Délibérations du comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 19 - Témoignages (séance de l'après-midi)
OTTAWA, le mercredi 14 août 2002
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 13 h 12 afin d'examiner en vue de faire rapport la nécessité d'une politique national sur la sécurité pour le Canada.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Je suis heureux de vous accueillir au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité pour le Canada. Je m'appelle Colin Kenny. Je suis un sénateur de l'Ontario, et je préside le comité.
Permettez-moi de présenter les membres du comité. À ma droite se trouve le vice-président, Michael Forrestall, distingué sénateur de la Nouvelle-Écosse. Depuis sa nomination au Sénat, il a siégé à tous les comités liés à la défense. Le sénateur Forrestall a également fait une brillante carrière à la Chambre des communes. Élu en 1965, il a siégé à la Chambre jusqu'en 1988. À l'époque où il siégeait à l'autre endroit, il a été critique de la défense pour le Parti progressiste-conservateur. À titre de sénateur, il a également présidé le Sous-comité de la sécurité des transports. C'est à ce titre qu'il a publié, en juin 2000, un rapport sur la sécurité et la sûreté aérienne.
À ma droite se trouve le sénateur Jane Cordy, originaire de Sydney, en Nouvelle-Écosse. Elle a longuement œuvré dans le domaine de l'éducation et du service communautaire. Pendant 30 ans, elle a enseigné un peu partout en Nouvelle-Écosse, y compris à Sydney, à Halifax et à New Glasgow. Elle a également été vice-présidente de la Halifax- Dartmouth Port Development Commission et présidente du conseil arbitral pour la région de Halifax de Développement des ressources humaines Canada. La sénateur Cordy a été très active dans les milieux bénévoles. Elle a siégé au conseil d'administration de la maison Phoenix, refuge pour les jeunes sans-abri. Elle a été membre du jury du Prix du livre de Dartmouth et membre du comité de planification stratégique de l'école élémentaire du village de Colby. Enfin, elle a été bénévole et conférencière à l'église St. Clement's de Dartmouth.
Le sénateur Norman Atkins est originaire de l'Ontario. Nommé au Sénat en 1986, il a de solides antécédents dans le domaine des communications. Il a activement pris part aux activités d'un certain nombre d'organismes et de groupes, y compris Diabète Canada, la Fondation de diabète juvénile, PartenaireSanté, Markham Transit for the Disabled et le Camp Trillium de Rainbow Lake, qu'il a présidé. Fait particulièrement utile aux fins de son travail au sein du comité, le sénateur Atkins a eu une expérience directe de la vie militaire, ayant servi dans l'armée des États-Unis.
À sa droite se trouve le sénateur Jack Wiebe de la Saskatchewan. Agriculteur de longue date, le sénateur Wiebe a joué un rôle au sein du mouvement coopératif. Il a été élu deux fois à l'assemblée législative de la Saskatchewan dans les années 70. Plus récemment, il a terminé son mandat à titre de lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan. Il porte un intérêt marqué aux réserves et a été le président pour la Saskatchewan du Conseil de liaison des Forces canadiennes.
Le sénateur Laurier LaPierre nous vient de l'Ontario. Tout au long de sa carrière, le sénateur LaPierre a été une présence constante dans les médias canadiens: en effet, il a travaillé comme journaliste, auteur, éditeur et analyste. Titulaire d'un doctorat de l'Université de Toronto, il a été membre du corps professoral de quelques autres universités canadiennes. Il a présidé Téléfilm Canada en plus d'avoir animé les assemblées publiques électroniques organisées dans le cadre du Forum des Canadiens sur l'avenir du Canada.
À côté de lui siège le sénateur Joe Day du Nouveau-Brunswick. Titulaire d'une maîtrise en droit d'Osgoode Hall, le sénateur Day a étudié au Collège militaire royal. Il a pris une part très active aux travaux de nombreuses associations juridiques, y compris l'Association du Barreau canadien et l'Association canadienne des conseillers juridiques d'entreprises. Il a agi comme bénévole auprès de nombreuses associations professionnelles et communautaires, y compris à titre de président de la Tattoo 200 Saint John Bicentennial Celebration.
Notre comité est le premier comité du Sénat ayant pour mandat d'examiner des questions relatives à la sécurité et à la défense. Récemment, nous avons mené à bien une étude de sept mois sur les principaux enjeux auxquels le Canada est confronté. Nous avons produit un rapport intitulé « L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense ». Le Sénat a demandé à notre comité d'examiner la nécessité d'une politique nationale de sécurité.
Cet après-midi, notre comité entendra deux groupes de témoins. Le lieutenant-général George Macdonald, vice-chef d'état-major de la Défense, fait partie du premier. Le lieutenant-général Macdonald a joint les rangs de l'Aviation royale du Canada en 1966. En 1992, il est devenu directeur général — Développement (Aérospatiale), puis il a été affecté au Secrétariat de la politique étrangère et de la défense au Bureau du Conseil privé. Promu à son présent grade en 1998, il a assumé le poste de commandant en chef adjoint du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord à Colorado Springs. Le 6 septembre 2001, il a assumé les responsabilités de vice-chef d'état-major de la Défense.
Au côté du lieutenant-général se trouve M. Kenneth Calder, sous-ministre adjoint (Politiques). Il a amorcé sa carrière à titre de scientifique de la défense. Il a notamment siégé au groupe de travail créé dans le cadre de l'initiative de paix du Premier Ministre Trudeau, et il a été le directeur de la rédaction du Livre blanc sur la défense de 1987. Depuis 1991, il est la principale source de conseils stratégiques du sous-ministre de la Défense nationale et du chef d'état-major de la Défense sur les questions touchant la défense.
Au nom du comité, messieurs, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue. Nous sommes heureux de vous compter de nouveau parmi nous, et nous sommes impatients de vous entendre.
Le lgén George Macdonald, vice-chef d'état-major de la Défense, ministère de la Défense nationale: Honorables sénateurs, nous sommes heureux de comparaître de nouveau devant le comité pour faire le point sur la question de la coopération militaire accrue entre le Canada et les États-Unis dans le contexte des nouvelles menaces qui pèsent contre notre paix et notre sécurité. Depuis ma dernière comparution, le dossier a évolué. Le gouvernement nous a autorisé à étudier encore plus en profondeur avec les États-Unis les possibilités de coopération dans les domaines de la défense terrestre et maritime ainsi que dans celui de l'appui aux autorités civiles.
Comme je l'ai expliqué aux honorables sénateurs à l'occasion de ma dernière comparution, le Canada a entrepris des pourparlers avec les États-Unis sur d'éventuelles améliorations pouvant permettre de mieux protéger les Canadiens et les Américains dans le nouveau climat de sécurité consécutif au 11 septembre. Aujourd'hui, je vais parler de la nature de ces pourparlers d'abord en décrivant les améliorations possibles, les possibilités de mise en œuvre organisationnelles et, enfin, les conséquences pour les ressources.
Dans un premier temps, permettez-moi de dire que les modifications dont nous discutons constituent une évolution modeste par rapport à la situation actuelle. Personne ne devrait commettre l'erreur d'assimiler le resserrement de la coopération militaire à l'intégration de nos Forces armées à celles des États-Unis — tant s'en faut. Jusqu'ici, les discussions ont porté sur des moyens pratiques, raisonnables et réalistes de permettre à nos Forces armées de se préparer conjointement à un éventail de circonstances dans lesquelles des opérations concertées ou coordonnées pourraient épargner des vies et préserver les biens matériels de Canadiens et d'Américains. C'est précisément ce que notre gouvernement et les citoyens attendent de nous.
Nous avons envisagé des situations exigeant une coopération accrue au moyen de scénarios théoriques. Permettez- moi de vous en présenter deux. À titre d'exemple, en cas de désastre naturel majeur, par exemple un tremblement de terre catastrophique, les deux nations pourraient être touchées directement. Les deux pays auraient la possibilité de réagir rapidement pour venir en aide à leurs citoyens blessés et rétablir notre infrastructure. Il faudrait pour ce faire déplacer du personnel et du matériel d'urgence, par exemple des fournitures médicales, des produits sanguins, de la nourriture et de l'eau potable, malgré les dommages subis par les routes, les ponts de même que les réseaux d'approvisionnement en eau et en électricité.
Les activités de reprise seraient dirigées par les secouristes opérationnels civils, les administrations municipales ou les gouvernements des provinces ou des États, mais l'armée, c'est certain, pourrait intervenir sur de nombreux fronts. En concertant et en coordonnant nos interventions avec celles de notre partenaire continental le plus important et le mieux équipé, nous aurons l'assurance de bénéficier des moyens voulus au moment et à l'endroit voulus. De telles interventions demeureraient sous la responsabilité du gouvernement du Canada. Malgré la crise nationale, nos intérêts seraient préservés.
Je vous donne un autre exemple. Imaginons une attaque terroriste comprenant l'utilisation possible d'armes de destruction massive. Les scénarios sont alors encore plus horribles et hypothétiques. Nous avons envisagé l'impact éventuel de l'utilisation d'armes nucléaires, chimiques ou biologiques en Amérique du Nord, à des points transfrontaliers clés comme Detroit ou Windsor et dans les principaux ports maritimes des côtes est et ouest.
Pour réduire au minimum les dommages collatéraux et faire face au risque de propagation de matières dangereuses par l'air, l'eau ou les contacts personnels entre citoyens des deux pays, nous devrions, dans de tels cas, réagir de façon rapide et concertée. Une intervention prompte et efficace aurait pour effet de réduire au minimum les effets immédiats, d'atténuer les risques d'épidémie, de maintenir l'ordre et la confiance des populations et de garder ouverts les principaux liens économiques et commerciaux.
Une fois de plus, ce sont les organismes civils qui auraient la responsabilité des premières interventions, mais on pourrait utiliser les capacités militaires spécialisées et des mesures de coordination clés pour atténuer l'impact éventuel de telles situations. Une capacité prouvée renforcerait la confiance qu'on aurait des deux côtés de la frontière de pouvoir réduire les effets mêmes que les terroristes cherchent à produire.
Les menaces aériennes sont déjà au cœur des opérations de NORAD. Nous avons envisagé l'établissement d'un groupe binational de planification et de contrôle chargé d'évaluer les menaces terrestres et maritimes.
Par planification, nous entendons les efforts militaires concertés qui déboucheraient sur un éventail de plans d'urgence militaires correspondant aux défis probables pour la sécurité du Canada et des États-Unis. Ces urgences pourraient aller de désastres naturels à d'éventuelles attaques terroristes ayant des conséquences transfrontalières et à d'autres crises continentales majeures où la coordination des ressources militaires et nationales pourrait contribuer à sauver des vies et à prévenir des souffrances inutiles. En mettant au point de tels plans d'urgence, en envisageant la coordination des ressources clés et en menant des exercices assortis d'évaluations de notre rendement, nous serons mieux en mesure de réagir à l'inconnu.
La fonction de contrôle nous permettrait d'avoir une idée opérationnelle commune des secteurs de préoccupation à l'échelle du continent et des menaces à la paix et à la sécurité. Le contrôle suppose l'exercice d'une vigilance constante à l'égard d'un ensemble des données, des activités de surveillance et des informations opérationnelles que nous mettons en commun avec les États-Unis pour faire en sorte que le Canada demeure au courant des problèmes qui se posent. Le contrôle a également trait à notre capacité d'évaluer rapidement les incidents et les situations d'urgence et de formuler des recommandations à nos gouvernements.
En nous limitant pour le moment à la planification et au contrôle militaires, nous jetterons des bases solides pour l'architecture de sécurité nord-américaine en mutation. Comme nous le savons tous, ce sont les civils qui, dans la plupart des crises, interviennent d'abord, des deux côtés de la frontière. Cependant, les liens et les accords entre civils et militaires demeurent complexes et indéfinis. Les États-Unis ont entrepris des démarches en vue de la création d'un service civil de la sécurité nationale. Cette initiative ambitieuse a reçu une attention considérable de la part du Congrès des États-Unis et des nombreux ministères touchés. Il est trop tôt pour prévoir le dénouement de l'initiative.
En revanche, le Canada dispose déjà d'un accord de coopération entre civils et militaires bien établi, ainsi que le sous-chef d'état-major de la Défense vous l'a expliqué à l'occasion du témoignage qu'il vous a présenté plus tôt cette année. Même si le Canada est peut-être mieux en mesure de discuter des modalités d'une coopération civile-militaire, il est raisonnable de commencer par des discussions entre militaires et de laisser la coopération binationale militaire-civile suivre son cours. Au nombre des questions qu'il lui faudra creuser à l'avenir, mentionnons la mise en commun de l'information, l'élaboration de scénarios, la planification d'urgence de même que la formation et les exercices conjoints.
Dans le cadre de nos pourparlers, nous n'avons pas encore arrêté officiellement les détails de la coopération entre nos armées; nous ne sommes donc pas en mesure d'en discuter ici. Je puis dire que nous ne pensons pas que nos activités de planification et de contrôle exigeront une structure de contrôle et de commandement active ou des forces militaires affectées. Nous n'avons pas l'intention de créer un NORAD de la terre et de la mer doté d'une structure de commandement officielle et de forces affectées, comme nous le faisons aujourd'hui dans le secteur de la défense aérienne. Au contraire de NORAD, qui doit réagir en quelques minutes à des menaces aériennes et dispose de quelques plans d'intervention quasi-automatique, les réactions militaires à des menaces terrestres et maritimes s'élaborent sur de plus longues périodes, ce qui donne aux gouvernements nationaux la possibilité d'exercer leurs responsabilités souveraines et de prendre des décisions précises au fur et à mesure que la situation évolue.
Comme les honorables sénateurs l'auront constaté dans les médias, le nouvel accord de coopération soulève de nombreux malentendus. Certains ont laissé entendre que la démarche allait inévitablement se traduire par l'entrée des forces armées des États-Unis au Canada sans approbation ni contrôle. De toute évidence, notre objectif consiste à renforcer les éléments essentiels de notre souveraineté nationale, tout en prévoyant un mécanisme de coopération pratique et efficace, comme nos citoyens l'exigent à juste titre. Il n'y aura de coopération que si elle va dans le sens de notre intérêt national, selon des modalités officiellement approuvées par le gouvernement du Canada. Quel que soit le résultat, nos forces respectives ne seront jamais utilisées dans le cadre d'opérations transfrontalières sans l'approbation expression des gouvernements. Les Canadiens décideront des questions touchant la sécurité nationale du Canada et la protection des Canadiens, et les citoyens des États-Unis feront de même pour leur pays.
Dans le cadre des pourparlers binationaux, on abordera la question de la structure organisationnelle. Fournir des détails à ce stade-ci relèverait de la pure spéculation. À l'évidence, nous devons étudier toutes les possibilités de lien entre le groupe de planification et de contrôle et les organisations militaires des deux pays. Nous devons nous pencher sur les avantages relatifs et les facteurs inhibiteurs pour chacun des liens hiérarchiques éventuels pouvant être créés pour ce groupe.
L'estimation des ressources critiques nécessaires au resserrement de la coopération sera l'un des éléments clés du processus. Il est évident que le ministère de la Défense nationale fait face à une compression de ses ressources, et la situation est peu susceptible de changer. Cependant, notre planification et nos prévisions initiales ont montré que la création de la fonction de planification et de contrôle pourrait se satisfaire de ressources modestes. Un petit contingent de membres du personnel des Forces canadiennes pourrait ainsi travailler à proximité du quartier général de NORAD et du quartier général du Commandement du Nord des États-Unis à Colorado Springs. Au-delà du personnel affecté au groupe de planification et de contrôle, on n'affecterait pas de force militaire permanente, par exemple des navires, des avions de surveillance Aurora ou des unités de force terrestre. Les nouvelles exigences en matière de surveillance, de contrôle, de communication et d'information évolueront, et nous effectuerons peut-être des évaluations et des exercices périodiques pour mettre nos plans d'urgence à l'épreuve. De tels engagements, qui seront revus régulièrement, feront partie de notre planification annuelle.
En résumé, le Canada a l'intention de travailler en étroite collaboration avec son partenaire continental pour protéger ses citoyens face à une menace réelle. Nous sommes prêts à collaborer avec les États-Unis dans le cadre d'une entente pratique et raisonnable.
M. Calder et moi nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le sénateur Day: Lieutenant-général Macdonald, pourriez-vous revenir plus en détail sur ce que vous avez dit vers la fin de votre intervention à propos des ressources modestes qu'exigeraient la planification et le contrôle, qui constitueraient une sorte d'annexe des ressources actuelles du quartier général de NORAD ou de la structure du Commandement du Nord? De quoi retournerait-il?
Le lgén Macdonald: Dans nos pourparlers avec les Américains, nous ne sommes pas entrés dans les détails. Nous pensons qu'il pourrait s'agir d'un groupe relativement limité de membres du personnel des Forces canadiennes qui seraient affectés à un groupe distinct de planification et de contrôle hébergé dans les locaux de NORAD à Colorado Springs, le quartier général qui aura le rôle le plus important à jouer pour la sécurité de l'Amérique du Nord. Nous pensons qu'un nombre similaire d'Américains ferait partie de ce groupe. Ensemble, de façon binationale, nous élaborerions des plans d'urgence, planifierions à plus long terme et exercerions des activités de contrôle. Il ne s'agirait pas d'une structure de commandement. Il n'y aurait pas de forces affectées attendant d'exécuter tout plan éventuel. Les membres du groupe élaboreraient plutôt des scénarios et des plans grâce auxquels le Canada et les États-Unis pourraient décider, en toute indépendance, de la marche à suivre en cas de crise.
Le sénateur Day: Que contrôleriez-vous?
Le lgén Macdonald: L'un des témoignages que vous entendrez cet après-midi portera sur la surveillance maritime. L'une des choses que nous faisons aujourd'hui de façon ponctuelle, c'est mettre en commun de l'information sur la surveillance maritime, en particulier la position des bateaux et des navires sur les deux côtes. Surveiller cette situation de façon plus officielle et dans une perspective nationale est l'un des éléments de la fonction de contrôle.
Le sénateur Day: Le groupe pourrait théoriquement se charger de ce genre d'activité.
Le lgén Macdonald: Oui, c'est exact.
Le sénateur Day: À la page 5 de votre mémoire, vous dites:
Nous n'avons pas l'intention de créer un NORAD de la terre et de la mer doté d'une structure de commandement officielle et de forces affectées...
Exclut-on un tel scénario à l'avenir?
Le lgén Macdonald: À nos yeux, il est certain que le véritable enjeu consiste aujourd'hui à raffermir la coopération internationale et à la faire évoluer. Nous pensons que le meilleur moyen de réaliser des progrès marqués dans ce domaine consiste à établir le groupe de planification et de contrôle, qui aura pour tâche de faire aboutir cette coopération. Comme aucune intervention immédiate n'est requise relativement au scénario maritime et terrestre auquel le groupe de planification de contrôle devrait s'attaquer, nous ne pensons pas qu'il est nécessaire de constituer des forces permanentes qui demeureraient en alerte, prêtes quotidiennement à répondre à des urgences.
À NORAD, comme vous le savez, honorables sénateurs, nous avons quelques aéronefs affectés en propre qui sont en alerte quotidienne et peuvent réagir en cas de crise, étant donné la rapidité avec laquelle se déroule ou évolue un incident aérien.
Ce sont les forces que les Canadiens et les Américains ont décidé d'affecter quotidiennement à NORAD. Elles sont en place pour acquitter une mission donnée. Nous disons qu'elles sont sous le contrôle opérationnel de NORAD.
Nous ne pensons pas que les scénarios maritimes ou terrestres exigent un déploiement de cette nature puisque nous aurons plus de temps pour réagir et mettre en œuvre un de nos plans d'urgence, sur la foi, peut-on penser, de scénarios s'adaptant à l'urgence donnée, au fur et à mesure qu'elle évolue, plutôt que d'avoir des navires en état d'alerte et prêts à intervenir d'heure en heure, par exemple.
Le sénateur Day: Vous soulevez la question de la souveraineté et de la quasi-paranoïa qui nous gagne à ce sujet lorsqu'il était question d'interventions conjointes ou de coopération avec d'autres pays dans un contexte militaire. Nous devons nous répéter: « Nous allons éviter tout ce qui risque de porter atteinte à notre souveraineté. » Politiquement, ce genre de discours nous plaît.
Pour ma part, j'estime que le modèle de NORAD est valable. Êtes-vous en mesure de me dire à moi et aux personnes ici présentes si, en cas de crise à laquelle NORAD serait mêlé, le quartier général de NORAD remonterait jusqu'au premier ministre.
Le lgén Macdonald: Oui, et M. Calder ajoutera également quelques mots au sujet de la souveraineté. En ce qui concerne les opérations au jour le jour, nous avons conclu, au sein de NORAD, des accords en vertu desquels les divers quartiers généraux de NORAD assureront un contrôle continu de la situation. Par ailleurs, les informations seront transmises au centre de commandement de Colorado Springs, le Centre des opérations de Cheyenne Mountain, et les membres du personnel qui y travaillent ont pour tâche de réagir aux événements et de faire en sorte que les autorités nationales du Canada et des États-Unis soient tenues au courant.
Prenons l'exemple d'un appareil que détectent les radars mais ne figurant pas sur les plans de vol. L'appareil en question devient un objet non identifié. Si, après un certain temps, on n'a toujours pas réussi à l'identifier, il devient une cible d'interception éventuelle. Nous dépêcherons peut-être un des appareils en alerte auxquels j'ai fait référence pour l'intercepter. Si, dans le cadre des activités courantes, l'appareil est identifié dans les quelques minutes qui suivent ou même qu'il est intercepté et identifié, l'incident ne sera normalement pas rapporté directement au Premier Ministre ou au Président. On en fera plutôt rapport à une autorité déléguée à un niveau inférieur du Centre de commandement de la Défense nationale à Ottawa ou à son équivalent au Pentagone.
Un protocole est prévu pour chaque incident, et si l'incident s'aggrave — par exemple, si on a affaire à des pirates d'avion qui menacent de cibler un édifice public ou de s'y écraser —, on pourra, en dernier recours, remonter jusqu'au Président ou au Premier Ministre, qui seront associés au processus décisionnel touchant les mesures à prendre.
