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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants


Délibérations du comité sénatorial permanent de la
Défense et de la sécurité

Fascicule 5 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 22 octobre 2001

Le Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité se réunit ce jour à 18 h 10 pour faire une étude préliminaire des principales questions de défense et de sécurité qui touchent le Canada en vue de la préparation d'un plan de travail détaillé pour des études plus poussées.

Le sénateur J. Michael Forrestall (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président: J'ai le plaisir de présider la séance de ce soir, au nom du sénateur Colin Kenny, et de vous souhaiter la bienvenue devant le Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité.

Notre comité est le premier comité permanent qui soit chargé de se pencher sur les questions de sécurité et de défense nationale. Nous allons donc poursuivre notre étude des principales questions concernant le Canada dans ce domaine, et nous adresserons notre rapport au Sénat avant fin février.

Les événements récents ont clairement mis en relief l'importance des services de renseignement, notamment la manière dont les informations sont recueillies, analysées et utilisées. Il y a trois semaines, des experts indépendants du gouvernement sont venus devant le comité pour exposer leurs points de vue sur ces questions. Ce soir, nous accueillons des représentants du gouvernement qui s'occupent directement d'opérations de sécurité et de renseignement. Ils vont nous expliquer comment on recueille les renseignements, comment on les analyse et comment on les communique aux personnes qui en ont besoin. Il y aura d'abord une déclaration liminaire des représentants respectifs du ministère de la Défense nationale et de la Gendarmerie royale du Canada, après quoi nous passerons aux questions.

Le premier témoin est le major-général Michel Maisonneuve, sous-chef d'état-major adjoint. Sa notice biographique indique qu'il a servi au Canada, à Chypre, en France, aux États-Unis, en ex-Yougoslavie et au Kosovo. C'est l'adjoint du vice-amiral Greg Madison, vice-chef d'état-major et, en fait, chef des Opérations des Forces canadiennes.

Le major-général Maisonneuve est accompagné du brigadier général Samson, directrice générale du Renseignement.

Nous entendrons ensuite Jerry Loeppky, sous-commissaire aux Opérations de la GRC, qui a occupé de nombreux postes dans les services opérationnels, administratifs et des ressources humaines de la GRC. Il a été nommé à son poste actuel il y a exactement un an. Il est accompagné du commissaire adjoint Richard Proulx, chef de la Direction des renseignements criminels. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue à tous. Vous avez la parole.

[Français]

Le major-général J. O. Michel Maisonneuve, sous-chef adjoint d'état major de la Défense, ministère de la Défense nationale: Monsieur le vice-président, permettez moi de vous remercier de l'occasion que vous m'avez offerte de vous adresser la parole aujourd'hui.

Depuis que les événements du 11 septembre ont fortement ébranlé les citoyens canadiens, nous des Force armées canadiennes travaillons à élaborer une réponse sous la direction du gouvernement. Vous êtes au courant du rôle que jouent les Forces canadiennes, et cette contribution peut servir de point de départ aux échanges que vous voulez avoir avec nous sur certaines questions du renseignement.

J'aimerais vous rappeler cette contribution. Dès les événements du 11 septembre, le Canada et les Forces canadiennes ont contribué à la réaction avec les avions détournés dans les aéroports au Canada. Nous avons renforcé nos efforts de renseignement et nos liens avec nos alliés. Dernièrement, un groupe d'opération naval a commencé son déploiement vers la région du golfe. Un destroyer et trois frégates seront déployées éventuellement ainsi qu'un navire de ravitaillement. Tous ces éléments ont leurs hélicoptères embarqués. Il y a aussi trois Hercules, un AirBus et deux avions de patrouille maritime Aurora ainsi que des éléments de la Force opérationnelle 2. Le groupe de tâche opérationnelle est en route et la frégate Halifax est actuellement dans la mer Rouge aussi en déplacement.

J'aimerais aborder trois sujets dans mes remarques, ensuite, si vous le désirez, nous répondrons à vos questions. Je vous avouerai le défi pour nous d'essayer de vous procurer des informations claires et utiles tout en demeurant au niveau non classifié. C'est un défi de taille. Je ne suis pas un officier spécialiste en renseignement. J'ai surtout travaillé dans les armes de combat, les blindés en particulier. Durant mes 29 années de service, j'ai été un utilisateur plutôt qu'un producteur ou un auteur des produits de nos services du renseignement. Je pense, par contre que cela me place dans une bonne position pour vous parler de l'utilité de ces produits.

[Traduction]

La maîtrise de l'information a toujours été perçue comme indispensable à la victoire militaire. La nécessité de fournir aux stratèges militaires des renseignements pertinents et exacts vaut encore aujourd'hui. Le but ultime des services du renseignement des Forces canadiennes est de fournir ces données essentielles à nos commandants avant, durant et après le déploiement des troupes, de façon à assurer la protection de notre force militaire sur la scène internationale autant que sur notre territoire.

Le programme du renseignement pour la défense se fonde sur les priorités établies chaque année lors de la rencontre des ministres chargés de la sécurité et du renseignement, que préside le premier ministre. La collecte des éléments d'information permettant de répondre à ces besoins se fait de multiples façons - par l'intermédiaire de sources ouvertes et humaines, du renseignement électromagnétique, de photographies, de données géospatiales et d'autres renseignements obtenus dans le cadre de nos partenariats avec d'autres ministères et avec nos alliés. Les analyses qui découlent de l'information acquise servent à transmettre notre connaissance de la situation aux commandants à tous les échelons.

Vous aimeriez peut-être que je vous parle de certaines de nos méthodes de collecte de renseignements. Je ne saurais trop insister sur la nécessité d'établir des partenariats avec d'autres ministères et avec nos alliés. Nul service de renseignement au monde n'a la capacité de recueillir à lui seul toute l'information voulue sur chaque question d'intérêt national. Nul ne peut faire cavalier seul. Tous nos partenaires nous aident à répondre aux besoins opérationnels et aux besoins de renseignement des Forces canadiennes et, en retour, nous les aidons à combler leurs besoins. Il ne faut pas oublier que ces échanges se font dans les deux sens pour tous les partenaires. Cette collaboration avec nos partenaires nous est indispensable.

En ce qui concerne le renseignement électromagnétique, le Centre de la sécurité des télécommunications, ou CST, a le mandat de capter, d'analyser et de rendre compte des transmissions électroniques radio, radars ou autres. Le CST est appuyé par le groupe chargé des opérations d'information des Forces canadiennes.

Les commandants ne pourraient pas être soutenus dans les manoeuvres de précision et les opérations aériennes sans les données géospatiales et photographiques qu'ils obtiennent respectivement du Centre de cartographie et du Centre d'analyse photographique des Forces canadiennes. En fusionnant des diagrammes, des cartes et des photographies, nous obtenons un autre outil à l'appui des systèmes de navigation et des systèmes d'armes.

La dernière catégorie du renseignement, soit le renseignement humain, est l'information que l'on obtient directement ou indirectement d'une personne. Chaque membre des Forces canadiennes peut devenir témoin des activités qui l'entourent ou se trouver dans une situation où quelqu'un tient des propos dignes d'intérêt. Il est possible que le renseignement n'ait aucune valeur en soi mais, ajouté à d'autres pièces d'un casse-tête, il peut devenir précieux.

Pour vous donner un exemple, je peux vous parler d'un élément d'information que j'ai obtenu avant la campagne aérienne au Kosovo, alors que les négociations se poursuivaient entre les Serbes et les Albanais à Rambouillet, en France. Durant leurs échanges habituels, mes vérificateurs ont appris que l'une des parties avait l'intention de restreindre les déplacements d'une patrouille régulière dans son secteur. Ce revirement d'attitude imprévu risquait de déstabiliser les négociations stratégiques entamées sous la surveillance de la communauté internationale. Nous avons pu calmer le jeu parce que nous avions reçu l'information à l'avance, par le biais du renseignement humain.

Une fois que l'information est recueillie, divers services du renseignement aident à l'analyser et à rédiger des évaluations. Essentiellement, l'analyse du renseignement militaire relève de la responsabilité de la directrice générale du Renseignement, le brigadier général Samson, au Quartier général de la Défense nationale; des équipes du renseignement de la Marine, de l'Armée de terre et de la Force aérienne; ainsi que des unités du renseignement tactique rattachées aux forces combattantes. Ces organisations s'unissent pour fournir une vaste gamme de produits et de services à leur clientèle, c'est-à-dire les Forces canadiennes, le ministère de la Défense nationale, d'autres ministères et nos partenaires. Cet échange bilatéral de données et de produits du renseignement au sein des Forces canadiennes, avec d'autres ministères et avec nos alliés s'appuie sur un certain nombre de réseaux informatiques protégés.

Les données du renseignement constituent aussi un élément important de la participation du Canada à des organisations internationales telles que les Nations Unies, l'OTAN et NORAD. D'ailleurs, toute initiative de collaboration bilatérale à laquelle participe le Canada comporte généralement l'échange d'informations et l'analyse de sujets d'intérêt réciproque. Mentionnons à titre d'exemple la collaboration que nous avons établie avec les Pays-Bas dans le cadre de l'opération interarmées de l'ONU en Éthiopie et en Érythrée.

Il faut souligner que les Forces canadiennes et le Canada en général profitent énormément de ce type de collaboration. Chaque agent de renseignement des Forces canadiennes est très conscient de la nécessité de faire sa part dans les limites des ressources allouées, et nous savons que nos alliés apprécient notre contribution.

Voilà donc un aperçu très sommaire de la collecte, de l'analyse et de l'échange du renseignement.

Avant de conclure, il me paraît nécessaire d'aborder un troisième sujet, qui touche les questions que nous examinons de près en ce moment. J'aborderai trois points en particulier: le renseignement humain, notre capacité d'analyse et la fusion des données sous la responsabilité d'un centre unique.

Il est important que nous ne mettions pas tous nos oeufs dans le même panier. L'emploi de la technologie aux fins du renseignement a pris une expansion considérable au cours desdix dernières années mais ces méthodes ne peuvent pas suffire à elles seules. Nous pensons que, malgré nos succès remarquables, nous devons nous montrer encore plus dynamiques dans le domaine du renseignement humain. Nous cherchons à améliorer nos capacités dans le secteur du renseignement humain en formant plus de militaires à la collecte de données de source humaine et en intégrant ces agents à nos troupes pour obtenir une meilleure vue d'ensemble des contextes dans lesquels nos membres travaillent, combattent ou survivent. Cela demeure indispensable à la protection de nos forces et à l'appui de nos commandants.

