Délibérations du comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 11 - Témoignages du matin
OTTAWA, le mardi 29 janvier 2002
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 10 h 30 pour faire une étude préliminaire des principales questions de défense et de sécurité qui touchent le Canada en vue de la préparation d'un plan de travail détaillé pour des études plus poussées.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Notre comité est le premier comité sénatorial permanent ayant le mandat d'examiner les questions de sécurité et de défense. Actuellement, le comité fait une étude préliminaire des principales questions de défense et de sécurité qui touchent le Canada en vue de la préparation d'un plan de travail détaillé pour des études plus poussées. Nous avons commencé nos travaux en juillet dernier, lors d'audiences officielles à Ottawa, où nous ont été présentés des mémoires détaillés sur la politique de défense, sur les capacités actuelles de la marine, de l'armée de terre et de la force aérienne ainsi que sur les défis qu'elles sont appelées à relever. Au cours de l'automne, nous nous sommes concentrés sur les questions de sécurité et de renseignement ainsi que sur les opérations de défense.
En novembre dernier, notre comité a visité des bases militaires à Esquimalt et à Winnipeg; nous avons pu ainsi obtenir des renseignements de première main au sujet des Forces armées canadiennes. La semaine dernière, nous sommes allés à des bases militaires à Halifax et à Gagetown. Nous avons visité des aéroports et des ports à Montréal, Vancouver et Halifax. La semaine prochaine, nous nous rendons à Washington pour y rencontrer des membres du Congrès, des hautsfonctionnaires de l'administration américaine et des représentants de diverses institutions. Cette visite a plusieurs objectifs: discuter de la contribution du Canada aux efforts déployés depuisle 11 septembre; prendre connaissance des vues du Congrès et de l'administration des États-Unis quant à divers dossiers militaires et de sécurité, actuels ou futurs, et voir comment le Canada s'inscrit dans ces perspectives; promouvoir une meilleure compré hension de la coopération bilatérale pour la sécurité du territoire ainsi que pour les ententes de défense canado-américaines futures; et, en dernier lieu, examiner les questions précises de l'élargisse ment de l'OTAN, du bouclier de défense antimissile, de NORAD, du commandement unifié, des questions touchant la frontière et des mesures pour combattre le terrorisme.
Aujourd'hui, pour discuter du partage des renseignements entre le Canada et les États-Unis, notre témoin est le sous-commissaire de la GRC, M. Garry Loeppky.
Sous-commissaire, bonjour. Nous sommes ravis de vous accueillir ici ce matin. À vous la parole.
M. Garry Loeppky, sous-commissaire, Opérations,Gendarmerie royale du Canada: Je suis moi-même très heureux d'être présent ici ce matin pour vous faire un petit exposé sur l'importante question du partage des renseignements entre nous et nos collègues américains. Certaines des initiatives instaurées pour promouvoir ce partage des renseignements et pour favoriser le travail intégré répondent non seulement aux défis posés par les attentats du 11 septembre mais aussi, chose encore plusimportante, à toute la problématique du crime organisé, du crime transfrontalier et de la sécurisation de nos frontières.
Si vous le voulez bien, je propose de passer un document en revue; ensuite, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et de vous fournir les renseignements jugés utiles pour votre visite de la semaine prochaine aux États-Unis.
En matière d'application des lois, il existe un très haut niveau de coopération entre les forces de l'ordre canadiennes et les forces de l'ordre américaines, qu'il s'agisse du FBI, du Bureau of Alcohol, Tobacco and Firearms ou d'un bon nombre d'autres organismes policiers américains. Ce niveau de coopération existe au niveau le plus élevé, celui du commissaire, et à mon niveau ainsi que, de façon quotidienne, au niveau de travail dans les opérations unifiées. Cette coopération s'étend à tous lesprogrammes, qu'il s'agisse de douanes, d'immigration ou de crime organisé. Bien qu'il existe actuellement une base solide de partage des renseignements, nous cherchons encore à accroître la coopération dans certains secteurs.
Permettez-moi de traiter des programmes les plus structurés. Il y a le Forum sur le crime transfrontalier, le Projet North Star et le concept des équipes intégrées de la police des frontières, une initiative canadienne qui remonte à quelques années et que nous élargissons rapidement. Enfin, je voudrais parler de l'échange d'information que nous avons favorisé et appuyé.
Le Forum sur le crime transfrontalier existe depuis 1977. Des rencontres ont lieu annuellement. Nous y participons. Il est coprésidé par le sous-solliciteur général du Canada et le Deputy Assistant Attorney-General des États-Unis. Je participe à ces réunions-là pour y présenter la perspective des services policiers.
Au sein du Forum sur le crime transfrontalier, il existe un certain nombre de groupes de travail dont celui du renseignement et du partage et de l'échange de renseignements; celui de la coordination et de la coopération générales; celui des poursuites judiciaires, qui s'intéresse principalement aux problèmes de juridiction; celui du télémarketing, dossier transfrontalier de grande importance; et, bien sûr, celui du trafic d'étrangers. C'est une tribune où nous pouvons discuter de la problématique dans chacun de ces secteurs.
Évidemment, l'objectif est d'accroître l'efficacité au moyen d'une plus grande harmonisation des procédures et d'unaccroissement de la coopération, en prenant soin de prendre les devants plutôt que d'attendre que les crises surviennent ou que les problèmes se posent.
Malgré les événements du 11 septembre et certaines mesures qui ont été adoptées en conséquence, la circulation illégale des biens et des personnes entre nos deux pays continue de poser problème. Nous avons une frontière commune de 5 000 milles de long, à la géographie très variée. Bien sûr, comme j'imagine que vous l'avez entendu dire hier soir, les chiffres à eux seuls révèlent l'ampleur des difficultés.
Lors du plus récent Forum sur le crime transfrontalier, celui de juin 2001, nous avons convenu d'entreprendre une évaluation commune de la menace que fait peser dans son ensemble la circulation transfrontalière des armes à feu. Cette situation nous préoccupe depuis un bon moment et nous avons donc décidé d'entreprendre cette étude. Cette évaluation commune de la menace sera présentée au forum à la réunion de juin 2002. C'est un exemple du genre d'initiatives que nous envisageons pour l'avenir. Nous éprouvons des inquiétudes quant à la facilité avec laquelle on peut acquérir des armes à feu aux États-Unis, dont les lois sont différentes des nôtres et permettent plus facilement l'acquisition et la possession d'armes à feu. Nous nous inquiétons également de la facilité avec laquelle ces armes entrent ensuite au Canada et sont très souvent détournées vers des marchés illicites, sur notre territoire. L'évaluation de la menace doit permettre d'évaluer ce genre de choses.
Un autre exemple est celui des explosifs, du vol des explosifs commerciaux et d'autres matières chimiques, que ce soit ici ou aux États-Unis, et le fait que nous ne disposons d'aucune méthode de surveillance de ce qui se passe dans ce domaine sur nos territoires respectifs ou à la frontière.
Lorsque nous faisons l'évaluation d'une menace, nousexaminons les aspects législatifs qui touchent nos capacités d'intervention policière, les obstacles que nous entrevoyons, les questions de juridiction dont j'ai parlé et toute la question de l'identification combinée des suspects et des organisations. Autrement dit, nous faisons l'évaluation d'une menace commune de façon à pouvoir nous concentrer sur des objectifs communs. Dans notre processus d'évaluation de la menace, nous dégageons les tendances et nous nous demandons évidemment si la sécurité nationale est menacée. Nous faisons cela dans la perspective d'un périmètre commun plutôt que dans celle de la frontière. Nous envisageons un processus d'évaluation de la menace qui pèse sur nos deux pays en examinant les enjeux de façon plus générale que nous ne le faisons à l'échelle nationale.
Dans notre processus d'évaluation de la menace, il y a des questions que nous nous posons constamment. Nous faisons cela non seulement pour des raisons de sécurité nationale, mais également pour évaluer la menace, pour comprendre la situation, pour savoir quels obstacles pourraient se dresser devant nous si nous essayions d'entreprendre des enquêtes, que ces obstacles aient trait à la législation, la juridiction, le partage derenseignements ou la communication. Nous en examinons toute une série lorsque nous faisons une évaluation de la menace.
Nous devons régler certains des problèmes qui se répercutent sur les activités policières transfrontalières. Ces dossiers vont se multiplier à mesure que nous mettrons en oeuvre certaines initiatives axées sur le principe de la sécurité nationale.
Voilà donc pour le Forum sur le crime transfrontalier. Cela se tient à un haut niveau. J'y représente les services policiers, avec la perspective de la GRC. L'orientation y est plus stratégique que dans le deuxième secteur que je veux aborder, le Projet North Star.
Le Projet North Star est présidé par quatre personnes, dont un représentant de la GRC. Il a une orientation plus tactique et vise à examiner certains des problèmes auxquels nous sommesconfrontés. Il y a là des représentants, non seulement de la GRC, de la Sûreté du Québec et de la Police provinciale de l'Ontario, mais aussi de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, et du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Le Projet North Star est donc évidemment lié au Forum sur le crimetransfrontalier, mais il a certainement une orientation beaucoup plus tactique. Il s'intéresse de façon générale à la lutte contre les stupéfiants, le crime organisé et le terrorisme. Le Projet North Star se concentre sur un certain nombre de composantes et permet aux législateurs et aux cadres supérieurs de prendre conscience des problèmes qui se posent sur le terrain sur la ligne de front. En réalité, il a un double objectif: informer les dirigeants des problèmes qui se posent et assurer la coordination des enquêtes en cours.
Troisièmement, j'aimerais parler brièvement du concept des équipes intégrées de la police des frontières. C'est une approche proactive qui vise à prendre en compte les renseignements en temps réel provenant des diverses agences qui font partie de ces équipes. Celles-ci sont multidisciplinaires et se concentrent sur les questions frontalières et sur l'intégrité des frontières. Évidem ment, nous tenons compte des divers mandats et des différents objectifs et priorités de chaque agence quand nous lançons des opérations avec les EIPF.
Les États-Unis, compte tenu de certaines des visites que nous y avons effectuées et des événements du 11 septembre, ont fait savoir qu'ils étaient très intéressés par l'idée d'élaborer leur propre programme EIPF; ils sont disposés à le faire de façon très intégrée avec nous. Nous collaborons étroitement en ce qui concerne certaines questions. Nous envisageons notamment le partage et l'utilisation de systèmes de radio communs ainsi que l'utilisation partagée de technologies le long de la frontière, l'intégration de nos renseignements afin de soutenir ces diverses équipes le long de la frontière et la réalisation d'une analyse intégrée de suivi pour voir comment nous pouvons améliorer nos opérations et déceler le cas échéant, les lacunes à combler.
Le concept des EIPF était une nouvelle façon de faire les choses il y a plusieurs années, mais il est maintenant devenu la norme le long de la frontière. Naturellement, certaines des questions sur lesquelles nous continuerons de travailler ont trait aux problèmes de compétence qui se posent dans le cadre d'une véritable intégration. Du côté canadien, on n'a pas ménagé les efforts pour amener les divers ministères fédéraux concernés à participer à l'initiative des équipes spéciales d'application de la loi interorganismes, et nous encourageons une collaboration similaire aux États-Unis. Le but premier est d'identifier les personnes et les organisations qui constituent une menace pour la sécurité nationale, qui utilisent la frontière à leurs propres fins ou qui l'utilisent pour des fins non légitimes, et de faire enquête sur elle.
J'aimerais parler de quelques initiatives récentes concernant le partage de l'information. Un groupe de travail a été constitué à Washington. Le Groupe de travail sur le repérage des terroristes étrangers est actuellement en voie d'être établi. Il comprendra des représentants de tous les organismes d'exécution de la loi des États-Unis et nous y serons représentés par quelqu'un qui y sera détaché.
