du sénateur Kroft. Mais si vous permettez, je voudrais faire quelques commentaires.

Normalement, il ne faudrait pas avoir recours à la Loi sur la concurrence pour réglementer une entreprise en général ou même réglementer l'industrie du transport aérien, en particulier; cela devra se faire par le truchement d'une loi cadre économique. Or, dans une loi cadre économique, il existe normalement une disposition portant qu'après deux, trois ou quatre ans, la loi devrait faire l'objet d'un réexamen de la part des deux Chambres du Parlement.

Seriez-vous d'accord pour que l'on amende la proposition de loi cadre pour faire en sorte qu'il ne soit plus nécessaire d'attendre 20 ans pour faire réexaminer par le Parlement un document aussi important que la politique sur la concurrence?

M. Collenette: Avec tout le respect que je vous dois, vous avez tort de laisser entendre que cette mesure législative sert à réglementer l'industrie du transport aérien et une compagnie aérienne en particulier. Mais je sais que c'est aussi l'impression qu'a Air Canada. Dans bien des marchés de l'Ouest canadien, c'est WestJet qui est le transporteur principal. Il n'est pas impensable qu'Air Canada, à titre de second transporteur dans certains marchés, puisse bénéficier du recours à ce pouvoir, tout comme d'autres compagnies aériennes canadiennes au pays. On a toujours l'impression qu'il n'existe qu'Air Canada ou WestJet, mais il en existe plusieurs centaines. Il y en a beaucoup de petites, ce qui prouve qu'il y a de la concurrence au pays.

Mais effectivement, cette disposition a été introduite en raison de la fusion et, à l'époque, Air Canada détenait 82 p. 100 du marché. Toutefois, nous croyons que cette disposition de la loi ainsi que la concurrence émergente ont aidé à réduire cette part du marché; nous espérons que la tendance se maintiendra. Même si l'on ne vise pas directement Air Canada, je comprends qu'on puisse se sentir visés. D'ailleurs, il est possible qu'Air Canada invoque la discrimination au profit de WestJet dans le cas des deux villes que j'ai mentionnées dans l'Ouest du Canada. C'est improbable, étant donné la structure des frais chez WestJet, mais ce n'est pas complètement exclu.

Le sénateur Oliver: Je comprends.

M. Collenette: Vous aviez autre chose?

Le sénateur Oliver: Oui, et il s'agissait d'une disposition dans la proposition de loi cadre devant permettre au Parlement d'examiner la loi au bout d'un certain temps.

M. Collenette: Je serai franc: Si le projet de loi est amendé, il retournera à la Chambre, et il sera alors difficile de proclamer la loi à temps pour qu'elle s'applique aux nouveaux arrivés sur le marché et pour protéger les compagnies comme WestJet qui veulent prendre de l'expansion. Voici pourquoi je vous encourage à accepter le projet de loi tel quel.

Cela dit, nous pourrions peut-être vous donner certaines assurances quant à la possibilité de réexaminer les dispositions législatives, comme nous l'avons fait pour la Loi sur les transports au Canada et la Loi maritime du Canada. Je crois que le Sénat a le pouvoir de recommander certaines choses— comme il l'a d'ailleurs fait à plusieurs reprises — et d'inclure des annexes destinées à guider le gouvernement. D'ailleurs, lorsque le sénateur Bacon a déposé au Sénat son rapport sur le projet de loi le 15 juin, une annexe était incluse. On pouvait y lire notamment ce qui suit: «En conséquence, il est extrêmement important que les modifications de la Loi sur la concurrence prévues dans le projet de loi pour permettre l'émission d'ordonnances prohibant de telles pratiques — il s'agit de pratiques anticoncurrentielles — aboutissent à l'établissement d'un processus rapide et efficace s'appuyant sur une réglementation approuvée par le gouverneur en conseil».

Or, non seulement le Sénat était-il d'accord avec les amendements, mais il était aussi d'accord pour que les mesures correctives soient prises rapidement.

Le sénateur Oliver: J'ai justement pris part à la rédaction de cette annexe. Toutefois, j'aurais aimé que le libellé soit encore plus musclé. Étant donné l'importance de cette proposition de loi cadre, il devrait y avoir une clause spécifique portant qu'il ne faudrait pas attendre une douzaine ou une quinzaine d'années pour agir et refuser aux entreprises canadiennes la possibilité de se doter de lois sur la concurrence aussi modernes que celles qui existent ailleurs. Cette protection pour nos entreprises devrait être inscrite au projet de loi.

M. Collenette: Le fait que nous proposions de modifier la Loi par le truchement du projet de loi C-23 seulement deux ans après la fusion montre que c'est possible, si c'est nécessaire.

Je ne crois pas que notre gouvernement, ou quelque gouvernement que ce soit, veuille inscrire de façon permanente ce genre de mesure, puisqu'elle est destinée à enrayer la situation tout à fait particulière qui a suivi la fusion. Comme je l'expliquais au sénateur Kroft, il se pourrait qu'il y ait un délai supplémentaire de transition de deux, trois, ou même cinq ans, je n'en sais rien. Nous pourrions nous entendre pour rouvrir le dossier, selon la façon dont le marché réagira.

Quant aux conséquences d'ordre pratique, j'ai lu le témoignage de M. Baker, d'Air Canada, et j'en ai discuté longuement avec M. Milton et d'autres membres du conseil d'administration. Je sais donc qu'ils sont très mal à l'aise. Toutefois, malgré le nombre de requêtes qu'il a reçues, le commissaire n'a eu recours qu'une seule fois à cette mesure, dans le cas de CanJet. Ce qui saute aux yeux dans la décision rendue en Cour fédérale eu égard à cette requête particulière, c'est que si le commissaire devait user de ce pouvoir de façon frivole, la Cour refuserait. On peut donc parler d'une protection du transporteur dominant entre deux villes données.

Il faudra toujours réexaminer les lois après un certain temps.

Le sénateur Oliver: Qu'êtes-vous disposé à faire? Quel engagement pouvez-vous donner au comité?

M. Collenette: Le projet de loi est au nom de M. Rock et il l'était avant au nom de M. Tobin. Mais c'est moi qu'il faut blâmer pour les amendements, puisque je suis chargé de la politique du transport.

Je conviens avec vous et avec le sénateur Kroft qu'il faut trouver un moyen pour réexaminer tout cela éventuellement. Il vous est loisible de convoquer n'importe quand un ministre. Si le gouvernement donne son engagement — et je dois en discuter avec M. Rock — il sera alors obligé de se pencher sur la question, qu'il y ait une clause ou non en ce sens dans le projet de loi. Le gouvernement a l'obligation morale de procéder à un examen.

Le sénateur Oliver: Monsieur le ministre, vous vous êtes très bien préparé en vue de cette rencontre-ci et vous avez lu, je le sais, tous les témoignages. Vous savez que beaucoup de témoins ont affirmé — et je pense particulièrement au témoignage de M. Wong — qu'il n'y avait aucune raison logique d'avoir l'article 103, puisque l'article 104 suffit. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi on aurait besoin de l'article 104? Et qu'ajoute-t-il de plus?

M. Collenette: L'article 104 permet au commissaire d'agir rapidement — comme il vous l'a dit, je crois — dans un secteur dont les actifs peuvent être redéployés presque instantanément.

