37-1
37e législature,
1re session
(29 janvier 2001 - 16 septembre 2002)
Choisissez une session différente
Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 5 - Témoignages du 26 avril 2001 (séance de l'après-midi)
TORONTO, le jeudi 26 avril 2001 Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 13 h 30, pour examiner le projet de loi S-15 de même que les questions qui peuvent surgir occasionnellement en matière d'énergie, d'environnement et de ressources naturelles. Le projet de loi S-15 vise à donner à l'industrie canadienne du tabac le moyen de réaliser son objectif de prévention de la consommation des produits du tabac chez les jeunes. Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil. [Traduction] Le président: La séance est ouverte. Cet après-midi, nous entendrons un groupe de témoins sur la question du tabagisme, et deux autres groupes sur les questions d'énergie. Je cède tout de suite la parole aux témoins, MM. Mahood et Michael Perley. Comme vous n'en êtes pas à votre première apparition devant le comité, je vous prie de commencer immédiatement. M. Michael Perley, directeur, Campagne ontarienne d'action contre le tabac: Merci, monsieur le président. Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie de me permettre de me prononcer en faveur de la Loi sur la protection des jeunes contre le tabac, au nom de la Campagne ontarienne d'action contre le tabac, dont je suis directeur. La Campagne ontarienne a été fondée en 1992 conjointement par la Ontario Medical Association, la Division de l'Ontario de la Société canadienne du cancer et l'Association pour les droits des non-fumeurs. Je tiens à souligner particulièrement le travail de pionnier de mon collègue ici présent, de même que la contribution de la Fondation des maladies du coeur et de la Ontario Lung Association à la fondation de la Campagne, un organisme voué à promouvoir l'adoption de la Loi sur la réglementation de l'usage du tabac de l'Ontario, dont l'objet principal vise la réduction des ventes de produits du tabac aux mineurs. La Loi interdit aussi la vente dans les pharmacies et les distributeurs automatiques, en plus de prescrire des catégories de lieux sans fumée. Depuis la promulgation de la Loi en 1994, nous avons concentré nos efforts dans deux domaines principaux: l'adoption de règlements sur les lieux de travail et les lieux publics sans fumée dans les municipalités ontariennes, et le renforcement et l'élargissement de la loi provinciale sur la réglementation de l'usage du tabac et des programmes subventionnés. Depuis que le sénateur Kenny a déposé un projet de loi sur l'imposition d'une taxe à l'industrie du tabac et la création d'un organisme indépendant pour superviser les initiatives de réduction du tabagisme tabac chez les jeunes, nos membres n'ont cessé de soutenir la loi. Toutefois, je ne suis pas ici aujourd'hui pour exposer leurs points de vue. Bien que le bureau de la Campagne ontarienne, auquel je suis rattaché, ait offert un soutien sans équivoque à cette loi, il a été forcé d'en restreindre la portée en raison de ses responsabilités aux échelons provincial et municipal, dont j'ai parlé brièvement. Je consacrerai le temps qui me reste à expliquer pourquoi il est impératif de consacrer plus d'argent à la réglementation de l'usage du tabac en Ontario, en s'inspirant des propositions du projet de loi S-15 pour l'ensemble du pays. Pour vous mettre en contexte, je ferai de nouveau référence à la Loi sur la réglementation de l'usage du tabac, adoptée en 1994. À ce moment, c'était l'une des meilleures lois provinciales dans le domaine, sinon la meilleure. Le gouvernement provincial allouait alors 19 millions de dollars par année à l'application de la loi et à la mise en oeuvre d'initiatives stratégiques de réglementation de l'usage du tabac, parmi lesquelles une campagne médiatique à l'intention des jeunes. À partir de 1995 et jusqu'à voilà 2 ans, les efforts de réglementation du gouvernement provincial ont connu un important déclin. D'entrée de jeu, le premier des ministres de la Santé du gouvernement actuel a réduit le financement de la campagne médiatique provinciale axée sur les jeunes, dont j'ai déjà parlé. Cette campagne constituait un volet de la Stratégie antitabac de l'Ontario. D'autres réductions ont suivi et, en 1998, le budget provincial annuel alloué à la réglementation de l'usage du tabac était passé de 19 millions à 4 millions de dollars. La deuxième ministre de la Santé du gouvernement Harris, Elizabeth Witmer, s'est montrée beaucoup plus intéressée par la question du tabac. En 1998, elle a nommé un groupe d'experts à qui elle a demandé de revoir la Stratégie antitabac de l'Ontario. Dans le rapport qu'il a publié en 1999, intitulé: «Actions Will Speak Louder Than Words», le groupe d'experts recommande de créer un programme global qui comprendrait un certain nombre des éléments bien connus qui ont été éprouvés