Délibérations du comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 9 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 10 décembre 2001
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 12 h 35 pour faire une étude préliminaire des principales questions de défense et de sécurité qui touchent le Canada en vue de la préparation d'un plan de travail détaillé pour des études plus poussées.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Bonjour. Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, que vous soyez présents dans la salle, ou en train de suivre nos délibérations à la télévision ou sur Internet.
Nous poursuivons cet après-midi notre étude sur les principales questions de défense et de sécurité.
Je m'appelle Colin Kenny, je suis un sénateur de l'Ontario et je préside le comité. Permettez-moi de vous présenter les autres membres du comité, en commençant par ma droite. À l'extrême droite se trouve le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta. À côté de lui, le sénateur Norman Atkins de l'Ontario. À l'extrême gauche, il y a le sénateur LaPierre, également de l'Ontario. Les sénateurs Wiebe, Cordy et Day, qui ont malheureusement été retardés en cours de route, se joindront à nous un peu plus tard.
Notre comité est le premier comité sénatorial permanent ayant le mandat d'examiner les questions de sécurité et de défense. Nous effectuons une étude des principales questions qui touchent le Canada. Nous présenterons notre rapport au Sénat avant la fin de février.
Nous poursuivons aujourd'hui notre étude en recevant la vérificatrice générale, qui va nous parler de deux parties du rapport qu'elle a publié la semaine dernière: une sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada, intitulée «La gestion des risques de non-conformité des expéditions commerciales qui entrent au Canada» et une autre sur «L'équipement en service» pour la Défense nationale.
Au cours de la deuxième partie de notre réunion, nous entendrons le témoignage du sous-ministre adjoint des ressources humaines du ministère de la Défense nationale, qui nous parlera des problèmes de personnel.
Il y a trois semaines, notre comité a effectué un voyage d'information dans l'Ouest, où nous avons visité des bases militaires à Esquimalt et Winnipeg pour voir si le matériel utilisé par nos forces armées fonctionne bien et est en bon état. Nous avons également visité le port et l'aéroport de Vancouver, pour étudier les questions liées à la sécurité des frontières. C'était notre deuxième visite du port et de l'aéroport depuis le début de l'année.
Notre premier témoin est Mme Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada. Elle a été nommée à ce poste en mai 2001, après avoir été vérificatrice générale adjointe pendant deux ans.
Avant de se joindre au gouvernement fédéral, Mme Fraser a poursuivi une carrière fructueuse et stimulante dans le secteur privé. En outre, elle a rempli plusieurs missions auprès du vérificateur général du Québec, ainsi que divers autres ministères du gouvernement du Québec.
Mme Fraser est accompagnée de M. Kasurak, directeur principal, responsable de la vérification de l'équipement de la Défense nationale.
Mme Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada: Je suis très heureuse de présenter mon premier rapport en tant que vérificatrice générale du Canada et j'espère que vous trouverez cette information utile.
J'ai à mes côtés aujourd'hui M. Peter Kasurak, directeur principal, qui est responsable de nos vérifications du ministère de la Défense nationale. M. Shahid Minto nous accompagne également. Il est vérificateur général adjoint responsable de nos travaux de vérification de l'Agence des douanes et du revenu du Canada.
Comme le comité s'intéresse avant tout aux questions liées à la défense, mes commentaires sur les chapitres traitant des douanes et du revenu seront brefs. Nous serions très heureux de témoigner devant le comité à une date ultérieure si celui-ci désirait examiner ces questions plus en profondeur.
J'aimerais tout d'abord attirer votre attention sur un problème courant relevé dans ces vérifications ainsi que dans plusieurs autres: l'information inadéquate. Par là, j'entends l'incapacité des ministères de recueillir, d'analyser et d'utiliser l'information de manière à leur permettre de prendre de meilleures décisions, de gérer les risques et d'améliorer leurs programmes et leurs services.
Lors de nos vérifications, nous avons trouvé des exemples d'information inappropriée concernant la gestion de la maintenance de l'équipement militaire majeur, et la surveillance des expéditions commerciales transfrontalières et des voyageurs qui arrivent au Canada.
Une bonne information est la première étape essentielle à une bonne gestion. Sans une bonne information, il est impossible de gérer le risque de façon intelligente.
Je vais maintenant vous parler du chapitre 10 du Rapport de décembre, intitulé: «Défense nationale - L'équipement en service». L'état de préparation militaire comprend quatre aspects fondamentaux: les personnes, les militaires en place et leurs compétences; l'équipement, est-il disponible et utilisable; la formation, qui est individuelle, collective et conjointe, c'est-à-dire qui fait intervenir plus d'un service; et enfin, des facilitateurs comme le commandement et le contrôle et les systèmes de renseignements. Collectivement, cet ensemble forme ce que l'on entend par état de préparation.
Notre rapport sur l'équipement en service de la Défense nationale fournit au Parlement les premières données statistiques complètes sur un élément important de l'état de préparation de l'équipement. Aujourd'hui j'aimerais vous faire part de ce que nous avons constaté au sujet de l'état de préparation de l'équipement; de ce que nous avons appris au sujet de la capacité du ministère à gérer l'état de préparation de l'équipement; de ce qui doit être fait, à mon avis, pour combler les lacunes que nos travaux ont révélées.
En général, il arrive que l'information nécessaire pour gérer l'équipement n'existe pas. L'information dont le ministère dispose est inadéquate, incomplète et souvent inexacte. Notre rapport expose cette question assez en détail, mais j'aimerais vous citer quelques exemples: Aucun des services de l'armée n'a de normes ou d'objectifs sur l'état de préparation de l'équipement. Nous avons pu trouver uniquement 41 p. 100 des rapports post-exercice requis qui servent à consigner les problèmes, les leçons tirées et à faciliter la prise de mesures correctives. Dans les autres cas, les rapports n'avaient pas été préparés ou avaient été perdus. Les données sur l'entretien de la marine sont inexactes en raison de l'enregistrement des données dans le système plus de deux ans après les opérations, de l'utilisation d'estimations plutôt que de mesures réelles, de la perte de données à cause du mauvais état de disques ou de pannes de serveur, et de l'absence de données de sauvegarde.
Nous avons compilé nous-mêmes les statistiques qui sont présentées dans cette vérification. Elles indiquent que l'armée de terre est en bon état, que la marine a maintenu son taux d'activité, mais que celui de la force aérienne se détériore et diminue considérablement.
De 1989 à 1998, l'armée de terre a été en mesure de maintenir les taux d'activité de ses principaux véhicules de combat et véhicules d'appui tactique et d'accroître l'utilisation de certains d'entre eux. Elle a pu maintenir le taux de fonctionnement de l'équipement à près de 90 p. 100 du temps. Elle a des difficultés à assurer l'entretien préventif et à maintenir la disponibilité des véhicules pour l'entraînement au Canada.
La marine a été en mesure de maintenir son activité pour ce qui est du nombre de jours où ses flottes sont en mer chaque année. Par ailleurs, elle est incapable de respecter la maintenance prévue et fait face à un fort accroissement des travaux de maintenance différés de la frégate de patrouille. Ces retards pourraient, à l'avenir, causer des problèmes de disponibilité, de durée utile prévue et de coût.
Le tableau de la force aérienne est beaucoup plus noir: le nombre annuel d'heures de vol des aéronefs Sea King, Hercules et Aurora a diminué régulièrement au cours des cinq dernières années. La disponibilité opérationnelle des aéronefs est faible, allant de 30 à 60 p. 100 (sauf pour l'hélicoptère Griffon qui est nouveau). De plus, la disponibilité des aéronefs Sea King, Aurora et Hercules diminue et les interruptions de missions augmentent pour tous les types d'aéronefs, sauf pour l'hélicoptère Griffon.
Nous avons aussi constaté que le système d'approvisionnement permet rarement de répondre aux demandes urgentes. Il y a également une pénurie de personnel de maintenance. Dans l'ensemble, 13 p. 100 des postes sont vacants et 15 p. 100 des membres du personnel de maintenance ne possèdent pas les compétences qu'exigent leurs grades. De plus, il manque à ce personnel près de 40 p. 100 de la formation exigée pour faire partie des unités dont ils sont membres.
En raison des données limitées conservées par le ministère de la Défense nationale, nous n'avons pu déterminer comment les opérations et l'entraînement avaient été touchés globalement. Néanmoins, des indices sérieux montrent que les problèmes d'entretien des aéronefs Hercules, Sea King et Aurora ont limité l'entraînement et les opérations. Les délais nécessaires pour obtenir des pièces de rechange, l'établissement des priorités pour le transport des pièces de rechange et l'épuisement du personnel de maintenance attribuable aux missions apparaissent fréquemment dans les rapports des unités.
L'argent seul ne réglera pas les problèmes identifiés par cette vérification. Dans notre rapport, nous constatons un manque visible de rigueur de la gestion dû à l'absence de normes et d'objectifs et à l'incapacité d'assurer la qualité de l'information de gestion. Il doit y avoir une volonté d'évaluer les opérations et l'entraînement et de tirer des leçons de ces évaluations de manière systématique.
Le ministère prend déjà des mesures en assurant la mise en oeuvre de son Système d'information - Soutien et acquisition du matériel (SISAM) et son nouveau système d'approvisionnement. Cependant, le nouveau système d'approvisionnement ne sera pas opérationnel avant l'été prochain et le SISAM, pas avant 2004. De plus, le ministère doit fixer des objectifs de rendement pour la maintenance et commencer à évaluer la mesure dans laquelle il les atteint. Le ministère n'a pas assez de marge de manoeuvre pour faire preuve de complaisance. Il faut que ces échéanciers soient respectés.
[Français]
Ces dernières années, nous avons effectué deux vérifications du programme des douanes de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. En l'an 2000, nous avons examiné la question des voyageurs arrivant au Canada et, cette année, celle des expédi tions commerciales qui entrent au Canada. Lors de ces deux vérifications, nous avons mis l'accent sur la façon dont l'Agence gère les risques auxquels elle est confrontée aux frontières. Ces risques ont trait aux personnes inadmissibles qui essaient d'entrer au Canada et aux personnes qui tente de faire passer des marchandises illégales ou d'importation restreinte au Canada. Environ 111 millions de voyageurs et 11 millions d'expéditions commerciales entrent au Canada chaque année.
Dans chacune de ces vérifications, nous avons soulevé des préoccupations concernant le manque d'information servant à effectuer une évaluation complète des risques et à s'assurer que les activités de l'Agence sont efficaces.
Au cours de la vérification d'avril 2000 portant sur les voyageurs, nous avons constaté que l'évaluation des risques effectuée par l'Agence était incomplète. Aux frontières, les agents des douanes effectuent une première entrevue avec les personnes qui entrent au Canada. Les agents décident soit de les laisser entrer immédiatement au Canada ou soit de les soumettre à l'examen d'un autre ministère ou organisme comme Citoyenneté et Immigration Canada. Ces décisions sont fondées sur l'évalua tion des risques et les agents ont besoin d'information pour prendre ces décisions. Nous avons constaté que l'Agence ne disposait pas de l'information importante provenant de plusieurs ministères et organismes dont elle avait besoin pour évaluer pleinement les risques auxquels ses inspecteurs sont confrontés dans ces situations.
Nous avons aussi examiné la formation donnée aux agents. Nous avons constaté que les douanes donnent aux nouvelles recrues un cours intensif obligatoire. Cependant, de nombreux agents d'expérience n'avaient pas reçu de formation de mise à jour pour plusieurs des principales fonctions qu'ils effectuent. La formation des employés nommés pour une durée déterminée et des étudiants était inégale.
Au cours de la vérification des expéditions commerciales, nous avons constaté que l'Agence utilise une approche de gestion des risques en vue de déterminer quelles expéditions présentent le risque le plus élevé pour la société canadienne. L'Agence veut se concentrer sur les expéditions à risque élevé et laisser les autres passer rapidement. Il est essentiel pour la santé de l'économie canadienne de s'assurer d'une bonne circulation des expéditions légitimes.
Au cours de la dernière décennie, l'Agence a mis beaucoup d'efforts pour améliorer sa capacité de détecter les expéditions à risque élevé. Cependant, nous avons souligné plusieurs aspects qui nous préoccupent en ce qui a trait à l'efficience et à l'efficacité de son processus de ciblage des expéditions à risque élevé.
L'Agence possède un système d'inspection pour détecter les expéditions à risque élevé qui est à la fois stable et flexible. Finalement, l'information que l'Agence recueille sur les examens qu'elle effectue n'est pas suffisante pour établir si ses activités de ciblage mènent à davantage de mesures d'exécution. L'Agence ne sait pas non plus si elle effectue davantage d'examens d'expédi tion à risque élevé, ou des examens plus approfondis, qu'au cours des années précédentes. En d'autres mots, l'Agence ne sait pas si son approche à l'égard de la gestion des risques fonctionne.
Nous avons recommandé que l'Agence s'efforce d'obtenir des autres ministères l'information dont elle a besoin pour bien faire son travail. On a aussi recommandé qu'elle améliore l'efficience et l'efficacité de son processus de ciblage, qu'elle améliore les programmes de formation de ses employés et, finalement, qu'elle évalue l'efficacité de son approche en matière de gestion des risques.
L'Agence est d'accord avec nos recommandations, mais ne s'est pas engagée à les mettre en oeuvre dans des délais précis.
[Traduction]
En conclusion, monsieur le président, je veux donner au comité l'assurance que j'attache une très grande priorité au bien-être des Canadiens. Leur sécurité figure au premier rang de la liste des priorités que j'ai établie pour le Bureau du vérificateur général. Par le passé, nous avons effectué beaucoup de travaux de vérification sur la défense, les douanes, l'immigration et les services de police et j'ai l'intention de continuer à informer le Parlement de la gestion du gouvernement concernant ces problèmes importants.
Nous répondrons volontiers à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, madame Fraser. Grâce à vous, le comité a été bien occupé pendant toute la fin de semaine. Nous avons été fascinés par vos observations et nous avons hâte de pouvoir vous poser certaines questions.
Le sénateur Atkins: Votre rapport et votre exposé sont très intéressants. Un certain nombre de représentants du personnel militaire ont comparu devant notre comité. Je dois dire que j'admire leur faculté d'adaptation en cette période extrêmement difficile. Votre remarque selon laquelle les objectifs ne sont pas atteints me laisse perplexe.
Lorsque M. Caulder, conseiller supérieur en politiques du ministère de la Défense nationale, a comparu devant nous, il a fait allusion à diverses reprises au livre blanc. Il a déclaré que l'armée avait respecté les obligations qui lui incombent en vertu du livre blanc. Êtes-vous de cet avis? Puis il a ajouté que, selon lui, l'armée était en meilleur état qu'il y a 10 ans.
Mme Fraser: Comme nous l'avons dit dans notre rapport, il nous est difficile de donner notre avis sur des comparaisons qui ont été faites alors que nous disposons de très peu d'information sur l'état de préparation des Forces. Je ne sais pas si cette information était disponible il y a 10 ans. Le bureau de vérification a compilé toutes les données sur l'état de préparation qui figurent dans ce rapport. La Défense nationale n'avait pas ce tableau d'ensemble de l'état de préparation des Forces. Je ne sais pas sur quoi les responsables se fondent pour faire ce genre de remarque.
Pour ce qui est du livre blanc, je vais demander à mon collègue de vous répondre.
Le sénateur Atkins: À votre avis, comment l'armée pourrait-elle être en meilleur état aujourd'hui qu'il y a des années? Le gouvernement n'a pas investi de fortes sommes dans l'équipement. Comment cette situation a-t-elle pu s'améliorer?
Mme Fraser: Notre rapport indique que lorsque des missions sont déployées à l'étranger, les Forces font tout leur possible pour s'assurer que l'équipement est satisfaisant. Bon nombre des problèmes se posent en fait au Canada, lors d'exercices d'entraînement ou autres qui s'effectuent ici même. L'armée semble mettre en place un équipement satisfaisant lors des missions à l'étranger.
Comme nous le signalons dans notre rapport, plusieurs problèmes sont inquiétants. Il y a lieu de voir quelles autres mesures les Forces pourraient prendre pour améliorer leur état de préparation, compte tenu des problèmes à long terme dus à la diminution des activités de maintenance. Cet état de choses finira par susciter d'autres problèmes.
Nous sommes très préoccupés du fait que le ministère ne possède pas d'information globale au sujet de l'état de préparation des Forces. Il ne sait pas ce que cela lui coûtera pour améliorer la situation. Comment peut-il faire les choix les plus judicieux pour dépenser le budget qui lui est alloué?
Le sénateur Atkins: Voulez-vous répondre à la question concernant le livre blanc?
M. Peter Kasurak, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada: Nous avons déjà donné notre avis sur le livre blanc dans des rapports précédents. En général, nous avons déclaré que le livre blanc décrit les engagements et les objectifs en termes si généraux et à un niveau si élevé qu'il est très difficile de déterminer si les objectifs sont atteints ou non.
Nous avons fait maintes observations sur la façon d'améliorer la situation. Nous avons préconisé que les Forces canadiennes adoptent un système de planification fondé sur un scénario bien précis pour qu'on puisse évaluer si elles sont en mesure ou non d'assumer leurs tâches. En fait, d'énormes progrès ont été faits dans ce sens. Les Forces ont désormais adopté à l'interne ce mode de planification, mais cela ne fait pas encore partie intégrante de la conception des politiques.
Il faut également se demander si l'on a perdu du terrain au cours des 10 dernières années. Dans la documentation que nous avons étudiée en vue de cette vérification, nous avons réussi à recueillir des statistiques concernant les forces aériennes sur une période de 10 ans. On y décèle effectivement une tendance à la baisse pour presque tous les indicateurs que nous avons pu obtenir, qu'il s'agisse du nombre d'heures qu'il faut consacrer à l'entretien d'un appareil ou de la disponibilité de l'appareil. Nous avons constaté des diminutions à tous les niveaux.
Quant à la portée de cette vérification, soit l'état de préparation de l'équipement, la tendance est négative. Comme l'a déclaré la vérificatrice générale dans ses remarques préliminaires, cela n'est qu'un aspect de toute la question de l'état de préparation des Forces. Nous n'avons pas examiné l'ensemble de la situation.
Le sénateur Atkins: Dans votre rapport, vous dites que, à votre avis, le budget des Forces aurait dû être augmenté de 1,3 milliard de dollars par an. S'agit-il d'un montant global ou simplement d'une somme fixe qui devrait s'ajouter au budget annuel?
Mme Fraser: Il s'agit d'une estimation faite par le ministère lui-même. Nous ne l'avons pas vérifiée. Nous nous sommes fondés sur des études faites par lui selon lesquelles il lui faudrait 1,3 milliard de dollars de plus.
M. Kasurak: Ce serait un supplément de budget annuel. Il s'agit de l'estimation du ministère.
Le président: Si ma mémoire est bonne, cela ne lui permettrait même pas de progresser, mais simplement de rester au même niveau qu'à l'heure actuelle. Ce serait pour éviter une détérioration.
M. Kasurak: C'est exact.
Le sénateur Atkins: C'était ma question suivante. À votre avis, ce montant suffit-il pour répondre aux besoins des forces armées?
M. Kasurak: Le problème essentiel, c'est en fait de définir ce besoin. Dans le chapitre en question, nous affirmons que les services ont redéfini leurs besoins, au moins jusqu'en septembre, à la baisse. Le plus gros problème, c'est de savoir: «prêt à quoi»? Si nous voulons être objectifs, à quoi essayons-nous de préparer les Forces canadiennes?