Ainsi, on a un protocole qui débute par l'acheminement de données au centre d'opération du quartier général de NORAD à Colorado Springs, où collaborent des Canadiens et des Américains. Ces derniers font part de l'incident aux autorités nationales respectives des deux pays, sur un pied d'égalité, pour que des mesures nécessaires soient prises. Ils rendent également compte des interventions ou du règlement de telle ou telle crise.
Le sénateur Day: Dois-je comprendre que les renseignements iraient jusqu'au Président et au Premier Ministre, peu importe où l'incident se déroule en Amérique du Nord?
Le lgén Macdonald: En vertu de la procédure habituelle, il n'est pas nécessaire de leur rendre des comptes directs. On s'adresse plutôt à leurs représentants désignés et, au jour le jour, à notre centre d'opération au quartier général de la Défense nationale et au Pentagone. Mais, oui, en cas de situation à laquelle NORAD est mêlé, les deux quartiers généraux interviennent simultanément.
Le sénateur Day: En ce qui concerne notre centre d'opération au QGDN, quelqu'un est-il habilité à décider si les renseignements devraient être communiqués au Bureau du Conseil privé ou au Premier Ministre, ou l'information chemine-t-elle de façon automatique?
Le lgén Macdonald: Non. Pour un incident banal de tous les jours, comme par exemple un appareil non identifié ou un événement plus habituel, l'information demeurera normalement au centre d'opération, l'incident n'étant pas suffisamment grave pour qu'on rende compte au ministre de la Défense nationale ou au Premier Ministre.
Dans les cas extrêmes, comme celui qu'on a connu le 11 septembre, un tel mécanisme a été mis en branle, mais, de toute évidence, il s'agissait d'événements exigeant la transmission d'informations au gouvernement. Ce jour-là, les autorités de NORAD ont informé le Centre de commandement de la Défense nationale et le Centre d'opération du Pentagone des événements en cours. Comme on a établi une téléconférence et que chacun était au fur et à mesure mis au courant de l'évolution de la situation, l'information circulait pratiquement en temps réel. Ce jour-là, j'agissais comme chef d'état-major de la Défense par intérim, et j'ai été en contact avec le Bureau du Conseil privé pour que l'information soit communiquée au Premier Ministre. À une occasion, je lui ai même parlé en personne.
Il est certain que le ministre de la Défense nationale aurait été associé au processus, mais, à l'époque, il se trouvait en Europe. Il a été tenu au courant de la situation, mais, parce qu'il était loin de l'action, il n'a pas été associé au processus. Dans un tel cas, face aux circonstances abjectes d'une crise d'une extrême gravité, le Premier Ministre et le Président des États-Unis ont de toute évidence directement pris part au déroulement des opérations.
Le sénateur Day: Lorsqu'il y a escalade et que la gravité d'une situation apparaît clairement, je peux comprendre. Mais, dans des circonstances normales, lorsque des informations sont transmises de Colorado Springs au Centre de commandement de la Défense nationale — vous n'étiez pas au Centre de commandement, ce jour-là —, qui, au Centre de commandement, décide s'il convient ou non de vous mettre au courant ou de mettre au courant les échelons supérieurs, pour qu'enfin on décide de remonter jusqu'au Bureau du Conseil privé?
Le lgén Macdonald: Nous avons des membres du personnel, des officiers de service qui surveillent la situation 24 heures par jour, sept jours par semaine. Ils ont des directives relativement claires à propos du genre d'incidents devant être rapportés aux échelons supérieurs. En cas de doute, on leur demande de transmettre l'information. Ils s'adressent d'abord au sous-chef d'état-major de la Défense qui est, si on veut, le chef des opérations de la Défense nationale, lequel décidera alors s'il y a lieu d'alerter le chef d'état-major de la Défense ou le ministre, en sautant des étapes au besoin, au cas où il n'arriverait pas à rejoindre les échelons intermédiaires.
Pendant le Sommet du G-8, par exemple, où nous avions établi une couverture aérienne de protection au-dessus de Kananaskis, nous avions conclu une entente, établi une méthodologie très stricte en vertu de laquelle, dans l'hypothèse d'une intrusion aérienne qui se serait réglée très rapidement, nous ne serions pas remontés jusqu'au Premier Ministre ou au vice-Premier Ministre, qui agissait par intérim. Cependant, nous avions défini un enchaînement très précis en vertu duquel, au-delà d'un point prédéterminé, nous aurions immédiatement communiqué avec eux pour, en dernière analyse, leur demander des instructions sur une mesure à prendre.
Tout dépend de la situation. Cependant, vous comprendrez qu'on transmet à ce centre d'opération toutes sortes de renseignements, dans certains cas à titre d'information puisqu'il n'y a pas de suivi à donner. Dans certains autres cas, l'information a été traitée, les mesures ont été prises ou le problème a été réglé. Dans d'autres, il y a encore de l'incertitude, et la situation pourra évoluer pendant quelques heures ou quelques jours. Enfin, il y a aussi les cas de crise immédiate.
M. Kenneth J. Calder, sous-ministre adjoint (Politiques), ministère de la Défense nationale: Si je puis me permettre d'ajouter à ce qui vient d'être dit, à un niveau plus général, il nous apparaît que tout accord conclu avec les États-Unis ou un autre pays nous permettant de collaborer, sans que nous nous y soyons contraint, quelle que soit la crise — si, en d'autres termes, nous avons le choix — et qui ne compromet pas notre capacité d'agir de façon indépendante n'a pas, dans les faits, d'incidence sur la souveraineté du Canada. À notre avis, c'est le cas avec NORAD. Grâce à NORAD, nous disposons d'un mécanisme en vertu duquel les deux pays peuvent, d'un commun accord, agir de concert. Une telle décision ne les empêche en rien d'agir séparément et de façon individuelle dans le même secteur, celui de la défense aérienne. En fait, le NORAD ne peut fonctionner qu'avec l'assentiment des deux gouvernements. Par conséquent, nous sommes d'avis que NORAD ne limite en rien notre souveraineté. Dans une telle opération, nous exerçons notre souveraineté.
Le sénateur Day: Peut-être l'un de vous pourra-t-il répondre à ma dernière question à ce sujet. Si un avion en vol ne répond pas, que vous croyez à un détournement possible et que, par mesure de précaution, vous dépêchez des avions de chasse, qui, au besoin, est habilité à autoriser les pilotes à descendre l'avion en question? Si l'incident survient au-dessus des États-Unis, le premier ministre du Canada sera-t-il consulté?
Le lgén Macdonald: Non. Il existe une entente en vertu de laquelle le premier ministre prendra la décision si l'incident survient au-dessus du territoire canadien; si, de la même façon, il survient au-dessus du territoire des États- Unis, ce sont les autorités américaines qui trancheront.
Le sénateur Forrestall: On a ici affaire à un scénario intéressant, celui qui met en scène le capitaine responsable des opérations à Colorado Springs dans un tel cas. Je n'insisterai pas, mais j'aimerais qu'on revienne un jour sur cette question. J'espère que quelqu'un écrira au sujet de cette première période d'une ou deux heures.
Je veux poser une question à M. Calder en rapport avec une position déjà annoncée, laquelle n'est pas sans rapport avec ce dont il est question ici.
Vous avez dit, lieutenant-général Macdonald, que, quel que soit le résultat, les forces des deux pays ne seront jamais utilisées dans le cadre d'opérations transfrontalières sans le consentement express du gouvernement concerné. Je ne crois pas vous citer hors contexte, mais, par souci de concision, je m'en tiendrai à cela.
Est-ce absolument exact? Qu'en est-il des ententes négociées au préalable? À l'occasion d'un témoignage préalable devant le comité, monsieur Calder, vous avez déclaré que le Canada et les États-Unis ont signé leur lot de traités, sans oublier 250 protocoles d'entente s'y rapportant. Le Canada a-t-il déjà renoncé au commandement de ses propres troupes, sauf en vertu d'ententes négociées au préalable?
M. Calder: Au Canada ou à l'étranger?
Le sénateur Forrestall: Non, ici, au Canada. Je fais référence à une idée vague que j'ai en tête, celle d'une poursuite d'enfer — je sais, l'expression fait penser à un épisode de la série Dick Tracy dans les années 50 ou 40. Je songe à un incident qui exigerait une coopération transfrontalière. Je sais que des protocoles d'entente prévoient ce que nous ferons pour les abris, les vêtements et le transport, sans oublier la mesure dans laquelle les autorités du Canada et les États-Unis traiteraient leurs intérêts nationaux respectifs au cas où, dans une poursuite, elles ne pourraient s'arrêter à la frontière, compte tenu des conséquences possibles. Est-ce le contexte dont il est question ici? N'y a t-il pas des ententes qui, de façon déguisée, disons, permettraient aux forces des États-Unis de faire appel aux forces canadiennes dans l'hypothèse d'une poursuite d'enfer? Les détails et les précisions de telles interventions auraient-ils été négociés au préalable?
M. Calder: Il faut établir des distinctions entre la terre, la mer et l'air. Sur terre, la réponse est non puisque je n'imagine pas de circonstances dans lesquelles les forces de l'un des deux pays devraient franchir la frontière dans le contexte d'une telle poursuite. À ma connaissance, cela n'est jamais arrivé. De toute évidence, il s'agit d'un problème qui concerne les forces de police, et non les Forces canadiennes. Pour ce qui est de l'espace aérien, je crois que le lieutenant-général a répondu à la question: la poursuite d'un avion visé par un contrôle s'effectue, aux termes d'une entente négociée au préalable, par le pays dont le territoire est survolé.
Sur l'eau, en ce qui a trait aux opérations navales, je ne suis pas certain, mais j'ai l'impression, à la lumière de l'exposé du lieutenant-général Macdonald, que tout franchissement de la frontière par les forces de l'un ou l'autre pays serait visé, pour l'essentiel, par des accords généraux. J'ai du mal à croire que cela puisse se produire en marge d'un accord bilatéral entre les Américains et nous. Il y a une exception. Pendant l'ouragan qui a déferlé sur la Floride, un de nos navires est descendu le long de la côte, et des gens sont débarqués pour participer à la reconstruction d'une école.
Le sénateur Forrestall: C'était une mission humanitaire.
M. Calder: Le Secrétaire à la défense n'avait pas nécessairement approuvé la démarche.
Le lgén Macdonald: Si je puis me permettre d'ajouter à ce qu'a dit M. Calder, l'affirmation que j'ai faite dans ma déclaration liminaire est explicitement exacte. Les accords qui régissent NORAD, par exemple, prévoient ce qui suit: si des forces américaines devaient être déployées au Canada — des avions de chasse entreraient dans le territoire aérien du Canada, pour une raison ou pour une autre, ou des avions de chasse canadiens entreraient dans l'espace aérien des États-Unis ou de l'Alaska —, nous présenterions une demande expresse aux autorités, aux autorités du commandement national, de l'un ou l'autre pays. Ainsi, il n'y aurait pas de malentendu. Le déploiement des forces nationales de l'un ou l'autre s'appuierait sur une décision explicite et distincte.
Le sénateur Forrestall: Je comprends ce que vous dites. J'ai utilisé le mot «forces». Il pourrait aussi s'agir de forces de sécurité, de la GRC, par exemple, dans notre cas.
Les accords négociés sont-ils en place au cas où, par exemple, on aurait affaire à la poursuite de deux ou trois voitures ou mini-fourgonnettes remplis d'individus très louches que les autorités soupçonneraient d'appartenir à un groupe terroriste? Qu'arrive-t-il s'ils traversent la frontière? La poursuite ne s'arrête pas là. Quel est le cadre juridique qui s'applique dans un tel cas? Y a-t-il un accord? Voilà à quoi je veux en venir. J'admets tout ce que vous dites sans la moindre hésitation: jamais on n'aura recours aux forces de l'un ou l'autre des deux pays. C'est d'accord. Si je m'étais exprimé à l'imparfait? Y a-t-on eu recours par le passé? À la lumière des circonstances actuelles, je conçois, comme vous le dites, qu'un processus est en place.
Le lgén Macdonald: Nous ne pouvons parler que du contexte militaire. Il importe de comprendre qu'un pays a le droit souverain de décider des forces autorisées à mener des opérations sur son territoire. Dans le contexte de NORAD, nous, Canadiens, déciderions d'autoriser ou non les forces aériennes américaines à intervenir. En cas d'urgence, nous le ferions très rapidement.
L'un des avantages du groupe de planification et de contrôle dont nous avons parlé est que, avec un peu de chance, nous pourrions définir les avenues de coopération qui s'imposent et faciliter l'établissement des protocoles, du mécanisme ou du plan qui permettraient de lui donner suite assez rapidement, de façon que, au cas où des forces armées auraient à traverser la frontière, d'une façon ou de l'autre, nous disposerions d'un mécanisme qui lui permettrait de décider, de dire, par exemple: «Il s'agit du scénario no 9. Nous avons affaire à une situation d'urgence. Voici comment nous avons prévu de réagir. Est-on d'accord? Très bien, mettons tout en place.»
Le sénateur Forrestall: Onze mois se sont maintenant écoulés. Quand en viendra-t-on à aborder ces questions? Il est vital que les citoyens du Canada comprennent que des accords sont en place.
Monsieur Calder, dans quelles circonstances négociées au préalable permettrait-on à l'autorité américaine ou à une autre autorité de prendre le commandement des forces militaires ou policières du Canada, des forces de sécurité, pour répondre à des besoins communs? Pourriez-vous nous donner un exemple, s'il vous plaît?
M. Calder: C'est une très bonne question. Pour faire suite à certains commentaires formulés par le lieutenant-général Macdonald, nous n'avons pas encore réussi à définir à notre satisfaction, avec les Américains, les détails de diverses situations d'urgence, par exemple, un tremblement de terre d'un côté ou de l'autre de la frontière. Nous n'avons pas encore travaillé sur des scénarios en vertu desquels les forces de l'autre pays seraient invitées à venir atténuer les conséquences. Nous n'avons pas prévu avec exactitude le moment où les forces traverseraient la frontière, le contrôle opérationnel en vertu duquel elles agiraient, non plus que les accords généraux, et ainsi de suite. Nous avons convenu qu'il s'agit d'une question que nous devrons aborder avec nos voisins du Sud. C'est l'un des objets du groupe dont nous discutons avec les Américains, nommément le groupe de contrôle et de planification, peu importe le nom que nous finirons par lui donner. Nous espérons que les membres de ce groupe définiraient ce type d'accord. Ainsi, nous saurions exactement quoi faire en cas de crise, sans avoir à tout reprendre depuis le début.
Quant à l'échéancier, nous en discutons avec les États-Unis. Nous espérons aboutir à certains résultats au cours de l'automne. Nous avons présent à l'esprit le fait que les Américains mettront en place NORTHCOM le 1er octobre. Il ne s'agit pas d'une échéance absolue, mais nous aimerions bien obtenir un certain résultat d'ici-là. Nous espérons avoir réalisé certains progrès en ce sens d'ici le milieu et la fin de l'automne.
Le sénateur Forrestall: De qui cette préparation relèverait-elle? De vous?
M. Calder: C'est nous qui dirigeons les pourparlers avec les Américains, mais, bien entendu, nous faisons partie d'une équipe au sein de laquelle sont représentés le ministère des Affaires étrangères et le Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile (BPIEPC).
Le sénateur Forrestall: Sont-ils actifs? Y a-t-il une série de questions qui les préoccupent actuellement?
M. Calder: En fait, le lieutenant-général Macdonald et moi avons assisté il y a environ deux semaines à une réunion avec nos homologues, et nos équipes de négociation sont actives et en plein travail. Les accords prévoyant la coopération avec un autre pays, en particulier les États-Unis, peuvent se révéler très complexes. Nous devons veiller à ce que les accords nous donnent satisfaction.
Le sénateur Wiebe: Ma première question s'adresse plus directement à M. Calder, même si je vais citer le lieutenant- général Macdonald, que j'invite donc à répondre aussi s'il le souhaite. Permettez-moi d'abord d'affirmer que je suis un fervent partisan de NORAD. À mes yeux, NORAD a démontré, de façon admirable et étonnante, la façon dont deux pays peuvent collaborer pour assurer leur défense aérienne commune.
Parce que je suis très favorable à NORAD, j'ai été déçu d'apprendre de la bouche du lieutenant-général Macdonald que nous n'entrevoyons pas de plan de défense analogue pour la mer. Je peux comprendre que nous n'unissions pas nos efforts en ce qui a trait aux forces terrestres puisque, à la lumière de ce que vous avez dit, on se rend compte qu'on aura dans de nombreux cas affaire à une fonction humanitaire plutôt qu'à une fonction de défense. À mon avis, la plus grande menace qui pèse contre notre pays et sa sécurité, si on excepte la voie aérienne, vient de la mer. Le littoral de notre pays a des dimensions stupéfiantes — si on excepte la Russie, il s'agit probablement du plus imposant littoral à protéger. Pour dire les choses crûment, nous ne disposons pas des forces navales nécessaires pour le défendre. Il y a d'innombrables anses et petites zones où des terroristes pourraient atterrir ou mener leurs activités sur nos rives.
Je pense qu'il est impératif que nous entreprenions le plus rapidement possible des négociations avec les États-Unis pour mettre au point un système de défense de nos rives comparable à NORAD. Les Américains auraient eux aussi avantage à ce que nous utilisions la formule NORAD, qui a abondamment fait ses preuves comme mécanisme de défense de la sécurité du Canada.
À titre de conseiller stratégique, quelles orientations donnez-vous au sous-ministre et au ministre à ce sujet? Je pense qu'il s'agit d'un enjeu important. Il y a aussi des ramifications politiques puisque le projet supposerait l'établissement de forces conjointes dans un nouveau secteur. Nous devons reconnaître que nous formons un petit pays doté d'un imposant littoral à défendre. Notre force aérienne ne peut à elle seule défendre notre pays. Nous devons compter sur l'aide des Américains, et c'est pourquoi NORAD a donné de si bons résultats. À mon avis, le même raisonnement s'applique à notre littoral. Du point de vue de la sécurité, il s'agit d'un secteur où, à mon avis, nous devrions consacrer des efforts.
M. Calder: Sénateur, lorsque nous disons que le mécanisme auquel nous songeons ne s'apparentera pas à NORAD, nous devrions fournir plus de précisions. Avec NORAD, nous disposons d'un quartier général en activité 24 heures par jour, sept jours par semaine. Il bénéficie de forces affectées. Il fonctionne donc jour et nuit.
L'organisme dont il est ici question n'aurait pas de forces affectées, pour les raisons que le lieutenant-général MacDonald a déjà soulignées — opportunité, et cetera —, et il ne serait pas doté d'un quartier général en activité 24 heures par jour, sept jours par semaine.
Selon nos calculs, le projet que nous caressons suffirait, peut-être, à répondre à nos besoins futurs. D'autres ont un point de vue différent, et c'est leur droit.
Le lieutenant-général Macdonald a fait référence à la question de l'opportunité. Dans le cadre des pourparlers avec les Américains et de la création du groupe de contrôle et de planification, nous entrevoyons un plan d'urgence portant exactement sur les risques que vous soulevez, particulièrement en mer. Ces plans devraient être arrêtés au préalable: en cas de crise, les gouvernements pourraient, s'ils le souhaitent, activer une structure de commandement latente pour faire face à la crise. Nous pensons que cela est suffisant, compte tenu de la coopération entre les forces navales qui existent déjà sur les deux côtes, laquelle est relativement importante. Vous allez entendre le vice-amiral Buck à ce sujet. Nous pensons qu'un tel arrangement suffit dans les circonstances actuelles. D'autres, cependant, ne seront pas d'accord avec nous, et c'est leur droit.
Le sénateur Wiebe: Je ne m'inscrirai pas en faux. En effet, NORAD existait avant le 11 septembre, et les événements se sont malgré tout produits. Nous avons affaire à un phénomène entièrement nouveau. En ce qui concerne notre littoral, nous faisons également face à une situation entièrement nouvelle. Si j'étais un terroriste et que je souhaitais entrer sur le territoire des États-Unis, j'étudierais sérieusement la possibilité d'utiliser les rives du Canada. Notre littoral n'est pas aussi peuplé que celui des États-Unis. C'est donc un lieu idéal pour atterrir sans se faire remarquer. Je crois que c'est là que la menace réside. Voilà à quoi nous devrions nous occuper.
Nous avons quatre sous-marins, 12 frégates, une poignée d'autres navires et quelques hélicoptères. Impossible, donc, de patrouiller notre littoral. Si j'étais le Président des États-Unis, je m'intéresserais à coup sûr au littoral de notre pays. En ce qui concerne la sécurité de notre pays, il s'agit à coup sûr d'un secteur auquel nous devrions consacrer des ressources. Étant donné notre population, nous pouvons assumer notre juste part des ressources matérielles et humaines nécessaires. Notre littoral n'en reste pas moins vulnérable — pour être tout à fait franc, nous avons, sur ce plan, besoin de l'aide des Américains.
M. Calder: Je crois comprendre que ce n'était pas une question.
Le sénateur Wiebe: Ce n'était pas une question.
Le président: Avec le sénateur Forrestall, il n'a pas osé faire allusion aux hélicoptères.
Le lgén Macdonald: Nous sommes d'accord pour dire que les approches maritimes présentent une menace importante, et nous convenons qu'il serait utile de compter sur des forces navales plus imposantes. Je ne voudrais pas vous laisser l'impression que nous ne faisons rien dans ce domaine. Sur les deux côtes, on observe déjà une coopération considérable et significative entre les forces armées du Canada et des États-Unis, relativement à des objectifs précis.
Cependant, du point de vue de la patrouille constante des océans, nous ne disposons pas, comme vous l'avez laissé entendre, de ressources suffisantes. Avec un peu de chance, le groupe de planification et de contrôle dont il est question nous aidera un jour à mettre en commun des informations plus complètes. Grâce à la mise en commun de l'information, nous serions en mesure d'assurer une meilleure surveillance, et nous aurions une meilleure idée des menaces potentielles. Nous disposerions alors d'une période relativement longue pour y faire face, du moins si on compare à une menace aérienne.
Certains de ces éléments améliorent notre mode de fonctionnement actuel — faire plus que ce que nous faisons aujourd'hui du point de vue de la mise en commun de l'information —, mais compte tenu des ressources limitées dont nous disposons et du fait que nous avons souvent le temps de prendre une décision. Dans ce contexte, nous n'avons pas véritablement besoin d'une capacité 24 heures par jour, sept jours par semaine.
