RAPPORT DE VISITES D'ÉTUDE : 4-7 FÉVRIER 2002 WASHINGTON, D.C.
Le Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense
du 4 au 7 février 2002
LUNDI 4 FÉVRIER
Dans la matinée, le Comité est informé par des représentants de
l’ambassade du Canada. La documentation fournie est brève et succincte. Elle
a trait, entre autres, aux sujets suivants :
- Les
activités du Canada depuis le 11 septembre, notamment en ce qui concerne la
contribution du Canada à la lutte contre le terrorisme et les mesures
prises de concert par les deux pays pour accroître la sécurité à la
frontière et circonscrire les gens et les envois qui pourraient poser des
problèmes de sécurité. Cette partie de la séance d’information est axée
sur l’idée que le Canada ne fait pas partie du problème de sécurité
des États-Unis, mais de sa solution. Il n’en reste pas moins que le
Canada est largement considéré comme un maillon faible pour la sécurité
américaine.
- Sécurité
de l’énergie. Les États-Unis
sont conscients de leur dépendance à l’égard de l’énergie
sous-marine. Les gens ne savent pas en général que c’est le Canada, et
non l’Arabie saoudite, qui est le plus important fournisseur d’énergie
des États-Unis, et ils ne savent guère que le Canada possède de vastes réserves
d’énergie sous la forme de sables bitumineux, de champs gaziers et
d’un potentiel hydroélectrique encore non exploité.
- Les
irritants commerciaux, comme la question du bois d’œuvre et les
exportations d’acier.
- L’humeur
au Capitole semble tendue et les opinions concernant la sécurité et la
poursuite de la guerre contre le terrorisme, fortement partagées. En dehors
de ces questions, le Congrès est étroitement divisé, et ses travaux ont
été interrompus pendant trois mois à cause de l’incident de
l’anthrax.
- Les dépenses
de la défense vont augmenter rapidement, et les relations entre le Canada
et les États-Unis seront dominées par le thème de la sécurité : sécurité
à la frontière, Système de défense antimissile, défense du territoire.
Le développement des forces conventionnelles américaines sera alimenté
par la technologie et amplifiera le problème de l’interopérabilité avec
les alliés des États-Unis.
- Les États-Unis
reconnaissent l’importance du rôle du Canada dans l’accueil de 30 000 voyageurs
détournés de leurs destinations et de sa contribution à la guerre contre
le terrorisme. Cela compenser les questions relatives au faible budget
canadien de la défense, à la « passoire de la frontière »,
aux « centaines » d’organisations terroristes, etc.
- Le
Congrès a accordé des crédits nettement supérieurs à la défense
antimissile cette année. Les représentants du gouvernement comprennent la
position neutre adoptée par le Canada, mais en sont irrités.
Le lundi après-midi, le Comité écoute les exposés du commandant Steven Flynn,
de la Garde côtière américaine et attaché supérieur au Council
for Foreign Relations, et de Mme Jane Alexander,
sous-directrice de la DARPA
(Defence Advanced Research Projects Agency).
A.
Exposé du commandant Flynn
Le commandant Flynn s’inquiète énormément, depuis plusieurs années,
du problème de sécurité que représente le fret maritime. En 2000, 11,6
millions de conteneurs sont passés par les systèmes américains d’inspection
à la frontière, mais ils n’ont, dans la grande majorité des cas, pas été
inspectés. On ne sait pas grand-chose de nombreux conteneurs : leur
manifeste de cargaison ne comporte que des renseignements très généraux sur
le contenu et peut ne rien indiquer sur l’expéditeur original ou le client
destinataire.
Environ 2 % des conteneurs font l’objet d’une forme d’inspection,
qui ne consiste généralement qu’en une ouverture de la porte arrière et un
coup d’œil à l’intérieur sans déchargement et inspection effectifs du
contenu. Le choix des conteneurs qui sont inspectés est trop souvent fonction
d’une simple étude des documents au lieu de renseignements confidentiels
concernant l’expéditeur, la ligne de navigation, les ports d’escale ou le
client destinataire.