Nous n'avons pas su annoncer nos besoins de façon précise comme l'ont fait les Américains lors de leur remise à plat stratégique qui remonte au début des années 1990 et lors du dernier examen quadriennal de la défense. Les Américains ont dit qu'ils veulent être prêts à participer à des conflits régionaux de grande envergure, qu'ils ont décrits de façon très précise.
Une fois ce scénario établi, on pourra alors discuter de la question de savoir si on peut atteindre cet objectif grâce au budget actuel et si la structure des Forces est suffisante pour remplir cette tâche. C'est l'un des éléments clés de planification qui n'a pas été fait, selon nous. Il est impossible au bureau de vérification de répondre à une question sur la pertinence du budget car personne n'a énoncé cet objectif de façon assez claire et détaillée pour nous permettre d'en tirer quelque conclusion que ce soit.
Le sénateur Atkins: Vous ne considérez pas le livre blanc comme un point de référence?
M. Kasurak: Le livre blanc fournit un point de référence partiel car il énonce, par exemple, un objectif relatif au déploiement d'un groupe-brigade dans les 90 jours. Toutefois, il ne nous décrit pas dans quel contexte. Ce groupe-brigade ira-t-il en Bosnie et ne fera-t-il des victimes qu'au niveau administratif, ou servira-t-il ailleurs pour participer à des combats intensifs? Tant que tout cela n'aura pas été précisé et que le scénario d'ensemble ne sera pas plus clair, il est difficile de dire quel budget est suffisant. Tout dépend des plans de déploiement des forces armées.
Le sénateur Atkins: Deux études ont été publiées récemment. La première s'intitule «Caught in the Middle: An Assessment of the Operational Readiness of the Canadian Forces,» rédigée par le Congrès des associations de la défense; la deuxième, intitulée «To Secure a Nation: The Case for a New Defence White Paper», nous vient du Centre for Military and Strategic Studies de l'Université de Calgary. Ces deux rapports émettent des critiques très vives à l'égard de l'approche du gouvernement face aux dépenses militaires. Elles établissent un lien entre les problèmes du manque de financement de la capacité de combat et ceux de la baisse de moral et des préoccupations quant au niveau de vie des simples soldats. Dans le chapitre consacré au budget de la défense, le Centre for Military and Strategic Studies déclare ce qui suit:
L'une des conséquences les plus néfastes d'une décennie de compressions budgétaires et de réduction des Forces est la volatilité et la superficialité de la capacité expéditionnaire des forces terrestres. Ces compressions ont donné lieu à des forces armées exploitées au maximum, assujetties à un rythme de déploiement rapide (surtout parmi les spécialistes) et affligées de nombreux problèmes de moral et de maintien des effectifs. En outre, l'armée canadienne continue d'être confrontée aux problèmes de «dépréciation» dans certaines catégories d'équipement importantes.Que pensez-vous de cette déclaration?
Mme Fraser: Cela me ramène à ce qu'a dit M. Kasurak. Tant que l'on n'aura pas définit l'objectif relatif au niveau de préparation et au genre de missions que devraient pouvoir assumer nos soldats, il est difficile de déterminer quel devrait être le niveau de financement des Forces. Il ressort de nombreuses études qu'il existe actuellement un fossé qu'il faut combler. Ou bien on redéfini l'«état de préparation» ou bien on ajuste le niveau de financement. Toutes les études et bon nombre de nos vérifications ont fait ressortir un écart profond entre les deux. Il faut commencer par définir ce que l'on veut faire avant d'y affecter des fonds.
M. Kasurak: L'étude étaye certains de ces propos dans la mesure où le retard des activités de maintenance dont nous faisons état pour la marine ainsi que pour l'armée témoigne que la durabilité à long terme constitue un problème. Dans cette mesure, les données qui se trouvent dans cette étude sont compatibles avec cette opinion, même si la portée est un peu différente.
Le sénateur Atkins: Lors d'une de nos dernières réunions, nous avons entendu le témoignage du général Henault. Un des membres du comité lui a demandé à quelles fins il utiliserait des fonds supplémentaires s'il devait en recevoir. Voici ce qu'il a déclaré:
Je les affecterais pour répondre à trois besoins différents en matière de capacité. Le premier secteur serait les effectifs. C'est là que nous devons faire porter nos efforts et qu'il faudrait concentrer des ressources financières supplémentai res.Lorsqu'on lui a demandé si cela portait sur la qualité de la vie, le recrutement ou la formation, il a répondu: «Tout en même temps.»
Approuvez-vous sa priorité?
M. Kasurak: Sa deuxième priorité était l'entretien de l'équipement. Je ne me disputerais pas avec le chef d'état-major de la Défense à ce sujet. Il a également raison de faire passer le personnel en premier. De toute évidence, même si on dispose de toutes les pièces voulues, il est impossible d'entretenir l'équipement si l'on n'a pas de techniciens spécialisés en entretien et de gestionnaires dûment formés pour gérer le système. Notre vérification a révélé certains problèmes à ce chapitre.
La première partie de son observation, selon laquelle il faut résoudre tous les problèmes du personnel en même temps, est également pertinente. Si on ne les résout pas tous en même temps, on continuera d'avoir un taux d'attrition impossible à gérer. Le coût de maintien, par exemple, d'un technicien en maintenance aéronautique est très élevé. Pour atteindre le niveau de compagnon, dans ce domaine, il faut non seulement plusieurs années de formation théorique, mais également un apprentissage de quatre ou cinq ans. Ces employés coûtent extrêmement cher. Une fois qu'on les a formés, c'est dans son intérêt d'essayer de les garder aussi longtemps que possible. De façon générale, j'approuve ces priorités car elles sont tout à fait logiques.
Le sénateur Atkins: Convenez-vous que l'armée n'offre pas le niveau de traitement et de salaire que devraient recevoir les recrues?
M. Kasurak: Je ne peux pas répondre à cette question car notre vérification ne portait pas sur cet aspect du problème.
Mme Fraser: Nous procédons actuellement à une vérification de la gestion des ressources humaines à la Défense nationale, que nous prévoyons publier au printemps prochain, si tout se passe bien. Nous pourrons alors sans doute répondre à certaines de vos questions.
Le sénateur Atkins: Nous attendrons cela avec impatience.
Le sénateur Cordy: Merci beaucoup de votre présence cet après-midi, au cours d'une journée qui va sans doute être très remplie pour nous tous. Vous avez parlé de la vérification que vous avez effectuée en 2000 et sur les voyageurs qui sont venus au Canada. Les agents des douanes travaillent sur la ligne de front. Ce sont eux qui font l'évaluation et l'entrevue initiales. Vous avez dit que l'Agence ne dispose pas de renseignements importants dont pourraient avoir besoin ces agents qui se trouvent en première ligne. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
Mme Fraser: Je peux vous répondre de façon générale. Je demanderai ensuite à mon collègue de se joindre à nous, car c'est lui qui a fait la vérification sur les douanes. Le problème vient de ce que bon nombre de systèmes ne communiquent pas entre eux. Pour les nombreux agents chargés de vérifier les plaques d'immatriculation aux postes frontaliers, les lecteurs n'étaient exacts que 70 p. 100 du temps. Certaines données entreposées dans des systèmes différents n'étaient pas transmises aux autres employés. Si quelqu'un entrait un nom dans le système, par exemple, cette personne n'avait pas nécessairement accès à tous les autres systèmes.
M. Shahid Minto, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada: Comme le sénateur l'a déclaré à juste titre, les employés de première ligne sont les agents de l'ADRC qui accueillent une personne à son arrivée dans notre pays. Ils ont pour mandat d'appliquer la loi habilitante de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, laquelle porte sur la contrebande, et aussi d'appliquer les dispositions des lois de divers autres ministères. Dans deux ou trois secteurs, leurs données étaient incomplètes. Par exemple, ils travaillaient à la conclusion d'un protocole d'entente avec l'immigration.
Le président: Vous voulez parler de l'ADRC et du protocole d'entente.
M. Minto: L'Agence des douanes et du revenu du Canada applique les lois d'autres ministères, notamment celles d'immigration et de Santé Canada, et de divers autres ministères. Les agents des douanes ont fait une assez bonne analyse des risques éventuels aux termes de leur propre loi.
S'agissant des lois des autres ministères, ils ne disposaient pas de renseignements suffisants. L'immigration représente un volet essentiel de cette activité. Nous avons constaté que les Douanes examinaient un protocole d'entente avec Citoyenneté et Immigration Canada depuis un certain nombre d'années, mais que ce document n'était pas encore finalisé en 2000 lorsque nous avons fait notre vérification. Il existe des ententes informelles entre les ministères, mais encore une fois, il faut que les responsabilités soient clairement définies.
Mme Fraser a parlé plus tôt de la formation. Le problème est dû en partie au fait que certains employés qui sont au service du ministère depuis de nombreuses années ont suivi une formation initiale intensive, mais n'ont jamais eu de cours de recyclage par la suite. Entre-temps, la Loi sur l'immigration a été modifiée et les exigences relatives à l'inspection des immigrants également. Les agents ont déclaré qu'ils n'avaient pas d'information sur l'ensemble des mesures.
Pour utiliser ces renseignements, ils doivent disposer des moyens, du matériel et du système informatique voulus. Or, il y a des lacunes au niveau de la formation, des systèmes informatiques et des moyens qui leur permettraient de faire leur travail.
Le sénateur Cordy: Nous avons parlé à des représentants de l'armée et des douanes au sujet de la coopération internationale, qui est nécessaire. Toutefois, nous constatons que souvent l'échange d'information entre ministères ne se fait pas. Comment pouvons-nous surmonter ce problème? Vous avez parlé d'un «protocole d'entente». Que pouvons-nous faire d'autre?
Mme Fraser: Comme nous l'avons dit, ces vérifications et bien d'autres ont fait ressortir dans de nombreux secteurs de graves lacunes dans la gestion de l'information à l'échelle du gouvernement. Dans bien des cas, l'échange d'information est médiocre, même au sein des ministères; ou les systèmes sont incompatibles ou ils n'existent pas. Dans certains cas, les agents des douanes continuent d'utiliser des systèmes manuels.
Si nous n'obtenons pas cette infrastructure de base pour pouvoir gérer l'information et la partager, la coopération entre les ministères en souffrira. Je crois que nous constatons dans certaines de nos autres vérifications qu'il existe un grave problème de communication et de partage à l'efficacité du travail.
Le sénateur Cordy: Le problème tient-il seulement à l'aspect technologique ou aux personnes concernées ou est-il dû aux deux?
Mme Fraser: Je ne peux pas croire qu'il s'agisse seulement d'un problème de technologie. Il serait intéressant, si nous le pouvons, d'essayer d'en connaître la cause. Je suppose que c'est également attribuable aux pratiques de gestion, à la façon dont les gens gèrent leurs activités et leurs processus. Je n'arrive pas à croire que ces gens n'ont pas l'information. Il se peut qu'ils aient leurs propres systèmes et leurs propres façons de faire, mais il n'y a pas de partage de l'information. Je pense qu'il serait intéressant pour nous d'examiner cet aspect.
Le sénateur Cordy: Je le pense aussi.
Vous avez parlé de gens qui ont reçu une formation intensive à leurs débuts, mais qui travaillent en réalité depuis 30 ou 35 ans. La loi a changé et des événements se sont produits, notamment ceux du 11 septembre; cela nécessiterait certainement beaucoup de formation. Offre-t-on des cours de recyclage ou une formation obligatoire chaque année?
Mme Fraser: Non. Je vais demander à M. Minto, mais il me semble que la difficulté à nos yeux était qu'il n'y avait pas suffisamment de cours de recyclage.
Nous avons aussi constaté qu'il n'y avait pas non plus de formation suffisante pour les employés occasionnels et à court terme. Seuls les employés permanents reçoivent une formation intensive à leur arrivée à l'Agence.
Le sénateur Cordy: Je trouve formidable que des ministères puissent embaucher des étudiants du niveau universitaire. Toutefois, les a-t-on placés sur la ligne de front après ne leur avoir donné pour ainsi dire aucune formation?
Mme Fraser: Oui.
Le sénateur Cordy: J'aimerais parler des expéditions commerciales.
Il est très important pour l'économie canadienne que nous gardions les frontières ouvertes pour permettre les échanges commerciaux, surtout avec les États-Unis. Nous parlons ici des ponts et du camionnage.
À moins que nous soyons disposés à avoir des embouteillages sur des kilomètres, les agents ont décidé qu'ils procéderaient à une évaluation des risques et repéreraient les camions qu'ils souhaiteraient examiner très attentivement. Disposent-ils d'une information suffisante pour procéder à une bonne évaluation des risques ou pour bien les gérer? Y a-t-il un meilleur moyen d'assurer la fluidité de la circulation tout en s'assurant que la frontière est bien protégée? Je me demande s'il existe un équilibre entre les deux.
Mme Fraser: Nous acceptons l'approche du ministère en ce qui concerne la gestion des risques dans ce domaine. Nous serions probablement tous d'accord pour reconnaître que la grande majorité des biens qui franchissent la frontière ne présentent aucun risque, et qu'il y a lieu de concentrer les efforts afin de repérer les cas qui présentent un risque réel et d'employer les mesures de contrôle requises. C'est ce vers quoi s'oriente le ministère. Nous avons relevé les secteurs où une amélioration s'impose afin de cibler les biens à risque élevé pour lesquels on a besoin d'une information plus appropriée et plus complète.
Ce qui nous ramène à des choses comme les systèmes qui ne communiquent pas entre eux. On a aussi besoin de meilleurs renseignements pour les recenser. Cela fait, il faut intensifier les activités d'observation et d'application de la loi.
Dans notre vérification nous soulignons, toujours à propos de l'objectif ou des normes de rendement, qu'il n'existe pas de normes quant au nombre d'inspections à effectuer aux différents postes frontaliers. Cela semble dépendre davantage des ressources dont on dispose. Les résultats de ces inspections ne sont pas analysés pour voir s'il faudrait les multiplier ou en réduire le nombre ou si elles sont d'une quelconque efficacité. Il faudrait effectuer des comparaisons sur une certaine période pour voir quelles tendances se dessinent.
Le sénateur Cordy: Tout cela tient en grande partie au manque d'information.
Mme Fraser: C'est juste. Le gouvernement est en train d'opter pour des systèmes d'autocotisation aux douanes. Nous avons dit craindre qu'on soit en train de le faire trop rapidement sans avoir au préalable renforcé les activités d'observation et d'application de la loi.
Un tel système fonctionne vraiment s'il est bien ciblé, et si l'on mène des activités d'observation et de ciblage appropriées et qu'on assure le suivi de ces expéditions à risque élevé.
Le sénateur Cordy: J'aimerais parler de l'information contenue dans votre rapport sur les pièces de rechange. J'y ai lu que pour ce qui est des navires de la classe Iroquois, on dispose de suffisamment de pièces de rechange pour les 20 prochaines années. Nous revenons tout juste de la côte Ouest, où l'on nous a justement parlé de la pénurie de pièces de rechange pour l'équipement. Apprendre que les navires de la classe Iroquois disposent de pièces de rechange pour 20 ans n'a aucun sens pour moi.
Le contrôle de l'inventaire est-il déficient? Est-ce une question de gestion, dont vous avez parlé plus tôt au sujet des douanes? Avez-vous pu trouver une explication à cela? Nous avons entendu parler d'autres cas comme ceux de CF-18 pour lesquels il a fallu emprunter des batteries des forces militaires espagnoles, alors que nous avons des pièces de rechange pour les navires Iroquois pour les 20 prochaines années.
M. Kasurak: Les destroyers de la classe Tribal ont été achetés il y a longtemps. À l'époque, on avait pour politique de tenter de s'approvisionner en pièces de rechange pour la vie. On se trouvait face à une nouvelle pièce d'équipement dont on savait très peu de choses. Il est extrêmement difficile d'évaluer combien de pièces de rechange il vous faudra avec le temps; on a donc tendance à en acheter trop. C'est ainsi qu'on a fini par accumuler un gros excédent.
Dans ce chapitre on mentionnait que non seulement on disposait de toutes ces pièces de rechange, mais en plus on les gardait à bord des navires. À transporter toutes ces pièces de rechange, le navire finissait par consommer inutilement plus de carburant que nécessaire. De plus, si l'on disposait d'une pièce sur un navire et qu'on en avait besoin sur un autre, il n'y avait pas de roulement efficace de l'inventaire.
La Marine royale britannique a commencé il y a des années à examiner ce problème. Nous leur emboîtons lentement le pas; nous déchargeons nos pièces de rechange des navires en tenant compte des risques et du taux d'utilisation.
À l'avenir, les navires ne transporteront que les pièces de rechange dont ils auront probablement besoin ou dont la privation pour plus d'un jour pourrait entraîner un problème critique. C'est ainsi qu'on en est arrivé là, en partie parce qu'on transportait à bord des navires des articles dont on risquait peu d'avoir besoin, dont on n'avait vraiment pas besoin de disposer sur-le-champ. C'est aussi parce qu'autrefois on se disait qu'il fallait simplement acheter en quantité, tout entreposer et s'en servir au fur et à mesure. Aujourd'hui, on ne voit plus les choses de la même manière.
Dans votre question, vous laissiez entendre qu'on ne dispose peut-être pas de suffisamment de pièces de rechange d'autres types. C'est également vrai. Comme la vérificatrice générale l'a dit à propos de plusieurs autres points aujourd'hui, l'information à laquelle ont accès les gestionnaires de l'approvisionnement n'est pas très bonne. Dans la chaîne d'approvisionnement, les données sont généralement assez exactes. Mais il est difficile d'y accéder. Si un gestionnaire de l'approvisionnement doit s'occuper de milliers de types d'articles, cela prend trop de temps. Pour certains de ces articles, l'approvisionnement ne sera pas suffisant ni bien géré, parce que le système de données ne peut pas suffire à la demande.
C'est ainsi qu'on finit par avoir trop de certaines pièces de rechange et pas suffisamment d'autres. C'est le système de gestion qui ne vous permet pas de bien répartir les ressources ni de voir ce qui vous manque. Dans une certaine mesure, c'est également dû au financement. Une fois que l'on constate une pénurie pour certains articles, on peut ne pas pouvoir en recommander autant qu'on le souhaiterait.
Le sénateur Cordy: Vous avez aussi parlé du temps qu'il fallait pour obtenir une pièce de rechange. J'ai trouvé intéressant d'apprendre que si un avion Hercules devait effectuer un vol et qu'on n'avait pas suffisamment de places à bord pour toutes les pièces de rechange, il n'y avait pas moyen pour les intéressés de décider quelles étaient les pièces de rechange à emporter sur le premier vol, et quelles étaient les autres qu'on pouvait expédier ultérieurement. On ne pouvait pas non plus savoir quelles pièces avaient effectivement été expédiées sur le premier vol. C'est un problème qui semble assez facile à régler.
M. Kasurak: Aujourd'hui, la technologie existe. Quand la nouvelle chaîne d'approvisionnement sera informatisée, bon nombre de ces problèmes seront pris en considération. L'actuelle chaîne d'approvisionnement fonctionne selon un système informatisé des années 70. Il ne permet pas ce type de traçages. Le peu de données dont on dispose a tendance à aggraver le problème. Comme les gens savent que le service laisse à désirer, ils ont tendance à désigner trop d'articles comme prioritaires. Ce qui fait qu'on a un avion rempli d'articles prioritaires que les gens de cellules de transport logistique ne peuvent pas démêler. Ils les chargent sur des palettes, s'ils ont assez de place. Le système informatique ne leur permet pas encore de communiquer effectivement aux unités de première ligne ce qu'elles vont recevoir. Le coeur du problème, c'est un vieux système informatique qui n'est plus efficace et qui engendre toutes ces difficultés. Il se retourne contre tous ceux qui s'en servent.