Nous nous sommes aussi engagés à entreprendre une évalua tion conjointe des menaces avec la patrouille frontalière américai ne et l'INS (les Services américains de l'immigration et de la naturalisation) pour examiner toutes les menaces le long de la frontière et voir comment y faire face.
Pour ce qui est du partage de l'information, qui est une des clés du succès, nous avons toujours eu de bonnes relations de travail, et nous avons naturellement tenté de les améliorer après le 11 septembre. Il y a deux semaines à peine, le commissaire s'est rendu à Washington et a rencontré individuellement les dirigeants de chacun des organismes d'exécution de la loi des États-Unis pour parler d'une approche intégrée le long de la frontière afin de faire face à la menace terroriste. Je dois dire qu'il a reçu un très grand appui au sujet de la collaboration que nous souhaitons assurer. C'est d'autant plus intéressant que la GRC comporte de nombreuses composantes alors qu'aux États-Unis les organismes d'exécution de la loi sont plus fragmentés. Nous avons là l'occasion de contribuer à une approche très intégrée, laquelle reçoit beaucoup d'appui.
Les équipes intégrées de sécurité nationale ont été créées et le personnel est recruté pour faire face aux activités criminelles de groupes terroristes. Les renseignements recueillis par ces équipes, qui seront postées à quatre principaux endroits au Canada, serviront aux équipes intégrées de la police des frontières, les EIPF, et les aideront à mener à bien leurs initiatives. Là où l'on mène des activités transfrontalières, il y a une forte intégration de ce partage de l'information, à l'échelle nationale, pour permettre aux équipes intégrées de la police des frontières d'être plus efficaces.
Nous avons créé un groupe de travail sur les renseignements financiers pour examiner toute la question du financement du terrorisme et des activités connexes. Il a été créé peu après le 11 septembre et on y a détaché quelqu'un du domaine. L'information en provenant est accessible aux EIPF et aux équipes intégrées de sécurité nationale des grands centres, qui effectuent des enquêtes loin de la frontière dans les principaux centres.
Les événements du 11 septembre m'apparaissent comme une grande tragédie, mais j'y vois aussi une grande occasion pour les organismes canadiens d'exécution de la loi d'intégrer leurs propres activités et de les intégrer aussi étroitement avec ce que l'on fait aux États-Unis et à l'échelle internationale. Nous avons eu des rencontres internationales pour parler de terrorisme. À la conférence du G-8 qui portait sur le terrorisme en Italie et ailleurs, on a reconnu la nécessité d'une approche intégrée en matière de renseignements afin de tenir compte de la nouvelle donne.
Le sénateur Cordy: J'aimerais d'abord parler du trafic d'étrangers. Au cours d'un exposé présenté par un agent du FBI qui travaillait pour Interpol, on nous a dit que c'était le marché des drogues qui était le plus lucratif, puis que venaient ensuite la vente d'armes et le trafic de personnes. Toutefois, comme le passage de réfugiés clandestins sévit de plus en plus, cette activité rapportera bientôt plus d'argent aux réseaux du crime organisé que le trafic d'armes. Est-ce que ce pourrait être le cas au Canada et aux États-Unis, ou est-ce que cela ne concerne que l'Europe et l'Asie?
M. Loeppky: Je conviens avec vous que le trafic d'étrangers commence à poser problème. La raison en est que des millions de gens cherchent à entrer en Amérique du Nord et que par conséquent, la situation s'internationalise. Il est important que le Canada commence à traiter de ce problème à l'étranger.
Pour ce qui est du Canada et des États-Unis, un nombre important de demandeurs d'asile au Canada proviennent des États-Unis. Je ne suis pas sûr du pourcentage exact, mais je crois que c'est de l'ordre de 40 p. 100 des revendicateurs du statut de réfugié qui viennent des États-Unis. Nous devons en arriver à des ententes avec les États-Unis au sujet de l'approche du tiers pays sûr, ce sur quoi on travaille au ministère de l'Immigration.
D'après les renseignements que nous avons sur la situation mondiale, de plus en plus de pressions s'exerceront en ce qui concerne le trafic d'étrangers au Canada. Par conséquent, la coopération internationale est essentielle pour faire face à ce type de menace.
Le sénateur Cordy: Comment arrivent la plupart des clandestins au Canada? Est-ce par la voie terrestre ou par mer? Nous savons que quand ils débarquent sur les côtes de la Colombie-Britannique ou de la Nouvelle-Écosse, ils arrivent en grand nombre et que cela attire beaucoup l'attention des médias.
M. Loeppky: Je n'ai pas les chiffres exacts. Je reconnais effectivement que les cas qui attirent le plus l'attention sont ceux où des clandestins arrivent en grand nombre. Toutefois,je crois que la plupart arrivent par voie terrestre. Bien sûr, 40 p. 100 d'entre eux viennent des États-Unis par voie terrestre. Puis, il y en a un nombre élevé qui arrivent par avion. Les arrivées par voie maritime sont relativement peu nombreuses. Toutefois, je n'ai pas les chiffres exacts.
Le sénateur Cordy: Y a-t-il dans ce cas collecte de renseignements et partage avec d'autres compétences? Est-ce ainsi que nous combattons cette forme particulière de criminalité?
M. Loeppky: C'est là que joue l'établissement de ces relations internationales. D'une part, nous avons certainement un rôle à jouer dans la communauté des organismes d'exécution de la loi pour comprendre les pressions qui s'exercent dans d'autres régions du monde. Le commissaire a assisté à différentes rencontres internationales, et il en a présidé d'autres, où il a été précisément question de ces types de pressions. Puis, c'est dans l'arène politique que l'on traite à un niveau supérieur de la condition des personnes déplacées.
Bien sûr, nous devons non seulement participer à une approche plus intégrée de notre collecte de renseignements en Amérique du Nord, mais nous devons aussi le faire à l'extérieur de l'Amérique du Nord pour comprendre les pressions en jeu, savoir où intervient le crime organisé, et pour décider de la façon de traiter de ces questions de façon plus élargie que ce n'est le cas maintenant.
Le sénateur Cordy: Je conçois bien que les commissaires de différents pays se réunissent et partagent de l'information. Vous avez parlé d'un commissaire à la réunion qui a eu lieu aux États-Unis avec des organismes d'exécution de la loi provenant d'un peu partout au pays pour discuter du partage del'information. Toutefois, si j'ai bien compris, dans la police, on a plutôt tendance à garder l'information pour soi. Comment encouragez-vous le partage de l'information au niveau local?
M. Loeppky: Au Canada, nous avons le Service canadien du renseignement de sécurité qui a été créé en 1966 pour faire face à la menace du crime organisé et promouvoir le partage de renseignements entre les services de police.
Naturellement, depuis 1966, les défis ont changé et se sont accrus en ce qui a trait au partage de renseignements. Cependant, des événements comme ceux du 11 septembre ont vraiment changé la situation et il est devenu urgent de faire un bien meilleur travail au niveau du partage de l'information. Au niveau local, il y a plus de 200 opérations policières conjointes au pays. Nous sommes intégrés à d'autres organismes policiers, et d'autres organismes de sécurité des gouvernements fédéral, provinciaux et locaux. Nous dépendons de cet aspect de l'opération.
Par ailleurs, nous tenons régulièrement des téléconférences avec les divers chefs de police au pays, toutes les semaines ou toutes les deux semaines. Ces conférences téléphoniques nous permettent de parler de la nécessité d'une coopération ici au pays de façon à montrer à l'échelle internationale que nos affaires sont en ordre.
Le sénateur Cordy: Quels sont certains des obstacles aux services de police transfrontaliers? C'est plus facile si ces services relèvent entièrement du Canada ou des États-Unis.
M. Loeppky: Il faut reconnaître que notre législation relative à la protection de la vie privée est différente et que parfois le recours constant à certaines dispositions ici au Canada ne s'applique peut-être pas ailleurs. L'un des défis, par exemple, c'est que nous travaillons en étroite collaboration avec Europol, le bureau central de police de l'Europe qui a été créé il y a plusieurs années. Nous travaillons avec eux au niveau stratégique, mais au niveau tactique, il y a des problèmes car les lois sur le respect de la vie privée et sur l'accès à l'information sont différentes. Nous devons donc nous assurer de respecter les droits des Canadiens et l'information qui existe. Les différentes approches de nos systèmes de justice pénale et leur façon de fonctionner constituent pour nous un défi.
Le sénateur Cordy: Nous avons lu au sujet de l'escroquerie par télémarketing qui traverse les frontières. Au Canada, c'est une préoccupation car le télémarketing peut prendre son origine ici et cibler les Américains, ce qui les préoccupe considérablement. En fait, que faisons-nous pour contrer cette escroquerie?
M. Loeppky: Nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues de la Police provinciale de l'Ontario au niveau de leur centre de télémarketing, qui travaille également en étroite collaboration avec les Américains. Nous avons une approche intégrée et nous partageons donc l'information et l'attribution des missions.
Sur le plan pratique, nous avons un certain nombre d'enquêtes dont on a parlé dans les journaux, que ce soit à Montréal ou à Vancouver. Nous avons des groupes de travail qui se penchent sur les dossiers de télémarketing. Ces équipes comprennent non seulement des membres de la GRC mais aussi des agents de la police provinciale et municipale, des membres des commissions de valeurs mobilières provinciales et des représentants des services de police étrangers, qui fournissent les renseignements et font la liaison avec leurs services particuliers mais qui ne participent pas activement à l'enquête.
Pour faire les enquêtes de télémarketing, il est clair qu'il y a en place des groupes de travail composés d'équipes multidisciplinai res qui représentent plusieurs services; elles travaillent en collaboration. Nous avons eu d'excellents succès. Je n'ai pas les statistiques exactes pour ce qui est d'en parler de façon beaucoup plus globale que nous pourrions le faire individuellement.
Le sénateur Cordy: Les lois régissant les escroqueries par télémarketing sont-elles les mêmes partout au pays, dans toutes les provinces?
M. Loeppky: En ce qui a trait au Code criminel, elles sont uniformes. Lorsque les lois provinciales sur les valeurs mobilières sont appliquées, on trouve alors certaines anomalies. Cependant, je dirais qu'elles sont assez uniformes.
Le sénateur Cordy: Vous avez mis sur pied un groupe de travail sur les collectes de fonds à des fins terroristes.Pourriez-vous nous en parler davantage?
M. Loeppky: Le groupe de travail s'occupe d'examiner les organisations qui sont sur la liste des Nations Unies pour ce qui est des activités de collecte de fonds. Le groupe de travail fait par ailleurs des enquêtes à partir de sources non secrètes pour déterminer quelles organisations procèdent à des collectes de fonds à des fins terroristes. Par conséquent, le groupe de travail a remporté pas mal de succès. Il travaille en étroite collaboration avec ses homologues américains qui participent à des initiatives semblables. Ce groupe de travail a été mis sur pied pour mettre l'accent sur les résolutions des Nations Unies concernant la collecte de fonds à des fins terroristes et pour appuyer l'engagement que nous avons pris au G-8 à ce sujet.
Le sénateur Cordy: Il s'agit de faire la différence entre la collecte de fonds à des fins légitimes et la collecte de fonds à des fins terroristes.
M. Loeppky: C'est exact.
Le sénateur Banks: Il y a des organisations dont les activités sont en partie à des fins légitimes et en partie aussi à des fins que l'on soupçonne d'être illégitimes. Sommes-nous toujours d'accord avec l'idée voulant qu'on peut «peindre les dollars en rose» et déterminer qu'une partie de ces dollars serviront à telles fins tandis qu'une autre partie servira à d'autres fins? Est-ce que cela existe toujours? Dans la mesure où cela existe, est-ce que cela nuit à nos efforts pour mettre fin à un mauvais usage de l'argent?
