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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de la
Défense et de la sécurité

Fascicule 1 - Témoignages du 18 juillet 2001 (séance du matin)


OTTAWA, le mercredi 18 juillet 2001

Le Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité se réunit aujourd'hui à 8 h 45 pour faire une étude préliminaire des principales questions de défense et de sécurité qui touchent le Canada, en vue de la préparation d'un plan de travail détaillé pour des études plus poussées.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je déclare donc ouverte la première séance du Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité. Que vous nous regardiez à la télévision ou que vous suiviez nos travaux sur Internet, nous vous souhaitons la bienvenue au comité. Je m'appelle Colin Kenny. Je suis sénateur libéral de l'Ontario et c'est moi qui préside la réunion d'aujourd'hui. À ma gauche se trouve un sénateur distingué de la Nouvelle-Écosse, Michael Forrestall. Le sénateur Forrestall est un conservateur et occupe le poste de vice-président du comité. À mon extrême droite se trouve le sénateur Lucie Pépin du Québec; à ses côtés se trouve le sénateur Cordy de la Nouvelle-Écosse; à mon extrême gauche est le sénateur Atkins, un conservateur de l'Ontario; à côté de lui se trouve le sénateur Wiebe, un libéral de la Saskatchewan; et à côté du sénateur Wiebe, nous avons le sénateur Banks, un libéral de l'Alberta. D'autres sénateurs se joindront à nous sous peu.

Notre comité est le premier comité sénatorial permanent à recevoir le mandat d'examiner les questions de la sécurité et de la défense. Aujourd'hui, nous lançons notre étude préliminaire des principales questions de défense et de sécurité qui touchent le Canada, en vue de la préparation d'un plan de travail détaillé pour des études plus poussées. Nous avons donc l'intention de consacrer l'été et l'automne à cette étude préliminaire, de manière à faire rapport au Sénat en février.

Nous avons prévu aujourd'hui certaines séances d'une heure, qui seront constituées d'un exposé de 15 minutes suivi de 45 minutes de questions et de réponses, et certaines séances d'une heure et demie, qui seront constituées d'un exposé de 30 minutes, suivi de 60 minutes de questions et de réponses.

Notre premier témoin aujourd'hui est M. Daniel Bon, qui est entré au ministère de la Défense nationale en 1987 et qui a une expérience considérable de la politique de défense dans les secteurs public et privé. Il a travaillé pour le Centre pour les études stratégiques et internationales de Washington, le Conference Board du Canada et le Centre parlementaire pour les affaires étrangères et le commerce extérieur. La Division de la conception de la politique de défense, dont il est le directeur général, comprend trois directions respectivement chargées de l'Élaboration de la politique de défense, de l'Analyse stratégique, et de la Politique sur la maîtrise des armements et de la prolifération. Ce matin, M. Bon nous donnera un aperçu général de la politique de défense, notamment par rapport au livre blanc sur la défense de 1994.

Bienvenue, monsieur Bon. Avant que vous ne commenciez, je me dois de vous parler d'une question technique qui concerne l'arrivée des documents préparatoires. Le greffier du comité vous les a demandés le 13 juin, et a précisé qu'il faudrait que nous les recevions dans trois semaines au maximum pour que nous soyons en mesure de nous préparer et de les distribuer aux membres du comité. Le fait est que nous ne les avions reçus que la semaine d'après, de sorte que notre travail préparatoire a été compromis. À l'avenir, nous vous saurions donc grés de bien vouloir nous envoyer les documents préparatoires au moment prévu.

M. Daniel Bon, directeur général, Planification des politiques, sous-ministre adjoint, Politiques, ministère de la Défense nationale: Monsieur le président, je tiens à présenter mes excuses pour le retard que nous avons accusé dans l'envoi des documents préparatoires. Nous essaierons de faire mieux la prochaine fois.

Le président: Merci beaucoup. Vous avez la parole, monsieur Bon.

M. Bon: Monsieur le président, j'avoue que je trouve un peu intimidant d'être le premier témoin devant le comité, mais j'essaierai de faire de mon mieux.

[Français]

Je me présente devant vous aujourd'hui avec d'autant plus de plaisir que j'ai eu l'honneur de travailler de très près avec vos prédécesseurs au comité Lafond, de 1983 à 1987. Cette période reste à bien des égards la plus satisfaisante de ma vie professionnelle.

Je suis venu vous parler du livre blanc de 1994 sur la Défense, c'est-à-dire la politique actuelle. Je n'entrerai pas dans les détails puisque le temps qui m'est alloué ne me le permet pas. Au moins quatre membres de votre comité ont participé aux travaux du Comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes, qui a mené de larges consultations pour la préparation du livre blanc. Vous devriez tous avoir reçu depuis une quinzaine de jours l'abrégé de la politique de défense de 1994.

Je suis fier d'avoir contribué aux travaux du comité Lafond. Je ne le suis pas moins du livre blanc de 1994. Je vous rappelle premièrement que ce livre blanc est issu directement de la fin de la Guerre froide et du profond déficit fédéral des années 1980 et 1990.

Il a été publié à une époque où, du fait d'un déficit fédéral colossal, tous les budgets de l'État étaient en sévère régression. Force fut donc de trouver le moyen de juguler au maximum les dépenses militaires tout en préservant l'essentiel de notre potentiel de défense. Cela signifiait des réductions de personnel, une rigueur accrue dans l'analyse des besoins d'équipement et de matériel et le plus grand pragmatisme dans la recherche de façons de faire mieux réfléchies et plus efficaces.

La fin de la Guerre froide se traduisait au Canada par la disparition de toute menace militaire directe. Malheureusement, tous les pays n'avaient pas cette chance, et le monde restait un endroit aussi dangereux qu'imprévisible. Un nombre important de pays et de régions étaient toujours en proie à des conflits qui, parfois, semblaient ne jamais devoir se régler. Cependant, les risques de voir éclater une guerre mondiale ou s'affronter de grandes puissances semblaient infimes. Cette situation internationale prévaut encore aujourd'hui. En fait, la probabilité que de tels conflits n'éclatent en 2001 est sans doute encore moindre qu'en 1994.

C'est dans ce contexte que les trois grandes missions des forces canadiennes ont été définies. Premièrement, la défense et la protection du Canada, du sauvetage au contrôle du territoire national et de ses abords, y compris, au besoin, par des interventions armées. Deuxièmement, la défense du continent nord-américain aux côtés des États-Unis, en mer, sur terre et dans les airs. Troisièmement, la contribution à la sécurité internationale par notre participation aux opérations de paix de l'ONU, de l'OTAN ou de coalitions de pays partageant nos valeurs; par l'élargissement des contacts bilatéraux en matière de défense, avec l'Asie et les Amériques notamment; par la vérification des mesures d'application des accords de contrôle des armements; par nos opérations de secours humanitaire ou encore par le biais de notre Programme d'assistance à la formation militaire.

[Traduction]

Ce qui change beaucoup par rapport à la situation précédente, c'est que la fin de la guerre froide a permis aux auteurs du livre blanc de 1994 de tirer une conclusion bien logique, à savoir que nous n'étions plus obligés d'organiser les missions multilatérales comme si elles comprenaient deux missions bien précises.

D'une part, les missions de l'OTAN étaient fort intensives; d'autre part, l'ONU et d'autres opérations de soutien de la paix étaient beaucoup moins intensives. Ainsi nous avons compris que nos forces pouvaient être polyvalentes, c'est-à-dire que les mêmes forces pouvaient jouer deux ou trois rôles différents et remplir l'ensemble des missions prévues dans la nouvelle politique.

Deux ans auparavant, l'énoncé du ministère de la Défense de 1992 avait confirmé le retrait de nos troupes de l'Allemagne. Le livre blanc de 1994 allait encore plus loin. Il demandait en effet qu'on procède à une opération vérité au sein de l'OTAN. Étant donné qu'il ne restait plus rien de l'Union soviétique et aucune menace importante ne pesait sur nous, nous devrions à l'avenir nous concentrer sur les opérations de maintien de la paix. Par rapport aux conflits auxquels nous pourrions être confrontés dans un avenir prévisible, nous risquons, dans le pire des cas, de faire face à un conflit de l'ampleur de la guerre de Corée des années 1950 - c'est-à-dire, un conflit de grande intensité sans être une guerre mondiale totale comme celle qui risquait de nous engloutir pendant la guerre froide. Ainsi le livre blanc demandait que le Canada se dote de forces maritimes, terrestres et aériennes aptes au combat qui soient en mesure de se battre aux «côtés des meilleurs, contre les meilleurs.»

Ces forces seraient structurées de manière à ce que le Canada puisse déployer des forces d'intervention comprenant un détachement de l'avant-garde de 4 000 membres (tous éléments confondus) prêt à être déployé en trois semaines, et qui puisse rester sur place indéfiniment dans un environnement à faibles risques. En cas de crise grave, cette force jouerait le rôle de groupe de réaction rapide dans le cadre d'une opération de plus grande envergure menée par ce que nous avons appelé la force d'intervention principale qui serait prête à être déployée dans un délai de trois mois, et qui comprendrait un maximum de 10 000 membres, tous éléments confondus, y compris le groupe de l'avant-garde de 4 000 dont je vous ai déjà parlé. Mais à la différence du groupe de l'avant-garde, cette force plus importante ne pourrait être maintenue en permanence - du moins sans qu'il y ait un certain degré de mobilisation.

Ces forces d'intervention font l'objet d'une description précise dans la section du livre blanc qui traite des opérations des Nations Unies. Ayant consulté notre boule de cristal, nous avons conclu que même s'il nous faudrait peut-être participer de temps en temps à une guerre de petite envergure, dans l'après-guerre froide, nous serions surtout appelés à participer à des opérations de soutien de la paix. Malgré ce que disaient les critiques de la politique de défense canadienne, cela ne signifiait aucunement que nous abandonnions l'OTAN, et encore moins l'Europe.

D'abord, comme vous vous en souviendrez certainement, nous n'avions pas du tout quitté l'Europe en 1994; en fait, nous y sommes toujours présents. En 1994, nous assurions une forte présence dans les Balkans. De plus, nous avons continué - comme c'est encore le cas aujourd'hui - à respecter l'ensemble de nos engagements envers l'OTAN en temps de paix.

Le livre blanc de 1994 a également précisé que face à une crise ou une guerre, le Canada mettrait l'ensemble de ses forces d'intervention à la disposition de l'OTAN; nous nous sommes même engagés à mobiliser d'autres ressources nationales, si cela se révélait nécessaire. Malgré tout, le livre blanc ne prévoyait rien de plus qu'une éventuelle mobilisation, car ni notre interprétation de la situation internationale, ni celle de nos alliés nous permettaient de croire qu'un conflit important nécessitant une certaine mobilisation surgirait sans que nous en soyons prévenus longtemps à l'avance.

En ce qui concerne donc le livre blanc de 1994, les grandes priorités étaient la frugalité, l'abordabilité, les économies et des opérations organisées de façon plus intelligente et plus efficace. Les changements apportés à la structure de nos forces devaient permettre de maximiser le rendement de l'investissement des contribuables, notamment en réduisant la «queue» ou l'arrière-garde - c'est-à-dire l'administration dans les bases et le personnel de soutien - tout en renforçant l'avant-garde, c'est-à-dire les unités opérationnelles.

En effet, des réductions au quartier général, la restructuration des trois éléments et la réduction des réserves que recommandait le livre blanc de 1994 devaient justement permettre d'ajouter quelque 3 000 troupes aux forces de campagne de l'armée.

Il était également prévu que d'autres gains en efficience permettent de réaliser des économies. Par exemple, le personnel et les ressources du quartier général devaient être réduits d'un tiers; l'infrastructure devait également se rétrécir; notre politique d'approvisionnement s'appuierait sur de meilleures pratiques commerciales; et le MDN et les forces établiraient des partenariats avec le secteur privé en vue d'une diversification des modes de prestation des services, lorsqu'une telle solution semblait logique.

De plus, le programme des immobilisations devait être restructuré. Les forces seraient ainsi équipées de façon appropriée, sans plus; c'est-à-dire que leur capacité militaire ne serait pas aussi étendue qu'elle pourrait l'être, mais les forces seraient à même d'apporter une véritable contribution à un vaste éventail d'opérations au Canada et à l'étranger. De nouveaux équipements seraient prévus uniquement lorsque ces derniers seraient jugés essentiels au maintien des capacités de base des forces. De plus, les nouveaux équipements devraient convenir pour une gamme aussi complète que possible d'activités de défense. Par ailleurs, on chercherait à étendre la durée de vie utile des équipements lorsqu'une telle solution semblait à la fois économique et prudente.

Dans le livre blanc, il a été question de seulement quatre grands programmes d'acquisition d'équipements. Il s'agissait des véhicules blindés de transport de troupes, d'hélicoptères de recherche et de sauvetage, de sous-marins - peut-être - et d'hélicoptères embarqués, comme le sénateur Forrestall le sait très bien.

Il y a également eu d'autres acquisitions, mais je vais vous épargner toute la liste des éléments concernés.

Je prévois déjà la question que vous pourriez être tentés de poser: Les Forces canadiennes sont-elles à présent plus aptes au combat? Eh bien, je ne suis pas militaire, mais je me rappelle de ce qui était à notre disposition au moment de la guerre du Golfe. Ainsi je n'hésite aucunement à m'associer aux remarques du général Baril et du général Hénault à ce sujet - c'est-à-dire qu'à quelques exceptions près, les Forces canadiennes sont à présent beaucoup plus aptes au combat qu'elles ne l'étaient il y a à peine 10 ans.

Je vous ai dit plus tôt que j'étais assez fier du livre blanc de 1994, et c'est en partie du fait qu'au cours des six dernières années et demie, notre politique de défense s'est révélée souple et adaptable aux circonstances. Et le fait est que les circonstances ont évolué. D'abord, le gouvernement a augmenté de façon assez importante le budget de la défense dans chacune des trois dernières années. Le budget de 2000 prévoyait un apport de 2,3 milliards de dollars sur quatre ans. En mars 2001, le gouvernement a voté un apport supplémentaire de 624 millions de dollars. Ainsi les dépenses totales de l'année dernière ont atteint 11,8 milliards de dollars. Établi à 11,4 milliards de dollars, le budget de cette année était donc plus important, par rapport au budget initial de 1998-1999, de 2 milliards de dollars, et avec un peu de chance, il ne finira pas l'année à ce niveau.

Notre politique de défense a également évolué par rapport à certains éléments bien précis, et dont le meilleur exemple serait peut-être un document préparé par le ministère il y a deux ans en vue d'établir une corrélation appropriée entre notre politique de défense et le programme de défense. Ici je fais allusion à la Stratégie 2020, dont vous entendrez certainement parler encore de la part de mes collègues militaires.

La Stratégie 2020 allait jusqu'au bout de la logique du livre blanc. Par exemple, elle insistait sur la révolution qui transformait les activités militaires et la nécessité de prévoir une bonne interopérabilité de nos forces et de celles de nos alliés, et notamment les États-Unis. Elle prenait appui sur la notion énoncée dans le livre blanc de 1994 qui consistait à s'assurer que nos forces soient capables de se battre aux côtés des meilleurs, contre les meilleurs.

La Stratégie 2020 insistait également sur la nécessité d'améliorer notre capacité de ravitaillement par mer et par pont aérien. De même, notre récent rapport au Parlement sur nos plans et priorités a mis en lumière plusieurs autres nouvelles orientations, et notamment la nécessité pour les forces d'être à même de faire face aux menaces asymétriques et le risque grandissant de l'affaiblissement de notre infrastructure essentielle.

Où en sommes-nous aujourd'hui en ce qui concerne notre politique de défense? Les circonstances et les détails ont peut-être changé dans certains cas, mais il nous semble que le cadre fondamental de la politique de défense de 1994 est toujours aussi solide. Les principes de base qui le sous-tendent demeurent valables. D'ailleurs, les récentes déclarations de principe de plusieurs de nos alliés ont contribué à prouver leur validité.

Par ailleurs, au cours des 79 mois qui se sont écoulés depuis 1994, les rôles joués par les Forces canadiennes, de même que leur structure, ont été validés à maintes reprises. Il nous faut des forces polyvalentes aptes au combat. Et bien qu'ils soient importants, les changements que nous avons notés au plan de l'environnement de la défense ne sont pas de la même ampleur. Ils apportent certainement des nuances à notre vue d'ensemble, mais ils ne la changent pas de façon fondamentale.

Le sénateur Forrestall: Je suis particulièrement content de constater que le travail de plusieurs sénateurs - dont notamment notre président actuel - ait pu donner lieu à la création de ce comité. Nous-mêmes n'avons pas encore tout à fait défini le mandat qu'on nous a confié, mais nous y parviendrons, et ce en bonne partie grâce aux informations que nous recevrons au cours des prochaines jours et mois. J'imagine que ce comité continuera d'exister pendant longtemps. Et je suis très fier d'en faire partie.

Monsieur Bon et pour éviter tout éventuel malentendu, je m'empresse de préciser que M. Bon et moi nous connaissons depuis longtemps mais non pas par rapport aux questions de défense - auriez-vous l'amabilité de déposer devant le comité les documents qui vous ont permis d'affirmer que les Forces armées canadiennes sont à présent «plus aptes au combat maintenant qu'elles ne l'étaient il y a 10 ans». D'abord, il me semble qu'il y a 10 ans, nous avions une brigade en Allemagne qui n'existe plus malheureusement. Pourriez-vous donc nous déposer ces documents?

Ma première question est un peu plus vaste et générale. Le livre blanc de 1994 nous engageait à maintenir une force apte au combat - c'est-à-dire une structure qui serait plus à même de réagir à la perception qu'aurait le Canada de ses propres besoins en matière de sécurité ainsi qu'aux demandes de groupes externes avec qui nous travaillons. Les exemples qui me viennent immédiatement à l'esprit sont ceux de l'OTAN et du NORAD. Ces deux exemples suffisent pour souligner mon argument. C'est donc sans véritable débat - en tout cas, il n'y a certainement pas eu de débat général ni dans les milieux universitaires, ni dans les journaux. Les associations de défense exprimaient, il est vrai, des préoccupations grandissantes à cet égard, mais il n'y a jamais eu de débat public général sur la question qui aurait pu entraîner un changement de politique par rapport à la position adoptée dans le livre blanc de 1994.

Nous nous sommes donc bien éloignés de ce noble objectif, alors qu'à mon avis, les Forces canadiennes et le gouvernement le soutenaient vivement. On estimait que tel était le rôle que le Canada devrait jouer, étant donné la situation dans le monde et la nature de la participation canadienne. À l'heure actuelle - et c'est ce que j'ai toujours craint - nous avons une force policière paramilitaire; si je ne m'abuse, c'est ce qu'on appelle une force «constabulaire».

Comment se fait-il qu'une nation désirant jouer son rôle soit passée de la position énoncée en 1994 à celle d'aujourd'hui? Je vous invite, monsieur Bon, à répondre à cette question. Comment en sommes-nous arrivés là?

M. Bon: À mon avis, il n'y a pas eu de changement de politique depuis 1994. Que je sache, personne au quartier général de la Défense nationale ni au sein de l'OTAN ou du NORAD ne partagerait nécessairement l'opinion que vous venez d'émettre. L'ancien et l'actuel chefs d'état-major de la Défense ont tous les deux déclaré en public que les Forces armées canadiennes ont une plus forte capacité maintenant que ce n'était le cas il y a une dizaine d'années.

En passant, je précise que les propos que j'ai cités étaient ceux du général Hénault. À mon sens, la campagne que nous avons menée au Kosovo, de même que les opérations que nous entreprenons en collaboration avec des groupes américains de porte-avions, par exemple, indiquent bien que nous avons des possibilités de défense considérables, qui s'appuient sur des ressources reconnues et modernes qui nous permettent d'appliquer la politique définie en 1994.

Le sénateur Forrestall: Permettez-moi de vous citer un extrait d'un document préparé à l'intention de la Fédération des Instituts militaires et interarmées du Canada. Je me permets de paraphraser leur analyse des éléments du livre blanc, qui aura bientôt sept ans, auxquels on n'a toujours pas donné suite. C'est assez troublant.

Par exemple, le projet de révision et de modernisation des navires de la classe Tribal appelé le programme TRUMP, ne s'est jamais concrétisé. J'ai juré de ne pas faire mention des hélicoptères Sea King, mais le fait est qu'ils n'ont toujours pas été remplacés. Nous n'avons encore rien vu du côté de... en fait, on ne pourra plus parler d'une conversion de mi-durée par rapport au programme Aurora. À l'heure actuelle, on procède à une petite mise au point chaque fois qu'on peut se permettre de garder quelques avions dans les hangars suffisamment longtemps pour faire faire des travaux de réparation. Et même s'il y a de temps à autre des manifestations d'intérêt qui viennent ranimer nos inquiétudes, rien n'a encore été annoncé concernant les véhicules de soutien polyvalents. L'armée a reçu trois bataillons légers mais a perdu le régiment aéroporté, qui constituait en réalité sa seule ressource rapide. Elle va maintenant perdre jusqu'à une compagnie par unité de combat et d'autres ressources seront mises hors service. Les trois groupes-brigades du Canada manquent tellement de personnel, ne comptant plus que 4 500 soldats, plutôt que 6 000, que chaque groupe se voit obligé d'emprunter du personnel aux autres afin de maintenir un calendrier de roulement adéquat. La liste est longue; je pourrais continuer à citer des exemples. Nous avons aussi perdu nos avions de ravitaillement en vol. Il n'a pas été question de remplacer le char de combat principal Leopard; un projet a été mis en place pour le VBC, mais ce n'est pas tout à fait la même chose, à mon avis. Quoi qu'il en soit, tout cela continue malgré les inquiétudes grandissantes des gens comme moi pour quoi ces activités suscitent de l'intérêt mais surtout du souci.

À présent, notre seul lien avec l'extérieur, à part nos gardiens de la paix, c'est notre marine. Il ne nous reste plus rien. Il n'y a plus d'opérations. Il n'y a plus rien qui nous permet de soutenir les positions adoptées précédemment. Officiellement, ces positions-là n'ont pas changé; elles sont encore inscrites dans des documents. Le livre blanc de 1994 n'a été aucunement changé. C'est sans doute ça le problème. Une politique de laisser-faire a permis à un énorme cancer d'attaquer nos ressources militaires et de s'y développer. C'est une réalité que je trouve fort troublante.

Comment pouvez-vous dire que nos possibilités de défense n'ont pas diminué? Vous affirmez même qu'elles se sont accrues dans l'intérim, alors qu'il y a à peine six ans, nous devions justement faire toutes ces choses-là pour nous assurer que le Canada maintiendrait sa capacité sur le plan de la défense. Monsieur Bon, il s'est produit quelque chose. Qu'est-il arrivé?

M. Bon: Sénateur, de toute évidence, votre interprétation des faits ne cadre pas avec la nôtre. Le document auquel vous avez fait allusion et d'autres encore voyaient des fois dans le livre blanc des éléments qui ne s'y trouvaient pas en réalité.

Par exemple, vous avez parlé du programme TRUMP. Si je ne me trompe, dans le cadre de ce programme, les navires en question ont subi des travaux de modernisation de mi-vie, mais il n'est dit nulle part dans le livre blanc, à mon avis, que ces navires seront remplacés. Vous n'y trouverez pas non plus la moindre mention des navires de ravitaillement. Il a seulement été question dans le livre blanc de remplacer les pétroliers ravitailleurs d'escadres qui sont encore en service.