Le sénateur Banks: J'ai deux questions, et chacune a deux volets. D'abord, je pose la première à la blague. Je viens d'un secteur où nous avons heureusement appris à dédaigner les petits comptables qui se mettent parfois en travers de notre chemin. Rappelez-vous la vieille blague: «Vous êtes peut-être venu assécher le marais, mais vous aurez sans doute tendance à l'oublier quand les alligators commenceront à vous mordre.»
Je sais que le problème n'est pas nouveau; la question du quartier-maître et du matériel de guerre a probablement préoccupé Hannibal aussi quand il a franchi les Alpes. Ce fut aussi certainement le cas pour l'armée de la reine Victoria. Il est bon de savoir que certaines choses sont immuables.
Le type de gestion dont vous parlez est relativement nouveau, en raison notamment du recours accru à la technologie, à l'équipement technologique et à la mécanisation. Pensez-vous que la gestion du matériel se fait au bon endroit? Supposons un commandant d'un bataillon de chars qui dirait: «Je sais que mes chars sont prêts. Ils sont huilés, prêts à partir et prêts à tirer. Ne m'ennuyez pas avec ces papiers à remplir». J'aimerais que vous lui répondiez, si c'est lui qui est responsable.
Pour répondre à la question du sénateur Atkins qui demandait si le livre blanc permettait de déterminer si les objectifs fixés aux Forces canadiennes étaient respectés, vous avez dit qu'il devrait être beaucoup plus précis. J'aimerais savoir ce qui ne va pas. Être plus précis que cela serait imprudent, mal avisé, et certainement erroné. De toute façon, c'est impossible.
Nous avons exposé la politique du gouvernement du Canada, qui consiste à être en mesure de déployer sur le terrain, à un moment ou l'autre, une brigade. C'est la politique du gouvernement du Canada. Si vous voulez un autre étalon de mesure, vous devrez alors élire un autre gouvernement. C'est la politique du présent gouvernement. C'était ma première question double.
M. Kasurak: Heureusement que je prends des notes.
Le sénateur Banks: Je vous rappellerai la question.
M. Kasurak: Pour répondre à la première partie de la question, elle laissait sous-entendre que nous envisagions peut-être un nouveau modèle de gestion. C'est sans doute vrai. Nous misons sur les pratiques exemplaires. Nous espérons que le ministère s'en tiendra aux pratiques exemplaires.
Le sénateur Banks: Est-il raisonnable de s'attendre à cela d'une armée?
M. Kasurak: Je le crois. Par exemple, si l'on pense à l'armée américaine et à sa gestion de l'approvisionnement, elle fait beaucoup mieux que nous. Pendant la fin de semaine, je regardais des statistiques RAM (fiabilité, disponibilité et facilité d'entretien) et elles indiquaient que là-bas on parvient à acheminer les pièces de rechange aux unités de première ligne peut-être deux fois plus rapidement que nous. C'est un objectif raisonnable. L'armée américaine se sert de techniques de gestion de l'approvisionnement très perfectionnées.
Mme Fraser: La défense gère un budget de 11 milliards de dollars. Je m'attends donc à ce qu'on ait de bons systèmes ainsi qu'une bonne gestion financière, mais sans trop de petits comptables. Il est ici question de beaucoup d'argent qui requerra inévitablement des systèmes et des pratiques de gestion. Il ne faut pas que nous sous-estimions la capacité de nos gens à disposer de systèmes de pointe.
Le sénateur Banks: Selon le gouvernement, c'est ce que nous attendons de nos forces armées. C'est la politique gouvernementale. Croyez-vous qu'il faudrait la changer?
M. Kasurak: Il faut apporter des précisions. Il n'appartient pas à notre bureau de décider s'il doit s'agir d'un groupe-brigade, d'un groupe-bataillon ou d'une division. Toutefois pour assurer au ministère une solide assise de gestion, nous tâchons d'établir correctement les priorités. Comme vous le savez certainement, un «groupe-brigade» est un terme élastique. Ce pourrait être 3 500 ou 5 000; et il pourrait s'agir d'un groupe-parachute ou de tanks, à divers niveaux de préparation.
Tout cela influe sur les décisions de gestion en aval. Ces cinq ou six dernières années, nous avons été préoccupés par le fait qu'en l'absence d'un jalon mieux défini, il était difficile de savoir s'il valait mieux dépenser ses derniers dollars pour former quelqu'un ou pour remplir les soutes, parce qu'on ne peut pas fixer ces priorités correctement.
Nous avons demandé au personnel militaire pourquoi il avait pris telle décision plutôt qu'une autre. Ils ont répondu qu'ils avaient jugé au meilleur de leurs connaissances parce qu'ils ne disposaient pas de données plus concrètes pour décider. Cela nous semble poser un problème. Nous ne nous demandons pas quant à nous s'il devrait s'agir d'une brigade ou d'autre chose, parce que ça, c'est le rôle du gouvernement.
Pour ce qui est de savoir comment gérer cela, il nous revient, si nous constatons qu'il y a des problèmes, d'en parler.
Vous avez aussi parlé du commandant de régiment blindé qui sait que tous ses chars sont fonctionnels.
Le sénateur Banks: Est-ce le fruit de mon imagination?
M. Kasurak: C'est un modèle courant. En fait, quand le général MacKenzie a comparu devant la Commission d'enquête sur la Somalie il y a quelques années, il a dit que dans son temps on s'estimait prêt quand le commandant disait qu'on était prêt, et, bon sang, on l'était. Le général MacKenzie a ajouté que cela avait entraîné des difficultés pour le régiment aéroporté au sujet du déploiement en Somalie.
Dans cette vérification, nous pouvons voir des signes qui montrent que cette approche peut causer des difficultés. Par exemple, nous avons constaté que diverses unités de l'armée de terre avaient des façons différentes d'inscrire leurs véhicules hors service. Elles utilisaient des bases différentes. Comme vous le savez sans doute, l'armée installe de nouvelles radios. Certaines unités avaient déduit les véhicules hors service et fourni leurs chiffres de base. Quand elles ont dit que 50 p. 100 de leurs véhicules étaient prêts, elles les avaient déjà soustraits. D'autres s'y étaient pris autrement.
Certaines unités qui utilisent le véhicule de reconnaissance Coyote ont compté la pièce d'artillerie dans leurs statistiques d'aptitude au fonctionnement, d'autres pas. Même si vous êtes commandant de brigade, vous devez être en mesure de savoir que les gens sous vos ordres part les choses de la même façon et, bien sûr, quand vous rendez des comptes à vos supérieurs, vous le faites de la même façon que les commandants des autres brigades. Sur ce plan, nous pensons que des améliorations peuvent être apportées.
Voilà pour ma réponse à la question sur le commandant. Parfois, la comptabilité a du bon.
Le sénateur Banks: Je l'ai parfois appris à mes dépens. Je sais que 200 millions de dollars ne vont pas apporter la réponse parfaite à la deuxième partie de ma question. Le ministère a entrepris d'économiser 200 millions de dollars en confiant à des contractuels des tâches qui n'ont pas besoin d'être exécutées par un soldat. Qu'avez-vous constaté à ce sujet? Je crois que vous avez constaté qu'on a économisé 68 millions de dollars cette année.
M. Kasurak: Nous avons effectué une vérification et un suivi du programme Différents modes de prestation de services, ce que le ministère appelle l'impartition.
Le sénateur Banks: C'est un titre plus long.
M. Kasurak: C'est vrai. On visait une économie d'environ 200 millions de dollars l'année dernière et maintenant on s'attend plutôt à avoir épargné 150 millions de dollars d'ici 2004. En examinant ces projets, nous avons constaté que bien qu'ils aient permis des économies de 10 à 15 p. 100, ils n'ont pas rapporté autant que ce que le ministère avait cru au début; il a été beaucoup plus difficile que prévu de réaliser des économies. Les prévisions reposaient en grande partie sur la situation déplorable d'avant, d'avant le budget de 1994 où il y avait beaucoup de possibilités de compressions. Tout cela était fini quand on a mis en place le DMPS.
Nos vérifications ont également mis en lumière les risques accrus de l'impartition. Quand on conclut d'importants contrats de services, certains ne sont pas bien exécutés. Le Centre d'instruction de soutien de la Milice Meaford, pour lequel le ministère avait conclu un contrat à prix fixe sans pouvoir produire ensuite le moindre diplômé, était sous-utilisé et il a fallu continuer à payer pour cette installation. Il y a aussi ces autres risques qui réduisent vos économies si vous n'êtes pas prudent.
Le ministère a reconnu l'existence de ces problèmes et y a réagi en lançant moins de projets et en les assujettissant à une surveillance de gestion plus intensive. Maintenant nous avons le projet de la chaîne de gestion, qui est sur le point d'être lancé; il est soumis à un examen de gestion beaucoup plus strict que les anciens projets DMPS que nous avons vérifiés. Je pense que l'on peut faire des économies de ce côté-là. À notre avis, ce n'est pas la formule magique qui va régler tous les problèmes budgétaires du ministère, mais ça vaut la peine d'essayer.
Le sénateur Banks: Il me semble que si on poursuit sur cette lancée, et nous apprendrons peut-être plus tard qu'il n'en est rien, nous risquons de frapper un mur bientôt. Nous risquons de nous effondrer sans pouvoir nous relever. Un autre comité, dont j'ai l'honneur d'être membre, vient tout juste de terminer une étude sur les réparations qu'il faudrait apporter aux installations universitaires. C'est une vraie pitié quand il faut remplacer le toit, mais qu'on ne peut que le réparer avec du goudron parce qu'on n'a pas les moyens d'entreprendre des travaux d'une telle envergure. Tôt ou tard, le toit ne pourra même plus être réparé. Combien de temps faudra-t-il avant qu'on en arrive là? Quelle est l'imminence du danger?
Mme Fraser: Je crains que nous ne puissions pas répondre à cela. Je ne suis même pas certaine que le ministère le pourrait. Il y a un retard en matière d'entretien. Nous n'avons même pas d'information précise sur l'ampleur de ce retard. Je ne sais pas non plus si le ministère en a. Un problème se dessine, c'est certain.
M. Kasurak: Cela dépendrait certainement aussi du type d'équipement. Naturellement, si l'on pense aux aéronefs, les trois aéronefs en difficulté sur le plan de la disponibilité sont les trois anciens aéronefs. Il y a un programme d'immobilisations pour deux d'entre eux, mais le troisième est loin derrière. L'avion Hercules est celui auquel le ministère devrait porter le plus d'attention pour l'instant en s'assurant que le plan d'immobilisations réponde aux besoins de l'aéronef. C'est difficile à examiner d'un seul coup. Il faut ventiler en éléments plus petits que ce que nous sommes parvenus à faire dans cette vérification.
Le sénateur Banks: La plupart des Canadiens ne seraient pas surpris, ou n'auraient pas trop de mal à voir que les trois aéronefs qui coûtent le plus cher à entretenir sont les trois plus vieux. En fait, il ne faut pas être bien malin.
Le président: Je pense qu'on s'entend pour dire qu'on pourrait frapper un mur. Reste à savoir quand nous allons le heurter.
Mme Fraser: Nous frapperons peut-être un mur; tout dépendra des programmes d'immobilisations que pourraient se donner les forces armées.
Le sénateur Day: J'aimerais d'abord vous féliciter pour les rapports. Ils sont très utiles. Ce sera un bon ouvrage de référence pour nous, en attendant le prochain.
Ce qui me frappe le plus dans le chapitre 7 et le chapitre 8, c'est la liste des responsabilités des agents des douanes à la frontière. Il semble incroyable qu'on s'attende d'eux qu'ils connaissent par coeur toutes ces diverses lois et tous ces règlements. J'ai immédiatement songé à l'importance de la formation continue pour ces employés. Il y en a deux pages et demie à la fin dans l'annexe.
Le président: Sénateur Day, donnez-nous un chiffre approximatif parce que cela m'a étonné moi aussi.
Le sénateur Day: Je trouve cela renversant. L'annexe parle d'armes à feu, d'accords de l'Organisation mondiale du commerce, du marquage des biens importés et des narcotiques. Il y a les questions de droits d'auteur, d'explosifs, de transport des produits dangereux, la Loi sur les aliments et drogues, la réglementation sur la protection d'espèces animales et végétales sauvages et ainsi de suite. C'est un éventail incroyable. Je suppose que les agents qui travaillent à la frontière reçoivent une bonne formation sur toutes ces questions.
J'ai lu ce que vous disiez au sujet des étudiants et de la formation disparate des employés à temps partiel. Si l'on corrigeait cette situation, diriez-vous que les exigences en matière de formation, le perfectionnement et l'enseignement seraient adéquats compte tenu du travail accompli par ces gens?
Mme Fraser: Merci, sénateur Day, pour vos bonnes paroles au sujet de notre rapport. Je suis heureuse que vous le trouviez utile.
Vous avez raison de dire que les agents des douanes ont une tâche très complexe à exécuter. Ils servent de nombreux ministères, outre leur propre agence, et doivent tous les jours faire face à des questions très diverses. Vous avez soulevé la question de la formation. Nous mentionnons dans notre rapport qu'on soumet les agents de douanes à une formation assez complète quand ils arrivent, mais la formation continue est minime. Il leur faut une meilleure formation continue. Tout comme les lois et les situations évoluent, les risques auxquels les expose leur métier changent et ils doivent recevoir une formation pour connaître ces changements. C'est un aspect à améliorer à l'Agence.
Le sénateur Day: Vous en avez fait la recommandation?
Mme Fraser: Oui.
Le sénateur Day: L'autre compliment que vous méritez compte tenu du rôle que vous jouez en tant que vérificatrice générale, c'est que vous avez passé vos recommandations en revue avec les ministères. Ils peuvent être d'accord ou non, mais vous en avez au moins parlé. Dans la plupart des cas, ils sont d'accord et tâchent de les mettre en oeuvre. C'est plus utile et constructif que de signaler des manquements et de revenir un an plus tard pour voir si l'on y a remédié. C'est une autre bonne approche et je ne savais pas que cela se faisait.
J'aimerais continuer de parler de l'Agence. M. Minto pourra peut-être m'aider. Le comité s'est rendu dans des aéroports et des ports maritimes, à Vancouver et à Montréal notamment. Nous avons eu l'impression que le travail de l'Agence des douanes était plus efficace dans les aéroports qu'aux ports maritimes.
Avez-vous eu la même impression au cours de votre vérification? Le cas échéant, pourquoi?
M. Minto: Je vais maintenant revenir au rapport à l'étude et aussi à des rapports antérieurs. Je pense que nous n'avons jamais fait de comparaison de ce genre. Les problèmes auxquels ils font face sont très différents. Nous nous demandions s'ils avaient les compétences et les outils voulus pour relever les défis. Dans un grand nombre de cas, nous nous sommes penchés sur les postes frontaliers terrestres, étant donné que 80 p. 100 de nos échanges se font par voie terrestre. La majorité des gens qui viennent au Canada empruntent des postes frontaliers terrestres.
Les responsables des douanes ont de gros problèmes à affronter aux ports maritimes. Il y a le crime organisé, l'immigration illégale, et ainsi de suite. Ils travaillent de concert avec de nombreux ministères. Il ne s'agit pas tout simplement d'une responsabilité qui relève des douanes. Pour ce qui est maintenant de la collaboration avec d'autres ministères, l'aspect formation est tout à fait critique.
Le sénateur Day: Nous avons eu certaines discussions à ce sujet. Avez-vous pu déterminer pourquoi il s'agit d'un phénomène qui concerne davantage les aéroports que les ports maritimes? Avez-vous analysé l'administration ou les relations de travail des ports comparativement à la situation aux aéroports? Est-ce attribuable au fait que la région géographique est plus considérable, moins restreinte, et donc plus difficile à gérer? Avez-vous abordé ces divers aspects?
M. Minto: Non.
Le sénateur Day: À Montréal, on nous a dit que si les douanes ciblaient un navire ou un conteneur à l'arrivée, il était tout à fait possible que le conteneur ait disparu lors de l'arrivée du navire au bureau des douanes. Dans vos enquêtes concernant les ports maritimes, avez-vous eu connaissance de situations de ce genre?
M. Minto: Je n'ai aucune preuve documentaire de quoi que ce soit de ce genre.
Le sénateur Day: Avez-vous alors des preuves empiriques?
M. Minto: Il y a peut-être une situation analogue qui devrait vous préoccuper au pont Ambassador à Windsor. Entre 6 000 et 7 000 camions traversent ce pont chaque jour. Environ les deux tiers d'entre eux, soit environ 2 500 camions, sont dirigés vers un point d'inspection secondaire. Les camions sont rarement escortés, bien que le point d'inspection secondaire soit distant d'environ deux kilomètres. Toutes sortes de tentatives d'altération sont possibles, même si les responsables des douanes estiment que le risque est élevé. Certaines marchandises peuvent disparaître. Ce n'est pas seulement en haute mer que cela arrive. Nous avons étudié la situation au pont de Windsor. Elle est inquiétante.
Le président: Dans le cadre de votre vérification, vos enquêtes ont-elles visé également les services de police? Avez-vous passé du temps avec les forces d'intervention qui ciblaient les activités illégales?
M. Minto: Non. Nous examinions surtout les passages illégaux relevant de la compétence des douanes ainsi que les mesures prises par les responsables des douanes. Nous avons étudié les inspections secondaires relevant des douanes. Nous n'avons pas étudié les activités d'autres forces. Cela sera fait dans le cadre d'une autre vérification.
Mme Fraser: Nous ne nous sommes penchés que sur les renseignements qu'auraient pu obtenir les services des douanes pour cibler les risques élevés. Nous n'avons pas étudié les activités des forces policières.
Le président: Voilà qui explique peut-être certaines incompatibilités dans les renseignements que vous décrivez.
Le sénateur Day: C'est possible. Il se peut que certains des renseignements que nous vous fournissons vous aident pour votre prochaine enquête. Vous allez peut-être vouloir en élargir quelque peu la portée.
J'ai lu vos commentaires concernant l'inspection de camions à un mille et demi ou deux kilomètres de la frontière et le fait d'escorter les véhicules les plus ciblés jusqu'à la frontière. Tout cela semble quelque peu inconcevable, d'autant plus que vous soulignez que, à cause de l'ALENA, le commerce va augmenter et non pas diminuer. La solution de fortune consistant à inspecter à deux kilomètres et à n'escorter que certains camions jusqu'au pont peut être une solution à court terme, mais certainement pas à long terme.
Mme Fraser: Vous avez raison. En plus de la question de l'escorte, on doit se demander pourquoi le tiers des camions sont renvoyés à un lieu d'inspection secondaire. Autrement dit, est-ce parce que leurs documents sont mal remplis? Si tel est le cas, on devrait peut-être leur fournir de meilleurs renseignements avant qu'ils ne passent la frontière pour éliminer le problème.
À bien des postes frontaliers, c'est la configuration des lieux qui pose problème. J'ai visité par exemple un poste frontalier terrestre à Vancouver. Certaines des personnes avaient la CANPASS, qui sert aux personnes qui traversent fréquemment la frontière et qui ont été prédédouanées, sauf pour le passage lui-même. Cependant, toutes les personnes arrivaient par la même route. Le système était donc pratiquement inutile puisque le ralentissement de la circulation touchait tout le monde. À un moment donné, il va falloir se pencher sur les mesures de contrôle et d'entrée, sur les aspects du flux des personnes et de la logistique, surtout là où la circulation est en augmentation. Vous avez raison, on ne peut pas escorter chaque camion vers un lieu d'inspection secondaire situé à deux kilomètres.