Notre service d'analyse est un autre secteur que nous tentons d'améliorer. Bien qu'excellente, la capacité d'analyse dont nous sommes dotés ne répondra sans doute pas aux besoins de demain. Les perpétuels changements technologiques permettront de recueillir plus de données et de les diffuser plus rapidement. Notre capacité d'analyse et nos méthodes actuelles ne suffiront pas à traiter cette abondance de renseignements. Nous devons veiller à ce que nos analystes ne se contentent pas d'être de bons opérateurs qui examinent simplement des données coupées et collées sur ordinateur. Ils doivent maîtriser l'art de réunir des indices et des faits, en plus de déceler les caractéristiques psychologiques, les facteurs politiques et les traits de personnalité de l'ennemi. Ce n'est qu'alors que le processus humain de synthèse des éléments d'information en produits finis pourra véritablement servir au processus décisionnel.

Comment devons-nous nous y prendre pour mieux affronter l'information et les exigences qu'on nous soumettra? Nous devrons embaucher de nouveaux analystes mais nous devrons aussi établir des partenariats plus étroits avec des experts de l'extérieur et des universitaires qui connaissent bien les divers milieux et les diverses cultures. Comme nous ne pouvons pas nous spécialiser dans tous les domaines du renseignement, nous aurons besoin des connaissances que les experts pourront nous apporter.

[Français]

Le dernier élément qui nous permettra de rehausser nos capacités est la création d'un centre de fusion de l'information, qui sera alimenté par tous les secteurs de collecte et qui pourra analyser l'information de façon à offrir aux commandants un soutient intégré. On envisage, pour le moment, un système opérationnel, organisationnel qui intègrerait les capacités techniques à la doctrine et aux projets. Nous pensons que cette approche est la solution définitive au concept à adopter qui nous permettra de maîtriser l'information en rehaussant notre connaissance de la situation dans la zone de combat. Une meilleure connaissance de la situation entraînera des décisions plus judicieuses à partir de l'échelon tactique jusqu'au niveau stratégique. Tout particulièrement, compte tenu de la vision énoncée dans la stratégie 2020 selon laquelle le Canada se dotera d'une force des plus compétentes, apte à se déployer partout dans le monde.

Il me paraît important de souligner que le renseignement a pour objet de comprendre comment les personnes pensent et comment elles réagissent à certaines situations. Peu importe le nombre d'évaluations que nous ferons ou les précautions que nous prendrons, il restera toujours des risques. Les équipes du renseignement auront toujours pour tâche de réduire ces risques ou le potentiel d'être surpris. À cette fin, il est essentiel que les spécialistes du renseignement continuent d'élaborer des analyses fondées sur toutes les sources disponibles possibles et de fournir aux décideurs et aux stratèges des évaluations pertinentes et utiles. Cependant, l'expérience m'a appris que les meilleurs services du renseignement au monde n'éliminent pas la capacité ou la nécessité de faire des choix difficiles. C'est là que cette responsabilité incombe aux dirigeants.

[Traduction]

M. Gary Loeppky, sous-commissaire, Opérations, Gendarmerie royale du Canada: Honorables sénateurs, c'est un grand plaisir pour moi que de m'adresser à vous pour vous parler du rôle de la GRC en matière de sécurité au sein d'un environnement qui change à l'évidence constamment.

Mon exposé portera sur plusieurs domaines différents, après quoi nous serons ravis de répondre à vos questions. Je suis accompagné aujourd'hui du commissaire adjoint Richard Proulx, responsable du Programme des renseignements criminels àla GRC.

Je voudrais aborder cet après-midi trois domaines: la situation avant septembre 2001; la réaction immédiatement après les attentats; et, bien sûr, nos objectifs à long terme.

Il me semble important de replacer le rôle de la GRC dans son contexte historique, avant de faire le point sur la situation contemporaine.

Suite à l'adoption de la Loi sur le SCRS et de la Loi sur les infractions en matière de sécurité, en 1984, le rôle d'enquête dela GRC au sujet des individus posant une menace réelle ou potentielle à la sécurité nationale a été redéfini. Bien que la nouvelle Loi sur les infractions en matière de sécurité n'ait entraîné la création d'aucune nouvelle infraction pénale, il fut décidé que la GRC continuerait de faire enquête sur les infractions pénales touchant la sécurité nationale. Pour la première fois, cependant, ce pouvoir était conféré à la GRC par voie législative. Pour ce qui est du SCRS, on lui confiait la responsabilité de faire enquête sur les menaces à la sécurité du Canada en procédant à la collecte de renseignements de sécurité et en conseillant le gouvernement à ce sujet.

En particulier, en vertu de l'alinéa 2c) de la Loi sur le SCRS, ce service se voyait confier la mission de faire enquête sur les individus ou groupes qu'il soupçonnait, pour des motifs raisonnables, de commettre des actes de violence à motivation politique. Conformément à son mandat, le SCRS a identifié publiquement le nombre d'individus associés à des groupes terroristes qu'il a des motifs raisonnables de soupçonner de violence potentielle à motivation politique et qui sont présents et actifs au Canada. Dans l'ensemble, ces individus participent à diverses formes d'activité non criminelle, ce qui comprend le recrutement de nouveaux membres, la promotion de leur idéologie ou de leur cause, ou la collecte de fonds pour leur organisation.

À cette étape, la plupart des activités de ces individus ne relèvent pas du mandat de la GRC. En conséquence, sur le plan pratique, nous dépendons du SCRS pour être prévenus du moment où ces individus ou groupes ont l'intention de commettre un acte criminel. La GRC a mis sur pied des services d'enquête pour la sécurité nationale dans les grandes villes du Canada ainsi que dans huit aéroports internationaux désignés, afin de faire enquête et d'intenter des poursuites sur cette activité criminelle.

Je passe maintenant à la nouvelle menace issue des incidents du 11 septembre, qui ont clairement mis en relief le fait que le terrorisme vient d'entrer dans un nouveau mode. La conspiration était une infraction criminelle bien avant le 11 septembre mais c'est ce jour-là qu'elle a produit ses effets les plus terribles. Nous avons ainsi appris qu'une activité apparemment innocente, comme l'acquisition d'un permis de pilotage, peut faire partie d'une conspiration criminelle. Les enquêtes qui ont suivi ont également révélé que bon nombre de ces individus avaient déjà attiré l'attention des organismes d'exécution des lois mais que ces derniers n'avaient pas pu faire les liens nécessaires entre les informations recueillies.

Suite à l'incident du 11 septembre, la GRC, comme toutes les autres agences fédérales de sécurité et d'exécution des lois, a pris des mesures immédiates et a lancé une évaluation de son aptitude à enquêter sur cette nouvelle menace, afin d'y résister.

Étant donné les mandats et responsabilités de la GRC, notre réaction a pris plusieurs formes. Par exemple, sur le plan de la sécurité physique, nous avons déployé des membres de nos forces pour s'occuper des avions qui étaient redirigés vers notre pays. Vous vous souviendrez que près de 40 000 personnes ont atterri au Canada presque sans aucun préavis, et nous avons donc participé à leur accueil. Nous avons aussi répondu aux préoccupations de sécurité accrue des ambassades étrangères et de leur personnel au Canada. Nous avons rehaussé notre visibilité dans les aéroports et aux événements internationaux, étant donné la menace envisageable, et nous avons répondu aux besoins de sécurité dans certains points cruciaux du pays.

Nous avons aussi lancé un nombre important d'enquêtes. Toutes les divisions ont immédiatement reçu l'instruction de considérer cet incident comme absolument prioritaire du point de vue des enquêtes, et près de 2 000 membres ont été réaffectés pour participer à ces enquêtes. Nous avons également intégré aux équipes des représentants d'autres ministères fédéraux dans ce qui s'est révélé être un excellent usage d'une approche fédérale intégrée.

Nous avons eu une représentation internationale au niveau national. L'un des résultats de notre ligne téléphonique de renseignements TIPS est que nous avons reçu plus de6 000 appels dont beaucoup, bien sûr, entraînent des enquêtes poussées et qui continuent.

Nous avons mis sur pied un groupe du renseignement financier pour faire enquête sur les activités de financement au Canada d'organisations identifiées peu après les attentats. Bien sûr, nous avons constaté une hausse notable du nombre de plaintes concernant des crimes à motivation raciale, au sujet desquelles nous menons des enquêtes partout au pays, là où nous assumons des fonctions de police provinciales.

En même temps, le gouvernement nous a demandé de lui dire quels sont nos besoins pour améliorer notre capacité de réaction à la nouvelle menace. Ces besoins ont été classés en cinq catégories: renseignement, enquêtes, matériel, infrastructure et formation et administration.

Dans le cadre du renseignement et des enquêtes, nous avons recommandé la constitution d'équipes de sécurité nationale intégrées, d'équipes de sécurité frontalière intégrées et d'un groupe du renseignement financier. Les équipes de sécurité nationale et de sécurité frontalière devraient être des équipes multidisciplinaires représentant les pouvoirs fédéraux, provinciaux et municipaux et visant les individus identifiés comme constituant une menace à la sécurité nationale du fait de leur participation à des activités criminelles.

Les leçons que nous avons tirées de l'enquête Ressam et de ce dernier incident montrent clairement que bon nombre de ces individus et de leurs associés participent à diverses formes de ce qu'on pourrait considérer comme de la petite criminalité, par exemple de la fraude aux cartes de crédit. Bien souvent, les infractions de nature mineure ou différentes des infractions graves faisant l'objet d'une enquête ou ne relevant pas de la police sont considérées comme posant peu de danger du point de vue de la sécurité nationale et risquent donc de ne pas retenir toute l'attention voulue. Avec une approche intégrée, ces infractions mineures seront prises au sérieux car elles peuvent révéler des liens cruciaux pour identifier les conspirations criminelles entre les groupes agissant au Canada ou à l'étranger. Toutes les informations recueillies dans le cadre de ces efforts intégrés seront analysées et communiquées aux organismes partenaires.

L'objectif de ces équipes intégrées est de prévenir et d'entraver l'action des individus menant des activités criminelles risquant de contribuer à une menace pour la sécurité du Canada ou de ses citoyens, ou de détecter et de poursuivre ces individus.

On a souvent entendu dire que l'argent est le nerf de la guerre terroriste. Bon nombre des activités policières au Canada étaient auparavant menées par le truchement de moyens légaux. Cette forme d'activité, dans le cadre des nouvelles propositions législatives, constituera une infraction pénale. Il est crucial de suivre le cheminement de ces gains financiers criminels pour comprendre les méthodes de financement des organisations terroristes. Cela est indispensable pour prévenir les attentats, recueillir des renseignements et perturber et démanteler les organisations.

En ce qui concerne le matériel, l'infrastructure et la formation, nous avons cerné un certain nombre de besoins, comme l'identification en temps réel, le matériel de balayage en direct, la mise à jour des points vitaux pour la planification d'urgence, l'amélioration des capacités d'identification des faux documents, l'intrusion technique et l'amélioration des technologies informatiques.