Mais vous devrez parler avec certains de mes collègues militaires - et notamment, le commodore McNeil - de certains autres détails en ce qui concerne notamment le programme Aurora que vous avez mentionné. Il n'a pas été question dans le livre blanc de remplacer le char de combat principal. Il a seulement été question d'un véhicule de combat blindé. Certaines des études dont vous parlez ont certainement été menées par des gens qui n'ont que de bonnes intentions en ce qui concerne les Forces armées canadiennes, mais leur approche est peut-être encore trop ancrée dans le passé et surtout dans l'esprit de la guerre froide.

Ce que nous avons constaté par rapport au char de combat principal, par exemple, c'est que si ce genre de véhicule est gros, lent et lourd, il est également très vulnérable. De même, les opérations auxquelles nous serons sans doute appelés à participer à l'avenir n'exigent pas le même genre d'équipement qui était nécessaire dans d'autres situations.

Bon nombre de vos propos rappellent ce que d'autres ex-officiers militaires ont dit. Par conséquent, vous voudrez sans doute en discuter avec nos officiers qui sont actuellement en poste.

Le sénateur Forrestall: Monsieur Bon, c'est vous qui êtes directeur de la Planification des politiques. J'aurais osé espérer que vous seriez en mesure de nous indiquer pourquoi vous estimez que notre capacité militaire est plus importante aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a six ans et demi. Je ne vais pas répéter ce que d'autres ont dit à cet égard.

Je lis beaucoup ce qui s'écrit au sujet de la défense et j'écoute tranquillement dans mon coin. Vous et moi sommes tout à fait en désaccord, non pas sur ce qui devrait être la situation du Canada à l'heure actuelle, mais sur ce qui a contribué à créer notre situation actuelle, par rapport à celle à laquelle nous semblions aspirer il y a à peine quelques années.

En toute sincérité, monsieur Bon, je trouve que c'est tout à fait inadmissible, que ce soit une question d'intervention gouvernementale ou de fonds insuffisants. Ces raisons peuvent être valables; dites-moi simplement quelles sont ces raisons. Je suis tout à fait capable d'écouter vos arguments. Mais ne vous contentez pas de me donner des réponses évasives, parce que c'est une perte de temps.

Le président: Monsieur Bon, aimeriez-vous réagir?

M. Bon: Non, monsieur le président.

[Français]

Le sénateur Pépin: Quelles seraient les conséquences pour le Canada de participer ou non au système de défense antimissiles que M. Bush souhaite ardemment mettre en place? Quelle serait la collaboration entre les deux pays?

M. Bon: La décision de participer ou non est loin d'être prise. Il faut examiner les conséquences sur un plan assez large, c'est-à-dire qu'un système antimissiles peut avoir des conséquences pour l'équilibre international. Cela dépend de la façon dont le projet est abordé, par exemple s'il existe un accord entre les Russes et les Américains.

En ce qui concerne le Canada plus précisément, le fait de participer ou non pourrait surtout avoir des conséquences sur les relations entre les militaires et le ministère de la Défense nationale.

Si j'en crois ce qu'on a vu à l'époque du président Clinton, les Américains n'ont pas vraiment besoin du Canada, ni de son territoire, ni de ses capacités. Le projet Bush est très peu précis. Selon moi, les Américains peuvent très bien accepter que le Canada n'y participe pas. Toutefois, si le Canada faisait beaucoup de bruit autour de sa non-participation, cela serait beaucoup moins apprécié à Washington. C'est vraiment tout ce que je peux vous dire sur les conséquences possibles d'une décision lointaine.

Le sénateur Pépin: Vous nous avez parlé du livre blanc dans lequel il était question de la création d'une chaire d'étude de gestion de la défense. Est-ce que le projet a été réalisé et si oui, à quelle étape est-il rendu?

M. Bon: Le projet a été réalisé il y a assez longtemps. Un professeur occupe cette chaire à l'Université Queen's de Kingston.

Le sénateur Pépin: Vous avez dit que le gouvernement vous avait donné 2 milliards de dollars pour effectuer des améliorations. Est-ce qu'une partie de ce budget a été utilisée pour améliorer la qualité de vie des militaires et de leur famille?

M. Bon: Oui. L'initiative la plus remarquée a été celle qui portait sur les soldes des militaires qui ont été nettement améliorés. Il y a eu d'autres initiatives, en particulier dans le secteur de la santé et du logement. Je n'ai pas tous les détails, mais certains de mes collègues pourront vous en dire davantage.

Le sénateur Pépin: J'ai lu dans les journaux que les militaires étaient heureux d'avoir une augmentation de salaire, mais qu'ils subissaient une hausse dans presque tout, entre autres sur le coût de leur logement. Est-ce que c'était proportionnel?

M. Bon: Je n'ai pas les détails parce que je ne m'occupe pas de ce secteur. Ce que vous venez de décrire est une réalité que vivent tous les Canadiens, c'est-à-dire que parfois, leur augmentation de salaire ne paraît plus face à l'augmentation du coût de la vie.

En ce qui concerne le logement militaire, le but était de refléter une certaine réalité dans le prix des loyers. Je ne sais pas exactement quelle proportion de l'augmentation a pu disparaître. Je ne conteste pas qu'il y ait eu une érosion de ces pouvoirs d'achat supplémentaires par des augmentations de coûts.

[Traduction]

Le sénateur Banks: Si je me souviens bien du contenu du livre blanc, celui-ci indiquait que nous aurions trois brigades: une brigade centrale, en quelque sorte, qu'on pourrait déployer pour participer à des opérations, et deux autres brigades qu'il serait possible de mobiliser en peu de temps. Ai-je bonne mémoire?

M. Bon: Je ne suis pas sûr que le livre blanc ait précisé qu'il y aurait trois brigades, mais dans le contexte actuel, il existe effectivement trois brigades.

Le sénateur Banks: Et une brigade est composée de 4 000 ou 5 000 personnes?

M. Bon: Oui, environ.

Le sénateur Banks: Selon la nature de ses opérations.

Pour ce qui est de notre état de préparation, vous avez dit que les forces doivent être à même de se battre aux côtés des meilleurs, contre les meilleurs. Si nous avons l'intention d'entretenir une armée, il faut qu'elle soit en mesure de se battre. À l'heure actuelle, serions-nous en mesure de déployer une brigade relativement rapidement, soit au Canada, soit ailleurs?

M. Bon: Il faut voir votre question dans le contexte approprié. Le Canada n'a pas été obligé de déployer une brigade depuis la guerre de Corée. Et vu l'actuelle situation internationale, il est fort peu probable que le Canada ait à déployer une brigade. Dans le livre blanc, il a été question soit d'une brigade, soit de trois groupes-bataillons. Au cours des 15 dernières années environ, nous avons constaté que les déploiements de troupes se font à l'échelle d'un bataillon, et non pas d'une brigade. Dans l'éventualité où le Canada serait obligé de déployer une brigade, on peut supposer que nous ferions face à une situation dans le monde qui aurait effectivement créé une crise. Comme je l'ai dit dans mon exposé, l'ensemble des analyses du renseignement - la nôtre de même que celles de nos alliés - indique que si une crise de cette envergure devait surgir, nous aurions eu des avertissements longtemps à l'avance. Je ne doute donc aucunement que face à une telle situation, le Canada pourrait déployer sa brigade.

Le sénateur Banks: Pour faire suite à la question du sénateur Pépin, même s'il est clair que les Américains n'ont pas encore bien défini leurs projets en ce qui concerne le système de bouclier anti-missiles, j'ai entendu qu'ils ont réussi à détruire un missile avec un autre missile l'autre jour, donc cela semble être matériellement possible maintenant. En tant que directeur de la Planification, vous et vos collaborateurs ont dû réfléchir à cette question-là. Vous devez avoir des idées là-dessus. Quelle est votre réaction, en tenant compte de toutes les conditions que vous pourriez vouloir y rattacher et de toutes vos éventuelles réserves?

Si on nous demandait d'y participer ou de permettre l'exploitation d'un tel système sur le territoire canadien ou en collaboration avec les Forces armées canadiennes, quelle recommandation feriez-vous au gouvernement?

M. Bon: Parfois je me réveille le matin, je mets la radio, et je me dis que j'ai déjà entendu trop d'opinions sur la question.

D'ailleurs, je ne suis pas censé exprimer mes opinions personnelles. J'exprime mes opinions personnelles au sein du ministère, mais dans d'autres contextes, je me dois de présenter la position officielle.

En ce qui concerne le plan Bush, nous avons reçu jusqu'à présent très peu d'information sur ce que voudraient faire les Américains. Le fait qu'ils aient réussi à détruire un missile avec un missile le week-end dernier ne veut pas dire qu'une décision sur la question est imminente. Quand j'ai travaillé pour le sénateur Lafond en 1985, ils avaient déjà fait des essais dans le cadre desquels un missile avait neutralisé un autre missile. Un missile tiré depuis la Base des forces aériennes Vandenberg a été touché par un missile tiré depuis l'île Kwajalein - c'est-à-dire là-même où les essais les plus récents se sont déroulés. Aucune décision n'a été prise à l'époque. L'IDS a tout simplement disparu.

Il est difficile de prévoir ce qu'il arrivera. Pour l'instant, la recommandation que j'ai faite à mes supérieurs concernant le système de bouclier anti-missiles, c'est que nous attendions de recevoir plus d'information de la part des Américains.

Ils ont dit qu'ils nous consulteront. Nous sommes heureux de savoir qu'ils comptent nous consulter. Nous avons déjà participé à une réunion avec eux. Ils étaient loin d'avoir toutes les réponses aux questions que nous avons posées. Il nous faut absolument en savoir plus avant d'aller plus loin. Voilà donc ma recommandation pour l'instant.

Le sénateur Banks: Donc, vous n'en savez pas assez pour l'instant pour avoir une opinion sur la recommandation que vous feriez si on nous demandait de participer?

M. Bon: Non. Il y a eu tellement de changements par rapport au plan Clinton qu'il nous faut beaucoup plus d'information, beaucoup plus de temps de réflexion et beaucoup plus de précisions concernant les éventuelles répercussions internationales.

Le sénateur Wiebe: Monsieur Bon, je suis ravi de vous accueillir au comité ce matin. Je voudrais d'abord faire une remarque avant de poser mes questions.

Comme vous le savez, le Sénat n'a pas de comité de la défense depuis plusieurs années. Si ce comité a été mis sur pied, c'est parce que bon nombre de sénateurs constatent avec inquiétude que les Forces armées canadiennes ne sont plus ce qu'elles étaient. Que ce soit à cause de coupures budgétaires ou des décisions des responsables, nous craignons que le Canada et ses forces armées ne jouissent plus de la bonne réputation qui les caractérisait autrefois. J'espère que notre comité ne décidera pas de s'attarder aux erreurs du passé, et voudra plutôt examiner notre situation actuelle en vue de collaborer avec le ministère de la Défense nationale pour l'améliorer et s'assurer que le Canada dispose de forces armées exceptionnelles.

Ma première question porte sur les réservistes. J'ai remarqué que vous n'en avez pas du tout parlé. Quelle est la politique du ministère de la Défense nationale concernant les réservistes et la nécessité de conserver une force de réserve au sein de nos Forces armées canadiennes?

M. Bon: J'ai fait allusion aux réservistes une fois dans mon texte, mais l'allusion en question n'était pas nécessairement celle que vous auriez souhaitée. Le livre blanc de 1994 recommandait que nous réduisions le nombre de réservistes. En fait, cette décision a été modifiée par la suite. Le ministre Collenette a décidé à l'époque que nous devrions envisager de réduire de 30 000, au lieu de 23 000, comme le prévoyait le livre blanc, le nombre de réservistes. À part cela, les réservistes n'ont pas été mentionnés ailleurs dans mon exposé.

Le ministère de la Défense nationale n'a pas de politique sur les réservistes. Il s'agit plutôt d'une politique du gouvernement du Canada. Certains estiment que tout comme les Forces armées canadiennes actuelles, les réserves doivent également traduire la réalité d'aujourd'hui. Dans plusieurs secteurs, les forces régulières voudraient pouvoir faire appel aux réserves pour soutenir leur déploiement et pour atténuer certains des problèmes auxquels elles sont confrontées en situation de déploiement.

Une démarche existe. Le général Fitch vient d'être nommé responsable de ce dossier. En tant que civil, je dois admettre que je ne suis pas tellement au courant de la réalité quotidienne des réserves. Peut-être voudrez-vous en discuter avec les militaires. Ce que je sais, toutefois, c'est que nous en avons besoin. Notre politique prévoit pour les réserves un rôle renforcé qui soit bien adapté aux besoins actuels.

Le sénateur Wiebe: Votre rôle ne consiste-t-il pas entre autres à faire des recommandations au ministère de la Défense nationale et au ministre de la Défense concernant la politique à adopter pour s'assurer d'avoir des forces armées parfaites au Canada? Et à votre avis, ces forces armées ne comprendraient-elles pas des réservistes?

Si je vous pose cette question, c'est parce que cela coûte autant de former un réserviste que de former un membre des forces régulières. La différence, c'est que les membres des forces régulières touchent leur salaire 12 mois par an, alors que vous ne payez les réservistes que lorsqu'ils sont en formation ou en service.

La façon de faire la guerre a radicalement changé. On ne peut plus mobiliser une brigade en trois semaines - c'est-à-dire donner une arme à quelqu'un, lui apprendre à marcher au pas et à suivre les ordres, et l'envoyer aussitôt sur le théâtre d'opérations, comme à l'époque de la guerre de Corée.

De nos jours, nos soldats doivent être bien instruits et bien entraînés. Ainsi nous devrions aller plus souvent dans les universités et collèges communautaires pour recruter des gens qui auront les connaissances nécessaires pour utiliser efficacement les technologies qui seront requises pour assurer la défense du pays dans les années qui viennent. L'une des meilleures façons, et l'une des plus économiques, de trouver ces gens compétents est de les recruter pour la force de réserve.

Nous avons permis à nos réserves de se détériorer de manière tout à fait déplorable dans tout le Canada. Sur le plan de la politique, j'aimerais que le ministère examine de près le rôle que joueront les réservistes dans les futures activités de défense du pays. J'aimerais que vous communiquiez ce message à qui de droit.

Ma deuxième question concerne les relations publiques. Sans vouloir vous offusquer, j'estime que le service des relations publiques des Forces armées canadiennes est nul. Si je vous dis cela, c'est parce que j'ai eu l'occasion de passer beaucoup de temps avec des réservistes et des membres des forces régulières, qu'on parle de l'Armée de l'air, de la Marine ou de l'Armée de terre. Nos Forces armées canadiennes font un excellent travail. Cependant, quand je retourne au Canada, je n'entends pas parler d'elles. Les Canadiens ne savent absolument rien sur les activités de nos forces armées, quelle que soit leur zone d'opérations dans le monde.

Les politiciens réagiront nécessairement à l'opinion publique en ce qui concerne l'utilisation des crédits. Si les citoyens ont vraiment le sentiment que nos forces armées jouent un rôle positif et utile, ils diront à leurs députés qu'il faut augmenter les budgets. C'est là qu'intervient le service de planification des politiques, qui devrait à mon avis examiner de très près la politique et insister auprès du service des relations publiques pour qu'on se vante davantage des capacités extraordinaires des membres de nos forces armées.

M. Bon: Sénateur Wiebe, je m'engage à communiquer votre opinion au sujet de nos efforts en matière de relations publiques à notre directeur général des Affaires publiques. Personnellement, je suis d'avis qu'ils ont fait du bon travail ces dernières années, surtout par rapport à ce qui était fait autrefois. Mais je vais m'assurer de lui communiquer vos propos.

Pour revenir sur la question de réserves, une politique très claire a été définie dans le cadre du livre blanc de 1994 et est encore en vigueur à l'heure actuelle - à savoir que le rôle principal des réserves consistera en le renforcement, le maintien en puissance et le soutien des forces déployées. La qualité et la capacité globale des réserves de fournir à la force totale du personnel qualifié à des fins d'augmentation d'unités seront grandement améliorées. Voilà notre politique.

Il s'agit donc de savoir quelle approche les Forces armées souhaitent adopter en ce qui concerne la structuration des réserves. Dans cette perspective-là, ce n'est plus une question de politique; c'est une question qui relève des Forces armées. Je crois savoir qu'il y a eu quelques difficultés, mais en même temps, il y a eu de bonnes discussions et de bons progrès. J'ai l'impression que certains réservistes ont parfois des attentes vis-à-vis de leur rôle au sein des Forces armées qui ne cadrent pas avec la politique que nous avons définie. Encore une fois, c'est une question qu'il est préférable d'aborder avec les responsables militaires.

Le sénateur Wiebe: Si tel est le cas, qu'arrive-t-il quand vous, qui êtes responsable de la planification des politiques, recommandez une politique qui n'est pas acceptée ou qui ne donne pas de bons résultats? Est-ce qu'ils retournent vous voir en disant: «Cette idée-là n'a pas bien marché. Voulez-vous nous en proposer une autre?» ou est-ce que vous, en vous appuyant sur votre expérience, vous dites à un moment donné: «Peut-être que telle orientation n'était pas la bonne; peut-être faut-il élaborer une autre politique»?

Avez-vous cette capacité-là dans votre service? Élaborez-vous une directive ou attendez-vous qu'une autre directive arrive?

M. Bon: Les deux, en ce sens que nous ne définissons pas les politiques. Nous faisons des recommandations sur les politiques à adopter et le gouvernement approuve ou désapprouve. La politique énoncée dans le livre blanc est celle qu'a définie le gouvernement du Canada à l'intention de l'ensemble des forces armées, y compris les réserves. Dans la mesure où des changements sont proposés ou recommandés, ces changements font alors l'objet d'études, d'examens approfondis et de discussions.

En fin de compte, notamment en ce qui concerne la réserve, c'est à la chaîne de commandement militaire de faire des recommandations. Si le gouvernement approuve les changements proposés, ils sont mis en application. S'il ne les approuve pas, ils ne sont pas mis en application.

Le sénateur Meighen: Depuis que j'ai eu le plaisir de siéger au Comité mixte de la défense avec notre président et d'autres il y a quelques années, j'entends parler du ratio dents-queue. Vous-même y avez fait allusion ce matin, monsieur Bon. Est-ce un simple concept, ou s'agit-il d'un véritable ratio obtenu grâce à un calcul mathématique? Et dans ce dernier cas, pourriez-vous me dire de quelle façon ce ratio aurait pu changer depuis 1994?

M. Bon: C'est certainement un concept, mais on peut supposer qu'il s'agit ici d'un ratio. Vous pourriez peut-être demander au commodore McNeil, qui me suit et qui travaille dans le secteur de la structuration des forces, de vous expliquer exactement de quoi il s'agit.

Étant donné le nombre de bases et d'installations qui ont fait l'objet de réductions budgétaires et les diverses autres réalisations qui ont marqué la période depuis la publication du livre blanc, j'ai l'impression que nous avons effectivement augmenté le ratio dents-queue. Mais le commodore McNeil me corrigera si je me trompe.

Le sénateur Meighen: Donc, vous seriez d'accord avec moi pour dire que telle est l'orientation et la recommandation implicites du livre blanc de 1994?

M. Bon: C'est exact.

Le sénateur Meighen: Je poserai ces questions tout à l'heure, comme j'ai remarqué qu'il est question de réduction du nombre d'employés civils, et cetera. J'aimerais savoir si cela a été fait ou non.

Vous avez parlé d'un plan général de mobilisation dans le livre blanc.

M. Bon: C'est exact, mais nous n'avons pas parlé de plan général de mobilisation. Nous avons simplement dit qu'il devrait y avoir des plans de mobilisation et que nous n'irions pas au-delà des plans.

Le sénateur Meighen: Oui, j'ai bien compris. Existe-t-il des plans?

M. Bon: Oui.

Le sénateur Meighen: Ils ont été préparés en bonne et due forme, et sont déjà en place? C'est bien ça?

M. Bon: C'est ce que j'ai cru comprendre.

Le sénateur Meighen: Et qui serait en mesure de me le confirmer, monsieur Bon?

M. Bon: Le commodore McNeil.

Le sénateur Meighen: Enfin si je peux me permettre de réagir un peu comme l'a fait le sénateur Wiebe, les conseils gratuits ne valent que ce qu'on paie pour les avoir, et je vais donc vous faire part de mes conseils. Je ne prétends pas que ce que je vais vous raconter-là est nécessairement juste, mais on m'a dit au comité mixte que lorsque des membres des Forces armées - et ce n'est peut-être plus le cas - quittaient leur zone d'opérations pour revenir au Canada dans un contexte civil, on leur conseillait de ne pas porter leurs uniformes car, s'ils risquaient de faire quelque chose qui serait mal perçu ou mal vu, il serait préférable qu'ils soient en civil.

Deuxièmement, j'ai l'impression - et je me trompe peut-être - que les membres des Forces armées, qu'ils soient dans la force régulière ou la réserve, disparaissent des villes canadiennes. De plus en plus, on les isole dans des bases comme celles de Borden et Gagetown et ailleurs où ils sont moins visibles pour l'ensemble de la population.

Si je me fonde sur les voyages que j'ai fait dans d'autres pays, quels qu'ils soient, j'ai l'impression que les gens en uniforme sont beaucoup plus visibles qu'au Canada. C'est peut-être à cause du ratio des soldats à la population civile, mais j'ai tendance à croire que c'est peut-être le fait de l'absence totale d'une présence militaire dans nos villes.

J'ai aussi quelques inquiétudes en ce qui concerne la politique censément en vigueur d'une force apte au combat et la nécessité - à mon avis, tout le monde est d'accord là-dessus - d'une capacité de déploiement rapide. Qu'avons-nous fait au juste pour améliorer cette capacité-là? Peut-être pourriez-vous m'éclairer à cet égard. Je sais que nous avons démantelé le régime aéroporté. Le plus souvent, on peut recourir à nos amis américains pour nous amener sur les théâtres d'opérations, mais qu'avons-nous fait pour améliorer notre propre capacité de déployer rapidement nos troupes, et conformément aux effectifs qui nous semblent nécessaires?

M. Bon: Pour ce qui est d'améliorer notre capacité de déploiement, nous y travaillons encore. Mais je voudrais situer ma réponse dans un autre contexte, c'est-à-dire: Quand nous est-il arrivé de ne pas pouvoir nous rendre sur place?

Le sénateur Meighen: On peut toujours se rendre sur place.

M. Bon: En ce qui concerne le déploiement rapide des troupes, il faut tout de même garder le sens des proportions. Personne n'a jamais dit que les forces doivent être sur place le lendemain. Nous risquerions d'être confrontés à de graves difficultés, si nous essayions de faire cela. Par exemple, à la suite de l'enquête sur la Somalie, nous avons décidé que les forces déployées avaient besoin d'être davantage sensibilisées aux différentes réalités culturelles, ce qui prend forcément un certain temps. En ce qui concerne les opérations au Timor Oriental, la possibilité d'un problème d'encéphalite porcine était une grande inquiétude, si bien que nous avons dû lancer un programme de vaccination avant le départ des troupes. On ne peut certainement pas vacciner à l'avance tous nos soldats contre toute maladie possible et imaginable avec laquelle ils pourraient être en contact à l'étranger, simplement pour permettre de déployer nos troupes du jour au lendemain.

En ce qui concerne les opérations de nos alliés et ce que recommande le rapport Brahimi sur le plan du déploiement rapide, nous sommes en réalité tout à fait dans les limites proposées. Notre tête d'avant-garde est censée être prête à être déployée dans un délai de trois semaines, ce qui n'est pas mal. Comme vous le savez, l'un des principaux objectifs des Européens est de pouvoir déployer un certain nombre de troupes dans un délai de 60 jours.

Donc, il ne faut pas perdre de vue le contexte. Nous devons remplacer notre flotte vieillissante d'avions Hercules. Il nous faut aussi améliorer notre capacité de ravitaillement par mer et par pont aérien. Il n'y a pas de doute à cet égard.