Le sénateur Day: C'est bien la conclusion à laquelle nous arrivons également. Des changements s'imposent. Il est irréaliste de supposer que notre système actuel peut continuer à croître et donner de bons résultats.
Mme Fraser: Je suis d'accord.
Le sénateur Day: Ma dernière question concerne un tout autre sujet. Elle incitera peut-être M. Kasurak à intervenir.
On nous a signalé que les uniformes destinés aux femmes de la marine n'ont pas été conçus pour des femmes. La chose peut paraître plutôt saugrenue, mais elle devient plus sérieuse lorsque l'on songe aux répercussions possibles sur la sécurité. Il me semblait que la politique d'intégration des forces armées sans sexisme était en application depuis longtemps. Comment se fait-il que les services vestimentaires n'ont pas été mis au courant?
M. Kasurak: Je ne le sais pas. Je sais toutefois que le chef de l'état-major de la Défense a dit qu'il s'occupait de régler cette question lorsqu'il a comparu devant vous. Nous allons peut-être nous pencher sur cette question à l'avenir.
Le dernier projet concernant la tenue vestimentaire des forces armées sur lequel nous nous sommes penchés a été le projet «Habillez le soldat». L'armée a passé un temps considérable à veiller à ce que le matériel convienne aussi bien aux hommes et aux femmes de toutes tailles. Il s'agit d'un aspect crucial lorsque l'équipement à sangles prend tant d'importance.
Le signal a été donné pour les forces armées dans leur ensemble. L'armée a fait un assez bon travail pour ce qui est de tenir compte des besoins de soldats de sexe féminin. Je ne sais tout simplement pas pourquoi la marine tire de l'arrière.
Le sénateur Day: Nous ne supposons pas nécessairement que c'est la marine qui a du retard. Si je vous pose la question, c'est que je me demande si la norme de la taille universelle était attribuable à des raisons financières.
M. Kasurak: Nous ne nous sommes pas penchés sur cet aspect. L'armée semble avoir fait un assez bon travail à cet égard.
Le sénateur Day: Vous avez étudié la question dans la perspective de l'armée?
M. Kasurak: Il s'est agi d'un projet d'envergure. Nous l'avons étudié en 2000, je crois.
Le président: Je signale que la question s'est déjà posée dans le cas de l'Agence des douanes et du revenu du Canada.
Le sénateur LaPierre: Je n'ai rien à dire au sujet de la tenue vestimentaire, sinon que j'aimerais que l'on m'en confie la conception. Il me semble que je pourrais faire un meilleur travail.
J'ai diverses questions à poser. Tout d'abord, je suis en quelque sorte un expert en pièces de rechange, étant donné que j'en sais à peu près autant là-dessus que sur autre chose. Le chapitre 10 m'intéresse, et plus particulièrement les paragraphes 10.61 à 10.67. Au paragraphe 10.64 vous déclarez:
Bien que le rendement du système d'approvisionnement actuel soit faible lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins urgents en pièces de rechange, il est toujours élevé dans le cas des délais de 30 jours. Entre 1995 et 2000, les taux sont demeurés stables malgré une baisse de la demande totale dans deux des trois armées. Les faibles taux de réussite reflètent la difficulté d'obtenir ou de réparer les pièces de rechange et de les livrer aux endroits voulus dans des délais serrés.Voilà une raison valable qui explique pourquoi on ne peut livrer en temps voulu. Par conséquent, nous ne devrions pas nous surprendre qu'il y ait des répercussions en matière de sécurité et de défense.
Mme Fraser: Je ne suis pas d'accord. Je vous renvoie au tableau de la pièce 10.7. Lorsqu'une pièce est demandée dans les 30 jours, on peut répondre à la demande dans 92 à 98 p. 100 des cas. Lorsque la pièce est demandée dans les deux jours, le taux de réussite est moindre: 34 p. 100 pour la marine, 37 p. 100 pour l'armée de terre et 45 p. 100 pour l'aviation. Lorsque je parle d'une pièce de matériel dont on a un besoin urgent, j'entends par là qu'il s'agit vraisemblablement d'un cas de déploiement, du fait que la disponibilité de la pièce aura une incidence sur la mission.
Le sénateur LaPierre: Quelles raisons a-t-on invoquées pour expliquer la chose? Ce sont des gens tout aussi intelligents que ceux de votre ministère, sauf votre respect. Par conséquent, ces gens-là savent que s'il leur faut une pièce d'urgence, c'est qu'on en a un urgent besoin. Les données statistiques ne m'expliquent pas la situation.
M. Kasurak: Voilà pourquoi nous intégrons certaines de ces études de cas à notre rapport.
Le sénateur LaPierre: J'en ai pris connaissance.
M. Kasurak: Les études de cas portent sur des pièces d'aéronef. Or, le système d'approvisionnement n'assure pas un contrôle suffisamment détaillé des expéditions pour permettre aux gens de déterminer ce qui doit être expédié en priorité. Parmi toute une série d'exigences opérationnelles immédiates, certaines d'entre elles sont plus urgentes que les autres, malheureusement. Les responsables n'ont pas la capacité d'assurer un suivi pour déterminer où est telle ou telle pièce, et laquelle devrait être mise à bord de l'avion et expédiée en priorité.
D'une manière générale, nous avons constaté que la partie la plus problématique du circuit logistique était la phase de l'expédition. Voilà où surviennent les défaillances selon les études de cas.
Le sénateur LaPierre: Le ministère dispose de 32 Hercules et 20 d'entre eux devraient être en état de voler en tout temps. À la page 17, vous constatez que le tiers d'entre eux ne le sont pas.Vous déclarez plus loin que:
La pire situation s'est produite en 2000-2001, quand il n'y avait pas assez d'aéronefs utilisables 35 p. 100 du temps.Cela a-t-il pour effet de retarder les expéditions?
M. Kasurak: C'est le cas, en effet, dans la mesure où les expéditions dépendent des Hercules. Ces aéronefs servent pour le transport sur le théâtre d'opération. Dans bien des cas, il s'agit non seulement d'Hercules, mais d'autres aéronefs également. Certaines pièces sont expédiées par l'airbus et parfois sur des vols commerciaux.
Il est certain que la non-disponibilité d'aéronefs tactiques aggrave à la situation. Cependant, même s'ils étaient disponibles, il semble d'après nos renseignements qu'un problème continuerait d'exister du fait que les expéditions ne peuvent être suivies à la trace comme il se doit.
Le sénateur LaPierre: Supposons que je sois un commandant et que j'aie besoin d'une pièce rapidement. Il existe certainement un processus qui permettrait à tout le monde d'être informé de mon besoin immédiat. C'est bien ce qui se passe constamment au cinéma. Il me semble que quelqu'un quelque part dans les forces armées doit se rendre compte qu'il s'agit d'une demande importante et agir sans délai. Est-ce bien comme cela que les choses fonctionnent dans nos forces armées?
M. Kasurak: Elles appellent cela un «besoin opérationnel immédiat». Cependant, si le service tend à laisser à désirer, les usagers feront trop appel à cette catégorie, ce qui compliquera la gestion.
Si vous vous reportez à la pièce 10.11 à la page 24, vous constaterez certains des problèmes que nos Forces ont éprouvés en Bosnie dans le cadre de l'opération Palladium. Les troupes ont signalé à plusieurs reprises qu'elles avaient commandé des pièces d'hélicoptère et que ces pièces n'avaient pas été placées à bord du premier vol disponible. Il s'est agi d'une défaillance du système de transport.
Le sénateur LaPierre: Se peut-il que la chose soit attribuable à la bureaucratie?
M. Kasurak: Tout à fait.
Le sénateur LaPierre: Puisque nous sommes sur le sujet des bureaucraties, permettez-moi d'aborder brièvement un autre sujet que celui des forces armées.
[Français]
Madame Fraser, à la page 6 de la version française de vos remarques vous dites que les décisions aux frontières du Canada pour les voyageurs arrivant au Canada sont fondées sur l'évalua tion des risques et les agents ont besoin d'information pour prendre ces décisions. Vous avez constaté qu'ils n'avaient pas l'information nécessaire pour faire cela adéquatement. Vous avez mentionné qu'une des raisons pour laquelle cela était le cas, c'était parce que les ordinateurs ne se parlent pas.
Le sénateur Fraser: Effectivement.
Le sénateur LaPierre: Comment se fait-il que ce soit encore le cas en 2001?
Mme Fraser: Ces systèmes ne sont pas récents. Ils ont été créés pour répondre à un besoin donné sans nécessairement prévoir les besoins d'aujourd'hui. Il faudrait investir des sommes importantes pour avoir un système uniforme. Il s'agit d'un projet assez important.
[Traduction]
Le sénateur LaPierre: Dans votre examen du processus de reddition de comptes, êtes-vous en mesure d'évaluer l'état d'esprit des gens? L'information, c'est le pouvoir. Toute personne qui connaît l'histoire des bureaucraties sait fort bien que l'information est le bien le plus précieux. Voilà où réside le pouvoir. Le pouvoir repose dans l'électorat de votre ministre, et cetera.
Je soupçonne que l'on a conçu tous ces systèmes de manière à ce qu'ils ne puissent pas communiquer entre eux. Je crois savoir qu'on met actuellement au point un système qui leur permettra de communiquer.
M. Minto: Il faut remonter un peu en arrière. Par le passé, le camion arrivait à la frontière, on l'inspectait, les droits de douane étaient acquittés et le camion quittait le poste. Voilà comment on avait l'habitude de faire les choses aux douanes.
Cependant, le commerce avec les États-Unis a augmenté à tel point à cause de l'ALENA qu'il a fallu trouver une nouvelle façon de faire les choses. Les queues devenaient de plus en plus longues. La pratique actuelle ressemble à ce qui se fait pour l'impôt sur le revenu ou en matière d'autocotisation. Le courtier transmet à l'avance l'information selon laquelle un camion se dirige vers le poste de douanes et transporte certaines marchandises; il demande le dédouanement et prend des mesures pour que le paiement soit effectué à une date ultérieure. Cela fonctionne très bien. Les camions arrivent et sont identifiés. Les entrées et les sorties se font rapidement et les opérations bureaucratiques sont effectuées plus tard.
Malheureusement, le système informatique n'a pas été adapté au nouveau système. La mise en oeuvre de la vérification de conformité forcée a été très rapide, par exemple, mais on n'a pas mis au point les systèmes informatiques d'appui. Lorsque, par exemple, nous avons demandé pour combien d'années l'information était disponible, on nous a répondu à notre grand étonnement qu'elle l'était pour trois ans. Pourtant, nous faisons cela depuis 100 ans. Tout cela pour dire que l'information n'était pas conservée et regroupée.
Le sénateur LaPierre: Nous parlons également des personnes.
[Français]
Au paragraphe 17 du mémoire de Mme Fraser, les remarques étaient dirigées aux individus qui arrivent à nos frontières. Alors lorsque M. ou Mme X arrive, l'agent n'a aucune information parce que les ordinateurs ne se parlent pas. On ne peut donc jamais évaluer le risque, à moins qu'on les cible.
Madame Fraser: Effectivement. On a critiqué aussi l'Agence au sujet de ces activités de ciblage qui avaient besoin d'améliora tion, qu'ils n'avaient pas tous les renseignements appropriés et que les agents aux frontières n'étaient pas suffisamment informés.
[Traduction]
Ont-ils accès à l'information concernant une sorte de portrait robot d'un terroriste?
Mme Fraser: Je ne saurais vous le dire. Nous n'avons pas abordé cet aspect lors de notre vérification de 2000. Par exemple, aux postes frontaliers terrestres, il y a un lecteur.
[Français]
On a découvert que dans un tiers des cas, la lecture des plaques d'immatriculation ne fonctionnent pas. Les agents ne sont pas capables de lire les plaques. C'est quand même la base du système actuel. Alors, il faut mettre plus d'efforts dans les systèmes et une meilleure communication. Je retiens vos remarques très intéressantes sur la culture et les individus.
Le sénateur LaPierre: Vous allez devoir regarder cela aussi.
[Traduction]
M. Minto: Lors de notre vérification des voyageurs qui traversaient la frontière, nous avons également constaté un problème pour ce qui est de certains systèmes d'information clés. Nous voulions trouver le problème. Pour établir le profil dont vous parlez, les services des douanes doivent disposer de renseignements sur les casiers judiciaires, les permis de conduire, les plaques d'immatriculation non attribuées, les automobiles volées, et cetera. Or, durant l'année 2000, au cours de laquelle nous avons rédigé le chapitre sur les douanes, nous avons également rédigé un chapitre sur la GRC. Nous avons constaté des retards dans l'acheminement par la GRC de renseignements destinés au système. Voici ce que nous avons dit:
Il y a eu des retards de deux à plus de cinq mois dans l'inscription des nouveaux criminels ou de nouveaux crimes dans le système.Dans certains cas, les retards ont été supérieurs à cinq mois.
D'après une étude achevée en 1999, le système n'est accessible que durant 89 p. 100 du temps environ.Il ne faut pas perdre de vue que l'agent des douanes travaille en temps réel. Il ne sait pas qui va se présenter. Il doit interroger le système, prendre une décision et passer à la personne suivante.
Le sénateur LaPierre: Après avoir lu tout ceci, j'étais plutôt inquiet au départ. Cependant, nous finissons par livrer la marchandise. Il n'est pas question ici d'un mur de brique. Nous avons toujours réussi à livrer la marchandise depuis la Première Guerre mondiale. Nous sommes entrés dans la mêlée à la dernière minute et nous avons su faire mieux que pratiquement tous les autres pays, sauf les deux plus grands, les États-Unis et la Grande-Bretagne. En ce sens, les Canadiens sont rassurés de savoir que les Forces canadiennes sont en mesure de respecter leurs engagements. Il y a bien entendu des problèmes de maintenance, mais ils ne sont pas suffisamment importants pour compromettre l'objectif. Que pensez-vous de cet aspect bien concret?
Mme Fraser: Nous ne nous sommes penchés que sur l'équipement. Je n'ai aucun commentaire à formuler pour ce qui est du reste.
Des efforts très considérables sont consentis pour que l'équipement déployé soit à la hauteur, mais il y a un prix à payer. On retarde les programmes de maintenance ou on néglige les exercices de formation ici au Canada.
Je dois dire que je m'inquiète du nombre de postes vacants pour le personnel de maintenance et du nombre de personnes qui travaillent sans les compétences qui devraient correspondre à leur rang. Ce n'est pas comme cela que l'on construit une organisation forte. Ce genre de compétence ne se trouve pas à tous les coins de rue. L'argent n'est pas la seule solution à ce problème. Les responsables du ministère disent eux-mêmes qu'il leur faudra plusieurs années pour surmonter cette insuffisance sur le plan des ressources humaines.
Même si le gouvernement et les forces armées du Canada continuent d'assurer la maintenance de l'équipement déployé, je ne crois pas qu'il s'agisse d'une situation optimale. Il faut améliorer la maintenance et recruter des gens. Il y a lieu de s'attaquer à ces problèmes étant donné qu'il faudra plusieurs années pour corriger la situation.
Le sénateur LaPierre: Il y a peut-être deux ingrédients manquants. Tout d'abord, les impératifs politiques définis par la population canadienne par le truchement du processus électoral démocratique. Deuxièmement, les impératifs budgétaires définis par la population canadienne. Les Forces armées canadiennes doivent respecter ces impératifs. Il me semble que votre rapport devrait en tenir compte également. Je constate que ce n'est pas le cas. Ai-je tort?
Vous semblez partir de l'hypothèse que les forces armées disposent de ressources financières illimitées. Or, elles doivent fonctionner dans le cadre des limites très concrètes qui leur sont imposées, comme le sénateur Banks l'a fait valoir dès le départ. Votre rapport ne doit-il pas nous expliquer quels ont été les résultats compte tenu de l'ordre de priorités imposé? Ce n'est pas ce que j'ai constaté. Ai-je raison d'être déçu?
Mme Fraser: Vous avez raison de dire que nous ne formulons aucun commentaire au sujet de la politique. Nous nous bornons à déterminer si la politique du gouvernement est administrée et mise en oeuvre. Voilà de nombreuses années que le bureau déclare qu'il existe un écart entre la politique du gouvernement concernant les forces armées et le niveau de financement. Il y a là un problème à résoudre. Il ne nous appartient pas de le faire.
Nous ne pouvons que signaler aux parlementaires qu'il y a là une anomalie qu'il faut corriger.
Pour ce qui est des contraintes que peut comporter le système, je m'attends à ce qu'une organisation qui gère 11 milliards de dollars soit bien gérée. Je ne crois pas que nous demandons l'impossible. Je m'attends à ce que les responsables connaissent la disponibilité opérationnelle de leur équipement. Il me semble inopportun que ce soit le bureau de vérification qui définisse la disponibilité opérationnelle de l'équipement. Franchement, cette tâche ne nous revient pas.
Le sénateur LaPierre: À mesure que je vous écoutais, je me disais qu'il fallait certainement équiper et former nos gens pour qu'ils puissent nous défendre là où il est nécessaire de le faire.
Il ne faut pas que nous leur imposions un fardeau de paperasse excessif.
Mme Fraser: Je suis d'accord là-dessus et je ne crois pas que c'est ce que nous demandons.
M. Kasurak: Vous nous avez demandé si le bureau de vérification doit utiliser comme normes d'évaluation celles des Forces canadiennes elles-mêmes. C'est tout à fait le cas. Cependant, au moment de la vérification, de telles normes n'existaient pas.
Le sénateur Banks: Que s'est-il donc passé?
M. Kasurak: Les responsables des Forces canadiennes n'avaient pas de normes en matière de disponibilité opérationnelle du matériel. Nous les avons donc formulées de façon quantitative en demandant aux représentants des diverses unités quels seraient leurs objectifs. Ils nous ont déclaré, dans le cas des unités de l'armée, que 75 p. 100 des véhicules devaient être en état de circuler au Canada et 90 p. 100 en situation de déploiement. Nous nous sommes inspirés de telles normes dans notre rapport, même si elles sont plutôt officieuses. Si les forces armées nous avaient fourni des normes, nous aurions été plus que satisfaits de nous en servir pour notre évaluation.
Pour ce qui est maintenant des conséquences à long terme, une gestion plus serrée de la disponibilité opérationnelle est certainement indispensable aujourd'hui. Au cours de la Première Guerre mondiale et de la Seconde Guerre mondiale, les Forces canadiennes ont consacré un temps considérable à l'entraînement, à Salisbury Plain au Royaume-Uni, avant d'être déployées, et même à cela, elles n'ont pas échappé à certains problèmes. La prochaine fois, nous ne pourrons peut-être pas nous permettre un tel luxe. J'estime que toute force militaire moderne doit gérer de plus près sa disponibilité opérationnelle que ce que notre vérification nous a permis de constater en matière de gestion du matériel.
Le sénateur LaPierre: Et vous, madame, qui vous vérifie?
Mme Fraser: La question est excellente.
Le sénateur LaPierre: Qui nous dit que cette femme dit des choses sensées et que ce que le ministère avance est sensé? Faites-vous l'objet d'une vérification comparable à celle à laquelle tous sont soumis?
Mme Fraser: Une vérification financière est faite chaque année; nous rédigeons un rapport sur le rendement qui est étudié par un comité de l'autre endroit; et nous tenons des audiences sur nos résultats, à plus d'une occasion.
Le sénateur LaPierre: Ici au Sénat? Nous pouvons certainement organiser cela.
Mme Fraser: Je me ferai un plaisir de discuter de nos résultats avec les sénateurs.