M. Loeppky: Si j'ai bien compris votre question, je ne voudrais pas donner l'impression que nous choisissons au hasard des organismes de collecte de fonds pour les poursuivre. Nos poursuites se fondent plutôt sur l'information que nous recevons de nos collègues, sur l'information que nous recueillons à partir de nos propres enquêtes, ou sur l'information internationaleconcernant divers groupes que nous savons et que nous croyons participer à ce type d'activités.
Il s'agit de mener une enquête, soit une enquête ouverte ou une enquête secrète, pour évaluer exactement quels types d'entreprises se livrent à ce genre d'activités. De toute évidence, lorsqu'on entreprend une enquête - une opération secrète - c'est dans le but d'entamer des poursuites criminelles. Je tiens à souligner que nous ne faisons pas tout simplement enquête sur toutes les organisations. L'opération se fonde plutôt sur l'information que nous recevons, lorsque nous avons des motifs raisonnables de croire qu'une organisation se prête à des activités de collecte de fonds à des fins illicites.
Le sénateur Banks: Croyez-vous que vous avez réussi, ou que le Canada a réussi, à mettre fin aux activités de la plupart des organisations qui, jusqu'à aujourd'hui, ont recueilli des fonds à des fins malfaisantes?
M. Loeppky: Il est difficile de répondre à cette question, car bon nombre des organisations, comme nous l'avons constaté, n'utilisent pas nécessairement un type de système bancaire légitime. Elles utilisent plutôt différentes approches qui ne se prêtent pas facilement à un suivi des actifs ou des transactions financières. Nous avons remporté certains succès, mais il reste certainement encore du travail à faire pour vraiment comprendre comment l'argent parvient à certaines de ces organisations, ce qui leur permet de financer les activités terroristes. C'est là l'un de nos objectifs qui consistent à constamment en apprendre à ce sujet.
Le sénateur Banks: D'après ce que j'ai lu dans les journaux et d'après ce que les gens que je connaisse me disent, il semblerait qu'un pourcentage disproportionné des opérations d'escroquerie de télémarketing au Canada sont basées à Montréal. Pourquoi est-ce le cas à votre avis?
M. Loeppky: C'est peut-être parce que Montréal a été l'une des premières régions, si j'ai bonne mémoire, où l'on a entrepris une enquête importante sur la fraude par télémarketing. Lorsqu'on entreprend une telle enquête, cela mène à d'autres types d'informations. Cela mène à l'élaboration d'une basse de données de ce que comporte ce type d'opérations, cela permet de comprendre les approches qui sont adoptées et de progresser plus rapidement, en reconnaissant qu'il est important de transmettre ces connaissances dans toute l'organisation et dans tout le pays. Il est clair que Montréal est un grand centre métropolitain.
Nous avons été informés qu'il y avait une importante fraude par télémarketing et nous avons alors mis sur pied un groupe de travail. Je crois que Montréal a été la première région où nous avons créé un groupe de travail pour se pencher sur la fraude par télémarketing, de sorte que Montréal a peut-être une plus grande visibilité, mais il n'y a pas peut-être davantage d'activités de fraude par télémarketing qu'il y en a à Vancouver ou à Toronto où nous avons également des groupes de travail qui examinent ce problème à l'heure actuelle.
Le sénateur Meighen: Commissaire, vous avez mentionné que vous travaillez particulièrement en étroite collaboration avec la Police provinciale de l'Ontario dans le dossier du télémarketing. Étant donné que nous venons tout juste d'apprendre que bon nombre de fraudes par télémarketing se font à partir de la région de Montréal, quelle est votre relation à cet égard avec la Sûreté du Québec?
M. Loeppky: Nous avons d'excellentes relations avec la Sûreté du Québec. Nous participons à divers projets conjoints,notamment à des enquêtes sur le télémarketing. Sans vouloir ressusciter un vieux dossier, le projet Springtime, qui date du printemps dernier, était une opération qui a été menée par la Sûreté du Québec en étroite collaboration avec la GRC et avec environ 26 forces policières.
Pour l'application de la loi, le niveau de collaboration est excellent. Ce sont d'excellents partenaires, qu'il s'agissed'enquêter sur le crime organisé ou de nous aider dans nos initiatives de sécurité nationale depuis le 11 septembre. La Sûreté du Québec et la police de la Communauté urbaine de Montréal se sont montrées des partenaires très fiables.
Le sénateur Banks: Est-ce que cela a toujours été le cas? Y a-t-il jamais eu une réticence initiale de la part de ces services de police en ce qui concerne le télémarketing?
M. Loeppky: Au niveau opérationnel, sur le terrain, la collaboration est excellente. Je pense que cela a toujours été comme ça, quels que soient les problèmes qui aient pu surgir, tant au niveau politique qu'au niveau des cadres supérieurs. Sur le plan opérationnel, la collaboration et la coopération ont toujours été bonnes.
D'après mes discussions avec le sous-commissaire dans la région et le commandant au Québec, nous entretenons des relations très solides et les relations de travail sont excellentes avec ces services de police.
Le sénateur Banks: Étant donné que vous êtes directement concerné, vous êtes au courant des nombreux effortsinternationaux que l'on déploie pour coopérer en matière d'antiterrorisme, de sécurité des frontières, et cetera. Y a-t-il des points de friction entre les Canadiens et les Américains dont vous pourriez nous informer pour nous aider dans nos rapports avec nos homologues américains? Je suppose qu'il doit y avoir certaines divergences étant donné que nos lois et sociétés sont différentes. Y a-t-il des points de friction particuliers sur lesquels vous pourriez nous éclairer?
M. Loeppky: Il y a certainement un secteur dans lequel nous devons faire des progrès et nous en parlons depuis un certain temps. Nous devons en effet discuter davantage d'évaluations communes des menaces, qu'il s'agisse de terrorisme ou de crime organisé. Nous devons collaborer beaucoup plus à ce sujet que nous ne le faisons aujourd'hui.
Je ne puis certainement juger leur façon de structurer leurs services de police. Nous avons d'excellentes relations mais nous traitons avec les organisations de façon assez fragmentée,qu'il s'agisse de la Drug Enforcement Agency, des agences responsables de l'alcool, du tabac et des armes à feu, du FBI ou des douanes américaines.
Nous devons parvenir à une démarche beaucoup plus intégrée de façon à ce que tous les organismes soient regroupés, sans distinction, nous y compris, pour ce qui est du contrôle de ces biens. Pour réunir ces renseignements, nous devons nous débarrasser des cloisonnements traditionnels. Il nous faut une évaluation des menaces qui permette de réunir tous lesrenseignements disponibles. La collaboration est importante et il est quelquefois difficile de traiter avec de nombreux organismes.
Nous ne communiquons pas les renseignements qui doivent être protégés en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels au Canada, mais nous devons parvenir à une interopérabilité des systèmes. Il va falloir progresser sur ce terrain pour que l'on ait accès aux systèmes de base de données dans le contexte des enquêtes.
Par exemple, il nous faut des systèmes grâce auxquels une personne qui est considérée comme terroriste dans un pays, ou a un casier judiciaire dans un pays, puisse être reconnue et accessible de l'autre côté de la frontière afin que nous ayons les mêmes normes et les mêmes références de sécurité périmétrique. L'interopérabilité des systèmes pose un problème. C'est surtout un problème technique, mais il y a également des problèmes législatifs liés à la protection des renseignements personnels.
Je répète qu'entre les organismes, le niveau de coopération est excellent, mais il y a toujours des difficultés lorsque l'on traite avec une multitude d'organismes pour essayer de régler des problèmes particuliers.
Le sénateur Banks: Vous avez parlé de deux points de friction. Tout d'abord, le genre de guerre intestine entre les différentes agences d'exécution de la loi américaines. Deuxièmement, la question des communications entre tous les organismes,internationaux et autres.
Y aurait-il un troisième ordre de friction sur le plan philosophique? Par exemple, pensez-vous que les agences de l'ordre américaines comprennent notre attitude différente face aux armes à feu? J'aimerais que vous ne limitiez pas votre réponse à cet exemple, mais c'est le seul auquel je pense pour le moment.
M. Loeppky: Pour ce qui est des forces de police, nous nous entendons pour dire que nous sommes tenus de veiller à garantir la sécurité de nos citoyens, qu'ils soient au nord ou au sud de la frontière, et de collaborer pour atteindre cet objectif. Il n'y a aucun malentendu à ce sujet.
Toutefois, quand on en arrive à la frontière et aux opérations le long de la frontière, il y a des questions de compétence de part et d'autre de la frontière. Ce ne sont pas des problèmes épineux, mais ce sont certainement des choses qu'il faut examiner, qu'il s'agisse simplement du port d'arme à feu ou d'autres détails du genre. Tout le monde est d'accord pour assurer la sécurité, pour faire ce qu'il faut pour les citoyens d'Amérique du Nord, mais ces problèmes aux frontières devraient être réglés.
Le sénateur Banks: Approfondissons la question des «citoyens d'Amérique du Nord». Supposons que les Américains et les Canadiens puissent dépasser le stade des bagarresjuridictionnelles, à la fois dans leur propre pays et entre les deux pays. Supposons que nous puissions régler les problèmes de communication, les questions de technologie de l'information. On en arrive à la question de l'évaluation de la menace dans un contexte nord-américain. À votre avis, sommes-nous d'accord à cet égard? Ce que nous percevons comme des menaces correspond-il, à toutes fins utiles, à ce que nos partenaires américains considèrent comme des menaces? Sommes-nous d'accord sur ce qui constitue une menace?
M. Loeppky: Là encore, pour ce qui est des services de police, parce que nous opérons dans le même contexte, nous ciblons le même type d'individus et nous échangeons les renseignements que nous avons. Je crois que nous nous entendons bien sur ce qui constitue des menaces. Ce qu'il faudrait, et cela revient à une de vos questions précédentes, ce n'est pas simplement échanger davantage de renseignements entre le Canada et les États-Unis mais également davantage de renseignements venant d'ailleurs. Nous devrions nous assurer que ces renseignements soient intégrés dans le tableau général parce que l'on ne peut gérer les problèmes de frontière sans tenir compte des considérations internationales, du fait surtout de la grande mobilité des personnes dans le monde d'aujourd'hui.
Le sénateur Day: Savez-vous s'il y a un lien entre la fraude dans le télémarketing et le financement à des fins terroristes?
M. Loeppky: Rien ne me permet de le dire pour le moment.
Le sénateur Day: Je suppose que c'est une des choses que vous examinez et que vous suivez à propos du télémarketing. Je me demande où vont tous ces fonds.
D'autre part, hier, on nous a dit qu'il y avait 27 000 réfugiés en situation irrégulière et que 40 p. 100 venaient des États-Unis. À qui appartient-il d'essayer de retrouver ces réfugiés quisembleraient avoir disparu?
M. Loeppky: Voulez-vous dire au Canada?
Le sénateur Day: Oui.
M. Loeppky: C'est Immigration Canada et la GRC qui se partagent cette responsabilité. Nous avons maintenant une équipe spéciale qui s'occupe des mandats non exécutés de l'Immigration. Dans le contexte du renforcement des mesures de sécurité nationale, nous allons étoffer ces équipes. Par exemple, l'équipe du secteur du grand Toronto inclut non seulement nos services, mais des partenaires de la Police provinciale de l'Ontario, de la police métropolitaine de Toronto et d'autres services de police de la région. Nous poursuivons ces mandats et procédons aux arrestations quand les circonstances le permettent. Noustravaillons en étroite collaboration avec Immigration Canada à ce sujet.