Tout ce qui inciterait les autorités américaines à interrompre le
mouvement de conteneurs pour en inspecter le contenu aurait des répercussions
catastrophiques sur des ports comme celui de Halifax, qui reçoit et envoie des
milliers de conteneurs dont la destination finale est les États-Unis.
Le commandant Flynn présente au Comité un plan qui permettrait de séparer
la grande majorité des conteneurs à faible risque des 2 % qui doivent
faire l’objet d’une inspection minutieuse. Le plus gros du commerce maritime
international passe par une poignées de très grands ports comme Long Beach,
Los Angeles, Hong Kong, Singapour, Hambourg, Anvers et Rotterdam.
Si ces ports convenaient de normes communes en matière de sécurité, de
rapports et de partage d’information concernant les exploitants, les actes de
transport et les cargaisons, ces normes deviendraient internationales
pratiquement du jour au lendemain. Selon ces normes, les conteneurs devraient être
chargés dans des locaux à haute sécurité approuvés, munis de sceaux de
haute sécurité et de capteurs permettant de déterminer si les sceaux ont été
endommagés. La circulation des conteneurs serait contrôlée d’un port à
l’autre et jusqu’à leur destination finale par le système mondial de
localisation (GPS).
B.
Exposé de Madame Jane Alexander
Madame Alexander explique le travail de la principale agence américaine
de recherche et développement. La DARPA dispose d’un budget de plus de 2 milliards
de dollars pour financer la recherche de solutions « radicales » aux
problèmes technologiques éventuels des 10 à 15 prochaines années. Elle
a, par exemple, commencé d’examiner les aspects technologiques du terrorisme
biologique il y a huit ans : ainsi, quoique les États-Unis n’étaient
pas complètement préparés à quelque chose comme les attaques à l’anthrax,
leurs mesures se sont révélées suffisantes. De la même façon, un projet est
en cours pour déterminer si et dans quelles conditions un groupe pourrait
commettre des actes terroristes et le genre d’événements qui pourraient déclencher
une attaque.
Analysant la supériorité technologique croissante de l’armée américaine
par rapport à ses alliés, Canada inclus,
Madame Alexander fait remarquer qu’il existe des problèmes d’interopérabilité
au sein de l’armée américaine comme entre elle et ses alliés.
MARDI 5 FÉVRIER
Le mardi matin, le Comité rencontre le Comité spécial du Sénat sur le
renseignement et le Comité spécial de la Chambre sur le renseignement des États-Unis.
Le sénateur Kenny, président du Comité canadien, commence par rappeler
que le Canada considère les événements du 11 septembre comme une attaque
non pas seulement contre les États-Unis, mais contre toute l’Amérique du
Nord : il y a eu aussi des Canadiens parmi les morts du World
Trade Centre. Il ajoute que le Canada ne fait pas partie du problème de sécurité
des États-Unis, mais de sa solution. Les deux pays doivent collaborer pour
resserrer le contrôle à la frontière et
améliorer l’échange d’information confidentielle.
Les membres de la délégation américaine expriment leur reconnaissance
pour l’amitié et la collaboration des Canadiens, notamment la coopération du
Service canadien du renseignement de sécurité dans l’identification des
terroristes du 11 septembre. Les Canadiens font remarquer que chaque pays doit
s’efforcer d’unifier le produit de leurs organismes de renseignement :
à l’heure actuelle, il y a de fortes chances que des renseignements cruciaux
ne soient pas transmis en temps voulu et ne soient donc pas communiqués à l’échelle
internationale.
Les deux parties conviennent qu’une bonne qualité de renseignement et
le partage de données sont indispensables à l’amélioration de la sécurité
à la frontière et à la garantie d’une libre circulation des biens et des
personnes. Pour favoriser à la fois la sécurité et le libre échange, il faut
circonscrire les moyens d’identifier les 98 % de circulation à faible
risque à la frontière. Il est question de certains moyens technologiques
(identification biométrique -- et la possibilité d’un système unique
d’inspection pour les conteneurs et des patrouilles mixtes à la frontière
pour que celle-ci soit plus sûre et plus efficace).