Le président: J'ai quelques questions à poser en matière de recrutement et de formation. La première a trait à votre recommandation selon laquelle il convient de recruter davantage de personnes de métiers spécialisés et de métiers d'entretien. Si nous augmentions le nombre de personnes ayant des métiers spécialisés, les forces armées seraient-elles en mesure d'assurer la formation théorique et la formation pratique pour répondre à la demande accrue?
M. Kasurak: Pour répondre en quelques mots, je dirais que ce ne serait pas le cas durant un certain temps tout au moins. Pour accroître les capacités de formation, il faut recruter des formateurs parmi les unités opérationnelles. Cela me fait penser au chien qui court après sa queue. Il faut recruter dans une certaine mesure, ne serait-ce que pour combler les vacances. À ce moment-là, on est en mesure d'accroître l'effort de formation, mais cela n'arrivera pas du jour au lendemain de toute manière. Ce ne sera ni rapide ni facile.
Le président: Vous déclarez dans votre rapport que:
[...] le personnel d'entretien doit accumuler jusqu'à deux ans d'expérience de travail avant de pouvoir travailler sans supervision, et cinq années de plus avant d'acquérir les compétences voulues pour exercer une spécialité.Les normes imposées aux apprentis techniciens sont-elles trop sévères?
M. Kasurak: Je ne le crois pas. Les normes sont effectivement élevées, et j'en veux pour preuve les tentatives constantes de l'entreprise privée pour attirer les techniciens des Forces armées canadiennes. Je ne crois cependant pas que les normes sont trop élevées.
Le fardeau de la formation est devenu beaucoup trop lourd, selon un témoin du ministère qui a comparu devant vous récemment. D'après nos vérifications antérieures, il semble que les normes ne soient pas trop élevées, mais plutôt qu'elles soient trop larges. On ne cesse d'ajouter des connaissances à acquérir, et le fardeau de la formation finit par devenir trop considérable.
Le président: Pour revenir aux commentaires formulés plus tôt par Mme Fraser, je cite ce qui suit:
En général, nous avons remarqué que 38 p. 100 des cours de spécialisation requis pour les postes qu'occupaient les militaires n'avaient pas été suivis par ces derniers. Les pourcentages s'établissaient comme suit dans chaque armée: 27 p. 100 dans la Marine, 36 p. 100 dans la Force aérienne et 61 p. 100 dans l'Armée de terre.Voilà qui fait frémir. Toute cette formation spécialisée est-elle nécessaire? Vous avez dit qu'il fallait soit élargir le système de formation, soit exiger moins de formation. Quoi donc choisir?
M. Kasurak: Nous avons réuni les renseignements auprès de 49 unités. Les représentants de ces unités estimaient que la formation était nécessaire et ils ont même fait savoir que d'autres types de formation, en matière de surveillance, de premiers soins et d'autres aspects qui ne faisaient pas partie des besoins essentiels seraient également souhaitables. À mon avis, le système de formation doit déterminer quels sont les besoins, et les représentants des unités nous ont déclaré quels étaient ces besoins. Voilà la meilleure réponse que nous pouvons vous fournir compte tenu des renseignements que nous avons réunis dans le cadre de la vérification.
Le sénateur Kenny: Vous avez signalé que, dans la plupart des organisations de maintenance, il y avait une pénurie de main-d'oeuvre et qu'une bonne partie de la main-d'oeuvre disponible n'avait pas les compétences voulues pour effectuer le travail. Ces gens-là devraient-ils donc fermer boutique? Devraient-ils tout simplement reconnaître qu'ils sont incapables de faire le travail puisqu'ils n'ont pas les compétences voulues pour le faire? Est-ce que cela arrive?
M. Kasurak: Eh bien, étant donné que les arriérés augmentent en matière de maintenance, il semble bien que nous nous dirigeons vers ce genre de situation. Les surveillants doivent travailler plus fort et les travaux de maintenance qu'on n'arrive pas à effectuer s'ajoutent à l'arriéré.
Le sénateur Banks: Ne s'agit-il pas là d'une insulte adressée aux personnes qui font de leur mieux? Si 61 p. 100 des gens n'ont pas suivi les cours spécialisés qui sont exigés d'eux, cela ne veut-il pas dire qu'ils mettent en danger la vie d'autres personnes?
M. Kasurak: Non. La formation est donnée en plusieurs parties. Selon un programme de formation, les militaires doivent avoir reçu la formation nécessaire pour leur occupation et leur grade. Je pense que, d'après nos chiffres, 15 p. 100 des effectifs n'ont pas reçu toute cette formation.
Le sénateur Banks: Ce n'est pas qu'ils ne savent pas comment faire leur travail?
M. Kasurak: Ils n'ont peut-être pas reçu toute la formation nécessaire pour accomplir leur tâche principale sans surveillance. Cela veut dire que les surveillants doivent surveiller de plus près et travailler des heures plus longues. Le chiffre de 61 p. 100 que vous avez cité porte sur des cours spécialisés pour l'unité particulière et il faut qu'un certain nombre de membres de l'unité aient reçu cette formation. Il nous a semblé encore une fois que la responsabilité est transmise à de moins en moins de gens. À cause de cela, il y a des problèmes de service et un taux d'attrition plus élevé.
Le sénateur Banks: J'ai deux brèves questions. Je voudrais poursuivre dans la même veine que le sénateur LaPierre.
Supposons qu'il s'agisse d'une entreprise privée dont je suis le PDG et que vous venez me faire rapport sur l'état de préparation et d'exploitabilité d'une partie de l'usine. Je dois savoir ce qu'il en est. Voulez-vous me dire que je n'ai pas donné assez d'argent au service pour qu'il fasse le travail? Ou bien voulez-vous dire que le ministère n'affecte pas les 11 millions de dollars que je leur ai donnés selon les priorités établies?
De deux choses l'une, ou bien je dois donner au ministère 12,3 millions de dollars ou bien il gère mal les 11 millions de dollars qu'il a reçus.
L'année dernière, le ministère a reçu un budget de 11 milliards de dollars et il en a dépensé 12,3 pour atteindre certains objectifs perçus d'état de préparation. Voulez-vous me dire qu'il faudrait lui donner plus d'argent ou qu'il a mal géré son budget?
Mme Fraser: Nous vous disons que le budget de la défense ne correspond pas à ce que vous demandez au ministère de faire.
Le sénateur Banks: Nous devons donc lui donner plus d'argent?
Mme Fraser: Ou bien vous devez redéfinir son rôle.
Le sénateur Banks: Ou réduire nos attentes?
M. Kasurak: Ou rendre l'usine plus efficace.
Mme Fraser: Probablement les deux en même temps.
Le sénateur Banks: Autrement dit, toutes mes hypothèses sont fondées.
M. Kasurak: Cela dépend de l'allure à laquelle on peut s'occuper des choses qu'on peut changer. Nous avons parlé un peu des différents modes de prestation de service qui améliorent l'efficacité de l'usine. Cela fonctionne, mais pas très rapidement. L'autre problème, comme nous l'avons toujours soutenu, c'est que vous n'avez pas exactement expliqué ce que vous voulez que l'usine produise.
Le sénateur Banks: Nous n'avons pas dit ce que vous pensez que nous devrions dire.
Mme Fraser: Par exemple, pour être en état de préparation, il nous semble qu'il faudrait avoir des cibles et des normes.
Le sénateur Banks: Peut-on vraiment s'attendre à cela de la part de notre armée, de notre marine et de notre force aérienne?
Mme Fraser: Les membres du service essaient de fixer leurs propres cibles. Ce serait préférable que quelqu'un leur dise ce que ces cibles devraient être.
Le sénateur Banks: Que ceux qui peuvent identifier avec exactitude une cible pour les deux prochaines années s'avancent.
Vous dites ceci:
10.26 Marine. Bien que la Marine dispose des données brutes sur la disponibilité de ses principaux systèmes, elle n'établit pas de statistiques à ce sujet.Ensuite, au paragraphe 10.31, vous dites ceci:
Comme les données de 1999 et l'an 2000 étaient incomplè tes, nous avons examiné les données de la période allant de 1989 à 1998.Et, au paragraphe 10.34, vous dites ceci:
Les statistiques du 1er Groupe-brigade mécanisé du Canada n'étaient pas disponibles.Ensuite, au paragraphe 10.36:
L'état-major de la Force aérienne a cessé de produire des rapports sur la disponibilité opérationnelle...Au sujet de la marine, vous dites ceci au paragraphe 10.43:
En raison du manque de données, nous n'avons pas été en mesure de déterminer les efforts de maintenance nécessaires pour conserver ces taux d'activité...Pensez-vous que le ministère va combler ces lacunes ou qu'elles vont continuer d'exister? Êtes-vous convaincus que le ministère commencera à obtenir ces données pour pouvoir mieux gérer ces activités?
Mme Fraser: Comme je l'ai dit dans mon exposé, on est en train d'installer de nouveaux systèmes qui vont permettre de combler certaines des lacunes.
Le sénateur Banks: Cela prendra cependant beaucoup de temps.
Mme Fraser: Cela prendra un certain temps et nous n'avons pas de plans d'action détaillés pour répondre à toutes les recommandations.
Le sénateur Banks: Entre-temps, le ministère a-t-il dit qu'il y donnerait suite?
Mme Fraser: Non.
Le président: Merci beaucoup, sénateur Banks. Madame Fraser, votre témoignage a été très utile. Vous et vos adjoints avez fourni beaucoup de renseignements intéressants au comité. Je tiens à vous féliciter pour votre premier rapport. Vous avez contribué beaucoup au travail de notre comité.
La deuxième séance du comité est ouverte. Je vous souhaite encore une fois la bienvenue, que vous soyez ici même dans la salle, que vous nous regardiez à la télévision ou que vous nous écoutiez sur Internet. Cet après-midi, nous allons poursuivre notre étude des principales questions de défense et de sécurité.
Je m'appelle Colin Kenny, je suis originaire de l'Ontario et je suis le président du comité. Je vais présenter les autres membres du comité.
À mon extrême droite, se trouve le sénateur Banks de l'Alberta. À ses côtés, il y a le sénateur Wiebe de la Saskatchewan, et ensuite le sénateur Cordy de la Nouvelle-Écosse.
À mon extrême gauche, il y a le sénateur LaPierre de l'Ontario. À ses côtés, se trouve le sénateur Day du Nouveau-Brunswick et j'imagine que le sénateur Atkins se joindra de nouveau à nous sous peu.
C'est la première fois qu'un comité sénatorial permanent est chargé d'examiner les questions de sécurité et de défense. Nous faisons donc un survol des principales questions qui touchent le Canada et nous présenterons notre rapport au Sénat à la fin de février.
Au début de notre réunion aujourd'hui, nous avons entendu la vérificatrice générale du Canada nous parler de deux rapports qui ont été publiés la semaine dernière, un sur l'équipement de la Défense nationale et l'autre sur la sécurité à la frontière. Nous allons maintenant entendre le sous-ministre adjoint aux Ressources humaines du ministère de la Défense nationale qui nous parlera des questions de personnel.
Il y a trois semaines, notre comité s'est rendu dans l'Ouest où nous avons visité des bases militaires à Esquimalt et Winnipeg pour voir où nos militaires travaillent, habitent et reçoivent leur formation. Pendant nos réunions sur ces bases militaires et lors de nos audiences à Ottawa, on a soulevé certaines questions reliées aux effectifs, notamment à propos du recrutement, du maintien du personnel, de la qualité de vie, du syndrome de stress post-traumatique, des services de santé, de la formation des effectifs, et ainsi de suite.
Aujourd'hui, les représentants du quartier général vont nous dire comment le ministère s'occupe de ces questions. Notre prochain témoin est le lieutenant-général Christian Couture. Le général Couture a commencé sa carrière au Royal 22e Régiment. Il a fait trois périodes de service à Chypre. Il a commandé la 5e brigade canadienne multinationale dans l'ancienne Yougoslavie, une brigade composée de quelque 2 800 hommes et femmes du Canada, de la République tchèque et du Royaume-Uni.
En avril 1998, il a assumé les fonctions de chef d'état-major ou sous-ministre adjoint (ressources humaines) et, six mois plus tard, il est devenu sous-ministre intérimaire aux ressources humaines. Il a été nommé à son poste le 1er juillet 2000.
Il est accompagné du brigadier général T.M. Hearn et du colonel Scott Cameron.
Le lieutenant-général Christian Couture, sous-ministre adjoint (Ressources humaines - Militaires), ministère de la Défense nationale: Honorables sénateurs, je suis très heureux que vous m'ayez invité à témoigner dans le cadre de votre enquête sur les questions de défense et de sécurité. Je sais que, récemment, vous avez eu des entretiens très productifs avec le chef d'état-major de la Défense et les chefs d'état-major des trois armées, entretiens au cours desquels de nombreuses questions liées aux ressources humaines ont été abordées. Je serai heureux de traiter de ces questions plus en détail.
Comme vous avez reçu des exemplaires de mes notes, je serai très bref. Je ne lirai pas le mémoire en entier; je me contenterai de souligner certains points.
En tant que sous-ministre adjoint aux ressources humaines militaires, ce sont les gens qui m'intéressent et j'ai l'honneur de diriger l'équipe qui s'occupe d'eux. Comme les deux autres représentants du ministère qui sont ici aujourd'hui, je fais partie de l'équipe chargée de gérer les questions concernant le personnel militaire, y compris le recrutement, l'éducation et la formation, la politique et la planification, les carrières, la solde et les avantages sociaux, les services de santé, les questions spirituelles, la qualité de vie, le soutien du personnel et l'histoire et le patrimoine.
Pour ce faire, nous avons élaboré une vision qui guide les activités de notre groupe: s'occuper de nos gens, investir dans leur développement et leur donner confiance en l'avenir.
Pour bien s'occuper de nos gens, il faut commencer par le recrutement. En tant que force combattante, c'est le travail d'équipe qui nous permet d'accomplir les missions qui nous sont confiées. Par conséquent, nous devons maintenir notre effectif à un niveau convenable. Nous avons donc adopté un plan pour recruter et former un plus grand nombre de militaires. Les principaux éléments de ce plan figurent dans les documents que je vous ai remis.
La campagne de recrutement remporte un vif succès, mais elle connaît aussi des ratés, par exemple une pénurie dans plusieurs groupes professionnels de nature technique. Nous avons commencé à mettre en place plusieurs régimes de primes qui visent à attirer un plus grand nombre de recrues possédant les compétences spécialisées dont nous avons besoin.
Même s'il y a eu certains retards pour le transfert des réservistes dans la force régulière et pour rengager d'anciens membres de la force régulière, le processus a maintenant été grandement simplifié et les retards sont maintenant l'exception plutôt que la règle.
[Français]
Par contre, il est clair que pour retenir le personnel, il faut répondre à ses besoins. En plus d'équilibrer la rémunération et les avantages sociaux, il faut offrir des possibilités de carrière et une bonne sécurité d'emploi.
À cette fin, nous prenons de nombreuses mesures qui commencent par l'élimination de certains éléments dissuasifs présents en début de carrière.
[Traduction]
Dans l'ensemble, je suis heureux d'annoncer que nous réalisons des progrès pour maintenir nos effectifs. L'attrition a diminué cette année puisqu'elle se situe entre 6,25 et 6,5 p. 100. Il va sans dire que c'est encourageant.
Au cours des dernières années, les Forces canadiennes ont accordé une grande priorité à l'amélioration de leurs services de santé. Notre plus récent projet, intitulé RX 2000, constitue un effort particulièrement ambitieux dont vous trouverez les détails dans notre mémoire.
Nous sommes confrontés à des défis semblables à ceux d'autres groupes un peu partout pour les soins de santé, mais nous appliquons des mesures pour mettre au point un système de soins de santé abordables et de qualité de manière à nous occuper de nos gens dans les bases ou dans le cadre de missions à l'étranger. Notre but est de fournir les mêmes soins de santé à nos effectifs en garnison et lors d'activités opérationnelles.
Je passe maintenant à notre deuxième thème, soit investir dans leur développement. L'efficacité des Forces canadiennes dépend dans une large mesure des connaissances et des compétences individuelles de nos militaires. Pour investir dans leur développement, les Forces canadiennes affectent des ressources considérables principalement à l'instruction et au perfectionnement professionnel. Certaines de nos autres initiatives sont aussi énumérées dans la documentation que vous avez reçue.
En investissant dans l'instruction et le perfectionnement de nos militaires, non seulement nous assurons leur développement, mais encore nous faisons le pari qu'ils investiront à leur tour dans les Forces canadiennes en restant avec nous.
Je passe maintenant à mon troisième point, leur donner confiance en l'avenir. Nous continuons de nous occuper de nos gens et d'investir dans leur développement pour leur donner confiance en l'avenir, mais ma seule présence devant ce comité contribuera à donner confiance à nos gens. Votre comité montre ainsi qu'il attache une réelle importance au bien-être des membres des Forces canadiennes et ceux-ci savent que vous êtes soucieux de défendre leurs intérêts.
Même si les défis sont nombreux, notre force réside dans notre vision: s'occuper de nos gens, investir dans leur développement et leur donner confiance en l'avenir.
[Français]
Je suis maintenant prêt à répondre à des questions.
[Traduction]
Le sénateur Cordy: Nous avons eu le plaisir de visiter la côte Ouest pour rencontrer le personnel militaire et nous visiterons maintenant la côte Est en janvier. Nous avons rencontré un personnel exceptionnel qui fait un très bon travail pour notre pays. Nous tenons à vous le signaler et à ceux qui nous écoutent.
Les militaires nous ont aussi parlé des progrès qui ont été accomplis relativement à la solde. Un représentant du centre de ressources a dit que, malgré cette amélioration, les journalistes posent encore des questions à propos de militaires qui comptent sur les banques d'aliments. Ce problème n'existe cependant plus à cause des améliorations qui ont été faites et je vous en félicite.
J'ai aussi parlé à des gens qui étaient heureux qu'on ait instauré une indemnité régionale de vie chère pour le logement. Cela leur permet de choisir s'ils veulent habiter les logements militaires ou à l'extérieur de la base. L'indemnité leur permet de faire un choix.
Le rapport sur la qualité de vie contenait 89 recommandations, et, là-dessus, les Forces canadiennes ont donné suite à 63. C'est beaucoup. Qu'arrive-t-il aux 26 autres recommandations? Font- elles partie du même groupe? Quels genres de problèmes n'a-t-on toujours pas résolus et pourquoi?
Le lgén Couture: Merci de ce que vous avez dit au sujet de la qualité et du dévouement de nos militaires. Je suis certain que ceux qui nous écoutent vous en seront reconnaissants. Je pense qu'ils méritent de tels compliments.
Certaines des 26 recommandations qui restent portent sur les mêmes choses, mais d'autres portent sur des sujets distincts. Nous nous occuperons de celles qui restent au cours des prochains mois et années.
Le gouvernement a accepté ces recommandations et nous jugeons que c'est important.
Je vais vous donner un exemple de notre engagement à améliorer et à maintenir la qualité de vie de nos effectifs. Quand nous avons commencé à donner suite aux recommandations, nous avons créé un bureau de gestion de projet, ce qu'on fait d'habitude pour une brève période et, une fois que le projet est terminé, ceux qui s'en occupaient reprennent leurs fonctions ordinaires.
Comme ce n'est pas ce que je voulais faire, nous avons créé une direction générale de la qualité de vie. C'est devenu une direction générale permanente qui va continuer de donner suite aux recommandations du rapport. La direction générale surveillera aussi la qualité de vie des effectifs et s'occupera d'autres problèmes. Elle sera à l'écoute de la chaîne de commandement et des membres du personnel et nous transmettra les renseignements. La qualité de vie ne se limite pas à une amélioration de la solde. Elle dépend de toutes sortes de choses.