Le sénateur Day: La responsabilité première revient-elle d'abord à la GRC pour ce qui est du personnel nécessaire?
M. Loeppky: Oui, pour ce qui est des arrestations elles-mêmes à partir des informations qui nous sont fournies.
Le sénateur Day: La première fois que nous nous sommes vus, vous travailliez au Nouveau-Brunswick du fait d'un contrat. La Gendarmerie royale du Canada s'occupe des services de police dans les provinces et, dans certains cas, dans les villes et villages. Vous nous avez également décrit beaucoup d'autres équipes qui, je suppose, ne travaillent pas à contrat. Pourriez-vous nous expliquer un peu quel personnel et quel budget vous avez pour chacune de ces activités?
M. Loeppky: L'un des avantages d'une force policière nationale est qu'elle a des services policiers à quatre paliers différents: le palier municipal où, grâce à des contrats, nous offrons nos services à des collectivités comme Moncton, Surrey et Hamilton; le palier provincial, dans huit des dix provinces et les territoires; le palier national, où nous sommes la force de police nationale et où nous avons beaucoup d'officiers exerçant le mandat à ce niveau; et, évidemment, le palier international, où nous comptons des agents de liaison. À mon avis, le fait que l'on puisse réunir ces quatre paliers et assurer un échange de renseignements, représente un des grands avantages offerts par une force de police nationale qui dispense divers services à l'échelle du pays.
Quant à l'affectation des ressources humaines, je peux vous donner des chiffres. Quant au nombre de personnesaffectées aux services policiers offerts par contrat, je crois qu'il s'élève à environ 9 500 employés; il y aurait donc environ6 000 personnes affectées à ce que nous appelons les services fédéraux, ce qui inclut divers services comme les EIPF, les programmes anti-drogue et diverses autres initiatives. Quant à la sécurité nationale, j'aimerais signaler que nous sommesresponsables d'un élément important du domaine durenseignement criminel; à la suite des améliorations apportées à la sécurité nationale, nous renforcerons cet élément afin d'améliorer les enquêtes en ce qui a trait à tout ce qui touche la sécurité nationale. Il s'agit vraiment d'un effort de coopération.
Un autre des avantages que ce service présente c'est qu'il s'agit d'une organisation mobile - ainsi les gens passent d'une responsabilité à une autre s'ils ont les compétencesnécessaires - ce qui permet d'avoir une approche vraiment intégrée car les employés comprennent bien dans cescirconstances les exigences plus générales du secteur.
Le sénateur Day: Vous avez parlé d'améliorations au titre de la sécurité nationale. S'agit-il d'une initiative découlant du dernier budget présenté juste avant Noël?
M. Loeppky: C'est exact. Ces améliorations consistent en l'annonce initiale de l'octroi de 59 millions de dollars à la GRC, et du montant annoncé le 12 décembre, soit environ 576 millions de dollars sur une période de six ans.
Le sénateur Day: Ce dernier montant inclut-il le montant initial de 59 millions de dollars?
M. Loeppky: Oui.
Le sénateur Banks: Cela représente environ 80 millions de dollars par année.
M. Loeppky: Environ.
Le sénateur Banks: Combien y a-t-il d'agents de la GRC?
M. Loeppky: Il y a environ 16 000 agents assermentés et quelque 21 000 employés, ou près de 22 000, soit des employés civils qui travaillent dans nos laboratoires et assurent le soutien technique; puis il y a également les simples employés ou fonctionnaires.
Le sénateur Day: Pouvez-vous nous dire combiend'organismes gouvernementaux au Canada sont responsables du renseignement de sécurité?
M. Loeppky: Je connais les principaux organismes qui ont tous leur façon particulière de procéder pour recueillir lesrenseignements, comme Douanes Canada, Immigration Canada et le SCRS, en ce qui a trait aux renseignements de sécurité à l'échelle nationale. Il y a également un petit volet renseignement dans d'autres ministères. Une des initiatives que nous avons lancées dans le domaine de la sécurité publique est la création d'un comité présidé par M. Paul Kennedy du ministère du Solliciteur général qui a pour mission d'assurer l'harmonisation de ces services du renseignement.
Le Service canadien des renseignements criminels compte des représentants de Douanes Canada, d'Immigration Canada, du Service correctionnel et du ministère de la Défense nationale qui assurent un soutien sur le terrain. Il s'agit là des principaux intervenants du domaine des renseignements criminels.
Le sénateur Day: Avez-vous dit que M. Paul Kennedy du Bureau du solliciteur général est celui qui essaie de réunir tous ces groupes qui oeuvrent dans le secteur du renseignement?
M. Loeppky: Je ne dirais pas nécessairement que sa mission est de les réunir. Nous avons convenu, au sein de ce comité, d'essayer d'évaluer qui fait quoi dans le domaine durenseignement, la façon dont nous échangeons les renseigne ments; nous nous sommes engagés à assurer un meilleur échange de renseignements. C'est justement ce que vise cette initiative. Cela est lié à l'initiative sur l'interopérabilité dont est responsable Douanes Canada; en effet, cette initiative vise à assurer une meilleure intégration des systèmes.
Le sénateur Day: Quel est le rôle de M. Kennedy au Bureau du solliciteur général?
M. Loeppky: M. Kennedy préside la réunion du Comité de la sécurité publique au sein du portefeuille du solliciteur général. Ce comité se compose de représentants d'une grande partie du secteur public, notamment de la GRC, d'Environnement Canada, de l'Immigration et de l'ADRC. Il a pour objectif de faire une analyse longitudinale des questions de sécurité publique et de proposer des solutions intégrées. Nous y abordons de nombreuses questions de sécurité publique. L'une de nos activités consiste à trouver comment cataloguer les personnes et les activités, comment améliorer la collaboration et partager l'information. Ce travail est en cours.
L'autre comité dont j'ai parlé est un groupe qui se consacre à des formules plus intégrées d'information et de technologie. Il est présidé par Douanes Canada, il se compose de représentants de l'ensemble du secteur public fédéral qui doivent relever des défis et proposer des solutions.
Le sénateur Day: Dans le domaine de la sécurité?
M. Loeppky: Dans le domaine du renseignement et de l'échange d'informations.
Le sénateur Day: On nous a dit qu'Agriculture Canada faisait du renseignement concernant ses activités. Est-ce que cela vous étonne? S'agit-il d'un autre groupe dont vous n'avez pas parlé?
M. Loeppky: C'est un autre groupe, que je connais, qui fait du renseignement dans les domaines qui relèvent de la responsabilité du ministère. Nous devons précisément faire la synthèse des activités des organismes de ce genre, de façon à favoriser la compréhension et le partage.
Le sénateur Day: Est-ce que cela fait partie de l'initiative du groupe de la sécurité publique de Paul Kennedy et du solliciteur général dont vous nous avez parlé?
M. Loeppky: Oui, c'est exact.
Le sénateur Day: Vous n'avez pas parlé du Centre canadien de sécurité des télécommunications ni du renseignementélectronique. Est-ce que ces éléments participent au partage d'informations avec vous?
M. Loeppky: La réunion du Comité de la sécurité publique se consacre davantage aux renseignements criminels qu'au domaine des prévisions du CCST. Notre mandat porte sur la sécurité publique et sur les différentes catégories de renseignements concernant les activités criminelles. Le CCST y est représenté et il exprime son point de vue.
Le sénateur Day: En matière de partage de l'information, y a-t-il de bonnes communications entre la GRC et le Centre canadien de la sécurité des télécommunications?
M. Loeppky: Nous devons considérer ces relations avec le plus grand soin. L'information recueillie par la GRC vise les poursuites criminelles. Nous recueillons de l'information destinée à des enquêtes criminelles, avec l'objectif ultime d'intenter despoursuites. Nous savons par ailleurs que les poursuites pénales comportent une importante obligation de divulgation. Nous respectons cette obligation. C'est pourquoi nous ne nous intéressons pas nécessairement à l'information que le Centre canadien de sécurité des télécommunications a pu recueillir pour d'autres raisons. Nous, ce sont les poursuites pénales qui nous intéressent.
Le sénateur Day: Peut-on miser sur des relations plus étroites entre le SCRS et le CCST?
M. Loeppky: Oui, je pense.
Le sénateur Day: Dans votre exposé, vous avez parlé de la circulation illégale de biens et de personnes entre le Canada et les États-Unis. Je suppose qu'à part certaines exceptions comme les armes à feu, tout ce qui est illégal avant d'avoir franchi la frontière est également illégal une fois arrivé ici. Prenons le cas d'une marchandise envoyée au Canada. Quand vous parlez de «marchandises illégales», elles sont illégales dans un pays comme dans l'autre, n'est-ce pas?
M. Loeppky: C'est exact. Nous parlons ici de drogue, par exemple des amphétamines, ou du marché noir des armes à feu aux États-Unis.
Le sénateur Day: Y a-t-il des armes à feu qui ne sont pas illégales aux États-Unis, et qui deviennent illégales une fois envoyées au Canada parce que notre législation est différente, ou est-ce que vous parlez d'armes à feu qui sont illégales dans les deux pays?
M. Loeppky: Je parle des deux. Essentiellement, on aurait droit de posséder une arme à feu aux États-Unis, à condition d'avoir l'autorisation nécessaire. Dès que cette arme arrive au Canada, elle devient illégale aux termes de notre législation. Dans quelques rares cas, le propriétaire ne sait pas que notre loi est différente, mais le plus souvent, il s'agit d'armes à feu qui sont écoulées sur le marché noir. Parfois, elles ont un propriétaire légitime aux États-Unis, mais le plus souvent, elles proviennent du marché noir américain; ce sont par exemple des armes volées.
Le sénateur Day: Elles sont donc illégales aussi aux États-Unis. Vous parlez d'armes interdites ou à autorisation restreinte aux États-Unis, n'est-ce pas?
M. Loeppky: Oui.
Le sénateur Day: Vous vous consacrez au partaged'information sur les armes à feu et les explosifs, n'est-ce pas? Le problème commun, ce ne sont pas les armes à feu, mais la possibilité qu'elles soient illégales dans les deux pays, n'est-ce pas?
M. Loeppky: Oui, dans les deux pays.
Le sénateur Day: Vous avez expliqué le Projet North Star dans votre exposé. Est-ce que les équipes intégrées de la police des frontières est la concrétisation du Projet North Star, ou s'agit-il de deux initiatives différentes?
M. Loeppky: Les équipes intégrées de la police des frontières résultent de discussions qui se sont tenues au début du Projet North Star, quand nous avons vu qu'il fallait consacrer nos énergies à une équipe multidisciplinaire et multifonctionnelle qui réglerait les problèmes frontaliers au Canada. C'est ainsi que cette équipe a été créée.
Le sénateur Day: Avez-vous une idée du nombre d'agences de renseignement américaines avec lesquelles vous partagez de l'information? Ce n'est pas aussi simple qu'avec la GRC ou le SCRS. Les Américains segmentent leurs activités derenseignement et de police beaucoup plus que nous.
M. Loeppky: Ils ont beaucoup plus d'organismes qui se consacrent au renseignement dans le cadre de leur mandat mais qui s'intéressent aussi, bien souvent, à l'activité criminelle inter-sectorielle. Nous nous occupons essentiellement des gros organismes fédéraux, auxquels s'ajoute un grand nombre de services de police importants ainsi que les différents corps policiers des États. La constitution d'un réseau d'information complet pose donc un véritable défi.