Le sénateur Wiebe: J'ai au moins eu l'occasion d'exprimer mes inquiétudes et mes souhaits. Je les réitérerai aux autres membres du comité au moment de la préparation de notre rapport.
Le sénateur LaPierre: À mes yeux, il y a une différence énorme entre un désastre naturel aux proportions catastrophiques, comme un tremblement de terre ou une inondation, et les mesures que les Américains croient devoir prendre pour lutter contre le terrorisme. Par conséquent, les réflexions du ministère à ce sujet me semblent empreintes d'un déséquilibre considérable. Lorsque les Américains font référence au Commandement du Nord, ils se prononcent à coup sûr, au bout du compte, en faveur de l'intégration des forces armées de nos deux pays — qu'il s'agisse des forces terrestres, navales ou aériennes — comme moyen de protéger les intérêts vitaux des Etats-Unis, lesquels peuvent ou non coïncider avec ceux du Canada.
On ne peut faire abstraction du fait que les Américains ont toujours considéré que leurs intérêts nationaux passaient avant les autres et qu'ils correspondaient forcément à ceux de l'humanité. C'est pourquoi ils ont traité le Canada et de nombreux autres pays du monde avec une main de fer dans un gant de velours. À mes yeux, il est plutôt renversant que nous nous lancions dans une telle aventure sans tenir compte de ce que, historiquement, les États-Unis ont fait pour défendre leurs intérêts nationaux, je veux parler des pays qu'ils ont envahis, des droits de la personne qu'ils ont abolis et détruits et ainsi de suite.
[Français]
Essentiellement, nous les aidons en nous affaiblissant dans notre souveraineté nationale afin de pouvoir assurer leur vécu.
[Traduction]
Par conséquent, je vous demande, monsieur, quel est l'ennemi contre lequel nous devons nous protéger? Qui sont les terroristes qui nous hantent depuis le 11 septembre? Soudainement, nous devons transformer du tout au tout nos modes d'existence, notre système de valeurs et les droits de la personne, sans parler de tout ce que nous avons fait depuis le 11 septembre. Dans quelle mesure cette approche se justifie-t-elle? Qui donc est l'ennemi?
M. Calder: Avec votre permission, sénateur, je vais répondre à la question. Si nous avions comparu il y a un an, vous auriez pu nous mettre sur la sellette à ce sujet. Les événements du 11 septembre ont montré, me semble-t-il, que nous avons bel et bien des ennemis. Pour ma part, je soutiendrais que les ennemis des États-Unis sont aussi les nôtres.
En ce qui concerne les points de détail, je précise que ni les Américains ni nous n'avons jamais au grand jamais évoqué la possibilité d'intégrer nos forces armées. Les États-Unis ne sont pas intéressés à intégrer leurs forces aux nôtres, et vice versa. Aucun responsable au sud de la frontière n'a jamais discuté de l'intégration éventuelle des forces.
Deuxièmement, nous ne sommes pas forcément d'accord avec leur façon de faire, et nous sommes de fait très souvent en désaccord avec eux — mais ils ont le droit de se défendre. En ce qui concerne les structures de commandement et tout le reste, dans le contexte de NORTHCOM, ce n'est en réalité que l'exercice de leur droit de se défendre et la prise des moyens nécessaires pour ce faire. La création de NORTHCOM n'a absolument aucune incidence sur la souveraineté canadienne ni sur notre liberté d'action. Il s'agit d'une affaire purement américaine.
C'est en collaborant avec les Américains et en travaillant avec eux plutôt qu'en évitant de traiter avec eux que nous protégeons la souveraineté canadienne, comme M. Manley l'a soutenu. Le raisonnement qui sous-tend cette démarche, c'est de coopérer avec les Américains pour mieux protéger les Canadiens au Canada, en coopération avec les États- Unis, en cas de catastrophes naturelles où nous serions appelés à intervenir, mais aussi en cas d'attaques terroristes, qu'elles se produisent du côté américain ou canadien de la frontière.
On peut penser à de nombreux types d'attaques terroristes qui seraient perpétrées contre les États-Unis, mais qui auraient des effets tout aussi grands sur le Canada. Une attaque radiologique ou nucléaire sur Detroit aurait un impact sur Windsor. La propagation de la variole ou l'utilisation d'une autre arme biologique aux États-Unis aurait des effets qui ne connaîtraient pas de frontières.
On ne peut tenir pour acquis que ce qui se produit au sud de la frontière ne nous concerne pas ou ne nous intéresse pas. Les impacts pourraient fort bien franchir la frontière, comme l'ont montré les événements du 11 septembre. Le Canada n'était pas la cible spécifique de l'attaque du 11 septembre, mais l'économie canadienne et la frontière en ont assurément subi les conséquences.
Nous devons aborder les mesures de défense contre ces menaces dans une perspective continentale, et non nationale.
Le sénateur LaPierre: Si tel est le cas, monsieur, pourquoi ne pas entamer de pourparlers avec le Mexique? Pourquoi ne pas avoir de discussions avec la Russie, qui est notre voisine dans le nord? Pourquoi ne pas avoir de pourparlers avec le reste de l'Amérique latine, et qui fait essentiellement partie du système continental de défense? Des terroristes pourraient tout aussi facilement envahir les États-Unis à partir du Costa Rica, de l'Amérique centrale ou du Mexique que du Canada.
Pourquoi nous démarquer des autres dans ce processus? Il m'apparaît évident que vous devriez tenir des discussions multilatérales à propos de la sécurité du continent?
M. Calder: À l'avenir, nous serons peut-être fondés à entreprendre avec ces pays des discussions allant au-delà des discussions normales que nous avons déjà.
Il y a des faits politiques, géographiques, historiques et économiques qui lient le Canada aux États-Unis d'une façon différente des liens que nous entretenons avec la Russie, sans même parler des systèmes de communications. Il existe certains faits objectifs qui nous lient de façon inextricable à notre voisin du Sud. Or, ces liens sont sans commune mesure avec ceux que nous entretenons avec d'autres pays. Par conséquent, une attaque contre les États-Unis constituerait, à maints égards, une attaque directe contre le Canada.
Le sénateur LaPierre: Interrogé au sujet du libre-échange, M. Trudeau avait répondu: «Pourquoi le libre-échange? On vend déjà 85 p. 100 de nos produits aux États-Unis. Il nous reste une marge de manœuvre de 15 p. 100. Pourquoi ne pas l'utiliser pour réduire notre dépendance complète et absolue à l'égard des Américains?»
Pourquoi le même raisonnement ne s'appliquerait-il pas ici? Pourquoi ne pas nous allier au Mexique ou aux Antilles? Je sais bien qu'ils n'ont ni la force, ni la volonté, ni la puissance des États-Unis. Une bonne stratégie militaire ne consisterait-elle pas à répartir le fardeau plutôt que de dépendre d'une seule entité ayant le pouvoir de nous annihiler sans même cligner de l'œil?
M. Calder: Sénateur, nous le faisons déjà. À titre d'exemple, il y a l'OTAN, alliance dont nous faisons déjà partie. En fait, l'OTAN répond aux mêmes questions, pour l'ensemble de l'alliance. Dans toute l'alliance, on déploie des efforts pour améliorer notre capacité de réagir à des attaques nucléaires, biologiques et chimiques. L'OTAN est intervenu en réaction au 11 septembre et s'est intéressé à la question du terrorisme.
Si, par exemple, on lançait une attaque majeure contre les États-Unis ou le Canada à l'aide d'armes de destruction massive, il ne fait aucun doute que non seulement nous nous entraiderions, mais que, en plus, nous tiendrions pour acquis l'appui des autres membres de l'alliance. De la même façon, il y a NORAD et l'OTAN, et la proximité de nos deux pays impose d'emblée l'établissement d'un lien particulièrement solide avec les Américains.
Le sénateur LaPierre: Une dernière question — et j'ai posé la même à un témoin antérieur. Je m'inquiète vivement du fait que les Américains appellent cet exercice Commandement du Nord. Ils parlent non pas de Commandement de sécurité intérieure des États-Unis, mais plutôt de Commandement du Nord. C'est peut-être à cause de mes origines, mais j'ai tendance à penser que les mots signifient plus que ce que l'on veut bien leur faire dire.
Par conséquent, lorsque les Américains parlent de Commandement du Nord, ils m'incluent, moi, dans la structure de leur propre sécurité. Ils envisagent donc, à long terme, que les Forces armées de mon pays seront asservies, dans une très large mesure, aux besoins des États-Unis. Ils convaincront les Canadiens que cela est nécessaire à leur propre protection, tout comme ils ont entrepris de convaincre les Canadiens que nous devrons participer à la guerre des plus immorales avec l'Iraq, où des centaines de milliers d'Iraquiens mourront. De plus en plus, la rhétorique de notre gouvernement et d'autres nous entraîne dans cette direction.
Les mots veulent donc dire quelque chose. Pourquoi n'ont-ils aucun sens pour les responsables de la politique nationale de sécurité de mon pays?
M. Calder: Comme l'un des témoins antérieurs l'a fait valoir, les Américains sont dotés d'un Commandement central, qui couvre l'Afghanistan. Les Américains peuvent appeler leurs commandements comme bon leur semble.
Le sénateur LaPierre: J'en conviens, mais, avec tout le respect que je vous dois, je pense qu'il s'agit d'une réponse plutôt simpliste à une question très importante.
M. Calder: Franchement, sénateur, je n'ai aucune envie de voir les Américains faire main basse sur les Forces armées du Canada ou les intégrer. Ils souhaitent collaborer avec nous, et ils tiennent à ce que nous soyons en mesure de défendre le nord du continent.
Le sénateur Atkins: Le Commandement du Nord (NORTHCOM) dont vous parlez et le concept qu'il soutient exige- t-il la conclusion d'ententes bilatérales additionnelles entre les deux pays?
M. Calder: À strictement parler, non. Les Américains ont créé le Commandement du Nord pour assurer la défense des États-Unis. Nous n'avons pas été invités à participer; essentiellement, il s'agit d'une initiative purement américaine. Dans les faits, nous n'avons rien eu à faire dans ce dossier.
En apprenant que les Américains projetaient d'apporter des modifications à la structure de leur commandement, nous avons d'abord été préoccupés. Nous craignions que la nouvelle organisation mine, affaiblisse ou avale NORAD. Le ministre de la Défense nationale précédent a fait valoir avec une certaine vigueur les vues du Canada à ce sujet. En fin de compte, on a accouché d'une structure double en vertu de laquelle le même commandement s'occupe à la fois de NORAD et de NORTHCOM, ce qui permet de protéger nos intérêts à NORAD. Dans ce sens, nous n'avons eu à répondre à rien.
Nous discutons pour le moment de ce que nous avons appelé un groupe de planification et de contrôle, même si, au bout du compte, il pourrait s'appeler d'une autre façon. Nous en avons parlé avec les Américains non pas comme d'une obligation — en fait, il n'y a pas d'obligation du tout —, mais plutôt comme d'un mécanisme qui, nous semble-t-il, nous permettrait de mieux servir les intérêts des Canadiens et de mieux protéger les Canadiens, dans la mesure où nous toucherions exactement les secteurs auxquels le sénateur Wiebe a fait référence dans ses questions. Nous devons combler les lacunes de notre planification avec les Américains de manière à pouvoir mieux coopérer en cas d'urgence.
Le sénateur Atkins: Y a-t-il des discussions avec les Américains en ce qui concerne la formation collective des forces terrestres?
Le lgén Macdonald: Nous avons conclu des ententes avec les Américains en vertu desquelles toutes nos forces s'entraînent ensemble et participent à des exercices, de temps en temps. La force aérienne effectue au Canada des exercices auxquels les Américains participent. Nous participons aux leurs. Des ententes du même genre existent pour la force navale et certaines forces terrestres.
Le sénateur Atkins: Je pensais plutôt à l'armée.
Le lgén Macdonald: Il y a certaines ententes, mais je pense qu'elles ont une portée moins grande que celles qui existent dans le domaine de la coopération navale et aérienne. Si vous le souhaitez, le lieutenant-général Jeffery pourra vous fournir plus de détails cet après-midi même.
M. Calder: Jusqu'à un certain point, nous avons tendance à utiliser nos programmes de formation réciproques.
Le sénateur Atkins: À l'occasion de votre comparution devant nous à l'automne, monsieur Calder, vous avez fait allusion au livre blanc. Si je me souviens bien, vous aviez alors affirmé de façon assez péremptoire que le document tenait toujours très bien la route, même aujourd'hui. Êtes-vous toujours de cet avis? Envisage-t-on de réviser le livre blanc? Ou, le cas échéant, les modifications seraient-elles apportées, à la lumière des événements des derniers mois?
M. Calder: Tout le monde ne serait pas de mon avis, sénateur, mais je pense que le volet stratégique du livre blanc de 1994 demeure valable en partie, sinon en totalité. En d'autres termes, le volet du livre blanc qui définit les rôles et les missions des Forces canadiennes — défendre le Canada, défendre l'Amérique du Nord, contribuer à la paix et à la sécurité internationales, l'obligation que nous avons de maintenir des forces terrestres, navales et aériennes polyvalentes et aptes au combat, les missions de recherche et de sauvetage, l'aide au gouvernement civil, l'aide aux autorités civiles, la surveillance des pêches, les patrouilles de souveraineté, le maintien de la paix, l'imposition de la paix, l'aide humanitaire — tous ces objectifs stratégiques généraux demeurent, me semble-t-il, valables. En les examinant, on aura les ingrédients nécessaires pour aller de l'avant.
Le défi auquel est confronté le ministère consiste à apparier ces rôles et ces missions que, me semble-t-il, on ne tient pas vraiment à changer. Je ne crois pas qu'on souhaite se retirer de l'OTAN, de NORAD, de l'ONU ni des opérations de maintien de la paix. Nous devons établir des corrélations entre ces rôles et la capacité militaire que nous avons aujourd'hui, et déterminer si cette dernière est suffisante et examiner la situation à la lumière du budget. Le budget est- il suffisant? Si la politique est raisonnable, je suis personnellement d'avis que le lien entre le budget et le programme pose problème. Comme vous le savez sans doute, le ministre en a récemment parlé. Le ministère, s'il n'obtient pas de capitaux supplémentaires, devra sabrer dans les Forces canadiennes. Ce sont essentiellement les deux options qui s'offrent à nous.
Au vu de la relation essentielle entre les Forces canadiennes présentes et futures, d'une part, et notre situation budgétaire, d'autre part, nous avons entrepris ce que nous appelons le « Bilan de la Défense », qui porte précisément sur ce rapport. Nous nous demandons ce dont nous avons besoin le plus pour effectuer notre travail comme il se doit ou, à supposer que nous devions nous contenter de notre budget actuel, ce que nous allons cesser de faire. Pour le moment, il s'agit d'un bilan plutôt que d'un examen de la politique tous azimuts.
Le sénateur Atkins: Cet été, j'ai été surpris d'entendre le chef d'état-major de la Défense affirmer qu'il ne s'attendait pas à ce que le budget du ministère de la Défense nationale soit augmenté. Pendant ses déplacements, le comité a été plutôt surpris d'entendre certains commentaires et de lire certaines des études faisant état de la pénurie de main- d'œuvre et de l'absence d'équipement à jour. Si j'étais général, ce serait peut-être un peu différent, mais, si j'étais officier intermédiaire, je serais un peu déprimé par la situation. À mon avis, on envoie un message qui risque de décourager à fond bon nombre d'hommes et de femmes qui servent leur pays et qui le font très bien. On a toutefois l'impression qu'ils doivent le faire une main attachée derrière le dos.
Je sais que nous allons entendre le lieutenant-général Jeffery plus tard aujourd'hui. Je suis convaincu que les objectifs énoncés dans le livre blanc n'ont pas beaucoup changé. Comment allez-vous faire face au problème des membres du personnel qui, lorsqu'ils reçoivent ce genre de message, se demandent s'ils vont rester en poste ou s'ils ne vont pas plutôt entreprendre une deuxième carrière?
M. Calder: Vous soulevez un point très valable, sénateur. Comme les membres du comité l'ont constaté à l'occasion de leurs déplacements, il ne fait aucun doute que des pressions s'exercent sur le système en ce qui concerne le matériel, son utilisation et son entretien, sans même parler des pressions sur les ressources humaines. Voilà précisément le type de problème auquel nous faisons face.
Il faut admettre que les Forces canadiennes ont exercé leurs activités à un niveau relativement élevé. Nous nous sommes déployés dans des régions du monde où nous n'aurions jamais pensé aller, par exemple l'Afghanistan. Nous avons affecté des ressources considérables à de difficiles missions là-bas. Voilà où réside le problème. Voilà le genre de questions auxquelles nous devons répondre dans le cadre du bilan actuel. Nous devons établir un équilibre fonctionnel entre le budget et les forces.
On peut penser que le chef d'état-major fait preuve de pessimisme en ce qui concerne les dépenses affectées à la dépense. Ceux d'entre nous qui travaillons dans ce domaine depuis longtemps tendons à être pessimistes. C'est une sorte de déformation professionnelle.
Le lgén Macdonald: Si je peux me permettre d'ajouter quelque chose, je pense que nous avons admirablement réussi — je le dis en toute modestie — à répartir les dollars affectés à la défense sur l'ensemble des besoins que nous devons prendre en compte, tout en répondant aux problèmes. Nous sommes serrés, mais nous surnageons, relativement à bon nombre de questions touchant l'équipement, le personnel et l'infrastructure, entre autres. Il est certain que nous devons affecter des ressources additionnelles dans ces secteurs.
L'attention que nous portons aux ressources humaines dont disposent les Forces canadiennes est l'un des domaines dans lesquels nous n'avons pas fait de compromis. Nous avons toujours été en mesure de déployer du personnel hautement qualifié, formé et professionnel. À de nombreuses reprises, nos alliés nous ont répété l'impression favorable produite sur eux par la qualité de nos gens. Je suis certain que vous en avez rencontré bon nombre à la faveur de vos déplacements. Au cours des dernières années, nos initiatives touchant la qualité de vie se sont révélées très fructueuses, et nous poursuivons dans la même veine. Comme vous le savez, nous avons entrepris une campagne de recrutement relativement énergique. Nos taux de maintien en fonction sont supérieurs à ce qu'ils étaient il y a quelques années.
Il y a certains points positifs, mais ils ont trait à l'accent que nous mettons sur les personnes elles-mêmes. Nous devons en arriver à un meilleur équilibre entre les fonds dévolus à nos ressources humaines et les fonds dont nous avons besoin pour le matériel, l'infrastructure et les opérations. Le défi consiste à établir un équilibre entre ces diverses exigences.
Le sénateur Atkins: Je suis d'accord.
Le président: À titre de question supplémentaire, la question posée par le sénateur Atkins a trait aux visites que nous avons effectuées dans plus d'une douzaine de bases au cours des huit derniers mois. Personne ne nie que d'excellentes mesures aient été prises pour améliorer la qualité de vie. Ce que nous disent les personnes auxquelles le sénateur Atkins a fait allusion, celles qui, à la croisée des chemins, peuvent décider de signer pour finir leur carrière dans les forces ou au contraire de se retirer, est qu'elles envisagent plutôt une nouvelle carrière. Si elles veulent se retirer, ce n'est pas parce que la vie dans les Forces armées leur déplaît; ce n'est pas non plus parce que la solde est insuffisante; en fait, leur intention s'explique par le fait qu'on ne leur permet pas d'être des soldats, des marins et des aviateurs. Si elles envisagent de partir, c'est parce qu'il n'y a pas assez de pièces de rechange pour réparer les avions à bord desquels elles travaillent; elles n'ont pas droit à un nombre d'heures de vol suffisant. Quant aux chauffeurs de char, ils font leur travail deux jours par mois au lieu de douze jours par mois.
Le sénateur Atkins: On ne les autorise pas à utiliser les champs de tir.
Le président: On nous parle de personnes initiées au fonctionnement du matériel de défense antiaérienne — il y a 12 inscriptions au cours et deux missiles. Deux d'entre elles auront l'occasion de faire feu; quant aux autres, elles se contenteront de tenir un manche à balai et de voir ce qui arrive.
Je ne cherche pas à me montrer facétieux. On a eu affaire à des personnes manifestement très dévouées, mais elles se dirigent vers la sortie, faute de possibilités de faire ce qui les avait attirées au départ. Je pense que c'est là que le sénateur Atkins voulait en venir.
Le lgén Macdonald: Je ne suis pas en désaccord avec vous. La situation des ressources est telle que nous sommes effectivement confrontés à de tels problèmes réels. De toute évidence, on joint les rangs des Forces canadiennes pour faire un certain nombre de choses: un pilote veut piloter un avion, et un chauffeur de char veut piloter un char. Nous tirons une grande fierté de la formation professionnelle que nous assurons à nos gens et du calibre des services qu'ils offrent.
Il est certain que nous avons fait face à des défis de taille dans un certain nombre de secteurs, en ce qui concerne le recrutement et le maintien en fonction. Les hauts et les bas de l'économie ont à ce sujet des conséquences spectaculaires. Grâce à notre programme axé sur la qualité de vie, nous bénéficions de taux de maintien en fonction sans précédent. Nous faisons face à des défis démographiques. Avec la génération des enfants du « baby-boom », nous perdons désormais de nombreuses personnes expérimentées chez les plus âgés. À cause des compressions effectuées au milieu des années 90, il y a un trou dans notre composition démographique. Pendant quelques années, notre taux de recrutement a été très faible, et les effets de ce creux se font maintenant sentir dans le système. Quand on a besoin d'un sergent chevronné, on ne peut aller en chercher un dans la rue. Il faut plutôt commencer par entraîner un soldat, et 12 ou 15 ans plus tard, vous pouvez compter sur le sergent d'expérience en question.
Nous sommes confrontés à tous ces problèmes. En dernière analyse, des choix sont faits. Certains fonderont leurs décisions sur le fait qu'on ne leur permet pas de faire leur travail de façon aussi efficace ou aussi enrichissante qu'ils le souhaiteraient. Certains voudront bénéficier de la cadence opérationnelle observée au cours des dernières années. D'autres encore choisiront de partir parce que leur conjoint ou leur être cher ne peut trouver du travail là où ils sont en poste; certains se lasseront des déplacements avec leur famille.