Mais pour réagir à ce que vous avez dit au départ, la disparition des Forces armées des villes canadiennes remonte déjà à il y a quelques années. C'est dans les années 1960 et 1970 que nous avons déplacé nos forces armées pour les installer dans des endroits situés loin des villes.

Pour ce qui est du fait de ne pas porter des uniformes, je n'ai jamais entendu dire qu'on fait une telle recommandation aux membres des Forces à l'heure actuelle.

Le sénateur Meighen: Je n'ai pas dit «à l'heure actuelle».

M. Bon: Ah, bon. Il ne fait aucun doute que dans les années 1960 et 1970, sans doute en raison du sentiment des gens à l'égard de la guerre du Vietnam, on estimait que les uniformes militaires n'étaient pas quelque chose de positif, et je suis sûr que ce facteur a dû intervenir dans la décision. J'ai l'impression que sur ce plan-là, les attitudes changent, en ce qui concerne non seulement la perception des gens mais le port d'uniforme. À Ottawa, nous avons peut-être un avantage à cet égard. Ici on voit beaucoup d'uniformes.

Le président: Merci infiniment de votre présence.

Je voudrais maintenant souhaiter la bienvenue au commodore Daniel McNeil. Certains d'entre nous nous souvenons de l'époque où le commodore n'avait que quatre gallons sur son uniforme et travaillait pour le comité mixte spécial. Son aide nous a été fort précieuse pendant notre travail.

Les affectations du commodore McNeil ont été fort variées au cours de sa carrière, puisqu'il a servi à bord de plusieurs des Navires canadiens de Sa Majesté. Il a été instructeur au Centre d'entraînement des officiers de marine, ainsi qu'au Collège d'état-major et de commandement des Forces canadiennes. De plus, il a occupé divers postes au Quartier général du Commandement maritime et au Quartier général de la Défense. Ses domaines d'expertise sont les communications et la guerre électronique, la stratégie maritime classique, et l'historique de la politique de défense canadienne.

En juin 1998, le commodore McNeil a assumé le commandement du vaisseau amiral de la Flotte canadienne du Pacifique, le NCSM Huron. Après sa tournée, il est retourné au quartier général à titre de directeur de l'Analyse de défense en juillet 2000. C'est alors qu'il a été promu à son grade actuel et nommé directeur de la Planification des Forces et de la Coordination du Programme.

Il va nous entretenir ce matin de la planification et des ressources de la Défense par rapport au document intitulé «Stratégie 2020».

Il est accompagné ce matin du lieutenant-colonel William J. Kelly, qui détient des diplômes en génie mécanique et en génie aéronautique. Il a été en poste à la fois au Canada et en Allemagne. Après son départ du Collège d'état-major et de commandement des Forces canadiennes en juin 1998, il a été affecté à Moose Jaw, en Saskatchewan. L'année suivante, il a accepté un poste de planificateur stratégique au quartier général de la Défense nationale à Ottawa.

[Français]

Commodore Daniel McNeil, Directeur, Planification des Forces et coordination du programme, vice-chef d'état de la défense: Ce fut une bonne expérience de travailler avec le comité mixte en 1994. Je suis vraiment fier d'être ici et d'avoir l'occasion de vous parler. Je suis directeur de planification des Forces et coordination du programme. Planification des Forces veut dire le plan de mobilisation pour les Forces canadiennes, et coordination de programme veut dire tout le programme et le budget. Je suis accompagné du Lieutenant Colonel W. J. Kelly, responsable du plan de défense. Il connaît mieux les chiffres que moi.

[Traduction]

Pour vous donner une idée du contexte, si l'on remonte à l'époque du livre blanc de 1994 et du soutien que nous avons fourni au comité, il est clair qu'il s'agissait d'une période d'importantes restrictions budgétaires. Nous étions confrontés à un problème de cohérence au sein du ministère, pour ce qui est de savoir où et comment étaient utilisés les crédits, et ce que nous coûtait la structure des Forces armées. Ceux qui étaient membres du comité à l'époque savent à quel point il était frustrant d'essayer d'apporter des changements sans savoir exactement où se trouvaient les ressources.

Nous sommes sept ans plus tard, et je peux vous assurer que cela va beaucoup mieux. Je vais d'ailleurs vous expliquer pour quelle raison ça va mieux et où se trouve l'information. Il est important de signaler que je dois me contenter aujourd'hui de vous donner un simple aperçu général de la planification de la défense et des ressources. Nous sommes évidemment à la disposition de vos attachés de recherche pour fournir toutes les informations qui vous semblent nécessaires, car cette question est fort complexe et il est très dangereux d'essayer de trop simplifier les choses.

Dans ce même ordre d'idées, l'autre différence par rapport au passé, c'est notre transparence. En 1994, la guerre froide venait de se terminer deux ou trois ans auparavant. Nous appliquions la politique du secret à cause de nombreuses expériences des années 1990. Nous avons compris depuis que la gestion moderne et le contrôle des ressources reposent sur la transparence. Par exemple, tous les renseignements qu'on retrouve dans le plan de la défense et qui permettrait de répondre aux questions posées à M. Bon, sont à la disposition de l'ensemble des citoyens canadiens sur Internet.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous lu ce texte?

Le commodore McNeil: J'en ai même rédigé une partie.

À mon sens, ce serait dangereux de vous faire un exposé détaillé sur tous les aspects que je traite dans mon texte. Je dépasserais certainement les 15 minutes qui me sont imparties. Je vais donc vous indiquer les pages contenant des informations qu'il me semble utile d'approfondir. Ainsi je vais vous présenter les grands thèmes en laissant suffisamment de temps pour les questions.

D'abord, M. Bon vous a longuement parlé de la question des politiques et de la réalité financière du ministère par rapport à la situation en 1994.

Le président: Pour être en mesure de vous suivre, les membres du comité devraient-ils regarder la page d'introduction de votre document?

Le commodore McNeil: Les membres devraient passer à la deuxième page de l'aperçu de mon exposé. Je vais vous dire à chaque fois quel sujet je compte aborder et vous indiquer les pages appropriées.

Je voudrais d'abord vous parler de la politique et du budget de la Défense et du lien entre les deux points de vue macroéconomique. Je vais ensuite vous parler de la gestion de la Défense et de la façon dont nous organisons les diverses activités qui sont liées à la Défense. Enfin, je vais vous parler du financement actuel et des priorités fixées en fonction des crédits actuellement disponibles.

Je vous demande donc de passer à la page 7 du document, qui devrait indiquer les dépenses de défense de l'OTAN en pourcentage du PIB.

Le président: Commodore McNeil, je regrette d'avoir à vous informer que nos pages ne sont pas numérotées; nous pourrons, cependant, nous y retrouver si vous nous indiquez les titres à chaque fois.

Le commodore McNeil: La page en question présente un graphique où le Canada est désigné par un trait rouge tout à fait en bas. Si je vous en parle, c'est parce que les journalistes aiment bien se servir de cette mesure. L'OTAN s'en sert depuis plusieurs années. Disons que cette façon de présenter les choses ne nous avantage pas. De plus, elle ne raconte pas toute l'histoire.

L'économie de chaque pays est différente. L'économie canadienne est un peu précaire en ce moment, à cause de notre dette. Si vous considérez ce pourcentage du PIB comme correspondant à un pourcentage de la dette, vous comprendrez qu'en cas de ralentissement économique au Canada, le gouvernement se met en mauvaise posture, s'il avait pris de lourds engagement en matière de financement.

Nous aimons bien présenter la page suivante à titre de mesure quand nous expliquons notre situation à nos collègues de l'OTAN. Le Canada, du point de vue de sa population et de sa réalité géopolitique, se trouve en plein milieu - c'est-à-dire, justement là où nous devrions nous trouver. Or, nous prétendons que notre contribution est plus importante que ce que semble indiquer ce graphique. Parfois, ces arguments-là convainquent nos collègues.

Nous insistons sur le fait que nos crédits sont bien utilisés. Nous ne les consacrons pas au maintien d'une grande armée permanente devant maintenir une posture de défense en Europe. Disons que le rendement de notre investissement au Canada est bien plus important que celui de bon nombre d'autres pays.

Nous avons fait d'excellentes analyses comparatives. Il serait d'ailleurs possible de vous envoyer certaines de ces analyses. Elles vous permettraient de savoir quel budget de défense est prévu pour quel nombre de soldats. Nos données sont très bonnes.

Je voudrais maintenant sauter cinq pages pour passer à l'acétate intitulé «La gestion ministérielle de la Défense». Ce dessin représente une pyramide avec le ministre en tête, le sous-ministre à gauche, le chef d'état-major de la Défense à droite, et ce que nous appelons les Niveaux 1 juste en dessous. Les Niveaux 1 représentent les entités au sein du ministère et des Forces armées canadiennes qui disposent de budgets et ont la responsabilité de gérer certaines ressources. Notre structure de gestion repose sur un régime de responsabilisation en ce qui concerne l'utilisation des ressources.

Comme je vous l'ai déjà dit, nous avons à présent l'avantage d'une clarté et d'une cohérence accrues relativement aux statistiques concernant ce que nous demandons aux gens; les ressources que nous leur confions pour accomplir ces tâches-là; nos attentes en matière de résultats; et le type de mesure ou d'évaluation qui s'impose.

Ce schéma est utile en ce sens qu'il permet de reconnaître que le ministère de la Défense nationale n'est pas juste un autre ministère fédéral. Il s'agit d'une structure totalement intégrée qui englobe le quartier général des Forces armées canadiennes. Pour cette raison-là, la gestion des ressources relève du vice-chef d'état-major de la Défense. Le sous-ministre délégué des Finances assume d'importantes responsabilités de contrôle, mais la gestion des ressources, étant donné qu'elle est étroitement liée à la structure des forces - c'est-à-dire les résultats du ministère - relève du vice-chef d'état-major de la Défense, du directeur général de la Planification stratégique et de mon personnel.

Mon personnel représente en quelque sorte un mini-conseil du Trésor au sein du ministère, en ce sens que nous sommes le seul ministère à gérer un programme d'immobilisations qui se monte à environ 2 milliards de dollars par année. Il nous faut par conséquent une structure de responsabilisation ministérielle permettant d'approuver les programmes et les changements qui y sont apportés.

Bien sûr, nous sommes également responsables devant le Conseil du Trésor et le gouvernement, comme tout autre ministère fédéral, mais nous jouissons d'un pouvoir discrétionnaire plus large, étant donné que les Forces armées constituent des structures à forte intensité de capital. Le prochain acétate vous indiquera de quelle manière nous gérons ces structures.

Politique de défense - Orientation du gouvernement: Nous avons élaboré une stratégie institutionnelle que nous appelons la Stratégie 2020. Des copies du texte qui le présente ont été distribuées aux membres du comité. Nous avons compris, vers la fin des années 1990, que notre politique de défense était bonne, mais qu'elle ne donnait pas une indication suffisante, ni aux services ministériels, ni aux Forces armées canadiennes en général, l'orientation qu'il faudrait prendre à l'avenir. C'était certainement le cas en 1999, lorsque nous avons fait le bilan des demandes en matière de ressources et des difficultés auxquelles nous ferions face en matière de modernisation; c'est alors que nous avons compris que nous avions besoin des nouvelles ressources dont il est question dans le budget de 2000. Je vais d'ailleurs y revenir dans quelques instants. Une fois qu'on reconnaît que des crédits plus importants sont nécessaires, il faut un processus de planification mieux défini pour savoir comment utiliser ces crédits. Voilà justement en quoi consiste la Stratégie 2020.

Grâce à cela, nous avons à présent un processus de planification des activités très sophistiqué au sein du ministère. Certains militaires, y compris moi-même, avons du mal à accepter le concept de la planification des activités dans le contexte militaire. Peut-être aimerions-nous envisager de dépenser les deniers publics en appliquant les principes de la guerre, mais ce ne serait pas une bonne idée. Il nous faut sans doute suivre de bons principes de gestion, définis par les bonnes écoles d'administration des affaires, pour déterminer comment nous utiliserons nos ressources. Nous appliquons justement les principes de l'administration des affaires dans l'ensemble du ministère grâce à la présence de responsables des ressources - c'est-à-dire, les Niveaux 1. Il s'agit là d'un processus annuel qui se déroule en toute transparence, et nous diffusons l'ensemble des informations concernant la planification des activités sur Internet.

La Stratégie 2020: Il s'agit d'une stratégie institutionnelle. Si nous n'avions pas de stratégie, les gens n'auraient rien à critiquer, il y a toujours beaucoup de détracteurs. Pour que ce soit bien clair, cette stratégie a émané du Comité de gestion de la défense - soit le directeur adjoint, le chef et les principaux Niveaux 1 du ministère - à la suite d'une initiative qui a pris un an et qui consistait à appliquer les principes de l'administration des affaires définis par l'École commerciale de l'Université Queen's à la planification stratégique. Cela ne s'est pas fait à huis clos, mais plutôt en collaboration avec les dirigeants des Forces canadiennes et du ministère en général en vue de déterminer ce qu'il fallait faire pour maintenir nos capacités et continuer à jouer un rôle utile. Cet exercice a permis, pour la première fois, d'apporter une orientation claire à l'ensemble de nos activités, comme vous le constaterez vous-même quand je vais vous expliquer le prochain acétate.

Le Guide de planification de la Défense: Pendant de nombreuses années, nous avions un document intitulé, le Guide de planification de la Défense, qui n'était pas tellement lu. Les gens qui préféraient ne pas suivre les conseils qu'on y trouvait avaient l'habitude de l'appeler tout simplement le «Guide». Mais la Stratégie 2020 nous a permis de prendre de la maturité, et ce faisant, de mieux expliciter les objectifs à atteindre. Pour la première fois cette année, grâce à un programme de gestion moderne des activités de la Défense - il s'agit d'une initiative gouvernementale - nous avons créé un plan de la défense. Ce document a été distribué aux membres du comité et contient bon nombre des réponses qui vous intéressent. C'est un document signé par le sous-ministre et le CEMD.

Planification des activités: En réponse au plan annuel de la Défense, environ 22 cadres supérieurs du ministère sont tenus d'élaborer leur propre plan annuel en vue de donner des instructions aux organismes subalternes et de préciser les ressources qui leur sont affectées et exactement ce qu'on attend d'eux.

Rapports au gouvernement: Par suite de la réduction des effectifs au quartier général de la Défense dans les années 1990, nous avons clarifié le processus de présentation des rapports en l'intégrant dans le cycle de planification des activités. C'est là que nous procédons à l'évaluation du rendement. Mon personnel est chargé de travailler avec les autres services du ministère de la Défense et des Forces armées canadiennes pour élaborer le Rapport sur les plans et les priorités que nous déposons devant le Parlement. Ensuite, nous préparons, à l'automne, le Rapport sur le rendement du ministère. Par suite des recommandations faites au gouvernement dans les années 1990, nous élaborons également le Rapport du chef d'état-major de la Défense, qui porte exclusivement sur les activités militaires. Tous ces rapports ont d'ailleurs été envoyés au comité.

Engagements ministériels pour 2001-2002: Par le passé, nous n'avons pas bien réussi à faire concorder ce que nous disons au Parlement avec ce que nous nous disons nous-mêmes. Cette année, nous avons lié le RPP directement au plan de la défense. Dans le RPP, nous indiquons aux Canadiens ce que nous comptons faire et en quoi consisteront nos priorités pour l'année financière à venir. Dans le plan de la défense, nous indiquons aux différents secteurs des Forces armées canadiennes ce qu'ils doivent faire pour que nous soyons en mesure de respecter les engagements pris à l'endroit des Canadiens et du Parlement. Les priorités du RPP ne devraient pas vous surprendre. La Stratégie 2020 n'est pas simplement un document qui reste là en permanence du fait que le Comité de la défense doit l'examiner annuellement. Moi et mon personnel sommes tenus au cours des deux prochaines années de réélaborer toute notre stratégie en ayant recours à la même démarche qui a permis de la créer au départ.

Par suite de l'examen sommaire effectué par les cadres supérieurs l'automne dernier, nous avons pu déterminer que dans un secteur en particulier - soit les ressources humaines - notre stratégie n'était pas assez bien définie. Nous avons pris conscience du fait qu'il nous faut faire davantage pour nos gens. Par conséquent, notre premier engagement consiste à accorder la priorité à nos ressources humaines; ensuite, nous voulons optimiser la structure de la Force - c'est-à-dire, obtenir le meilleur rendement possible des crédits investis; maximiser l'efficacité de la gestion des activités; favoriser les relatios de défense; et enfin, contribuer à réaliser les priorités nationales du gouvernement, énoncées dans le discours du Trône.

Constitution de la Défense - Théorie: Je pourrais vous faire une conférence de 45 minutes à ce sujet, mais je vais m'en tenir à une explication de 30 secondes. Il s'agit simplement de préciser qu'il est impossible de faire faire un virage de 90 degrés à un grand navire comme le nôtre en seulement quelques secondes. Le ministère de la Défense est une organisation de grande envergure et les Forces canadiennes relèvent actuellement d'une certaine structure. Des changements touchant la structure de la force peuvent prendre jusqu'à 15 ans à réaliser, notamment s'ils sont liés à l'acquisition d'équipement, tels que de nouveaux avions ou navires.

La définition des besoins, l'acquisition d'équipement, la mise en place des capacités sur le terrain, la modification de la doctrine, la formation et l'entraînement des membres et la modification des instructions pédagogiques correspondent à une démarche d'une quinzaine d'années. Des changements substantiels ne peuvent sans doute pas s'opérer dans un délai d'un an, mais il serait possible d'apporter certains changements à la structure sur cinq ou 10 ans.

Les opérations de défense des Forces canadiennes correspondent à des dépenses qui sont liées aux ressources humaines, au fonctionnement et à l'entretien, à l'approvisionnement national - c'est-à-dire entretenir le matériel du ministère - et à l'acquisition d'équipement. Nous avons déterminé que pour continuer de jouer un rôle utile et pertinent à l'avenir, nous devons nous concentrer sur la capitalisation et la modernisation de l'équipement et des capacités des Forces canadiennes.

Je passe maintenant à quelque chose de très important, soit le budget. Le vérificateur général continue à examiner nos livres et nos activités, et continue à affirmer qu'à son avis, nous sommes sous-financés. C'est une position qui se défend. Cependant, nous reconnaissons, et les chiffres indiqués dans le plan de la défense et sur ce schéma en témoigne, que nous avons bénéficié d'une augmentation importante de nos crédits dans le budget de 2000. Un exercice de planification théorique va vous permettre de voir ce que nous en avons fait, et ce que nous comptons faire des crédits supplémentaires qui ont été accordés.

Il y a aussi d'autres possibilités. Au cours des derniers mois, le ministre a parlé justement de possibilités d'investissement. Il a réussi à obtenir des fonds supplémentaires, par rapport au budget de base du ministère, parce que l'économie va bon train et parce qu'on reconnaissait que nous avions suffisamment souffert pour mériter de recevoir des sommes additionnelles. Dernièrement, le montant le plus important que le ministre ait pu obtenir du ministère des Finances est la somme de plusieurs centaines de millions de dollars qui permettra d'augmenter les salaires. Les salaires des membres des Forces armées canadiennes correspondent à présent à ceux que le gouvernement a promis au secteur public.

L'acétate suivant indique la répartition de ces crédits supplémentaires. Notre horizon de planification porte toujours sur les allocations sur trois ans. Quand nous avons reçu le budget de 2000, nous avons dû modifier les allocations prévues pour l'ensemble des secteurs au cours des trois prochaines années. Quand nous les avons changées, la formule appliquée par le Comité de gestion de la défense et la direction ministérielle était la suivante: un tiers serait affecté au capital, 15 p. 100, à l'AN, 20 p. 100 au fonctionnement et à l'entretien, pour atténuer les problèmes dans ce secteur, 15 p. 100 à l'infrastructure, et 20 p. 100 au personnel.

Le sénateur Meighen: Pourriez-vous nous indiquer ce que représentent les autres segments du gâteau - par exemple, qu'est-ce que l'«AN»?

Le commodore McNeil: Cela veut dire «Approvisionnement national».

Le sénateur Meighen: Et que signifie le cigle «F&E»?

Le commodore McNeil: Fonctionnement et entretien.

L'acétate suivant porte sur le développement de la force. Si vous examinez notre planification actuelle, vous verrez que notre planification est désormais centrée sur les capacités. À l'avenir, vous voudrez peut-être d'ailleurs nous demander de vous faire un exposé sur les principes qui sous-tendent la planification axée sur les capacités, mais je peux vous dire que cette dernière repose sur les sciences militaires.

Il y a de nombreuses approches différentes de planification de la défense. L'une des pires consiste à ne tenir compte que des crédits disponibles et à en donner un petit peu à tout le monde. Vous affectez les fonds, et vous laissez les gens se débrouiller eux-mêmes pour savoir comment l'utiliser. Or, planifier la structure d'une force, c'est-à-dire la fois une science et un art. D'ailleurs, il existe un certain nombre d'études sur la question et nous nous ferions un plaisir de travailler avec vos attachés de recherche pour leur expliquer l'art et la science du développement de la force.

Certains aspects de cette activité qui est à la fois un art et une science sont présentés sur l'acétate suivant. Celui-ci vous indique l'utilisation des scénarios de planification de la force. Cette information est également disponible sur Internet. M. Bon y a fait référence tout à l'heure en parlant des activités qui sont prévues. Notre planification s'articule autour du niveau de combat moyen. L'élaboration de ces scénarios de planification de la force et d'une analyse raisonnée et scientifique plus cohérente pour justifier l'acquisition d'équipement découle des recommandations faites par le vérificateur général au début des années 1990 et de notre propre analyse de l'impact des réductions budgétaires, analyse qui nous a permis de comprendre que nous devions mieux nous organiser.

Le prochain acétate est très complexe. Il présente une vue d'ensemble. Il indique les défis liés à la récapitalisation de l'équipement du MDN. Dans le quadrant gauche supérieur, vous avez une indication du nombre de systèmes relativement nouveaux très performants que nous avons commencé à utiliser sur le terrain au cours des dernières années. Par exemple, les nouveaux sous-marins, la Frégate canadienne de patrouille et les VBL 3, c'est-à-dire les véhicules blindés de transport des troupes. Inversement, le quadrant droit inférieur présente quelques systèmes plus anciens considérés moins performants dans un environnement de ressources rares. Le fait de présenter les différents éléments de cette manière nous aide à fixer nos priorités. Ce schéma illustre bien les domaines que nous devons cibler. Si vous examiniez notre programme de biens d'équipement, dont certains éléments sont précisés dans le plan de la défense, vous verriez que la récapitalisation s'articule autour des capacités dont il est question dans le quadrant droit inférieur.

Je vais vous épargner les détails de tous ces programmes pour vous présenter maintenant les forces terrestres, aériennes et maritimes qui permettent d'exécuter les programmes.

Le président: Commodore McNeil, pourriez-vous nous expliquer ce graphique?

Le commodore McNeil: Oui, bien sûr. À gauche, vous avez les nouveaux systèmes. En vous déplaçant vers la droite, vous verrez le nombre d'années d'utilisation. Par exemple, je sais que bon nombre de sénateurs s'intéressent à la question du remplacement de l'hélicoptère Sea King. Dans le contexte d'un gouvernement moderne, nous définissons les immobilisations qui font partie intégrante de notre nouvelle structure financière. Nous quantifions notre dépense en immobilisation résiduelle.

Il y a environ un mois, on a posé la question que voici au commandant de la Marine: que valent les hélicoptères Sea King à l'heure actuelle; à combien se montent les frais d'immobilisation qui y sont rattachés? Je ne me souviens pas du chiffre exact, mais je crois qu'il s'agissait de 40 ou 50 millions de dollars pour l'ensemble de la flotte de Sea King. C'est un peu comme si l'on essayait de vendre une voiture qui a plus de 10 ans mais sur laquelle vous avez installé de nouveaux pneus. Nous avons installé beaucoup de nouveaux pneus sur les Sea King; voilà à quoi se résume sans doute la valeur de ces aéronefs. La durée de vie typique d'un aéronef est de 30 ans; mais évidemment, si on engage certaines dépenses, on peut étendre la durée de vie et l'utilité de nos aéronefs et de nos navires.