Pour l'avenir, le renseignement sera toujours un élément crucial pour identifier les plans, activités et intentions des individus planifiant des actes de terrorisme. Si nous disposons des meilleurs systèmes de renseignement possibles, nous pourrons voir comment, du point de vue de l'exécution des lois, atténuer la menace que posent ces individus.

Les nouvelles propositions législatives feront plus clairement tomber les activités de ces individus dans le champ du droit pénal. Cela veut dire que la GRC devra être en mesure de lancer rapidement des enquêtes sur les individus qui constituent une menace à la sécurité nationale. Nous devrons veiller à ce que tous les renseignements recueillis puissent être utilisés pour d'éventuelles poursuites pénales. Tout aussi important, nous devrons veiller à ce que toutes les formes d'activité criminelle de ces individus soient attentivement surveillées par les organismes de police et soient évaluées dans un contexte plus large. Cette participation à l'activité criminelle des individus qui constituent une menace à la sécurité du Canada risque fort d'être le point nous permettant d'exploiter le mieux possible leur vulnérabilité.

Pour atteindre cet objectif, nous devrons cependant mettre en place les structures nécessaires pour éliminer les chasses gardées et instaurer un système garantissant que tous les renseignements disponibles sont facilement partagés et font l'objet de bonnes analyses. Certes, le partage des renseignements a toujours été considéré comme un élément clé de la lutte contre cette forme d'activité criminelle, mais les événements du 11 septembre nous ont forcés à revoir les arrangements actuels pour voir si une meilleure intégration permettrait d'éliminer les carences éventuelles. Tel est le concept qui fonde la création des équipes de sécurité nationale et de sécurité frontalière intégrées.

Il est clair que toutes les agences d'exécution des lois et de renseignement de sécurité ont un rôle important à jouer pour atténuer cette menace, et c'est seulement si elles travaillent vraiment en partenariat qu'elles pourront atteindre cet objectif.

Je voudrais revenir un instant sur les remarques du général au sujet des partenariats. Manifestement, l'une des pierres angulaires de la stratégie de la GRC est l'intégration des activités policières. Cette méthode s'impose en effet pour garantir que tous les partenaires - fédéraux, provinciaux ou municipaux - ont accès aux meilleures informations possibles de façon à se faire une image parfaitement exacte des problèmes.

Il y a quelques années, la GRC a adopté un nouveau modèle axé sur l'action policière fondée sur le renseignement, c'est-à-dire exigeant que l'on possède tous les renseignements pertinents pour prendre les décisions. Dans ce contexte, nous avons renouvelé notre Programme de renseignements criminels, sous la direction du commissaire adjoint Proulx, avec la prestation d'une formation professionnelle poussée et l'exécution d'analyses approfondies, afin d'être vraiment à l'avant-garde du renseignement du point de vue de l'exécution des lois. Nous avons un rôle de leardership à jouer à cet égard au Canada.

Le commissaire Zaccardelli a lancé des initiatives importantes à l'échelle internationale pour veiller à ce que les organismes d'exécution des lois des divers pays procèdent à un meilleur partage de leurs renseignements. Nous savons bien que bon nombre des situations dans lesquelles nous nous trouvons aujourd'hui constituent des problèmes nationaux qui n'avaient pas nécessairement leurs racines ici même, au Canada. L'action policière intégrée, en partenariat, est manifestement l'aspect fondamental de l'action des services de police à partir de maintenant.

Le sénateur Meighen: Je vous remercie de vos exposés, qui nous ont donné des informations très utiles et qui susciteront certainement beaucoup de questions.

Major-général Maisonneuve, vous avez soulevé un point sur lequel je m'interroge: jusqu'où pouvez-vous aller dans la communication d'informations aux gens qui ne bénéficient pas de la cote de sécurité la plus élevée, comme les sénateurs que vous voyez devant vous? Je me suis laissé dire - mais ce n'est peut-être pas exact - que cela pose aussi problème dans d'autres pays. Je ne sais pas si les parlementaires d'autres pays ont décidé qu'il leur serait utile de recevoir une cote de sécurité de façon à avoir accès aux renseignements protégés. De toute façon, même si l'on a accès aux renseignements protégés, la question est de savoir qu'en faire. Si vous me communiquez une information classifiée, je ne peux la révéler à personne. Je sais que le sénateur LaPierre et moi-même aurions sans doute beaucoup de mal à tenir notre langue. Nous ne pourrions discuter de cela qu'entre nous, et peut-être même pas! Pourriez-vous donc nous donner quelques précisions là-dessus? Est-ce qu'il nous manque vraiment beaucoup d'informations si nous n'avons pas de cote de sécurité? Si nous en avions une, que pourrions-nous faire de ces informations?

Mgén Maisonneuve: Vous avez raison, c'est un problème, et pas seulement pour des groupes comme les comités mais même pour le monde de la défense. Je sais que nos partenaires vous diraient la même chose. La meilleure manière de protéger des renseignements consiste à les compartimenter et à faire en sorte qu'il soit le plus difficile possible aux organisations de les récupérer pour reconstituer le casse-tête. Au fond, ils font la même chose que nous - ils réunissent des renseignements et fabriquent leurs propres produits. C'est une situation difficile.

Tout repose sur la confiance. Quand des gens comme nous témoignent devant un comité comme le vôtre et disent que telle situation se présente de telle manière, je suppose que vous êtes obligés, dans une certaine mesure, de nous croire sur parole. Quand nous vous indiquons quelles sont nos ressources et ce que nous sommes capables de recueillir, de partager et d'analyser comme renseignements, vous devez croire que c'est la vérité. Nous utilisons les renseignements de la meilleure manière possible. Certes, nous ne sommes pas parfaits mais nous sommes très efficaces.

Le sénateur Meighen: Voulez-vous donc dire que nous ne devrions pas vous demander comment vous les obtenez?

Mgén Maisonneuve: Vous pouvez toujours poser la question, sénateur.

Le sénateur Meighen: C'est donc le genre de chose que vous ne pouvez pas nous dire. Au fond, vous dites que nous devons vous croire sur parole quand vous nous dites que vos renseignements vous mènent à tirer telle ou telle conclusion, sans nous indiquer comment vous avez obtenu ces renseignements.

Mgén Maisonneuve: Exactement. Dans certains cas, ce ne sont pas seulement les renseignements qui sont protégés mais aussi la manière dont on les a obtenus. Étant donné que bon nombre de ces renseignements nous sont transmis par d'autres, nous ne voulons pas courir le risque de dévoiler quelque chose qui pourrait causer du tort à nos partenaires. Je sais que c'est une situation difficile.

Le sénateur Meighen: Vous avez tous les deux insisté dans vos exposés sur l'intégration nécessaire. La clé semble être de faire en sorte que chacun sache ce que font les autres de façon à ce que tous les renseignements puissent être intégrés pour former une image complète. J'ai le sentiment que nous avons beaucoup de travail à faire dans ce domaine au Canada. Je ne veux pas vous critiquer ni faire de politique à ce sujet mais j'aimerais savoir où nous en sommes du point de vue de l'intégration. Croyez-vous que c'est important, pour la GRC ou pour les Forces canadiennes?

Mgén Maisonneuve: Vous avez raison. Comme je l'ai dit, c'est probablement l'aspect le plus important de la collecte, du partage et de l'analyse. C'est comme cela que nous obtenons des produits utiles.

Si l'on regarde le casse-tête, on voit qu'il se compose de morceaux de renseignements issus de nombreuses sources différentes. Pour améliorer notre capacité d'analyse et pour veiller à être toujours au courant des derniers développements, il faut s'assurer que l'on possède tous les éléments d'information, même ceux qui, pour tel ou tel analyste, peuvent paraître sans importance. En les voyant, un autre dira: «Voilà, c'est le morceau qui manquait». Le partage ne doit donc pas se faire uniquement entre les ministères au sein du gouvernement, ce sur quoi nous insistons beaucoup, mais aussi entre les alliés. C'est un aspect absolument essentiel et crucial de notre travail.

M. Loeppky: Si l'on examine les mandats qui avaient été confiés dans le passé aux agences du Canada et des États-Unis, on voit clairement qu'il y a eu certaines lacunes, et nous faisons actuellement beaucoup d'efforts pour les combler.

Il y a beaucoup de problèmes à prendre en considération à ce sujet, comme les systèmes technologiques qui ont été créés pour d'excellentes raisons mais qui ne communiquent pas entre eux aussi bien qu'ils le pourraient. Il y a aussi la question d'avoir un objectif commun quand on partage des renseignements.

L'une des conséquences du 11 septembre est que cela a renforcé la nécessité pour chaque organisation d'analyser attentivement ses méthodes. Nous savons que, selon le secteur dans lequel nous travaillons, qu'il s'agisse d'Immigration Canada ou de la GRC, par exemple, chacun peut apporter aux autres des éléments d'information différents.

L'une des raisons pour lesquelles nous constituons des équipes intégrées est que, puisque nous n'avons pas la technologie nécessaire pour communiquer instantanément et qu'il faudra un certain temps pour la mettre en place, nous voulons avoir au moins l'assurance que toutes les informations que possèdent les diverses organisations pourront être prises en considération.

Je peux dire que le niveau d'intégration est beaucoup plus élevé aujourd'hui qu'autrefois et que nous faisons appel à beaucoup de nouveaux talents. Les compétences d'un analyste dans un ministère et des analystes d'un autre permettent de voir les choses de plusieurs points de vue différents. Quand on met tout cela ensemble, on obtient une image plus complète de la situation.

[Français]

M. Richard Proulx, commissaire adjoint, Direction du renseignement criminel, Gendarmerie royale du Canada: Depuis quelques années, nous avons des partenariats basés sur des projets, sur le crime organisé. Depuis environ trois ans, nous avons des équipes permanentes, des groupes combinés d'enquêteurs, que ce soit à Montréal, à Ottawa, à Toronto ou à Vancouver où on a beaucoup de succès. C'est ce que nous voulons mettre en place pour le terrorisme. Nous voulons travailler plus en partenariat avec les autres, avec des équipes permanentes et non pas se baser sur des cas particuliers.

Le sénateur Meighen: Je n'ai pas vraiment saisi cette idée d'une équipe coordonnée. Est-ce une équipe composée de différentes personnes?

M. Proulx: Une équipe composée des corps de police du niveau municipal et provincial, des membres de l'immigration canadienne, de Revenu Canada, les douanes, et parfois même des forces armées, tout dépendant du but du projet et des outils qu'on a besoin et les services de sécurité.

Le sénateur Meighen: Vous poursuivez cette idée?