dans les programmes mis de l'avant en Californie, au Massachusetts et dans d'autres États américains. Je sais que vous avez déjà entendu M. Wolfe, de la Floride. Le rapport du groupe recommande entre autres au gouvernement provincial de hausser les subventions à 90 millions de dollars par année, soit 8 $ par personne environ. Selon les Centers for Disease Control d'Atlanta, ce montant par habitant se situe au niveau «inférieur à moyen» recommandé pour assurer des programmes efficaces et complets de réglementation de l'usage du tabac. En réponse au rapport du groupe d'experts, la ministre Witmer a posé deux gestes vraiment concrets: elle a ajouté 10 millions de dollars pour la réglementation de l'usage du tabac et, en invoquant la Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act des États-Unis, elle a institué une poursuite contre l'industrie du tabac pour recouvrer les coûts des soins de santé. La Cour a prononcé un non-lieu et la requête est actuellement en appel. Voilà: six années et demie après l'adoption de la Loi que mon organisme a été créé pour défendre, et malgré un certain rétablissement des budgets affectés à la réglementation de l'usage du tabac, avec un accent particulier sur les programmes axés sur les jeunes, nous manquons toujours d'argent pour mener à bien la lutte contre l'épidémie du tabagisme. Le gouvernement provincial n'a rien fait pour améliorer la loi. Quant aux mesures législatives visant la protection des jeunes qui sont l'essence de la loi - à savoir l'interdiction de vente aux mineurs -, nous somme forcés de constater une diminution dramatique de l'efficacité des interdictions prescrites. Si les accusations de vente à des mineurs ont fait un bond entre 1995-1996 et 1997-1998, en passant d'un peu plus de 200 à 1 000 environ, elles n'ont cessé de diminuer à compter de 1998-1999, et le mouvement à la baisse s'est poursuivi en 1999-2000. Les actes d'inspection et autres mesures de surveillance des détaillants sont passés de 28 029 en 1997-1998 à 7 261 en 1999-2000. Les vérifications de la conformité ont diminué de 14 083 en 1998-1999 à 10 188 en 1999-2000. Les visites d'éducation des détaillants ont grimpé de 7 261 en 1997-1998 à 12 367 en 1998-1999, pour redescendre à 6 962 en 1999-2000. Résultat: le pourcentage de détaillants qui ne respectent pas les interdictions de vente aux mineurs est resté, en gros, le même entre 1995-1996 et 1999-2000. Finalement, par le biais de leurs annonces... Le sénateur Banks: Quel est ce pourcentage? M. Perley: Selon l'information dont je dispose, ce pourcentage se situerait entre 35 et 45 p. 100, selon les régions de la province. Il varie, mais il s'agit du pourcentage moyen de détaillants qui refusent de se conformer. Le sénateur Banks: Ils n'observent pas la Loi? M. Perley: C'est exact. Comme je l'ai déjà dit, ce pourcentage est très variable. Des services de santé relèvent un pourcentage de conformité relativement élevé, mais dans le Nord, où les régions couvertes sont très vastes, le taux d'infraction atteint des sommets. Le message n'a pas été bien diffusé. Enfin, les annonces publicitaires payées par l'industrie du tabac continuent de donner aux produits du tabac une visibilité extraordinaire dans des milliers de points de vente de la province et partout dans le pays. Le message que reçoivent les Ontariens, et plus particulièrement les jeunes, est clair: malgré tout ce qu'ils entendent sur les dangers des produits du tabac, ce sont des produits ordinaires qui peuvent être présentés et achetés comme tous les autres produits. Le gouvernement ontarien a fait un autre pas en arrière en octroyant au début du mois une subvention de 20 millions de dollars aux tabaculteurs de la province pour qu'ils puissent se doter d'une technologie de séchage des feuilles qui réduit la teneur en nitrosamine dans le tabac. Bien entendu, on pourrait penser que c'est une mesure de protection de la santé... Jusqu'à ce que l'on comprenne que, selon les résultats de la recherche et les déclarations de l'industrie du tabac elle-même, rien ne prouve que la diminution de la teneur en nitrosamine réduise la toxicité de la cigarette. J'ai omis de vous donner une information, veuillez m'en excuser. La décision a été motivée par l'obligation de déclaration de la Loi sur le tabac canadienne. En effet, suivant la Loi, les niveaux de nitrosamine devront être déclarés à Santé Canada à compter de cette année, et l'industrie semble craindre d'avoir à faire face à de nouvelles responsabilités. Le 12 février dernier, un article paru dans le Simcoe Reformer, un journal du sud-ouest de l'Ontario, rapporte les propos de Robert Parker, alors président du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac: Il n'a pas été démontré que des niveaux faibles [de nitrosamine] dans le tabac réduisent les risques pour la santé. Cette affirmation a été corroborée par les travaux de chercheurs à l'emploi