Les membres du Congrès demandent une séance d’information sur la loi anti-terrorisme du Canada et discutent de la façon dont les deux pays traiteraient les terroristes potentiels. Les membres de la délégation canadienne soulèvent la question des réfugiés qui passent par les États-Unis grâce à des visas de touriste faciles à obtenir pour ensuite demander le statut de réfugié à la frontière canadienne : on s’interroge sur la réticence américaine à convenir d’un système d’asile dans un pays tiers pour faire cesser le « magasinage » du pays de refuge. Les différences de traitement entre les deux pays sont mises en lumière.
Le mardi après-midi, le Comité écoute les exposés de Michael O’Hanlon, attaché supérieur aux Études de politique étrangère à l’Institut Brookings, et de Joseph Cirincione, directeur principal du projet de non-prolifération de la Fondation Carnegie.
M. O’Hanlon analyse la récente augmentation de 48 milliards
de dollars prévue pour la défense des États-Unis, en rappelant que le budget
de la défense passera de 350 milliards cette année à 450 milliards
en 2007. L’approvisionnement a
diminué en pourcentage du budget, mais il passera d’environ 60 à 70
milliards de dollars.
·
Interrogé par les
Canadiens, il reconnaît que la question du traitement des prisonniers talibans
et des membres d’Al Qaïda est devenue une catastrophe sur le plan des
relations publiques : les Talibans étaient des prisonniers de guerre,
alors que les membres d’Al Qaïda ne l’étaient pas.
·
Sur le plan de la défense
antimissile, il fait remarquer que l’Irak et la Corée du Nord ont des
missiles Scud et qu’ils sont en train de mettre au point des missiles nucléaires
à plus longue portée. Au départ, les alliés étaient fortement opposés. La
valeur d’un missile balistique est plus grande qu’une menace à la bombe
ordinaire comme instrument de chantage. La participation du Canada serait utile
à la fois sur plan de la défense du territoire et sur le plan de la défense
antimissile en raison de NORAD.
M. Cirincione rappelle que l’administration Bush se détourne des
traités de limitation des armes conclu dans les années 1960 et suivantes
(non-prolifération, Traité concernant la limitation des systèmes antimissiles
balistiques, etc.) pour revenir à la politique adoptée dans les années 1950
par Eisenhower sur le contrôle des exportations de technologie.
L’administration Bush estime que trop de pays trichent et ne respectent pas
les traités.
La Russie a vendu de
la technologie nucléaire à la Corée du Nord, qui a détourné du combustible
de centrales électriques pour alimenter la production d’armes.
·
On sait que l’Irak
viole les traités sur les produits chimiques et les traités de
non-prolifération.
·
L’Iran est soupçonné
de violer les traités biologiques et nucléaires.
Le conférencier définit dans les termes suivants la situation nucléaire
des pays de l’Axe du Mal : la Corée du Nord est très près de devenir
une puissance nucléaire, l’Irak a un plan, mais pas de matériel, et l’Iran
n’a ni plan ni matériel.
En fin d’après-midi, le mardi, le Comité rencontre les membres du
Comité sénatorial des forces armées. On attire l’attention sur la différence
des budgets canadien et américain consacrés aux forces armées, celui des États-Unis
approchant les 3 %. L’importance du budget canadien est fonction d’un
degré différent de sécurité/insécurité.
Les Canadiens rappellent l’importance de l’amélioration de la sécurité
pour des ports comme celui de Halifax et font remarquer que la loi
anti-terrorisme sacrifie une partie des droits de la personne et que
chaque pays doit unifier ses communications avec ses propres agences avant de
pouvoir échanger des renseignements à l’échelle internationale.