Ce sont des choix et des pressions auxquels les militaires font face depuis toujours. Nous tentons de remédier à ces problèmes au moyen de notre programme sur la qualité de vie. Pour remédier aux problèmes, nous nous efforçons d'établir le meilleur équilibre auquel j'ai fait référence relativement à l'utilisation de nos ressources. Si nous avions plus de ressources ou que nous étions en mesure de nous concentrer sur un plus petit nombre de capacités, nous serions en mesure de dépenser plus et de faire davantage pour remédier aux problèmes que vous avez relevés.
Le sénateur Atkins: Cela dit, vous savez que les officiers et les soldats que nous avons rencontrés en comité se sont révélés des plus impressionnants. La situation est donc d'autant plus préoccupante. À les entendre, on a l'impression que bon nombre d'entre eux en sont à un tournant professionnel. Nous avons affaire à de futurs généraux. Certains d'entre eux seront appelés à vous remplacer. Ils devront effectuer des choix déchirants.
Tout s'explique par le fait qu'ils ne peuvent aller dans le champ de tir et tirer 1 000 balles. On a cité cet exemple. Là où, en 1994, on tirait 1 000 balles, on n'en tire plus aujourd'hui que 150. Nous avons entendu toutes sortes d'exemples de ce genre. Ce sont des témoignages plutôt surprenants. J'espère que vous allez pouvoir faire quelque chose, sinon l'armée risque de perdre de très bons éléments.
Le lgén Macdonald: Certaines des mesures que nous prenons pour agir de façon plus économique ou efficiente et épargner des ressources, sont de celles que vous citez.
À titre d'exemple, l'avènement de simulateurs plus modernes dotés d'une technologie plus poussée nous permet de former des pilotes au sol dans des contextes simulés, au lieu de leur faire accumuler des heures de vol réelles. Cela nous paraît sensé. Ainsi, les pilotes obtiennent une meilleure formation, sont plus qualifiés et peuvent, le moment venu, faire face de façon plus compétente à une situation non menaçante dans un contexte non menaçant. Pendant les entraînements, nous utilisons des munitions de petit calibre plutôt que de gros calibre. Pour l'initiation à diverses formations militaires, nous disposons de simulateurs grâce auxquels nous ne sommes pas tenus de procéder à des déploiements complets pour assurer une formation réelle.
Nous prenons de nombreuses mesures en ce sens. Dans de nombreux cas, nous agissons de la sorte par souci d'améliorer la formation et d'accroître l'efficience, et cela donne de bons résultats, même si on doit pour ce faire sacrifier un certain nombre d'expériences réelles prisées par de nombreuses personnes.
Le sénateur Cordy: Je veux donner suite aux questions du sénateur Atkins. Lieutenant-général Macdonald, vous nous avez très bien montré que vous avez présent à l'esprit le même portrait de la situation que celui que nous nous sommes fait après avoir rendu visite à des membres des Forces canadiennes d'un océan à l'autre. Nous avons effectivement affaire à du personnel travailleur de très haut niveau.
Certains d'entre eux nous ont dit qu'il était frustrant, dans ces conditions, d'entendre de la part des responsables que, à supposer qu'ils reçoivent les fonds proposés par notre comité et celui de la Chambre des communes, ils ne seraient pas en mesure de dépenser, ou encore qu'ils ne s'attendaient pas à recevoir des capitaux additionnels. Certains membres des rangs intermédiaires ou inférieurs de l'armée se demandent si les responsables s'efforcent ou non d'obtenir des crédits importants de la part du ministre.
Le lgén Macdonald: Il est certain que nous sommes d'accord pour dire que des ressources additionnelles seraient utiles. De toute évidence, nous aidons le ministre à préparer des options et des propositions pour le Cabinet et le gouvernement, de façon qu'ils fassent le point sur notre situation et, avec un peu de chance, obtiennent des ressources additionnelles. Nous saurions quoi faire de fonds additionnels. Ce n'est un secret pour personne.
Le taux d'absorption du financement, si je peux me permettre de l'appeler ainsi, nous limite quelque peu. Nous avons un certain nombre de grands projets qui exigent des capitaux importants et un certain nombre d'activités opérationnelles courantes auxquelles nous pouvons consacrer des sommes relativement considérables, je parle de centaines de millions de dollars, de façon rapide, efficiente et efficace. Cependant, il y a des projets dont la progression prend des années. Si, à titre d'exemple, nous décidions de faire l'acquisition d'un nouveau bateau de ravitaillement qui nous permettrait de déployer nos forces par mer et de ravitailler nos bateaux en mer, nous devrions envisager un vaisseau unique dont l'élaboration, la conception et l'acquisition prendraient des années. Même si des fonds étaient débloqués immédiatement, nous ne pourrions les utiliser tout de suite. Nous avons un certain nombre de projets en cours que nous pourrions faire avancer le plus rapidement possible, mais les résultats ne seraient pas immédiats. Bien entendu, nous ne pouvons prévoir ce genre de dépenses sans qu'on nous donne au préalable une certaine idée des sommes qui seront mises à notre disposition.
Le sénateur Cordy: La prévisibilité des fonds constituerait donc un atout pour vous?
Le lgén Macdonald: Oui.
Le sénateur Cordy: Pour en revenir à ce que vous avez dit cet après-midi, le Canada a entrepris des pourparlers avec les États-Unis pour mieux protéger les Canadiens et Américains dans le nouveau contexte de sécurité postérieur au 11 septembre. L'anniversaire du 11 septembre approche à grands pas. Rétrospectivement, de nombreux Canadiens regardent l'armée et se demandent: « Qu'a t-on fait entre le 11 septembre 2001 et le 11 septembre 2002 pour faire de notre pays un endroit plus sûr et plus sécuritaire sur le plan militaire? »
Le lgén Macdonald: M. Calder voudra peut-être répondre lui aussi. Du point de vue de NORAD ou de la défense aérienne, il ne fait aucun doute qu'on a apporté certaines modifications plutôt majeures et spectaculaires. Le 11 septembre, on a immédiatement augmenté le nombre d'appareils pouvant être utilisés en cas d'alerte, c'est-à-dire pour intercepter des aéronefs suspects ou des cibles pouvant représenter une menace. Par l'intermédiaire de NORAD—soit les États-Unis et le Canada—, divers appareils ont, depuis le 11 septembre, effectué quelque 25 000 sorties pour assurer la sécurité de notre espace aérien, ce qui représente des efforts remarquables. La protection de notre espace aérien se poursuit à un niveau relativement élevé. À cause de la menace accrue, nous sommes, du point de vue de la défense quantitative, plus près que nous l'étions le 10 septembre.
Après avoir fait certains constats, NORAD s'emploie activement à assurer une protection active contre ce que nous appelons la menace interne. Traditionnellement, NORAD a, en Amérique du Nord, mis l'accent sur les menaces venues de l'extérieur. Or, la menace du 11 septembre est clairement venue de l'intérieur, et il s'agit d'une question qui, traditionnellement, ne relevait pas du mandat de NORAD. Malgré tout, l'organisme est parvenu à relever le défi au moins à certains égards. On poursuit la coopération pour assurer une préparation plus fréquente et plus rigoureuse à l'égard de menaces précises, par exemple les détournements d'avion. Ces exercices se poursuivent. Le Sommet du G-8, qui s'est tenu à Kananaskis, même s'il ne s'agissait pas d'un exercice, nous a permis, d'une certaine façon, de cristalliser notre réflexion en ce sens et nous a aidés à faire avancer également les mécanismes et la coopération.
Du point de vue de la défense maritime et terrestre, vous auriez probablement intérêt à vous adresser au lieutenant- général Jeffery et au vice-amiral Buck qui témoigneront cet après-midi. Je pense que le vice-amiral Buck sera en mesure de vous fournir certains exemples précis de la façon dont, dans le Pacifique et dans l'Atlantique, les forces navales continuent de coopérer de façon plus rigoureuse, qu'il s'agisse de la mise en commun de l'information, du repérage des navires plus loin et d'une meilleure surveillance des bateaux et de la circulation, de façon qu'on puisse, en collaboration avec les États-Unis, poursuivre les bateaux ou, à tout le moins, les contrôler. Du point de vue terrestre, je n'ai pas d'exemple précis en tête, mais il n'en reste pas moins que nous avons eu des discussions et que nous avons entrepris avec les Américains de sérieuses négociations qui, avec un peu de chance, lorsqu'elles prendront forme avec NORTHCOM le 1er octobre, nous permettront de disposer d'un groupe qui fera beaucoup pour faire avancer la coopération dans ces domaines.
Sur le plan général — sans distinction entre les forces terrestres, navales et aériennes —, nous avons accru notre capacité d'intervention en cas d'attaque nucléaire, biologique et chimique. Nous continuons de le faire sur la foi de notre budget de décembre dernier. Nous doublons également la capacité de notre Force opérationnelle interarmées 2 ou groupe antiterroriste. Cela prend du temps, mais il est clair que nous avons mis les choses en branle. Nous avons accru non seulement notre capacité de mettre de l'information en commun au pays et sur la scène internationale, mais aussi le financement du Centre de la sécurité des télécommunications qui s'occupe des renseignements d'origine électromagnétique. Le Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile a reçu des fonds additionnels considérables pour renforcer la coopération. De toute évidence, il s'agit d'un organisme du MDN, mais il assure la coopération aux niveaux fédéral et provincial, sans oublier les organismes civils. Beaucoup reste à faire, mais nous avons déjà fait beaucoup.
Le sénateur Cordy: En cas d'urgence, y a-t-il beaucoup de coopération et de communication entre les secouristes opérationnels, les civils et l'armée? Je sais que le BPIEPC fait partie de l'armée.
Le lgén Macdonald: Le BPIEPC relève du même ministre. Il est certain que la coopération axée sur la facilitation est poussée, et le BPIEPC fait office de catalyseur à cet égard. L'armée et les organismes civils collaborent et communiquent plus que par le passé. On a organisé des exercices relativement importants auxquels ont participé de nombreux ministères fédéraux et provinciaux. L'armée a également été associée au processus, et je crois que la situation ne fera que s'améliorer au fur et à mesure. En fait, le groupe que nous proposons pour resserrer la coopération avec les États-Unis débouchera, pensons-nous, sur une forme de coopération militaire et civile grâce à laquelle nous bénéficierons de meilleurs protocoles et de meilleurs moyens d'accroître et de faciliter la communication. Avec notre partenaire du Sud, nous définirons des moyens d'améliorer les liens entre les organismes civils des deux côtés de la frontière.
De plus, au Canada, des organismes ou des sièges sociaux d'organismes sont déjà présents dans les quartiers généraux répartis dans les bases et les escadres divers du Canada. On a resserré la coopération régionale. Des commandants régionaux responsables des diverses régions du Canada ont resserré les liens qui les unissent aux provinces de même qu'avec les organismes avec lesquels ils collaborent. Comme je l'ai déjà indiqué, beaucoup a été fait, mais nous sommes conscients de l'importance de la coopération et de la communication, et nous nous employons à les accroître.
Le sénateur Cordy: Vous ai-je entendu dire qu'on a mis au point un mécanisme grâce auquel, aux États-Unis, les autorités civiles peuvent un peu mieux communiquer entre elles?
Le lgén Macdonald: Aux États-Unis, la situation est déroutante. Au Canada, nous sommes beaucoup mieux organisés. Entre le Canada et les États-Unis, il existe de nombreux liens entre les organismes civils, par exemple entre la GRC et le FBI, et les services d'immigration des deux pays. L'intensité des rapports varie. On peut espérer que, un jour, les Américains mettront au point une approche mieux intégrée en vertu de laquelle le Commandement du Nord ou l'armée des États-Unis assurera la liaison avec les éléments civils de l'organisme responsable de la sécurité du territoire. Une approche plus stratégique par opposition aux liens plus tactiques qui existent y contribuera du point de vue bilatéral.
Le sénateur Cordy: Pour en revenir au Commandement du Nord pendant un instant, vous avez dit, à l'occasion d'une de vos comparutions antérieures, qu'il était important de nous aligner sur ce modèle. Lorsque nous avons examiné le Commandement du Nord en comité, nous pensions que le Canada allait peut-être en faire partie. Aussi avions-nous posé des questions à des Américains pour savoir si l'organisme allait être constitué sur le modèle de NORAD. Cependant, les Américains ont décidé d'aller seuls de l'avant dans le dossier du Commandement du Nord.
Cela mis à part, y aura-t-il une coopération plus poussée? Vous avez fait référence à des pourparlers entre représentants des armées du Canada et les États-Unis. Existe-t-il actuellement une coopération entre les forces navales et terrestres? Pouvons-nous compter sur un tel resserrement de la coopération à l'avenir?
Le lgén Macdonald: Oui. Je pense que ce que nous appelons le groupe de planification et de contrôle facilitera énormément les choses à ce sujet. Les efforts que nous déployons visent à officialiser la mise en commun de l'information et la coopération dans le domaine de la surveillance, de la planification d'urgence, de même que l'évaluation et la tenue d'exercices non seulement pour les forces navales, surtout, mais aussi pour les forces terrestres.
Il existe déjà des niveaux élevés de coopération, en particulier dans les forces maritimes. Comme vous le savez, un navire canadien peut facilement intégrer un groupe opérationnel américain et interagir de façon harmonieuse avec les bateaux américains, situation unique au Canada. Il n'existe d'accords analogues pour aucun autre des pays alliés. On note déjà une coopération poussée, mais une telle démarche aurait pour effet de mieux la structurer. On pourrait, par exemple, étudier la situation sur les deux côtes et avoir un portrait national plus complet des forces maritimes et des menaces. En dernière analyse, nous pourrions, de concert, décider d'agir de façon binationale. C'est une occasion pour nous d'exploiter des bonnes relations qui existent déjà entre ces services et de les mettre à profit pour hausser notre capacité générale.
Le sénateur Day: J'aimerais avoir des éclaircissements au sujet de votre dernière réponse, lieutenant-général Macdonald. Mis à part la planification et le contrôle, envisagez-vous des activités accrues entre les marines et les armées du Canada et des États-Unis?
Le lgén Macdonald: Je préférerais laisser aux chefs des éléments en question le soin de répondre lorsqu'ils comparaîtront. Du point de vue de l'officialisation des interventions à une menace terroriste ou à une catastrophe naturelle, événements différents en maints égards, les interventions font souvent appel aux mêmes genres de capacités. Par conséquent, on peut élaborer des plans d'urgence tenant compte de diverses possibilités. Dans le contexte de l'organisation, de l'entraînement et de l'évaluation des interventions, j'envisage, oui, des activités accrues.
Le sénateur Day: Envisagez-vous la tenue d'un plus grand nombre d'exercices conjoints?
Le lgén Macdonald: Oui, dans le contexte des situations d'urgence mentionnées.
Le sénateur Day: Hormis la proposition dont nous avons déjà parlé lorsque j'ai posé des questions au sujet de ce groupe—il pourra s'appeler le groupe de planification et de contrôle ou autre chose.
Le lgén Macdonald: C'est une appellation un peu étrange.
Le sénateur Day: Oui, mais peut-être faut-il, quand il est question de quelque chose de nouveau et qui est bon, en donner une certaine explication et, alors nous pouvons en parler. Voyez-vous d'autres façons pour nous de participer au commandement du Nord ou d'influencer la structure du commandement du Nord, autrement, par rapport à ce qui se fait en ce moment?
Le lgén Macdonald: Je ne crois pas que nous présumions aller au-delà du mandat de négociations qui nous est actuellement attribué. Dans le contexte, il s'agit de se donner les moyens, en fait, de mieux coopérer en matière de planification et de contrôle. On pourrait conjecturer sur l'évolution du dossier, mais je ne le ferai pas; tout de même, la réponse simple à votre question est « non » — nous nous concentrons sur cette étape initiale.
Je reviendrai à la question qu'a posée le sénateur Cordy au sujet de l'intégration au commandement du Nord. Nous n'y avons jamais vu une possibilité sérieuse. Le commandement du Nord est un commandement américain qui regorge de personnel américain. Nous ne nous attendrions pas à ce qu'ils invitent des gens d'un pays étranger à se joindre à leur commandement, pas plus que nous demanderions nous-mêmes à une unité étrangère, des forces américaines, de se joindre à nos forces aériennes, par exemple. Nous n'envisageons pas vraiment de faire partie de la structure du commandement du Nord; plutôt, nous entrevoyons une collaboration étroite avec le personnel du commandement du Nord, pour servir nos intérêts réciproques, pour faire valoir nos intérêts dans le contexte de la sécurité en Amérique du Nord.
Le président: À ce sujet justement, notre comité était réellement bien branché: le secrétaire de la Défense Rumsfeld a fait un effort particulier à cet égard et nous a proposé diverses façons de procéder au moment où nous l'avons rencontré. S'il n'avait pas soulevé la question, nous n'en aurions pas discuté, mais puisqu'il l'a fait, nous avons soulevé la question nous aussi.
M. Calder: Au moment où vous avez rencontré le secrétaire à la Défense Rumsfeld, les autorités américaines jonglaient encore avec plusieurs idées différentes qui, par la suite, se sont cristallisées avec l'annonce de la structure qu'elles ont mise au point. En même temps, c'était une sorte de travail évolutif.
Le président: C'est assez bien dit. Elles n'avaient pas encore présenté leurs propositions au président ou au Congrès à ce moment-là; c'est donc une assez bonne réponse.
Le sénateur Day: Pour poursuivre la série de courtes questions que je souhaite poser, messieurs, voici: je crois savoir que le bureau responsable des affaires canadiennes, ou du Canada, aux États-Unis mêmes avait, auparavant, passé par les Chefs d'état-major combinés chargés des affaires militaires et que la question a été déléguée à un rang inférieur, au commandant du commandement du Nord. Si cela s'avère, l'influence canadienne ou l'importance canadienne en ce qui concerne les affaires militaires aux États-Unis changera-t-elle?
Le lgén Macdonald: Vous parlez de l'affectation du Canada au commandement du Nord prévue dans le Plan du commandement unifié, par opposition aux Chefs d'état-major combinés, comme c'était le cas auparavant. Plusieurs pays n'avaient aucune affectation particulière auparavant — dont le Canada. Plutôt que de les affecter au commandement central, au commandement d'Europe ou au commandement du Pacifique, on leur permettait d'agir sous la responsabilité du Chef de l'état-major interarmes.
Avec la création du commandement du Nord, le Canada est affecté à ce secteur. Je crois que cela se révélera, en dernière analyse, une chose favorable: elle fera concentrer l'attention sur les préoccupations particulières de la sécurité intérieure dans un secteur où il existe un mandat particulier à cet égard, plutôt que de nous inscrire dans un champ de responsabilité qui relève du Chef de l'état-major interarmes. À mon avis, être associé au Chef de l'état-major interarmes ou n'être pas associé au Chef de l'état-major interarmes — tout cela n'a rien d'effrayant. C'est que les Américains essaient de mieux délimiter un champ d'activité dans le dossier de la sécurité intérieure, au moyen de l'affectation au commandement du Nord. Je ne crois pas que cela se traduise par une quelconque perte d'influence de notre point de vue. De fait, en termes relatifs, cela pourrait nous être nettement plus favorable.
M. Calder: Pour ajouter quelque chose, sénateur, le commandant du commandement du Nord s'est vu confier la responsabilité de s'entendre avec nous sur une forme de coopération bilatérale dans ses secteurs de responsabilité en ce qui concerne la défense intérieure et ainsi de suite. Toutes les autres questions relevant de nos relations avec le bureau du secrétaire à la Défense, au Pentagone, pour toutes les autres questions, préserveraient le statu quo. Par exemple, dans mon secteur du ministère, nous aurions à traiter avec le bureau du secrétaire à la Défense — notre organisation matérielle traiterait avec la leur. Tous les autres dossiers relevant de la coopération canado-américaine pour les affaires militaires et la défense seraient traités comme par le passé.
Le sénateur Day: Cela nous est utile de le savoir. Que fera-t-on maintenant de la commission permanente mixte de défense? La représentation au sein de cette commission passerait-elle par le commandement du Nord?
M. Calder: Non. Autant que nous le sachions, il n'y aurait pas de changement à ce sujet. Il y a en ce moment une structure où il y a un coprésident canadien et un coprésident américain, nommés par le Premier Ministre et par le Président, respectivement. Dans la mesure où nous en avons discuté, cela continuerait de se faire tout à fait de la même façon.
Le sénateur Day: À propos du 11 septembre et de ce qui se passe depuis, si je ne m'abuse, l'organisation NORAD a dû modifier sa façon de procéder en ce qui concerne l'information qu'elle reçoit de la Federal Aviation Authority, la FAA. Cela vaut-il aussi pour l'information que NORAD croyait devoir obtenir, dans le contexte nord-américain, de NAVCAN? Est-ce qu'il a fallu changer la façon de procéder à cet égard?
Le lgén Macdonald: Il y a eu augmentation de la quantité d'informations en question et l'accroissement de la nécessité pour NORAD de disposer immédiatement de renseignements sur le trafic aérien intérieur. Il n'y a jamais eu un manque de renseignements rapides et exacts dans le cas du trafic ou des menaces aériennes éventuelles provenant de l'extérieur du périmètre de l'Amérique du Nord. Tout de même, nous discutons de la façon d'avoir une information meilleure et plus rapide sur le trafic aérien intérieur — et cela s'applique à la FAA, aux États-Unis, et à NAVCAN, au Canada.
Le sénateur Day: Il n'a pas été nécessaire de modifier un règlement, et cette information a été rendue accessible.
Le lgén Macdonald: Depuis longtemps, NORAD a une coopération de haut niveau avec NAVCAN et la FAA à la fois. Toutes les parties admettent qu'il est dans l'intérêt de tous d'échanger des renseignements le plus efficacement possible.
Le sénateur Wiebe: Je ne saurais laisser ces deux messieurs s'en aller sans leur poser une question au sujet de la réserve. Je crois savoir que, pour la première fois dans l'histoire du Canada, une unité entière de la réserve, si ce n'est déjà fait, partira bientôt pour une mission de maintien de la paix en Bosnie. Je suis extrêmement heureux de le savoir.