Pour vous aider à comprendre ce schéma, se déplaçant de gauche à droite, vous verrez en haut à droite une indication de la durée de vie de certains équipements - entre autres, les DDH-280 de la classe Iroquois. Nous avons investi des sommes considérables dans ces destroyers vers la fin des années 1980. Tout l'argent prévu a été dépensé. J'ai été commandant d'un navire Huron, qui représentait en réalité un DDH-280 qui avait été modernisé dans le cadre du programme TRUMP. Certains membres des Forces américaines étaient présents avec moi sur ce navire, et je peux vous assurer qu'il est tout aussi performant que le navire américain le plus moderne de même type. En même temps, il faut reconnaître que le Huron aura bientôt 30 ans. Il faut donc faire une analyse de nos investissements et déterminer combien de plus il convient d'investir dans ce navire qui arrivera inévitablement à la fin de sa durée de vie utile à un moment donné.

Dans le coin droit supérieur, vous voyez qu'il est question du chasseur CF-18, qui commence aussi à vieillir. Mais en ce qui concerne un éventuel remplacement, dans la catégorie des chasseurs polyvalents, je dirais - et les responsables de l'Armée de l'air pourront vous dire ce qu'ils en pensent - qu'à l'heure actuelle, il n'y a sans doute rien qui pourrait remplacer le CF-18. C'est un bon avion dans lequel cela vaut la peine d'investir, et c'est justement ce qu'on fait.

L'un des moyens que nous avons trouvé pour assurer l'efficacité de ce programme est de travailler avec les Américains, qui ont également décidé de revaloriser le CF-18. Il y a un an, nous nous sommes adressés au Conseil du Trésor pour faire approuver un programme d'un milliard de dollars nous permettant d'établir un partenariat avec les Américains et de réaliser ainsi des économies. Il s'agit là d'un très bon investissement.

Il y a d'autres appareils et systèmes qui sont également en train de se détériorer. Je vous ai déjà parlé de l'hélicoptère Sea King. Ce programme doit absolument se réaliser.

Le sénateur Banks: À quoi correspond les 100 p. 100? S'agit-il du cycle de vie - c'est-à-dire le trait qui part de gauche à droite?

Le commodore McNeil: Le trait qui part de gauche à droite représente le cycle de vie d'une plate-forme.

Le sénateur Banks: Est-ce que cela représente leur performance? Autrement dit, en ce qui concerne les TTB M-113, est-ce que ceci veut dire que leur performance d'exploitation est de seulement 25 p. 100, ou est-ce que ce 25 p. 100 correspond à leur cycle de vie restant?

Le commodore McNeil: Nous indiquons ici qu'en théorie, le cycle de vie restant est de seulement 25 p. 100 - à moins de procéder à une remodernisation complète du véhicule, auquel cas on pourrait éventuellement prolonger sa durée de vie.

Je passe maintenant à l'acétate suivant, qui va me permettre de vous entretenir de la planification des capacités. Dans mon ancien poste, j'étais directeur de l'Analyse de la défense. J'étais chargé d'un groupe de spécialistes des sciences militaires. Il y a aussi un certain nombre de spécialistes de la recherche opérationnelle qui relèvent du directeur général de la Planification stratégique. Ces experts ont mis au point des outils d'analyse des capacités qui nous aident à faire une planification plus cohérente de l'équipement et de l'ensemble des activités de défense, puisque nous lions les fins aux moyens et effectuons une analyse des risques.

Pour ce qui est maintenant des éléments qui constituent les dépenses de défense, nous disposons, cette année financière, d'une budget d'environ 11,4 milliards de dollars.

Notre plus importante dépense est celle des frais du personnel, qui représente 38 p. 100 de notre budget. Nous dépensons 4,3 milliards de dollars pour nos ressources humaines. Le fonctionnement et l'entretien correspond à 32 p. 100. Les immobilisations représentent actuellement environ 2,1 milliards de dollars. Il y a aussi d'autres éléments, entre autres, les dépenses législatives, les subventions et les contributions.

Encore une fois, les faits saillants sont les suivants: notre planification à court et à moyen termes vise à moderniser nos équipements et à consacrer une plus forte proportion de notre budget aux immobilisations. Les sommes additionnelles consacrées aux immobilisations doivent venir de quelque part, et par conséquent, il nous faut faire certains compromis, compromis qui s'inscrivent dans la planification de nos activités au jour le jour et à long terme.

Le sénateur Pépin: Vous avez parlé de dépenses législatives, de subventions et de contributions. D'où viennent les subventions et quelle est la nature des contributions?

Le lieutenant-colonel W.J. Kelly, Planification des forces et coordination du programme, vice-chef d'état de la Défense, ministère de la Défense nationale: La majeure partie de ce montant représente les 20 p. 100 des frais salariaux qui correspondent à la contribution ministérielle; donc, on peut dire que cela fait partie des frais salariaux. Si vous vouliez connaître le coût total du personnel ministériel, vous devriez additionner les trois parts inférieures du gâteau, ce qui vous permettrait de constater que presque 50 p. 100 du budget sont consacrés aux frais du personnel militaire et civil du ministère et aux dépenses législatives liées à leur salaire.

Le sénateur Meighen: Je sais que les pays ont forcément des priorités différentes à des moments différents, mais à votre avis, les chiffres de nos alliés seraient-ils comparables?

Le commodore McNeil: Le sous-ministre adjoint (Pol) pourrait vous donner d'autres détails au sujet de nos analyses comparatives, mais j'ai l'impression que les frais salariaux de bon nombre de pays européens sont sans doute beaucoup plus importants, étant donné qu'ils ont des réserves permanentes de grande envergure et qu'ils ont un système de service militaire obligatoire.

Le sénateur Meighen: Vous pensez que leurs frais salariaux représenteraient une plus forte proportion du total?

Le commodore McNeil: Oui, probablement, bien que ce soit difficile de faire des comparaisons de statistiques entre pays, malgré l'existence des normes de l'OTAN.

Le dernier acétate porte sur les activités de maintien et de changement. Je tenais à préciser que la gestion des ressources correspond en réalité à de la gestion pure et simple. Autrement dit, ce n'est pas une activité qui relève des dirigeants militaires. Nous avons adopté des principes de gestion moderne. Encore une fois, comme je l'ai dit au début de mon exposé, nous mettons l'accent sur la cohérence, la clarté et la transparence, et nous ferons l'impossible pour que vous et vos attachés de recherche puissent comprendre ce qu'est un domaine fort difficile et complexe.

Le président: Merci beaucoup, commodore. Quand vous avez parlé du sous-ministre adjoint (Pol), cela m'a rappelé la discussion de l'ancien comité concernant l'amende à infliger pour l'utilisation des sigles. Le dernier comité spécial avait opté pour une amende de 25 cents pour chaque sigle.

Le commodore McNeil: Je suppose que je vous dois déjà au moins 1,50 $.

Le président: Le comité doit déterminer non seulement à combien sera fixée l'amende, mais qui bénéficiera des sommes perçues. On pourrait peut-être les verser à la caisse de bienfaisance de la Marine. Enfin, on verra.

Le sénateur Stollery: Ma question concerne le mandat changeant de l'OTAN. Après tout, le rapport sur la défense remonte à 1994 et a été largement dépassé par les événements, notamment en ce qui concerne le mandat de l'OTAN, qui a changé à deux reprises depuis, si je ne m'abuse, et je pense qu'on peut supposer qu'il changera encore. Je constate que le premier ministre a déjà parlé de l'éventualité de l'adhésion de la Russie à l'OTAN.

Je ne sais pas si ma question concernant les conséquences éventuelles du mandat changeant de l'OTAN pour nos opérations est posée au bon témoin.

Le président: Je constate que les questions des membres dépassent souvent le cadre de notre discussion de ce matin, et donc, si le témoin désire vous répondre, il peut le faire.

Le commodore McNeil: Cette question devrait plutôt être posée au directeur de la Planification stratégique. Elle relève de nous uniquement sous l'angle de la coordination des ressources. Chacun des services peut vous parler de ses engagements vis-à-vis de l'OTAN. Je vais d'ailleurs me servir de quelques sigles, car vous en entendrez certainement parler. L'ICD - l'Initiative relative aux capacités de défense - a été abordée dans le cadre de la conférence de Washington de 1999. L'OTAN a maintenant une nouvelle stratégie. Elle se rend compte que son rôle primordial ne consiste plus à assurer la défense des pays d'Europe puisqu'il n'y a plus de véritable menace dans cette région et qu'elle doit plutôt se concentrer sur la «Sécurité» et les opérations en dehors de leur zone d'intervention normale. En fait, notre stratégie consiste à travailler de près avec l'OTAN et les responsables de l'ICD pour nous assurer de pouvoir fournir des forces mobiles qui puissent jouer un rôle utile. Nous estimons être bien plus avancés qu'elles sur ce plan-là. Nous appliquons déjà les principes de l'ICD au sein des Forces armées canadiennes.

De plus, l'OTAN procède actuellement à un ESR, c'est-à-dire Examen de la structure des forces. Ces engagements qu'on retrouve dans le livre blanc, où il est question de force d'avant-garde et de force de contingence principales renvoient à des concepts liés au respect de nos engagements vis-à-vis de l'OTAN. Mais l'OTAN elle-même réexamine les besoins et nous travaillons avec ses responsables pour coordonner la restructuration de nos forces et l'organisation de leurs capacités. Nous souhaitons plutôt constituer des forces déployables rapides à la fois légères et meurtrières.

Un autre sigle qui est très important dans cette analyse est l'IESD - c'est-à-dire l'Initiative européenne de sécurité et de défense - et les progrès accomplis dans le cadre de cette initiative. L'Union européenne a déterminé qu'elle a besoin d'une force de 60 000, qui serait composée de soldats de pays européens seulement et par conséquent, il existe actuellement certaines tensions et certaines inquiétudes concernant la possibilité que l'UE établisse son propre quartier général, une structure distincte de développement des forces, et concernant nos rapports en général, c'est-à-dire avec l'Amérique, le Canada et la relation entre les deux organismes.

Ce travail s'inscrit tout à fait dans l'actualité et concerne directement l'orientation des Forces armées canadiennes.

Le sénateur Stollery: L'article de base du Traité de l'OTAN a toujours été l'article 5, et à l'heure actuelle, tout le monde parle d'interventions non prévues à l'article 5. Je sais, pour avoir écouté les propos du témoin précédent, que l'on soit ou non d'accord avec l'opération, que les missions aériennes menées au Kosovo par le Canada étaient fort efficaces. Par rapport aux missions de combat les plus efficaces, nous étions classés au troisième rang, ce qui confirme notre efficacité. Donc, nous savons que nous avons mené des opérations très efficaces sur ce plan-là.

Entre-temps, l'Initiative européenne de sécurité et de défense suit son bonhomme de chemin. En tant qu'organisation, l'OTAN a déjà accepté de ne plus être liée par l'article 5, et au Comité des affaires étrangères, dont je suis membre, on nous a fait comprendre que si l'OTAN n'est plus liée par l'article 5, elle ne peut plus s'appeler l'OTAN. Il pourrait être intéressant de se demander quel effet cela pourrait avoir sur la planification des Forces canadiennes. J'ai l'impression que cette question restera sur le tapis pendant un certain temps. Mon analyse, est-elle bonne?

Le commodore McNeil: Oui, sénateur, tout à fait. Comme opération, la fabrication des saucisses n'est pas particulièrement jolie, et on peut en dire autant de la planification des activités de défense de l'OTAN. Mais il y a un élément de l'héritage de la guerre froide qui est très positif. Lorsque nous constituons des forces de coalition, que ce soit dans le Pacifique, en Europe ou en Afrique, nous finissons le plus souvent par appliquer les procédures de l'OTAN, car l'OTAN représente en réalité la seule force militaire occidentale et internationale vraiment efficace.

L'issue de l'IESD et des engagements hors zone non prévus à l'article 5 relève entièrement des responsables politiques. Mais du point de vue des opérations militaires, nous, du côté de la planification, nous reconnaissons la prédominance de l'OTAN et le grand succès de sa doctrine, des normes communes de communications et de ses normes communes dans tout domaine allant des communications aux systèmes de ravitaillement. L'opération de fabrication des saucisses se poursuivra. Et nous y serons.

Le sénateur Forrestall: Il y a deux questions en particulier qui me préoccupent. La première est en rapport avec l'oeuvre récent M. John Treddenick intitulé «Financing the RMA». D'après lui, il faudrait, pour financer une véritable révolution au niveau des affaires militaires canadiennes, couper de façon substantielle nos forces régulières. Aimeriez-vous me faire part de votre réaction à cet ouvrage? Il va sans dire que cette solution semble très intéressante si l'on veut se débarrasser de certains programmes très coûteux ou réduire ses effectifs, mais pourriez-vous me dire si nous avons déjà pris une décision à cet égard ou si nous sommes encore en train de fabriquer des saucisses?

Le commodore McNeil: John Treddenick - qui se faisait appeler «Jack» - a beaucoup influencé la planification de la défense au Canada. Il a été professeur au Collège militaire royal, et à l'heure actuelle, il est rattaché au Centre Marshall en Europe. Il jouit d'une réputation internationale pour son travail dans le domaine de l'économie de la défense. Son travail repose sur une analyse historique. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion, lors d'une réunion tenue à Toronto il y a deux mois, de discuter avec lui de la question de la structure des forces. Ce n'est pas aussi simple que de choisir entre les ressources humaines et les équipements, mais nous avons certainement appris des choses grâce à son modèle de l'économie de la défense. En fait, l'acétate que je vous montrais tout à l'heure reproduit un de ses schémas.

Lorsque j'ai parlé à M. Treddenick il y a quelques mois, il était très surpris face à nos nouvelles réalités budgétaires. Il n'avait jamais entendu parler de «crédits liés aux possibilités d'investissement», qui est le terme que nous employons pour désigner les crédits que le ministre obtient pour financer des augmentations salariales en dehors de notre budget de services votés. Il a été choqué d'apprendre les sommes qui ont été ajoutées au budget au cours des deux dernières années qui ne font pas partie des services votés - c'est-à-dire, qui ne sont pas ajoutées aux services votés mais continuent de nous être versées. C'est le grand gourou de l'objectif d'un capital de base de 23 p. 100, qu'il fonde son analyse historique du capital de base des Forces canadiennes depuis les années 1950. Ce qu'il n'a pas encore reconnu dans ses travaux scientifiques jusqu'à présent, c'est que lorsque nous nous entendons avec le Conseil du Trésor pour que l'ensemble des augmentations soit ajouté à notre budget de services votés - comme ce fut le cas il y a deux ans - notre objectif devient d'autant plus difficile à atteindre. Ce que l'analyse de Jack Treddenick n'a pas encore réussi à faire - et nous tenons à poursuivre notre dialogue avec lui - c'est à définir clairement en quoi consiste «le capital». Dans le secteur militaire et dans le monde des affaires, nous avons été touchés par une véritable révolution qui fait que nos économies sont centrées, non plus sur les industries, mais sur l'information. Il est facile de recenser les éléments de la transition de l'économie agricole à l'économie industrielle - c'est-à-dire, les grands navires de guerre, les canons et les chars d'assaut. Les biens d'équipement coûtent très cher. Mais qu'en est-il de la transition de l'âge industrielle à l'âge de l'information? Les biens d'équipement pourraient englober une grande largeur de bande, des structures de communications, ou le fait d'avoir des gens assis devant un ordinateur. Ils pourraient également correspondre à l'infrastructure liée au F&E. Cela pourrait permettre d'acquérir de meilleures capacités de combat. Il faut une analyse plus approfondie, et c'est justement ce qu'on fait.

Le sénateur Forrestall: C'est intéressant, ce que vous dites. Bien que les technologies de l'information aient permis aux gens de travailler à domicile, on ne peut diriger une opération militaire depuis chez soi ou depuis le chalet. Je comprends très bien ce que vous dites.

Le commodore McNeil: On peut gagner des batailles; on peut gagner des guerres; on peut gagner des combats et mener des opérations efficaces de maintien de la paix en ayant de bons équipements au bon endroit et au bon moment, mais en faisant les bonnes choses avec les bonnes munitions avec les bonnes personnes. C'est ça, l'information.

Le sénateur Forrestall: L'un des moments de ma vie où j'ai été le plus fier, c'est quand j'ai regardé le commandant de l'Iroquois assumer le commandement et le contrôle de l'USS America et de tout son matériel de formation, pour mener tous ces exercices à partir de sa petite boîte noire. Je sais que cela remonte loin.

Mais cela suppose certaines conséquences, et je me demande si l'une de ces conséquences ne seraient pas que les dirigeants militaires décident de redéfinir la politique du ministère de la Défense nationale. Quand vous parlez de révolution au niveau des affaires militaires, est-ce le genre de chose que vous envisagez?

Le commodore McNeil: Une redéfinition de la politique? Je pense que M. Bon vous a très bien décrit tout à l'heure la nature et l'origine de notre politique. En ce qui nous concerne, les principes fondamentaux qui la sous-tendent sont encore valables. Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas la rajuster un peu. Les forces de contingence et les forces d'avant-garde constituent l'héritage de l'article 5 du Pacte de l'OTAN. Peut-être convient-il maintenant de restructurer certains de ces engagements compte tenu de l'expérience que nous avons acquise au cours des 10 dernières années.

Je voudrais revenir sur la question des ressources humaines. Je ne voudrais surtout pas vous induire en erreur. Il est certain que nous pouvons mener nos activités avec moins de personnel dans certains secteurs. L'exemple des opérations navales est celui qui me vient immédiatement à l'esprit. J'ai été le commandant du Protector, le navire ravitailleur de la côte ouest, qui a un équipage de 250 et un effectif de mécaniciens de navire d'environ 90. Ce navire est propulsé à l'aide de chaudières à vapeur. Ce sont d'ailleurs les seules qui restent dans la marine. Il faut un arsenal maritime avec une bonne infrastructure pour faire fonctionner une centrale thermique à haute pression, et il faut également un effectif important de mécaniciens. Mais un navire moderne a besoin d'un effectif de seulement 30 ou 35 mécaniciens. Et il en va de même pour tous les autres systèmes qu'on retrouve dans les anciens navires de ce type, qui sont tous à forte intensité de main-d'oeuvre. Il en va de même pour le véhicule de reconnaissance Coyote utilisé par l'armée. Avec un seul véhicule de reconnaissance doté de technologie et d'équipement modernes, ils sont maintenant en mesure - et je vais leur laisser le soin de vous décrire ça en détail - de faire plus avec un seul véhicule et quelques personnes qu'ils ne pouvaient faire autre fois avec plusieurs véhicules. La modernisation ouvre de multiples nouvelles possibilités au niveau des capacités et de la structure des forces. Nous comptons en terme de postes prévus à l'effectif. Quand vous mettez en service un nouveau navire et que votre équipage passe de 250 à 150, vous réduisez de 100 le nombre de postes et donc l'effectif des Forces canadiennes. Cela ne se traduit pas directement par une réduction du personnel, mais sur le plan du recrutement, de la formation et de l'instruction, cela finit par représenter une réduction.

Le sénateur Forrestall: Il y a beaucoup d'éléments à prendre en compte. Il n'y a pas de doute à cet égard. La Stratégie 200 mentionne les réserves une seule fois. C'est très décevant, à mon avis. Est-ce que cela veut dire que les réserves n'ont plus leur place au sein des Forces canadiennes?

Le commodore McNeil: Les réserves ont certainement un rôle à jouer à l'avenir dans le contexte de cette révolution qui touche les affaires militaires. Mais une précision s'impose. Nous parlons de la milice et de la réserve de la force terrestre. C'est au général Jeffrey, chef d'état-major de l'Armée de terre, de faire quelque chose au sujet des réserves. Cet objectif est clairement explicité dans le plan de la défense. En fait, j'ai même insisté là-dessus tout à l'heure en répondant à la question précédente, parce que c'est bien important. Sous la rubrique «Restructuration de l'Armée», on dit que «le chef d'état-major de l'Armée de terre exécutera un plan de transition en vue de constitue l'armée intermédiaire viable de demain axé sur une structure prévue pour l'an 2005 qui met l'accent sur des forces mécanisées de poids moyen bénéficiant d'un système d'aide au commandement et de capacités améliorées en matière de renseignements, de surveillance, d'acquisition d'objectif et de reconnaissance, pour en arriver à une armée de plus grande utilité stratégique. Ceci posera les jalons d'une transformation plus fondamentale de l'armée. Comme il s'agit de l'armée du future, cette dernière s'assurera de l'articulation adéquate du plan stratégique approuvé de restructuration de la réserve de la force terrestre et de la modernisation des forces régulières.»

Le général Jeffrey et son personnel voudront certainement vous parler de la réserve et de la force terrestre. Il s'agit pour eux d'un programme d'envergure qui constitue une véritable priorité. Sa structure évolue en fonction de l'orientation que nous prenons actuellement en matière de défense. M. Bon a parlé tout à l'heure de menaces asymétriques.

Dans tout le Canada, la structure des Forces canadiennes leur permet d'être au service des Canadiens. Si vous regardez notre série de scénarios - qui se trouve sur Internet - vous verrez que le scénario 10, si je ne m'abuse, concerne certaines des activités asymétriques qui pourraient nous concerner, tel que le terrorisme au Canada. On pourrait dire que tous ceux qui portent un uniforme, qu'ils fassent partie de la force régulière ou de la réserve auront un rôle à jouer dans ce domaine.

Je vous invite donc à demander au chef d'état-major de vous parler de ses projets par rapport à son plan de modernisation, parce qu'il en a un.

Le sénateur Forrestall: J'ai trouvé inquiétant que vous utilisiez tout à l'heure le terme «intermédiaire». Qu'est-ce que cela veut dire?

Le commodore McNeil: Vous devriez à mon avis demander au responsable de l'Armée de vous l'expliquer, mais je peux certainement vous livrer mes conjectures à cet égard.

Le sénateur Forrestall: C'est vous le patron.

Le commodore McNeil: Non, je ne suis pas le patron.

Pour que ce soit bien clair, je tiens à préciser que moi-même et mon personnel formons un secrétariat. Nous ne possédons aucun pouvoir décisionnel. Nous faisons des analyses; nous faisons de la recherche; nous faisons des recommandations auxquelles on donne suite dans certains cas. «Intermédiaire» veut dire «pas lourd». Ce terme va de pair avec le concept d'une armée légère possédant une force meurtrière, et il cadre tout à fait avec l'orientation que l'Armée américaine semble adopter.

Le sénateur Wiebe: J'ai une question complémentaire. Vos remarques au sujet des réserves laissent entendre que le problème fondamental se situe au niveau de l'Armée de terre et qu'on va vraiment mettre l'accent là-dessus. Mais qu'en est-il des deux autres services, comme la Marine, par exemple, que vous connaissez bien? Quatre-vingt dix-huit p. 100 des membres des équipages des navires de défense côtière sont des réservistes. Ils font un travail formidable. Avez-vous l'intention de vous concentrer uniquement sur la composante terrestre ou comptez-vous également renforcer la formation des réservistes des composantes maritimes et aériennes?

Le commodore McNeil: Je vais laisser le soin au chef d'état-major des Forces maritimes, qui est présent aujourd'hui, de vous parler de l'avenir de la réserve navale. Du point de vue de la coordination centrale, cette dernière va certainement continuer à jouer son rôle et à s'acquitter du mandat qu'on lui a confié. Ses efforts ont été couronnés de succès. Le problème de la modernisation concerne directement la structure de la réserve de la Force terrestre.