Je fais partie du Comité du crime organisé au sein de l'Association internationale des chefs de police. Au sein de ce comité, on a parlé particulièrement de l'amélioration du partage des renseignements criminels. Après le 11 septembre, l'attention s'est portée sur l'information concernant la sécurité nationale. On peut dire que c'est là un défi pour un certain nombre d'organismes.
Je le répète, nous avons progressé avec le FBI, la Drug Enforcement Agency, le Bureau of Alcohol, Tobacco and Firearms, les Services américains de l'immigration et de la naturalisation et les Douanes américaines; mais il reste encore beaucoup à faire.
Le sénateur Day: Combien d'organismes participent à ces réunions? Une cinquantaine ou une centaine?
M. Loeppky: Oui. Nous avons essentiellement affaire aux agences fédérales, mais il faut aussi s'intéresser auxrenseignements disponibles dans les États et dans les grandes municipalités. Je ne veux désigner personne, car du côté canadien, il faut aussi favoriser l'intégration en ce qui concernel'information que nous partageons avec d'autres organismes chargés de l'application de la loi et la contribution de ces organismes au partage d'information entre tous les participants.
Le sénateur Day: Ma dernière question concerne les postes de resserrement du contrôle à la frontière canado-américaine, notamment en ce qui concerne le contrôle de l'activité criminelle. La formule a été utilisée hier en réponse à une de mes questions concernant l'ouverture des frontières. Vous dites, je crois, que la frontière canado-américaine constitue, pour des raisons nationales et historiques, un outil pratique pour appliquer des lois qui sont très semblables de part et d'autre de la frontière, et pour intercepter ceux qui se livrent à des activités criminelles.
Est-ce à cela que vous faites allusion quand vous parlez d'un «bon poste de resserrement du contrôle?»
M. Loeppky: Cela permet de se concentrer sur un endroit précis en raison de la nature des frontières qui ont toujours soulevé une question de souveraineté. Une frontière a pour but de jouer le rôle de barrière pour garder les gens à l'intérieur ou à l'extérieur. Lorsque nous parlons d'un poste de resserrement du contrôle, c'est simplement pour pouvoir concentrer nos ressources en un lieu qui représente des besoins particuliers; c'est l'occasion de mettre nos efforts en commun.
Le sénateur Day: Si vous pouviez aménager un autre poste entre l'Ontario et le Manitoba, par exemple, ce serait un endroit commode ou les gens se présenteraient, où vous pourriez les soumettre à un contrôle et appliquer vos lois.
M. Loeppky: Ce serait théoriquement possible, mais cela n'aurait pas tout à fait le même impact étant donné qu'au Canada nous appliquons le droit pénal de la même façon à l'échelle nationale. Les exigences d'information sont les mêmes d'un bout à l'autre du pays. Vous avez toutefois raison en ce sens que ce serait commode pour l'application des lois provinciales sur le tabac et les taxes.
Le sénateur Day: Les lois sont assez différentes d'une province à l'autre; il n'y a pas de libre circulation de la main-d'oeuvre entre les provinces. Nous avons de moins en moins de problèmes douaniers entre le Canada et les États-Unis et nous nous dirigeons vers une circulation des personnes beaucoup plus libre. S'il arrivait que le poste de resserrement du contrôle à la frontière disparaisse et que vous vous orientez dans cette direction en assurant une certaine coordination, vos activités s'étendraient à l'échelle du Canada et des États-Unis.
M. Loeppky: Nous devons certainement concentrer nos efforts sur la sécurité du périmètre. Comme je l'ai déjà dit, avec une frontière de 5 000 milles, je ne suis pas certain que nous puissions jamais couvrir entièrement la frontière et je ne suis même pas convaincu que ce soit nécessairement une solution très efficace. Je crois qu'il faut aller au-delà du périmètre et s'attaquer aux problèmes qui contribuent, à l'étranger, aux difficultés que nous connaissons chez nous, que ce soit sur le plan du terrorisme et du crime organisé.
Le sénateur Day: C'est la direction dans laquelle vous allez.
M. Loeppky: Oui, tout à fait.
Le sénateur Atkins: Nous avons parlé du télémarketing et des campagnes de financement. Est-ce que le blanchiment d'argent représente un sérieux défi pour la GRC à l'heure actuelle?
M. Loeppky: Le blanchiment d'argent est certainement un problème. Des unités mixtes des produits de la criminalité ont été mises en place un peu partout au Canada pour relever ce défi. Je crois que nous avons réalisé d'importants progrès. Néanmoins, la complexité des enquêtes sur le blanchiment d'argent et le fait que l'argent peut être transféré d'un pays à l'autre, en l'espace d'une ou deux minutes, par l'entremise de divers systèmes bancaires posent de sérieuses difficultés. Cela ne veut pas dire que ces enquêtes sont impossibles à mener, mais elles sont complexes, longues et coûteuses et elles exigent le déploiement d'importantes ressources. Certaines de nos opérations visant le blanchiment d'argent ont été couronnées de succès, mais nous ne pouvons pas sous-estimer leur complexité, surtout avec la technologie actuelle qui permet de transférer des fonds en quelques secondes. Il est très difficile de suivre leur piste.
Le sénateur Atkins: Que se passe-t-il lorsque des Américains arrivent innocemment à nos frontières avec une arme à feu?
M. Loeppky: À ma connaissance et je ne pense pas me tromper, lorsqu'une personne arrive avec une arme à feu qui est à autorisation restreinte au Canada, ce qui veut dire qu'elle doit être obligatoirement enregistrée comme telle, cette arme est saisie et gardée par les douanes. Si la personne en question a légitimement le droit de posséder cette arme dans son pays d'origine, l'arme lui est restituée par les douanes à son départ du Canada. Je crois que c'est la procédure suivie. C'est la procédure en place.
Le président: C'est si l'arme à feu est déclarée. Que se passe-t-il si les douaniers la trouvent en faisant une fouille?
M. Loeppky: Si elle n'a pas été déclarée et qu'elle est découverte lors d'une fouille, elle est saisie et confisquée parce que c'est alors une arme dissimulée. Il ne s'agit plus d'une erreur innocente. Tout dépend des circonstances, mais il y a une procédure en place. Si l'arme à feu est déclarée de façon légitime, elle est restituée. Autrement, la procédure suivie dépend des circonstances.
Le sénateur Atkins: De nombreux Américains ne connaissent pas nos lois sur le contrôle des armes à feu.
M. Loeppky: C'est exact, mais si l'on examine divers formulaires et avis des douanes, ils permettent aux gens de savoir que le Canada n'a pas les mêmes lois que les États-Unis à l'égard des armes à feu. Si une personne a innocemment une arme en sa possession ou si elle omet de la déclarer, on évalue la situation au cas par cas. Je suppose qu'il arrive parfois qu'une arme à feu soit restituée, même si elle se trouvait dans un véhicule, mais les douaniers devront enquêter pour voir si l'on a cherchédélibérément à la dissimuler et pour déterminer les intentions et les antécédents de l'intéressé. De nombreux facteurs entrent en jeu.
Le sénateur Atkins: Je crois que les agents des douanes à la frontière américaine portent des armes.
M. Loeppky: Oui.
Le sénateur Atkins: Croyez-vous que nos douaniers devraient porter des armes?
M. Loeppky: Bien entendu, c'est une question de point de vue, mais si je peux vous citer le modèle d'intervention que nous utilisons dans notre organisation, tout commence dès le premier contact avec l'intéressé, le plaignant, le demandeur ou la personne qui se présente au comptoir. À partir de ce moment-là, on évalue de façon continue le niveau de menace ou d'affrontement potentiel. L'agent reçoit alors la formation voulue pour appliquer le modèle d'intervention.
Il existe diverses options allant de la discussion verbale - et nous enseignons l'art de la négociation - au poivre de cayenne et au bâton, et même à l'usage de la force létale s'il n'y a pas d'autre solution.
Les armes à feu soulèvent plusieurs problèmes, notamment dans le cas où l'agent se fait dérober son arme qui est alors utilisé contre lui. Si nous examinons la loi, un policier est soumis à de nombreuses restrictions, et à juste titre, pour l'usage de la force. C'est clairement précisé dans le Code criminel. C'est seulement en dernier ressort qu'il peut employer une force létale. S'il est possible, par exemple, de se retirer d'une situation où aucune vie n'est en danger, notre modèle d'intervention nous dit que c'est la bonne décision à prendre.
Si l'on envisage d'armer un bon nombre de gens, je crois que cela nous engagera dans un débat qui va bien au-delà de l'usage de la force. L'image du Canada est également en jeu. Nous sommes considérés, sur la scène internationale, comme une nation pacifique. Le Canada n'est pas vu comme un pays qui a favorisé une prolifération rapide des armes à feu. De nombreux facteurs entrent en jeu.
Le sénateur Atkins: Hier soir, nous avons entendu dire qu'un policier des airs, qui est un agent de la GRC, doit se trouver à bord de tout avion à destination de l'aéroport Reagan.
M. Loeppky: C'est exact. Dans le cadre du programme de sécurité des transporteurs aériens, nous avons des policiers armés à bord des avions.
Le sénateur Atkins: S'agit-il d'une nouvelle division ou d'un nouveau service de la GRC?
M. Loeppky: C'est un secteur de nos opérations de protection que nous sommes en train de renforcer ou même de créer. Ce service est soutenu par notre service de renseignement qui examine les menaces. Bien entendu, lorsqu'on poste des policiers armés à bord des avions, c'est en fonction de la menace, c'est en fonction du profil et de bien d'autres critères, sauf pour l'aéroport international Reagan pour lequel on exige la présence de personnel armé à bord.
Le sénateur Atkins: Ce secteur pourrait devenir assez important.
M. Loeppky: C'est une initiative pour laquelle nous devons certainement faire appel à nos services de renseignement afin de savoir où diriger nos efforts. La GRC et Transport Canada ont l'obligation de travailler en collaboration pour établir où sont les plus hauts risques et où déployer nos ressources de la façon la plus efficace. C'est à nous de gérer ce programme et cela de façon acceptable pour les voyageurs canadiens et le gouvernement canadien.
Le sénateur Atkins: Nous en arrivons donc à la question des effectifs. Considérez-vous que vous avez suffisamment d'effectifs ou qu'ils sont maigres?
M. Loeppky: Il y a plusieurs années, nous avons fait face à certains défis sur le plan des ressources humaines. Il y a deux ans, nous avons voulu renflouer notre unité de dépôt et avons ainsi formé un peu plus de 1 100 personnes, alors que nous en formions de 500 à 600 par an auparavant. À l'heure qu'il est, on ne peut pas vraiment parler de postes à pouvoir en grand nombre dans l'organisation. Toutefois, cela dit, nous réagissons également aux initiatives en matière de sécurité nationale. En effet, nous avons récemment engagé cinq nouvelles troupes dans notre école et pour notre dépôt afin qu'elles soient prêtes à relever les nouveaux défis, lorsqu'ils surgiront, puisque nous reconnaissons qu'il faut d'abord les former.
Le sénateur Meighen: Pouvez-vous nous expliquer en quoi constitue une troupe?
M. Loeppky: Une troupe comprend 30 personnes, soit 150 de plus qui viennent s'ajouter à celles qui sont déjà en cours de formation.
Le sénateur Atkins: Depuis le 11 septembre, la GRC a-t-elle fait l'objet d'un plus grand nombre de demandes?
M. Loeppky: Immédiatement après les événementsdu 11 septembre, nous avons redéployé environ 2 000 individus pour répondre à de nouvelles demandes, telles que l'arrivée des aéronefs sur les deux côtes du pays et dans le Nord. De plus, on nous a demandé un nombre considérable d'agents de plus pour assurer une protection accrue aux représentants officiels du gouvernement canadien et aux diplomates étrangers en poste au Canada. Cette demande a exercé des pressions énormes sur l'organisation.