Le grand public — le contribuable — a l'impression que la plus grande part de notre budget militaire est consacrée à l'achat de matériel comme les avions à réaction et les navires. De fait, la plus grande part de notre budget est consacrée aux salaires. Je ne connais pas les chiffres exacts, mais plus de 60 p. 100 du budget de la défense est consacré aux salaires. Les coûts qu'il faut engager pour entraîner un réserviste sont les mêmes qu'il faut engager pour entraîner un membre des forces régulières. Pourquoi n'adoptons-nous pas une politique qui favorise davantage le côté réserve de l'armée, surtout dans le cas des forces terrestres? La marine a accompli un travail extraordinaire pour intégrer les éléments de la réserve à ses bâtiments de défense de la côte et avec le travail qu'ils font. Est-ce un dossier que vous étudiez, vous et les analystes des politiques, en ce qui concerne les forces terrestres?
Le lgén Macdonald: Je crois que la réserve fait l'objet d'une étude ou une autre depuis sa création même. Les coûts liés au personnel — c'est-à-dire les salaires, les pensions, les coûts prévus par la loi et ainsi de suite — représentent la moitié environ de notre budget de la défense. Cela est demeuré plus ou moins constant au fil des ans. Il y a eu une légère fluctuation, mais de pair avec la diminution du nombre de personnes, notre budget de la défense a diminué. Les coûts liés au personnel ont augmenté à certains égards, de même.
La réserve représente certes un élément extraordinairement précieux de la capacité de nos forces armées. Comme vous l'avez bien dit, une compagnie de réservistes se joindra à la mission en Bosnie cet automne. C'est la première fois qu'un tel groupe le fera, même si des formations moins nombreuses l'ont déjà fait. C'est tout un exploit pour les réservistes.
Comme vous le dites également, sénateur, les coûts engagés pour entraîner un réserviste sont les mêmes, à capacité égale, que ceux qu'il faut engager pour entraîner un membre des forces régulières. Du côté de l'armée, il faut s'assurer de dépenser, en rapport avec la réserve, de la façon la plus efficace et la plus équilibrée possible. Il ne conviendrait pas d'avoir un nombre excédentaire de réservistes, qui, de manière générale, ont tendance à y faire un séjour passager. Le taux d'attrition est élevé. Souvent, les jeunes tentent leur chance dans la réserve pendant quelques années, puis passent à autre chose.
Le nombre de réservistes devant être entraînés est donc plus élevé que dans les forces ordinaires. Les réservistes passent souvent dans les forces ordinaires. C'est excellent pour nous, mais cela nous oblige à recommencer pour qu'il y ait de l'expérience à nouveau au sein de la réserve. Nous devons toujours nous assurer d'avoir un personnel des forces ordinaires qui possède l'expérience voulue et un personnel réserviste qui collabore avec lui et, évidemment, possède la formation nécessaire, mais d'une façon durable.
On ne peut jamais comparer directement la milice ou la réserve de l'armée aux forces aériennes ou à la réserve de la marine. Les réservistes des forces aériennes, de manière générale, sont employés en petits nombres, voire individuellement dans des rôles d'appoint ou des rôles précis. La réserve de la marine a ceci d'unique que son personnel constitue la plus grande part de l'effectif de nos bâtiments de défense côtiers. La réserve de l'armée, la milice, fonctionne à la manière de l'armée, en unités disséminées partout au Canada, pour servir d'appoint ou de complément aux opérations de l'armée, intervenir en cas d'urgence et faire quoi que ce soit d'autre ici, au Canada même. Il est difficile de mettre tous ces réservistes dans le même sac.
L'étude la plus importante concerne notre projet de restructuration de la réserve de la force terrestre — projet en cours — qui vise à établir, une fois pour toutes, le mandat et le rôle précis de la réserve et la façon dont il faut employer les réservistes, et d'établir le niveau auquel l'effectif serait viable et durable.
Le sénateur Wiebe: Pour pousser votre argument encore un peu plus loin, en cas de guerre, nous ne saurions lever une armée comme nous l'avons fait au moment de la Première Guerre mondiale et de la Seconde Guerre mondiale, sinon en Corée, car la technologie et l'entraînement requis avec ce nouveau matériel ne sont pas les mêmes. Dans le cas des deux grandes guerres et de la guerre de Corée, il suffisait de remettre à la recrue un fusil, de lui enseigner la marche militaire et de l'envoyer au front. La plupart d'entre eux savaient déjà conduire un camion et accomplir d'autres tâches du genre.
Avec le genre de matériel qui est employé aujourd'hui, il faut une formation technique très poussée. Plus les gens qui passent par la réserve sont nombreux, même s'ils n'y sont pas très longtemps ou s'ils intègrent la force régulière, plus il faut puiser dans les ressources pour arriver à nos fins si jamais le pays tombe en situation de crise. Pour employer votre argument, je dirais certes que ce serait une dépense judicieuse, du point de vue du ministère de la Défense nationale, que de mettre davantage l'accent sur la réserve que par le passé.
Comme vous l'avez dit, nous étudions la réserve depuis que la réserve a été créée. Les gains de son côté n'ont pas été si grands au fil des ans. De fait, nous avons fermé des unités, y compris mon unité à moi, en Saskatchewan. Nous n'avons plus de brigade en Saskatchewan. Elle a été fusionnée à la 38e brigade de Winnipeg, ce qui préoccupe bon nombre d'entre nous dans la province de la Saskatchewan. Voilà un seul exemple de ce qui se passe au Canada.
L'effet sur les coûts est énorme. Il y a aussi, comme vous le dites, la capacité d'entraîner un plus grand nombre de personnes, bien qu'elles puissent quitter la réserve. À long terme, en misant davantage là-dessus, nous allons certainement renforcer la défense et la sécurité de notre pays. Nous avons bien une unité de la réserve qui se dirige maintenant vers la Bosnie. La plupart des autres unités devaient compter jusqu'à 30 p. 100 de réservistes, mais, la plupart du temps, elles en comptaient entre 10 et 17 p. 100.
Les réservistes doivent se prêter au même entraînement intensif que les membres de la force régulière, avant d'être affectés. Ils doivent être à la hauteur. Sinon, ils sont rejetés. Nous envoyons outre-mer des gens très bien entraînés pour chacune de ces affectations, ce dont on a fait preuve dans le cas de l'Afghanistan. Même avec les ressources limitées que nous avons à notre disposition, nous pouvons être très fiers du travail qu'accomplissent nos soldats en Afghanistan depuis un certain temps.
Si nous manquons de ressources, il s'agit de les réorienter, et le recours aux réservistes est certes une option à cet égard. Je vous inciterais vivement à accélérer le processus d'études et à faire en sorte que cela soit à l'avantage de tous les Canadiens, à un coût raisonnable.
Encore une fois, vous m'offrez une tribune qui me permet de faire valoir mes préoccupations en ce qui concerne la réserve. Je suis bien de cet avis: notre pays et notre appareil militaire passent vraiment à côté d'un potentiel énorme. Quand j'ai travaillé au Conseil de liaison des Forces canadiennes, j'ai été témoin de ce que peuvent faire les réservistes. J'ai vu ce que les employeurs du pays pensent de leurs réservistes. C'est une situation qui profite aux uns et aux autres.
Le lgén Macdonald: Nous appuyons certainement les remarques favorables que vous formulez à propos de la réserve. Cela ne fait aucun doute, ces gens représentent une ressource merveilleuse que nous devons nous assurer d'avoir en nombres suffisants et de former adéquatement et d'encourager à rester au sein des forces, où ils peuvent exercer leurs fonctions.
Encore une fois, les problèmes que vous signalez sont les symptômes relatifs à la disponibilité des ressources. Il s'agit de consacrer plus de fonds à la réserve. Nous parlons d'abord et avant tout de la milice. Consacrer des dépenses supérieures à la milice veut dire en consacrer moins ailleurs. Nous rechercherons toujours un équilibre.
Le président: J'ai une dernière question qui est hors contexte, général. Le New York Times signale que le Pentagone se porte acquéreur de grands navires en vue d'acheminer du matériel vers l'Iraq. Êtes-vous au courant de cela, et le Canada participe-t-il de quelque façon que ce soit à cet effort?
M. Calder: Sénateur, nous suivons certainement de façon très étroite les histoires comme celles-là.
Le sénateur Forrestall: Vous dites par là qu'il y en a d'autres?
M. Calder: Il y a évidemment nombre d'histoires qui circulent à propos de ce que les États-Unis feront ou ne feront pas dans le cas de l'Iraq. Pour l'instant, nous n'y participons pas.
Le président: Je vous ai entendu dire: « pour l'instant, nous n'y participons pas »?
M. Calder: Pas pour l'instant.
Le président: Merci.
M. Calder: J'ajouterais que notre participation relève d'une décision gouvernementale. Il s'agit d'abord et avant tout d'une décision liée à la politique étrangère, avant que ce soit une décision du ministère de la Défense nationale.
Le président: Au nom du comité, messieurs, merci beaucoup. Vous vous êtes prêtés à l'audience pendant un bon moment. Nous avons organisé les choses ainsi: nous savions que vous aviez beaucoup d'informations à nous transmettre, et nous apprécions beaucoup votre aide. Je m'attends à ce que nous vous revenions de temps à autre pour demander encore de l'aide. J'aimerais vous signaler que nous vous sommes très reconnaissants d'avoir comparu aujourd'hui.
Pour ceux qui suivent nos travaux à la maison, je vous prie de consulter le site Web à l'adresse suivante: www.senate- senat.ca/defence.asp. Nous y affichons les témoignages et nous y confirmons le calendrier des travaux du comité. Autrement, vous pouvez communiquer avec la greffière du comité au 1 800 267-7362 pour obtenir des informations complémentaires ou de l'aide en vue de communiquer avec les membres du comité.
Nous accueillons maintenant deux témoins de marque. Le premier est le vice-amiral Ron Buck. Le vice-amiral Ron Buck est chef d'état-major des Forces maritimes depuis le 21 juin 2001. Sa carrière opérationnelle a englobé son commandement de la Flotte canadienne du Pacifique et du Cinquième Escadre de destroyers du Canada. Bien entendu, il a aussi commandé son propre navire, le NCMS Restigouche, destroyer d'escorte. À la demande des personnes handicapées, le vice-amiral Buck a assumé, au sein de la Défense nationale et des Forces canadiennes, le rôle de faire valoir leur cause.
Nous accueillons également le lieutenant général Jeffery, Chef d'état-major de l'Armée de terre. Le lieutenant- général Jeffery est né à Londres, en Angleterre. Il s'est joint au Régiment royal de l'Artillerie canadienne en 1964. Le lieutenant-général Jeffery a été promu au rang qu'il occupe actuellement le 1er mai 2000. En date du 8 août 2000, il est devenu Chef d'état-major de l'Armée de terre. Le lieutenant-général Jeffery a subi avec succès le cours d'état-major d'artillerie (campagne et repérage) au Royaume-Uni, le Long Gunnery Staff Course (Field and Locating), avant de passer au Collège de commandement et d'état-major des forces terrestres canadiennes, à l'U.S. Army Command and General Staff College et au Collège de la défense nationale.
Le vam Ron Buck, chef d'état-major des Forces maritimes, ministère de la Défense nationale: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je viens traiter avec vous aujourd'hui du rôle que joue la marine canadienne en ce qui concerne les opérations concertées de surveillance maritime dans le cas des approches maritimes du Canada aussi bien que de celles de nos alliés américains en ce qui concerne leur secteur d'opérations adjacent.
[Français]
En tant que chef d'état-major des Forces maritimes, mes responsabilités incluent le commandement des Forces maritimes et consistent à aviser le chef de la Défense sur tous les aspects maritimes affectant la sécurité et la défense, soit la promulgation et l'exécution d'un plan de surveillance efficace et la coordination des opérations assignées.
J'aimerais tout d'abord vous faire un court exposé sur la coordination maritime et par la suite, je serai à votre disposition pour répondre aux questions sur ce sujet.
[Traduction]
Comme les audiences que votre comité a tenues jusqu'à maintenant vous ont permis de le voir, le dossier de la sécurité maritime intérieure suppose coopération et concertation non seulement sur le plan international, mais également pour un nombre important de ministères et d'organismes à l'intérieur même du Canada. Pour ce qui est de la zone des rivages en particulier, la marine canadienne collabore étroitement avec le ministère des Pêches et Océans, la Garde côtière canadienne, l'Agence des douanes et du revenu du Canada, Citoyenneté et Immigration Canada, la Gendarmerie royale du Canada et bien d'autres organismes. Il y a également une coordination bilatérale très étroite avec les forces navales américaines et la Garde côtière américaine.
Pour que les opérations puissent être menées efficacement, surtout dans le cas d'une opération faisant appel à plusieurs organisations, il est indispensable que les activités soient concertées et qu'elles reposent sur une information commune. Cette information commune permet aux décideurs de bien saisir la situation et les activités qui peuvent avoir une incidence sur l'opération. Pour résumer, la connaissance de la situation est essentielle à la prise de décisions éclairées et au déroulement des opérations subséquentes.
Notre objectif, en matière de surveillance maritime, consiste à déterminer ce qui s'approche de nos eaux, de manière à pouvoir prendre les mesures qui s'imposent avant qu'il n'y ait des conséquences indésirables. La connaissance de la situation revient à la fusion ou mise en commun des renseignements provenant de diverses sources, pour donner un tableau de la situation. Dans le contexte maritime, les sources d'information sont les suivantes: les bateaux et aéronefs du gouvernement aussi bien que les bâtiments de guerre des forces navales et les appareils de l'aéronavale en mer et qui contribuent à donner un tableau d'ensemble, plus les éléments qu'apportent de nombreux autres ministères et nos alliés. Les sources techniques comme l'imagerie par satellite et le radar, aussi bien que les sources de données tant ouverte que protégées, dont, fait assez intéressant, Internet, permettent également de se faire une idée de la situation. Le défi, en réalité, à bien des égards, consiste à réunir toutes ces informations, à les diffuser convenablement et, essentiellement, à en arriver au même point de vue sur ce qui se passe.
Je crois qu'il importe de souligner que, dans le contexte de la surveillance maritime, les navires ne sont qu'un élément du portrait. De fait, les navires ne représentent pas le véhicule de surveillance qui présente le meilleur rapport coût-efficaté. C'est plutôt du point de vue de l'interception que les navires se révèlent très efficaces et très rentables.
Les aéronefs et les véhicules de surveillance de vastes zones permettent de s'occuper le mieux de la surveillance sur une grande étendue, ce qui, en vérité, est l'objectif. Il faut déterminer ce qui se passe, puis élaborer un plan concerté, en recourant, normalement, à des navires pour permettre l'interdiction ou l'interception.
C'est grâce à la connaissance de la situation que les commandants peuvent pendre des décisions éclairées et coordonner les mesures prévues. Les mesures peuvent alors reposer sur le recours à des ressources appropriées et l'emploi d'éléments susceptibles d'accomplir le mieux possible la mission au niveau tant international que national.
Le lgén M. K. Jeffery, Chef d'état-major de l'Armée de terre, ministère de la Défense nationale: Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir à nouveau l'occasion de m'adresser au comité. J'aimerais prendre quelques instants pour mettre en contexte les questions liées à la sécurité, du point de vue des forces terrestres, et brosser un aperçu de l'interopérabilité des armées canadiennes et américaines. Je sais que vous avez accueilli de nombreux témoignages à ce sujet; je vais donc m'en tenir à de brèves remarques et je vous laisserai le soin de poser des questions sur les points qui vous intéressent le plus.
Pour aborder le sujet, j'insiste pour dire que, étant donné mes responsabilités à titre de responsable de la constitution d'une force, je m'intéresse d'abord et avant tout au développement de forces terrestres et à la création de conditions propices au succès, alors que le sous-chef d'état-major de la Défense a pour responsabilité la planification opérationnelle et le commandement et le contrôle des opérations, y compris les opérations intérieures.
Cela dit, je vais parler pour la plus grande part de questions liées aux forces opérationnelles terrestres.
Comme le sous-chef d'état-major de la Défense l'a déjà souligné au comité, pour la plupart des questions liées à la sécurité intérieure, le MDN n'est pas le premier organisme appelé à intervenir ni le premier responsable. Le défi que nous devons relever consiste à accomplir une planification suffisante pour nous assurer d'avoir une préparation maximale, pour des tâches inattendues dans des lieux inattendus. La planification des opérations intérieures, historiquement, avait surtout trait à des opérations conventionnelles, sans égard aux menaces asymétriques ni à la lutte au terrorisme. Étant donné l'étendue des tâches possibles sur le plan du soutien intérieur, les engagements des forces sont, de par leur nature, généraux. La priorité est alors accordée à l'aspect commandement et contrôle de notre rôle, pour ce qui est du soutien militaire offert aux autorités civiles. En bref, l'armée, avec sa structure régionale, fournit la principale structure opérationnelle et tactique de commandement et de contrôle prévue en réponse aux opérations intérieures terrestres. L'intervention pratiquée comprend normalement à la fois des soldats réguliers et des réservistes, les unités de réserve étant chargées de la réponse militaire générale dans les régions locales, et les unités régulières étant chargées de capacités plus mobiles et plus spécialisées.
Pour ce qui est de l'interopérabilité des armées canadienne et américaine, la planification, par le passé, a surtout touché l'exigence « de haut niveau » associée aux opérations conventionnelles. Or, on est à réviser cette notion et, comme a pu le dire plus tôt le vice-chef d'état-major de la Défense, nous sommes en train de préparer un cadre pour guider la coopération en rapport avec toutes les opérations potentielles. Tout de même, étant donné la nature civile de l'intervention initiale dans un pays comme dans l'autre et les réalités géographiques que nous connaissons, la probabilité qu'il y ait des opérations combinées et majeures n'est pas élevée. De tels projets auraient donc une nature générale et reposeraient sur les modalités établies d'une coopération de pays à pays, plutôt que sur des plans opérationnels détaillés. Le défi que nous devons relever consiste à nous assurer que viendra le jour où les deux armées pourront, au besoin, collaborer efficacement.
L'interopérabilité concerne la capacité pour les forces alliées de travailler ensemble efficacement à exécuter des missions et des tâches. Cela englobe toute une série d'aspects, notamment le commandement et le contrôle — en particulier l'élaboration de plans convenus et de moyens de coordonner les questions, la conclusion d'ententes sur les procédures doctrinales, l'uniformisation des secteurs techniques essentiels au travail à accomplir et l'entraînement périodique nécessaire pour élaborer et confirmer la capacité de travailler ensemble.
L'interopérabilité est tout aussi importante sur les tribunes nationales et internationales, mais, pour la plus grande part, notre interopérabilité tend à privilégier les aspects internationaux.
Une part importante de la planification de l'uniformisation et de l'interopérabilité se fait dans des tribunes internationales où sont présents les États-Unis. L'interopérabilité n'est pas seulement une préoccupation continentale; elle a une incidence sur toutes les opérations auxquelles nous pouvons participer aux côtés d'autres pays, qu'il s'agisse d'alliés traditionnels comme l'OTAN ou des pays sous la direction desquels nous pouvons travailler à l'ONU. Nos alliés se préoccupent tout autant que nous de l'interopérabilité. De ce fait, l'OTAN aussi bien que les armées américaine, britannique, américaine et australienne, sous l'égide du Programme de normalisation de l'ABCA, ont mis sur pied d'importants programmes de normalisation. Notre armée, comme celle des États-Unis, participe de manière importante à plus de 25 groupes de travail actifs et à de nombreux sous-comités et groupes de spécialistes rattachés à ces programmes. Parmi les produits dont il est question, citons les ententes en matière de normalisation qui englobent l'interopérabilité matérielle et les questions non matérielles de la doctrine, de la tactique, de la formation, des publications sur la tactique et la procédure, des prêts d'équipement, des guides sur l'interopérabilité, de l'échange d'informations et de la diffusion de leçons apprises du point de vue de la formation et des opérations.
La principale tribune où il est question de coopération entres armées est celle des pourparlers des états-majors du Canada et des États-Unis. Ces pourparlers annuels permettent de soulever des questions pertinentes liées à l'interopérabilité, d'échanger des renseignements et de faciliter la coopération et la collaboration. La plus récente réunion, tenue en mai, avait pour thème le commandement et le contrôle appliqué à l'interopérabilité, et notre principale collaboration à l'élaboration de la doctrine concerne la numérisation, le commandement et le contrôle, et ISTAR — le projet ISTAR — intelligence, surveillance, target acquisition et reconnaissance. Les parties se sont également entendues pour échanger des renseignements sur la défense intérieure, et on est en voie de produire une matrice d'activités pour la coopération entre armées à cet égard.
Outre les pourparlers entre les états-majors, il y a la conférence canado-américaine des officiers généraux de la réserve, qui permet aux réserves de l'armée des deux pays de mieux se comprendre mutuellement et de faire progresser des projets individuels et collectifs d'entraînement.
De même, l'armée parraine toute une série de postes d'officiers stagiaires et d'agents de liaison, qui concernent d'abord et avant tout les États-Unis. Le programme d'échange permet d'entretenir, d'accroître et d'élargir le niveau de connaissances et d'aptitudes essentielles à l'armée. Le programme privilégie des secteurs comme l'élaboration de matériel et de la doctrine, le renforcement de l'expertise des quartiers généraux et l'expertise relative à la fonction de combat. Les officiers stagiaires occupent un poste au sein de l'établissement de la force hôte et sont employés de la même manière que les membres équivalents de la force hôte. Le programme d'échange permet d'avoir une connaissance profonde des procédures, de la doctrine et des techniques tout en révélant les connaissances acquises sur nos capacités. Les officiers de retour d'un stage sont souvent mutés à des postes où ils emploient et diffusent les connaissances acquises.
Malgré tous les plans et accords sur l'interopérabilité, l'entraînement demeure essentiel à l'élaboration et à la confirmation de la capacité de travailler ensemble dans les faits. Comme les installations canadiennes et américaines sont situées près les unes des autres, un entraînement minimal se fait de part et d'autre de la frontière quotidiennement ou de façon continue. Il est d'usage pour les armées du Canada et des États-Unis d'employer les installations et secteurs d'entraînement de l'autre, et il y a jusqu'à 7 000 soldats de la force régulière et de la réserve qui s'entraînent tous les ans dans des établissements américains. Il y a aussi une série d'échanges de petites unités. Cela se situe d'abord et avant tout au niveau tactique: il s'agit d'exposer le personnel au travail des sous-unités et autres unités inférieures, à la procédure doctrinale et opérationnelle et à l'équipement de l'autre armée. Par ces échanges, nous voulons nous assurer que l'expérience, les connaissances professionnelles et la doctrine des deux parties sont partagées de manière à profiter au maximum à chacun et, en dernière analyse, d'améliorer leur capacité d'interopérations.