Air Canada redéploie ses appareils dans l'heure qui suit. Voilà pourquoi il arrive que certains jours, vous preniez un vol dont la configuration ne vous est pas familière. Parfois vous prenez un petit porteur, et parfois un gros porteur. Il peut y avoir également redéploiement dans les marchés qui se font concurrence. Air Canada a beau être le transporteur dominant, cela pourrait se passer chez un autre transporteur, entre deux autres villes.

M. Carr me rappelle qu'il existe néanmoins des garanties judiciaires. En effet, il faut libérer un représentant de la Cour fédérale pour entendre la requête et pour recevoir les documents. Les parties intéressées ne sont pas invitées à participer, mais le tribunal peut avoir besoin d'entendre des témoins, dont la comparution et le témoigne doivent être organisés. Il faut du temps au tribunal pour se prononcer. Et si le tribunal est insatisfait, le commissaire devra faire d'autres recherches supplémentaires.

Toutes ces démarches ralentiront le processus. J'ai lu quelque part dans les témoignages que cela pourra se faire en deux jours. Il est impossible pour le commissaire d'envoyer sa demande à la Cour fédérale ou à un autre tribunal dans les deux jours! Voilà pourquoi il lui faut des pouvoirs qui ont été qualifiés d'arbitraires, mais qui lui permettent de tenir compte de l'intérêt public.

Le sénateur Oliver: Mais ce qui ne va pas, c'est qu'il est à la fois enquêteur, juge et partie.

M. Collenette: Vous êtes avocat, et du strict point de vue de la jurisprudence, vous avez raison. C'est l'antithèse de notre système judiciaire canadien. Toutefois, les considérations politiques d'intérêt public dans le domaine du transport exigent des mesures correctives particulières et urgentes qui sont soumises à la loi et qui peuvent être examinées par la Cour fédérale. Mais je vous ai déjà expliqué que si le commissaire exerçait ses pouvoirs de façon frivole, la Cour rejetterait la demande.

Le sénateur Hervieux-Payette: Voudriez-vous m'expliquer quelque chose? Je ne m'y connais pas beaucoup en matière d'éléments d'actifs mobiliers. Ce n'est pas une notion qui se retrouve dans beaucoup d'entreprises. Vous me permettrez de poser ma question en français.

[Français]

Je me pose la question à savoir si les gens voyagent parce qu'il y a des avions, ou si les avions sont là pour les gens qui voyagent? Il est vrai que les avions peuvent changer de route, mais s'il n'y a pas de passagers, je ne vois pas ce qu'ils feraient à un autre aéroport. Alors d'où vient ce concept de «movable asset», qui justifie l'application de règles aussi strictes? Quelle est cette idée d'une entreprise qui déplace ses avions s'il n'y a pas de passagers?

J'aimerais que vous m'expliquiez ce concept de «movable asset», qui fait que la loi comporte autant d'exigences qui vont bien au-delà de ce que l'on retrouve dans d'autres industries.

M. Collenette: Prenons l'exemple d'un marché entre deux villes où le transport est desservi par WestJet. Air Canada peut y consacrer un plus grand appareil et vendre des sièges à bas prix, non seulement dans le but d'encourager l'utilisation de son appareil mais aussi pour détruire la capacité de l'autre compagnie. La question n'est pas seulement à savoir où sont les passagers, mais quel genre de concurrence abusive peut être pratiqué par un transporteur dominant contre un transporteur plus petit.

Le sénateur Hervieux-Payette: Le tableau remis au comité par Westjet révèle de façon générale des éléments à la fois en faveur d'Air Canada et de WestJet. En tant que consommateur, je désire tout d'abord prendre l'avion à l'heure qui me convient, et je ne veux pas que ce soit le transporteur aérien qui décide de l'heure à laquelle je dois partir.

J'ai constaté, par exemple, que les horaires de Tango ne sont pas très pratiques pour les gens d'affaires. Les départs sont trop tard et les arrivées sont trop tôt. Sur les lignes régulières on retrouve également plusieurs départs avec ou sans passagers. J'essaie de voir de quelle façon on essaie d'éliminer la compétition.

Prenons le cas d'Air Transat. Ce transporteur fonctionne très bien à l'heure actuelle et ne semble pas avoir passé au bord de la faillite. Est-ce qu'on court vraiment le risque qu'une entreprise soit acculée au pied du mur, alors que les effets du 11 septembre se sont beaucoup amoindris et que les gens ont recommencé à voyager? C'est comme opérer une personne qui souffre d'un simple mal de tête. Il me semble que la mesure est beaucoup trop forte pour le problème anticipé.

L'intervention de cet article m'inquiète et elle inquiète aussi le Barreau canadien. Le Barreau canadien n'est pas généralement un organisme qui prend partie pour un secteur ou pour un autre, mais dans ce cas il semble dire: si c'est dangereux dans un secteur, ça peut l'être dans d'autres secteurs, donc, appliquons cet article dans tous les secteurs.

Cette situation de concurrence existe dans plusieurs autres secteurs. Pensons à la téléphonie, où une compagnie domine 60 p. 100 du marché. Pensons au domaine bancaire ou au domaine pétrolier. Les consommateurs n'ont-ils pas l'impression que les compagnies de carburant se font mal mutuellement lorsqu'il y en a une qui augmente ses prix à 9 h 00 le matin et qu'à 9 h 15 toutes les autres ont augmenté leurs prix? J'aimerais comprendre pourquoi l'industrie aéronautique est traitée différemment des autres industries.

M. Collenette: Sur le deuxième point, madame le sénateur, je pense que M. von Finckenstein vous avait donné la réponse et j'ai aussi répondu cet après-midi. L'industrie aérienne est une industrie unique car on peut promouvoir et changer les appareils en l'espace de deux ou trois heures. On ne peut faire de même avec l'industrie du carburant ou avec l'industrie des communications, où on a de l'équipement fixe.

Sur le premier point, je dois souligner le fait que la clause 104,1 a été acceptée unanimement par la Chambre des communes et le Sénat. Ce que nous offrons aujourd'hui est simplement un amendement pour ajouter au pouvoir du commissaire, mais ajouter au commissaire un pouvoir qu'il a reçu il y a deux ans.

[Traduction]

Je pourrais peut-être vous expliquer cela aussi. Vous avez parlé de votre propre expérience, mais je vous ferais respectueusement remarquer que la plupart d'entre nous voyageons en classe affaire, aux frais de la princesse, parce que nous avons des horaires de travail bizarres qui peuvent changer à l'improviste. Toutefois, 90 p. 100 de tous les billets vendus au Canada ont été achetés à un tarif moindre, à l'avance. Tous les sondages d'opinions — dont certains effectués pour notre compte remontent à deux ans et ont été rendus publics — démontrent que le consommateur veut le tarif le moins cher possible. Vous avez raison de parler de votre expérience à titre de passagère en classe affaire, mais notre cas à nous est particulier puisque la plupart des Canadiens sont disposés, pour leur part, à voyager de nuit et à voler sur les ailes de Tango ou de WestJet, ou même à se rendre d'Ottawa à Moncton en passant par Hamilton. Ils sont prêts à bien des choses s'ils jugent que le prix est acceptable. Il est tout à fait possible pour un transporteur dominant, comme Air Canada, d'inonder le marché de sièges. C'est d'ailleurs, je crois, ce qu'affirmait WestJet au moment de l'inauguration du tronçon de Moncton. C'est une autre question sur laquelle se penche le tribunal, mais qui n'était pas couverte par les pouvoirs de cessation, puisque la mesure avait été imposée avant l'adoption du projet de loi.