Les Américains soulèvent la question de la capacité nucléaire et
l’armement en missiles de la Corée du Nord et de la défense antimissile. Les
Canadiens répondent que le soutien du Canada à la défense antimissile et à
l’extension de la guerre en Afghanistan serait fondé sur des arguments
convaincants, mais que le Canada aborderait la question dans un esprit ouvert.
La question du traitement des prisonniers talibans et des prisonniers d’Al Qaïda
est soulevée.
Concernant la défense du territoire, on fait remarquer que le Canada
apprécie le modèle de NORAD en raison de sa structure de commandement
binationale. La proposition qui serait présentée au président inclurait le
Canada, mais on en sait peu de choses.
MERCREDI 6 FÉVRIER
La rencontre du Comité, mercredi matin, avec le Comité des forces armées
de la Chambre est extraordinaire. Y participent le président, l’honorable Bob
Stump, et le membre hiérarchique de la minorité, l’honorable Ike Skelton,
ainsi qu’un certain nombre d’autres membres.
Dans son mot d’ouverture, M. Skelton rappelle que, quand tout va
bien, nous tenons nos amis pour acquis, mais que, lorsque nous en avons vraiment
besoin, ils sont là pour nous. La discussion porte sur un certain nombre de
questions variées : la nécessité de collaborer pour parer à la menace
terroriste, les problèmes qui se posent à la frontière et la nécessité de
veiller à la sécurité des conteneurs, la réduction du budget de la défense
dans les pays de l’OTAN, le système de défense antimissile et la façon dont
toute « militarisation » de l’espace déclencherait l’alarme au
Canada, etc.
Un membre du comité américain propose alors de créer des relations
directes de comité à comité sous la forme d’un groupe de travail binational
spécial ou permanent sur le terrorisme qui se réunirait régulièrement pour
discuter des politiques et des tactiques anti-terroristes et pour
s’assurer que les comités américains tiennent compte des préoccupations de
leurs alliés canadiens et européens. Les membres des comités canadiens et américains
conviennent que des réunions régulières seraient utiles.
À la fin de notre discussion avec les membres du Comité des forces armées
de la Chambre, le secrétaire à la Défense Rumsfeld se joint à nous. Il
commence par dire qu’il se souvient du rôle du Canada dans la protection des
Américains au cours de la prise d’otages en Iran, puis il remercie le Canada
de son appui depuis le 11 septembre. Il exprime son opinion actuelle sur la
création d’un commandement militaire unifié qui engloberait l’Amérique du
Nord et compléterait le système civil de défense du territoire mis en place
par le gouverneur Ridge.
Le secrétaire Rumsfeld fait remarquer que toute proposition présentée
au président tiendra compte des préoccupations du Canada concernant la
structure de commandement, notamment de NORAD. La structure de commandement de
NORAD continuerait d’être binationale et de respecter la souveraineté de
chaque nation. Dans le cadre du nouveau commandement, il serait possible
d’avoir des unités aériennes et navales américaines et canadiennes
puisqu’elles sont déjà habituées à s’entraîner et à combattre
ensemble. Quant à l’interopérabilité, le secrétaire rappelle que les
budgets de l’OTAN ont baissé en pourcentage du PIB et que, même aux États-Unis,
les dépenses militaires sont inférieures aux 6 % de l’époque du président
Eisenhower. En dehors de
l’augmentation du budget de la défense, le secrétaire propose une
augmentation de la spécialisation : dans
le cadre d’un large éventail de capacités, chaque pays devrait choisir de
faire exceptionnellement bien certaines choses, qu’il s’agisse de ponts aériens,
de forces spéciales, etc.
À la fin de la discussion, le Comité est invité à écouter le
discours d’ouverture du secrétaire Rumsfeld à l’audience. À l’audience
également, l’amitié et l’aide du Canada sont saluées chaleureusement.
Après avoir rencontré le Comité des forces armées de la Chambre, le
Comité est chaleureusement accueilli par les représentants de la section
canadienne des Affaires de l’hémisphère ouest du Département d’État américain.