Un entraînement de plus haut niveau se fait sous diverses formes, principalement sous l'égide du programme d'entraînement combiné. L'armée s'attache d'abord et avant tout aux exercices biennaux de l'ABC et aux séminaires communs, le plus récent ayant eu lieu au printemps, à Kingston. Cet exercice — baptisé démonstration de l'interopérabilité de la coalition (DIC Borealis) — a servi à étudier les aspects techniques de l'interopérabilité numérisée du commandement et du contrôle. C'était une progression importante sur le plan de l'interopérabilité technique canado-américaine. Le prochain exercice devrait être organisé par les États-Unis, en 2004; il comprendra vraisemblablement un exercice de poste de commandement au niveau de la division, et le commandement et le contrôle y occuperont une place importante.
En outre, l'armée, à l'occasion, participe à d'autres exercices combinés comme l'exercice MARCOT — exercice d'entraînement aux opérations de commandement maritime — qui fait appel aux forces navales et aériennes canadiennes et américaines, au corps des marines des États-Unis et à des éléments de notre quartier général de la force interarmées.
Bien entendu, la planification et la réalisation de l'interopérabilité sont deux choses très différentes. Le succès éclatant du déploiement récent en Afghanistan témoigne des efforts que nous avons faits sur le plan de l'interopérabilité. La capacité qu'a eue notre groupement tactique Op Apollo de s'intégrer sans heurts aux forces américaines montre que, dans la plupart des cas, l'interopérabilité peut fonctionner. C'est cette même interopérabilité qui sera l'élément clé de notre arrangement en matière de sécurité et de coopération, ici, au Canada.
Monsieur le président, j'espère vous avoir éclairé quelque peu sur la nature des plans opérationnels actuels pour ce qui est de l'armée de terre et sur la portée des activités entreprises afin d'assurer l'interopérabilité de l'armée canadienne et de l'armée américaine. Du point de vue de la coopération entre armées, nous avons une bonne interopérabilité tactique et opérationnelle, une liaison et des échanges complets, et nous coopérons au développement des forces. Par contre, il faut continuer de déployer les efforts voulus pour maintenir ce niveau. La transformation importante qu'envisage l'armée américaine du fait de l'exploitation de la technologie à l'avenir pourrait rendre nettement plus difficile l'interopérabilité, ce qui veut dire qu'il faudra déterminer les secteurs capitaux et les investissements qui s'imposent à cet égard.
Les plans qui s'appliquent actuellement aux opérations terrestres sont adéquats et, même s'ils privilégient pour une bonne part les opérations classiques, cela touche beaucoup la situation intérieure. Tandis que le Plan du commandement unifié se précisera, nous pourrons nous attendre à voir cette forme de fidélité s'améliorer, mais les responsabilités relatives aux forces terrestres, à mon avis, sont peu susceptibles de connaître des changements appréciables. La probabilité est que, en tant que forces de dernier recours, l'armée américaine et l'armée canadienne se donneront pour tâche prioritaire de se préparer à interopérer s'ils sont appelés à le faire dans le cadre d'une intervention nationale.
Je suis bien disposé à répondre à vos questions.
Le sénateur Forrestall: Bienvenue, messieurs. C'est toujours un plaisir que de rencontrer les hauts gradés.
Je voulais poser quelques questions brèves, mais précises qui, je l'espère, nous aideront à préparer notre prochain rapport. Vous avez parlé des informations dont on a besoin et du fait que l'on compte de plus en plus sur l'échange d'informations avec nos alliés. Vous dites que cela pose des difficultés étant donné que les ressources sont de plus en plus rares
En rapport avec ça, de manière générale — et vous verrez, à la fin, là où je veux en venir — pourriez-vous me donner un exemple de coordination du travail de la force navale américaine et de la force navale canadienne pour ce qui est de la surveillance des navires provenant de l'Orient à destination d'Amérique du Nord, particulièrement les ports canadiens?
Le vam Buck: Certainement, sénateur. Depuis le 11 septembre, nous attachons énormément d'attention aux menaces asymétriques. De fait, l'armée canadienne, l'armée américaine et, de fait, d'autres ministères s'attachent aux menaces asymétriques depuis bien plus longtemps que ça. L'exemple que vous venez de citer en est un bon.
D'ordinaire, dans une situation comme celle que vous avez décrite, il y aurait un élément d'information, un renseignement au sens militaire du terme, généralement, qui proviendrait d'une source quelconque. Selon l'élément d'information dont il est question, et sa source, on déterminerait la voie de communication.
Disons pour l'instant qu'il s'agit d'une question d'immigration. Dans ce cas particulier, Immigration Canada, normalement, dans la mesure où il y a un élément maritime, met l'information en commun avec la force navale canadienne, les forces maritimes et d'autres ministères susceptibles de jouer un rôle, ce qui comprendrait la Gendarmerie royale du Canada et, peut-être, la Garde côtière canadienne. De même, il y a un lien international à l'affaire, parce que la surveillance ne se fait pas que localement, au large des côtes. Des ententes mondiales régissent la surveillance.
Si un bâtiment se dirige vers la côte de l'Amérique du Nord, en traversant le Pacifique, depuis l'Asie, il pourrait bel et bien se diriger vers le Canada, il pourrait se diriger vers les États-Unis ou il pourrait avoir de nombreuses autres destinations. Présumons pour un instant que, selon les services de renseignements, le bâtiment se dirige soit vers le Canada, soit vers les États-Unis. Grâce à des arrangements déjà en place, nous ferions parvenir l'information aux États-Unis, sinon, les États-Unis nous feraient parvenir l'information. De fait, les États-Unis exercent une surveillance dans certains de leurs territoires étrangers, à Guam, pour donner un exemple particulier. Suivant la route que prend le bâtiment, il pourrait être repéré par un autre pays. L'information serait transmise et, au fur et à mesure que le bâtiment particulier approche de l'Amérique du Nord, suivant sa route, on élaborerait un plan de recherche ou un plan d'action conjoint ou, s'il se dirige vers un pays en particulier, de manière générale, soit le Canada, soit les États-Unis s'en occuperaient.
De façon générale, voici comment cela se passe: le chemin le plus court vers le Canada, souvent, passe non pas par les eaux territoriales américaines, mais plutôt par les approches américaines d'eaux territoriales. En termes généraux, dans ce cas, on aurait surtout recours à un aéronef ou à un système aérien de surveillance. Suivant l'endroit où il est déterminé que la mesure d'interception s'appliquerait, on saurait quels moyens maritimes il faut utiliser; c'est-à-dire quels navires. Il pourrait s'agir de faire appel, et nous l'avons déjà fait régulièrement, à des bâtiments de la force navale américaine et canadienne, à la garde côtière américaine et, à l'occasion, quand c'est très proche de la côte, aux bateaux de la Gendarmerie royale canadienne aussi bien que de la Garde côtière canadienne. On a été témoin d'une coopération de ce genre il y a trois étés environ, sur la côte ouest, l'été où la migration s'est faite importante. Six bâtiments en tout ont été employés. Ce sont des plans qui existent et qui existent depuis un certain temps déjà.
Le sénateur Forrestall: La coopération entre notre force navale et celle des États-Unis est-elle bonne à cet égard parce qu'il y a un commun accord?
Le vam Buck: Cela est attribuable au fait qu'il existe des ententes opérationnelles aussi bien qu'au fait que les forces navales et les gardes côtières, par le passé, ont déjà travaillé ensemble. Nous faisons ça depuis de nombreuses années. Cette collaboration vous permet à vous, comme le lieutenant-général Jeffery l'a fait remarquer, d'en arriver à une tactique et une doctrine opérationnelle communes. Du côté maritime, dans le monde occidental, il y a, en fait, deux ensembles de tactiques doctrinales maritimes: celle de l'OTAN et la variante américaine, qui est très semblable. Comme nous y travaillons quotidiennement, les liens en question sont là.
Le sénateur Forrestall: Vice-amiral Buck, y a-t-il lieu de mettre à jour le règlement maritime canadien concernant les bateaux qui s'engagent dans les eaux territoriales canadiennes et y exercent leurs activités?
Le vam Buck: Une chose est claire: les Forces canadiennes, le ministère de la Défense n'ont pas la première responsabilité à cet égard.
Le sénateur Forrestall: J'en suis conscient.
Le vam Buck: Tout de même, du fait d'un groupe de travail maritime interministériel créé depuis le 11 septembre, on déploie plusieurs efforts pour en arriver tout à fait à cela, et il existe plusieurs ententes internationales qui favorisent des exigences plus rigoureuses sur le plan des rapports.
Le sénateur Forrestall: Pourquoi les Grands Lacs ont-ils acquis une telle importance?
Le vam Buck: Une des difficultés qui surgissent concernant les eaux intérieures — et les Grands Lacs appartiennent au Canada et aux Etats-Unis — c'est que le délai d'intervention, en cas de problème, est beaucoup plus court parce qu'on est déjà au centre du territoire. La circulation est dense dans ces eaux particulières, et nombres d'instances y sont présentes. Ce n'est pas seulement le niveau national qui entre en ligne de compte; maintenant, dans certains cas, c'est le niveau provincial et municipal. La question devient plus complexe parce que le nombre d'intervenants est plus grand et qu'il y a de nombreuses unités maritimes qui y circulent. En dernière analyse, il s'agit de pouvoir échanger des informations pour brosser un tableau général de la situation, afin de s'entendre sur ce qui se passe, pour agir avec plus de célérité.
Le sénateur Forrestall: Quelles sont les nouvelles règles américaines? Pouvez-vous nous décrire brièvement ce qui incite les États-Unis à instaurer ces nouvelles procédures?
Le vam Buck: Il ne s'agit pas seulement de nouvelles exigences américaines; il s'agit d'exigences internationales en matière de rapport. Le facteur principal, en rapport avec la nouvelle exigence, c'est qu'il faut signaler 96 heures à l'avance l'arrivée dans les eaux territoriales américaines ou canadiennes — se déclarer —, puis il y a des règles de rapport rigoureuses, une fois qu'on est engagé dans les eaux territoriales.
Le sénateur Forrestall: Les 96 heures, nous présumons, couvrent le trajet entre l'océan et le lac.
Le vam Buck: Tout à fait.
Le sénateur Forrestall: Les nouvelles règles américaines s'appliquent-elles à tous les bâtiments qui circulent dans les Grands Lacs?
Le vam Buck: Elles s'appliquent aux bâtiments qui soit transiteront par un port américain, soit passeront par les eaux américaines.
Le sénateur Forrestall: Quelles mesures le Canada devrait-il adopter?
Le vam Buck: On s'applique à s'assurer qu'il y aura une réglementation parallèle, par exemple des ententes, pour les Grands Lacs qui s'harmonisent, de manière à améliorer la capacité d'intervenir en cas d'incident, particulièrement quand il y a passage d'un pays à l'autre.
Le sénateur Forrestall: C'est en cours?
Le vam Buck: La marche à suivre pour mettre cela en place est en cours, mais le ministère de la Défense, les Forces canadiennes, en est le premier responsable.
Le sénateur Forrestall: Quel serait l'effet, sur les côtes canadiennes, d'un resserrement de la sécurité sur les côtes américaines?
Le vam Buck: Nous échangeons des renseignements efficacement, mais au niveau opérationnel, toute augmentation de l'exigence de rapport que pourraient imposer les États-Unis, dans le cas du passage dans leurs eaux, nous permettrait un échange; nous aurions donc ces renseignements. De même, tout accroissement de la réglementation concernant nos eaux, de la même façon, nous permettrait de transmettre ces renseignements aux États-Unis. Cela nous permettrait de réagir plus rapidement en cas de menaces précises.
Le sénateur Forrestall: Dans le cas de la Voie maritime du Saint-Laurent, comment réagit-on à cet égard, en ce qui concerne l'avis préalable à l'entrée?
Le vam Buck: Du point de vue des avis, il y a des exigences à respecter avant de s'engager dans la voie maritime — et, tout le long de la voie maritime, il y a un régime strictement contrôlé qui est en place depuis plusieurs années.
Le sénateur Forrestall: L'avis de 96 heures est tel que le navire qui le transmet se trouve quelque part dans les eaux internationales, n'est-ce pas?
Le vam Buck: Le navire se trouverait en eaux internationales; on aurait donc le temps de jauger la situation et d'obtenir tout renseignement utile sur le bateau. De même, on aurait le temps de dresser un plan pour réagir, si cela se révélait nécessaire.
Le sénateur Forrestall: Vous avez dit que les bâtiments, en mer, ont une portée visuelle de 30 milles. Qu'en est-il des autres bâtiments, autres que les antiques Sea Kings de combat?
Le vam Buck: La portée visuelle d'un navire est de 12 à 15 milles. Dans le cas du radar de surface, ou pour détecter un contact de surface au moyen du radar, il faudrait que le bâtiment ait une portée de 20 à 30 milles. Quel que soit le bâtiment à repérer, le recours à un aéronef, et notamment le Sea King, élargit la chose considérablement. De fait, les Sea Kings entrent d'ordinaire en fonction quand nous devons effectuer une interdiction ou une interception, parce que, de fait, ils nous permettent d'élargir notre champ d'action. Le véhicule principal qui sert à la surveillance sur grande étendue est l'aéronef de patrouille maritime Aurora, qui est un excellent instrument à cet égard.
Le sénateur Forrestall: Combien de vols de surveillance sont effectués, et où sont-ils effectués? Pendant combien d'heures recueille-t-on des informations grâce à l'Aurora, si on omet le cas des vols d'entraînement?
Le vam Buck: La question, pour ce qui est des heures de vol et de s'occuper d'un incident particulier, tient au «queuing», au renseignement — au fait de savoir qu'il y a quelque chose à débusquer. Recourir à des vols continus, ou encore à des patrouilles maritimes continues, est une façon coûteuse d'obtenir une image radar, et c'est tout ce que l'on obtient. On n'arrivera pas forcément à identifier le bâtiment. La clé, c'est de disposer d'éléments d'information particuliers et (ou) de sources multiples qui vous permettent de voir, sur écran radar, un contact radar, et de l'associer à une entité particulière, c'est-à-dire de savoir ce que c'est.
Le président: Les règles américaines s'appliquent-elles aux véhicules de plaisance qui circulent dans les Grands Lacs?
Le vam Buck: Je ne sais pas jusqu'à quelle taille d'embarcation la réglementation s'applique, pour ainsi dire, mais je vais obtenir la réponse à cette question pour vous.
Le président: Pourriez-vous tenir compte de lieux comme les Milles-Îles, là où la circulation sur la voie maritime semble assez importante? Vice-amiral, vous nous avez parlé de la portée d'un Cessna. Quelle est la portée radar d'un Aurora?
Le vam Buck: Je ne crois pas avoir parlé de Cessna, j'ai plutôt parlé des Sea Kings. Le fonctionnement du radar d'un aéronef dépend de l'altitude où on se trouve — plus on est haut dans les airs, plus la portée est grande. Dans le cas de l'Aurora, normalement, l'image radar peut avoir un diamètre de 50 milles ou plus. Toutefois, c'est un cercle où le diamètre fait 50 milles ou plus, alors cela commence à faire une zone énorme. Plus on prend de l'altitude, plus la portée est grande. Cela dépend également de la taille de l'objet repéré. Un petit objet, par exemple un petit bateau de pêche, serait repérable quand la portée est relativement courte, alors qu'un pétrolier géant le serait avec une grande portée, une portée nettement plus grande.
Le président: D'ordinaire, à quelle altitude volez-vous?
Le vam Buck: Cela dépend de l'objectif de la recherche. Si vous voulez simplement savoir combien il y a d'objets, vous choisiriez probablement de circuler à plus de 3 000 pieds. Si vous cherchez un objet particulier, vous choisiriez probablement de suivre l'objet à son insu et de descendre plus bas, d'employer d'autres systèmes de l'Aurora en plus du radar et des systèmes électroniques, pour essayer de voir de quoi il s'agit. En plus, si vous souhaitez identifier l'objet, vous choisiriez de procéder à un repérage visuel depuis l'aéronef.
Le sénateur Wiebe: La plupart de mes questions, aujourd'hui, devaient porter sur l'interopérabilité de nos forces terrestres; je vous remercie d'avoir répondu à bon nombre d'entre elles durant votre exposé.
Tout de même, je crois parler au nom de tous les membres du comité, et, à coup sûr, au nom de tous les Canadiens, quand je vous dis à quel point nous sommes fiers de la conduite de vos soldats en Afghanistan. Ils ont accompli un boulot incroyable, et le Canada peut en être fier. Je vous prie de faire part au personnel, si vous le pouvez, des sentiments du comité à cet égard.
Sur ce thème, j'ai noté récemment un commentaire formulé dans nos journaux nationaux qui, essentiellement, revenait à dire que nos soldats ont fait un si bon travail dans les limites de l'armée canadienne que, en effet, ils ont nui à leur propre cause en étant vraiment excellents. Étant donné les problèmes que vit actuellement l'armée, on a laissé entendre que les soldats ont fait un si bon travail que cela a donné une porte de sortie au gouvernement; autrement dit, le gouvernement peut maintenant affirmer que l'armée est apte à accomplir n'importe quelle tâche qui lui est attribuée avec les ressources dont elle dispose. Bien entendu, je suis d'avis qu'elle ne dispose pas de ressources suffisantes. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette question.
Le lgén Jeffery: Je ferai certes de mon mieux pour transmettre les remarques du comité au troisième bataillon, le Princess Patricia's Canadian Light Infantry.
Pour ce qui est de votre question, j'ai lu avec quelque intérêt les mêmes articles que vous. Je suppose que je poserais la question suivante: les gens s'attendent-ils à un échec de notre part? Nous enseignons cela à nos soldats et nous, en tant qu'institution, faisons reposer la profession sur l'idée selon laquelle nous ne saurions, à moins d'avoir de bonnes chances de succès, mettre les troupes dans une situation difficile ou entreprendre une mission. C'est le genre de décisions que mes collègues des autres services, le Chef d'état-major de la Défense et moi-même prenons avant d'engager des troupes dans une bataille — nous nous assurons que, en fait, les soldats peuvent bien faire le travail.
Par contre, il ne faut pas présumer que, parce que nous avons pris ces décisions, alors, forcément, l'institution entière ne connaîtrait aucune difficulté. Je ne m'étendrai pas là-dessus. J'ai déjà témoigné devant le comité pour vous donner un point de vue sur cette question.
D'une certaine façon, nous sommes des fonceurs. C'est notre principal atout. Je ne voudrais pas que cela devienne une faiblesse aussi. J'ose croire que nous, les hauts dirigeants au sein du gouvernement, sommes assez futés pour repérer les faiblesses et agir pour les corriger.
Le sénateur Wiebe: Merci beaucoup de cette réponse. J'apprécie cela parce que, même si votre expérience au sein des Forces armées est nettement plus grande que la mienne, je suis certainement d'accord avec ce que vous dites. Je ne crois pas que nos Forces armées aient jamais déployé des troupes dans une situation où elles n'avaient pas d'abord été bien entraînées, avant d'entreprendre la tâche.
Sur le plan des ressources, le problème réside peut-être en partie dans le manque de personnel et dans l'incapacité de traiter toutes les demandes que le gouvernement semble adresser aux soldats responsables du maintien de la paix pour ce qui est de la rotation des troupes et des congés qu'il faudrait accorder après une mission.
Si on vous accordait une augmentation budgétaire importante et que cela allait directement à l'armée, est-ce que vous vous en serviriez pour l'entraînement? Est-ce que vous vous en serviriez pour engager d'autres gens? Qu'est-ce que vous en feriez?
Le lgén Jeffery: Je pourrais mettre un bémol sur la réponse que j'ai donnée car il s'agit d'une situation imaginaire, et j'ai toujours un peu de difficulté à parler des situations imaginaires. Les grandes difficultés qui nous préoccupent beaucoup concernent le personnel, d'abord et avant tout. Nous n'avons pas assez de personnel pour continuer de prendre en charge les engagements que nous avons eus historiquement. Cela est une partie du problème. Nous avons désespérément besoin d'un entraînement collectif plus étoffé. Nous travaillons en ce sens, mais l'ampleur des ressources nous limite beaucoup. Une des trois grandes tâches consisterait à maintenir une structure de la taille de celle que nous avons en place en ce moment.
Il n'est même pas encore question de quelque progression. Nous devons, en tant qu'institution — non seulement l'armée, mais aussi les trois services des Forces canadiennes — nous moderniser pour continuer de pouvoir subvenir aux besoins en défense du pays.
La première tâche doit consister à préserver ce que nous avons; ensuite, il faut investir dans l'avenir. Voilà à quoi, à mon avis, tous fonds supplémentaires devraient être consacrés.
Le sénateur Wiebe: Je vais vous poser une question que j'ai posée à d'autres témoins avant vous. Selon l'idée que se fait le grand public du coût de la défense et de la sécurité au pays, la majeure partie du budget est consacrée à l'achat d'équipement comme les avions, les chars d'assaut ou les Coyotes. Néanmoins, plus de 50 p. 100 de notre budget de la défense vont aux salaires.
C'est la même somme d'argent qui est engagée pour entraîner un soldat ordinaire ou un réserviste. Avec les ressources dont nous disposons, pourquoi ne pas accorder à nos réservistes une plus grande place que par le passé? J'ajouterais, à ce sujet, que je me réjouis tout à fait de savoir qu'une unité entière de réservistes s'en va accomplir une mission en Bosnie. Je crois qu'ils vont partir sous peu. C'est un merveilleux signe de confiance envers les réservistes et leurs capacités.
Le lgén Jeffery: Comme le comité doit le savoir, un élément de la stratégie ministérielle consiste à améliorer notre réserve, y compris du côté des forces terrestres. Une stratégie de restructuration de la réserve des forces terrestres a été publiée il y a presque deux ans. C'est un plan d'action pour l'avenir. Bien entendu, il y a des questions relatives aux ressources qu'il faut régler, afin de pouvoir y arriver, mais, certes, cette intention est exprimée dans l'ensemble de la stratégie.