Le sénateur Atkins: Lorsque nous étions en Nouvelle-Écosse, nous avons entendu dire que la patrouille côtière était à la limite de qu'elle pouvait faire. Ainsi, on parle de un ou de deux agents pour tout le sud de la Nouvelle-Écosse. Sachant cela, comment peut-on être sûr que l'on protège nos intérêts au Canada? Il ne faut pas oublier non plus le problème des postes frontaliers là où la circulation est très limitée et où il y a très peu de surveillance en matière de contrôle frontalier.
M. Loeppky: Pour ce qui est de la Nouvelle-Écosse, nous avons récemment approuvé le déploiement d'un autre grand bâtiment dont disposeront les patrouilles côtières. Jusqu'àmaintenant, il n'existait pas de bâtiment capable de naviguer dans ce type d'eaux. Ce bâtiment, actuellement en construction, sera fonctionnel dès l'an prochain.
Mais nos efforts doivent évidemment porter sur la collecte des renseignements et sur l'élaboration de l'information. Au cours des deux dernières années, nous avons complètement réorganisé notre programme de renseignement d'ordre criminel pour qu'ildevienne plus professionnel et plus ciblé et pour faire en sorte que l'information soit partagée. Le programme s'applique non seulement aux régions côtières, mais il s'applique égalementaux postes frontaliers qui n'ont pas nécessairement d'effectifs 24 heures sur 24. Une des façons de faire est évidemment d'avoir recours à la technologie, mais il est évident que nous devons continuer aussi à mettre l'accent sur le renseignement menant à des enquêtes.
Le sénateur Atkins: Ne sommes-nous pas assez vulnérables devant le marché noir?
M. Loeppky: À mon avis, il n'est pas pratique d'espérer avoir une frontière étanche et pouvoir déployer des gens partout au long de la frontière. Plutôt, nous devons miser sur une unité de renseignement de classe mondiale, ce qui implique partager nos renseignements avec nos partenaires étrangers, notamment les États-Unis et d'autres organisations mondiales. Voilà ce sur quoi nous devons mettre l'accent. Ainsi, nous pourrons miser sur la protection du périmètre plutôt que sur la protection du seul 49e parallèle.
Les équipes intégrées d'application des règles à la frontière oeuvreront à la frontière ainsi que dans les ports et les aéroports pour assurer la sécurité. Elles nous aideront beaucoup en nous permettant de nous attaquer encore mieux aux questionsfrontalières. Je crois savoir que l'on entend utiliser ces équipes au-delà de la simple frontière et de les affecter à la surveillance du périmètre.
Le sénateur Atkins: Certains d'entre nous au comité sommes d'avis que le port de Montréal est une véritable passoire. Je ne suis pas sûr non que la police portuaire a réussi à solutionner le problème, à cause de la présence des syndicats. Comment faire face à la situation qui ne s'améliore certainement pas.
M. Loeppky: L'une des priorités nationales de la Gendarmerie royale du Canada, et nous en avons plusieurs, ce sont justement les ports.
À mon avis, pour régler le problème des ports, il faut que nos efforts collectifs et notre volonté collective en matière de collecte de renseignements soient mis au service de nos partenaires chargés de l'application de la loi et de nos partenaires du gouvernement fédéral dans ces secteurs; il faut considérer le problème comme étant national et pas simplement celui d'un port en particulier, que ce soit Montréal ou Vancouver. Cela devrait nous permettre, à mon avis, de constater que certains enjeux doivent être considérés comme étant nationaux. On peut déjà constater qu'il y a des efforts de collaboration lors des enquêtes. Ainsi, l'une de priorités du Service canadien de renseignements criminels, c'est justement la collecte de renseignements dans les ports nationaux. Lorsqu'il y a des problèmes qui sont bien identifiés, on peut déjà parler de véritable collaboration.
Sénateur Atkins: Existe-t-il à la GRC une unité spéciale ou un groupe quelconque qui pourrait intervenir dans des situations comme celle du port de Montréal pour essayer de résoudre les problèmes qui s'y posent?
M. Loeppky: Chaque fois qu'il s'agit d'enquêtes et de projets de priorité nationale, nous faisons intervenir des équipesmultidisciplinaires, et je parle ici de représentants des douanes, de gens de la sous-direction des drogues et de nos unités s'occupant des produits de la criminalité. Au fil de l'enquête, peu importe le groupe qui aura été ciblé, ces équipes multidisciplinaires ne font pas nécessairement porter tous leurs efforts sur une marchandise en particulier. Elles s'intéressent plutôt à toute la gamme d'activités qui viennent se greffer aux entreprises criminelles. Voilà pourquoi il nous faut avoir recours à des spécialistes représentant tous les milieux d'application de la loi, en incluant les autres ministères des gouvernements fédéral et provinciaux. La réponse, c'est de rassembler nos forces et d'avoir un objectif commun. C'est donc ainsi que sont menées nos enquêtes. Je crois vous avoir mentionné plus tôt que nous avions lancé plusde 200 opérations policières conjointes un peu partout au Canada. Dans certains cas, c'est nous qui menons, alors que dans d'autres cas, ce sont les autres; c'est très bien comme cela, dans la mesure où nous travaillons tous en collaboration.
Sénateur Atkins: À mon avis, c'est la présence de la GRC qui est la plus importante, car la GRC épingle toujours le coupable.
Sénateur Banks: Dans le même ordre d'idée que le sénateur Atkins, supposons qu'il y ait un problème au port de Montréal, par exemple, et que ce problème soit identifiable et confirmé. J'imagine que cela vous est déjà arrivé. Supposonsqu'aujourd'hui, mardi, nous ayons une réunion pour discuter de l'intégration. Quand le problème sera-t-il réglé?
M. Loeppky: Prenons un exemple, celui du projet Springtime ou du projet Shadow de Calgary, destinés à recueillir des renseignements sur un groupe ciblé, soit le Club des motards Outlaws. Une fois que les renseignements sont recueillis, il faut mettre un point un plan opérationnel très serré, assorti de dates d'échéance et de déploiement de votre effectif spécifique, puisque l'opération exige une bonne planification et de bonnes pratiques d'affaires. Il faut ensuite mener l'enquête, tout en sachant que les enquêtes ne sont pas toutes coulées dans le béton et ne donnent pas toutes des résultats. En effet, pendant une enquête criminelle, de nombreuses variables peuvent surgir et obliger à repousser la date d'échéance de l'enquête si la tâche se révèle plus ardue que prévu; il se peut aussi que ces mêmes variables vous mènent à toutes sortes de filières internationales. L'objectif est évidemment pour nous de rompre toutes ces attaches, et de faire bien plus que d'obliger un individu quelconque à fermer boutique. L'objectif, c'est de mettre hors d'état d'agir l'entité faisant partie du crime organisé ou de perturber ses opérations au point où nous puissions lui saisir ses actifs et l'empêcher de fonctionner de l'intérieur. Voilà les méthodes que nous utilisons.
C'est d'ailleurs pour cette raison que la GRC utilise un cadre stratégique dans son processus de planification. La GRC établit les priorités, puis propose des ressources en fonction desrenseignements qu'elle a recueillis et en fonction de certaines dates d'échéance très serrées. C'est une simple questiond'efficacité commerciale.
Le sénateur Banks: Si je vous comprends bien, tout va bien et tout se fait de façon prudente et opportune. Rien ne vous empêche d'aller plus vite, ne serait-ce que les procédures qu'il vous faut suivre. Autrement dit, vous n'avez pas besoin de fonds ni de ressources supplémentaires et aucune paperasse ni bureaucratie ne vous empêchent d'atteindre vos fins, n'est-ce pas?
M. Loeppky: Nous pouvons toujours utiliser plus d'argent, mais nous sommes responsables d'examiner chacune de ces opérations et d'évaluer la menace qu'elles représentent pour la société et l'économie du Canada, puis de déterminer parmi toutes ces menaces celles qui sont les plus importantes.
Nous avons une procédure d'évaluation de la menace très sophistiquée, qui a d'ailleurs été adoptée par l'Australie et plusieurs autres pays, qui nous permet d'évaluer l'importance de la menace qu'une entité du crime organisé peut faire peser sur la sécurité du public et l'économie. On évalue les menaces en fonction de divers critères et on cible celles qui sont les plus importantes.
Le sénateur Meighen: Ma première question vient prolonger celle du sénateur Atkins à propos des navires et de votre nouveau navire approuvé pour la côte Est.
Au Canada, contrairement aux États-Unis, la Garde côtière n'est pas responsable de la prévention des activités criminelles. C'est à vous qu'incombe cette responsabilité, et dans des cas extrêmes, la Garde côtière peut demander l'aide de la marine.
M. Loeppky: C'est exact.
Le sénateur Meighen: Ce navire qui a été approuvé est-il le seul sur la côte sud de la Nouvelle-Écosse ou toute la côte Est?
M. Loeppky: Non. Nous en avons plusieurs au Canada, notamment dans les Maritimes, qui peuvent opérer aussi bien au large qu'à proximité de la côte. Toutefois, celui-ci estparticulièrement important. Nous en avons un à Terre-Neuve et nous en avons plusieurs sur la côte Ouest. Celui-ci va être déployé en Nouvelle-Écosse. Il peut fonctionner dans toutes les conditions de mer et il répondra certainement beaucoup mieux à nos besoins.
Auparavant, quand nous avions une opération d'envergure ou une demande importante en Nouvelle-Écosse ou auNouveau-Brunswick, nous étions obligés de faire venir le navire de Terre-Neuve. Cela posait aussi des problèmes là-bas. Ce nouveau navire va régler le problème.
Le sénateur Meighen: J'imagine que certains des officiers à bord sont armés, mais le navire lui-même a-t-il un armement?
M. Loeppky: Non, il n'y a que les armes des personnes à bord. Cependant, si nous prévoyons de faire une interception ou si nous sommes prévenus que nous risquons de nous trouver dans une situation très risquée, nous embarquons le groupe tactique d'intervention sur le navire.
Ayant personnellement été stationné au Nouveau-Brunswick, je suis convaincu que notre équipe armée d'arraisonnement de navires n'a pas sa pareille dans le monde du maintien de l'ordre. C'est une équipe qui a réussi brillamment de nombreuses missions d'interception en mer, que ce soit pour des saisies de drogue importantes ou pour l'arraisonnement de navires faisant le trafic d'étrangers.
Le sénateur Meighen: Dans le domaine de l'aviation, un avion paria, c'est-à-dire un avion qui ne s'identifie pas et qui n'a pas déposé de plan de vol, va être suivi normalement par les autorités américaines et canadiennes s'il arrive par exemple du Sud. J'imagine que ce n'est pas le cas des navires puisque vous vous appuyez sur les informations qui vous communiquent vos sources ou sur les renseignements que vous communiquent des citoyens qui constatent des activités suspectes sur un navire qui a abordé.
Serait-il utile d'exiger que les navires présentent un plan de navigation?
M. Loeppky: C'est une bonne remarque. Actuellement, à ma connaissance, on n'exige pas ce genre d'information. Nous collaborons avec les douanes, avec le ministère des Pêches et des Océans et avec le ministère de la Défense nationale pour suivre les déplacements des navires, mais nos enquêtes s'appuient essentiellement sur nos renseignements à partir desquels nous posons à ces ministères des questions sur tel ou tel navire ou tel ou tel incident en mer.
Vous me demandez s'il serait utile de répertorier tous les déplacements des navires: Bien sûr que ce serait utile.