M. Proulx: Du côté du terrorisme, oui.

[Traduction]

M. Loeppky: Pour compléter cette réponse, le meilleur exemple en est l'opération récente qui a été menée au Québec et en Ontario, l'Opération Printemps, où 29 services de police ont collaboré avec d'autres agences fédérales et provinciales pour se concentrer sur une cible commune.

Le sénateur Meighen: J'aimerais vous poser ma dernière question, monsieur le sous-commissaire.

Dans l'un des documents que vous avez eu la bonté de nous remettre, je vois que vous avez reçu en tout 59 millions de dollars supplémentaires. Même s'il est vrai qu'on n'obtient jamais autant d'argent qu'on le voudrait, cela représente quand même59 millions de dollars de plus qu'auparavant, ce qui doit vous être utile. Par exemple, si les Forces armées décidaient qu'elles ont besoin d'un nouvel avion de combat ou, prenons un exemple complètement imaginaire, d'un nouvel hélicoptère, il s'écoulerait probablement de nombreuses années entre le moment où vous formuleriez votre proposition et où, après l'évaluation, l'analyse et la commande, vous recevriez ce nouvel appareil. Ma question est donc celle-ci: est-ce que ces 59 millions de dollars supplémentaires peuvent être mis à profit rapidement?

M. Loeppky: Les 59 millions de dollars comprennent50,5 millions pour des immobilisations et 9 millions pour des dépenses FTD. En ce moment même, les équipes comprises dans ces 9 millions de dollars sont en cours de constitution et seront sur le terrain dans les prochaines semaines. Une partie du personnel devra être redéployée à cette fin mais les équipes seront bientôt à pied d'oeuvre.

En ce qui concerne les immobilisations, une bonne partie des biens concernés a déjà été commandée. Nous prévoyons que les 50,5 millions de dollars nous aurons permis d'acquérir du matériel qui sera en place et opérationnel avant la fin de l'année.

Le sénateur Meighen: C'est très encourageant.

Le sénateur LaPierre: Je voudrais aborder deux questions, la première concernant l'entraînement. Brigadier-général Samson, comment fabrique-t-on un bon agent de renseignement? Comment décririez-vous cette créature? Vous-même, vous étiez enseignante et vous n'auriez sans doute jamais imaginé devenir un agent de renseignement. Pourtant, vous êtes maintenant en haut de l'échelle.

Brigadier-général P. M. Samson, directrice générale, Renseignement, ministère de la Défense nationale: Je vous répondrai d'abord, sénateur, que j'ai eu de la chance de devenir agent de renseignement après avoir été maîtresse d'école. Je crois qu'un bon agent de renseignement est quelqu'un qui fait preuve de curiosité, quelqu'un qui aime bien remonter des casse-tête. En effet, c'est essentiellement ce que fait un agent de renseignement. On prend des renseignements d'origines diverses, on cherche des pistes et on remonte un casse-tête pour produire une image de la réalité dans le but, idéalement, d'anticiper les événements futurs.

Tout le monde ne peut pas devenir un bon analyste de renseignement, mais cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas être efficace dans d'autres secteurs du monde du renseignement. On peut faire des recherches sur diverses choses sans avoir à les analyser. Certains procèdent à la collecte des renseignements de façon à les communiquer à d'autres qui, en les intégrant à d'autres éléments, parviennent à une analyse de quelque chose qui risque d'arriver.

Je suppose que la plupart des gens, même dans cette salle, sauraient très bien recueillir toutes sortes d'informations et les transformer en renseignement. Il suffit de marcher dans la rue pour voir quelque chose qui sort de l'ordinaire, et on peut le transformer en renseignement. Si vous conduisez votre voiture et qu'un ballon traverse votre champ de vision, vous concluez immédiatement qu'il y a un enfant derrière ce ballon. En conséquence, il y a de fortes chances qu'un enfant apparaisse pour récupérer son ballon. Voilà un exemple très simple de ce qu'est le renseignement. On prend une information, on y ajoute des idées, des indices et une dimension culturelle, et cela produit une analyse.

Le sénateur LaPierre: Est-il utile d'avoir les qualités deJames Bond? C'est l'image classique que nous avons d'un espion. Est-ce bon?

Bgén Samson: Je suppose que c'est généralement comme ça que les gens imaginent un espion. Il est intéressant de savoir que la plupart des gens aimeraient avoir rencontré James Bond.

Pour être tout à fait franche, je ne sais pas s'il y a aujourd'hui des espions qui agissent comme cela car, dans l'armée, nous recueillons nos renseignements ouvertement, pas en secret.

Le sénateur LaPierre: Y a-t-il des jeunes qui sortent de l'université et qui deviennent agents de renseignement? Est-ce une vraie carrière pour les jeunes de notre pays?

Bgén Samson: Absolument, sénateur. Certains de nos meilleurs analystes sont des diplômés d'université qui ont une maîtrise en sciences politiques ou en recherche analytique. Ce sont de superbes analystes.

Le sénateur LaPierre: Et c'est une carrière qu'ils choisissent délibérément?

Bgén Samson: Absolument. Il y a au gouvernement beaucoup d'agences qui font du renseignement. J'ai apporté avec moi quelques ouvrages qui vous donneront un aperçu du monde canadien de la sécurité et du renseignement. Au sein du gouvernement, on peut faire une très belle carrière dans ce secteur et ça offre beaucoup de possibilités aux jeunes. J'ai apporté des ouvrages à votre intention.

Le sénateur LaPierre: J'en prendrai un.

Mgén Maisonneuve: Et cela vaut autant pour les militaires que pour les civils, sénateur. On ne fait pas du renseignement qu'à l'armée.

Le sénateur LaPierre: L'autre question que je voudrais poser concerne votre idée du «panier unique». Vous dites qu'il est important que toutes nos ressources de renseignement ne soient pas mises dans le même panier. J'ai aussi des difficultés avec votre utilisation du «nous». Quand vous dites «nous», vous voulez dire, je suppose, nous du renseignement militaire, du renseignement de la GRC, du SCRS. Je peux comprendre que vous ne vouliez pas mettre tous vos oeufs dans le même panier. Toutefois, ne devrions-nous pas mettre toutes nos agences du renseignement dans un seul panier de façon à n'avoir qu'un seul organisme de renseignement? Si tel était le cas, il n'y aurait plus de problèmes au niveau de l'analyse. Le partage des informations se ferait naturellement.

Dans le mémoire de la GRC, j'ai été frappé par la phrase suivante:

En conséquence, les agentes d'autres pays qui possèdent des informations sensibles hésitent parfois à les partager par crainte de révéler l'identité de leurs sources.
Nous savons qu'il y a en ce moment une bataille d'ordinateurs, et nous savons aussi que chacun tient à protéger son territoire, c'est tout à fait naturel. Cela dit, pour autant que cette information ne soit pas secrète, serait-il vraiment impossible de réunir au sein d'une seule agence tous les experts de notre pays qui s'occupent de renseignement, ce qui leur permettrait de distribuer les informations aux diverses parties concernées? Il n'y aurait ainsi qu'un seul centre de collecte du renseignement. Serait-ce possible?

Mgén Maisonneuve: C'est une excellente question. Je pense que le travail de votre comité nous aidera beaucoup à prendre une décision à ce sujet.

Mon sentiment est que le partage, la collecte et la distribution des informations n'exigent pas nécessairement un seul propriétaire de celles-ci. Il existe des organisations virtuelles, des comités et des groupes qui se constituent pour échanger ce type d'information. J'ai parlé tout à l'heure des réseaux d'ordinateurs que nous possédons et que nous utilisons pour partager les informations. Celles-ci circulent sans entraves entre les organisations, ce qui nous permet de recomposer les casse-tête.

Devrions-nous regrouper toutes ces ressources sous une seule entité, pour faire un meilleur travail? Je n'en suis pas convaincu.

J'ajoute aussi que nous utilisons tous le renseignement pour des raisons différentes. Les militaires s'en servent essentiellement pour appuyer leurs commandants sur le champ de bataille. Évidemment, nous donnons aussi des avis au ministre de la Défense nationale et à nos officiers supérieurs. Est-ce que cela serait toujours aussi facile si tout relevait d'un seul organisme? Je ne saurais le dire pour le moment.

M. Loeppky: Il est clair que nous avons des défis à relever dans ce domaine. Il arrive parfois qu'une agence d'exécution des lois communique des renseignements à une autre en étant tenue de respecter les règles établies par une tierce partie.

Pour revenir à ce que vous disiez au sujet de la collecte et de la protection des informations, la réalité veut que, lorsque nous utilisons ces informations pour intenter des poursuites pénales, nous sommes tenus, de par la loi, à une divulgation complète, ce qui peut créer des difficultés. Si une organisation utilise des sources très sensibles ou très haut placées, il peut lui être bien difficile de partager toutes les informations qu'elle en tire. Si nous voulons intenter des poursuites pénales en fonction de ces informations et qu'il y a un procès, la loi nous oblige à tout divulguer. Cela a déjà causé des difficultés dans le passé.

Le sénateur LaPierre: Nous ne parlons pas ici de meurtres. Nous parlons de défense et de sécurité. Vous avez tous un rôle important à jouer pour assurer la défense et la sécurité de mon pays. De plus en plus, pour la grande majorité des Canadiens, les mots «défense» et «sécurité» deviennent synonymes. On leur donne de plus en plus le même sens. Les militaires nous défendent, le SCRS fait du renseignement pour nous défendre, et la GRC veille à ce que tout le monde fasse son travail. En conséquence, sommes-nous aujourd'hui en face d'un nouveau paramètre, d'un nouveau paradigme, d'une nouvelle réalité?

M. Loeppky: Oui, monsieur.

Quand nous disons que la GRC recueille des informations, celles-ci sont reliées aux activités criminelles de certains individus, alors que le mandat du SCRS consiste à recueillir des informations et des renseignements touchant la sécurité nationale. Il y a une grande différence entre les deux. Toutefois, il est clair que l'on essaie le plus possible de partager ce que l'on sait, tout en respectant nos mandats respectifs et les obligations de divulgation.

Le sénateur Atkins: Vous avez manifestement eu la possibilité de lire le projet de loi sur le terrorisme dont est actuellement saisie la Chambre des communes, le projet de loi C-36. Qu'en pensez-vous? Vous sera-t-il utile?

M. Loeppky: Nous avons eu l'occasion d'examiner les propositions législatives dont est saisie la Chambre. Manifestement, ces outils sont nécessaires pour permettre aux agences d'exécution des lois de mieux lutter contre le crime organisé ou d'entreprendre des enquêtes sur les terroristes ou sur les activités financées par les terroristes. Il faut toutefois convenir que, même s'il s'agit de meilleurs outils, nous vivons dans une société démocratique et nous devons respecter les dispositions de la Charte. En conséquence, je souligne que ces modifications législatives devront être mises en oeuvre en respectant scrupuleusement la Charte des droits. Nous respectons et appuyons ce principe.