Nous sommes toujours à la recherche d'occasions de recourir à nos réservistes, de plus en plus. Le cas dont vous parlez, en effet, est celui d'une compagnie entière d'un bataillon d'infanterie qui se dirigera vers la Bosnie à l'automne.
La difficulté, bien entendu, consiste à savoir jusqu'où il faut aller. Les réservistes, par la nature de leur travail, sont des soldats à temps partiel. Ce sont des citoyens canadiens qui ont un autre boulot. Ils ont une famille, ils composent avec d'autres pressions. Oui, ils viendront et répondront à l'appel. Ils s'engageront à faire ce qu'il faut pour répondre aux besoins du pays, mais si nous leur demandons de revenir encore et toujours, il faut se poser la question: «Quel est vraiment le rendement auquel nous nous attendons quand nous demandons à des réservistes de servir de façon régulière?»
Il ne s'agit pas de répondre à l'appel majeur d'une vie comme l'ont fait les combattants des deux grandes guerres. C'est une opération régulière.
Pour ce qui est du rapport coût-efficacité, un réserviste bien entraîné et un soldat bien entraîné coûtent la même chose, étant donné les exigences de l'entraînement, dans la mesure où ils sont appelés à atteindre le même niveau. La difficulté, dans cette analyse, c'est que la plupart de nos réservistes n'ont pas reçu le niveau d'entraînement nécessaire pour pouvoir plier bagage et accomplir les opérations particulières que nous leur demandons d'accomplir. Il faut une planification à long terme qui serait nettement plus importante. La compagnie qui s'en va en Bosnie à l'automne se prête depuis six mois à un entraînement à temps plein.
Si on regarde l'investissement du point de vue des dollars dépensés, on constate que l'entraînement coûte la même chose que pour les forces régulières. Quand les réservistes vont en mission, ils obtiennent exactement le même salaire que le soldat ordinaire.
Le sénateur Wiebe: N'est-il pas vrai que les soldats professionnels ont également une femme et une famille? Ils sont plus souvent appelés à changer d'affectation. Ne pourrait-on pas dire aussi que les soldats professionnels, avant d'être déployés, se prêtent à ce même entraînement intensif de six mois? Si le réserviste ou le soldat permanent ne réussit pas cet entraînement, il ne part pas.
Le lgén Jeffery: Vous avez raison, certainement pour ce qui est de la remarque finale concernant le personnel régulier et de la réserve. Si le soldat ne réussit pas l'entraînement, il ne part pas en mission.
Oui, tous les soldats qui sont appelés à participer à une opération subissent d'abord un entraînement. Toutefois, le cas des réservistes pose un défi particulier. Nous devons faire en sorte que chacun d'entre eux finisse par posséder le niveau qui correspond à son rang et son poste, avant d'entreprendre un important entraînement collectif qui lui permettra de se préparer à la mission.
L'entraînement supplémentaire de six mois doit s'ajouter, dans certains cas, à un entraînement individuel assez important, qui permet aux soldats individuels d'être prêts. Les soldats ordinaires ne posent pas de problème. C'est le cas des sous-officiers et des officiers qui est difficile. Un vieux sous-officier m'a demandé, il y a bien des années de cela, combien de temps il faut pour qu'un sergent ait l'équivalent de 20 ans d'expérience. La réponse est: 20 ans. On ne saurait prendre un réserviste et, à la suite d'un entraînement abrégé, s'attendre à ce qu'il y ait la même expertise et la même maturité.
Vous avez noté l'excellent travail de nos troupes en Afghanistan. La plupart des gens ne savent pas que l'âge moyen des soldats membres de ce bataillon était de 32 ans. C'est remarquablement vieux pour un régiment d'infanterie. Cela représente un degré d'expérience remarquablement élevé. On ne peut faire en sorte que les réservistes aient une telle expérience, du jour au lendemain.
Je ne veux pas qu'il y ait quelque erreur à ce sujet, sénateur. J'appuie tout à fait la réserve et, de fait, je pousse moi- même pour que la réserve puisse en faire plus. Tout de même, nous devons tous regarder avec réalisme le chemin que nous sommes en mesure de parcourir et le temps qu'il nous faut pour le parcourir.
Le sénateur Wiebe: Cela ne fait aucun doute: il nous faut une combinaison de soldats de l'armée permanente et de réservistes. C'est très important. Comme nous l'avons affirmé dans notre dernier rapport, au Canada, nous manquons de personnel permanent au sein des Forces armées, et nous incitons le gouvernement à accroître les sommes prévues à cet égard.
Je proposerais que cette augmentation soit consacrée à nos réservistes, car cela nous permettra de lever une armée, une force navale ou une force aérienne à l'avenir, comme nous l'avons fait durant les deux grandes guerres et la guerre de Corée. Dans le cas des campagnes dont il est question, pour entraîner la plupart des soldats, on leur a remis un fusil, on leur a enseigné à tirer et à marcher, et à obéir aux ordres. Puis, nous les avons envoyés en guerre. Le matériel dont se sert aujourd'hui le personnel des Forces armées est d'une telle complexité technique que l'entraînement, forcément, est plus complexe.
Si jamais le Canada était envahi, nous perdrions d'abord les soldats permanents fortement spécialisés que nous avons. Qui les remplacerait sur le front? Les soldats ayant une formation hautement spécialisée représenteraient les premières pertes. Il faut une formation adéquate pour les réservistes.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je vais recommander que des fonds accrus soient consacrés non pas seulement à nos forces ordinaires, mais également à la réserve.
Le lgén Jeffery: Sénateur, je suis d'accord avec les remarques que vous avez formulées au sujet du défi qui se présente. La nature de notre entreprise est telle que le minimum d'entraînement et le minimum d'entraînement à l'utilisation d'un fusil ne suffisent plus. En dernière analyse, la capacité globale de l'armée dépend énormément des objectifs du gouvernement et de l'ampleur des ressources consenties au ministère de la Défense nationale. Le défi que je dois relever, dans le cas de l'armée en particulier, consiste à recommander pour ainsi dire le juste équilibre entre les deux, compte tenu des tâches à accomplir et des ressources attribuées.
Comme quiconque pourrait le dire aujourd'hui, j'aimerais bien qu'il y ait augmentation dans les deux cas. Je crois que l'équilibre maintenu en ce moment n'est pas si mal. Il nous faut probablement un plus grand nombre de réservistes, mais sans modifier sensiblement la façon dont l'armée fonctionne et, pour cela, il faut modifier les attentes du gouvernement et les ressources de l'armée elle-même: or, on ne saurait modifier sensiblement l'équilibre en question sans susciter des difficultés importantes.
Le sénateur Day: Messieurs, pouvez-vous me dire ce que l'on entend par « commandement et contrôle »? Je vois souvent le terme dans vos documents, mais qu'est-ce que vous souhaitez me communiquer?
Le lgén Jeffery: De manière générale, ce serait la même chose pour toutes les Forces canadiennes, mais, quant aux éléments particuliers, les différences de fond seraient importantes d'un cas l'autre. Le commandement, c'est la capacité de faire comprendre aux subordonnés l'orientation que l'on souhaite prendre. Si je travaillais pour le vice-amiral Buck, sa tâche consisterait à m'inculquer tous les éléments de ce que je suis censé faire et, en même temps, à me motiver pour que je puisse y arriver. Dans le contexte d'une armée, « commander » veut dire convaincre un groupe de soldats d'attaquer un poste de mitrailleuse au sommet d'une colline.
Le « contrôle », pour une très grande part, est une question technique. Il s'agit de la façon de diriger les nombreuses parties différentes d'une institution militaire complexe; pour cela, il faut de l'information. Le vice-amiral Buck a parlé de surveillance: comprendre où se trouve l'ennemi, où se trouvent les troupes, communiquer l'information, analyser des plans ou modifier des plans, puis communiquer tout cela — à savoir les directives aux subordonnés ou aux organisations subalternes.
Le sénateur Day: C'est donc le commandement?
Le lgén Jeffery: Le commandement est une question humaine; le contrôle a une dimension mécanique ou technique qui s'y rapporte.
Le vam Buck: Dans un contexte général, les concepts sont évidemment les mêmes. Je conviens avec le lieutenant- général Jeffery que le « commandement » repose sur le commandant. Le contrôle repose sur une précision de la doctrine, des procédures, des plans et des systèmes, qui vous permettent d'échanger des renseignements. Par l'entremise de cet élément commun de doctrine, de procédure et de planification, vous contrôlez une action plus précise, qu'il s'agisse de faire arrêter des migrants illégaux, de faire intercepter un navire, quelle que soit la mesure envisagée, jusqu'à la règle d'engagement qui s'applique aux armes à feu. C'est un ensemble de mesures. C'est un être humain; ce sont des plans et une doctrine; de même, ce sont des systèmes très techniques.
Le sénateur Day: Dans le domaine militaire, ces deux termes vont toujours ensemble. On parle, par exemple, d'« installations de commandement et de contrôle ».
Le vam Buck: Il y a eu, historiquement, une différence dans les services. L'association du commandement et du contrôle a probablement son origine, dans une certaine mesure, dans la force navale. Durant les tout premiers jours où on employait des systèmes numériques à bord de nos navires, nous avions tendance à les appeler systèmes de commandement et de contrôle. Ce qui nous échappait, c'est que les systèmes en question concernaient davantage le contrôle. C'est une hiérarchie d'activités, qui commence en haut avec le commandant et l'être humain.
Le sénateur Day: Voilà qui nous aide, particulièrement du point de vue de la force navale.
Vice-amiral Buck, si je comprends bien, vous avez des centres d'opérations à Esquimalt et à Halifax, un pour chaque côte.
Le vam Buck: Oui.
Le sénateur Day: Vous avez dit que les navires ne sont pas vraiment de bons instruments de surveillance, qu'il existe d'autres instruments de surveillance. Vous essayez d'obtenir des renseignements provenant de diverses sources; le navire est davantage un instrument d'interception.
Le vam Buck: Un navire n'est pas un bon instrument pour la surveillance générale, c'est-à-dire quand on ne recherche rien de particulier. Si on recherche au contraire quelque chose de précis, le navire fait sans nul doute partie du régime de surveillance. Toutefois, son rôle premier serait l'interception.
Le sénateur Day: Durant l'une de nos audiences, on nous a dit qu'il ne reste plus maintenant qu'une ronde de surveillance aérienne dans le Nord, par année, et encore. Il n'y a pas de navires de la force navale qui s'y trouvent. Nous avions espéré y envoyer un sous-marin, mais il faudra attendre un certain temps pour cela. Comment faites-vous pour recueillir des renseignements sur ce qui peut se passer dans le Nord canadien?
Le vam Buck: Encore une fois, les décisions touchant la surveillance quotidienne reposent sur l'évaluation du niveau de menace. Par exemple, le long de la côte ouest de l'Amérique du Nord, il existe des zones d'où sont exclus les pétroliers, car les possibilités d'accidents très néfastes pour l'environnement y sont très élevées. Les patrouilles y sont plus fréquentes parce qu'il y a un degré de risque et de menace relativement plus élevé. Dans le Nord, nous n'effectuons pas de vols aussi fréquents que nous le voudrions, faute de ressources. Toutefois, chaque fois que nous avons des renseignements sur une situation particulière, nous appliquons la mesure voulue.
Il est vrai que la force navale est absente de l'Arctique depuis plusieurs années, étant donné que la plupart de nos navires de guerre ont la coque relativement mince. Cet été, pour la première fois depuis des années, deux navires de défense ont patrouillé la côte dans l'Arctique — ils le font en ce moment, en fait.
Le sénateur Day: Nous avons fini par avoir l'impression — et si ce n'est pas le cas, il faut le dire — que le nombre d'Auroras n'est pas suffisant. Les Auroras peuvent prendre en charge une certaine surveillance générale, mais, le plus souvent, ils sont dépêchés sur les lieux quand un navire non identifié est repéré. Alors, ils vont effectuer une interception, pour voir de quoi il s'agit.
Le vam Buck: Vous avez tout à fait raison sur le dernier point, en ce qui concerne la disponibilité des Auroras. Notre flotte est utilisée à capacité maximale pour plusieurs raisons. Il faut effectuer une surveillance maritime générale au pays. Il faut également participer aux opérations dans le golfe d'Oman et la partie nord de la mer d'Arabie. On applique actuellement une modernisation à grande échelle, qui fait que des éléments sont retirés du service opérationnel.
Le sénateur Day: Compte tenu des renseignements que vous venez de révéler quant aux capacités des navires et des Auroras, croyez-vous disposer de renseignements suffisants pour avoir une bonne connaissance de la situation?
Le vam Buck: De façon générale, nous pouvons compter sur certains des meilleurs liens qui soient, avec nos alliés, pour l'échange de renseignements — les États-Unis en particulier, et avec nos ministères. S'il existe des éléments d'information particuliers qu'il nous faut, il y aura une évaluation, et les mesures appropriées seront adoptées. Toutefois, ce scénario n'est pas sans risque. Il y a toujours la possibilité que quelque chose apparaisse, mais qu'on ne soit aucunement renseigné sur cette chose. Parmi les pays qui ont une grande côte, aucun n'a les ressources nécessaires pour faire des vols continus ou pour effectuer une surveillance continuelle de l'espace maritime. Il y aura toujours une certaine évaluation du niveau de risque.
Par exemple, même aux États-Unis avant le 11 septembre, la plus grande part de la surveillance maritime le long de la côte américaine ne relevait pas de la responsabilité de l'armée américaine. Cette tâche n'appartenait pas non plus à la force navale américaine; c'était la responsabilité de la Garde côtière des États-Unis. En même temps, avant le 11 septembre, pour la plus grande part, la surveillance côtière en question concernait des zones situées loin de la côte américaine.
Nous ne vivons pas une situation unique. Ce serait toujours mieux d'en avoir plus, oui. Certes, les moyens prévus pour la surveillance sont employés à capacité. Nous essaierons d'adopter une plus vaste gamme d'instruments à cet égard, pour ne pas dépendre d'un instrument en particulier, par exemple l'aéronef de patrouille maritime ou l'Aurora. Nous étudions des systèmes, par exemple un prototype en place sur la côte est, qui a pour nom radar haute fréquence à ondes de surface. Nous étudions la possibilité d'utiliser cet instrument et d'édifier tout un système de radar sur les deux côtes. Nous allons effectuer certains essais afin de déterminer si l'instrument se prête à l'utilisation dans l'Arctique.
Ce ne sont pas que les éléments militaires. Outre les aéronefs militaires, il y a les aéronefs qui, par contrat, sont normalement chargés, par l'entremise de la Garde côtière canadienne, d'effectuer des vols de surveillance périodiques le long de la côte. Les informations ainsi obtenues, nous les échangeons et les utilisons à notre centre d'opérations.
De façon générale, sur les deux côtes, il y a ce que nous appelons la « vue opérationnelle commune », qui, clairement, existe dans les deux centres. Si une mesure d'impose, même si nous aurons toujours un rôle à jouer, c'est souvent un rôle de coordination. Souvent, il s'agit de fournir le véhicule qui servira à l'interception. Toutefois, le Ministère ou l'autorité responsable sera quelqu'un d'autre. De façon générale, ce sera la Gendarmerie royale du Canada, s'il s'agit d'une activité illégale. S'il s'agit d'une question liée à l'immigration, ce sera normalement Citoyenneté et Immigration Canada. Toutefois, nous réunissons tous les éléments du puzzle.
Le sénateur Day: Nous avons souvent lu qu'il y a des voiliers, par exemple celui à propos duquel j'ai lu un article récemment et qui se trouvait près d'un port ou dans une baie en Nouvelle-Écosse, qui sont interceptés et ont à bord des drogues illicites. Dans d'autres cas, ce sont des clandestins. Nous entendons parler d'histoires comme celles-là. Souvent, les clandestins en question sont repérés parce que quelqu'un qui vit le long de la côte aperçoit un bateau « étrange » qui fait des choses qu'on ne voit pas habituellement. Est-ce que cela fait partie de la surveillance que vous effectuez, ou est-ce que ce sont simplement des choses qui arrivent?
Le vam Buck: Non, cela fait partie de notre régime de surveillance. Il existe ce que nous appelons les systèmes de surveillance côtière, qui se trouvent sur les deux côtes du pays, qui font que les citoyens sont mis au fait et qu'ils peuvent signaler les cas étranges.
La question, en ce moment, c'est qu'en l'absence de renseignements précis, il est difficile — voire impossible — de procéder à une fouille et de soumettre tous les bâtiments à une évaluation. En ce moment, il n'existe pas de système de suivi international qui engloberait tous les navires, par exemple, pour savoir où chacun se trouve. Ce système n'existe pas pour l'instant. Il existe certains niveaux qui se rapportent à un tel système. On a tendance à appliquer cela aux gros navires marchands, dans les cas où les gouvernements, parce qu'ils contrôlent le commerce, peuvent imposer des exigences. Plus le bâtiment est petit, plus il est difficile de le repérer. Pour être franc, pour celui qui ne souhaite pas signaler sa présence, c'est entièrement possible. La clé du scénario, c'est d'avoir des renseignements précis qui disent qu'il faut évaluer une situation et intervenir dans le cas d'un bâtiment particulier.
Le sénateur Day: Depuis le 11 septembre, communiquez-vous plus souvent avec d'autres sources de renseignements afin d'améliorer le tableau d'ensemble, la connaissance de la situation pour chacun de vos centres opérationnels? Qu'avez-vous fait depuis le 11 septembre pour contribuer à l'activité antiterroriste?
Le vam Buck: Il y a eu deux niveaux. D'abord, on a accru l'échange de renseignements militaires sur des menaces précises, de nature militaire et asymétrique. De même, on a renforcé la capacité d'échanger des renseignements entre ministères et organismes du gouvernement canadien, de fait, entre ministères et organismes au Canada et aux États- Unis.
Le sénateur Day: Avez-vous besoin de ressources supplémentaires pour faire votre travail efficacement, ou encore croyez-vous être en mesure de le faire le plus efficacement possible, compte tenu de ce qui est raisonnable?
Le vam Buck: Les systèmes dont nous disposons dans nos centres d'opération, de façon générale, conviennent à la tâche. Il s'agit toutefois de prévoir les lignes électroniques qui permettront d'échanger des renseignements avec d'autres ministères. Dans certains cas, cela ferait certainement s'accroître les frais en personnel, mais probablement moins du côté militaire, probablement plus du côté des autres ministères, pour qu'ils puissent s'attacher tout autant à la question, là où cela relève de leur responsabilité.
Le sénateur Day: Est-on en train de préparer une sorte de stratégie maritime qui fait appel à tous les ministères?
Le vice-amiral Buck: Oui. Depuis le 11 septembre, il y a un groupe de travail interministériel sur la sécurité maritime qui fait appel à tous les ministères touchés qui essaient d'en venir à une approche plus ou moins commune de la question, pour que la surveillance puisse se faire sans accroc.
Le sénateur Day: Est-ce que cela semble bien fonctionner?
Le vam Buck: Nous faisons des progrès importants.
Le sénateur Day: Est-ce que la marine en fait partie?
Le vam Buck: La marine en fait partie.
Le président: Vice-amiral Buck, pourriez-vous nous donner des précisions sur la question de l'avis de 96 heures? Est- ce que cela s'applique aux Grands Lacs? Par exemple, le bateau qui quitte Toronto à destination de Buffalo aurait-il à donner un avis de 96 heures?
Le vam Buck: À ma connaissance, oui.
Le président: Y a-t-il à ce sujet une norme internationale: un avis de 96 heures qui serait exigé dans tous les ports?
Le vam Buck: Cette exigence existe certes, maintenant en Amérique du Nord. En ce sens, c'est international. Quant à dire si cela existe en Europe et ailleurs, je ne le sais pas, mais je peux vérifier pour vous.
Le président: Tous les ports d'Amérique du Nord exigent d'être avisés 96 heures à l'avance de l'arrivée d'un bateau. C'est bien cela?
Le vam Buck: C'est cela.
Le président: Qu'advient-il si l'avis en question n'est pas donné?
Le vam Buck: En principe, le bateau n'a pas le droit d'entrer dans les eaux territoriales. C'est ce qui devrait arriver.
Le président: Parlons du cas d'un bateau qui va de Buffalo à Toronto, mais qui ne donne pas l'avis de 96 heures voulu. Présumons qu'il s'agit d'un véhicule de plaisance de 40 pieds. Il quitte Buffalo, se dirige vers Toronto, mais ne s'annonce aucunement. Dites-moi ce qui arrive à ce moment-là?
Le vam Buck: L'avis de 96 heures, du point de vue du Canada, concerne l'entrée dans les eaux territoriales canadiennes pour le bateau qui arrive d'outre-mer. Je vais vérifier si cela s'applique aux Grands Lacs. Du côté canadien, je ne sais si cela s'applique ou non.
Le président: Si le bateau partait de Toronto pour se diriger vers Buffalo, est-ce que cela s'appliquerait?
Le vam Buck: Oui.
Le président: Qu'est-ce qui arriverait?
Le vam Buck: De deux choses l'une. Comme il y a en place un système de gestion du suivi des bâtiments, le bateau serait suivi. Au moment où il essaierait d'entrer dans les eaux territoriales américaines, soit qu'il serait sommé de faire demi-tour, soit qu'il se verrait refuser l'entrée dans un port américain ou qu'il serait arrêté.
Le président: Quel système de suivi serait alors utilisé, le nôtre ou celui des Américains?
Le vam Buck: Une combinaison des deux.
Le président: Et où est-il situé?
Le vam Buck: Il y en a plusieurs. On les appelle systèmes de contrôle de la circulation maritime, et ils se chevauchent. Il y en a des canadiens et il y en a des américains. De fait, le bateau qui passe les eaux territoriales d'un pays à celles d'un autre passe du système de contrôle de la circulation maritime de l'un à celui de l'autre. Le bateau doit s'annoncer.
Le président: Diriez-vous qu'il s'agit d'un système sans accroc, qui couvre l'ensemble des Grands Lacs, que les gens des deux côtés savent où se trouvent les bateaux?
Le vam Buck: Ce n'est pas sans accroc. L'obligation de s'annoncer ne s'applique pas forcément à tous les bateaux. Encore une fois, la taille des bâtiments entre en ligne de compte.
Le président: Pourriez-vous nous dire à quelle taille cela cesse de s'appliquer?