Le sénateur Meighen: En ce qui a trait à ceux qu'on appelle les policiers des airs, le ministre a annoncé hier à la Chambre que ces policiers se trouveraient non seulement à bord de tous les aéronefs à destination de l'aéroport national Reagan, mais aussi à bord d'autres avions choisis au hasard mais en fonction d'une évaluation des risques.
D'où proviennent les fonds pour cette mesure? Proviennent-ils des 7,7 milliards de dollars ou des 1,2 milliards de dollars prévus dans le récent budget pour la surveillance des frontières?
M. Loeppky: Oui. Ces fonds proviennent des sommes qui ont été affectées à l'amélioration de la sécurité nationale. Il a été clairement indiqué qu'aucun aéronef ne pourra atterrir à l'aéroport Reagan si un programme de sécurité du transport aérien n'était pas d'abord mis en place. Pour cette raison, le programme a été mis en oeuvre dans les meilleurs délais, compte tenu des besoins de l'industrie canadienne.
Également, et c'est plus important, à l'échelle nationale et internationale, le programme de sécurité des transporteurs aériens comporte un élément de renseignement. Les membres de cette unité de renseignement assureront la liaison avec leurshomologues américains et ceux d'autres organisations de rensei gnement, autant au pays qu'à l'étranger, en vue d'élaborer les profils des vols présentant le plus de risques, puisqu'on reconnaît qu'il est impossible d'assurer à bord de tous les aéronefs la présence d'un policier des airs. Cette présence doit se fonder sur une évaluation des risques et c'est ce à quoi servira ce service.
Le sénateur Meighen: Vous avez abordé la question de l'évaluation conjointe des risques relatifs aux armes à feu et aux explosifs et les préoccupations du Canada dans ces deux domaines. Dans votre mémoire, vous dites que les autorités canadiennes et américaines ne sont pas tenues de faire rapport et qu'il n'existe d'ailleurs aucun système uniforme de rapport relativement aux explosifs et aux armes à feu. Pourriez-vous m'en dire plus long à ce sujet et m'indiquer quelles mesures devraient selon vous être adoptées et si nous agissons assez rapidement pour mettre en place des mesures à ce sujet?
M. Loeppky: En ce qui a trait à l'achat de nitrate d'ammonium et d'autres agents et produits chimiques utilisés dans la fabrication d'explosifs, l'attentat d'Oklahoma City est le parfait exemple de l'utilisation de nitrate d'ammonium et de gazole. Il serait donc très avantageux de mettre en place un système nous permettant d'identifier ceux qui font ce genre d'achats. À l'heure actuelle, il existe une base de données minimale nous permettant de déterminer où ces produits ont été achetés et par qui. Je ne suis pas certain qu'il existe un système officiel de consignation de ces informations. Si vous voulez élaborer un profil des organisations s'adonnant à ce genre d'activité pour évaluer la menace qu'il constitue, il serait bon d'avoir accès à ces informations pour savoir quels produits chimiques sont achetés ou vendus.
Aux États-Unis, une quantité importante d'armes à feu sont détournées vers le marché noir par suite de vol notamment, et il serait bon d'avoir accès directement à ce genre d'information. Cela témoigne de l'importance de l'interfonctionnement des systèmes et de l'accès aux bases de données.
Le sénateur Meighen: Si dans un emplacement donné au Canada ou volait une quantité importante de dynamite ce vol serait signalé et consigné dans votre système d'information.Ces renseignements seraient-ils communiqués aux autorités américaines?
M. Loeppky: Vous mettez le doigt sur une question importan te. Manifestement, s'il s'agit d'un vol important, nous leconsignerons dans notre système. Toutefois, ces informations ne seraient pas communiquées d'office à moins qu'il ne s'agisse d'un vol d'une importance telle qu'il attire l'attention de tous. On fait enquête sur le vol de petites quantités, mais, jusqu'à présent, ces incidents n'ont pas été communiqués de façon systématique. C'est un problème que nous devons régler.
Le sénateur Meighen: Voulez-vous dire que même les vols de petites et moyennes quantités de façon répétée, et qui pourraient signaler le stockage d'une quantité importante, valent la peine d'être signalés et communiqués?
M. Loeppky: Oui.
Le sénateur Meighen: Avant de passer à un autre sujet, nous avons déjà abordé la question des armes à feu illégales, tant aux États-Unis qu'au Canada, question dont on peut traiterrelativement facilement. Toutefois, il y a des armes à feu dont la possession est légale aux États-Unis mais pas au Canada. Nous avons parlé de la différence culturelle qui existe à cet égard entre nos deux pays.
Je vous demanderais de nous aider à faire passer le message lorsque nous nous rendrons à Washington la semaine prochaine. D'après votre expérience, y a-t-il un moyen efficace de faire passer le message à vos homologues américains? Ils ne voient pas la possession d'une arme de poing de la même façon que nous, à condition qu'il s'agisse d'une arme légale aux États-Unis. On nous a suggéré de simplement dire à nos homologues américains, que la loi canadienne interdit d'avoir une arme de poing sans autorité expresse et précise. Aucune explication n'est nécessaire. C'est un simple constat. Est-ce que vos homologues policiers de l'autre côté de la frontière acceptent cette réalité quand vous leur dites que c'est la loi canadienne? Devez-vous leur expliquer la situation en détail?
M. Loeppky: Je crois qu'ils comprennent que c'est la loi, mais cela est en conflit avec leur culture et leurs idées, c'est-à-dire que les citoyens ont le droit de posséder des armes à feu. Les autorités policières américaines respectent la position canadienne, mais sans comprendre vraiment les objectifs de la Loi sur le contrôle des armes à feu ni l'approche restrictive du Canada en matière de possession d'armes à feu.
Il existe un très puissant lobby américain qui partage ce point de vue. En dépit de nos discussions et de nos explications quant à la nécessité d'avoir une loi sur le contrôle des armes à feu, c'est un message qui est peut être entendu mais pas nécessairement compris autant que nous le souhaiterions.
Le sénateur Meighen: Je vous ferai part du résultat de nos discussions avec les législateurs.
Depuis les événements de septembre, croyez-vous que nous partageons autant, ou plus, de renseignements avec des autorités policières étrangères autres que celles aux États-Unis?
M. Loeppky: Nous en faisons beaucoup plus et ce, de diverses façons. Comme je l'ai déjà mentionné, notre directeur du Service de renseignements criminels joue un rôle clé au sein du Groupe de travail du G-8 sur le contre-terrorisme. Nous avons rencontré plusieurs partenaires aux États-Unis et ailleurs avec lesquels nous échangeons des renseignements sur des questions reliées au terrorisme et, ce qui est plus important encore, sur la migration illégale et toutes sortes d'activités reliées au crime organisé. Une bonne partie des activités terroristes sont financées par le biais d'activités criminelles et c'est pourquoi nous avons vraiment renforcé ces partenariats. À la suite des événementsdu 11 septembre, des organisations comme Interpol ontrécemment manifeste un intérêt pour les activités terroristes. Un des vice-présidents d'Interpol est canadien et par conséquent nous avons des liens solides avec ce genre d'organisation. Qui plus est, nous travaillons en étroite collaboration avec divers pays autres que les États-Unis.
Le sénateur Meighen: Puisque nous n'avons aucun service secret de collecte de renseignements à l'étranger, je présume que lors d'échange de renseignements, nous en recevons plus que nous en donnons.
M. Loeppky: C'est exact. À l'étranger, nous ne faisons que recevoir de l'information. Nous ne la recueillons pas. Mais nous fournissons tout de même des renseignements secrets recueillis au Canada, mais cela s'applique à l'étranger, c'est-à-dire à des personnes dans leurs propres pays.
Le sénateur Meighen: Je crois que c'est une bonne idée que les Américains, les Canadiens et d'autres cherchent à partager davantage des renseignements. Personne ne s'oppose à cela, mais je me demande comment les décisions d'échanger del'information sont prises et quelle est la nature des renseignements échangés. Si je veux partager des renseignements, je dois sûrement en obtenir l'autorisation. A-t-on clairement défini quels renseignements on a le droit de partager et ce, en vertu de quelle autorité?
M. Loeppky: Pour ce qui est des renseignements criminels reliés à des activités terroristes, on les partage avec les autorités policières. Nous travaillons en étroite collaboration les uns avec les autres. Prenez, par exemple, l'enquête sur l'affaire Ressam. Ensemble, nous avons trouvé des preuves et des témoins aux fins du procès à Los Angeles.
Sénateur Meighen: Mais c'était après-coup, ou en post facts comme on dirait au palais de justice.
M. Loeppky: C'est exact. C'est un cas où nous nous sommes décarcasser pour leur prêter main-forte dans leur enquête ici au Canada. Les barrières qui existent relatives à l'application de la loi sont surtout des barrières sur le plan de la divulgation.Par exemple, un organisme étranger pourrait recevoir des renseignements d'une source haut placée. La pleine divulgation de ces renseignements aboutit à une poursuite criminelle et une obligation de divulguer davantage. Cependant, certaines barrières existent quant aux renseignements qu'on peut divulguer dans le cas de poursuites criminelles, et c'est le genre de choses que nous sommes en train de régler à l'heure actuelle.
Sénateur Meighen: Qui décide? Supposons que lorsque Ressam se dirigeait vers la frontière, on avait conclu qu'il s'agissait d'un individu dangereux qui avait de mauvaises intentions. Qui fait cette évaluation? Je présume que c'est une évaluation collective, mais qui décide que oui, effectivement, il faut informer les Américains par téléphone qu'une personne douteuse se dirige vers Port Angeles? Comment fonctionne ce processus?
M. Loeppky: Sur le plan opérationnel, la collaboration est quotidienne. Il est encore plus important que les cadres supérieurs de l'organisme s'entendent et s'engagent à faire un échange des renseignements.
Plus tôt j'ai parlé des réunions entre le commissaire et les chefs de tous les organismes, avec lesquels, eux et nous-mêmes, se sont engagés à échanger des renseignements pertinents en ce qui concerne la sécurité et la sûreté dans nos pays respectifs. Ces réunions sont vraiment importantes.
Lorsqu'on parle des barrières qui existent au niveau de l'échange des renseignements, c'est plutôt une question culturelle. Parfois nous avons des renseignements relatifs à un domaine ou bien renseignements qui sont plutôt fragmentés, comme c'est peut-être le cas aujourd'hui. Par conséquent, certains systèmes doivent être adaptés. Mais lorsqu'il s'agit de la sécurité publique, rien n'empêche l'échange des renseignements.
Sénateur Meighen: Si une personne qui, selon nous, constitue un danger à la sécurité publique disparaît, serait-il normal d'informer les Américains que nous avons perdu la trace d'une personne qui, d'après nous, constitue un danger à la sécurité publique?
M. Loeppky: Au Canada et aux États-Unis? Absolument.
Sénateur Meighen: Faut-il énormément de temps pour prendre la décision qu'il faut avertir les autres?
M. Loeppky: Non. Si nous menons une enquête et quelque chose nous porte à croire qu'il y a des filières étrangères ou qu'un organisme étranger pourrait s'y intéresser, nous communiquons avec cet organisme dès le début parce que celui-là pourrait avoir des renseignements qui pourraient nous être utiles.
Sénateur Atkins: La construction d'un navire pour la région du Canada atlantique et pour les provinces maritimes est une bonne nouvelle. Si j'ai bien compris, la GRC ne dispose que d'un seul hélicoptère pour tout le Canada atlantique. Envisagez-vous en avoir d'autres? J'ai l'impression que vous auriez besoin de plus d'un seul hélicoptère.
M. Loeppky: Nous réévaluons constamment les besoins en fonction de l'appui aérien. Depuis le mois dernier, nous avons maintenant un avion Pilatus à Moncton pour desservir cette région. On pourra se servir de cet avion pour faire le déploiement opérationnel et la surveillance des régions côtières. C'est un avion très polyvalent.