Je pense que les propositions législatives qui ont été déposées devant la Chambre nous permettront d'effectuer de meilleures enquêtes au sujet des terroristes. À l'évidence, nous appuyons ces propositions.

Si vous le voulez, je pourrais parler d'aspects particuliers du projet de loi, comme les dispositions qui nous offriront plus de possibilités d'examiner les activités de financement des groupes terroristes. Il est clair que c'est une de leurs activités au Canada. En outre, une protection additionnelle sera fournie par les modifications législatives à des lois telles que la Loi sur la preuve au Canada.

Nous appuyons les propositions du gouvernement mais nous sommes aussi parfaitement conscients de la responsabilité considérable qui appartient aux agences d'exécution des lois d'utiliser ces outils de manière démocratique.

Mgén Maisonneuve: Notre position est la même, sénateur. Les modifications proposées à la Loi sur la défense nationale nous aideront à remettre de l'ordre dans notre maison, grâce à la nouvelle définition du terrorisme. Ce projet de loi offrira de nouveaux outils au système de justice militaire pour réprimer ces infractions. Nous appuyons donc aussi les amendements proposés.

Le sénateur Atkins: Les militaires et la GRC ont-ils été consultés lors de la préparation de ce projet de loi?

M. Loeppky: Oui.

Je tiens à préciser que le projet de loi est axé sur l'identification, la poursuite, la condamnation et la punition des terroristes ou des personnes recueillant des fonds pour des activités reliées au terrorisme. Autrement dit, le but du projet de loi est très précis.

Le sénateur Atkins: Y a-t-il quoi que ce soit dans ce projet de loi qui vous ait déçus? Voudriez-vous recommander que l'on ajoute quelque chose au projet de loi?

M. Loeppky: Nous avons été consultés au sujet de certains des outils, au même titre que d'autres organisations. Nous attendrons les résultats des processus en cours pour voir le texte définitif. Nous sommes très heureux de ce qui a été proposé jusqu'à présent et nous félicitons le gouvernement d'avoir pris ces décisions.

Mgén Maisonneuve: Nous non plus n'avons rien d'autre à ajouter au projet de loi.

Le sénateur Atkins: Me permettez-vous d'insister?

Mgén Maisonneuve: Si vous pensez à quelque chose, dites-le.

Le sénateur Atkins: Avez-vous les ressources financières? J'adresse cette question autant aux militaires qu'à la GRC -je veux parler des ressources financières pour obtenir le personnel et le matériel qu'exige une campagne contre le terrorisme.

Mgén Maisonneuve: Certes, tout le monde aimerait avoir plus d'argent, plus de ressources et plus de tout. Cependant, je peux vous confirmer que nous sommes actuellement extrêmement efficaces. Les services que nous dispensons et les produits que nous produisons sont extrêmement appréciés par nos alliés. Certes, cela se fait en coopérant avec tous les autres ministères. Il est évident qu'on pourrait toujours utiliser plus d'argent et plus de ressources mais, à l'heure actuelle, nous sommes très efficaces dans ce que nous faisons.

Vous avez sans doute entendu l'ambassadeur des États-Unis déclarer à maintes reprises que les Américains sont extrêmement satisfaits de la coopération et du partage des informations.

Évidemment, avant les événements du 11 septembre, nous nous demandions quelles capacités nous pourrions améliorer. Je laisserai le général Samson vous donner des précisions à ce sujet mais je vous en ai donné quelques indications dans mon exposé. Chaque fois que nous discutons avec nos alliés, ils expriment leur grande satisfaction à l'égard des produits que nous leur avons fournis avec les moyens que nous avons actuellement à notre disposition. Je pense que nous faisons le mieux possible avec ce que nous avons. Nous sommes très efficaces. Vous pouvez être fiers de nous.

Bgén Samson: Dans le secteur du renseignement, sénateur, nous cherchons toujours à nous améliorer car, sinon, nous pouvons très vite prendre du retard. Qu'il s'agisse du monde de l'analyse ou de la mise sur pied d'un centre d'intégration où seront acheminées toutes les informations devant être analysées à l'intention des Forces armées, nous examinons toujours de nouveaux projets. En fin de compte, cela peut vouloir dire qu'il nous faudra plus d'argent ou plus de personnes pour fournir un meilleur service, surtout avec la masse d'informations qui s'accumulent actuellement grâce aux nouvelles technologies. Pour le moment, toutefois, et suite au 11 septembre, nous sommes très fiers de ce que nous faisons et nos alliés sont très satisfaits de ce que nous leur communiquons.

M. Loeppky: Bien sûr, chaque organisation pourrait toujours faire mieux avec plus de ressources mais la clé consiste à tirer parti des ressources d'autres organisations, par le truchement d'une meilleure coopération avec les autres organismes d'exécution des lois et avec les autres ministères fédéraux. Nous devons tirer parti de nos ressources mutuelles pour travailler ensemble, partager les informations et travailler de manière interdépendante, ce que nous n'avons peut-être pas fait aussi bien qu'il l'aurait fallu dans le passé.

Nous savons par ailleurs que notre environnement change de jour en jour, ce qui peut entraîner de nouveaux besoins à l'avenir. Par exemple, nous allons devoir nous occuper plus de police de protection. C'est une responsabilité très importante qui nous appartient mais, considérant l'évolution de l'environnement, ce que nous faisons aujourd'hui sera-t-il encore suffisant dans un an? Tout dépendra de la menace et de ce que nous réservera l'avenir.

Nous ne comprenons pas encore pleinement ce que sera l'incidence des propositions législatives mais, bien sûr, nous analysons continuellement cette question.

À mes yeux, l'essentiel est de faire le meilleur usage possible de nos ressources, c'est-à-dire d'être le plus productifs possible. Manifestement, nous devons aussi tirer parti de ce qui existe dans les autres ministères.

En ce qui concerne les équipes que nous mettons actuellement sur pied, nous réunissons les services de police municipaux et provinciaux - là où nous ne sommes pas la police provinciale, comme en Ontario et au Québec - de façon à pouvoir tirer parti de leurs propres ressources et de leurs informations, ce qui nous permettra de faire un usage plus efficient des deniers publics.

Le sénateur Atkins: Je suppose que, si l'on vous offrait un deuxième hélicoptère dans les provinces maritimes, vous l'accepteriez.

M. Loeppky: Nous ferions le point de la situation et, si c'est là-bas que le besoin est le plus pressant, c'est là-bas que nous l'utiliserions.

Le sénateur Atkins: Des témoins précédents - de la GRC et, je crois, du SCRS - nous ont dit qu'ils sont tout à fait heureux qu'il n'y ait pas d'agence centrale de coordination. Qu'en pensez-vous?

M. Loeppky: Si vous examinez la structure, vous verrez que tous deux relèvent du solliciteur général du Canada, ce qui veut dire qu'ils passent dans une certaine mesure par une autorité commune. Leurs mandats sont complémentaires et leur travail est complémentaire du point de vue du renseignement de sécurité et des poursuites pénales.

Je pense que la structure actuelle est satisfaisante. Il est important que tout le monde collabore étroitement, si possible sans empiéter sur les plates-bandes des autres.

Nous savons que le SCRS possède un mandat particulier et nous le respectons. Je pense que la notion de service de sécurité telle qu'elle existait avant 1984 a changé et que la situation qui prévaut aujourd'hui répond certainement aux besoins des Canadiens. Il y a une séparation des fonctions mais cela n'empêche pas des relations de travail étroites, ce qui est le cas aujourd'hui.

Le sénateur Atkins: Il est intéressant de voir que lapremière réaction des Américains après le 11 septembre était qu'ils ont besoin d'un organisme de coordination car beaucoup de renseignements tombaient dans les failles du système.

M. Loeppky: Je connais très bien cette situation mais je vais laisser mon expert du renseignement vous répondre.

M. Proulx: Tous les renseignements que nous possédons au sujet de la sécurité sont partagés avec le SCRS. Comme vous le savez, notre mandat consiste à faire enquête sur les activités criminelles et à recueillir des renseignements à ce sujet, alors que celui du SCRS est axé sur la sécurité nationale et le renseignement. Nous partageons tout du point de vue des interactions de sécurité.

Le sénateur Meighen: Le sénateur Atkins vient d'aborder une question que je voulais soulever, l'intégration et le partage. Certes, tout le monde peut bien dire qu'il faut mieux faire et qu'il faut partager les informations mais, comme le disait le sénateur LaPierre, on a toujours tendance à protéger son territoire, c'est naturel.

Pensez-vous donc qu'il serait utile que le premier ministre nomme un coordonnateur qui inviterait la GRC, les militaires et le SCRS à le rencontrer à intervalles réguliers pour parler de l'échange d'informations? Est-ce que ce serait utile, d'après vous?

M. Loeppky: Comme vous le savez probablement, sénateur, il y a déjà un groupe de politique du renseignement qui coordonne certains éléments des activités de renseignement.

Le sénateur Meighen: Voulez-vous parler d'un comité du Cabinet récemment réactivé?

M. Loeppky: Non, c'est un comité qui fait partie de l'appareil de sécurité et de renseignement du BCP. Ce comité peut déjà réunir les divers partenaires autour d'une même table pour parler de sécurité et de renseignement.

Vous savez, le partage complet de toutes les informations est parfois difficile. Certes, le partage est une bonne chose en soi, et j'y suis très favorable, mais il faut bien convenir que notre rôle en matière d'exécution des lois nous impose une obligation législative de divulgation totale dans les poursuites pénales. Cela peut parfois nous poser un problème s'il s'agit de divulguer totalement des renseignements que l'on a reçus d'autres pays ou de tierces parties. Mon impression est que la fonction d'exécution des lois, étant donné ses particularités dans le domaine pénal, crée certaines barrières.

Le sénateur LaPierre: Je suis un peu perdu, ici. Voulez-vous dire que, si la GRC reçoit des informations touchant la sécurité du Canada mais tombant dans le domaine du renseignement criminel, vous n'allez pas les partager? La divulgation complète se fera alors devant le tribunal à huis clos, et les juges ont parfaitement l'habitude de cette procédure. Êtes-vous en train de nous dire qu'il y a une échappatoire qui risque d'affecter la sécurité du Canada?

M. Loeppky: Pas du tout, sénateur. Comme le disait le commissaire adjoint Proulx, lorsque nous recevons des informations, nous les communiquons. Le problème se pose lorsque nous recevons des informations concernant quelqu'un qui risque d'être impliqué dans une activité criminelle et que nous intentons des poursuites à son sujet. Dans ce cas, les informations devront être divulguées au procès. C'est là qu'il y a un problème.