Le vam Buck: Je vous le dirai.
Le président: Si j'ai bien compris l'exposé que vous nous avez donné, cela s'applique même aux véhicules de plaisance du côté américain?
Le vam Buck: Oui, mais je vous préciserai davantage les règles américaines.
Le sénateur Wiebe: Lieutenant-général Jeffery, je sais qu'une bonne part de notre entraînement au Canada se fait au niveau de la compagnie. Avons-nous les installations nécessaires pour entraîner une brigade? Y aurait-il avantage pour nous d'organiser un entraînement à ce niveau? Question complémentaire: y a-t-il des pays membres de l'OTAN qui organisent une formation au niveau de la brigade? Aurait-on un quelconque avantage à collaborer avec eux à ce niveau?
Le lgén Jeffery: Premièrement, le groupement tactique et la brigade représentent des niveaux importants pour l'entraînement. Comme je l'ai déjà souligné au comité, je suis tout à fait convaincu qu'il nous faut davantage d'entraînement au niveau du groupement tactique et de la brigade. Seul l'entraînement à ce niveau permet de mettre en application toutes les aptitudes voulues et de se donner l'expertise nécessaire pour maintenir le genre de qualité qui a caractérisé notre action, comme vous l'avez dit vous-même, à des endroits comme l'Afghanistan, par le passé.
Cela fait plus ou moins dix ans que l'armée canadienne n'a pas procédé à un entraînement significatif au niveau de la brigade. Au fil du temps, on perd les compétences acquises à cet égard, l'expertise.
La question revient à savoir à quel genre d'entraînement, dans le contexte d'une brigade, il faut procéder. Il y a bien des années de cela, nous accordions beaucoup de temps aux exercices — de nombreux soldats, de nombreux exercices de tir réels. De nos jours, étant donné les possibilités de la technologie, ce n'est pas forcément le cas. Nous employons une série de simulateurs pour nous exercer au commandement et au contrôle du groupement tactique et de la brigade, pour que les dirigeants se fassent la main. Nous sommes en train d'acheter — avec l'intention de l'établir dans l'ouest du Canada — un centre d'entraînement aux manœuvres où il s'agirait d'utiliser des systèmes d'entraînement laser force contre force, sans devoir utiliser quelque munition que ce soit. Tout est instrumentalisé. Quand on peut fonctionner dans ce genre de d'environnement, on peut entreprendre assez rapidement un entraînement du niveau du groupement tactique et même de la brigade. Il n'est pas nécessaire d'y consacrer beaucoup de temps. L'important, c'est d'atteindre les objectifs fixés.
Nombre de nos alliés de l'OTAN font la même chose. Les Américains comptent une poignée d'importants champs de tirs avec instruments, aux États-Unis, qui leur permettent d'organiser ce genre d'entraînement. Nous n'y participons pas; enfin, pour la plus grande part, nous n'y avons pas participé ces dernières années, surtout du fait qu'ils n'ont pas la capacité voulue pour nous accueillir.
Les Britanniques disposent, comme vous le savez probablement très bien d'un important champ d'entraînement, à Suffield, en Alberta, où ils organisent un entraînement du niveau du groupement tactique, quoique, à l'occasion, ils s'entraînent au niveau de la brigade. Nous n'avons participé à aucun de leurs exercices, étant donné les difficultés liées à notre cadence. Nous n'avons pu tirer parti des occasions qui se présentent ainsi.
Un des défis majeurs qu'il nous faut relever, étant donné notre cadence et les ressources à notre disposition, c'est d'instaurer un régime d'entraînement régulier qui permet de s'assurer, au fil du temps, que tous les éléments de l'armée en arrivent à s'entraîner à la fois au niveau du groupement tactique et, enfin, au niveau de la brigade, pour maintenir l'expertise voulue, à long terme. C'est une partie extrêmement importante de ce que nous faisons. Sans cela, pour une grande part, à mon avis, tout l'investissement que nous mettons dans les êtres humains et l'équipement ne vaut rien. Sans cet entraînement, on n'a pas la capacité nécessaire, on a seulement des organisations.
Le sénateur Wiebe: Vous avez parlé des installations à Suffield, là où les Britanniques entraînent leurs soldats. Y a-t- il au Canada d'autres bases qui pourraient être utilisées? Je parle en particulier de celle que les Allemands ont utilisée jusqu'à l'an dernier au Manitoba. Est-ce que ce serait assez grand pour les exercices au niveau de la brigade?
Le lgén Jeffery: Pour répondre en bref, non. En ce moment, au Canada, il n'existe que deux aires d'entraînement qui auraient la taille et le terrain du type voulu pour que nous puissions nous entraîner au niveau de la brigade. Les deux sont situées en Alberta. Dans un cas, il y a Suffield; dans l'autre, Wainwright.
Nous disposons de plusieurs aires de moindre taille. Par exemple, il y a Shilo, au Manitoba. C'est le bon type de terrain. Or, il serait extrêmement difficile d'y organiser l'exercice d'une brigade, même si le terrain est intéressant.
Le sénateur Wiebe: Qu'en est-il de Gagetown?
Le lgén Jeffery: L'aire de Gagetown a la taille voulue. Par contre, étant donné les caractéristiques topographiques du Nouveau-Brunswick, la majeure partie du terrain est couverte d'arbres. C'est beau, mais ce n'est pas pratique. Au fil d'un certain nombre d'années, nous avons essayé de couper les arbres pour avoir une plus grande aire de manœuvre et nous nous sommes créé des problèmes. Pour être réaliste, nous ne pouvons en faire le genre d'aire de manœuvre qu'il nous faut, malgré la taille de l'ensemble.
Le sénateur Wiebe: J'ai remarqué que vous avez affirmé, durant votre exposé, qu'il y a eu un certain nombre d'échanges de petites unités avec les États-Unis. Vous dites que les États-Unis ont les installations voulues, mais que ce ne serait pas assez grand ou qu'ils ne seraient pas capables de nous accueillir, pour des exercices collectifs. Cela veut dire que vous avez quand même pensé à un entraînement conjoint avec les Américains.
Le lgén Jeffery: Tout à fait. Non seulement j'y ai pensé, mais j'en ai discuté avec mon homologue américain. En principe, il aimerait bien nous donner l'occasion de nous entraîner à certains des grands centres américains, mais, en réalité, les Américains n'ont même pas assez de place pour entraîner leurs propres troupes. Il a fixé ses limites. Le cas du Canada n'est pas unique. Il n'accepte pas l'entraînement de troupes étrangères sur une grande échelle dans les centres d'entraînement majeurs des États-Unis. Les petits échanges d'unité conviennent, mais les grands, de la nature de ceux auxquels nous aimerions participer, il ne peut les permettre.
Le sénateur Wiebe: Nous faisons cela depuis dix ans. Est-ce que nous perdons quelque chose en n'ayant pas d'entraînement au niveau de la brigade?
Le lgén Jeffery: Absolument. Nous avons maintenant une génération de haut gradés qui n'ont même pas agi dans un contexte d'entraînement. Ils n'ont pas subi ce genre d'entraînement. Au fil du temps, nous assistons à l'érosion de certaines des habiletés clés que doit posséder le soldat professionnel.
Nous maintenons certaines d'entre elles en travaillant dans des contextes assimilés, mais nous avons besoin de le faire parfois sur le terrain.
Le sénateur Wiebe: Serait-il possible de louer des installations? Si je le mentionne, c'est que j'ai déjà eu affaire à l'unité de réserve du 38e groupe-brigade. Ces gens ont loué les installations de Fort Ripley, au Minnesota. Je crois qu'ils y ont envoyé le plus grand nombre de membres de leur brigade possible. Selon ce qu'ils ont dit, la base là-bas était assez grande pour que puissent être organisées simultanément deux batailles de chars d'assaut, sans que l'une ne nuise à l'autre. Avez-vous envisagé cette possibilité?
Le lgén Jeffery: Pour ce qui est de la base particulière dont vous parlez, non.
Le sénateur Wiebe: Ce n'est qu'un exemple.
Le lgén Jeffery: Nous sommes tout à fait au courant de la taille et de l'envergure des centres d'entraînement qui se trouvent aux États-Unis. La difficulté est que la plupart des bases dont vous parlez servent d'abord et avant tout de champ de tir. Il peut y avoir deux secteurs qui servent de champ de tir à des chars d'assaut, mais la manœuvre générale où s'effectuent des tirs en mouvement prend beaucoup plus de place que ce qui se trouve dans la plupart des bases.
Je ne connais qu'une base où on permet cela; c'est le centre d'entraînement national de certains déserts de Californie. Il existe certains champs d'essai, par exemple, le White Sands Missile Range, et ce genre d'environnement, mais on n'organise là aucune grande manœuvre terrestre.
Le sénateur Wiebe: J'imagine que l'accroissement des ressources nous permettrait de mieux répondre à ce besoin — l'entraînement au niveau de la brigade ou est-ce que les simulateurs permettraient de le faire?
Le lgén Jeffery: Premièrement, les simulateurs sont la voie de l'avenir. Cela ne fait aucun doute. Je suis convaincu moi-même du fait que nous en arriverons un jour au stade où tout entraînement pourra probablement se faire dans un contexte virtuel. Par contre, nous sommes encore loin du compte. Tant et aussi longtemps qu'on ne saura reproduire tout à fait les points de vue, les bruits, les odeurs et les sentiments liés à une bataille, on n'y arrivera pas. Ce dont nous avons été témoin déjà, et c'est certainement mon cas, c'est le passage d'un contexte où tout est exercice de tir réel à un contexte où, de plus en plus, les choses se font dans un contexte simulé.
Le vice-amiral Buck voudra peut-être vous en parler du point de vue naval; il y a des simulateurs qui y sont utilisés depuis plus longtemps, dans un contexte plus avancé sur le plan technique. Ce n'est que depuis dix ans environ que nous sommes en mesure d'utiliser des simulateurs pour l'armée de terre. Il faudra probablement dix ans encore, au moins, pour que la technologie en soit rendue au stade où nous pouvons éliminer ou réduire sensiblement le nombre de tirs réels.
Le président: Général, vous avez dit qu'il y avait certaines difficultés à se faire inviter par les États-Unis. Avez-vous rendu la pareille en invitant les États-Unis à venir s'entraîner ici, là où nos installations ne sont pas utilisées?
Le lgén Jeffery: Comme je l'ai dit dans mon exposé préliminaire, monsieur le président, nous recevons assez régulièrement des demandes d'entraînement. Je ne voudrais pas laisser entendre au sénateur Wiebe que nous ne faisons aucun entraînement; je parlais du contexte de l'entraînement de haut niveau dans le cas des brigades et des groupements tactiques.
Le président: C'est de cela que je parlais.
Le lgén Jeffery: La réponse est: «oui, mais en contexte.» Je lui ai demandé si nous pourrions nous servir des installations. Sa réponse, comme je l'ai fait remarquer, c'est que, une fois que nous aurons mis en marche un centre canadien d'entraînement aux manœuvres à l'exemple de leur centre national d'entraînement et qu'il pourrait y avoir un échange d'égal à égal, sans engagement, la réponse est: «oui». Quand nous en serons rendus à ce stade, il sera certainement prêt à envisager de telles occasions.
Le sénateur Atkins: Pendant nos voyages, de manière générale, nous avons constaté que le personnel militaire était assez heureux de la solde et des efforts déployés pour améliorer la qualité de vie au sein de l'armée. Nous avons toutefois constaté une bonne part de frustration en ce qui concerne l'entraînement et le manque de personnel.
Je crois que vous avez tout un défi à lancer à votre personnel militaire, surtout dans l'armée, en ce qui concerne toute l'idée de la simulation, car, comme nous l'avons appris, nombreux sont les gens qui se joignent à l'armée pour vivre une expérience trépidante. Il y a une frustration énorme dans nombre des unités, parce que les membres ne peuvent aller sur le terrain et faire ce qu'ils croyaient devoir faire. Avez-vous quelque signe que ce soit qui indique qu'il y a un problème de moral à cet égard?
Cet été, quand le chef d'état-major de la Défense a fait remarquer que le secteur militaire ne pouvait s'attendre à quelque augmentation de financement que ce soit, il devait être dans le secret des dieux. Il me semble qu'un tel message est de nature à décourager bon nombre des membres des forces permanentes qui essaient de faire un choix de carrière. Qu'en pensez-vous?
Le lgén Jeffery: Par le passé, j'ai déjà déclaré au comité que les ressources des Forces armées canadiennes sont utilisées à capacité. Les ressources de l'armée, en particulier, le sont à tel point que nous vivons de l'air du temps. En dernière analyse, le défi que je dois relever, de concert avec mes collègues et le chef d'état-major de la Défense, c'est de donner aux Forces canadiennes la meilleure armée, la meilleure marine et la meilleure force aérienne que permet d'obtenir la somme d'argent qui nous est consentie par le gouvernement. Dans le contexte, je comprends la frustration des soldats et, d'ailleurs, je la ressens moi-même.
Si nous ne parvenons pas à obtenir le financement voulu, alors, tout au moins, il nous faut équilibrer l'équation pour que les soldats à notre disposition reçoivent l'entraînement approprié — et cela comprend l'expérience trépidante dont vous avez parlé. Les jeunes Canadiens et les jeunes Canadiennes n'adoptent pas l'uniforme uniquement pour la solde qui y est associée. C'est un style de vie unique. Ils l'adoptent parce qu'ils trouvent cela trépidant et spécial. Si nous manquons de nous assurer que cela demeure spécial pour eux, nous allons les perdre. En dernière analyse, tout de même, l'argent ne permet pas de régler tous les problèmes, mais il permet certainement d'en régler bon nombre. Si nous n'avons pas l'argent voulu, alors il faut trouver le juste équilibre.
Pour ce qui est de l'entraînement, je comprends ce que vous dites quand vous dites que le recours aux simulateurs ne saurait créer réalisme et trépidation. Quand j'ai répondu à une question posée plus tôt, j'ai dit que, au fil du temps, nous allions y parvenir. Quand il y aura une situation où nous pourrons faire évoluer non seulement des soldats individuels, mais des unités entières dans un environnement virtuel et qu'ils auront vraiment l'impression qu'ils livrent bataille, alors nous aurons fait quelque chose de bon. Je crois que la technologie va nous permettre d'en arriver là, peut-être pas pendant mon service, mais elle nous permettra d'y parvenir tout de même. À ce point-là, il y aura un entraînement réaliste qui se déroulera sans causer de blessures aux soldats, même sans qu'il y ait de tir.
Le sénateur Atkins: Vous avez parlé de restructuration, élément qui fait partie du défi à relever, étant donné les ressources et le personnel à votre disposition. Nous avons rendu visite au Centre d'instruction des troupes aéroportées; je dois vous le dire, c'est une opération très impressionnante, qui, en dollars réels, n'est pas si coûteuse. Le personnel militaire de diverses bases nous dit qu'on fait la file d'attente pour cet entraînement. Pour préserver le moral des troupes et offrir une expérience trépidante, voilà le genre d'entraînement qu'il faut continuer d'appuyer, même si toute la notion de stratégie militaire n'est plus significative pour ce qui est du recours aux troupes aéroportées.
Le lgén Jeffery: En principe, je suis d'accord pour dire qu'il faut trouver des formes intéressantes et trépidantes d'entraînement, d'entraînement individuel et collectif. Cela pourrait, cela pourrait bien inclure l'entraînement au parachutisme. Tout de même, nos ressources sont à ce point limitées qu'aucune somme d'argent nouvelle ne serait insignifiante. Il faudra prendre des décisions difficiles, si l'argent n'est pas là.
Le sénateur Atkins: Je crois qu'ils ont dit que cette opération coûte environ quatre millions de dollars par année.
Le lgén Jeffery: Je n'ai pas les chiffres à portée de la main, monsieur le président. Si le comité en veut, je peux lui en fournir. Le centre est une infrastructure intégrée qui compte un certain nombre de personnes, des coûts de fonctionnement et d'entretien, et, de fait, les coûts sont plus élevés que cela, si on compte l'ensemble.
Le sénateur Cordy: Vice-amiral Buck, vous avez parlé du « queuing » du point de vue du renseignement. Je présume que vous vouliez parler de l'utilisation des services de renseignement pour déterminer le degré de risque. Est-ce que ce serait votre définition de la notion?
Le vam Buck: En fait, j'y donne deux sens. Il y a le renseignement général, qui nous permet de jauger le risque global d'une situation, puis de dresser un plan de surveillance général qui soit approprié. Prenons, par exemple, le cas des zones d'exclusion des pétroliers sur la côte ouest. Comme il y a tant de pétroliers marchands qui circulent, il y a une menace globale permanente du point de vue de l'environnement. Cela nous amène à concentrer notre effort de surveillance dans ce secteur particulier. Quand j'ai employé le terme « queuing », je parlais, en fait, d'un élément d'information précis qui permet de savoir que quelque chose s'en vient, non pas de façon générale, mais de façon précise, et qui présente une menace considérable. De fait, le « queuing », comme nous l'appelons, suppose que nous ayons des informations particulières qui nous amènent à dresser un plan détaillé visant à repérer physiquement quelque chose de précis, puis à dresser un plan d'action à ce sujet.
Le sénateur Cordy: Plus tôt, on a posé une question au sujet de la coordination des services de renseignements entre ministères, ce qui se fait, avez-vous dit. Qui est chargé de la coordination du renseignement? Y a-t-il un ministère unique qui en est responsable, ou est-ce que le ministère qui reçoit l'information a pour tâche de la révéler aux autres ministères? Comment cela fonctionne-t-il, pour ce qui est de la coordination de l'information?
Le vam Buck: Encore une fois, cela dépend de la nature de l'information, de sa classification et de sa pertinence quant aux autres ministères. Il n'y a pas de réponse simple à la question, et je n'essaie pas de l'éluder. S'il s'agissait d'une menace militaire, sans nul doute, il y aurait échange de renseignements sur les réseaux militaires et entre appareils militaires. Si c'était une menace liée à une activité illégale, c'est la GRC qui, de manière générale, produirait l'information et la diffuserait à l'intention des ministères, qui prendraient les mesures voulues.
Sur les deux côtes, on trouve non seulement les centres d'opérations maritimes que nous dirigeons, mais aussi des groupes de travail interministériels qui se chargent de ces questions régulièrement. Toutefois, la volonté consiste maintenant à renforcer la capacité à cet égard, non seulement au niveau local, mais dans tout le pays, au niveau national.
Le sénateur Cordy: Il y a eu plusieurs articles au sujet de l'avenir de l'appareil militaire, et particulièrement de l'armée. À quoi ressemblera l'armée dans 20 ans? Avez-vous pensé à ce à quoi ressemblerait notre armée dans l'avenir?
Le lgén Jeffery: Oui, sénateur, j'y ai pensé. De fait, il y a plusieurs mois de cela, j'ai informé le président de la stratégie que nous avons conçue pour l'armée. Nous essayons d'aller de l'avant pour en arriver à ce que nous appelons « l'armée de demain »; nous allons voir, au cours des dix prochaines années, une évolution notable de la structure de l'armée et de la façon dont l'armée fonctionne.
L'évolution en question sera tributaire de diverses questions, mais les deux plus importantes seront l'évolution de la nature de la guerre terrestre et la prolifération des technologies nouvelles dans l'environnement terrestre. En société, nous sommes à l'aise devant les nombreux cas où s'applique une technique de pointe. D'un point de vue militaire, la plupart des gens, particulièrement ceux qui oeuvrent dans les environnements aérien et maritime depuis bien des années, ne se rendent pas compte du fait que ces technologies n'ont pas marqué, dans l'ensemble, la guerre terrestre — principalement pour des raisons liées à la taille et au coût.
La diminution de la taille s'accompagnera, en termes relatifs, d'une diminution des coûts; à ce moment-là, nombre des techniques en question sont introduites dans le domaine de la guerre terrestre. Voilà une bien longue phrase pour dire que la modernisation qui a marqué les marines et les forces aériennes du monde au cours des 50 dernières années commence à peine à marquer les armées. Cela nous fait faire un bond considérable vers l'avant.
Il est très difficile, intellectuellement, de saisir comment il faut procéder pour faire tout cela. Il y a tout un travail à faire pour élaborer les bonnes formes de doctrines, de tactiques, de techniques et de procédures. Il y a beaucoup à faire sur le plan de l'entraînement, et pour en arriver à des soldats et des unités capables d'évoluer dans cet environnement.
Bien entendu, le fait qu'on doive composer à cet égard avec un environnement marqué par l'incertitude, pour ce qui est de ce qui se passe sur la scène internationale, et d'une part d'incertitude, pour ce qui est des sommes d'argent qui seront consacrées à la tâche, pose un défi.
J'adorerais pouvoir vous en parler plus à fond, mais la réponse, en bref, est: oui, en attendant la suite.
Le sénateur Cordy: Avez-vous avec nos alliés des pourparlers concernant cet avenir?
Le lgén Jeffery: Tout à fait. J'ai déjà parlé des tribunes que représentent l'OTAN et l'ABCA. Je dirais que, des deux, c'est la tribune de l'ABCA qui, du point de vue de l'échange entre armées, a la plus grande valeur. Nos alliés américains, britanniques, australiens et néo-zélandais en sont à peu près au même niveau en ce qui concerne l'armée — pas du point de vue de la taille, mais du point de vue de la qualité et de l'approche. Nous faisons tous face à des difficultés très semblables. Si nous avons le même problème, nous essayons de réduire au minimum le travail et de trouver nombre des mêmes solutions.
Le sénateur Cordy: Merci.
Le président: Je tiens à vous dire: merci beaucoup, lieutenant-général Jeffrey et vice-amiral Buck. La discussion a permis de vraiment éclairer le comité aujourd'hui. Elle a vraiment dégagé les renseignements qui nous sont utiles quand nous produirons notre rapport. Nous apprécions votre présence. Nous comptons vous accueillir parmi nous à nouveau, bientôt.
Pour ceux qui suivent nos travaux à domicile, je vous invite à consulter notre site Web à l'adresse suivante: www.senate-senat.ca/defence.asp. Nous publions les témoignages et confirmons le calendrier des audiences. Sinon, veuillez communiquer avec la greffière du comité au 1 800 267-7362 pour obtenir de plus amples renseignements ou pour obtenir de l'aide en vue de communiquer avec les membres du comité.
La séance est levée.