Nous disposons d'un seul hélicoptère à Fredericton. Plus d'appui aérien est l'un des aspects présentement à l'étude. Serait-il possible de travailler en partenariat avec les forces armées de Gagetown sur divers dossiers? Il ne faut pas se limiter à l'idée que l'équipement doit appartenir à nous seuls s'il est possible de collaborer avec d'autres organismes pour tirer pleinement profit de l'équipement dans un esprit de partenariat.
Je ne sais pas si l'on envisage de doter les provinces maritimes d'un autre hélicoptère dans les provinces maritimes, mais étant donné le déploiement récent d'un avion dans cette région, je peux dire que c'est un sujet à l'étude.
Sénateur Atkins: Est-ce vrai que vous n'avez qu'un seul hélicoptère?
M. Loeppky: Oui, un seul.
Le président: J'aimerais revenir à la question des policiers des airs qui seront à bord de certains avions. Pourriez-vous décrire, pour la gouverne du comité, comment cet emploi progressif de la force dont vous avez parlé plus tôt pourrait fonctionner dans le cas d'un avion? Mieux vaut avoir un policier armé à bord d'un avion que de se trouver dans une situation où il faut abattre l'avion parce que des terroristes l'ont pris en charge, mais il y a des risques qui découlent du fait que quelqu'un à bord de l'avion est armé.
Est-ce qu'on a changé le genre de munitions dont la police se sert normalement? On nous dit que c'est le Groupe tactique d'intervention qui joue ce rôle à l'heure actuelle. Leurs armes, sont-elles différentes de celles employées par un gendarme qui travailla à forfait pour la police?
M. Loeppky: Leurs armes sont différentes de celles portées par les gendarmes en patrouille.
Nous avons visité divers pays pour évaluer les mesures de sécurité des transporteurs aériens. Tout le monde sait que de telles mesures existent depuis de nombreuses années avec la ligne aérienne El-Al. Ce programme exige une formation très solide qui recherche des caractéristiques physiques rigoureuses ainsi que de grandes aptitudes. Nous avons examiné un certain nombre de ces programmes de divers pays.
Nous avons élaboré un programme de formation qui mettra l'accent sur divers points forts de chacun de ces programmes. Le programme fournira une formation supérieure au niveau de base qu'on exige des policiers des airs actuels. Nous avons maintenant établi un programme et nous formons des gendarmes. Ce programme comprend l'emploi progressif de la force à bord d'un avion ainsi qu'un art poussé de la négociation. On va également offrir des cours pour enseigner certaines compétences, comme le tir, et on va expliquer les divers équipements qu'on pourrait utiliser à bord d'un avion par rapport à ceux utilisés par un gendarme non spécialisé. Nous prenons nos responsabilités très au sérieux en veillant à ce que nos gendarmes soient les mieux formés et les plus qualifiés, parce qu'il s'agit d'une énorme responsabilité.
Le président: Et comment régler le problème dedépressurisation si jamais une balle perce le revêtement de l'aéronef?
M. Loeppky: Le programme de formation comprend cet élément, c'est-à-dire les secteurs vulnérables de l'aéronef, où une dépressurisation pourrait survenir plus vite si jamais une balle frappait un certain endroit par rapport à un autre. Je ne veux pas entrer dans les détails à propos de ces secteurs vulnérables, mais les gendarmes vont savoir où se trouvent ces points critiques de l'avion pour qu'ils les puissent les éviter.
Le président: Quel conseil donnerez-vous aux passagers à bord d'un avion doté d'un policier qui se trouve dans une situation menaçante?
M. Loeppky: Premièrement, je dirais que ces policiers sont bien formés pour faire face à ce genre de situation. Le policier interviendra pour assurer la sécurité des passagers, en veillant à ne pas les blesser. Étant donné le climat qui règne à la suite des événements du 11 septembre, j'imagine que si les passagers décident que la situation est incontrôlable malgré les efforts du policier des airs, l'instinct de suivre va les pousser à intervenir eux-mêmes pour reprendre le contrôle. Je ne suis pas en faveur d'un tel scénario, mais je comprends pourquoi les gens agiront de la sorte, lorsque toutes les autres démarches ont été épuisées.
Le président: Votre message est contradictoire. Vous dites que quelque chose va se passer, mais que vous ne l'approuvez pas?
M. Loeppky: Les policiers des airs sont bien formés et il importe que les passagers le comprennent. Grâce à leur formation, ils savent comment faire face à un terroriste ou à une menace à l'avion. Ils comprennent leurs responsabilités et leur objectif primordial, c'est la sécurité de l'aéronef et de ses passagers. Je conseillerai donc que le policier intervienne dans le but de rétablir la sécurité de l'aéronef.
Cependant, en dépit de tout cela, à supposer que la situation demeure incontrôlable, l'instinct de survie me dit qu'ilspasseraient à l'action.
Le président: Pour ce qui est de la question des frontières et nos inquiétudes concernant le crime organisé dans nos ports, vous nous avez donné l'impression que tout va très bien. Je ne crois pas que notre comité partage cette impression. Nous avons plutôt l'impression que le crime organisé se porte très bien dans nos principaux ports et que les services policiers éprouventénormément de difficultés à s'attaquer à ce genre de criminalité. Nous avons l'impression qu'à cause des pratiques d'embauche, il est possible pour le crime organisé de faire exactement ce qu'il veut dans nos principaux ports. Il est extrêmement difficile pour la police de s'attaquer au problème et de faire quoi que ce soit.
Vous avez parlé d'un plan d'affaires comme s'il était possible de calculer les pertes et profits anticipés et le rendement des investissements en bout de ligne alors qu'il s'agit d'escrocs qui sont là depuis des décennies.
Comment pouvez-vous nous donner une telle réponse,monsieur le commissaire, lorsque dans nos déplacements nous avons constaté une situation très malsaine dans nos ports, dure depuis très longtemps?
M. Loeppky: Comme vous venez de le signaler, la situation entourant les ports n'est pas nouvelle. Par le passé, c'est la police locale qui s'est occupée des problèmes au port de Montréal. Du moins c'est l'idée qu'on s'en fait. Il se peut que ce soit la police de Vancouver qui se soit occupée des problèmes au port de Vancouver. Cependant, le fait demeure que les ports sont simplement un lieu de transit pour l'activité criminelle, qui va bien au-delà des ports.
En partenariat avec d'autres autorités policières, nous avons entrepris une approche intégrée selon laquelle nous regroupons nos efforts, plutôt que de laisser le soin à une seule organisation de s'occuper d'une initiative. Lorsque vous lisez dans les journaux qu'une action policière a été prise à un certain port, il s'agit généralement d'une approche intégrée. Nous considéronsmaintenant les ports comme un défi d'envergure nationale et les partenaires que nous amenons à la table doivent nous prêter assistance de façon beaucoup plus complète que par le passé. Évidemment, cela va bien au-delà du monde du maintien de l'ordre et comprend d'autres ministères fédéraux ainsi que le secteur privé, c'est-à-dire ceux qui gèrent les ports et qui veulent redonner confiance aux Canadiens dans l'intégrité des ports partout au pays.
L'approche intégrée et la collaboration que nécessite le partage de renseignements ont changé. Celui-ci s'est amélioré ces dernières années. On sent beaucoup plus de volonté à partager l'information et cela ne se limite pas au partage des systèmes. Nous avons une base de données au Service canadien de renseignements de sécurité qui examine justement ces questions. Ce qui est encore plus important c'est la question culturelle, c'est-à-dire, le décloisonnement nécessaire pour que tous nos partenaires puissent participer pleinement au maintien de la sécurité nationale. Nous avons une excellente collaboration de la part des forces policières de Vancouver, Montréal, Ottawa,et cetera. Cela crée un rapprochement qui nous permet de nous attaquer aux grandes questions auxquelles nous sommesconfrontés, y compris les ports.
Nous ne sommes pas encore aussi avancés que nous le souhaiterions, et nous nous penchons sur les menaces les plus sérieuses en partenariat plutôt qu'individuellement.
Le président: Il y a deux ans, un de vos collègues estimait qu'entre 85 et 95 p. 100 des cigarettes exportées du Canada revenaient au pays par le biais de trafic illégal. Elles revenaient, semble-t-il, par la réserve d'Akwesasne. Il semblait également indiquer que lorsque les intéressés ne s'adonnaient pas au trafic de cigarettes, il faisait le trafic d'alcool et de personnes. Les médias ont déclaré qu'il s'agissait d'une zone d'accès interdite à la police. Pourriez-vous mettre le comité au courant de cette question et nous dire ce qui se passe là-bas? Est-ce effectivement une zone interdite à la police? Quelle est la situation de notre côté de la frontière et celle du côté américain? Y a-t-il une présence policière dans cette région? Que faisons-nous pour veille à ce que des biens illégaux ne traversent pas la frontière à ces endroits-là et que nous n'avons pas de problèmes de sécurité nationale dans ces régions?
M. Loeppky: Quoique nous n'ayons pas encore formellement mis en place une équipe IBET, il existe une équipe intégrée d'application des règles à Akwesasne. Cette équipe regroupe non seulement diverses organisations policières telles la Gendarmerie royale du Canada, la Police provinciale de l'Ontario et la police locale, mais également la police mohawk d'Akwesasne. Ces groupes travaillent ensemble à combattre le crime, que ce soit la contrebande de produits du tabac ou de personnes. Je ne crois pas qu'on ait toujours fonctionné ainsi.
Le gouvernement a fourni des fonds additionnels pour appuyer cette approche intégrée. Il existe une zone interdite d'accès, qui est respectée par les diverses forces policières travaillant de concert y compris la police mohawk d'Akwesasne. Nous travaillons en étroite collaboration avec eux non seulement sur des questions touchant les réserves, mais également sur des initiatives telles le Sommet des Amériques à Québec. Pendant le sommet, ils ont patrouillé la frontière afin d'empêcher l'entrée de personnes qui avaient l'intention de s'adonner à des activités perturbatrices. Donc, ces policiers travaillent de près avec nous dans toute sorte de domaines.
Le président: Le dernier point à discuter concerne la surveillance civile de vos activités de renseignement. Le SCRS a un groupe de surveillance au sein du CSDI; l'organisation de communication a une agence de surveillance, et la GRC procède à la collecte de renseignements. Que pensez-vous de la création d'une agence de surveillance semblable au CSDI? Croyez-vous qu'un tel groupe serait utile? Aurait-il un rôle à jouer au niveau de la politique gouvernementale? Est-ce que la GRC a une position là-dessus?
M. Loeppky: Une différence importante nous distingue du CCS et du SCRS. Nous recueillons des renseignements, dans le but de poursuivre des criminels. Cela signifie évidemment que nous sommes responsables devant les tribunaux et que le commissaire doit rendre des comptes au ministre. La Commission des plaintes du public contre la GRC enquête sur toutes plaintes portées contre notre organisation. Des particuliers peuvent se plaindre auprès de la Commission, qui fera enquête.
Pour revenir à mon premier point, la GRC collecte des renseignements dans le but de poursuivre les criminels et nous devons justifier nos activités devant les tribunaux, devant le système de justice pénale.
Le président: La matinée a été riche en enseignement et j'aimerais, au nom du comité, vous remercier d'être venu.
M. Loeppky: Je vous félicite pour vos initiatives visant à présenter à nos collègues américains certaines questions dans une perspective canadienne. Comme je l'ai dit plus tôt, nous devons aller au-delà des mentalités qui nous séparent et nous engager à vraiment collaborer.
La séance est levée.