Le sénateur Wiebe: Comme le sénateur LaPierre et les autres participants au débat, je m'intéresse aux différentes agences de renseignement qui existent chez nous. Nous avons le SCRS, la GRC et les diverses branches de nos Forces armées. Il y a probablement une logique derrière tout ça mais j'ai bien du mal à la comprendre, peut-être parce qu'on ne m'a pas expliqué assez clairement la situation. Ma crainte est que la main gauche ne sache pas ce que fait la main droite. N'y a-t-il pas un risque qu'un groupe pense que l'autre s'occupe de quelque chose et découvre en fin de compte que personne n'a vraiment rien fait?

Deuxièmement, dans quelle mesure quelqu'un qui est sur le terrain peut-il obtenir rapidement les renseignements dont il a besoin? Prenons le cas, par exemple, de renseignements que possèdent les Forces armées. Quelle cote de sécurité le pauvre type qui est sur le terrain doit-il avoir pour obtenir ce type de renseignements, et combien de temps lui faut-il pour obtenir les autorisations nécessaires? Est-ce qu'il n'y a pas un danger, avec tant de tentacules différentes, que les renseignements n'aient plus aucune valeur au moment où on les reçoit? Voyez-vous où je veux en venir?

Mgén Maisonneuve: Oui, sénateur. Je répondrai à lapremière partie de votre question et je laisserai ensuite le général Samson répondre à la deuxième, qui porte sur la manière dont on communique et utilise les renseignements.

Pour ce qui est de la coordination, vous avez raison de dire qu'elle est absolument essentielle si l'on veut éviter que certains renseignements ne disparaissent dans les lacunes du système. Notre but est que les renseignements soient utilisés correctement et que personne ne s'imagine ou ne suppose que quelqu'un d'autre s'occupe d'un problème donné alors que ce n'est pas le cas du tout.

Je viens de jeter un coup d'oeil au livret que nous allons vous remettre. On y explique exactement ce que disait mon collègue de la GRC. Au Bureau du Conseil privé, on trouve sous l'autorité du greffier le sous-greffier, conseiller juridique et coordonnateur de la Sécurité et du renseignement, qui a reçu du premier ministre le mandat de coordonner les activités de renseignement et de sécurité de tous les ministères et organismes du gouvernement du Canada et de développer des relations internationales efficaces. À l'heure actuelle, je crois pouvoir dire que c'est la première méthode que nous avons pour coordonner toutes les différentes agences, organisations et ministères qui s'occupent de renseignement et qui, je le précise, sont énumérés en détail dans ce livret.

Avons-nous besoin de toutes ces agences, de toutes ces ressources, pour coordonner, partager et communiquer efficacement?

Vous avez souligné que les différentes organisations ont des mandats différents. Le ministère de la Défense nationale s'occupe avant tout d'appuyer les commandants du champ de bataille et de conseiller le ministre, ce qui veut dire que son mandat est différent de celui de la GRC. Malgré cela, nous coordonnons et coopérons. Nous sommes étroitement reliés. Nous devons continuer nos efforts dans cette voie. Nous ne sommes pas parfaits mais il y a actuellement ce mécanisme du BCP et nous sommes très bien reliés partout ailleurs.

Bgén Samson: Sénateur, chaque organisme du Canada qui recueille et analyse des informations pour donner des produits de renseignement les utilise à ses propres fins. Chacun a ses propres objectifs. À l'armée, bien sûr, le renseignement est utilisé à des fins militaires, pour préserver et protéger nos forces. Pour ce qui est du SCRS, il fait du renseignement pour la sécurité du Canada; la GRC, quant à elle, fait du renseignement pour lutter contre l'activité criminelle. À mon avis, si nous étions tous placés sous le même toit, nous finirions par nous battre sur les priorités: qu'est-ce qui est plus important aujourd'hui? À quoi devrait-on consacrer plus d'argent?

Je pense qu'il est utile d'avoir des entités différentes. De cette manière, nous pouvons nous concentrer sur les besoins particuliers de notre organisation, dans notre champ de compétence particulier. Cela ne veut pas dire que nous ne partageons rien, bien au contraire, je vous l'assure.

À l'armée, tout ce que nous produisons circule sur notre réseau protégé. Quand nous traitons avec les soldats, les marins et les pilotes, leurs ordinateurs sont reliés aux nôtres et tout ce que nous avons leur est accessible.

Nous avons un centre de coordination et de commandement qui fonctionne 24 heures par jour, sept jours sur sept. Quand des informations arrivent au centre, nous y avons des gens qui les analysent et qui les redistribuent en cinq, 10, 30 ou 60 minutes, selon le degré d'urgence. Nous sommes équipés pour ça. Nous sommes équipés pour faire cela lorsque nos troupes sont sur le terrain. Le général Maisonneuve peut probablement vous donner plus de précisions là-dessus parce qu'il a été plus souvent que moi sur le champ d'opérations.

M. Loeppky: Je voudrais revenir sur votre affirmation que nous partageons l'information aussi bien que nécessaire. Peut-être puis-je vous donner un exemple d'après le 11 septembre.

Nous avons à Ottawa un centre national d'opérations qui est entré en activité après les attentats. Il relève de la GRC mais on y trouve des représentants d'autres ministères fédéraux, allant du SCRS au FBI. Nous avons un partage complet d'informations. Ces ministères et organismes ont accès à nos informations et, en retour, nous avons évidemment accès à toutes leurs banques de données disponibles.

Pour ce qui est de l'accès à nos informations à partir des champs d'opérations locaux, je pense que tous nos membres ont accès aux informations que possède le commissaire adjoint Proulx dans ses banques de données. Nous ne limitons pas l'accès aux informations selon qu'on en a ou non besoin pour faire enquête sur les activités criminelles.

Le vice-président: Comme les deux généraux doivent partir, je tiens à les remercier chaleureusement d'être venus témoigner devant le comité ce soir. Nous les remercions du courage dont ils font preuve dans des circonstances très difficiles pour s'acquitter magnifiquement de leur tâche. Il y en a beaucoup parmi nous qui s'inquiètent moins de leur sécurité physique que de leur sécurité mentale.

Le sénateur Wiebe: Veuillez excuser mon ignorance, monsieur Loeppky, mais vous avez utilisé plusieurs fois le sigle «BCP». Qu'est-ce que ça veut dire?

M. Loeppky: Bureau du Conseil privé.

Il y a au BCP un comité qui s'appelle le Groupe de la politique du renseignement et qui se compose essentiellement de sous-ministres adjoints ou associés ou de représentants clés des services de renseignement de chaque agence. Ainsi, le commissaire adjoint Proulx y est le représentant de la GRC. Ce sous-comité se réunit pour traiter de préoccupations communes et des menaces à la sécurité nationale. Son rôle est clairement défini. Il relève d'un comité de sous-ministres appelé le Comité interministériel de la sécurité et du renseignement. Il étudie et analyse le travail du sous-groupe qui est composé des directeurs ministériels du renseignement.

Le sénateur Wiebe: C'est donc le BCP qui veille à ce qu'il n'y ait aucun dédoublement des activités d'enquête?

M. Loeppky: C'est exact. Il procède à l'évaluation des questions de sécurité pour l'ensemble du gouvernement, avec les informations que lui communiquent les diverses agences. Je pense qu'il est important de faire une distinction entre les informations de sécurité nationale, qui relèvent clairement de ce comité, et les informations d'ordre criminel, qui n'en relèvent pas.

Le sénateur Wiebe: Notre approche des questions non seulement de renseignement mais aussi de sécurité nationale semble particulièrement dispersée. Nous avons une frontière avec les États-Unis qui est surveillée par un ministère et une agence relevant d'un seul ministre. Nous avons des ports par lesquels on peut faire passer beaucoup de choses en contrebande, dans des conteneurs. C'est une autre agence qui s'occupe de cela. Nous avons des aéroports, et c'est encore une autre agence qui s'en occupe. Je comprends le système que l'on utilise actuellement pour recueillir des renseignements mais, pour ce qui est d'assurer la sécurité à nos ports d'entrée, il serait bien préférable que ce soit un seul organisme qui s'en occupe. Cet organisme relèverait d'un seul ministre et la même norme s'appliquerait à tout le monde, ce qui éviterait l'approche dispersée d'aujourd'hui. Dans votre travail, est-ce que cette approche dispersée vous cause des difficultés quelconques?

M. Loeppky: L'une de nos initiatives actuelles consiste à mettre sur pied des équipes de sécurité frontalière intégrées, non seulement à nos postes frontière mais aussi aux ports d'entrée, qui sont en fait aussi des frontières, ainsi qu'aux aéroports. Ces équipes de sécurité intégrées comprendront des représentants non seulement de la GRC mais aussi des autres ministères fédéraux concernés, comme l'Immigration et les Douanes. Certaines des équipes auront aussi des représentants des services municipaux exerçant des fonctions de police.

Ces équipes s'acquitteront d'un certain nombre de tâches. Elles ont un mandat très précis de surveillance de la frontière et des points d'entrée tels que les ports. Elles sont chargées de la mise en oeuvre des programmes que nous avons entre les ports et entre les points d'entrée.

L'une de nos initiatives s'appelle Jetway, et elle est axée sur la sécurité dans les aéroports et sur les activités illégales dans les aéroports. Le projet Convoy est axé sur les routes et les véhicules impliqués dans l'activité criminelle. Il existe une interconnexion entre les points d'entrée le long des frontières et entre ces points.

Le sénateur Wiebe: N'y a-t-il pas beaucoup de chevauchement et de double emploi? Ne serait-il pas préférable que la GRC, notre force de police nationale, soit chargée de toutes les activités de police dans les aéroports, dans les ports et sur les routes? Nous avons des polices provinciales, des polices municipales, des polices portuaires et des polices aéroportuaires, en veux-tu, en voilà. Même s'il y a une certaine coordination, je n'ai vraiment pas la conviction que cela nous donne tout le degré de sécurité voulu étant donné qu'il n'y a pas un seul service de police ayant fait ses preuves comme la GRC dans tout le pays. Je ne dis pas cela parce que vous portez l'uniforme de la GRC, je le crois sincèrement.

M. Loeppky: Je suis très sensible à vos remarques.

Nous devons assurer un niveau constamment élevé d'exécution des lois au Canada, un niveau constant d'entraînement et de professionnalisme. Nous savons qu'il peut y avoir bon nombre de structures différentes dans les différentes provinces et que beaucoup de décisions différentes peuvent être prises sur qui devrait faire la police. Je pense que la GRC a manifestement un rôle de leadership à jouer pour coordonner les activités des divers organismes afin que nous puissions tous bénéficier des connaissances des uns et des autres et devenir interdépendants pour dispenser le meilleur service possible.