Cela ne s'applique pas aux personnes ici présentes, mais à la majorité des Canadiens qui veulent voyager à moindres frais. Regardez tous les sondages: la population veut voyager en toute sécurité, ce qui est le cas, et à bon tarif. Autrement dit, une compagnie aérienne comme Air Canada peut redéployer ses éléments d'actifs parce qu'elle a l'équipement voulu, c'est-à-dire environ 350 appareils, alors que WestJet n'en a que 28 ou 29, même si elle ne cesse d'en acquérir d'autres. Air Canada a donc plus de marge de manoeuvre et peut inonder un marché avec des sièges à moindre prix. Dans ce contexte particulier nous voulons empêcher les prix d'éviction. En effet, que je sache, il n'existe dans aucun autre pays une seule compagnie aérienne qui détienne 80 p. 100 du marché.

Le sénateur Hervieux-Payette: Mais nous ne savons pas exactement quelle est sa position sur le marché. Même notre président nous a dit qu'on ne savait pas si elle était de 65, de 70 ou de 80 p. 100.

M. Collenette: Je vais vous le dire, moi, puisque Transports Canada réglemente l'ensemble de l'industrie aérienne. Air Canada conteste nos chiffres, en faisant valoir qu'elle offre également des vols transfrontaliers. Toutefois, nous estimons à environ 80 p. 100, ou presque, la part du marché d'Air Canada depuis le 11 septembre. Nous croyons que, d'ici la fête du Travail, la capacité accrue de Skyservice la fera descendre à 73 ou 74 p. 100, et je ne tiens pas compte ici de CanJet. On peut imaginer que sa part continuera à chuter. Mais Air Canada affirme qu'elle n'est que de 67 p. 100. Mais je préfère garder les chiffres de mon propre ministère qui fixe sa part autour de 70 à 80 p. 100, ce qui est trop élevé. Il nous faut des mesures pour corriger tout abus qui pourrait survenir.

Le sénateur Hervieux-Payette: J'aimerais maintenant parler d'Air Transat, au sujet de laquelle personne ne s'est plaint au Québec. Je me demande pourquoi WestJet s'en est plaint.

M. Collenette: Air Transat n'est pas un transporteur régulier, même s'il est vrai qu'en plus de son calendrier estival limité, elle exploite aussi certains appareils, comme elle l'a fait au temps des Fêtes vers St. John's et Vancouver. Elle fait également des vols à vide jusqu'à Vancouver, mais on ne peut pas parler d'une compagnie aérienne à horaire fixe. Elle exploite des vols nolisés vers l'étranger et vous dira qu'elle ne souhaite pas changer sa situation.

Ce sont les habitants du Québec et des provinces de l'Atlantique, là où la concurrence est la plus faible, qui profiteront le plus de la concurrence accrue que nos amendements favoriseront.

Le sénateur Kelleher: J'aimerais laisser de côté les articles 103 et 104 et aborder brièvement les dispositions d'entraide juridique prévues au projet de loi.

M. Collenette: Je crois que M. Rock vous en parlera demain. Je vous rappelle que je ne suis pas le parrain du projet de loi et que je comparais brièvement pour vous parler de certaines dispositions particulières. Je ne suis donc pas habilité à vous parler de questions autres que celles qui portent sur les conséquences pour l'industrie aérienne de la Loi sur la concurrence.

Le sénateur Kelleher: Mais ce qui m'intéresse pourrait fort bien toucher l'industrie du transport aérien.

M. Collenette: Dans ce cas, posez-la.

Le sénateur Kelleher: Je vais vous dire ce qui m'intéresse, et vous pourrez toujours décider de ne pas répondre.

Certains des témoins qui vous ont précédé s'inquiétaient des conséquences néfastes que pourrait avoir pour une entreprise la divulgation par un tribunal canadien à un pays étranger de documents commerciaux sensibles, documents qui pourraient à leur tour être transmis à un tiers qui serait en concurrence avec l'entreprise canadienne. On pourrait même donner comme exemple le cas de Bombardier et d'Embrear.

Vos fonctionnaires et vous-même estimez-vous que les garanties d'entraide juridique sont suffisamment strictes pour protéger nos gens d'affaires canadiens?

Le président: Sénateur Kelleher, puis-je vous suggérer d'accepter la réserve du ministre? M. Rock comparaîtra demain et vous pourrez lui poser votre question. Cela vous contient-il?

Le sénateur Kelleher: J'ai donné au ministre, maintenant qu'il a entendu la question, la possibilité de réagir ou pas.

M. Collenette: Sénateur Kelleher, j'ai assez de problèmes avec les domaines qui relèvent de ma compétence. M. Rock devrait répondre à ma place.

[Français]

Le sénateur Poulin: J'ai particulièrement apprécié vos commentaires sur la période de transition difficile que vous avec connue à titre de ministre des Transports.

[Traduction]

Vous dites vouloir que la loi vous donne tous les instruments voulus pour faire en sorte que l'industrie dont vous êtes le représentant fonctionne dans un milieu totalement concurrentiel. Qu'est-il arrivé entre le dépôt du projet de loi C-26, qui était censé fournir tous ces outils, et ce projet de loi-ci? Qu'est-il arrivé qui vous ait fait conclure qu'il était nécessaire de rendre la loi encore plus musclée pour assurer la concurrence?

M. Collenette: Je crois que le commissaire en a parlé dans son témoignage et a expliqué qu'il avait besoin de l'amendement proposé pour effectuer une prolongation. Dans le cas de CanJet, je ne sais trop pourquoi, mais le délai de 80 jours a expiré avant que le tribunal n'entende la cause. Cette situation permet donc à l'accusé, Air Canada dans le cas qui nous occupe, d'avoir recours à la pratique de prix d'éviction avant que l'on invoque les pouvoirs de cessation. Le commissaire estime avoir besoin de la prolongation jusqu'à ce que le tribunal entende la cause. Le tribunal peut décider de ne pas accorder de prolongation, ce qui assure une mesure de protection.

Il y a aussi une deuxième raison. Comme nous en avions déjà eu l'expérience, nous voulions être sûrs de viser juste dès le départ. En effet, c'est parce que nous avions constaté qu'en pratique les amendements du projet de loi C-26 n'étaient pas suffisamment musclés que, depuis la faillite de Canada 3000, nous voulions être sûrs d'avoir les pouvoirs supplémentaires. Personnellement, je suis assez surpris de l'opposition farouche d'Air Canada à cette disposition particulière. J'avais supposé qu'Air Canada ne souhaiterait pas de son côté faire l'objet de prix d'éviction sur les itinéraires où elle est le transporteur dominant. Elle aurait pu en être victime au Canada, particulièrement dans l'Ouest. La véhémence de sa réaction m'a surpris et j'ai essayé de trouver des explications. D'ailleurs, j'en ai parlé il y a un ou deux jours à M. Milton.

Le sénateur Poulin: Il y a quelques instants, vous avez parlé de pourcentage de part du marché. Vouliez-vous ajouter quelque chose à cela?