Le sénateur Wiebe: Je sais que vous avez sans doute une liste de priorités. Mais ce qui m'intéresse, c'est l'état actuel de vos biens d'équipement. Je voudrais donc reparler un peu de cela.

À un moment donné, je suppose que vous avez dû calculer combien cela vous coûterait, à supposer que vous disposiez des crédits nécessaires, pour moderniser l'ensemble de vos biens d'équipement afin qu'ils respectent les normes mondiales ou qu'ils fonctionnent à pleine capacité. Êtes-vous en mesure de nous indiquer ce chiffre?

Le commodore McNeil: Nous avons un système de planification à long terme des immobilisations que nous appelons la base de données sur les initiatives liées aux capacités. Encore une fois je vous invite ainsi que vos attachés de recherche à consulter ce système. C'est une structure en ligne régie par la demande qui fournit toute la documentation nécessaire à la planification des immobilisations. Les plans relèvent de chacun des trois services. Nous avons maintenant un directeur responsable du développement de la force inter-armées. C'est un document qui représente l'état de la demande depuis la base. Ainsi il présente des demandes dont le coût dépasse de plusieurs milliards de dollars les crédits disponibles.

Pour une raison qui m'échappe, c'est moi qui ai fini par faire ce travail. Je suis responsable de la planification des immobilisations. En même temps, je fais partie de l'équipe. Lorsque j'étais directeur du Développement de la Force maritime, on m'a confié la tâche de faire en sorte que les sous-marins soient abordables. Et c'est ce que nous avons fait. Pour ce qui est du plan des immobilisations à long terme, ma tâche consiste à faire en sorte que tout cela soit abordable, et je sais que nous y arriverons. Là l'accent est mis moins sur le remplacement des plates-formes que sur les capacités manquantes et la manière la plus économique d'optimiser nos investissements en collaboration avec les autres services du gouvernement et le sous-ministre adjoint du Matériel.

Le sénateur Wiebe: Vous feriez un bon politicien. Vous n'avez pas répondu à ma question. Quel est le chiffre en dollars?

Le commodore McNeil: Disons que la demande dépasse l'offre de plusieurs milliards de dollars, et que ce chiffre change tous les jours.

Le sénateur Wiebe: Mais cela représente combien de milliards de dollars aujourd'hui?

Le commodore McNeil: En ce qui concerne le plan réel, un plan triennal lié au plan de la défense, le coût prévu est abordable. Mais il est certain que nous ne pourrons concrétiser simultanément le projet de navires de soutien logistique complet, le projet de pont aérien stratégique et les nombreux programmes de l'Armée. Il faut gérer les dépenses en fonction de nos disponibilités et faire en sorte que chacun de ces projets puisse être exécuté selon nos moyens.

Si je ne réponds pas à votre question, c'est parce qu'il n'y a pas de véritable réponse. Nous continuons à faire des analyses, et quand nous avons fait des analyses suffisamment poussées, nous proposons au gouvernement de financer certains programmes.

Le sénateur Wiebe: Mais je suppose qu'à un moment donné, en prenant votre café avec des collègues, vous avez dû vous dire à quel point ce serait merveilleux d'avoir des jeeps qui soient de la qualité voulue, en vous demandant s'il serait possible de financer un tel projet cette année, ou encore de moderniser les Sea King, par exemple. À un moment donné, quelqu'un au sein de votre ministère a dû vous dire: «Cela coûtera tant pour avoir des jeeps qui soient conformes à la norme mondiale.»

Le commodore McNeil: Oui, absolument.

Le sénateur Wiebe: «Pour moderniser les Sea King, cela vous coûtera tant.» À un moment donné, quelqu'un a bien dû faire ce calcul-là. J'aimerais savoir de quel montant global il s'agit. Il est certain que ce montant ne cadrera pas avec le budget actuel. Il ne va sans doute pas cadrer non plus avec les disponibilités prévues au cours du prochain cycle budgétaire quinquennal. Il faudra peut-être 10 ans pour financer tout cela. Mais donnez-nous au moins une idée du montant pour que nous ayons une hypothèse de travail nous permettant de dire: «Pour moderniser l'ensemble de nos équipements, il nous faut 200 millions de dollars.» À ce moment-là, ce sera à nous de déterminer comment on peut mettre la main sur ces crédits.

Le commodore McNeil: Nous pourrons vous indiquer ce montant lorsque nous vous présenterons notre base de données sur les initiatives liées aux capacités. Encore une fois, je dirais qu'au cours des trois prochaines années, s'agissant de nos affectations budgétaires, nous parlons de vrais crédits et de vraies demandes. Après cela, on ne parle plus que de demandes pures et simples.

Permettez-moi donc de vous donner un exemple concret. La Marine exécute un programme qu'elle appelle le Programme de remplacement du dispositif de lutte anti-aérienne sur zone qui concerne le remplacement des navires de la classe Iroquois dont il a déjà été question; comme ce navire est en service depuis déjà une trentaine d'années, il faut le remplacer. Un jour, un membre de mon personnel est venu me dire que la Marine avait présenté une demande de 8 milliards de dollars à l'égard de ce programme, alors qu'en théorie, ce dernier devait représenter un coût de 3 milliards de dollars. Ce qui est arrivé, c'est que les responsables de la Marine ont commencé à s'informer des diverses possibilités, et ont fini par déterminer que c'est l'Aegis Cruiser qu'il leur fallait. Si vous faites vos calculs, vous arrivez à un coût de 8 milliards de dollars pour une telle acquisition. Mais je peux vous dire tout de suite que ce n'est pas réel. Évidemment, nous avons besoin de cette capacité et sans doute même d'un navire ayant un niveau de performance semblable, mais ce ne sera pas l'Aegis Cruiser. Au fur et à mesure que nous ferons notre recherche et notre analyse, nous déterminerons quel navire nous convient et nous pourrons alors en établir le coût réel.

Cette demande n'est pas réelle. Elle demeure artificielle tant que nous n'avons pas fait les bonnes analyses et que nous ne l'avons pas présentée au gouvernement.

Le président: Le sénateur Wiebe voudrait connaître votre liste de priorités et le coût qui s'y rattache, et le comité voudra certainement revenir là-dessus.

Le sénateur Cordy: Je suis de la Nouvelle-Écosse. Notre belle côte s'étend sur des centaines et des centaines de milles, mais elle a besoin de protection. J'ai lu dans le journal - et je ne sais pas si c'est déjà votre pratique ou non - qu'il est question d'assurer la surveillance des côtes autour de la Nouvelle-Écosse au moyen d'aéronefs télépilotés. Est-ce déjà le cas ou est-ce que vous envisagez peut-être de recourir à cette solution à l'avenir?

Le commodore McNeil: Il existe plusieurs types de véhicules télécommandés de nos jours, qui sont utilisés aux niveaux à la fois opérationnel, tactique et stratégique. Il y en a un qui s'appelle Predator; un autre s'appelle Global Hawk. L'analyse coût-efficacité indique que du point de vue du coût de la surveillance qu'on obtient, ce type de véhicule a un véritable effet multiplicateur de la force. Les Forces canadiennes vont donc envisager d'utiliser tous ces systèmes-là.

Comme l'indiquait certains récents articles, le chef d'état-major de la Force aérienne aurait récemment évoqué cette possibilité.

À l'heure actuelle, nous avons recours aux aéronefs Aurora pour assurer la surveillance de nos côtes. Vu les investissements qui sont faits dans des travaux de modernisation de l'Aurora, ceci continuera d'être le cas jusqu'au moment où nous ferons une analyse complète de la situation et que nous verrons dans quelle mesure des systèmes comme ceux dont sont dotés le Predator et le Global Hawk nous offrent des solutions plus économiques. Il s'agit donc d'une possibilité tout à fait réelle que nous examinons actuellement.

Le sénateur Cordy: J'étais très heureuse de voir que l'un des engagements que vous avez pris en 2001 consiste à donner la priorité à vos ressources humaines. Évidemment, nous avons tous entendu parler dans les médias et à la télévision du faible moral des membres des Forces canadiennes. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour améliorer le moral des Forces armées? Nous aimerions pouvoir vous dire que le moral de ceux qui défendent notre pays est très élevé.

Le commodore McNeil: La blague au quartier général de la Défense nationale à Ottawa, c'est que le moral des troupes est inversement proportionnel à la distance qui les sépare de 101, promenade Colonel By.

Vous aurez l'occasion d'aller parler aux troupes. Je connais bien Halifax et Victoria. J'ai récemment passé deux semaines à Valcartier en vue d'améliorer mon français. J'adore parler aux troupes, et je constate qu'elles ont très bon moral.

Nous avons pris beaucoup de mesures sur le plan de l'habitation et des salaires, grâce d'ailleurs à l'aide du comité sénatorial permanent. Donc, en ce qui me concerne, le moral des troupes ne pose pas problème. Moi-même, j'ai parfois un problème de moral, mais j'estime qu'il n'y a pas de problème de moral généralisé.

Le sénateur Cordy: Peut-être que cela rejoint un peu ce que disait le sénateur Wiebe tout à l'heure au sujet de la nécessité d'assurer de bonnes relations avec le public.

Le commodore McNeil: Je connais bien le directeur général des Affaires publiques et je dois dire qu'il a fait un excellent travail ces dernières années. Il ne faut donc pas tirer sur le messager. J'ai constaté à maintes reprises qu'on aura beau avoir de bonnes nouvelles à communiquer, si les journalistes décident de ne pas en parler, on ne peut rien y faire. Par contre, une seule mauvaise nouvelle ou un seul soldat qui a mauvais moral donne l'impression aux gens que le moral de tous est atteint.

Nous ne pouvons qu'essayer de faire le maximum. Et tous les militaires ont un rôle à jouer sur ce plan-là, peut-être même un rôle plus substantiel que celui que nous avons joué par le passé.

Le sénateur Cordy: Ceux et celles d'entre nous qui sommes en politique comprenons très bien ce que vous dites.

Le sénateur Meighen: M. Bon m'a gentiment invité à vous poser cette question concernant le ratio dents-queue. Pouvez-vous me dire si ce ratio est quantifiable? Et dans l'affirmative, où se situe-t-il à l'heure actuelle et dans quel sens évolue-t-il?

Le lieutenant-colonel Kelly: Je suis en mesure de répondre à votre question. Je peux vous donner le chiffre, mais pour vous faire un peu l'historique de la question, à l'époque des réductions budgétaires où le ministère devait, lui aussi, faire sa part pour éponger le déficit, nous avions tendance à préserver la composante soutien de nos activités. Nous avons cherché sciemment à préserver la première ligne ou la composante opérationnelle des forces.

En fait, je dirais que le ration dents-queue a dû s'améliorer. Il y a à présent plus de dents et moins de queue. Cela dit, nous nous rendons compte maintenant - au fur et à mesure qu'évolue le monde que nous sommes appelés à déployer nos troupes à l'étranger, étant donné que nous n'avons plus de queue à Baden et à Lahr, nos forces permanentes d'outre-mer ayant été démantelées - nous sommes obligés d'amener la queue avec nous. En ce qui concerne bon nombre de nos déploiements à l'étranger, nous constatons à présent que ceux qui ont tendance à souffrir d'épuisement professionnel sont nos mécaniciens, nos spécialistes des communications et tous ces gens qui doivent participer à répétition aux différents déploiements.

Au sein du ministère, nous essayons par conséquent de réexaminer notre capacité de déployer du personnel et de remettre l'accent là-dessus jusqu'à un certain point.

Le sénateur Meighen: Mais cela ne veut pas nécessairement dire que le ratio doit changer, n'est-ce pas? Je suppose que vous voulez dire par là que vous voulez faire en sorte que votre personnel soit plus facilement déployable.

Le lieutenant-colonel Kelly: Non, nous voulons renforcer les capacités de la queue. Nous avons besoin de renforcer la capacité de déploiement du groupe qu'on appelle actuellement le groupe mixte d'appui. Il s'agit d'un groupe de personnes assurant différents types de services d'appui que nous pouvons déployer lorsque le besoin s'en fait sentir. Nous comptons donc renforcer cette capacité, par rapport à celle qui existe actuellement, en y affectant des ressources additionnelles.

Le président: C'est peut-être la définition des dents et de la queue qui pose problème.

Le sénateur Banks: Commodore McNeil, vous avez certainement lu les critiques diffusées par les médias. La presse, par définition, s'intéresse à tout ce qui suscite des controverses. Vous êtes certainement au courant des critiques de suradministration et autres formulées à l'égard des Forces armées canadiennes.

Je dois dire que je suis un peu déchiré. Je suis content de savoir que vous appliquez de solides principes commerciaux en administrant les Forces armées, car depuis plusieurs siècles, c'est justement ce reproche qui est fait à l'égard des armées. Vous dites que la Marine a demandé quatre nouveaux croiseurs, mais puisque ce n'est pas envisageable, il faut trouver d'autres façons de mener nos activités.

Si vous me permettez de faire une sorte de diagnostic, on peut dire que selon le médecin, le malade doit prendre deux pilules pour guérir sa maladie, c'est-à-dire pour atteindre l'objectif fixé. Votre travail consiste à dire au malade qu'il ne peut pas en prendre deux; il doit se contenter d'en prendre une. Mais quel en est l'impact sur nos capacités? Qu'arrive-t-il si un pompier vous dit qu'il a besoin de quatre tuyaux mais que vous lui répondez qu'il ne peut en avoir que deux? Peut-on donc dire que dans certains cas, c'est une petite minorité qui se fait obéir?

Le commodore McNeil: Si le docteur avait recommandé que le malade prenne deux pilules, mais que personnellement, je n'étais pas sûr des faits, j'irais voir un autre docteur et je poursuivrais ma recherche et mon analyse pour savoir exactement ce qui risquerait d'arriver si le malade devait prendre ces deux pilules.

Le sénateur Banks: Et qui est le deuxième docteur?

Le commodore McNeil: Nous avons des gens qui jouent ce rôle. Moi, je porte l'uniforme de la Marine, mais j'ai des analystes qui font partie de mon personnel. Comme je vous l'expliquais tout à l'heure, nous sommes une sorte de mini-conseil du Trésor; nous analysons les informations qu'on nous présente en vue d'assurer la bonne coordination du programme. Nous analysons les diverses possibilités pour savoir lesquelles sont les plus économiques, lesquelles répondent le mieux aux besoins de la population canadienne, des contribuables canadiens et des Forces armées canadiennes. Ce qui convient le mieux à la Marine peut ne pas nécessairement représenter la meilleure solution pour les Forces canadiennes et pour la population canadienne.

Le sénateur Banks: Mais toute cette démarche est tirée par ceux qui exécutent, n'est-ce pas?

Le commodore McNeil: Oui, absolument.

Le sénateur Banks: Est-ce que notre planification militaire consiste à nous demander de combien d'argent nous disposons pour ensuite essayer de faire notre mieux avec les crédits disponibles? Ou nous demandons-nous d'abord ce qu'il faut faire pour ensuite déterminer les moyens les plus efficaces d'accomplir ce travail? Il s'agit-là de deux modèles de planification différents.

Le commodore McNeil: Il n'y aura jamais assez d'argent pour donner à tous ce qu'ils voudraient avoir. Nous demandons sans arrêt d'autres ressources, comme le font les responsables du système de soins de santé et du système d'éducation. Nous savons très bien que compte tenu des paramètres de la planification, nous n'obtiendrons qu'un certain montant; par conséquent, nous établissons nos prévisions et nous faisons de notre mieux avec les ressources disponibles.

Le président: Commodore McNeil, lieutenant-colonel Kelly, votre exposé semble avoir suscité d'autres questions dans l'esprit des membres du comité, et c'est justement pour cela qu'on vous a invités. Merci beaucoup.

Notre prochain témoin est le capitaine Laing. Après avoir terminé ses études au Collège militaire royal de Saint-Jean, le capitaine Laing a occupé plusieurs postes à terre et en mer. Dans le cadre d'une affectation à Norfolk, en Virginie, il a dirigé un essai en mer, réel, intensif et multi-menaces du système de combat de la Marine américaine.

Après avoir terminé ses études au Collège d'état-major et de commandement des Forces canadiennes, il a été affecté à l'état-major du commandant du Groupe opérationnel du Canada pour les opérations à l'appui des sanctions prises par l'ONU contre l'Iraq, dans le golfe Persique. En juin 1997, il est devenu directeur de la Tactique et Analyse opérationnelle au Centre de guerre navale des Forces canadiennes. L'année suivante, il a assumé le commandement de l'École des opérations navales des Forces canadiennes.

En janvier 1999, il a été promu à son rang actuel et muté au QGDN en tant que directeur de l'État de préparation maritime. Il est actuellement directeur de la Stratégie maritime.

Le capitaine Laing va nous donner un aperçu général de la Marine, de ses capacités actuelles et des défis futurs qu'elle aura à relever.

Le capitaine de vaisseau Kevin Laing, directeur, Stratégie maritime, chef d'état-major des Forces maritimes: Monsieur le président, comme on vient de vous le dire, je travaille au quartier général de la Défense nationale. J'ai l'honneur de vous parler aujourd'hui au nom du vice-amiral Ron Buck, chef d'état-major des Forces maritimes, et plus précisément de vous transmettre des renseignements de base sur les Forces maritimes du Canada, votre marine - en guise d'introduction à vos délibérations sur les grandes questions de sécurité et de défense auxquelles est confronté notre pays.

Ce matin, on vous a parlé de l'orientation générale de la politique, de la planification et des ressources du Canada en matière de défense. L'application revient toutefois à la Marine, à l'Armée de terre et à la Force aérienne. Il convient donc d'examiner plus en profondeur les trois armées, et je suis heureux d'être le premier à vous présenter ce qu'on pourrait considérer comme une perspective navale.

Je tiens à souligner, cependant, que la nature inter-armées des Forces canadiennes n'est pas qu'une expression à la mode. Dans le cas des Forces canadiennes, il est certain qu'en alliant les capacités des différentes forces, l'on obtient un résultat supérieur à la somme des effets individuels. Mais pour réaliser ce potentiel collectif, il faut véritablement en comprendre les éléments. Mon exposé sera axé sur l'un de ces éléments, la Marine, et sur la façon dont elle fournit ses capacités particulières.

[Français]

Je vais d'abord vous expliquer en quoi consiste la marine dans son sens le plus large. Il sera question de l'évolution de notre marine par rapport à notre profil géographique, à la place que nous occupons sur la planète, à notre position et à nos aspirations économiques, et enfin par rapport à notre engagement politique sur la scène mondiale. Ensuite, je vous expliquerai notre perception de l'évolution de la dimension maritime de ce monde et le rôle qui incombe à la marine face à certaines préoccupations d'avenir. Pour terminer, je parlerai de notre structure, de notre organisation et de nos équipements ainsi que de la manière dont nous comptons évoluer au cours des 20 prochaines années.

[Traduction]

À cet égard, la Marine a élaboré dernièrement une stratégie en vue de l'établissement d'une structure cohérente des Forces maritimes du Canada et des rôles qui lui conviennent le mieux. L'amorce des délibérations de votre comité tombe certainement à point nommé.

Le document s'intitule «Leadmark». Nous l'avons publié en deux formats - la version intégrale compte plus de 150 pages. Il a été largement diffusé par voie électronique et a reçu un bon accueil des milieux universitaires, ainsi que des milieux de la sécurité et de la défense. Cependant, la traduction de cette stratégie n'est pas encore terminée. Je m'attends à ce que le document puisse être distribué d'ici à la fin d'août, et je vous en ferai parvenir alors des exemplaires.

Entre-temps, nous avons publié une version condensée, dont vous avez reçu des exemplaires «pré-tirage». Vous trouverez aussi devant vous des cartes et des tableaux que vous pourrez consulter, et vous noterez que certaines des figures sont extraites du document intitulé «Leadmark».

Enfin, je terminerai mon exposé de ce matin en vous présentant certains des plus importants défis que nous aurons à relever en réalisant cette stratégie. Après que vous aurez entendu mes collègues de l'Armée de terre et de la Force aérienne, vous reconnaîtrez sans doute que les défis auxquels se trouve confrontée la Marine ne sont pas uniques. Ils peuvent se présenter sous des angles différents, mais leurs fondements sont communs aux trois armées. Voilà pourquoi des solutions seront élaborées conjointement.

Je vous ai fait remarquer, d'ailleurs, que j'ai apporté un certain nombre de changements stylistiques mineurs au texte qui vous a été distribué. Le seul changement substantiel touche le dernier paragraphe, qui a été remanié. Je suis d'ailleurs tout à fait disposé à vous fournir des copies de la version révisée.

Permettez-moi tout d'abord de vous soumettre quelques vérités toutes simples. Les marines sont un élément de la politique maritime des nations. Plus précisément, elles permettent à l'État d'utiliser la mer à son avantage, en tâchant d'empêcher d'autres pays de l'exploiter à son détriment.

En tant que membre actif de la communauté internationale, le Canada a des intérêts maritimes considérables. La mer demeure un élément important de notre identité nationale, en plus d'être notre porte d'entrée sur le monde. Le Canada possède le plus long littoral au monde, par sa situation en bordure de trois océans - l'Atlantique, le Pacifique et l'Arctique. Notre zone économique exclusive, ou ZEE, au large équivaut à plus des deux tiers de notre territoire, et on y trouve une abondance et une diversité de ressources minérales et biologiques.

Si vous jetez un coup d'oeil à la figure 1, vous verrez qu'il y a deux cartes. La première illustre l'étendue de notre ZEE de 200 milles marins et la seconde, les responsabilités de défense du Canada envers ses alliés.

Ces responsabilités nous incombent, d'une part, au titre de la défense réciproque de l'Amérique du Nord avec les États-Unis et, d'autre part, par suite de notre adhésion à l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord. Effectivement, elles étendent le rayon d'action du Canada même au-delà de la ZEE: jusqu'au pôle Nord et jusqu'à la frontière centrale des océans atlantique et pacifique.

D'un autre point de vue, près des trois quarts du produit intérieur brut du Canada proviennent des échanges internationaux, ce qui place le Canada au rang des principaux pays commerçant du monde.

Le président: Pourriez-vous nous expliquer qui se trouve sur la seconde carte, s'il vous plaît?

Le capitaine Laing: Le sigle FMAR(P) désigne les Forces maritimes du Pacifique, alors que le sigle FMAR(A) désigne les Forces maritimes de l'Atlantique.

Les ports à conteneurs de Vancouver, de Halifax et de Montréal sont reliés à leurs équivalents outre-mer par les autoroutes mondiales que les voies commerciales océaniques. Et ce monde - le village planétaire - comporte une dimension maritime importante. Plus de 70 p. 100 de la surface du globe est recouverte par les eaux, 80 p. 100 des pays du monde ont un littoral, et la majorité de la population mondiale habite à moins de 500 kilomètres d'un littoral.

Un principe fondamental de la stratégie maritime veut que la mer nous serve de voie d'accès ou nous pose un obstacle, selon qui exerce la haute main sur les voies navigables. À l'heure actuelle, le Canada jouit de tous les avantages. Les océans nous ouvrent des portes sur le monde, mais ils servent également à nous défendre. La Marine est l'instrument exclusif de la politique canadienne de sécurité nationale en haute mer. Dans la vaste zone économique exclusive, la responsabilité des affaires constabulaires est exercée en collaboration avec d'autres ministères, et la Marine collabore régulièrement avec un bon nombre d'entre eux - le plus souvent avec le ministère des Pêches et Océans, le Solliciteur général et Citoyenneté et Immigration Canada. Cependant, qu'elle travaille seule ou en collaboration, la Marine assure fondamentalement notre liberté de mouvement en faveur des intérêts du Canada et de la primauté du droit.