M. Proulx: N'oubliez pas non plus que nous avons une présence fédérale dans tous les domaines que vous venez de mentionner. À la frontière, nous sommes chargés d'appliquer la Loi sur les douanes ainsi que la Loi sur l'immigration entre les ports. Nous sommes aussi présents dans la plupart des aéroports, dans les aéroports internationaux, que ce soit sous forme de présence fédérale ou pour la sécurité nationale. Dans les ports, comme nous sommes un service de police fédérale, nous devons aussi nous occuper de la répression des drogues, de l'immigration, des douanes, et cetera.

Le sénateur Day: Je me demande si je ferais preuve de simplisme en disant que l'activité de renseignement comprend au moins deux volets différents, soit, d'une part, la collecte, le rassemblement et l'échange et, d'autre part, l'analyse. Y a-t-il convergence de toutes ces activités ou pouvons-nous les considérer comme des champs d'action différents du point de vue du renseignement global?

M. Loeppky: Divers organismes font du renseignement à des fins très différentes. Les militaires font du renseignement pour assurer la protection et la sécurité des soldats et de leur personnel. La GRC fait du renseignement dans le but ultime d'intenter des poursuites pénales. C'est notre rôle. Nous nous occupons de cet aspect du renseignement. Le SCRS fait du renseignement pour la sécurité nationale. Il y a donc des besoins différents qui doivent être pris en considération.

En ce qui concerne l'analyse commune du renseignement, elle se fait lorsque cela est possible et je crois qu'il y a des cas où ce type d'analyse se fait. M. Proulx peut peut-être vous donner des précisions.

M. Proulx: À la GRC, tous les agents de police sont d'office des agents de renseignement car ils recueillent des informations, délibérément ou non, qui vont dans la base de données. Nous avons aussi des agents de renseignement spécialisés dans cette fonction. Ce sont des enquêteurs de tout premier ordre qui s'occupent uniquement de la recherche de renseignements. Ils recueillent des informations auprès d'enquêteurs, auprès de sources ouvertes, et cetera, et ils les communiquent aux analystes. Un groupe d'analystes se charge d'analyser les informations et d'en faire du renseignement. Ces informations sont utilisées par les preneurs de décisions aux niveaux supérieurs, au niveau stratégique, et elles peuvent être utilisées au niveau technique de façon à cibler les bons suspects et à établir nos priorités. Nous avons un groupe d'analystes qui peuvent être des agents de police mais aussi des civils, selon ce qu'il y a à faire. Le niveau stratégique se compose essentiellement de civils, et le niveau technique comprend à la fois des civils et des agents de police.

M. Loeppky: Le Service du renseignement criminel du Canada fait partie de la GRC. C'est un service de la police nationale. On y trouve des représentants des autres ministères, du point de vue du volet analytique, qui intègrent leurs intérêts au volet d'analyse globale. Il y a donc cette forme d'intégration au sein du volet du Service du renseignement criminel du Canada.

Le sénateur Day: Serait-il possible d'assurer plus de coordination globale dans la collecte des informations des nombreuses sources différentes, alors que l'application de votre mandat particulier vous amène à utiliser les analyses effectuées par des gens qui comprennent votre mandat particulier et ce que vous cherchez? Au lieu de parler d'une organisation parapluie globale pour l'activité générale, serait-il possible de diviser les activités et d'assurer une meilleure coordination à l'étape de la collecte?

M. Proulx: En fait, les activités sont divisées. Nous avons un groupe qui s'occupe essentiellement du crime organisé et nous avons aussi un groupe qui s'occupe d'enquêtes de sécurité nationale. Bien sûr, cela se fait en collaboration étroite avec nos collègues du SCRS et, parfois, des Forces armées, si c'est nécessaire. Autrement dit, nous travaillons en étroite collaboration. L'information est partagée.

Comme on l'a déjà dit, la plupart de nos informations, voire la totalité, sont communiquées au SCRS du point de vue du renseignement de sécurité. Ce n'est pas la même chose en ce qui concerne les informations que nous communique le SCRS, étant donné nos obligations légales lorsque nous arrêtons des individus et que nous intentons des poursuites. Nous sommes obligés de divulguer les informations.

Nos activités sont bien synchronisées mais nous avons des mandats différents. Je puis vous assurer que nous collaborons étroitement, comme nous le faisons avec les services de police provinciaux. Les grands services de police municipaux collaborent aussi avec nous.

Le sénateur Day: Comment se fait le partage des informations à l'échelle internationale? Ai-je raison de penser que les services de police des autres pays partagent leurs informations avec vous, en ce qui concerne les activités criminelles, alors que les activités politiques internationales sont partagées avec le SCRS, et que les activités militaires sont partagées avec la GRC? Est-ce comme cela que les choses se font?

M. Proulx: Vous avez parfaitement raison, sénateur. Nous traitons avec les agences de police étrangères. Le SCRS traite avec ses homologues de la sécurité et du renseignement et, bien sûr, les militaires traitent avec les militaires des autres pays.

Le partage des informations se fait en grande mesure au quartier général de la GRC - du SCRS au QG de la GRC - ou, parfois, sur le terrain, dans les divisions, parce que nous avons aussi des détachements locaux ou des divisions. Le SCRS a des bureaux régionaux avec lesquels nous sommes en contact.

M. Loeppky: Peut-être pourrais-je répondre à la question concernant la coopération internationale des agences de police.

Le Canada et la GRC font partie d'Interpol. Nous avons au quartier général une Direction d'Interpol qui assure la transmission des demandes d'information arrivant au Canada ou en partant. Elle est étroitement reliée au QG d'Interpol à Léon, en France. Un de nos analystes travaille sur place dans les services d'analyse du renseignement criminel. Nous avons donc cette liaison internationale sur une base quotidienne.

J'ai parlé plus tôt des initiatives lancées par le commissaire et auxquelles a participé le commissaire adjoint Proulx. Il s'agit de coordonner les activités des différents organismes nationaux d'exécution des lois avec lesquels nous avons de bonnes relations de travail, dans les pays où existent des menaces criminelles communes ou des groupes criminels communs. Ils s'efforcent de produire des analyses communes des menaces pour veiller à ce que tout le monde, collectivement, s'attaque aux organismes criminels appropriés. Nous savons qu'il y a des organisations criminelles qui oeuvrent à l'échelle mondiale et qui font des transactions financières mondiales. C'est donc à ce niveau-là que nous devons les attaquer. Nous devons unifier ce monde international du renseignement pour nous pencher sur les menaces communes, pour élaborer un outil de mesure commun et pour entreprendre des actions de police collectivement.

Le sénateur Day: Est-il concevable que le SCRS demande des informations au FBI au sujet des activités d'un groupe particulier, et que la GRC les demande aussi? Vous adresseriez-vous indépendamment au FBI ou est-ce que le Bureau du Conseil privé coordonnerait les deux demandes?

M. Loeppky: Non, cela se fait généralement d'agence à agence. Dans la plupart des cas, les agences prennent directement contact avec leurs homologues de l'autre pays.

Dans notre cas, comme nous avons un mandat multiple, nous traitons avec plusieurs agences différentes aux États-Unis: la Drug Enforcement Administration pour les questions de drogues, le Bureau of Alcohol, Tobacco and Firearms, pour la contrebande d'explosifs, d'armes à feu et d'alcool, le FBI pour le crime organisé, ainsi qu'une foule d'agences locales ou des États.

Certes, il y a beaucoup de difficultés à surmonter pour s'assurer que tous les partenaires sont à la même table quand nous traitons avec nos collègues américains.

M. Proulx: Une précision, sénateur: si nous devions faire enquête sur un groupe terroriste, le SCRS serait au courant, c'est évident.

Le sénateur Meighen: Et vice versa?

M. Proulx: Pas nécessairement. Ça dépend si le groupe mène des activités criminelles.

Le sénateur Meighen: C'est le cas de la plupart d'entre eux.

M. Proulx: En effet, mais tous n'ont pas encore atteint cette étape.

Le sénateur Day: Il y a dans votre mémoire deux remarques qui ont retenu mon attention. L'une est que la GRC conserve la responsabilité des enquêtes sur les infractions criminelles reliées à la sécurité nationale, alors que le SCRS conserve la responsabilité des activités politiques qui menacent la sécurité nationale. Dans la réalité, cependant, est-il possible de différencier les deux, surtout si l'on considère que le terrorisme international est dans bien des cas défini comme une activité criminelle et que nous savons qu'il a souvent des motivations politiques? Comment pouvez-vous coordonner vos activités dans ce contexte moderne?

M. Loeppky: Le SCRS recueille des informations sur les individus ou groupes qui posent une menace à la sécurité du Canada, par exemple sur leurs liens, leur idéologie, leur structure et leur recrutement, alors que la GRC s'intéresse seulement aux activités criminelles des individus oeuvrant à l'intérieur de ces groupes. Le SCRS s'intéresse clairement aux questions de sécurité nationale, comme la collecte de fonds - qui, jusqu'à présent, n'était pas nécessairement une activité criminelle - le recrutement et la promotion d'une idéologie terroriste au Canada à l'appui d'initiatives dans leur pays d'origine. Ces questions ont une incidence sur notre sécurité nationale. Toutefois, notre rôle est de nous pencher sur l'activité criminelle de ces groupes ou individus. Il s'agit donc d'un mandat complémentaire que nous exerçons pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de lacunes et à ce qu'il y ait une approche commune dans nos activités.

M. Proulx: Nous avons des agents de liaison. Nous avons un programme d'agents de liaison au quartier général et dans la plupart des grandes villes.

Le sénateur Day: Ne serait-il pas préférable de travailler ensemble?

M. Proulx: Nous étions ensemble avant 1984.

Le sénateur Day: J'entends bien, et on a fait l'expérience de la division en 1984.

M. Loeppky: Nous collaborons étroitement et nous avons un objectif commun qui est d'assurer la sécurité du Canada.

Le vice-président: Avez-vous connaissance de dossiers sur des parlementaires, y compris des sénateurs?

M. Loeppky: Non, nous ne tenons pas de dossiers, à moins qu'il s'agisse d'une enquête criminelle.

Le vice-président: Faites comme si je n'ai pas posé la question. Je ne veux pas mettre de députés sur la sellette.

Puis-je revenir au BCP? Nous parlons aujourd'hui autant de la bonne santé et du sentiment de sécurité des Canadiens que de choses que nous ne pouvons pas toucher, que nous ne pouvons pas voir et que nous ne comprenons pas vraiment. Dans ce domaine, toutefois, je pense que les Canadiens comprennent. Dans ce contexte, quelle est la fréquence des réunions du comité du BCP? Quelle était la fréquence des réunions avant le 11 septembre, par exemple?