M. Collenette: Oui, M. Carr m'a rappelé quelque chose. Nous avons parlé des ordonnances d'interdiction provisoire, mais les sanctions pécuniaires administratives sont une autre raison. Nous nous sommes trompés dans le projet de loi C-26. L'accusé doit bien comprendre que c'est quelque chose de grave, qu'il ne peut pas adopter de pratiques d'éviction être trouvé coupable et acquitter une amende mineure qui sera passée aux profits et pertes. Il nous faut une sanction pécuniaire administrative qui soit lourde, et elle est fixée à 15 millions, de dollars. Pas forcément: c'est jusqu'à concurrence de 15 millions. C'est le tribunal qui décidera. Nous estimons toutefois que 15 millions c'est le maximum qu'une compagnie comme Air Canada, avec ses recettes, peut tolérer. Nous ne voulons pas faire du tort à Air Canada, le plus gros transporteur. Nous ne voulons pas qu'il se conduise comme le conducteur qui acquitte une contravention de 20 $ en se disant qu'il va recommencer la semaine d'après. Il faut trouver un juste équilibre et le commissaire l'a bien dit dans son témoignage.

Le sénateur Poulin: Depuis que vous êtes ici, vous dites que vous voulez vous assurer que les Canadiens sont bien servis sur le plan de la sécurité et aussi qu'ils en aient pour leur argent. Je vous félicite, car je vois bien tout le travail que vous et vos collaborateurs êtes en train de faire et la transition n'est pas facile.

Vous avez dit qu'Air Canada, d'après les chiffres, détient 72 p. 100 du marché et que c'est trop. Ma réaction de consommateur est de me demander pourquoi est-ce trop. Est-ce que c'est trop à partir de 50 ou 40 p. 100? Je veux que le secteur des compagnies aériennes fonctionne. Je veux que les Canadiens soient bien servis, le nord de l'Ontario aussi, mais surtout je veux que les entreprises réussissent. Qu'est-ce qui est trop peu et qu'est-ce qui est trop?

M. Collenette: C'est au commissaire qu'il conviendrait de poser ces questions. En général, dans un secteur quel qu'il soit, les magasins d'alimentation ou de détail, par exemple, une compagnie qui détient 35 p. 100 du marché et qui fusionne et qui voit sa part augmenter, doit se départir d'une partie de ses biens pour corriger la situation. Nous sommes très loin des 35 p. 100 ici.

Au moment de la faillite, Air Canada détenait environ 47 p. 100 du marché intérieur et Canadien 33 p. 100. La part du marché d'Air Canada dépasse les limites du commissaire de 12 p. 100 environ. On a jugé que c'était acceptable. J'aimerais que la part d'Air Canada varie entre 55 et 60 p. 100. Il y aurait alors une masse critique suffisante pour offrir un choix aux citoyens.

Avant le 11 septembre, 75 p. 100 des Canadiens habitaient à deux heures de route d'un aéroport où ils bénéficiaient d'un choix. Je veux revenir à une situation comme celle-là.

Comment Air Canada pourrait-elle réduire sa part de marché volontairement? Est-ce que les entreprises veulent faire ce genre de choses? Il y aurait eu un moyen au début; c'est ce que je recommandais mais elle a refusé. Au moment de la fusion, elle aurait été tenue de vendre ses compagnies régionales. Honnêtement, elle a eu tort de les conserver. À mon avis, les faits ne justifient pas l'assertion selon laquelle elle a besoin de leur apport pour soutenir la concurrence internationale.

Sur les vols transfrontaliers, elle détient 60 p. 100 du marché parce que les Canadiens veulent voyager sur Air Canada. La compagnie est bien meilleure que les lignes américaines. La plupart des Canadiens préfèrent Air Canada aux autres lignes pour se rendre en Asie ou en Europe. Les seuls transporteurs étrangers qui mènent la vie dure à Air Canada, c'est Air France, qui a des vols ou départs de Vancouver, Toronto et Montréal. Elle a 52 p. 100 du marché Canada-France, je crois.

BA est passée de 40 à 18 p. 100. Elle est furieuse de ne pas pouvoir recevoir d'apport. Cela tient pour beaucoup à sa commercialisation ici.

Le fait est que si elle avait abandonné ses compagnies régionales, elle aurait eu 10 p. 100 du marché. Il y a beaucoup de petits transporteurs au pays qui auraient desservi des endroits comme les Îles-de-la-Madeleine ou le nord de l'Ontario. Sénateur, vous êtes du nord de l'Ontario. Bearskin fait de l'excellent travail. Il y a beaucoup d'autres petits transporteurs prêts à occuper le marché.

Je continue à demander à Air Canada: «pourquoi ne faites-vous pas cela? Vous vous épargneriez bien des tracas. Cela ne vous ferait pas de tort et vous contribueriez à créer la masse critique de petits transporteurs.»

Le sénateur Di Nino: Monsieur le ministre, vous avez commencé par dire que les Canadiens dépendent beaucoup des transports aériens à cause de l'immensité du territoire.

Vous nous avez aussi rappelé qu'ils sont conscients de la sécurité et du prix. Moi, je dirais qu'ils veulent aussi une commodité raisonnable. Si vous ne pouvez pas arriver à une heure commode, vous renoncerez peut-être à votre voyage.

Les citoyens se tournent vers nous pour trouver des solutions aux problèmes qui, nous en convenons tous, existent dans l'aviation canadienne.

Une question revient régulièrement sur le tapis: le cabotage. Quelle est la position actuelle du gouvernement sur le cabotage?

M. Collenette: Les journaux ont beaucoup parlé de la possibilité pour les étrangers d'assurer la liaison entre des villes canadiennes. M. Milton veut que nous en discutions avec les Américains. J'ai écrit à M. Mineta, le secrétaire américain aux Transports. J'ai soulevé la question trois fois. Je lui ai parlé après que M. Milton lui a envoyé sa lettre. Le sujet est un peu théorique.

M. Mineta m'a dit que le Congrès américain ne s'intéresserait pas au cabotage avec le Canada pour deux raisons. Premièrement, les transporteurs américains estiment qu'Air Canada est un transporteur de qualité à petit prix à cause du taux de change.

Quand on discute avec nos amis américains, surtout du milieu des affaires, ils vous diront que s'ils ont déjà voyagé avec Air Canada de New York à Toronto ou à Montréal ou ailleurs, ils préféreront utiliser Air Canada plutôt qu'un transporteur américain. Son service et ses repas sont de meilleure qualité. À cause du dollar et de la structure des coûts, toutefois, Air Canada est perçue comme une entreprise à bas coût de revient sur ses vols vers les États-Unis. À l'heure actuelle, elle a 60 p. 100 du marché transfrontalier.

Deuxièmement, Cathay, Air France, BA et les autres transporteurs voudraient tous les mêmes droits de cabotage. Je ne crois pas que le Congrès américain accepte jamais le cabotage. Les syndicats et les transporteurs américains s'y opposeraient. Aucun dirigeant d'une compagnie aérienne américaine n'a appuyé l'idée à ma connaissance. Il m'arrive de parler à Don Carty, un Canadien à la tête d'American Airlines. Jamais il n'a évoqué la question du cabotage avec moi.

Imaginons que nous ayons le cabotage réciproque; en effet, ce ne pourrait pas être un accord qui ne s'applique qu'à un seul pays, car nous nous ferions écraser. Les transporteurs américains se contenteraient de mettre des avions sur les lignes Toronto-Vancouver et Toronto-Calgary, les plus lucratives du pays. Ils accapareraient tout le trafic et cela n'aiderait en rien Air Canada.