Tous les Livres blancs sur la défense publiés par le gouvernement du Canada font état de trois piliers fondamentaux sur lesquels repose la sécurité canadienne, et le dernier énoncé de la politique (1994) ne fait pas exception. Il s'agit de: défendre le Canada; collaborer à la défense de l'Amérique du Nord; et favoriser la paix et la sécurité dans le monde.

La Marine est un élément indispensable de ces impératifs canadiens que sont le respect de notre souveraineté, la défense continentale et un internationalisme sérieux. Au siècle dernier, la Marine canadienne a évolué de pair avec la nation. Le premier ministre Laurier l'a instituée en 1910 en tant qu'élément essentiel de l'édification de la patrie, une manifestation tangible du transfert au Canada des pouvoirs de la Grande-Bretagne.

À l'origine, cette force devait se limiter à affirmer la souveraineté dans les eaux canadiennes, mais à mesure que les intérêts du Canada se sont accrus sur la scène mondiale, la portée de la Marine s'est élargie, en temps de paix comme en temps de guerre. Parallèlement à l'engagement croissant en faveur de la sécurité collective, l'influence politique du Canada reposait sur la crédibilité de son apport militaire spécialisé à la défense alliée de l'Amérique du Nord et de l'Europe. La Marine canadienne a joué un rôle capital dans la lutte pour la démocratie durant les deux guerres mondiales et dans l'établissement de la paix armée au cours de la dernière moitié du XXe siècle. En cette ère de l'après-guerre froide, les impératifs élargis de la sécurité humaine - à la fois internationaux et plus indépendants - font que le monde est plus complexe. Nous au Canada maintiendrons notre engagement et, à cause de la nature essentiellement maritime de la planète, la Marine conservera un rôle de premier plan. En tant que force établie depuis longtemps et apte à se déployer mondialement, la Marine a pour rôle de doter le gouvernement canadien de moyens autonomes de s'engager à bref préavis, n'importe où (sur les trois quarts de la surface de la terre), n'importe quand - et au moment et au lieu de son choix.

[Français]

Bien entendu, protéger la souveraineté du territoire du Canada et de ses approches maritimes demeure la priorité absolue des Forces canadiennes. Même s'il est impossible d'écarter les menaces asymétriques, selon les derniers Aperçu stratégique et Évaluation militaire, il est peu probable qu'une menace militaire conventionnelle pèse directement sur le Canada dans un avenir prévisible. Cependant, comme vous le savez, les menaces que l'on appelle asymétriques soulèvent de plus en plus de préoccupations. Demain, le Bureau de la protection de l'infrastructure essentielle et de la planification d'urgence vous fera un exposé sur la nature de ces menaces. Je me garderai de vendre la mèche et je me contenterai de vous dire que la marine a déjà joué un rôle prépondérant dans la luttre contre ces menaces croissantes qui se posent à notre territoire.

Vous savez sans doute que nous avons pris part à l'arrestation de nombreux immigrants illégaux, en particulier ceux qui sont arrivés de Chine, au large de l'île de Vancouver, il y a deux ans. Vous êtes au courant de nos opérations permanentes de lutte contre les narcotrafiquants au large des côtes de l'Atlantique et du Pacifique. Nous avons également collaboré à des missions semblables jusque dans le bassin des Caraïbes. Je reviendrai sur ce point.

[Traduction]

Ce qu'il faut retenir, bien sûr, c'est que la Marine ne fait pas qu'accomplir son travail à proximité de chez nous. Notre continent est à toutes fins pratiques une île, et comme le Canada exerce des engagements dans le monde entier, les Forces canadiennes réalisent un bon nombre de leurs opérations au-delà de nos frontières maritimes. En fait, les opérations expéditionnaires ont été au coeur de la tradition canadienne de sécurité et elles expliquent l'évolution du concept de l'emploi des Forces canadiennes.

Selon la perception mondiale d'un internationalisme sérieux, la résolution de problèmes internationaux à leur source peut réduire les risques d'attaques asymétriques. La première étape consiste à mettre en place les outils permettant d'exercer une influence. Dans cette optique, on entrevoit un rôle grandissant pour les ressources transportées par mer. Comme les autoroutes océaniques constituent un moyen accessible et efficace de se rendre à de nombreux points chauds du globe, elles risquent d'être un élément important de toute solution.

Contrairement à la situation durant la guerre froide, alors que la plupart des activités navales étaient exercées sur le maintien de voies de communication maritimes dans les eaux bleues des zones océaniques normales, l'attention est maintenant centrée sur des opérations menées dans la zone terre-mer que constituent les eaux vertes des littoraux. En grande partie, on reconnaît ainsi que les États-Unis et les pays alliés se sont approprié le commandement de la mer de fait, et l'on s'attend à ce qu'ils conservent cette mainmise au cours des 20 prochaines années. Cela procure aux puissances maritimes comme le Canada beaucoup de souplesse pour éviter que l'instabilité régionale dégénère en déstabilisation mondiale.

Étant donné que ce genre d'opérations exigera sans doute la présence d'une certaine force militaire au sol, les stratèges militaires privilégient la recherche des meilleurs moyens de soutenir les forces inter-armées et alliées dans les littoraux. En fait, les principaux alliés du Canada entrevoient maintenant une utilisation croissante des zones littorales étrangères afin de lancer des opérations expéditionnaires de gestion de crise plus complexes et, s'il le faut, plus robustes.

Ce qui rend la marine un outil si indispensable des opérations inter-armées et combinées à partir de la mer est sa capacité d'exploiter les océans en tant qu'autoroutes internationales. La liberté des mers confère à la marine le droit de mener des activités au-dessus, en dessous et à la surface de la haute mer. Cela lui procure la mobilité et la capacité d'exercer une force de surface, aérienne, sous-marine et depuis l'océan, dans tous les endroits au monde qui sont accessibles par la mer - c'est-à-dire, tout lieu situé jusqu'à 12 milles marins au large des côtes d'un pays. Il n'existe aucun droit équivalent vis-à-vis du territoire d'un autre État.

Manifestement, cette liberté de mouvement offre une synergie que la marine peut exploiter à son avantage. Une marine ne peut pas tenir le terrain dans la mesure où une armée de terre peut le faire. Elle ne peut pas non plus atteindre les extrémités du globe aussi rapidement qu'une force aérienne. Mais la capacité d'une marine de demeurer au large des côtes étrangères indéfiniment, dotée d'une solide capacité de combat, est inégalée.

Ainsi, même si les plates-formes navales et leurs équipages sont conçues et formées principalement pour combattre en mer et dans les littoraux, c'est cette liberté de mouvement qui détermine leur aptitude à réaliser une gamme beaucoup plus large et plus souple de missions opérationnelles.

En particulier, certaines caractéristiques stratégiques sont propres aux forces navales. Premièrement, elles sont uniques par leur capacité à se déployer rapidement et à rester dans une zone pendant de longues périodes sans l'accord des États avoisinants, et elles n'ont pas besoin de compter sur des systèmes complexes de soutien logistique au sol sur le théâtre. Deuxièmement, elles ont une souplesse inhérente qui leur permet de changer de rôle rapidement sans perdre de leur efficacité ou sans avoir à rentrer pour subir des travaux de reconfiguration. Troisièmement, elles peuvent se sortir relativement facilement de situations menaçantes, même en maintenant la capacité de fonctionner dans des situations périlleuses et la capacité de se protéger autant que de protéger ceux dont elles ont la garde. Enfin, les bâtiments de guerre ont une valeur symbolique, en ce sens qu'ils sont le prolongement juridique de leur pays d'appartenance. À cet égard, la présence d'un bâtiment de guerre est un signe clair de l'intérêt ou du souci d'un État, ou d'un groupe d'États dans le cas des forces multinationales, à l'égard d'une situation donnée.

[Français]

Voilà quelques-unes des caractéristiques uniques de la marine. Avant de passer aux applications pratiques de ces caractéristiques, je vous invite à regarder la figure 2 sur les rôles et fonctions de la Marine canadienne. Ce modèle a été élaboré dans le contexte du document Leadmark, pour illustrer la complexité des opérations navales en mer. En termes simples, on conçoit un triangle au sein duquel la ressource maritime constitue l'unité sous-jacente d'une trinité de rôles - militaire, diplomatique et policier - qui sont interdépendants à travers le spectre des conflits. Des cercles superposés montrent la réalité selon laquelle, dans la pratique, il est rare que les marines mènent à bien leurs fonctions quotidiennes en se limitant à un seul domaine, surtout en temps de paix. Le type d'activités et le degré de force militaire nécessaires à leur exécution sont réflétés dans chaque sphère, sur une échelle illimitée. En fait, la capacité d'exercer une violence contrôlée inhérente à une flotte va de la présence et de l'influence à la coercition et au combat et, selon l'orientation politique, elle dépend entièrement des circonstances.

[Traduction]

Examinons pendant quelques minutes chacun des trois grands rôles et la façon dont ils dictent la forme et la mission de la marine.

Premièrement, il y a le rôle militaire. Comme on peut s'y attendre, il forme la base de la trinité, car l'essence d'une marine réside dans son caractère militaire. Même si aucune menace militaire directe ne s'exercera probablement sur le Canada dans l'avenir prévisible, on ne peut pas l'écarter. On s'attend à ce que la Marine canadienne utilise la mer pour défendre les engagements de la nation et des alliés. La marine représente la ligne de défense extérieure de la nation contre un agresseur armée. Au-delà des littoraux du Canada, les obligations en matière de sécurité collective exigent à leur tour que la Marine se prépare au combat moderne. L'accroissement prévu des missions expéditionnaires de gestion de crise dans les littoraux du monde entraîne un risque d'escalade en situations d'urgence. Le Canada pourrait également être entraîné dans un conflit par alliance ou coalition, comme ce fut le cas en Corée dans les années 1950, de même que dans le golfe Arabo-Persique et la mer Adriatique dans les années 1990.

Vient ensuite le rôle diplomatique des marines. Il s'agit de la gestion de la politique étrangère sans aller jusqu'à l'emploi réel de la force. Si l'on accepte que le Canada continuera de chercher à influencer le climat de la sécurité mondiale en maintenant ses engagements sur la scène internationale, on s'attend à ce que la Marine du Canada utilise la mer à l'appui de la politique étrangère canadienne. Dans le contexte changeant de la sécurité au XXIe siècle, les frontières entre la notion traditionnelle de la diplomatie navale et le concept primordial de la gestion de crise s'estompent progressivement. Pourtant, toutes ces fonctions demeureront des dimensions importantes des opérations du temps de paix faisant appel aux Forces canadiennes.

Lorsque le gouvernement ordonne à la Marine de participer à des missions d'aide humanitaire, à l'application de sanctions et à des déploiements préventifs, l'expérience indique qu'il est probable que ces opérations soient menées dans le cadre d'une coalition, ou en collaboration avec les forces armées de nations alliées ou de pays qui partagent nos aspirations. Ainsi, cela ajoute une nouvelle dimension à la question: on utilise souvent la diplomatie navale pour influencer non seulement des adversaires potentiels, mais aussi des amis et des partenaires.

Enfin, il y a le rôle constabulaire. On le présente en dernier seulement parce qu'il est exercé à l'interne autant qu'à l'externe, et rarement en collaboration avec des forces étrangères. En ce qui concerne la souveraineté nationale, on s'attend à ce que la Marine du Canada utilise ses approches maritimes pour affirmer la souveraineté canadienne, indépendamment de l'appui d'autres pays. En l'absence d'une forte menace militaire conventionnelle contre l'Amérique du Nord, la principale fonction de la Marine canadienne pour affirmer Notre souveraineté consiste à faire des patrouilles dans nos vastes approches maritimes. La plupart des pays qui possèdent un littoral océanique ont établi une forme de garde côtière distincte, et au Canada effectivement, la responsabilité première de l'exécution des lois canadiennes relève d'autres ministères. Mais vu l'immensité de nos ressources offshore, il arrive souvent que la Marine soit appelée à prêter assistance à ces ministères par des moyens divers. La plupart du temps, nous collaborons avec Pêches et Océans, la Gendarmerie royale du Canada, ainsi que Citoyenneté et Immigration Canada. Le type de soutien que nous offrons va de la surveillance de la conformité à la prestation de services de transport maritime et peut, en cas de nécessité et en dernier recours seulement, englober la possibilité d'employer la force meurtrière.

Voilà, mesdames et messieurs qui complète un aperçu général quelquefois ésotérique de l'utilité des marines.

Je voudrais maintenant vous décrire la façon dont la Marine canadienne est structurée et équipée pour exercer ces divers rôles et les fonctions connexes. La Marine compte quelque 9 000 marins de la force régulière, 4 000 réservistes et 4 000 civils. La figure 3 illustre la répartition du quartier général du Commandement maritime (le COMAR) et de ses trois formations subordonnées. Le chef d'état-major des Forces maritimes et chef de la Marine se trouve à Ottawa depuis 1997; les Forces maritimes de l'Atlantique (ou FMAR(A)) ont leur quartier général à Halifax, en Nouvelle-Écosse; les Forces maritimes du Pacifique (FMAR(P)) ont leur quartier général à Esquimalt (Victoria, en Colombie-Britannique); et la Réserve navale est basée à Québec.

La majorité des membres de la Réserve navale sert dans une des 24 divisions de la Réserve navale au Canada. Dotée chacune de 150 à 200 membres, les divisions assurent un élément de visibilité très important à la Marine canadienne. La flotte opérationnelle de la force totale est répartie de manière équilibrée entre la côte est et la côte ouest, mais avec un peu plus d'infrastructure et plus de personnel à Halifax.

À l'aube du XXIe siècle, on pourrait dire que le Canada possède la Marine la mieux équilibrée et la plus solide de son histoire. Nul ne peut lier la souplesse inhérente des forces navales qui remontent essentiellement à la guerre froide et qui se sont avérées remarquablement adaptables au nouvel ordre mondial. Le Canada possède une flotte moderne dotée d'une gamme élargie de capacités. Il est instructif d'examiner comment sont employés les éléments qui la constituent, et pour ce faire, je vous invite à vous reporter à la figure 4 sur les unités de la flotte canadienne.

Les quatre destroyers de la classe Iroquois ont été modernisés au début des années 1990, en fonction des dernières normes applicables au commandement et au contrôle de la défense aérienne (ils ont ainsi été rebaptisés «destroyers lance-missiles»).

Les navires de ce type ont servi de navire amiral pour les commodores canadiens aux commandes de la Force navale permanente de l'Atlantique (ou STANAVFORLANT), entre autres durant le conflit en Bosnie, de 1993 à 1995, et la campagne du Kosovo, en 1999.

Vous vous souviendrez que j'ai mentionné la vaste participation de la Marine canadienne à des activités de lutte contre les narco-trafiquants. Ce fut le cas en 1999 lorsque le NCSM Iroquois - le navire mère de cette classe - a dirigé la STANDAVFORLANT à l'appui de missions antidrogues de la Drug Enforcement Agency des États-Unis, dans le golfe du Mexique.

[Français]

Le système intégré de combat de frégates de patrouille de la place Halifax fait l'envie d'autres marines. Les douze navires de cette classe ont fait le tour du monde pour montrer le savoir-faire technologique du Canada. Des navires uniques venant des flottes du Pacifique et de l'Atlantique ont tour à tour été intégrés de manière transparente aux groupes aéronavals de la marine américaine déployés dans le golfe persique, afin de faire exécuter les résolutions des Nations Unies contre l'Iraq. Le navire déployé ne fait pas que renforcer la force américaine, il remplace un navire équivalent de la marine américaine. Je ne saurais trop insister sur le fait que notre crédibilité en tant que force apte à servir d'unité intégrée à cet effet amplifie la voix du Canada à l'égard de l'orientation de ces opérations.

[Traduction]

Les sous-marins de la classe Victoria remplacent les sous-marins de la classe Oberon, ce qui permet au Canada de maintenir une capacité sous-marine moderne et une structure de la flotte équilibrée pour les années à venir. Outre leurs opérations traditionnelles et leurs rôles d'instruction, les sous-marins ont aussi apporté littéralement une dimension nouvelle à des activités d'affirmation de la souveraineté, telles les patrouilles dans les zones de pêche et les opérations antidrogues, grâce à leur capacité de s'approcher des contrevenants sans être observées. Durant le conflit de la crise du flétan noir en 1995, ils ont été employés ainsi à bon escient.

Les navires de ravitaillement de la classe Protecteur, toujours essentiels au maintien en puissance opérationnelle des flottes canadiennes et alliées, ont maintes fois servi à ces fonctions traditionnelles dans le cadre d'opérations dans le golfe Arabo-Persique, au large de Haïti et dans l'Adriatique. Ces navires d'approvisionnement ont d'ailleurs été parmi les plus occupés de la flotte canadienne. Ils ont sillonné le globe à l'appui de missions diversifiées, comme assurer le premier quartier général mixte à la mer du Contingent canadien en Somalie, en 1993, et fournir des secours humanitaires au Timor Oriental il y a plus d'un an.

Les 12 navires de défense côtière de la classe Kingston sont destinés à accomplir toute une gamme de missions, la plupart liées à la lutte anti-mines. Ces navires polyvalents ont aussi été employés aux fins de l'instruction des officiers subalternes et de missions de patrouilles de souveraineté, et ils peuvent soutenir les principales unités de la flotte en activité.

Durant l'opération anti-sinistre qui a suivi l'écrasement d'un avion de la Swiss Air en 1998, par exemple, quatre navires de la classe Kingston ont embarqué des charges acoustiques sous-marines afin d'aider à la recherche, à l'identification et à la récupération de débris d'aéronef. Sous le commandement de membres de la Réserve navale surtout, ces bâtiments sont un parfait exemple de l'application du concept de la force totale.

Les plates-formes aériennes maritimes ont vu s'accroître leurs fonctions qui s'éloignent des tâches traditionnelles de guerre anti-sous-marine et de surveillance océanique. Les aéronefs de patrouille à grand rayon d'action Aurora et les hélicoptères maritimes Sea King soutiennent également les forces intérieures, les forces de coalition (inter-armées et combinées) et d'autres ministères. Ils exécutent à cet effet toute une gamme d'opérations, dont l'application de sanctions, la surveillance aérienne, le transport tactique, le soutien à terre, des missions de paix et de lutte antidrogue, la surveillance de l'immigration illégale, le contrôle de la pollution et la protection environnementale, ainsi que la recherche et le sauvetage. Bien entendu, tous les services aériens militaires au Canada sont assurés par la Force aérienne. Ainsi, le colonel Hines, dans le cadre de son exposé sur la Force aérienne cet après-midi, vous donnera plus de précisions sur les ressources maritimes à voilure fixe et à voilure tournante.

Voilà donc la flotte telle qu'elle existe aujourd'hui. Et au cours des 10 dernières années, cette flotte, comme les Forces canadiennes en général, a été plus active dans une plus vaste gamme d'opérations de par le monde qu'à toute autre période de son histoire en temps de paix.

Si vous regardez la figure 5, vous constaterez l'étendue des déploiements maritimes du Canada entre 1996 et l'an 2000. Nos bâtiments de guerre ont littéralement parcouru la surface de la terre et accompli un éventail complet de fonctions navales, sans aller jusqu'à faire la guerre.

[Français]

En fait, un examen de l'emploi de la marine durant l'après-guerre froide confirme la valeur d'une approche équilibrée face à la définition des besoins en ressources navales. Fait tout aussi important, ces ressources se trouvent maintenant en nombre suffisant sous diverses formes pour permettre une répartition équitable entre les côtes du Pacifique et de l'Atlantique. Pour la première fois de son histoire, la marine canadienne peut maintenir un groupe opérationnel viable sur la côte est autant que la côte ouest, et en fait le concept du groupe opérationnel demeure le principe fondamental de l'utilisation opérationnelle de la flotte canadienne.

[Traduction]

L'expression «unités autosuffisantes du point de vue tactique» set à décrire les ressources de base dont les Forces canadiennes ont besoin pour mener des opérations internationales (et aussi jouer un rôle clé sur la scène nationale), aptes à s'intégrer à une force combinée en tant qu'élément adapté à la tâche. Un groupe opérationnel naval en est un excellent exemple: divers navires, sous-marins et aéronefs dotés de capacités uniques, conjuguent leurs efforts, selon la mission, afin de créer une synergie qui multiplie leur efficacité individuelle.

Même si le déploiement de navires, de sous-marins et de d'aéronefs individuels peut convenir à certaines situations, il doit se faire sur la prémisse que ces éléments sont à tout le moins autosuffisants. Si l'on présume qu'ils se joindront à une force multinationale, ils doivent également pouvoir accroître la capacité opérationnelle collective. Afin d'être à la hauteur d'un rôle politique au moment de la gestion d'une crise, il faudra probablement déployer une force plus substantielle. Ainsi, la Marine canadienne doit maintenir sa compétence pour l'exercice de missions de groupes opérationnels.

[Français]

Vous pouvez avoir pleinement confiance en la marine que je viens de vous décrire, mais nous devons relever des défis de taille pour maintenir cette compétence acquise difficilement, même dans un avenir rapproché. Ces défis se répartissent dans trois grandes catégories: les programmes de remplacement des capacités; la disponibilité opérationnelle et le maintien en puissance; puis le recrutement et le maintien en poste des effectifs. Permettez-moi de les examiner plus en détail, et de décrire la voie à suivre dans chaque cas.

[Traduction]

Premièrement, il faut quantifier et élaborer des programmes d'investissement qui procurent les capacités requises pour accomplir la mission de la Défense, c'est-à-dire défendre le Canada ainsi que les intérêts et valeurs des Canadiens, tout en favorisant la paix et la sécurité dans le monde.

Dans le cadre d'un exposé précédent, le commodore McNeil, représentant le vice-chef d'état-major de la Défense, a expliqué cette démarche générale. C'est ce qu'on appelle la planification fondée sur les capacités, et elle représente un revirement dans la façon dont les Forces canadiennes effectuent ce que nous appelons le développement de la force. Je ne reviendrai pas sur le sujet, sauf pour vous faire remarquer que dans la Marine, nous avons parfaitement intégré cette méthode de planification à l'élaboration de nos programmes d'investissement.

Si vous examinez la figure 6, vous verrez que nous avons fait correspondre les domaines de capacités des Forces canadiennes à des compétences navales particulières.

Là encore, cette relation a été établie dans le contexte du document «Leadmark», un pas stratégique accompli par la Marine au cours de l'année. Je vous conseille de vous reporter à ce document lorsqu'il sera disponible, pour comprendre comment et pourquoi nous avons choisi les compétences indiquées.

Ce qu'il faut surtout retenir de cet exposé, c'est que la planification fondée sur les capacités est utilisée à bon escient dans le cadre d'une série de projets axés sur la réalisation des capacités voulues, au moment voulu et à un coût raisonnable. Et je veux dire par là que l'on réponde aux besoins globaux de l'infrastructure de la défense: ceux des Forces canadiennes, et pas simplement ceux de la Marine.

Pour illustrer ce point, permettez-moi de parler brièvement d'un projet en particulier: la Capacité de soutien logistique en mer et de transport maritime, ou ALSC. Il vise deux capacités essentielles - le maintien en puissance tactique et la mobilité stratégique, dans le cadre du remplacement des navires d'approvisionnement vieillissants de la classe Protecteur. L'objectif premier du projet est de veiller à ce qu'un soutien logistique en mer demeure accessible aux navires affectés à la Marine et aux détachements d'hélicoptères embarqués. Pour tirer le meilleur parti du navire, on compte également inclure une ressource stratégique de transport maritime, qui améliorera la capacité des Forces canadiennes de fournir les principaux éléments de l'Armée de terre et de l'Aviation d'une force expéditionnaire mixte, dans pratiquement tout lieu au monde qui serait accessible par la mer. D'autres rôles, dont le soutien de l'aviation, des interventions humanitaires et un quartier général de force inter-armées ou combinée, pourraient être joués également.