Une recommandation à laquelle on n'a pas encore donné suite est de verser la solde toutes les deux semaines. Nous examinerons cette recommandation de plus près, mais elle exigera plus de travail que nous ne le pensions au départ. Une autre recommandation en suspens était de charger un comité d'examiner la façon dont on fixe la solde militaire. Nous y travaillons. Il y en a quelques autres. Nous conservons toujours les mêmes piliers. Ces piliers sont la famille, la solde et les avantages sociaux et le soutien. J'ai une équipe qui s'occupe de chacun de ces piliers.
Le sénateur Cordy: Je suis heureuse d'apprendre que l'on continuera de s'occuper de la qualité de vie.
Je voudrais soulever une question dont le sénateur Day a discuté tantôt avec la vérificatrice générale. Je veux parler des vêtements. Apparemment, les vêtements sont conçus pour les hommes et non pas pour les femmes. Un homme m'a dit que sa femme était militaire et ne pouvait pas trouver de chaussures assez petites pour elle. Même si l'on a la chance de trouver une chaussure de la bonne longueur, les chaussures pour hommes sont trop larges. Il y a aussi le fait que les femmes doivent porter des chemises plutôt que des chemisiers et des pantalons conçus pour les hommes. Vous occupez-vous de ce problème?
Le lgén Couture: Oui. J'ai moi-même deux filles et je suis au courant du problème.
Le sénateur Cordy: Ce sera une bonne chose.
Le lgén Couture: Je ne sais pas pourquoi nous ne nous en étions pas rendu compte auparavant. Quand nous commandions des chaussures de combat, nous pensions qu'il suffisait de commander une taille plus petite pour les femmes vu qu'elles ont les pieds plus petits, mais ce n'est pas le cas. C'est la même chose pour les autres pièces de vêtement. Nous avons raccourci un peu la crosse de fusil. Nous avons aussi été obligés de modifier le dispositif de visée.
Vous avez tout à fait raison. Nous examinons le problème et nous aurons bientôt des vêtements conçus spécialement pour les femmes. Le général Hearn présidait le comité national de l'habillement.
Le brigadier général T.M. Hearn, OMM, CD, directeur général, Politiques et planification en ressources humaines (militaires): Merci, sénateur, c'est une question importante. Les militaires nous ont signalé qu'il fallait s'occuper de certains problèmes, dont les chaussures. Il y a aussi d'autres problèmes pour les membres de l'armée de terre, de la marine et de la force aérienne qui sont enceintes. Les vêtements prévus ne leur vont pas. Nous sommes en train de mettre au point une nouvelle ligne de vêtements pour résoudre les problèmes. Nous avons déjà lancé un projet pour résoudre les problèmes non seulement pour l'uniforme des Forces canadiennes que nous portons aujourd'hui, par exemple, mais aussi pour certains des vêtements opérationnels que portent les femmes.
Le sénateur Cordy: Vous avez parlé de RX 2000 et de certaines choses que vous faites pour les services médicaux. Je fais partie d'un autre comité qui examine le système de soins de santé du Canada. Il y a certainement un bon nombre de défis à relever dans ce système aussi.
L'une des grandes faiblesses du système a trait aux services de santé mentale et aux soins donnés aux personnes souffrant d'une maladie mentale. Je voudrais parler à cet égard du syndrome de stress post-traumatique.
La réputation du Canada pour le maintien de la paix est bien méritée.
Il semble cependant que nous ayons déjà envoyé des gens participer à des missions de maintien de la paix qui n'étaient pas préparés mentalement à ce qu'ils allaient voir. Nous savons maintenant très bien que ces gens ont des problèmes quand ils rentrent au Canada. Que faites-vous à cet égard?
Apparemment, il y en a qui quittent le service militaire avant que les symptômes du syndrome de stress post-traumatique n'apparaissent. Ils prennent leur retraite ou quittent le service militaire pour d'autres raisons avant. Vous occupez-vous de ceux qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique, mais qui ont déjà quitté le service militaire? Vous occupez-vous encore d'eux?
Le lgén Couture: Merci de la question. C'est une chose très importante pour nous aussi. Avant de demander au Dr Cameron de vous parler des aspects médicaux de cette question, je vais parler de la politique et de la chaîne de commandement.
Il y a encore quelques années, nous n'étions même pas au courant de l'existence de ce syndrome. Nous savons maintenant depuis 10 ans que les régions où servent nos militaires ne sont pas comme d'autres régions d'opération. Nous étions mal préparés à ce qui arriverait quand nos militaires rentreraient au Canada. Nous y étions mal préparés parce que nous n'avions pas prévu le genre d'opérations auxquelles ils feraient face.
Nous en avons beaucoup appris depuis. Nos services se sont bien améliorés. Je ne veux pas dire que la situation est idéale, mais nous avons investi beaucoup d'efforts, d'énergie et d'argent pour nous attaquer au problème. Nous avons créé un réseau de cliniques de stress opérationnel partout dans le pays.
Nous nous sommes occupés non seulement du traitement, mais de la préparation de nos militaires. Nous en avons appris un peu plus au sujet du syndrome de stress post-traumatique. Nous sommes peut-être mieux en mesure de préparer nos militaires et de leur dire à quoi s'attendre et comment réagir.
Il importe aussi que les supérieurs de ces militaires soient en mesure de reconnaître les symptômes du syndrome lorsqu'ils se manifestent en mission. Ils devraient au moins en savoir assez pour préparer les militaires à faire face aux horreurs qu'ils risquent de voir.
Nous avons créé un centre conjointement avec le ministère des Anciens combattants à Ottawa, qui s'occupe des blessés. Le centre accueille ceux qui ont quitté le service et qui ont des problèmes à cause de leur service militaire et ils peuvent s'adresser au centre pour savoir où obtenir un traitement approprié.
Comme vous le savez, quand quelqu'un quitte le service avec un problème médical quelconque, c'est le ministère des Anciens combattants qui s'occupe de lui. Cependant, nous restons en contact avec les anciens militaires par l'entremise de ce ministère et du centre.
Les militaires qui éprouvent des symptômes après avoir quitté le service devraient communiquer avec un bureau des Anciens combattants n'importe où au pays. S'ils doivent voir quelqu'un pour déterminer s'ils souffrent du syndrome de stress post- traumatique, notre clinique s'en occupera. De concert avec le ministère des Anciens combattants, nous trouvons les meilleurs moyens de nous occuper de ces personnes.
Comme vous le savez, ceux qui souffrent de ce syndrome se sentent parfois diminués. Ils ne veulent pas parler à leurs amis parce qu'ils ont peur qu'on les traite de peureux. Ils doivent pouvoir parler à quelqu'un.
En mai dernier, nous avons lancé un projet que nous appelons le «système de soutien social pour les victimes de blessures liées au stress professionnel.» Ce sera un réseau national et il a trois objectifs.
Le premier objectif consiste à fournir un soutien social aux militaires à l'extérieur du monde médical.
Le centre fournit un soutien social aux victimes du syndrome de stress post-traumatique pour qu'ils puissent apprendre à faire face à la vie.
La deuxième chose consiste à nous occuper de la formation avant le déploiement. Cette formation est-elle suffisante? Est-elle donnée au bon endroit? Peut-on l'améliorer?
La troisième chose consiste à voir ce que nous faisons au moment de ce que je pourrais appeler le debriefing ou le syndrome post-déploiement.
Le sénateur Cordy: Quand vous parlez de formation, voulez-vous parler de la formation avant le déploiement pour une mission de maintien de la paix? Voulez-vous dire qu'il faudra changer la façon dont vous formez ceux qui sont sur le point de participer à une mission?
Le lgén Couture: Les militaires reçoivent déjà beaucoup de formation, mais cette formation est-elle suffisante? Est-elle appropriée? Je ne le sais pas encore. J'ai donc demandé à notre équipe d'examiner la situation et de voir si la formation est appropriée ou non. Si elle ne l'est pas, que faudrait-il faire pour la rendre plus appropriée pour de telles opérations?
Le sénateur Cordy: Vous avez parlé du fait que les gens n'osent pas se déclarer. C'est certainement le cas dans la vie civile. Il faut admettre que la maladie mentale est encore mal vue et cela comprend aussi les maladies causées par le stress.
Le fait que les militaires vivent en vase clos aggrave-t-il le problème? Les militaires ont peur d'aller voir leur supérieur pour dire qu'ils souffrent de stress. Ils ont peur que cela les empêche d'obtenir de l'avancement.
Est-ce que vous avez constaté ce genre de chose parmi les militaires?
Le lgén Couture: Oui, surtout chez les hommes. Est-ce une caractéristique des hommes? Je l'ignore; je ne suis pas expert en la matière. Bien des gens me disent qu'ils ont peur de dire qu'ils ont un problème. D'abord, ils ne veulent pas qu'on pense qu'ils sont le maillon le plus faible de la chaîne. Ils ne veulent pas qu'on dise qu'ils ne peuvent pas faire leur part. Les gens n'aiment pas être ciblés ou mis dans une telle catégorie. C'est peut-être une chose qui les empêche d'obtenir l'aide dont ils auraient besoin.
Ils pensent que s'ils avouent qu'ils ont un problème et que l'on constate qu'ils ne peuvent plus fonctionner dans les forces armées à cause de leur état de santé, nous pourrions leur donner leur congé. C'est une chose que certains craignent. Nous essayons de changer cette attitude.
L'un des mandats du groupe est l'éducation. Je ne veux pas dire l'éducation des personnes qui souffrent de ce syndrome parce qu'elles savent ce que cela veut dire, mais plutôt l'éducation de ceux qui les entourent et de ceux qui font partie de la chaîne de commandement. Je ne veux pas parler des militaires à mon propre niveau parce que nous savons ce qu'il faut faire. Je veux parler des niveaux inférieurs, c'est-à-dire des sous-officiers supérieurs et des officiers subalternes, ceux qui ne comprennent pas vraiment ce qu'est le syndrome de stress post-traumatique.
Le groupe de soutien social que nous sommes en train de mettre sur pied sera notamment chargé de l'éducation des sous-officiers supérieurs et des officiers subalternes. Si l'on constate que quelqu'un souffre du syndrome, on pourra l'aider au lieu de l'écarter.
Mon objectif ici, c'est de traiter ces gens le plus rapidement possible pour qu'ils puissent sentir qu'ils sont encore une fois de vrais militaires et qu'ils font partie de l'équipe. Je ne veux pas simplement les traiter et les réintégrer dans la vie civile. Je veux qu'ils recommencent à fonctionner comme militaires.
Le colonel Scott Cameron, directeur, Politique de santé auprès de l'état-major du directeur général, Services de santé, ministère de la Défense nationale: Le général Couture vous a donné une réponse complète. En février dernier, les Forces canadiennes ont annoncé une politique importante dans ce domaine, soit le fait que les renseignements personnels de santé sont maintenant absolument confidentiels et ne sont fournis à personne d'autre que le fournisseur de soins de santé. Cela a déjà beaucoup aidé et continuera d'aider les gens à avoir davantage confiance pour obtenir les soins nécessaires.
L'accès rapide à des soins est important dans ces cas. Plus l'accès aux soins est rapide, plus il est facile de gérer ces cas, les chances de succès sont alors meilleures et le système fonctionne mieux. Plusieurs initiatives prises depuis un an et demi ont amélioré les choses. Le système de soutien social pour les victimes de blessures liées au stress professionnel, dont nous, du secteur médical, faisons partie, aidera à combler le vide entre les éléments médicaux et non médicaux de ces problèmes, parce que ce sont deux composantes dont il faut s'occuper simultanément et efficacement.
L'autre initiative est le Programme d'aide aux membres des Forces canadiennes, qui permet aux gens d'avoir accès à de l'aide d'une manière tout à fait confidentielle. Il permet souvent de les orienter dans la bonne direction.
Nous avons encore beaucoup à faire pour ces cas, non seulement dans le monde militaire, mais dans l'ensemble de l'Amérique du Nord. Certaines des solutions que nous recherchons ne sont pas encore connues, mais dans le secteur militaire, nous tenons particulièrement à être à l'avant-garde du progrès dans la compréhension de ces problèmes et de leurs solutions pour nos membres. Les éléments que vous avez mentionnés sont très importants. Par exemple, l'identification des personnes à risque avant leur départ afin de les préparer à mieux réagir au stress auquel elles feront face, car il est bien préférable d'empêcher les gens de tomber malade que d'essayer de les traiter à leur retour.
Le sénateur Cordy: Les renseignements médicaux fournis par un patient à un médecin militaire sont quand même protégés par le secret professionnel?
Le col Cameron: Oui.
Le président: Serait-il compliqué pour vous de nous fournir une liste des recommandations dont vous ne vous êtes pas occupés? Pourriez-vous inclure celles que vous avez choisi de ne pas mettre en oeuvre? Veuillez nous parler des recommandations que vous êtes en train de mettre en oeuvre et nous dire quel progrès vous avez réalisé dans le cas de chacune d'elles.
Le lgén Couture: Très bien. Nous avons mis en oeuvre 63 des 98 recommandations et il nous en reste encore 26.
J'ai des documents à ce sujet à mon bureau. Nous vous les ferons parvenir d'ici quelques jours.
Le sénateur Banks: Êtes-vous au courant du rapport fait au Sénat l'an dernier par le sénateur Cohen à ce sujet? Le comité de l'autre endroit parcourt actuellement le pays dans le cadre de son étude de cette question. Le Sénat, comme d'habitude, a déjà fait ce travail avant que l'autre endroit le fasse et a présenté son rapport l'an dernier. Si vous ne connaissez pas ce rapport, je suis persuadé que nous pouvons vous en faire parvenir un exemplaire. Il était révélateur.
Le lgén Couture: Quand vous parlez de «l'autre endroit», parlez-vous de la Chambre des communes?
Le sénateur Banks: En effet.
Le président: Est-ce qu'on l'appelle autrement?
Le lgén Couture: Je ne sais pas. Je suis un simple soldat. Je connais effectivement le rapport.
Le sénateur Banks: Avez-vous eu l'occasion d'entendre certaines des questions que nous posions aux membres du Bureau du vérificateur général et à la vérificatrice elle-même?
Vous avez mentionné dans vos remarques qu'il s'agit d'une force combattante. La vérificatrice générale est d'avis que cela devrait être également une force de combat bien administrée, en particulier en ce qui concerne la comptabilisation des 11 milliards de dollars qu'elle dépense. Je sais que vous n'êtes pas directement concerné par les questions de logistique et de matériel du quartier-maître. Utilise-t-on encore cette expression?
Le lgén Couture: Oui.
Le sénateur Banks: Par ailleurs, vous êtes responsable de dépenses qui représentent la moitié du budget militaire. Êtes-vous satisfait de la gestion de ces fonds, et la vérificatrice générale était-elle satisfaite de la façon dont vous administrez votre portion de ces 11 milliards de dollars?
Le lgén Couture: Une réponse simple à une telle question serait de dire oui, mais je ne pense pas qu'il serait injuste de répondre par un oui sans réserve. Nous avons en effet des secteurs qu'il faut améliorer, et nous nous efforçons d'améliorer notre gestion.
Il y a par exemple des dépenses de personnel liées au recrutement, à la formation, au maintien de l'effectif, à la qualité de vie et ainsi de suite. Le coût des soins de santé augmente à une vitesse alarmante.
Le sénateur Banks: Il en est ainsi partout.
Le lgén Couture: Oui. Le coût de la formation de nos membres est également à la hausse. Nous devons former plus de personnes afin de maintenir nos effectifs au niveau de 60 000, comme nous y oblige le gouvernement. Cependant, sans ressources supplémentaires, tant humaines que financières, dans le secteur de la formation, nous devons trouver de meilleures façons de fournir ce type de formation. Pourrions-nous mieux gérer nos ressources? Il y a évidemment toujours place à de l'amélioration.
Suis-je satisfait de ce que nous faisons? Non, je demande à mon personnel de trouver de meilleures façons d'assurer la formation à un plus grand nombre de personnes avec les ressources dont nous disposons présentement.
La situation est la même dans le cas des soins de santé. Nous sommes en train de modifier notre système de soins de santé et de le rendre mieux adapté aux demandes de notre personnel. Nous savons que cela coûte cher, mais je demande aussi à notre directeur général des services de santé d'optimiser nos ressources, c'est-à-dire d'en obtenir le plus pour notre argent.
La vérificatrice générale dira probablement que le coût de la formation augmente, et qu'on pourrait améliorer la proportion entre le nombre de formateurs et de participants. Il est plus élevé dans la vie civile que dans le secteur militaire, mais je ne pense pas que nous devions comparer avec la façon dont les gens sont formés dans la vie civile, parce que nous préparons une force de combat et nous formons des techniciens à l'intérieur d'une force de combat.
Le sénateur Banks: Il est malheureux que vous n'assuriez pas une formation suffisamment différente pour empêcher qu'on vienne constamment puiser dans vos effectifs.
Le lgén Couture: Nous avons des gens de qualité.
Le sénateur Banks: J'ai déjà posé cette question à la vérificatrice générale. Le MDN a dit il y a quelques années qu'il économiserait quelques centaines de millions de dollars grâce à l'impartition. Je suppose qu'il s'agirait en partie de marchés, mais je suppose également que cela toucherait aussi des fonctions de personnel, et je présume que c'est de votre ressort.
Le lgén Couture: Certainement.
Le sénateur Banks: Pouvez-vous nous dire comment cela fonctionne? Cela fonctionne-t-il? Est-ce efficace? Réalisez-vous de votre côté les économies que vous escomptiez? Existe-t-il un risque, quand on parle d'impartition, que ce soit auprès d'une entreprise privée ou autrement, d'y trouver une solution symbolique à court terme, qui deviendrait un obstacle à long terme? Comment cela fonctionne-t-il du côté du personnel?
Le lgén Couture: Je crains justement qu'on ait recours à une solution à court terme qui deviendrait un problème à long terme, de sorte que cela coûtera cher dans quelques années.
En ce qui concerne le personnel, on peut envisager ce que j'appelle des «services de remplacement», plutôt que des «différents modes de prestation de services.» Prenons comme exemple la fonction de recrutement. C'est une fonction complexe et l'on pourrait peut-être donner en sous-traitance une partie de cette fonction ou encore la faire effectuer différemment par des personnes qui ne seraient pas nécessairement en uniforme. Nous examinons cette question.
Le sénateur Banks: Vous parlez du recrutement?
Le lgén Couture: Le processus de recrutement comporte certains éléments qui pourraient être assurés par quelqu'un d'autre. Nous examinons cette question. Il n'y a personne qui soit mieux placé que quelqu'un en uniforme pour recruter une autre personne dans les forces armées. Cela ne changera jamais. Cependant, quelqu'un d'autre qu'une personne en uniforme pourrait s'occuper des formulaires. Cependant, pour attirer les gens, il faut quelqu'un en uniforme.
En ce qui concerne la formation technique, je ne pense pas que nous puissions impartir la formation dans les métiers de l'infanterie, des corps de blindés, de l'artillerie, ou encore des forces navale ou aérienne, bien qu'on ait parfois dans l'industrie des métiers semblables à ceux des membres des forces aérienne et navale.