M. Loeppky: Je pense qu'il y a des réunions deux fois par mois, une fois toutes les deux semaines, pour faire le point et pour analyser les projets en cours. Par exemple, nous avons contribué à la publication du livret dont on parlait tout à l'heure.

Depuis le 11 septembre, les réunions sont évidemment beaucoup plus fréquentes, selon l'état pas nécessairement de la menace mais plutôt de l'activité en cours. Après le 11 septembre, il y a eu des réunions très fréquentes pour veiller à ce qu'il n'y ait aucune faille dans l'information. Je n'ai pas le calendrier exact des réunions qui se sont tenues depuis lors mais je sais qu'elles sont beaucoup plus fréquentes.

Le vice-président: Est-ce que le comité se réunit aussi fréquemment que six ou huit fois par mois?

M. Loeppky: C'est ce que je pense, oui. Plus que cela.

Le vice-président: Quels ministères sont représentés? Par exemple, le MDN l'est certainement, ainsi que la police et le SCRS, probablement. Et Immigration Canada?

M. Loeppky: Oui, Immigration Canada est représenté. Les Douanes aussi, ainsi que les Transports, la Justice et quelques autres. Je n'ai pas la liste sous les yeux.

Le vice-président: C'est une participation très large.

M. Loeppky: Les Affaires étrangères aussi. En bref, les divers ministères qui s'occupent de renseignement et de sécurité sont représentés.

Le vice-président: Quelle est la taille du département de sécurité au BCP? Si vous préférez ne pas répondre à cette question, n'y répondez pas.

S'agit-il d'une ou deux personnes ou d'un secrétariat?

M. Loeppky: C'est un secrétariat mais je ne sais pas combien de personnes y travaillent.

Le vice-président: Les ministres sont-ils présents aux réunions?

M. Loeppky: Non, ils n'y participent pas. Les réunions se tiennent au niveau de sous-ministre adjoint. Il y a aussi les directeurs des services de renseignement ou les coordonnateurs de chacune des agences. Ce sont ces personnes qui nous représentent.

Le vice-président: Est-ce parce que c'est secret?

M. Loeppky: Non, c'est parce que ce sont les meilleures personnes pour traiter de ces questions.

Le vice-président: J'ai une autre question concernant les poursuites. Y a-t-il des membres de la GRC qui travaillent dans des pays étrangers?

M. Loeppky: Oui, nous avons un programme assez important de liaison avec l'étranger. Je pense que nous avons une trentaine de membres dans 22 pays différents.

Le vice-président: Font-ils du renseignement?

M. Loeppky: Non.

Le vice-président: Qui sont-ils? Est-ce que ce sont des agents de liaison avec les services de police des différents pays?

M. Loeppky: Ils exercent plusieurs fonctions mais leur rôle principal est d'assurer la liaison pour faciliter les enquêtes menées au Canada et pour nous fournir une évaluation des activités criminelles dans le pays où ils se trouvent. Ils exercent fondamentalement un rôle de liaison et d'interaction avec les services de police de ces pays.

Le vice-président: Y a-t-il des membres de la GRC qui font du renseignement dans d'autres pays que les 22 que vous venez d'identifier?

M. Loeppky: Non. Notre rôle est strictement d'assurer la liaison avec les services de police pour la poursuite des enquêtes criminelles et pour développer ces partenariats.

Le vice-président: Y -a-t-il des gens d'Immigration Canada qui mènent des enquêtes sur le terrain dans des pays étrangers, à part ceux qui travaillent normalement dans nos ambassades?

M. Loeppky: Je pense que leur rôle est de contrôler les visas et de faire ce genre de chose. M. Proulx s'est occupé du programme d'immigration pour la GRC mais, à ma connaissance, c'est leur rôle.

M. Proulx: Il y a des agents de contrôle de l'immigration qui traitent avec les autorités locales en ce qui concerne les enquêtes de sécurité des candidats à l'immigration.

Le vice-président: À votre connaissance, ces services étrangers de renseignement, comme les agents d'immigration américains, mènent-ils actuellement des enquêtes en sol canadien?

M. Loeppky: Non. Leur rôle ici est très similaire au nôtre là-bas, par exemple.

Le vice-président: C'est très similaire mais ma question était très précise. Y en a-t-il, à votre connaissance?

M. Loeppky: Non, pas qui mènent des enquêtes mais qui jouent un rôle de liaison.

Le vice-président: Il y a donc des enquêtes en cours.

Ma question générale portait sur la poursuite. Comment poursuivez-vous? En vertu de quel pouvoir et de quelles lois poursuivez-vous? Comment protégez-vous les gens que nous envoyons en poursuite, même s'il s'agit de personnel de liaison?

M. Loeppky: Veuillez m'excuser, je n'avais pas bien compris votre question.

Les États-Unis n'ont pas d'agents de police ou d'agents de la paix au Canada. Ils nous donnent des informations sur les enquêtes qui les intéressent, aux États-Unis, et nous prenons les mesures qui s'imposent dans le cadre de cette liaison. Avoir quelqu'un ici, sur place, leur donne simplement un moyen de discussion plus direct qu'avoir quelqu'un aux États-Unis. En ce qui concerne l'exécution des enquêtes, notre expérience est d'avoir un programme de liaison. Cela facilite vraiment l'obtention de réponses et l'exécution du travail.

Le vice-président: Savez-vous si le SCRS a du personnel à l'étranger? Je constate qu'un budget est prévu à ce sujet.

Ma question complémentaire est évidemment celle-ci: le SCRS est-il l'hôte de forces internationales menant des activités de renseignement dans notre pays, avec notre accord et notre appui?

M. Loeppky: Le SCRS a aussi un programme de liaison important mais je n'en connais pas vraiment l'ampleur. Je ne sache pas qu'il y ait des agences de renseignement étrangères présentes au Canada.

Le sénateur Atkins: Nous allons bientôt accueillir la conférence du G-20.

M. Loeppky: C'est exact.

Le sénateur Atkins: Qui est chargé de coordonner la sécurité à ce sujet?

M. Loeppky: En vertu de la Loi sur les infractions en matière de sécurité, nous avons le mandat d'assurer la protection des personnes protégées internationalement. C'est l'une de nos responsabilités et nous assumons évidemment la direction de cette protection. Cela dit, c'est vraiment un effort de collaboration avec la Police d'Ottawa-Carleton et la Police provinciale de l'Ontario. Le SCRS fournit éventuellement les informations qui s'imposent pour l'évaluation de la menace. Cela dit, c'est la GRC qui assume la responsabilité ultime de protéger les personnes qui sont ici.

Le sénateur Atkins: Cette conférence vous posera-t-elle plus de problèmes que, disons, la conférence de l'OTAN qui s'est tenue il y a un peu plus d'une semaine?

M. Loeppky: C'est une conférence différente qui attirera probablement des groupes d'intérêt différents. Nous en sommes conscients et nous nous y préparons.

En vue de cette conférence, qui se tiendra dans un avenir très proche, nous pouvons certainement tirer parti des plans dressés pour le G-8.

Le sénateur Atkins: Est-ce que le président des États-Unis y participera?

M. Loeppky: Non, ce sera une conférence des ministres des Finances.

Le sénateur Atkins: Pas des chefs d'État?

M. Loeppky: Non.

Le sénateur Meighen: Vous savez probablement qu'il y a des gens au Canada qui pensent que nous devrions avoir des services de renseignement à l'étranger. Or, si je comprends bien, ce n'est pas une fonction du SCRS à l'heure actuelle. Vous savez aussi que cela coûterait sans doute très cher. Selon des études que j'ai vues, même si nous voulions agir de cette manière, nous ne pourrions probablement pas obtenir d'informations très utiles avant une dizaine d'années.

Cela dit, et laissons de côté pour le moment les ramifications «politiques», avec un petit «p», vous serait-il utile d'avoir en ce moment, si c'était possible, un service de renseignement canadien à l'étranger?

M. Loeppky: Il ne fait aucun doute que bon nombre des menaces terroristes émanent de ce que j'appellerais des questions indigènes d'autres parties du pays et d'autres parties du monde. En conséquence, il est utile de savoir ce qui se passe partout, de savoir qui est derrière ce type de menaces afin de pouvoir agir de manière proactive.

Nous collaborons étroitement avec les agences étrangères pour bien comprendre l'environnement et la problématique. Quand les problèmes se posent sur le sol canadien, nous devons être en mesure de réagir.

Disposons-nous de toutes les informations dont nous avons besoin? Je suppose qu'il serait toujours bénéfique d'en avoir plus.

Aurions-nous plus d'informations si nous pouvions faire du renseignement à l'étranger, pas nécessairement nous-mêmes mais au moyen d'un volet canadien? Cela nous permettrait peut-être d'avoir des renseignements qui n'ont pas été filtrés et qui seraient probablement plus fiables mais, à l'évidence, cette décision ne nous appartient pas.

Le sénateur Meighen: M. Proulx disait tout à l'heure que tous les agents de la GRC sont en fait des agents de renseignement car ils doivent garder les yeux ouverts. Dois-je donc supposer que les agents de liaison à l'étranger ne font pas simplement de la liaison mais gardent aussi les yeux ouverts et, par conséquent, jouent aussi le rôle d'agents de renseignement?

M. Loeppky: Le renseignement est une notion très large. Cela comprend les informations recueillies sur Internet et les informations que l'on voit et que l'on entend. Manifestement, les agents de liaison n'ont pas pour fonction de faire activement du renseignement. Je ne voudrais certainement pas vous donner cette impression. En revanche, si des problèmes sont portés à leur attention par des agences étrangères et que ces problèmes nous concernent, ils voudront manifestement nous en parler et cela pourrait être considéré comme une forme de renseignement. Toutefois, leur rôle n'est pas de solliciter ou de recruter activement des agents.

Le vice-président: Je tiens à vous remercier très sincèrement tous les deux d'être venus témoigner aujourd'hui, et je remercie aussi nos témoins précédents.

Notre comité a déjà tenu des réunions au sujet des grandes questions de sécurité et de défense concernant le Canada. Ce soir, nous nous sommes concentrés sur la manière dont on recueille, analyse et distribue du renseignement aux gens qui en ont besoin. Nous avons entendu les spécialistes en la matière.

Le comité poursuivra ses travaux le 29 octobre en accueillant d'autres représentants du gouvernement, soit M. Richard Fadden, sous-greffier du Conseil privé et responsable du renseignement au BCP.

À l'intention des personnes qui veulent suivre nos travaux chez elles, je leur recommande de consulter notre site Web à l'adresse www.senate-senat.ca/defence.asp. On y trouvera le procès-verbal de nos séances ainsi que le calendrier des audiences futures. On peut aussi s'adresser directement au greffier du comité en composant le 1-800-267-7362 pour obtenir d'autres renseignements ou pour savoir comment prendre contact avec les membres du comité.

La séance est levée.


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