L'acquisition d'un tel navire pourrait avoir d'importantes conséquences pour la conduite de la politique étrangère canadienne. Outre l'ALSC, il y a d'autres grands projets d'investissement comme le Remplacement des matériels de défense aérienne C2, le Projet de prolongation de la vie de l'équipement des frégates et le Projet de prolongation de la vie de l'équipement sous-marin. Ces projets permettront conjointement à la Marine d'accomplir son mandat bien au-delà du XXIe siècle.

Je pourrais répondre à des questions précises sur n'importe lequel de ces points après mon exposé.

Le deuxième défi a été d'élaborer une politique de disponibilité opérationnelle et de maintien en puissance. La disponibilité opérationnelle, dans le contexte de la Marine, est l'évaluation de l'état de préparation d'une plate-forme navale et de son équipage en vue de l'accomplissement d'une tâche signée. Vu la multitude de missions auxquelles on peut affecter les unités navales, on mesure la disponibilité opérationnelle d'un navire en fonction de sa capacité à participer à un conflit de moyenne intensité, telle la Guerre du golfe Arabo-Persique. Il serait extrêmement coûteux de maintenir la flotte entière à ce niveau. Cependant, dans le contexte actuel, il n'est pas nécessaire ni même souhaité que toutes les unités soient maintenues uniformément au niveau de disponibilité opérationnelle nécessaire aux opérations de combat. Le défi, bien sûr, consiste à aligner l'affectation des ressources sur les engagements opérationnels. À cette fin, nous adoptons une structure de disponibilité opérationnelle par palier. Le NCSM Winnipeg - la frégate basée en ce moment dans le golfe Arabo-Persique - est un exemple de navire à disponibilité opérationnelle élevée, pouvant s'engager dans des opérations de combat à bref préavis. D'autres navires sont maintenus à un niveau inférieur de disponibilité opérationnelle, qu'on appelle disponibilité normale. Ces navires sont en mesure d'effectuer la majorité des opérations intérieures et de répondre aux besoins d'instructions. En fait, les NCSM Athabasca et Montréal, qui ont réussi l'abordage du GTS Katie, aux larges de Terre-Neuve, en août dernier, étaient tous deux en disponibilité normale.

Quant aux navires mis en disponibilité restreinte, ils sont essentiellement en phase d'entretien ou de garde. C'est le cas notamment du NCSM Huron sur la côte ouest. Les ressources qui seraient nécessaires au maintien de ces navires en mer ont été affectées ailleurs.

Lorsqu'un navire évolue de la disponibilité restreinte à la disponibilité opérationnelle élevée, il subit une série d'essais, d'évaluations, d'exercices d'entraînement et de certifications des systèmes d'armes de plus en plus rigoureux, pour en valider l'état de préparation des points de vue du rendement technique et de la compétence de l'équipage en prévision d'opérations de combat.

Les derniers grands défis que nous affrontons sont le recrutement et le maintien poste des effectifs. La Marine ne se limite pas à des plates-formes et à de l'équipement sophistiqué; elle repose sur son personnel. Les Forces canadiennes ont reconnu la nécessité absolue d'élaborer à court terme une stratégie des ressources humaines. La Marine a entrepris l'élaboration d'un plan ministériel et sa mise en oeuvre dans un contexte naval. La qualité de vie et la qualité de vie au travail doivent occuper une place prépondérante dans tous les plans relatifs aux capacités des Forces maritimes du Canada. La Marine doit encourager la formation continue au moyen de l'apprentissage à distance et du remboursement des frais de cours, et promouvoir une approche globale face à la réalisation des besoins professionnels, familiaux et personnels de ses membres. Sur le marché du travail canadien se trouve une main-d'oeuvre qui ne cesse de rétrécir, sollicitée par des employeurs de plus en plus compétitifs. Faire de la Marine un employeur de prédilection sera absolument indispensable à la capacité de recruter et de maintenir en poste des officiers et des marins dotés des qualités et compétences leur permettant de maîtriser les complexités de notre nouvel équipement, ainsi que de donner un bon rendement dans le climat de sécurité plus complexe des années à venir.

Ce sont des défis de taille, mais qui ne sont pas insurmontables. Nous avons décrit une voie à suivre pour chacun d'eux, mais deux facteurs sont essentiels à la réalisation des solutions proposées. Premièrement, ils dépendent de l'appui du gouvernement, autant pour ce qui est des politiques que des ressources. Deuxièmement, ils doivent être examinés, non pas en concurrence, mais parallèlement aux défis similaires que doivent relever nos homologues de l'Armée de terre et de la Force aérienne. Je suis persuadé que les prochains exposés vous montreront que ces défis ne sont pas exclusifs à la Marine. Mes collègues de l'Armée et de la Force aérienne consacrent sans doute une bonne partie de leurs journées à chercher des solutions, tout comme je le fais. Cependant, maintenant que nous avons établi une structure commune pour faire évoluer le développement de la force au sein des Forces canadiennes et du ministère de la Défense nationale, il y a moyen d'unifier toutes nos perspectives en une même approche conjointe. Mais comme j'ai essayé de le démontrer, le meilleur moyen d'élaborer cette approche commune est de reconnaître pleinement les caractéristiques uniques que chaque service peut offrir.

La Marine procure donc au gouvernement canadien toute une gamme de solutions en matière de gestion de crise pour réagir aux urgences intérieures et à tout ce qui peut représenter une menace pour Notre souveraineté dans les eaux territoriales, ainsi que les moyens d'intervenir militairement à l'étranger au moment et au lieu de son choix. Ces solutions visent la gamme complète des conflits, allant d'une simple présence ou de secours humanitaires aux opérations de paix et même au combat réel, dans des scénarios aussi diversifiés que la patrouille dans les zones de pêche, les secours aux sinistrés, l'application de sanctions, et la défense collective. La Marine apporte aux futures opérations des Forces canadiennes, dans les vastes régions des zones côtières du monde, un éventail de capacités, certaines exclusives aux forces navales, et d'autres communes aux autres armées mais mieux exécutées à partir de la mer.

Le Canada a des intérêts mondiaux significatifs, et l'accès par la haute mer à de grandes étendues de la surface de la planète revêt plus d'importance que jamais pour la résolution de conflits. Préserver les ressources maritimes du Canada, maintenir notre liberté de mouvement dans les océans et la possibilité d'exploiter nos défenses naturelles au large demeureront l'apanage de la Marine.

Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Merci, capitaine Laing. Ce fut un aperçu général très complet.

[Français]

Le sénateur Pépin: Vous avez étudié au Collège militaire de Saint-Jean, ma ville natale. La fermerture du Collège militaire m'a causé beaucoup de chagrin.

Vous dites que les plate-formes aériennes et maritimes s'éloignent des tâches traditionnelles. La Marine remplit des tâches non militaires telles que la patrouille de la souveraineté des côtes et des pêches, le contrôle des immigrants et des narcotrafiquants. Les coûts de ces opérations sont-ils payés par la Marine ou par les différents ministères concernés. S'il s'agit du contrôle des immigrants, par exemple, est-ce le ministère de l'Immigration qui doit payer les coûts et à combien s'élèvent-ils? Si ces coûts sont absorbés par la Marine, quel est le pourcentage prévu pour les prochaines années? Quel impact ces événements ont-ils sur l'entraînement?

[Traduction]

Le capitaine Laing: Si j'ai bien compris votre question, vous voulez savoir combien cela nous coûte de soutenir d'autres ministères fédéraux.

Le sénateur Pépin: Oui, et qui en supporte les coûts. Est-ce la Marine ou le ministère? Puisque tout est prévu au budget, si c'est la Marine qui supporte ces dépenses, quel pourcentage de votre prochain budget envisagez-vous de consacrer à ces opérations-là?

Le capitaine Laing: Je vais vous répondre du point de vue du budget. Je suis loin d'être un expert en la matière. L'unité que nous employons pour faire nos calculs est le jour de mer. C'est ainsi que nous calculons le coût des opérations de soutien d'autres ministères fédéraux. À l'heure actuelle, par rapport au nombre total de jours de mer, nous en avons 155 que nous consacrons au ministère des Pêches - c'est-à-dire, 120 sur la côte est et 35 sur la côte ouest. Ce nombre est négocié au niveau stratégique, au quartier général de la Défense, avant d'être communiqué aux Forces maritimes dans les régions de l'Atlantique et du Pacifique. Nous utilisons également un certain nombre de jours de mer pour appuyer le Solliciteur général.

Si nous menons des opérations en faveur d'Immigration Canada - on songera, par exemple, à la situation qui a surgi sur la côte ouest l'année dernière ou l'année auparavant - dans certains cas, si les opérations en mer étaient déjà prévues, nous avons supporté nous-mêmes les coûts y afférents. Les coûts additionnels, toutefois - c'est-à-dire tout ce qui dépasse ce que nous aurions normalement dépensé - sont régis par les ententes conclues par Notre ministère et les autres ministères fédéraux. Par exemple, le sous-chef d'état-major de la Défense applique certaines lignes directrices concernant les modalités de recours aux Forces canadiennes et à nos services de soutien.

Le sénateur Pépin: Donc, ce n'est pas uniquement la Marine qui supporte ces dépenses?

Le capitaine Laing: Non; nous sommes responsables d'une partie des dépenses. Avant 1990, le nombre de jours de mer utilisés pour soutenir d'autres ministères fédéraux était beaucoup plus faible. En 1990, il a été question de l'intégration possible des flottes maritimes, c'est-à-dire celles du ministère des Transports et de la Garde côtière et les Forces navales. Il y a de nombreux navires qui assurent des services, mais dans bien des cas, la demande de services n'est pas comblée. Y aurait-il moyen de mieux coordonner nos efforts? Eh bien, le Comité interministériel d'examen de la coordination des programmes a été mis sur pied pour assurer l'optimisation des actifs maritimes fédéraux. Par suite de ses travaux, des sous-comités ont été mis sur pied pour coordonner les communications et tout l'aspect opérationnel. Depuis 1990, au plan opérationnel, nous avons plus ou moins doublé le soutien assuré par la Marine à d'autres ministères fédéraux. Mais ce qui est encore plus important, c'est que nous disposons maintenant de meilleures informations et sommes donc plus à même de connaître et de suivre les activités qui se déroulent dans les zones océaniques qui font partie de notre territoire.

Je crois comprendre que le comité se rendra à Halifax. Là vous aurez l'occasion, au moment de votre visite au quartier général des Forces maritimes de l'Atlantique, de voir l'étendue de nos communications avec d'autres navires grâce à cette coordination. L'information que nous recevons provient d'une vaste gamme de sources, y compris certains ministères fédéraux. De Notre côté, nous communiquons cette information aux navires d'autres ministères fédéraux pour leur permettre de mieux évaluer les activités qui se déroulent dans ces zones.

Nous avons un certain nombre de navires qui sont déployés dans le cadre d'opérations de soutien. Nos activités de collecte d'information se déroulent en permanence. Nous avons des centres de recherche et de sauvetage qui sont intégrés aux quartiers généraux, et cetera. Voilà donc un aperçu général de nos modalités de collaboration avec certains autres ministères fédéraux.

[Français]

Le sénateur Pépin: Dans un autre domaine, on a beaucoup parlé de restrictions budgétaires. Est-ce qu'il y a eu des répercussions des restrictions budgétaires sur l'entraînement? Dans quelle mesure utilise-t-on des simulateurs plutôt que des minutions réelles? Comparativement aux États-Unis et à la Grande-Bretagne, à quelle fréquence la marine canadienne peut-elle utiliser des minutions réelles dans le cadre d'entraînements? Sur ce plan, les coupures ont-elles eu un gros impact?

[Traduction]

Le capitaine Laing: Il ne fait aucune doute, sénateur, que nous faisons face à certains défis budgétaires. Et ces défis influent sur les activités de l'ensemble des secteurs du ministère de la Défense nationale.

En ce qui concerne l'entraînement, il ne fait aucun doute que cela a eu des effets. Nous devons changer Notre façon de faire de la formation et nous assurer d'adapter nos programmes aux besoins du personnel. D'ailleurs, avant 1990, la Marine a mis en place l'un des systèmes de formation les plus coûteux que nous ayons sans doute jamais eus au ministère. Nous avions des destroyers - écoles et navires de déminage, et les ressources humaines et autres que supposaient les opérations en mer de ces navires étaient considérables. En théorie, c'est une très bonne chose, mais cela coûte cher aussi.

Nous avons donc adapté nos programmes pour recourir davantage à des simulateurs. Sur ce plan-là, nous avons d'excellentes ressources allant d'appareils d'entraînement au tir d'armes légères sur simulateur aux systèmes d'entraînement d'équipes de combat qui permettent de reproduire la salle des opérations d'un navire en vue de simuler des engagements.

Encore une fois, quand vous irez voir l'École des opérations navales des Forces canadiennes, qui est prévue dans le cadre de votre visite de Halifax, vous verrez comment nous assurons cet entraînement. Là-bas, ils ont la possibilité de former deux équipes en même temps, étant donné qu'il y a deux salles d'opérations. Ils possèdent également deux simulateurs de passerelle qui permettent aux officiers subalternes de participer, dans le cadre de leur entraînement, à des exercices qui développent leurs capacités de faire des manoeuvres avec des bâtiments de guerre à l'aide de ces simulateurs. C'est un moyen beaucoup plus économique que d'avoir constamment des navires en mer.

De plus, le fait d'avoir un seul lieu d'entraînement permet de normaliser les programmes et de s'assurer que tout le monde est au même niveau. Et comme les manoeuvres difficiles peuvent être répétées, il y a moyen de s'assurer qu'elles sont faites correctement. Pour cette raison, nous recourons de plus en plus à ces systèmes de simulation qui nous permettent de reproduire plusieurs scénarios.

Mais évidemment, rien ne peut remplacer une situation réelle, et ainsi nous allons de plus en plus prévoir que les officiers subalternes fassent une partie de leur entraînement en mer à bord de frégates. C'est une possibilité à laquelle nous espérons pouvoir donner suite au cours de la prochaine année. Je n'ai pas tous les détails en ce qui concerne les modalités éventuelles de ce programme, mais je sais qu'il est prévu qu'une partie de leur entraînement se déroule à bord des frégates.

Quant aux munitions, elles coûtent cher. Je ne voudrais même pas essayer de vous indiquer le coût approximatif des divers missiles, et cetera. Oui, nous tirons des missiles de temps à autre, pour diverses bonnes raisons et pas uniquement à des fins d'entraînement, même si ces exercices comportent toujours un élément d'entraînement.

Les honorables sénateurs savent sans doute qu'au milieu des années 1990, il y a eu plusieurs rapports sur les problèmes de missiles que nous rencontrions à l'époque. J'avais été chargé de déterminer ce qui n'allait pas et j'ai donc préparé un rapport sur la question. Le fait est que bon nombre de ces tirs de missiles se sont déroulés au début des années 1990, à l'époque où nous recevions des navires de la classe Halifax. Ils dépendaient beaucoup des compétences des techniciens, et il s'agissait de savoir si certains des systèmes embarqués à bord des navires marchaient bien ou non. À l'époque, il y avait beaucoup de tirs avortés. Dans bien des cas, il s'agissait aussi d'exercices d'entraînement des équipages.

Au milieu des années 1990, lorsque nous avons accepté le dernier navire, nous avons décidé de maximiser le potentiel de combat de ces systèmes et des personnes qui s'en servent, en incorporant des activités plus difficiles, des scénarios d'objectifs, et tout le reste. Nous avons constaté que nos programmes d'entraînement comportaient certaines lacunes, et nous les avons donc réexaminés. Les résultats n'étaient pas toujours parfaits et nous souhaitions en connaître la cause profonde. Dans certains cas, c'était un problème de compétences techniques et dans d'autres, un problème d'ordre plutôt opérationnel lié à l'entraînement, par exemple, et au fait que nous demandions au système de faire des choses qui dépassaient ses capacités. Les exercices de tir de missiles nous ont permis d'apprendre bien des choses.

Nous avons également lancé une opération de collecte de données scientifiques qui n'avait jamais été menée auparavant. Par conséquent, toutes les séances de tir de missiles sont maintenant enregistrées et analysées, à l'intérieur des systèmes eux-mêmes, pendant la circulation des données et dans les missiles qui sont tirés. Nous recevons des informations de toutes ces sources pendant le tir.

Tout cela est fort complexe, mais nous disposons à présent d'un bon ensemble de données. Nous nous en servons dans le cadre de nos programmes d'entraînement, pour déterminer s'il y a eu des problèmes ou encore pour évaluer le potentiel du système. Cet ensemble de données nous permet de mieux comprendre le système et de localiser plus facilement les problèmes potentiels. Ainsi nous pouvons plus facilement y apporter les améliorations qui s'imposent.

[Français]

Le sénateur Pépin: Alors dans l'ensemble, les simulateurs sont excellents.

[Traduction]

Mais rien ne peut remplacer la réalité.

Le sénateur Wiebe: Je voudrais en revenir à la première question posée par le sénateur Pépin concernant les tâches non militaires, c'est-à-dire le travail de surveillance et de contrôle accompli par la Marine. Est-ce que la demande de services de ce genre dépasse vos capacités du point de vue du nombre de navires disponibles?

Le capitaine Laing: D'abord, sénateur, la Marine n'est pas habilitée à exercer des pouvoirs de police au Canada. Nous fournissons du soutien à d'autres ministères fédéraux - en général, des services de transport, et cetera -, le plus souvent soit à la GRC, soit au ministère des Pêches. Quand nous menons des opérations de surveillance des pêches, nous sommes toujours accompagnés d'agents des pêches du ministère des Pêches et Océans, si bien que notre rôle consiste à assurer une présence, à fournir des services de soutien, et cetera.

La demande est-elle excessive? Eh bien, je ne suis pas en mesure de vous dire si elle dépasse nos capacités ou non. Je sais que nous avons prévu 30 jours de mer pour les activités de soutien en faveur du Solliciteur général, et que c'est ce nombre que nous prévoyons en général depuis environ cinq ans. Mais pour ce qui est du Solliciteur général, je ne crois pas que nous ayons utilisé tous ces jours-là.

En règle générale, nous utilisons à peu près tous les jours de mer budgétés pour le ministère des Pêches, mais là nous avons conclu une entente avec le ministère des Pêches pour assurer ces services-là. D'autres demandes peuvent nous être faites, et nous essayons à ce moment-là d'y répondre selon que notre calendrier des opérations, notre budget et nos ressources humaines nous permettent de le faire. Nous voulons tout de même nous assurer que nos marins peuvent se reposer et passer du temps au sein de leur famille, et cetera.

Comme tout le monde, nous aimerions évidemment disposer de plus de ressources pour pouvoir faire davantage, mais je ne suis pas en mesure de vous indiquer l'ampleur de la demande insatisfaite.

Le sénateur Wiebe: Il y a toute une campagne qui s'amorce en vue de recruter du personnel pour les trois services. À cet égard, quelle est la situation de la Marine? Avez-vous plus ou moins de personnel à l'heure actuelle? Les membres de la force régulière et les réservistes sont-ils suffisamment nombreux pour doter en personnel tous nos navires? Quelle est donc la situation actuelle sur ce plan au sein de la Marine?

Le capitaine Laing: Dans la Marine, nous avons à présent une pénurie de personnel de quelque 400 membres du côté de la force régulière, les postes vacants touchant surtout des métiers plutôt techniques. Cette situation est d'autant plus problématique que les titulaires de ces postes ont besoin de plus de formation technique. De plus, ce sont ces mêmes personnes qui intéressent les différents secteurs d'activité économique. Par conséquent, nous nous affrontons à une vive concurrence pour ce qui est d'attirer et de maintenir en poste ces spécialistes. Environ la moitié de la carrière d'un technicien est consacrée à des programmes de formation technique. Donc, pour nous, cet état de choses présente un défi important.

Nous avons également une pénurie d'officiers subalternes. Je crois que nous n'avons plus que 80 ou 100 officiers du grade de lieutenant. Ce sont ces gens-là qui font le travail au jour le jour. Donc, la situation actuelle n'est pas facile sur ce plan-là.

En collaboration avec d'autres services, la Marine intensifie ses efforts de recrutement. Je dois dire que le personnel n'est pas tout à fait mon secteur. Je n'ai donc pas de statistiques sur le nombre de personnes que nous souhaitons recruter. Je crois savoir qu'il existe actuellement un intérêt plus marqué pour les Forces armées et que les centres de recrutement reçoivent plus de demandes que d'habitude, mais je ne peux malheureusement pas vous donner d'autres précisions à cet égard.

Le sénateur Wiebe: Ça me semble encourageant. Je vois dans un de vos dépliants que les Forces maritimes du Pacifique comptent 281 réservistes. Il s'agit de réservistes qui ont aussi un emploi civil, mais qui ont pris un congé autorisé d'un an. Ces personnes font-elles maintenant partie de l'effectif à plein temps à titre de salariés à plein temps?

Le capitaine Laing: Oui. Il est fort possible que ce soit le cas. C'est du moins mon interprétation, à savoir qu'ils ont accepté une plus longue période de service. Comme vous le savez sans doute, la marine est un peu différente en ce sens qu'elle s'organise différemment pour ce qui est des réserves navales.

Vous avez entendu tout à l'heure que l'Armée recourt aux réserves pour suppléer à l'effectif de chacune des unités qu'elle déploie, alors que la Marine prévoit des tâches, missions et rôles précis pour les réserves navales et leur a fourni l'équipement qui leur permet d'accomplir le travail requis, comme les bâtiments de défense côtière maritime. Ceux-ci ont un équipage de 35 membres, dont deux seraient membres de la force régulière, et les autres, des réservistes. Les équipages de ces bâtiments sont constitués de réservistes venant de toutes les régions du pays. Si nous avons six navires sur l'une ou l'autre côte, dont cinq seraient opérationnels, et l'autre, en phase d'entretien, cela veut dire qu'environ 180 membres des réserves navales sont en service. D'autres possibilités de travail s'offrent aux membres des réserves navales.

D'ailleurs, l'effectif de la réserve navale n'est plus que de 400. Il nous manque environ 400 réservistes, par rapport à l'effectif prévu.

Le sénateur Wiebe: Quand on compare les trois services, il me semble que la Marine a vraiment fait un excellent travail en ce qui concerne ces réservistes. Si je me fonde sur ma propre expérience, j'ai l'impression que le personnel de la Marine régulière est plus disposé à permettre aux réservistes d'utiliser ses jouets - ce n'est peut-être pas le bon terme; je devrais sans doute parler plutôt d'«équipement» - alors que l'attitude est peut-être un peu différente dans les deux autres services? Comment y êtes-vous parvenu? Quoi qu'il en soit, je pense que vous méritez des félicitations. La Marine a très bien réussi à faire en sorte que les réservistes travaillent main dans la main avec les membres des forces régulières.

Est-ce pour cela que les demandes sont plus nombreuses, à cause du degré d'engagement accru relativement à la marine régulière par rapport aux autres éléments?

Le capitaine Laing: Je ne saurais vous dire pourquoi le nombre de demandes serait plus élevé. En fait, comme je vous l'expliquais pendant mon exposé, chacun des services se trouve confronté à des défis particuliers, même si nous sommes tous touchés par un certain nombre de problèmes communs. Je ne suis vraiment pas à même de commenter la situation des réserves des deux autres services. Je sais que de notre côté, nos gens - à la fois les membres de la réserve et de la force régulière - sont très dévoués et talentueux, comme dans les autres services, d'ailleurs. Vu l'entraînement qu'ils reçoivent et leurs dévouement et discipline, ils nous est difficile de les maintenir en poste si le secteur privé tient à les avoir.