Un grand nombre de collèges communautaires du Canada forment des gens dans les mêmes domaines de compétence. Nous avons examiné leurs programmes d'études et nous les avons comparés à nos propres exigences dans les forces armées. Nous avons un programme de reconnaissance des titres de compétence et nous reconnaissons la formation que ces collèges fournissent aux jeunes Canadiens. Lorsque nous enrôlons ces jeunes Canadiens, ils n'ont pas besoin d'obtenir la formation technique dans nos écoles. Nous les recrutons et nous les envoyons à l'école des recrues pour en faire du personnel militaire. Lorsqu'ils ont terminé le cours de personnel militaire, nous devons parfois «militariser» leurs connaissances, et nous avons donc organisé un cours spécialement conçu pour eux, d'une durée de quatre à six semaines tout au plus, plutôt qu'un cours d'un an dans une école technique. Ensuite, on les affecte à une unité. Nous pouvons les utiliser beaucoup plus rapidement.
Le sénateur Banks: Ils vous coûtent aussi moins cher.
Le lgén Couture: Bien sûr. Nous pouvons obtenir plus de gens avec les mêmes ressources dont nous disposons présentement en reconnaissant la formation reçue dans les écoles civiles. Dans le cas de certains autres métiers, nous les envoyons directement à l'école des recrues, puis à l'unité, parce qu'ils ont toute la formation dont nous avons besoin. C'est une autre façon de voir la chose.
Nous demandons également à ces collèges s'ils ne pourraient pas donner la formation à notre place, ou fournir des instructeurs. Nous examinons également cette possibilité. Depuis l'an dernier, nous reconnaissons la formation donnée par des collèges communautaires, et nous enrôlons immédiatement les diplômés de ces collèges dans l'école des recrues pour y «militariser» leurs connaissances. Nous offrons des incitatifs pour les attirer, nous leur accordons des primes et de l'argent pour les indemniser du fait qu'ils se sont occupés eux-mêmes d'obtenir leur propre formation et leur propre éducation. Nous économisons ainsi beaucoup d'argent.
Le sénateur Banks: Je vais faire une petite publicité pour le secteur de la musique. Vous avez dit à quel point il convenait que des gens en uniforme s'occupent du recrutement. Il y a un certain élément d'émotion qui entre dans le recrutement des forces armées dans tous les pays du monde.
Presque tous les grands pays du monde utilisent leurs musiques militaires comme outils de recrutement. C'est certainement le cas des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Cependant, à moins que les choses aient changé ces dernières années, les Forces armées canadiennes utilisent leurs quelques musiques militaires lors de dîners régimentaires, de défilés militaires et c'est à peu près tout. Il y en a plus maintenant qu'il y a deux ans, de sorte que la situation s'améliore.
Je vous engage à y penser. Je sais que cela semble peut-être frivole pour un officier qui a été au combat, mais tout comme il faut un militaire en uniforme pour effectuer le recrutement, on peut attirer l'attention de beaucoup de gens sur cet homme en uniforme, s'il se tient devant une musique militaire. Il y a 25 ans que j'exhorte les officiers supérieurs qui sont préoccupés par les problèmes d'effectifs militaires à faire comme tous les autres pays du monde, qui utilisent leurs musiques militaires et, dans une certaine mesure, constituent leurs musiques militaires dans le but de faire des relations publiques, de recruter et d'arborer le drapeau, de manière générale, devant la population. C'est un commentaire que je fais, au lieu de poser une question.
Le président: Le sénateur Banks a présenté un argument sérieux sur lequel nous sommes tous d'accord, je pense.
Le sénateur Wiebe: J'aimerais parler des réserves pendant un instant. Existe-t-il encore un programme de formation des officiers au sein des brigades de réserve du Canada?
Le lgén Couture: Oui, il y a un programme intitulé Programme de formation des officiers de la Force régulière. Le nom a changé, mais le programme est exactement le même.
Le sénateur Wiebe: Le PFOR concerne les gens qui fréquentent une université?
Le lgén Couture: Le Programme de formation pour les officiers (intégration à la Réserve) est un programme de formation universitaire subventionné dans une université civile ou au Collège militaire royal du Canada. Nous avons quelques réservistes qui fréquentent le Collège militaire royal du Canada dans le cadre de ce programme. Ils suivent exactement le même programme de cours et la même formation que tous les autres officiers sur le campus. Je n'ai pas les chiffres, mais il y a un bon nombre d'officiers qui y sont formés.
Pour les réservistes qui fréquentent une université civile et qui ne sont pas directement subventionnés par les forces armées, mais qui sont membres d'une unité de réserve, nous avons un programme de formation intitulé Programme d'intégration à la Réserve - Officiers (PIRO). Chaque été, ils suivent une partie de leur programme de formation. Après deux, trois ou quatre ans, selon le programme, ils deviennent des lieutenants parfaitement compétents.
L'an dernier, afin d'encourager ces jeunes officiers à continuer de faire partie de la Réserve après leur formation universitaire, nous avons offert un très petit incitatif financier. Nous remboursons 2 000 $ par année, jusqu'à concurrence de 8 000 $ pour quatre ans d'université, aux officiers qui continuent de faire partie de la Réserve. Ils sont payés après chaque année d'université. Nous faisons la même chose pour les militaires du rang.
Le sénateur Wiebe: Oui, je suis au courant. Existe-t-il de la formation pour un officier au niveau de la brigade? Par exemple, si un médecin veut s'enrôler dans les réserves, en raison de sa formation, il deviendrait probablement sous-lieutenant.
Le lgén Couture: Ou peut-être capitaine.
Le sénateur Wiebe: Est-ce qu'il y a une formation de cette sorte au niveau de la brigade? Je sais que cela existait en 1954, quand j'étais élève-officier. Le même type de formation est-il encore disponible aujourd'hui?
Le lgén Couture: Dans le cas des professionnels, pour utiliser votre exemple, un médecin pourrait obtenir une formation de chirurgien.
Le sénateur Wiebe: Je me demande si quelqu'un qui n'a jamais eu de formation militaire, ou s'il en a eu c'était seulement comme simple soldat, peut s'enrôler dans les réserves. Existe-t-il un programme pour permettre à une telle personne d'obtenir une formation d'officier au niveau de la brigade ou de l'unité?
Le lgén Couture: La plupart des officiers passent par le programme de formation appelé PIRO. C'est celui que je connais le mieux, parce que c'est le programme de l'armée. Dans la marine, les gens entrent directement et vont à l'école navale, qui se trouve à Québec. Je pense que c'est la même chose dans la force aérienne. Les gens s'enrôlent directement et obtiennent une formation d'officier. Il y a un cours pour les recrues qui est donné pendant un certain nombre de fins de semaine et de soirées durant l'année. Il y a ensuite la phase estivale, où la formation est donnée à plein temps. À la fin de l'été, ils retournent à l'école ou à leur emploi, puis ils servent dans l'unité. Ils suivent ensuite le programme d'instruction collective de cette unité.
Le sénateur Wiebe: Je suis heureux de l'entendre.
Le bgén Hearn: Pour des raisons d'efficacité, les brigades reconnaissent les cours réguliers, mais en réalité, chaque jour qu'un réserviste sert, il est en formation. C'est l'essence même de la vie d'un réserviste. Pendant l'été et au cours de l'année, il y a des cours réguliers administrés au niveau de la brigade. Une grande partie de la formation au sein de l'unité se fait après les premiers cours.
Le sénateur Wiebe: Dans l'ensemble du Canada, combien d'officiers terminent le programme de formation pour la réserve chaque année?
Le lgén Couture: C'est une bonne question. Je n'ai pas ce chiffre sous les yeux, mais je pourrai vous le fournir. Je ne veux pas vous donner un chiffre inexact.
Le sénateur Wiebe: La semaine dernière, lorsque nous avons reçu le général Jeffrey, chef d'état-major de l'Armée de terre, nous avons parlé de certains des problèmes qui existent dans la Réserve de l'Armée de terre; il n'y a pas suffisamment d'officiers compétents au niveau de la Réserve pour s'occuper d'une partie de la formation. Cela m'amène à ma prochaine question. Vous avez mentionné dans votre exposé, que cette année, 488 officiers et militaires du rang sont passés des réserves à la Force régulière. Encourage-t-on la réduction de la formation au niveau de la Réserve? Comment allons-nous résoudre le problème du nombre d'officiers de réserve au niveau de la brigade et à celui de l'unité?
Le lgén Couture: C'est une très bonne question. Le transfert de l'armée de réserve à l'armée régulière s'est accru au cours des ans. Nous prévoyons que le nombre de transferts sera encore plus élevé d'ici la fin de l'exercice financier.
Devrions-nous décourager cela? Je ne le pense pas, parce que si nous n'encourageons pas les membres de la Réserve à se joindre à la Force régulière, nous risquons de les perdre quand même. Ils ne voudront peut-être pas rester dans la Réserve. Nous aimerions à un moment donné voir des membres de la Force régulière retourner à la Réserve. Nous prévoyons nous occuper de cette question dans un avenir rapproché.
Le niveau d'attrition au sein de la Réserve, niveau qui est un peu plus élevé dans l'Armée que dans les trois autres réserves, est l'un des principaux problèmes auxquels nous faisons face aujourd'hui. Chaque fois que nous perdons quelqu'un, il faut le remplacer par une nouvelle recrue. Nous devons nous assurer de ne pas laisser le niveau de compétence trop diminuer, parce que le niveau de formation en souffrira. Nous nous retrouverons alors devant encore plus de difficultés.
Je ne peux pas faire de commentaire sur le problème dont le général Jeffery a parlé au sujet de l'armée. Cependant, je suis au courant de son existence.
Lorsque nous discutons du passage d'une composante militaire à l'autre, nous nous demandons si nous devrions y mettre fin, le contrôler, ou le décourager. Je pense que la réponse est non, parce que l'expérience nous montre que les gens vont partir de toute manière. La majorité de ceux qui passent à la Force régulière sont ceux qui ont servi à temps plein avec l'unité lors d'une opération ou dans un autre contexte. Lorsqu'ils reviennent, ils veulent s'engager pour un peu plus longtemps. C'est le type de gens que nous avons.
Le sénateur Wiebe: J'imagine que c'est en partie dû au salaire versé pour le travail à temps plein, par opposition au salaire versé pour un travail à temps partiel. Je suis d'accord avec vous pour dire que nous ne devrions certainement pas décourager un réserviste de s'enrôler dans la Force régulière. Le ministère a-t-il envisagé de garder ce réserviste comme un régulier à cette unité pour continuer la formation jusqu'à ce que cette unité ou cette brigade finisse de former des officiers pour prendre sa place?
Le lgén Couture: Il faut examiner cette question. Cependant, étant donné la pénurie d'officiers et de militaires du rang dans la Force régulière à l'heure actuelle, lorsque nous obtenons un nouveau diplômé, nous avons déjà un endroit où l'affecter.
Le sénateur Wiebe: Dites-vous qu'il est difficile de dire quelle est la cause et quel est l'effet? Si nous voulons essayer d'encourager 3 000 nouvelles recrues à s'enrôler dans les réserves chaque année pendant les trois prochaines années, vous aurez besoin d'officiers pour assurer leur formation.
Le lgén Couture: Oui, et il est question de plus de 3 000. Cette année, nous avons plus de 4 000 personnes qui veulent s'enrôler dans les réserves. L'armée est sur le point de fixer son objectif pour l'an prochain. Avant de me donner le nombre de recrues recherchées, l'armée devra examiner sa capacité de formation. C'est bien beau d'amener les gens à s'enrôler, mais il faut s'assurer de pouvoir les former. Le commandant de l'armée m'a dit l'autre jour qu'avant de me donner son chiffre définitif pour le prochain exercice financier, il a besoin d'examiner sa capacité de formation. On examine donc cette question. Quelle solution trouvera-t-on? Je l'ignore pour l'instant.
Le bgén Hearn: Sénateur, parmi les 488 militaires qui sont passés d'une composante à l'autre, 60 étaient des officiers. Ils faisaient partie de l'armée pour la plupart, comme mon patron l'a dit. Effectivement, chaque fois qu'on perd un officier dans une réserve, cela fait mal. Il est difficile de dire non à un jeune homme ou à une jeune femme qui veut être membre de la Force régulière.
Le sénateur Wiebe: Je veux poser ma dernière question au Dr Cameron. Elle porte sur le syndrome de stress post-traumatique. J'ai été très heureux d'entendre le lieutenant-général dire que les forces armées examinaient les différents types de théâtres d'opération où nos forces sont déployées et les types de formation qu'on leur donnera avant le départ.
Je sais que vous avez eu peu de temps, mais avez-vous eu la possibilité d'effectuer une étude quelconque pour déterminer quel type de théâtre d'opération influe sur l'incidence du syndrome de stress post-traumatique au retour?
Le col Cameron: Nous ne l'avons pas fait. Comme vous le savez, nos centres de soutien pour trauma et stress opérationnels (CSTSO) fonctionnent maintenant depuis environ deux ans. Nous sommes en train d'établir une base de données sur les patients afin d'effectuer certains types d'études. On en a fait dans d'autres pays, mais pas spécifiquement en ce qui concerne des opérations de maintien de la paix. La situation est en train de changer, mais la plus grande partie de la documentation concernant le syndrome de stress post-traumatique concerne des conflits armés.
Il existe de plus en plus de documentation concernant des statistiques et des études relatives au maintien de la paix, mais la plus grande partie des informations provient d'études concernant les conflits armés. La documentation révèle par exemple que l'intensité du conflit influence le risque pour les participants de souffrir du syndrome de stress post-traumatique.
En ce qui concerne les missions de maintien de la paix, le nombre de missions influe probablement sur le risque. Pour répondre brièvement à votre question, je dirais que nous n'avons pas fait beaucoup de recherche spécifiquement sur les caractéristiques des théâtres d'opération qui présenteraient plus ou moins de risque.
Le sénateur Wiebe: Êtes-vous en train d'entreprendre une telle étude?
Le col Cameron: Non, pas encore. Nous venons de former le premier groupe de travail chargé d'évaluer les types de recherche qu'on peut faire à partir des informations provenant des CSTSO. Cette étude ne se fait pas actuellement au sein de la direction des services médicaux, mais il se peut fort bien que cela se fasse. Je ne sais pas vraiment si l'on fait un travail de cette nature dans le secteur de la sélection du personnel.
Le lgén Couture: Nous examinons la question du rythme de participation à des opérations.
Le col Cameron: Un autre élément des forces armées effectue des recherches dans ce domaine, notamment en ce qui concerne le rythme de la participation à des opérations. On fait remplir des questionnaires à nos soldats lorsqu'ils sont déployés. La principale étude que nous effectuons présentement consiste à examiner la distribution réelle de cas de maladie mentale au sein des effectifs des Forces canadiennes. Nous voulons identifier les problèmes les plus significatifs en ce qui concerne l'incidence et la prévalence, par comparaison avec la population canadienne, pour voir où se présentent les différences. C'est là que nous concentrons actuellement la plus grande partie de nos efforts.
Le sénateur Wiebe: Je devrais peut-être vous informer de la raison de mon intérêt pour cette question. Je connais deux cas de militaires qui sont revenus de la Bosnie. Nous avons commencé à entendre parler du syndrome de stress post-traumatique dès le retour du premier groupe de Casques bleus qui sont allés là-bas quand, d'après les règles d'engagement, ils pouvaient seulement observer et signaler. Ils pouvaient seulement se tenir là à regarder les atrocités dont ils étaient témoins.
En vertu de nos nouvelles règles d'engagement, nos soldats professionnels peuvent intervenir pour empêcher les atrocités. J'ai rendu visite à nos troupes pendant les première et deuxième parties, et j'ai remarqué toute une différence dans l'attitude de nos Casques bleus après l'entrée en vigueur des nouvelles règles d'engagement. Je pense que les forces armées devraient certainement examiner cet aspect de la question.
Le col Cameron: Certainement. Nous avons appris la même chose. C'est certainement une excellente idée.
Le lgén Couture: Les règles d'engagement sont conçues en vue d'appuyer la mission ou le mandat de la force déployée. Nous devons parfois examiner le mandat et la façon dont la force de maintien de la paix sera déployée dans un théâtre donné pour voir si c'est possible, si c'est faisable ou non.
Le sénateur Wiebe: Nous savons quelles sont les règles d'engagement et le mandat avant d'envoyer nos troupes. Si l'étude montre qu'il faudrait envoyer dans ces théâtres d'opération différents du personnel différent ou ayant une formation différente, j'espère que nous pourrons agir en fonction de cette information.
Le sénateur Banks: Ou si le gouvernement établit les mauvaises règles d'engagement. N'y a-t-il pas eu de cas de syndrome de stress post-traumatique entre 1940-1946 parce que nous n'en savions pas assez pour le reconnaître, ou parce que ce syndrome n'existait pas, ou encore parce qu'on ne lui avait pas donné de nom? Parlions-nous alors de traumatisme dû au bombardement?
Le col Cameron: En effet. Il ne s'agit manifestement pas de nouveaux troubles médicaux. Je suis persuadé que cela existait avant que nous tenions des dossiers. On regarde maintenant les dossiers des anciens combattants qui ont participé à divers conflits, et l'on peut reconnaître ce syndrome, d'après certains symptômes.
Au cours des 10 dernières années en particulier, on a fait des recherches pour parvenir à comprendre exactement les causes de ce syndrome, afin de trouver un traitement efficace et de chercher même à le prévenir. Ces informations se multiplient de façon exponentielle, ce qui nous permet d'améliorer notre compréhension de ce syndrome.
Le lgén Couture: Au cours de la Première Guerre mondiale, on parlait de «traumatisme dû au bombardement». Pendant la Seconde Guerre mondiale, on a parlé «d'épuisement au combat». L'expression «syndrome du stress post-traumatique» est apparue très récemment dans la documentation.
Le sénateur Day: J'ai lu les notes d'information remises lors de votre exposé devant le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes. Vous semblez avoir dit que les problèmes généraux de recrutement étaient résolus. Ensuite, j'ai lu les notes que vous nous avez remises pour votre exposé d'aujourd'hui. Vous y signalez que les problèmes de recrutement présentent des défis.
Cela indiquerait que, pendant ce mois-là, vos collègues qui avaient comparu devant le comité du Sénat vous avaient contacté. C'est encourageant. Voilà donc une bonne nouvelle.
Alors que nous étions à Esquimalt et discutions avec des réservistes à temps plein, c'est-à-dire pleinement à la disposition des forces armées, ceux-ci nous ont parlé de demander d'être intégrés à la Force régulière, car ils disaient aimer ce genre de vie et avaient déjà maintenant une certaine expérience.
Il n'y a pas très longtemps de cela. Certains de ces simples réservistes, des gens qui s'étaient engagés dans la Réserve de leur propre chef, disaient même qu'il serait plus facile de se faire recruter dans la Force régulière, sans rien dire, c'est-à-dire en quittant la Réserve et en faisant une demande sans dire d'où ils venaient.
Le lgén Couture: Sénateur, j'ai bien dit devant le Comité de la défense nationale de la Chambre que la campagne de recrutement se déroulait bien, avec cependant certains problèmes. Il est facile de recruter dans certains corps de métier. Comme je l'ai dit tout à l'heure, cependant, il y a 19 professions qui sont en ce moment à la limite. Dans notre code, le vert c'est bien, le jaune demande une certaine vigilance, et le rouge encore plus.
Ces 19 métiers sont hautement techniques.
Nous avons aujourd'hui les mêmes problèmes que nous avions il y a un mois. Nous avons commencé une campagne de prospection dans les collèges communautaires où ce genre de formation est dispensé. L'essentiel de l'effort va se poursuivre jusqu'au mois de janvier, pour pouvoir nous adresser à ceux qui vont obtenir leur diplôme au mois de mai.