Ceux‑ci s’empressent de dire qu’aucun pays plus que le Canada n’a réagi
aussi bien aux événements du 11 septembre et qu’ils ont d’excellentes
relations avec M. Manley et son personnel ainsi qu’avec les agences de sécurité
canadiennes, notamment avec le Service canadien du renseignement de sécurité
et la GRC. La coopération
militaire est décrite comme « une lutte côte à côte en
Afghanistan ». Les représentants ajoutent que, sur le plan des négociations
en matière de sécurité, il n’y a eu aucune difficulté :
installations/inspections mixtes, intégration des patrouilles de frontière,
projet pilote NEXUS (dont l’expansion est considérée comme presque certaine
une fois conclu l’accord sur la carte d’identité biométrique pour les
voyageurs qui passent souvent la frontière), tout était sur la table.
Concernant les questions liées à la défense, les représentants ont
fait remarquer que tous les alliés de l’OTAN doivent développer leurs
capacités et accroître leurs dépenses. Cela dit, ils reconnaissent que le
budget du Canada en matière de sécurité a augmenté considérablement et que,
à certains égards, les forces aériennes et navales du Canada sont les plus
interopérables parmi les alliés.
Après cette séance d’information au Département d’État, le Comité
rencontre le major‑général Dunn et des représentants de la défense au
Pentagone. Le général Dunn commence par demander aux membres du Comité
comment ils envisagent l’avenir des forces armées canadiennes. Le Comité répond
que les Canadiens comprennent la nécessité d’augmenter le budget de la sécurité,
mais qu’ils ne sont pas convaincus qu’il faille augmenter considérablement
le budget de la défense. Sur le plan de la défense du territoire, le nouveau
commandement regrouperait des unités militaires et créerait des liens avec la
Garde côtière et les forces distinctes de la Garde nationale. Il est clair que
des unités des forces aériennes canadiennes pourraient être intégrées à
cette structure, mais le ministère américain de la Défense songe également
à élargir NORAD aux zones terrestres et maritimes. Le Comité répond que le
Canada doit d’abord avoir une idée claire de cette « architecture »
pour pouvoir la soumettre à l’opinion publique.
Le mercredi après-midi se termine par de courtes séances
d’information sur le point de vue des États-Unis sur l’expansion de
l’OTAN, le système de défense antimissile et la défense du territoire.
M. Crouch semble suggérer que les pays de la Baltique, peut-être
aussi la Bulgarie et la Roumanie, sont plus près d’être admis que la Slovénie
et la Slovaquie et que la Macédoine
et l’Albanie ne sont absolument pas prêtes. L’expansion rendrait
l’obtention d’un consensus plus difficile et exacerberait le problème des
différents niveaux d’interopérabilité au sein de l’alliance. Il s’agira
de faire le nécessaire pour améliorer l’interopérabilité.
Le système de défense antimissile est présenté comme un changement
par rapport à une stratégie axée sur les armes nucléaires offensives qui
serait systématiquement réduite et comme une nouvelle stratégie de développement
d’une capacité de défense limitée permettant d’intercepter la poignée de
missiles que des États renégats pourraient mettre au point d’ici une dizaine
d’années. Ce que cela veut dire pour le Canada, c’est que ni les missiles
ni leurs charges nucléaires ou biologiques ne respecteraient les frontières.
Le nouveau commandement de la défense du territoire est présenté comme
un moyen de regrouper la capacité de défense aérienne et de créer des voies
de communication plus claires avec la Garde côtière et la Garde nationale dans
le but de placer le ministère de la Défense en meilleure position pour aider
les autorités civiles en cas d’urgence. Bien que, en théorie, les urgences
sont prises en charge d’abord à l’échelle locale, puis à l’échelle de
l’État et, enfin, à l’échelle fédérale à la demande du gouverneur de
l’État, dans la pratique, le ministère de la Défense intervient très
rapidement puisque les commandants locaux réagissent en prévision d’une
demande d’aide.