Je vous remercie pour vos observations au sujet des réserves.

Le sénateur Wiebe: Par exemple, est-ce qu'un membre régulier de la Marine qui décide de passer au secteur privé, en raison du salaire et des autres avantages, continuerait à faire partie de la réserve dans sa nouvelle région après avoir quitté la force régulière, à condition évidemment que cette localité soit dotée d'une unité de réserve? Selon votre expérience, les réservistes se contentent-ils de travailler un certain temps pour la Marine avant de passer à quelque chose de permanent?

Le capitaine Laing: Encore une fois, c'est plutôt une affaire personnelle. Ce n'est pas du tout mon domaine d'expertise.

Cependant, je sais que dans la pratique, c'est à ceux qui se retirent de la Marine de déterminer s'ils souhaitent faire partie de la première Réserve, de la Réserve supplémentaire, d'une des autres associations, ou de n'avoir pas de contacts du tout. C'est un choix personnel. Pour ce qui est de la Marine, ce que nous espérons faire plus globalement, si je puis dire, c'est trouver le moyen d'améliorer la mobilité des membres de la force régulière et des réserves. Si nous trouvons une méthode qui permette de répondre aux aspirations professionnelles des gens, peut-être pourrons-nous garder plus facilement nos effectifs puisque le ministère de la Défense nationale, ou les Forces canadiennes, seront devenus un employeur de choix qui offre à ses membres d'excellentes perspectives de carrière.

Le sénateur Meighen: Ce n'est pas la première fois que le sénateur Wiebe cherche à approfondir des questions qui m'intéressent personnellement. Je dois dire que je suis tout à fait de son avis, notamment en ce qui concerne l'utilisation des réserves par la Marine.

Vous avez répondu à sa question, mais j'aimerais la reformuler un peu dans une autre optique. Il semble y avoir deux façons d'organiser les réserves. D'une part, il y a l'approche qui consiste à concevoir les réserves comme des forces supplétives, que l'Armée de terre semble avoir adoptée - laissons de côté pour l'instant l'Armée de l'air - et d'autre part, la méthode qui consiste à créer un rôle précis pour les réservistes, comme semble l'avoir fait la Marine.

Avez-vous opté pour cette méthode à la Marine parce qu'en théorie, elle vous semblait préférable, ou plutôt parce que la Marine s'y prête bien? Pourquoi avez-vous préféré prévoir des tâches et un rôle précis pour vos réservistes, plutôt que d'opter pour l'approche d'une force supplétive?

Le capitaine Laing: Pour bien répondre à cette question, il me faudrait faire tout l'historique de la question, et j'avoue que je le connais mal. Ce que je peux vous dire, cependant, c'est que dans les années 1980 et même auparavant, nos réserves étaient vraiment des réserves navales qui étaient considérées comme une force supplétive. Nous affections nos réservistes aux destroyers et frégates à vapeur. Ils effectuaient ce travail essentiellement dans le cadre de leur rôle de membre d'une force supplétive. Donc, du point de vue de leur mission, ils étaient affectés exclusivement à ce que nous appelons aux vieux navires qui restaient à quai et à certains des très vieux navires auxiliaires de servitude, par exemple.

Une évaluation nous a permis de constater que la complexité technologique grandissante des opérations en mer exigeait un peu plus de spécialisation - je ne peux évidemment pas parler pour ceux qui ont pris les décisions à l'époque, étant donné que ces dernières remontent à au moins une dizaine d'années - et qu'il serait préférable par conséquent de confier aux réservistes une mission et un rôle bien définis de même que l'équipement qui leur permettrait de remplir leur mission. C'est ainsi que cette nouvelle méthode est entrée en vigueur. Nous avons le navire de défense côtière, comme je l'indiquais tout à l'heure. Ceux qui y sont affectés mènent la grande majorité des opérations de protection de la souveraineté le long des littoraux; ils sont également chargés d'activités liées à la guerre des mines, et cetera.

Donc, notre évaluation nous a permis de constater qu'une certaine spécialisation s'imposait. Il est vrai aussi, je suppose, que l'environnement maritime se prête à ce genre de spécialisation, et c'est pour cela que cette solution nous semblait intéressante.

Le sénateur Meighen: C'est peut-être vrai, mais comme le sénateur Wiebe vous le faisait remarquer tout à l'heure, d'après ce qu'on a pu voir, cette approche semble donner de bien meilleurs résultats que l'autre. Nous pourrons justement en discuter avec les responsables de l'Armée de terre en temps et lieu.

Je généralise à outrance peut-être, mais vous m'avez donné l'impression que la chance et une bonne administration de ses affaires a permis à la Marine de faire la transition entre la période de la guerre froide et une ère plus moderne sans trop souffrir du point de vue de vos biens d'équipement, moyennant certains projets de modernisation et certaines acquisitions. Par conséquent, vous êtes maintenant en mesure de mener la gamme complète d'activités maritimes de manière satisfaisante.

Pour le mieux ou pour le pire, il semble que votre rôle constabulaire vous permet de marquer des points auprès du public. Par contre, le public ignore complètement votre autre rôle - c'est-à-dire vos frégates en Bosnie. Les citoyens savent que c'est vous qui interceptez les contrebandiers, qui arrêtez les trafiquants de drogues ou qui attrapez ceux qui pratiquent une pêche illégale. Là, vous êtes très, très bien vus. Encore une fois, je me permets de vous donner un petit conseil: je vous recommande de vous concentrer là-dessus. Par rapport à vos priorités, y a-t-il certains équipements qu'il vous faudrait acquérir pour continuer de jouer ce rôle? À mon avis, il n'est pas probable que ce rôle diminue et si j'étais à votre place, je dirais que ce ne serait pas du tout souhaitable.

Le capitaine Laing: Répondre aux attentes des Canadiens vis-à-vis de leurs Forces armées est certainement un élément clé dont on doit tenir compte. Les citoyens consacrent des milliards de dollars à la défense et ils veulent que cela leur rapporte quelque chose. Comme vous l'avez dit, notre rôle constabulaire ou notre capacité d'aider à contrer les menaces liées à la pollution, parfois de concert avec nos collègues de l'aéronavale, revêtent une importance particulière pour la population canadienne. Les Canadiens peuvent voir concrètement ce que fait leur Marine.

Par contre, il y a eu certains reportages à la télévision montrant les navires qui mènent leurs opérations dans le golfe Arabo-Persique, de même que leurs commandants et d'autres personnes. Des spots publicitaires pour diverses entreprises privées ont été tournés grâce au soutien de la Marine, là-bas et ailleurs. Peut-être que ce travail ne compte pas beaucoup pour les Canadiens dans leur vie de tous les jours, mais il compte certainement pour leur gouvernement au plan de la conduite de sa politique étrangère.

Au cours de l'évolution de la politique étrangère canadienne, les activités de la Marine dans diverses régions du monde lui ont assuré un soutien très précieux. Au fur et à mesure que le Canada grandissait à travers les époques, nous sommes passés d'une colonie, d'une jeune pays qui n'avait pas besoin d'une marine, à une nation en pleine expansion au début des années 1900, pays qui, de l'avis du premier ministre Laurier, avait besoin d'une marine. Nous en avons obtenu une, mais ses activités étaient purement locales. Nous n'avions pas de politique étrangère à l'époque; nous faisions partie intégrante de l'Empire.

Lorsque nous avons rompu nos liens avec l'Empire pour nous affirmer en tant que nation vis-à-vis du reste du monde, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale, notre marine a pris de l'expansion, devenant la troisième marine du monde. Du côté de notre politique étrangère, nous avons élargi notre perspective diplomatique. Ensuite, durant la guerre froide, nous avons continué à développer notre politique étrangère, sauf que la Marine n'a pas suivi le rythme de ce développement.

Notre énoncé de politique étrangère «Le Canada dans le monde» affirmait la volonté des Canadiens de faire de leur pays un acteur international important. Et nous voulons effectivement exporter nos valeurs, parce que nous vivons dans un pays merveilleux. Ainsi nous trouvons normal d'aider les autres et de leur faire connaître nos valeurs et nos activités.

La Marine participe à cet effort et à mon sens, c'est justement ce rôle qui garantira à l'avenir que les Canadiens continueront d'être convaincus de l'utilité de notre travail. Un de nos futurs programmes englobera des projets touchant la logistique de la flotte et notre capacité de ravitaillement par mer. Nous avons d'intéressantes possibilités d'investissement dans le contexte du remplacement des navires de ravitaillement qui ont 30 ans ou plus. Ces navires sont critiques pour maintenir la capacité de la Marine de procéder à des déploiements individuels ou - et là c'est encore plus critique - au déploiement de groupes de navires dont le rôle consiste à soutenir la politique étrangère canadienne et les intérêts du gouvernement canadien dans différentes régions du monde. Nous devons les emporter avec nous, ces «stations service», car les navires de ravitaillement nous approvisionnent en carburant, nourriture, munitions et autres fournitures tant que nos navires sont en mer.

Nous pouvons saisir l'occasion que présente le remplacement des navires de ravitaillement pour mettre l'accent sur la logistique de la flotte et notre capacité de ravitaillement en mer et ce, en ayant recours à certains éléments du groupe d'avant-garde des Forces canadiennes qui appuie les opérations de maintien de la paix. Si nous utilisons ces navires pour assurer l'aide humanitaire dans des zones sinistrées, on en parlera à la une des journaux et les Canadiens se rendront compte de l'importance du travail qu'ils accomplissent. Si ces navires servent à soutenir des missions de l'ONU en assurant le transport de l'aide humanitaire ou des contingents d'autres pays vers des zones de conflit, à des périodes où nos troupes mènent des opérations ailleurs dans le monde, l'utilité de ce travail sera manifeste pour l'ensemble des Canadiens.

Je comprends parfaitement votre argument, sénateur. Les Canadiens tiennent à ce qu'on continue de jouer notre rôle constabulaire, parce que ce dernier traduit des valeurs qu'ils chérissent. J'envisage donc l'avenir avec enthousiasme, dans l'espoir que le Canada maintiendra une politique étrangère qui repose sur l'appui de la Marine.

Le sénateur Forrestall: Vu le déploiement avancé des forces armées coréennes, y compris leur marine, vers le Sud, un conflit semble imminent. Quiconque suit de près les activités dans cette région du globe ne peut s'empêcher de temps à autre d'être préoccupé par la situation là-bas, qui est caractérisée par des revirements constants. Combien de temps s'écoulerait avant que notre service du renseignement soit informé d'une crise dans la région? Là je songe à l'éventualité d'un déploiement de navires, et non pas de notre participation à une guerre. De quel délai disposerions-nous avant l'éclatement d'un conflit dans cette région du monde?

Vous connaissez la situation en Corée du Nord mieux que moi, mais ce que j'en sais m'a beaucoup inquiété, tout comme la situation en Chine, d'ailleurs. Je vous ai demandé tout à l'heure comment cela se fait qu'un sous-marin chinois pénètre dans nos eaux et reparte ensuite sans même être détecté. Je suppose que c'est parce que nous ne le cherchions pas.

Le capitaine Laing: Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, sénateur, je ne suis pas du tout au courant de la situation que vous décrivez.

Le sénateur Forrestall: Dans quelle mesure notre service du renseignement est-il à même de nous informer rapidement d'un éventuel incident? Est-ce que notre manque d'information devrait nous inquiéter? Est-ce important?

Le capitaine Laing: Il est évident que notre service du renseignement entretient des relations étroites avec les services du renseignement de tous nos alliés, et notamment les États-Unis et le Royaume-Uni. Il existe une importante organisation internationale à laquelle nous communiquons de l'information et qui nous en communique.

Vous me demandez combien de temps s'écoulerait avant qu'on soit informé d'un éventuel incident. Eh bien, il est presque impossible de répondre à cette question. Tout dépend de la situation. S'il s'agissait du déplacement de navires, d'équipement ou de matériel militaire, il est fort possible que nous en soyons informés quelques heures ou quelques jours plus tard. Par contre, on ne peut jamais vraiment connaître l'intention derrière. Les services du renseignement continuent d'être à l'affût de tout signal qui pourrait dénoter le déclenchement d'un conflit. Quant à l'éventualité d'une grande guerre, en ce qui nous concerne, il est fort peu probable que cela se produise au cours des 10 prochaines années.

Comme je vous l'expliquais tout à l'heure, ce sont plutôt les menaces asymétriques et le terrorisme qui constituent un défi important. Et nous continuons à travailler avec nos alliés pour relever ce défi.

Le sénateur Forrestall: En ce qui concerne le programme de soutien et de ravitaillement, disposez-vous maintenant d'une définition en bonne et due forme? Êtes-vous prêt à lancer un appel d'offres, ou comptez-vous adjuger des contrats directement aux entreprises sélectionnées, étant donné qu'il est urgent de remplacer cet équipement? Que pouvez-vous nous au sujet de ce programme?

Le capitaine Laing: Le programme lié à la logistique de la flotte et à la capacité de ravitaillement en mer est un programme parmi d'autres que la Marine envisage de mettre sur pied pour maintenir sa capacité en mer dans l'exécution de son mandat. Nous en sommes encore à élaborer l'énoncé des besoins. Nous espérons aller de l'avant au cours de la prochaine année environ. À ce moment-là, nous suivrions la procédure normale, selon ce que le gouvernement souhaite faire pour répondre aux besoins définis. À mon avis, un navire doté de cette capacité ne sera pas en mer avant 2006 ou 2007.

Le sénateur Forrestall: S'agit-il d'un processus relativement simple, en ce sens que nous avons besoin de certains équipements et qu'il suffit maintenant d'élaborer l'énoncé des besoins et d'obtenir des réactions avant de lancer l'appel d'offres, et cetera? En tout cas, j'espère que cette fois-ci, le processus sera plus efficace que celui mis en branle pour l'acquisition d'hélicoptères.

D'ailleurs, que pouvez-vous nous dire au sujet de ce programme? Qu'allons-nous faire pour obtenir un nouvel hélicoptère? Que ferons-nous si les trois compagnies concernées - c'est-à-dire Sikorsky, EH Industries et Eurocopter - décident de se retirer du projet? Que ferons-nous?

Le capitaine Laing: Sénateur, votre question me donne l'occasion de me livrer à toutes sortes de conjectures que je préfère éviter. Par contre, je serais tout à fait d'accord pour que vous posiez cette même question à mon collègue de la Force aérienne lorsqu'il se présentera devant vous ultérieurement.

Le sénateur Forrestall: Mais c'est vous qui devez transporter les véhicules, c'est vous qui protégez la frontière. La logistique relève de vous. De toute façon, à mon avis, vous n'aurez pas besoin de vous en faire, au train où vont les choses. Mais que se passe-t-il au juste? Est-ce qu'on se rapproche de l'objectif? Qu'en pense la Marine?

Nos navires sont obligés de mener leurs activités sans leurs yeux. Nous parlons là de navires de soutien logistique. Une bonne partie de leur rôle semble toujours consister à abriter et à transporter les Sea King ou les hélicoptères, quels qu'ils soient. Êtes-vous convaincus que la Force aérienne aura effectivement des hélicoptères à piloter que vous aurez, on peut le supposer, transportés à bord de vos navires?

Le capitaine Laing: L'exécution de ce programme relève de la Force aérienne. Je n'ai pas l'intention de me livrer à des conjectures quant à la date de livraison éventuelle d'un nouvel hélicoptère. D'après ce que j'ai entendu dire, ce serait vers la fin de l'an 2005.

En ce qui concerne la Marine, nous aimerions évidemment être en mesure de nous doter de cette capacité en mer dès que possible. Le fait est que les deux plates-formes maritimes - c'est-à-dire l'aéronef de patrouille maritime et l'hélicoptère lui-même - revêtent une importance critique, non seulement pour les navires individuellement, mais pour l'ensemble du potentiel de combat des navires en mer. Il est clair que nous aimerions disposer de cette capacité accrue qu'assurerait le programme en question, et ce, dans les plus brefs délais.

Le sénateur Banks: Capitaine, vous ai-je bien entendu dire que le Huron est actuellement amarré?

Le capitaine Laing: Oui, c'est exact.

Le sénateur Banks: Est-il amarré parce que nous n'avons pas assez d'argent ou assez de personnel pour le garder en service? Je présume que c'est tout de même un bon navire, et en général, la marine n'aime pas trop que ses navires restent amarrés.

Le capitaine Laing: Il y a plusieurs facteurs à prendre en compte. D'abord, l'actuel environnement stratégique n'exige pas que nos quatre DDH-280 soient opérationnels. Voilà la situation à l'heure actuelle. Les 280 représentent parmi nos navires à plus forte consommation de carburant, ce qui veut dire qu'ils nous coûtent cher. De plus, le coût du carburant a augmenté d'environ 60 p. 100 au cours des trois ou quatre dernières années, et c'est un facteur important en ce qui nous concerne. L'autre facteur, c'est la pénurie de personnel dont je vous parlais tout à l'heure.

En fait, comme je l'indiquais dans mon exposé, nous avons procédé à une évaluation des capacités du Huron par rapport à une pénurie de ressources en matière de personnel, de crédits et de matériel. En ce qui nous concernait, la meilleure façon de nous assurer de pouvoir remplir notre mandat était de redistribuer les ressources affectées précédemment au Huron. L'exploitation de ce type de navire, étant donné qu'il a un effectif plus important, coûte plus cher qu'une frégate. Face à une pénurie de ressources sur les deux côtes, et surtout sur la côte ouest, nous avons décidé de réaffecter ces ressources.

Le sénateur Banks: Dans le cas de crise, vous serait-il possible de les remettre en service, si vous pouviez constituer des équipages assez rapidement? Je suppose que le Huron n'a pas été mis en gardiennage, n'est-ce pas? Quand pourrait-il être remis en service?

Le capitaine Laing: En théorie, cela prendrait 180 jours. Les problèmes que cela poserait sont de divers ordres, entre autres, celui que vous avez mentionné, soit la constitution d'un équipage. Il faudrait aussi s'assurer que les spécialistes de la maintenance et les arsenaux soient en mesure de s'assurer de la bonne marché de tous les systèmes. Ça, c'est une autre chose qui pourrait poser problème.

En cas de crise, et dans l'éventualité où les ressources nécessaires seraient affectées à cette fin, je présume que nous ferions plus ou moins ce que nous avons fait lors du déploiement des forces au golfe Arabo-Persique. L'arsenal maritime était essentiellement en service 24 heures par jour et sept jours par semaine pendant 15 jours pour préparer les navires. Si la crise était d'une ampleur à nécessiter un tel effort, j'imagine que les ressources requises y seraient affectées. Il est donc possible que les navires seraient à notre disposition dans un délai maximum de 180 jours.

Le sénateur Banks: S'agit-il du seul navire de la flotte qui soit dans cet état-là?

Le capitaine Laing: Oui. Il y a d'autres navires qui ne sont pas en service pour cause d'entretien ou de réparations.

Le sénateur Banks: Mais il ne faudrait pas un délai de 180 jours pour les préparer.

Le capitaine Laing: Ça dépend du genre de réparations, mais nous investissons les sommes nécessaires dans ces navires pour les garder en service.

Le sénateur Banks: Mais vous ne demandez pas aux gens de travailler juste deux semaines en été. Vous voulez avoir recours à leurs services pendant un peu plus longtemps que ça. Si j'étais membre des réserves navales et que je travaille pour la société gazière, est-ce que mon emploi serait protégé? Que dirait mon employeur si je lui annonçais que je partais en mission pendant un an? Est-ce que les affectations sont toujours d'une durée d'un an?

Le capitaine Laing: Il y a divers scénarios. Quand quelqu'un est membre de l'équipage, nous préférons le garder aussi longtemps que possible. Ces questions-là relèvent de la responsabilité des responsables du quartier général de la Réserve navale à Québec. Ils essaient de s'assurer d'avoir le personnel nécessaire pour tous les différents navires. Et point de vue gestion, les commandants de flotte en font autant.

Les membres des réserves navales peuvent tout de même participer à un cours de formation pendant deux semaines pour acquérir de l'expérience. Dans le courant de l'année, on leur offre plusieurs possibilités de ce genre; certains réservistes y consacrent tout un week-end.

Le sénateur Banks: Mais il y en a d'autres - d'ailleurs, le sénateur Wiebe en parlait tout à l'heure - qui travaillent essentiellement à plein temps.

Le capitaine Laing: Oui, à plein temps; c'est exact.

Le sénateur Banks: Et leur emploi est-il protégé?

Le capitaine Laing: Malheureusement, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Cela relève de la politique du personnel. C'est étroitement lié à la restructuration des réserves.

J'ai dit tout à l'heure que ce serait merveilleux de pouvoir assurer une meilleure transition entre la force régulière et la Réserve, afin de répondre aux aspirations professionnelles des gens, et cetera. Tout cela est étroitement lié à l'interaction entre les réserves et l'effectif civil.

[Français]

Le sénateur Pépin: En mars 2001, grâce à l'acquisition du sous-marin Victoria, on a annoncé que les femmes pourraient travailler dans un sous-marin. J'ai toujours été en faveur de l'équité entre les hommes et les femmes, mais j'avoue que lorsque j'ai entendu cette nouvelle, j'ai eu un doute. Je sais que les militaires sont habitués de travailler dans des situations dangereuses, mais je trouvais que là c'était drôlement risqué.

Depuis cette annonce, y a-t-il eu augmentation du nombre d'inscriptions faites par des femmes dans les Forces armées? Avez-vous reçu des commentaires quant au travail quotidien accomplit par des hommes et des femmes dans un même sous-marin?

[Traduction]

C'est le chef d'état-major des Forces maritimes et le vice-amiral Madison qui ont fait ce printemps l'annonce concernant la possibilité pour les femmes de travailler à bord des sous-marins. Des femmes sont toujours affectées aux services à bord de nos autres navires depuis une vingtaine d'années, depuis que nous avons adopté notre politique d'intégration générale. Ceci constitue tout simplement une autre étape. Je ne sais pas si des femmes ont déjà présenté une demande pour intégrer les forces sous-marines.

Le sénateur Pépin: Il y a une différence considérable entre un grand navire et un sous-marin.

Le capitaine Laing: Oui, sénateur.

Le sénateur Pépin: Je sais que les militaires ont l'habitude de travailler dans des situations dangereuses, mais celle-là me semblait un peu plus préoccupante. Avez-vous d'autres informations à cet égard?

Le capitaine Laing: Non, sénateur, je ne peux pas vous dire combien de femmes auraient présenté une demande pour faire partie des forces sous-marines. De façon générale, nous avons dépassé le stade où ces questions-là posent problème. Oui, l'espace est limité, mais les membres de l'équipage sont des professionnels. Au moins 10 p. 100 des membres de l'équipage du NCSM Winnipeg, qui a été affecté au golfe Arabo-Persique, étaient des femmes, si je ne m'abuse. Elles remplissent leurs différents rôles sur la première ligne. En ce qui me concerne, le sexe des membres de l'équipage importe peu. Ce que je veux, c'est des gens talentueux qui ont les capacités requises. Le fait est que nous avons au sein de notre effectif des gens talentueux qui ont les capacités requises. Voilà le genre de personnes que je souhaite avoir comme membres de mon équipage.

Le président: Merci, capitaine, pour cet aperçu général fort instructif. Nous l'avons trouvé très intéressant.

Pour ceux et celles qui suivent les travaux du comité à la télévision ou ailleurs, notre site Web (www.parl.gc.ca/defense.asp) présente les témoignages des personnes que nous avons reçues, ainsi que le calendrier définitif de nos audiences. De plus, vous pouvez vous mettre en rapport avec notre greffière, Mme Barbara Reynolds, en composant le 1-800-267-7362 pour de plus amples renseignements ou pour savoir comment communiquer avec les membres du comité.

La séance est levée.


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