Actuellement, Air Canada a 90 p. 100 de la liaison Toronto-Vancouver. C'est trop à mon goût, mais cela va changer cet été avec l'arrivée de SkyJet et d'Air Transat, et de WestJet à la fin mai. Ils vont se brancher sur le réseau de l'Ouest, y compris Vancouver en passant par Calgary.

Cela signifie que si les transporteurs américains viennent, ils vont accaparer le marché où ils pourront gagner de l'argent. Ils vont couper l'herbe sous le pied d'Air Canada, dont le marché lucratif va pâtir. C'est une compagnie qui a perdu 1,5 milliard de dollars l'an dernier et qui est endettée à hauteur de 11 milliards. Je ne veux pas l'affaiblir davantage. Nous avons un géant au pays, mais c'est un géant très fragile. Il faut être prudent.

Et puis, les transporteurs américains n'iront pas dans des villes comme Sault Ste. Marie, Moose Jaw ou Chicoutimi.

Le sénateur Di Nino: Je suis perplexe. Vous avez commencé par dire que les transporteurs américains n'accepteraient jamais le cabotage. Maintenant, à vous entendre, on dirait qu'ils en veulent. Air Canada a dit au comité qu'elle serait en faveur du cabotage réciproque. Il faudrait évidemment que ce soit réciproque. Je suis tout à fait d'accord avec vous, ce ne peut pas être uniquement dans un sens. Mais vous me laissez perplexe.

D'après vos discussions, dans l'hypothèse où vous en avez eu plusieurs avec les Américains, vous semblez dire que l'idée de cabotage avec Air Canada ne les intéresse pas du tout.

M. Collenette: Loin de moi l'idée de contredire la direction d'Air Canada. Elle connaît le domaine bien mieux que moi. Tout ce que je sais, c'est que American Airlines a 1 000 appareils; Air Canada en a 340. Les Américains vont mettre la capacité maximum dans les marchés lucratifs et écraser Air Canada. Air Canada n'aura pas la chance de se procurer plus d'appareils pour desservir le marché américain. M. Milton n'est peut-être pas d'accord avec moi, mais de toute façon c'est purement théorique puisque cela n'intéresse pas les Américains.

Le sénateur Di Nino: C'est de là que vient ma confusion, monsieur le ministre.

Si Air Canada voulait du cabotage, l'aideriez-vous à l'obtenir? C'est en fait cela ma question. Est-ce que vous offririez cette concurrence?

M. Collenette: J'ai abordé deux fois le sujet avec les démocrates et trois fois avec les autorités actuelles à Washington. Mon sous-ministre a posé la question à son homologue, M. Jackson. Un officiel anonyme du département d'État pourra bien dire qu'il est d'accord, mais ceux qui comptent à Washington nous disent que cela n'intéresse pas le Congrès américain. Désolé.

Ce que veulent les Américains, c'est élargir le traité «Ciel Ouvert» que nous avons signé il y a cinq ou six ans. Ils réclament la même chose qu'à l'époque: Des routes à destination conjointe pour le transport des marchandises, un meilleur partage des codes de vol, ce genre de choses. Nous sommes prêts à négocier avec eux et à négocier. Le cabotage, par contre, ne figure pas sur leur liste.

Le sénateur Di Nino: Y a-t-il eu des discussions sur le sujet avec d'autres transporteurs étrangers, comme BA, Air France ou d'autres qui assurent la liaison entre l'Asie et Vancouver ou Toronto, ou de Londres à Toronto ou Vancouver, et cetera?

M. Collenette: Où serait l'avantage réciproque?

Le sénateur Di Nino: Ce serait avantageux pour Air Canada.

M. Collenette: Si le cabotage était négocié selon la formule de l'Union européenne, il pourrait y avoir des chances. La Commission européenne a prévenu ses États membres qu'à son avis la commission devrait négocier des accords globaux, pour l'ensemble de la communauté, avec les pays étrangers au lieu de les négocier bilatéralement.

Nous avons des accords avec la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni sur la question. Si c'est le cas, peut-être pourrait-on dire qu'il pourrait y avoir cabotage réciproque avec l'UE, ce qui profiterait sûrement à Air Canada et, dans une moindre mesure, à Air Transat.

Toutefois, le Royaume-Uni est notre plus gros marché étranger. Où est l'intérêt pour Air Canada? Il n'assurera pas de liaison de Heathrow à Glasgow ou Manchester. British Airways se fait mener la vie dure par Ryan Air et EasyJet. Où est l'intérêt pour elle?

British Airways enverrait des 747, 400 de 420 sièges qu'elle met sur la liaison Heathrow-Londres en été. Elle en mettrait deux ou trois à Vancouver et raflerait tout le marché à bas prix et ramènerait l'avion à Londres pour faire l'inverse. Qu'en est-il alors d'Air Canada ou de WestJet?

Le sénateur Di Nino: Sauf votre respect, monsieur le ministre, ce n'est pas vous qui êtes à la tête d'Air Canada. Les représentants de la compagnie ont fermement déclaré que si c'était réciproque, ils seraient ravis d'envisager cette possibilité. C'est à eux de décider, pas à nous.

M. Collenette: Si les Américains veulent en parler, nous en discuterons. Nous ne fermons pas la porte. Toutefois, tout le monde se fait prendre par ce miroir aux alouettes. Dès qu'on y regarde d'un peu plus près, on s'aperçoit que ce n'est pas la solution.

Nous sommes prêts à faire n'importe quoi pour renforcer la concurrence. J'ai dit à M. Milton que j'en parlerais à Norm Mineta, et je l'ai fait. La réponse que j'ai eue n'a pas été encourageante.

Oublions cette chimère et essayons plutôt de faire quelque chose d'utile.

Le sénateur Fitzpatrick: Nous avons concentré notre attention sur les articles 104.1 et 103. Vous avez dit que le projet de loi C-26 visait à faire la transition, et je suppose que le projet de loi C-23 en est le prolongement.

Je crois que l'on peut dire qu'il y a au Canada des inquiétudes au sujet des faiblesses du service aérien. Les gens s'inquiètent de la domination d'une seule compagnie aérienne. Envisage-t-on de réexaminer toute la politique du secteur des lignes aériennes, et peut-être de prendre des règlements qui pourraient aider à attirer de nouveaux concurrents sur le marché?

Je ne veux pas vous mettre sur la sellette, mais je me demande si vous pourriez nous aider à cet égard. Examine-t-on les possibilités du côté du cabotage ou des six libertés?

M. Collenette: Beaucoup d'experts m'ont donné des conseils. On vient de parler du cabotage et je ne pense pas que ce soit la solution. Supposons toutefois que les Américains soient d'accord. Quel en serait le résultat? Je pense que cela ferait beaucoup de tort à l'industrie intérieure canadienne.

Il y a des arguments en faveur de l'ouverture totale du marché aérien. Je pense qu'à long terme, nous n'aurions probablement plus Air Canada. Certains s'en fichent, mais pas moi. Ce n'est pas un point de vue teinté par un nationalisme canadien des années 70. Je crois que nous sommes un pays unique, possédant des institutions et des valeurs uniques, et nous voulons rester indépendants. Nous voulons conserver les bons emplois chez nous.