Mercredi soir, à la demande de son président, l’honorable Porter
Goss, le Comité rencontre pour la seconde fois le Comité du renseignement de
la Chambre. M Goss commence par rappeler combien la sympathie et l’appui des
Canadiens ont été importants pour les États-Unis, psychologiquement
tout autant que matériellement. Il ajoute qu’il est heureux que le Canada ait
substantiellement augmenté ses dépenses dans le domaine de la sécurité,
notamment le budget du Service canadien du renseignement de sécurité, parce
que le renseignement est au cœur de la campagne anti-terroriste.
Son Comité sait depuis des années que le réseau de renseignement américain
est sous‑financé. Il estime que la coopération des États-Unis et du
Canada en matière de renseignement est excellente et rappelle que, à titre de
fédérations, nous avons beaucoup de problèmes communs, notamment en ce qui
concerne la circulation de l’information entre l’échelle locale et l’échelle
fédérale et la difficulté de surmonter l’habitude du secret et les guerres
de clans.
Il affirme que les prisonniers talibans et les prisonniers d’Al Qaïda
sont bien traités (il s’est rendu sans prévenir dans l’enceinte),
mais qu’il a fallu les interroger. Il affirme également qu’il a accès à
de l’information classifiée qui atteste les références à « l’Axe
du Mal ». Les membres de la délégation canadienne répondent en faisant
remarquer que les Canadiens critiquent le refus de reconnaître le statut de
prisonnier de guerre au moins aux captifs talibans et que le Canada
n’envisagera d’élargir la guerre que si l’on dispose de preuves contre
chacun des pays considérés comme étant une menace, à savoir la Corée du
Nord, l’Iran et l’Irak.
JEUDI 7 FÉVRIER
Dans la matinée, le Comité rencontre des membres des comités
judiciaires du Sénat et de la Chambre. On rappelle que les terroristes ont
exploité les lois canadiennes sur l’immigration, plus libérales, et que, si
les lois canadiennes et américaines sur les réfugiés et sur l’immigration
ne sont pas harmonisées, les États-Unis pourront être contraints d’adopter
une politique plus stricte. On suggère la création d’un groupe de travail
mixte canado‑américain pour arrêter Ben Laden.
Les Canadiens répondent que, en dehors de Ressam, rien n’indique que
d’autres terroristes soient entrés aux États-Unis par le Canada
et que 20 000 personnes ont été refoulées à la frontière
canado‑américaine. Les deux pays doivent consacrer plus de ressources à
la protection de la frontière.
Les États-Unis y consacreront 50 millions de dollars, à parts égales
en technologie et en personnel supplémentaire. On fait l’éloge de la loi
anti‑terrorisme canadienne. Les législateurs américains proposent que
les compagnies aériennes internationales envoient au moins leur manifeste à
l’avance et que le numéro de passeport des passagers soit enregistré avant
qu’un avion se rende aux États-Unis. La discussion porte sur le projet de
frontière intelligente et la nécessité d’améliorer la sécurité dans les
ports. On rappelle que le Canada inspecte un plus fort pourcentage de conteneurs
et que près de 40 % des réfugiés arrivent par les États-Unis. La présélection
est efficace, mais il faut intégrer plus encore les données de sources
diverses.
On parle abondamment de la question de l’asile dans un pays tiers. Les législateurs américains sont très mécontents de leurs services d’immigration, de leur arriéré et de leur incapacité à renvoyer les personnes qu’ils ont décidé d’expulser. Les chiffres relatifs aux taux d’acceptation de réfugiés sont différents dans chaque pays, et on propose de mieux harmoniser le système de détermination du statut de réfugié. Il serait difficile pour les États-Unis de s’entendre sur un système d’asile dans un pays tiers car l’administration fixe des quotas.
Le Comité termine sa visite par une séance d’information sur la défense
du territoire avec Frank Miller, conseiller du président sur les affaires
militaires, et l’ambassadeur John Maisto.
Ils étoffent, dans un certain détail, les observations du secrétaire
à la Défense Rumsfeld.