Il est vrai qu'à une certaine époque il était plus facile pour un réserviste de simplement plier bagage, et de se présenter ensuite au centre pour être engagé. S'il parlait de la réserve, tout était ralenti parce que nous avions à vérifier les dossiers. On vérifiait son grade, et cetera. Lorsque nous avons constaté qu'on ne pouvait pas toujours tout vérifier, nous avons changé notre fusil d'épaule. C'était un petit peu excessif. Maintenant les jeunes vont simplement dire à leur officier qu'ils veulent s'engager. Ils remplissent la demande, ce sera dépêché au centre de recrutement, les formalités devraient être réduites. Je sais que dans certains cas il faut attendre longtemps, mais comme je l'ai dit tout à l'heure, on a déjà remédié à une partie du problème et on continue.
Ce que je veux, c'est que ce genre de transfert soit aussi facile que possible. Cela devrait se faire en quelques jours, sans avoir besoin de plusieurs semaines, mais il y aura toujours des exceptions. Quelquefois on a du mal à trouver les dossiers. Pour leur donner l'accréditation qu'ils réclament, nous avons besoin de vérifier leurs qualifications et compétences au moment où ils étaient partis. Il faut aussi vérifier le dossier médical au moment de leur départ, et procéder à un nouvel examen médical. Si ces candidats ont quitté la réserve avec une affection quelconque, cela pourrait dans certaines circonstances faire problème.
Nous ne voulons pas recruter des gens qui ont des antécédents criminels, ou des idéaux qui ne sont pas ceux de la société canadienne.
Certains vous diront donc qu'il faut attendre longtemps, mais nous y travaillons. Nous avons rationalisé la procédure autant que possible. Nous voulons, de proche en proche, l'améliorer.
Le bgén Hearn: Comme l'a dit mon chef à l'autre endroit, nous avons de bons résultats sur le plan du recrutement. Évidemment, si l'on se déplace de base en base dans le pays, il y aura toujours des gens pour dire qu'ils n'ont pas le personnel nécessaire. Il nous faut environ 18 mois pour former une nouvelle recrue au grade de sous-officier. Pour un poste très spécialisé, tel que les techniciens des systèmes de lutte contre l'incendie, il faut quatre années de formation. Il faut de deux à cinq ans pour former un officier. Entre le moment où nous inscrivons quelqu'un sur nos listes, et celui où il va pouvoir rejoindre son unité, son escadron, il se passe pas mal de temps.
Le sénateur Day: Vous avez parlé de votre code de couleurs pour les spécialités, pour les métiers militaires. Est-ce que vous pourriez nous fournir des statistiques, avec des chiffres par catégorie?
Le lgén Couture: Oui. On pourra vous laisser cela avant de partir.
Le sénateur Day: Avez-vous un contrôle de la qualité et des vérifications qui vous permettent ensuite d'avoir des statistiques sur le temps qui s'écoule entre le moment où quelqu'un se présente au recrutement, prête serment, et le moment où il est prêt à recevoir sa formation. Est-ce que vous avez une idée de ce que cela représente?
Le bgén Hearn: Oui. Je rangerai ça par catégorie. Pour la majorité des Canadiens réellement prêts à s'engager au moment où ils se présentent, cela peut se faire en deux semaines. On peut aller jusqu'à quatre semaines. C'est ce que permet le programme. Et si, sur le plan de la vérification de la sécurité, il n'y a rien de douteux et que cela peut se faire en 24 heures, et que par ailleurs vous êtes apte sur le plan physique, vous êtes pris tout de suite.
Beaucoup de ceux qui se présentent viennent d'abord s'informer. Ils reviennent ensuite, et évidemment cela allonge le temps nécessaire.
S'il y a un problème médical, tout sera aussi retardé. Nous avons bien accéléré les choses, et cependant je ne voudrais pas dire que pour tout le monde cela peut se faire en moins de quatre semaines. L'objectif de mon chef est effectivement quatre semaines.
Si vous nous aviez posé la même question il y a deux ou trois ans, la réponse aurait été huit mois. Je dirais, pour être sûr, que cela se situe aujourd'hui entre un et deux mois, selon les centres de recrutement.
Le sénateur Day: Pour ce qui est de ces spécialités pour lesquelles vous cherchez des candidats, vous disiez que vous aviez contacté les collèges communautaires où on leur dispense une formation de base, et ensuite vous les militarisez. Terme intéressant.
Le lgén Couture: C'est le seul mot qui m'est venu à l'esprit. Oui, nous fournissons la formation militaire.
Le sénateur Day: Je comprends. Est-ce que vous nous parlez ici d'une politique pour l'immédiat, ou s'agit-il d'une politique à long terme?
Le lgén Couture: C'est quelque chose de prévu pour le long terme, car certains collèges communautaires forment des gens qui correspondent à notre demande, jusqu'à un certain niveau. Si nous recrutons certains de ces diplômés, pourquoi recommencer à zéro? Cela ne ferait que les ennuyer, puisqu'ils ont déjà acquis ces connaissances. Cette campagne auprès des collèges communautaires est quelque chose qui va rester.
Le sénateur Day: Je ne comprends pas comment le Bureau du logement des Forces canadiennes et le programme de soutien au personnel fonctionnent. Est-ce que vous sous-traitez à l'extérieur, ou s'agit-il d'un nouvel organisme au sein des forces armées? Si c'est cela, est-ce que le patron de cet organisme est en uniforme et relève de vous? Comment est-ce que l'administration de ces organismes fonctionne?
Le lgén Couture: Je vais commencer par l'Agence de soutien du personnel des Forces canadiennes, l'ASPFC.
Le sénateur Day: C'est bien que vous donniez d'abord le nom au long avant l'abréviation.
Le lgén Couture: L'Agence de soutien du personnel des Forces canadiennes, l'ASPFC, appartient aux Forces canadiennes. Ce n'est pas un organisme indépendant. On y retrouve un certain nombre de services, tels que les centres de ressources pour les familles militaires, les magasins CANEX et le régime d'invalidité à long terme destiné aux troupes, plus quelques autres. On y trouve aussi le programme sports et loisirs. Cet organisme s'occupe également des examens du programme de mise en condition physique. Le PDG et le président relèvent de moi.
L'Agence est dotée d'un conseil d'administration, avec pour président, le chef d'état-major. Au conseil d'administration, on trouve le commandant en chef de l'armée, de la marine et de l'armée de l'air, moi, l'officier supérieur responsable de l'étranger, un conseiller juridique et un des sous-ministres qui travaillent avec nous. C'est un organisme qui fait partie de nos structures, et on ne sous-traite pas à l'extérieur.
Je pourrais d'ailleurs organiser une séance d'information spéciale pour vous ou vos collègues, si vous le désirez, portant sur le mandat et le rôle joué par cet ASPFC.
Le sénateur Day: Je vous prends au mot, j'aimerais bien effectivement qu'on ait cette séance d'information.
Le lgén Couture: Nous ferons ce qu'il faut.
Le sénateur Day: Le PDG n'est pas en uniforme?
Le lgén Couture: Jusqu'à il y a 18 mois c'était un officier général, comme moi. Mais nous avons recruté un civil. Les cadres supérieurs de l'Agence sont en général d'anciens militaires.
Dans les bases, nous employons du personnel civil, également d'anciens militaires, ou des membres des familles, les conjoints des militaires.
Le sénateur Day: Sur plusieurs bases, et notamment du côté des activités athlétiques, j'ai vu des membres des PSP porter des uniformes, ou même des T-shirts ou vestes de sport, rouges et noirs, je ne me souviens plus exactement des couleurs. S'agit-il d'une espèce de marque que portent les civils, essaie-t-on de créer le même genre de loyauté que l'on crée à l'égard des régiments, ailleurs?
Le lgén Couture: Probablement. Lorsque nous avons créé l'Agence, la plupart de ceux qui portaient l'uniforme, avant de passer à des fonctions de formation aux sports et aux activités récréatives, sont passés à l'Agence habillés en civil. C'est une question de loyauté. Les nouvelles recrues qui entrent dans l'Agence lui sont très loyales. Et ces couleurs sont une façon de se déclarer. La devise de l'organisation est: «Nous servons ceux qui servent». C'est pour vous donner une idée de leur mentalité.
Le Bureau de logement ne relève pas de mes attributions; c'est mon collègue, le sous-ministre adjoint à l'infrastructure et à l'environnement qui s'en occupe. Le Bureau est là pour gérer le parc résidentiel des Forces canadiennes. Il s'agit des PMQ, les logements familiaux.
Le sénateur Day: Y a-t-il un contrat entre le ministère et le Bureau du logement? Les bâtiments appartiennent à la Défense nationale, mais pour ce qui est des loyers, est-ce que le ministère impose ses décisions au Bureau? Si je comprends bien, cela fonctionne comme un marché, et il y a ensuite des allocations au logement qui sont prévues. Le ministère décide-t-il des loyers, des réparations à faire et des normes en matière de logement pour le personnel?
Le lgén Couture: Nous fournissons effectivement une partie importante de l'argent destiné aux réparations nécessaires sur le plan de l'hygiène et de la sécurité. Une des recommandations du comité de la Chambre, dans son rapport, avait été de réparer les logements familiaux. Le loyer se décide en fonction du marché, le marché local. C'est une politique du Conseil du Trésor qui nous est imposée. C'est fixé en fonction d'une enquête de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL. La réglementation de plafonnement des loyers de la province s'applique. Si le plafond est trop élevé, nous demandons au Bureau de ne pas en tenir compte. Jusqu'à l'an dernier, nous fixions le plafond de l'augmentation du loyer mensuel. Ce sera d'ailleurs cette année la dernière fois que nous le ferons. À partir de septembre, sauf là où le plafonnement provincial s'impose, pour ceux qui vivent dans ces logements familiaux, nous nous en tiendrons à ce que le marché nous indiquera.
La politique de logement des Forces canadiennes prévoit de loger, à un prix abordable, tous nos soldats, où qu'ils soient, et de façon convenable. En général, nous nous adressons au marché local privé, et l'État n'intervient que si le marché local n'a rien de convenable à offrir. Nous faisons régulièrement des sondages pour vérifier. Lorsque le marché local ne suffit pas, l'État intervient. Il y a donc des logements qui sont propriété de l'État. Ce sont ces logements familiaux. Ils sont donc confiés au Bureau du logement, qui s'occupe des loyers et utilise ensuite ces recettes pour les dépenses de fonctionnement, y compris l'entretien, et cetera. Pour les rénovations, pour les investissements d'infrastructure, c'est parfois le ministère qui finance.
Le sénateur Day: Ce bureau du logement est-il un organisme à but lucratif?
Le lgén Couture: Non, mais les comptes de fin d'exercice doivent être équilibrés. Les recettes sont réinvesties en entretien. Ça n'est pas un organisme privé. Ceux qui y travaillent sont des fonctionnaires. Cela fait partie des responsabilités du sous-ministre adjoint à l'infrastructure et à l'environnement.
Le sénateur Day: Lorsque j'aurai ma séance d'information sur le programme de soutien au personnel, je pourrai peut-être poser des questions sur ce bureau.
Le lgén Couture: Je leur poserai la question.
Le sénateur Day: Je pourrais communiquer avec eux moi-même, cela ne me dérange pas.
Le lgén Couture: Cette information pourrait aussi intéresser d'autres sénateurs.
Le président: J'en ai parlé à la greffière.
Le lgén Couture: Nous communiquerons avec la greffière dans ce cas-là.
Le sénateur Day: Certains sénateurs ont entendu parler des difficultés de logement des militaires à la base de Rockcliffe. Il y a des logements familiaux là-bas, mais certaines maisons et certains anciens logements familiaux qui appartenaient au ministère de la Défense nationale ont été vendus ou loués à une autre agence pour loger du personnel non militaire. En d'autres mots, il s'agit de logements subventionnés. Il y a un conflit à l'heure actuelle. Êtes-vous au courant de ce problème? Je pourrai vous en parler à un moment donné.
Le lgén Couture: Vous devriez poser cette question aux gens de l'infrastructure et de l'environnement.
Le sénateur Atkins: À titre d'information, le rapport du sénateur Cohen s'intitulait «Héros méconnus: Perspectives sur la qualité de vie des familles militaires canadiennes». Si cela vous intéresse, elle a présenté une interpellation au Sénat et j'ai pris la parole à ce sujet jeudi dernier pour en clore le débat.
Vous voudriez peut-être savoir que lorsque le chef d'état-major a comparu devant nous, on lui a posé la question suivante: que feriez-vous si vous deviez recevoir plus d'argent?
Le lgén Couture: Voulez-vous ma réponse?
Le sénateur Atkins: Je pense que sa réponse vous intéresserait plus.
Le lgén Couture: Je pense que je connais sa réponse.
Le sénateur Atkins: Je l'ai dirigé vers trois différents besoins. D'abord, les gens. C'est dans ce domaine qu'il faut déployer nos efforts et investir des fonds supplémentaires.
Lorsqu'on lui a demandé si cela voulait dire les initiatives de qualité de vie, de recrutement et de formation, il a répondu: «Les trois».
Qu'est-ce que le Centre médical de la Défense nationale est devenu?
Le lgén Couture: L'immeuble ou la fonction?
Le sénateur Atkins: Le tout. Qu'est-ce qui l'a remplacé?
Le lgén Couture: Le Centre de santé de la Région de la capitale nationale est un centre qui regroupe des professionnels dans le domaine médical qui fournissent des soins de santé aux militaires dans la région de la capitale nationale. Le CMDN était un hôpital au plein sens du terme. En 1994-1995, dans le cadre de l'Opération Phoenix, nous avons commencé à restructurer les services de santé afin de mettre l'accent sur les services de santé fournis lors des déploiements et afin d'avoir un peu plus recours au secteur civil dans ce domaine. Nous étions d'avis que nous pouvions acheter certains services à un meilleur prix sur le marché civil. Nous nous sommes débarrassés de tous nos hôpitaux à travers le pays. Je pense que nous en avions cinq, y compris le CMDN. Il faudrait investir des millions pour réparer l'immeuble. Il fallait choisir entre réparer l'immeuble et maintenir la clinique ou aller ailleurs.
Le sénateur Atkins: Est-ce que c'était une bonne décision?
Le lgén Couture: Est-ce que c'était une bonne décision en 1995?
Le sénateur Atkins: Oui.
Le lgén Couture: Ce serait mal placé pour moi de faire des commentaires à ce sujet. Je profite de ces services.
Le col Cameron: La meilleure et d'ailleurs la seule solution pour maintenir le niveau de nos médecins est de leur donner la possibilité d'exercer auprès de malades qui leur permettront de rester à jour. Nos chirurgiens doivent opérer des accidentés, nos anesthésistes doivent avoir affaire à des sujets qui souffrent de traumatismes multiples ou de complications. C'est vrai pour tout le monde, nos infirmières, nos omnipraticiens, nos adjoints aux médecins, et ainsi de suite.
Les cinq ou six dernières années, nous avons envoyé les gens qui travaillaient auparavant dans des salles d'opération au CMDN dans des hôpitaux civils pour leur donner la possibilité d'exercer auprès de malades qui leur permettront de rester à jour. Nous avons fait cela pour que les médecins qui sont déployés à l'étranger et qui traitent des malades en Bosnie ou ailleurs aient vraiment des compétences supérieures grâce à l'expérience qu'ils ont acquise ici au Canada. Notre réseau est si petit maintenant que nous ne pouvons plus leur donner accès à ce genre de malades ici au Canada. Indépendamment des autres préoccupations à l'origine de la fermeture de nos hôpitaux, faire ce que je viens de décrire est impératif.
Le lgén Couture: Vous m'avez demandé si c'était une bonne décision. Je ne ferai pas de commentaires sur la décision, mais je peux vous dire une chose. Notre système de soins de santé est arrivé à un point où, selon nous, il ne nous fournit pas ce dont nous avons besoin en garnison et lors de nos opérations. C'est la raison pour laquelle nous avons lancé l'initiative RX 2000, pour renouveler notre système de soins de santé. Nous n'allons pas revenir en arrière. Nous n'allons pas ouvrir de nouveau l'hôpital pour les raisons mentionnées par le Dr Cameron. Nous allons restructurer notre système de soins de santé. Il s'agit d'un projet échelonné sur quatre ans que nous avons commencé l'année dernière.
Le sénateur Atkins: Quel est le changement le plus significatif au plan de la culture militaire?
Le lgén Couture: Nous pourrions débattre de la question longuement. Ce qui n'a pas changé, c'est que nos opérations sont fondées sur les valeurs canadiennes auxquelles nous croyons: la démocratie, le respect de la loi et le maintien de l'ordre, la saine gestion publique, l'honnêteté, l'intégrité et le dévouement. La formation et la socialisation des nouveaux soldats sont fondées sur ces valeurs. Cet aspect-là n'a pas changé.
La culture militaire a cependant subi des changements parce que la société a évolué un peu. Aujourd'hui, nos soldats sont plus individualistes qu'auparavant. Il y a plusieurs raisons à cela. Les Forces canadiennes reflètent la société canadienne, et nos soldats ne défendent pas des citoyens canadiens qui sont au Canada à l'heure actuelle. Lorsque nous enrôlons des recrues, notre rôle consiste à mettre l'accent sur leurs qualités afin d'encourager leur dévouement à être au service du pays. Notre seul désavantage est que le service en tant que tel varie. Ce qui est important, c'est de voir le dévouement de nos gens lorsqu'on les regarde. Nous sommes très exigeants et ils fournissent de très bons services. J'en suis très fier.
Le sénateur LaPierre: Il y a des choses plus importantes qu'une question au témoin pour savoir pourquoi ils forment autant d'ingénieurs et pas assez de poètes. Par conséquent, nous devrions lever la séance si nous allons faire notre devoir afin de connaître ce que le reste de l'année nous réserve. Je voudrais céder mon tour. J'enverrai mes questions par écrit.
Le sénateur Wiebe: Il faut des ressources pour former un officier, qu'il soit réserviste ou membre de la Force régulière. Une fois qu'un élève-officier a terminé ses études au Collège militaire royal, est-ce qu'il doit rester au sein des forces armées pendant une période obligatoire après avoir reçu sa commission?
Le lgén Couture: Je crois que oui, mais je ne sais pas pendant combien de temps. Un officier de la force régulière doit servir quatre ans. Il n'y a pas de service obligatoire pour un réserviste. Cependant, les réservistes paient leurs frais de scolarité lorsqu'ils s'inscrivent au Collège militaire. Parfois nous fournissons des livres et nous donnons des bourses, mais je ne me rappelle pas s'il y a une période de service obligatoire pour les réservistes.
Le président: Si vous voulez préciser cela par écrit, cela nous conviendrait.
Le sénateur Day: Je peux répondre à cette question. La réponse est non, mais ils sont tous encouragés à s'affilier à l'unité de la réserve, et la plupart le font.
Le président: Général Couture, au nom du comité, j'aimerais vous dire à vous et aux gens qui vous accompagnent que nous sommes très fiers des Forces canadiennes, extrêmement fiers. Nous croyons que vous et vos collègues faites un travail exceptionnel pour le Canada, et nous voudrions que vous transmettiez ce message à ceux qui travaillent pour vous. Vous nous avez fourni beaucoup d'information très valable aujourd'hui. Nous l'apprécions. Nous espérons en recevoir plus par écrit, et il suffit de communiquer avec notre greffière, Barbara Reynolds.
Si vous me le permettez, chers collègues, j'ai juste une petite motion administrative. Êtes-vous d'accord pour que les documents donnés au comité lors de sa visite d'étude à Victoria et à Winnipeg soient ajoutés en annexe?
Des voix: Adopté.
Le président: Il y a un court compte rendu et ce ne sera pas long.
La séance est levée.