Les sénateurs se rappelleront peut-être que lorsque American Airlines possédait une participation de 33 p. 100 et 25 p. 100 des actions avec droit de vote de Canadian Airlines, comme le permet l'OTC, beaucoup d'emplois spécialisés se sont retrouvés à Dallas. Voulons-nous nous contenter des emplois de service de première ligne? Non, je pense que les gouvernements ont l'obligation d'essayer de maintenir un environnement créateur pour que nous puissions conserver les emplois de pointe, les réservations, les emplois dans l'informatique et l'entretien, au Canada. C'est un aspect.

Les six libertés modifiées sont une variante du cabotage. Cela permet d'offrir un service d'une ville à une autre en passant par une plaque tournante aux États-Unis, ou à l'inverse, en passant par une plaque tournante au Canada. J'ai toujours pensé que ce ne serait pas une mauvaise chose. J'en ai parlé aussi à Norm Mineta. On ne semble pas être en faveur de cela, pour les mêmes raisons que le cabotage intégral.

Quoi qu'il en soit, même si cela se réalisait, vous auriez bien du mal à convaincre les gens d'accepter d'avoir à passer deux fois les douanes, ce qui serait très malcommode. Je ne suis pas sûr que ce soit la solution.

Certains experts évoquent l'idée d'un transporteur exclusivement canadien créé par un concurrent étranger, comme Virgin Blue en Australie, qui se conformerait aux lois canadiennes. Les employés sont payés en dollars canadiens, la compagnie suit les règles canadiennes, et cetera. Le problème est que si cela est permis, alors il faut supprimer la limite de 25 p. 100 de propriété étrangère dans le cas d'Air Canada.

Nous venons tout juste de changer la fameuse règle des 10 p. 100, qui a été remplacée dans le projet de loi C-14 par 15 p. 100 pour un même actionnaire. Cela a soulevé la controverse quand ONEX a fait son entrée en scène. C'est théorique. Si nous autorisons la création au Canada d'un équivalent de Virgin Blue, maintenant que nous avons changé la loi, plus rien ne s'opposerait à ce qu'une compagnie étrangère, par exemple un transporteur américain, achète Air Canada.

Vous me direz que la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada offre une protection parce que le siège social doit être à Montréal. Il est même précisé que le centre d'entretien doit être à Montréal, Winnipeg, Toronto ou ailleurs. Cependant, tous les autres emplois clés s'en iront. Le siège social de Montréal ressemblera aux sièges sociaux des banques, quand celles-ci ont déménagé à Toronto en 1976. Ce n'est pas vraiment la solution.

Que reste-t-il d'autre? Une option serait de reréglementer l'industrie, de retourner en arrière, aux années 80 et même aux années 70, et de demander à l'OTC de réglementer la capacité et les prix. Voulons-nous vraiment le faire? Depuis la déréglementation, le voyage en avion a connu une croissance exponentielle. Les tarifs ont diminué. Les tarifs en 2001 étaient 10 p. 100 plus bas qu'en 2000. Ce n'est pas le cas pour ceux qui vivent aux Îles-de-la-Madeleine ou dans d'autres petites localités, où il existe un véritable problème. Par contre, la plupart des Canadiens vivent à une distance raisonnable d'un réseau concurrentiel.

Nous pourrions déréglementer ce secteur. J'ai évoqué cette idée et tous les soi-disant experts sont tombés dessus. C'est une option à laquelle la plupart des gens ne veulent pas revenir.

L'autre possibilité, c'est de renforcer la concurrence. La Loi sur la concurrence vise à encourager la concurrence, et faisons en sorte que ces modifications visant spécifiquement le secteur aérien fonctionnent. Le commissaire dit qu'il a raté son coup il y a deux ans. Il veut corriger cette erreur.

La question se pose ensuite de savoir si cela devrait s'appliquer pendant une certaine période. Devrions-nous prévoir un examen quelconque? J'espère que dans quelques années, le marché se sera stabilisé. J'espère que la part intérieure d'Air Canada baissera à 55 p. 100 ou 60 p. 100 et que nous aurons alors des options viables dans la plupart des paires de villes, ce qui aidera beaucoup de petits transporteurs. Peut-être qu'Air Canada vendra ses lignes régionales. M. Milton a évoqué cette possibilité dans la presse. À ce moment-là, nous n'aurions pas besoin de cette disposition. Mais pour l'instant, nous en avons besoin.

Le sénateur Fitzpatrick: Vous avez abordé une question qui me rend perplexe, celle de la propriété — non pas le pourcentage que peut posséder un même actionnaire, mais la propriété étrangère. Si nous voulons avoir au Canada une industrie aérienne ou une compagnie aérienne capable de concurrencer les autres compagnies aériennes internationales, comment pouvons-nous y parvenir si nous ne pouvons pas aller chercher des capitaux ailleurs dans le monde?

Il me semble que cette politique ou cette exigence limite vraiment beaucoup la capacité d'Air Canada ou de toute autre compagnie qui voudrait se lancer sur le marché d'assurer sa croissance et de rivaliser avec les autres grandes compagnies aériennes. Qu'avez-vous à dire là-dessus?

M. Collenette: Air Canada est une entreprise qui peut aller chercher de l'argent n'importe où, et elle l'a fait. En réalité, des détenteurs d'obligations étrangers possèdent une bonne partie de sa dette. La compagnie peut amasser des fonds n'importe où, et la question est de savoir si elle a besoin de cet avoir propre.

Même si on relevait la limite à 100 p. 100, je ne crois pas que ce serait la solution pour Air Canada, compte tenu de ses états financiers actuels et de ses problèmes d'endettement. Je ne crois pas que ce soit la solution. Cependant, si on le faisait, on finirait par perdre la propriété d'Air Canada ou de WestJet, ou de toute autre compagnie aérienne semblable.

Beaucoup de pays, y compris les États-Unis, conservent cette limite de 25 p. 100. Les Américains, qui sont nos plus féroces concurrents, ne veulent pas perdre le contrôle de leur propre secteur des compagnies aériennes. Ils sont assez rusés et si c'est bon pour eux, c'est bon pour moi, ou pour nous, pour le gouvernement, le «nous» royal.

Le sénateur Meighen: Il ne reste pas grand-chose à faire, sinon mettre les points sur les i, et je voudrais vous demander de le faire.

Au sujet de l'article 104 proposé, si le commissaire émet une ordonnance provisoire et si, par la suite, le tribunal juge qu'elle n'est pas fondée, le transporteur dominant aurait-il des recours quelconques pour être indemnisé des dommages à sa réputation ou à ses revenus?

M. Collenette: Non, mais je peux vous dire que le tribunal y penserait à deux fois avant d'accorder des pouvoirs au commissaire ultérieurement.

Autrement dit, si ce pouvoir était utilisé de manière frivole, comme je l'ai dit tout à l'heure, alors le tribunal serait très sévère envers le commissaire. Mais pour répondre à votre question, non, il n'y aurait pas de recours.

Le président: Il n'y a pas non plus de recours pour le gouvernement.

M. Collenette: C'est exact.

Le sénateur Meighen: Cela suscite certaines inquiétudes, comme vous le comprendrez. Le commissaire est à la fois juge et jury, et s'il se trompe, la seule sanction est que le tribunal ferait plus attention la prochaine fois.

M. Collenette: Sénateur, on me dit que l'article 133 s'applique aux autres secteurs de la même façon. Il n'est pas possible d'intenter des poursuites pour dommages-intérêts. Nous ne devrions pas nous attarder exclusivement à ce pouvoir du commissaire relativement à une ordonnance d'interdiction.

Le sénateur Meighen: Peut-être que non, mais les conséquences pourraient être tout à fait draconiennes, dans une industrie qui est plutôt fragile, de votre propre aveu, et c'est aussi ce que j'ai observé moi-même. Quoi qu'il en soit, laissons cela de côté pour l'instant. Vous avez répondu à ma question. Merci.

Je ne comprends plus très bien. Ai-je raison de dire que votre scénario idéal éventuel serait celui de solides transporteurs régionaux qui serviraient à alimenter un solide transporteur national-international?

M. Collenette: Vous voulez dire pour Air Canada?

Le sénateur Meighen: Je veux dire pour le Canada. Ce transporteur solide national et international pourrait être Air Canada, ou peut-être WestJet. Mais vous faites souvent allusion aux Îles-de-la-Madeleine et à Moose Jaw, qu'il faut bien que quelqu'un desserve. Je crois savoir que cette liaison n'est pas rentable pour un international comme Air Canada.

M. Collenette: C'est pourquoi Air Canada est en train d'étudier ces marchés. À compter du 4 janvier, elle sera légalement autorisée, aux termes du projet de loi C-26, à donner préavis de la cessation de service à ces petites localités.

Le sénateur Meighen: D'accord. Mais il y a quand même d'assez grandes villes qui sont pourtant— je ne veux insulter personne — relativement à l'écart et qui servent à alimenter un transporteur national ou international. N'est-ce pas exact?

M. Collenette: Oui, c'est exact.

Le sénateur Meighen: Cela présente certainement de l'intérêt. Envisagez-vous qu'Air Canada, par exemple, reste dans un marché régional avec d'autres compagnies?

M. Collenette: J'ai fait allusion à cela tout à l'heure. Je ne vois pas pourquoi Air Canada doit offrir un service vers Chicoutimi ou Sault Ste. Marie ou d'autres petites localités simplement pour alimenter ses lignes internationales.

Le sénateur Meighen: Air Chicoutimi n'offre pas de vol vers Londres.

M. Collenette: Il y a des arrangements de correspondance intercompagnies. L'une des objections de British Airways contre la fusion — et j'ai rencontré Rod Eddington, son chef de la direction, à ce sujet l'année dernière — est qu'Air Canada exige, selon elle, des frais exorbitants pour les arrangements intercompagnies permettant des correspondances avec les vols de catégorie A. J'ai dit à British Airways d'en parler à l'office, mais elle ne veut pas le faire pour je ne sais quelle raison. J'ai dit que dans ce cas, nous ne pouvions rien faire pour elle.

C'est un fait que des compagnies comme Bearskin, qui a des arrangements intercompagnies avec Air Canada ou American Airlines, devraient desservir les petites localités.

Il se trouve que je suis convaincu que six fois sur dix, pour les vols internationaux, et davantage pour les vols transocéaniques, les Canadiens prennent Air Canada. Je ne comprends pas pourquoi cette présence reste nécessaire, mais la compagnie affirme qu'elle a besoin de ces lignes d'apport. Je n'en suis pas convaincu. C'était nécessaire quand Air Canada et Canadian se livraient un duel sans merci. Mais pourquoi ne pas se contenter de servir les grands marchés et laisser des compagnies régionales indépendantes s'occuper du reste, dans le cadre d'accords intercompagnies?

Le sénateur Meighen: Si M. Milton laisse entendre qu'il pourrait vendre les compagnies régionales, comme vous l'avez dit tout à l'heure, c'est peut-être qu'il commence à se rendre à votre avis.

M. Collenette: Quand j'ai dit «laisse entendre», j'aurais dû dire qu'il a dit cela publiquement.

Le sénateur Meighen: Vous avez dit que c'était dans les journaux.

Que répondriez-vous à quelqu'un qui est convaincu que si ce projet de loi est adopté, le Commissaire à la concurrence deviendra le seul juge de la concurrence et présidera à la répartition des parts de marché?

Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous avez dit que vous aimeriez bien qu'Air Canada finisse par avoir une part du marché de 50 ou 55 p. 100. Qui nous dit que le commissaire sera de cet avis? Je me rends compte qu'il n'est pas chargé par la loi de faire l'attribution des parts de marché; mais ne convenez-vous pas que cela pourrait effectivement être le cas? Le commissaire pourrait penser que 55 p. 100, ce n'est pas assez, ou que c'est trop.

M. Collenette: Sénateur, il outrepasserait ses pouvoirs s'il prenait des mesures simplement parce qu'il a une idée préconçue de ce que doivent être les parts de marché.

Son seul recours pour utiliser ce pouvoir, c'est d'examiner les faits pour déterminer s'il y a, à première vue, des pratiques abusives et si les faits démontrent qu'un transporteur dominant utilise sa capacité ou fixe des prix inférieurs au prix de revient pour ruiner la concurrence.

Si le commissaire essayait de devenir un «répartiteur des parts de marché», comme vous l'avez dit, le tribunal annulerait ses décisions. Je dirais que sa crédibilité serait alors ébranlée.

Le sénateur Meighen: J'espère que vous avez raison. Les pouvoirs que vous donnez au commissaire pourraient être utilisés, délibérément ou inconsciemment, pour répartir arbitrairement les parts de marché. Cependant, vous avez peut- être raison de dire que les contraintes judiciaires seront telles que cela n'arrivera pas.

Craignez-vous le moindrement que la concurrence au niveau régional soit limitée par cette loi? Si Air Canada n'était plus présente sur ce marché, si l'on y trouvait dorénavant seulement les Lignes aériennes ABC, celles-ci ne feraient pas nécessairement payer moins cher que les tarifs actuels.

M. Collenette: C'est toujours le danger. Toutefois, la concurrence a plus de chances de se manifester avec des petites entités dans des petits marchés que dans la famille régionale d'Air Canada, chez un petit exploitant comme Eastern Provincial Airways que chez Air Nova.

Nous avons une bonne concurrence dans le Nord. Il y a seulement First Air et Air North, mais aussi beaucoup de petits transporteurs, dont certains n'ont que quelques avions, et qui offrent des prix concurrentiels.

Franchement, les grands problèmes en matière de concurrence se sont posés en Ontario, au Québec et dans l'Atlantique. Il y a de la concurrence dans l'Ouest.

J'ignore quelle est la part de marché d'Air Canada dans l'Ouest, mais je soupçonne qu'elle doit être à peu près à égalité avec celle de WestJet. Pour certaines destinations, ils sont probablement en position de faiblesse.

Vous avez dit que s'il se retirait, Bearskin exploiterait le marché à mort, mais quelqu'un d'autre viendra offrir un produit plus concurrentiel et nous aurons une foule de petits transporteurs.

Le sénateur Meighen: Combien de transporteurs avons-nous?

M. Collenette: Il y a entre 600 et 800 transporteurs.

Le sénateur Meighen: Ce ne sera pas Air Canada, n'est-ce pas? Le commissaire lui interdirait de le faire.

M. Collenette: Non, non.

Le sénateur Meighen: Il dirait qu'il y a pratique de prix d'éviction, si Air Canada commençait à vouloir revenir.

M. Collenette: Pas nécessairement. Le problème d'Air Canada, dans tous ces petits marchés, c'est qu'elle a des employés syndiqués fort bien payés, une structure de coûts fixes élevée et de gros avions. Si elle se retire de certains petits marchés, quelqu'un d'autre viendra offrir un service avec un Beechcraft, un appareil de 19 places ou quelque chose du genre. Les employés pourraient être non syndiqués, les coûts fixes moins élevés, et les tarifs seraient plus bas.

Le sénateur Meighen: Vous faut-il négocier pour l'obtention des créneaux qui appartiennent aux compagnies aériennes, afin d'ouvrir le marché?

M. Collenette: Les compagnies aériennes ne possèdent pas de créneaux dans notre pays; ceux-ci leurs sont attribués par le ministre des Transports, aux termes de la Loi sur l'aéronautique. Nous renforçons ce pouvoir dans le projet de loi C-42. Les créneaux posent un problème seulement à Pearson, où le mécanisme d'attribution des créneaux est financé par toutes les compagnies aériennes, y compris les transporteurs étrangers. Un expert-conseil de Calgary attribue les créneaux et il n'y a jamais de problème.

Le sénateur Meighen: Il n'y a pas de problème à l'Aéroport du centre-ville de Toronto?

M. Collenette: Il n'y a absolument pas de problème à l'Aéroport du centre-ville de Toronto, et il n'y a pas de problème non plus à Pearson, même pour les créneaux de pointe. Nous n'avons pas vraiment un problème de créneaux dans notre pays, ce n'est pas comme à New York ou à Heathrows.

Le sénateur Oliver: Monsieur le ministre, dans votre document, j'ai été étonné que vous ayez choisi de dire que nous avons dans ce projet de loi une politique conçue spécifiquement pour un secteur ou une compagnie ou une compagnie aérienne, et que d'autres pays en font autant. Vous avez dit dans votre document que ce pouvoir n'est pas particulier au Canada, que cela existe dans l'Union européenne.

Êtes-vous au courant qu'en Australie, où une compagnie aérienne a fait faillite, le chef du Bureau de la concurrence, le professeur Fells, a critiqué la méthode du Canada et a dit qu'il ne suivra pas ce modèle?

M. Collenette: Je ne suis pas au courant de cela précisément, mais franchement, le marché australien n'est pas un parangon de vertu.

On ne peut pas comparer le marché australien et le marché canadien. L'Australie n'a pas comme voisin le pays le plus riche du monde, où il y a littéralement des milliers d'avions. La situation n'est pas comparable.

Le sénateur Oliver: Le professeur Fells a dit que c'est une mauvaise politique publique que d'essayer de réglementer une industrie aérienne au moyen d'une loi cadre.

M. Collenette: Si vous êtes d'accord avec cela, ce que vous dites en fait au gouvernement, c'est ceci: «Nous voulons que vous réglementiez l'industrie».

Le sénateur Oliver: Non. Nous aimerions que vous mettiez au point un cadre en vue d'une politique du secteur aérien au Canada et que vous présentiez une nouvelle loi mettant cela en pratique, et que vous laissiez la politique de la concurrence s'occuper de la concurrence.

M. Collenette: Sénateur, c'est ce que nous avons fait avec le projet de loi C-26. Il a été adopté à l'unanimité à la Chambre des communes. Il n'y avait aucune dissension parmi les cinq partis. Il a été adopté l'unanimité au Sénat. Il y avait l'appendice que je vous ai lu et qui renforçait en fait nos préoccupations relativement au projet de loi C-26.

Je m'inquiète un peu quand j'entends dire que nous n'avons pas de politique du secteur aérien. Les engagements que le commissaire a négociés avec Air Canada, tels qu'inscrits dans le projet de loi C-26, les modifications à l'OCT à propos des prix sur les routes monopolistiques et les pratiques d'éviction, tout cela représente une politique gouvernementale. Si vous laissez tomber tout cela pour tenter d'avoir une concurrence telle que prévue par la Loi sur la concurrence, vous vous retrouverez avec un seul transporteur potentiellement dominant et cela aura, en fin de compte, un effet sur les prix. Le seul moyen de contourner cela, c'est de reréglementer Air Canada.

Pouvons-nous forcer Air Canada à se scinder? Je ne suis pas certain que les actionnaires seraient contents. Nous pouvons recommencer à réglementer la compagnie, mais cela soulèvera tout un tollé et il y aura beaucoup de contestations devant les tribunaux. Que pouvons-nous faire d'autre?

Je fais l'objet de beaucoup de critiques, tout comme le gouvernement, et je m'en fiche. Je suis payé pour cela. Cependant, si les gens n'aiment pas la politique du gouvernement, qui a été appuyée par la Chambre et le Sénat dans le projet de loi C-26, dites-nous ce que nous pourrions faire d'autre. Nous avons exploré certaines possibilités aujourd'hui.

Le sénateur Oliver: Le rapport de Debra Ward, intitulé «L'impact de la restructuration du secteur aérien: Troisième rapport provisoire», a passé en revue toutes les options que vous avez discuté, comme la possibilité de reprendre la réglementation. Elle n'est pas parvenue à trouver des réponses ou des solutions et elle suggère que ce qu'il faut, c'est une nouvelle approche, une nouvelle vision et une nouvelle politique. Que recommanderiez-vous?

M. Collenette: Qu'est-ce que cela veut dire, «une nouvelle vision»? C'est facile à dire.

Le président: Vous avez qualifié Air Canada de «géant aux pieds d'argile». C'est évidemment le cas. Craignez-vous que le stress que pourrait lui imposer ce projet de loi ou le point de vue du gouvernement pourrait provoquer l'effondrement de la compagnie? Si la compagnie s'effondre, il me semble que ce serait le chaos. Ne devrions-nous pas faire attention?

M. Collenette: Je pense que le défi d'Air Canada — et M. Milton est en train de le relever à bien des égards — c'est de réorganiser la compagnie, de réduire ses coûts, de réduire sa capacité et d'en arriver à une meilleure utilisation des places disponibles. Tout cela rendra la compagnie plus compétitive.

Après le 11 septembre, il a demandé 4 milliards de dollars pour renflouer la compagnie, mais récemment, il a dit qu'elle pourrait faire ses frais cette année. C'est en partie en raison de la reprise du marché et en partie le fait qu'Air Canada est en train de resserrer ses coûts. Si cela continue, alors je peux supposer que la compagnie sera capable de s'attaquer à son épouvantable problème d'endettement.

Air Canada, comme compagnie aérienne, existera toujours. Il peut y avoir des pressions financières qui forceront une réorganisation à un moment donné. Je ne suis pas certain que nous en soyons là et je ne dis pas que nous atteindrons ce point. Air Canada est une trop grosse compagnie pour ne pas survivre sous une forme ou sous une autre. Est-elle trop grosse pour faire faillite? Non. C'est le défi que la direction doit relever en ce moment même, en réduisant les coûts et en essayant de conclure de nouveaux arrangements avec les travailleurs. C'est la même chose que dans n'importe quelle entreprise.

Je ne pense pas que les Canadiens doivent s'inquiéter au sujet de l'avenir d'Air Canada. La compagnie continuera d'exister sous une forme ou sous une autre, et je dirais qu'elle aura une présence notable. Le gouvernement veut s'assurer qu'Air Canada ait de la concurrence. Elle a de la concurrence dans la moitié ouest du pays et dans certains marchés dans l'Est. Il y a une autre partie du pays où nous avons besoin de concurrence et c'est pourquoi nous revenons à la charge avec ces amendements.

Le président: Je vous remercie pour votre contribution. Elle a été éclairante.

La séance est levée.


Haut de page