de la R.J. Reynolds Tobacco Company des États-Unis, auxquels on a fait référence lors d'une conférence tenue en septembre dernier. Bref, le gouvernement provincial a accordé 1 million de dollars de plus à l'industrie du tabac qu'à la lutte antitabac. Même si l'adoption de règlements antitabac a marqué un grand pas - le règlement innovateur adopté hier à Ottawa, dont vous avez sûrement entendu parler, en est un exemple -, nous attendons toujours la mise sur pied d'un programme global de réglementation de l'usage du tabac, axé sur l'ensemble de la population ou plus particulièrement sur les jeunes. Les quelques exceptions à ce constat sont une série de programmes d'éducation du public et de soutien aux personnes qui veulent arrêter de fumer, d'envergure relativement modeste. Ces programmes ont été financés grâce aux 10 millions de dollars réinjectés par l'ex-ministre Witmer, dont j'ai déjà parlé. Il m'apparaît important de revenir sur les statistiques concernant le relâchement de l'application des interdictions de vente aux mineurs. Selon moi, c'est un signe très clair du déclin réel qui se produit depuis 1995. Pour vous donner un portrait complet de la situation, j'ai soumis à votre examen, de concert avec la copie écrite de mon exposé, une fiche d'appréciation des mesures prises par le gouvernement provincial en réponse au rapport du groupe d'experts formé par l'ex-ministre Witmer. À mon avis, la situation est de plus en plus urgente, et le problème de financement - ou plutôt du manque de financement - devient de plus en plus criant en Ontario et partout ailleurs au Canada étant donné le nombre de programmes lancés par l'industrie des produits du tabac. Elle s'est acoquinée avec des acteurs peu méfiants des scènes locale et régionale et leur confie le mandat de faire croire en son intérêt sincère pour le problème du tabagisme chez les jeunes. Je fais référence en particulier aux initiatives «Operation ID School Zone» et «Wise Decisions». Le programme «Operation ID School Zone» est destiné, c'est très clair, à décourager la vente au détail aux jeunes. «Wise Decisions», même si c'est difficile à croire, est constitué de plans de leçon et de matériel didactique préparés et financés par des consultants de l'industrie du tabac à l'intention des écoles, pour les aider à décourager la consommation des produits du tabac chez les jeunes. C'est du moins le but officiel. L'adoption par la Chambre des communes de la Loi sur la protection des jeunes contre le tabac et la réalisation du plein financement, tel qu'il est énoncé dans la loi, seraient des atouts précieux pour contrebalancer la faiblesse outrancière de l'engagement et l'absence de ressources en Ontario en ce qui concerne la protection des jeunes contre l'industrie du tabac. Je remercie encore une fois le Comité de m'avoir donné la possibilité de donner mon point de vue sur cette loi fondamentale. Je terminerai ici mon exposé formel. Le président: Monsieur Mahood, je crois que le plus simple serait que vous fassiez chacun votre exposé, puis nous vous poserons des questions, à tous les deux. M. Garfield Mahood, directeur général, Association pour les droits des non-fumeurs (ADNF): Merci, mesdames et messieurs les sénateurs, de me permettre de m'adresser au comité. Je me nomme Garfield Mahood. Je suis directeur d'un organisme national à but non lucratif qui existe depuis 26 ans je crois. Nous avons été présents dans certains des débats nationaux les plus importants dans la lutte contre le tabagisme. Notre projet concernant la taxe sur le tabac a joué, à mon avis, un rôle capital dans la hausse des taxes entre 1982 et 1992. Durant cette période, je tiens à le souligner, la consommation des produits du tabac a baissé à des niveaux jamais vus dans le monde, une diminution attribuable en grande partie aux prix élevés. Nous avons été très actifs dans l'élaboration de programmes d'avertissement diffusés dans tout le pays - une première dans le monde - et dans les travaux qui ont précédé l'adoption des deux principales lois sur le tabac. Nous avons donc acquis beaucoup d'expérience dans le domaine de la lutte au tabagisme. À cet égard, et au risque de paraître intéressé, j'aimerais remercier le Sénat pour le leadership et la persévérance dont il a fait preuve dans ce dossier. Il est important de souligner que, grâce aux projets de loi S-13 à S-20 et S-15, le Sénat a hissé la lutte au tabagisme au coeur des préoccupations nationales, et à maintenir cette place, ce que moi et tous mes collègues des milieux de la santé avons été incapables de faire. C'est un cadeau inestimable pour la santé publique. Il est fort heureux que les membres du Comité aient accepté de se déplacer pour discuter de la question. Les déplacements nombreux peuvent devenir ennuyeux, mais ils sont nécessaires parce que ce projet de loi revêt une importance capitale dans le domaine de la santé publique. Je ne crois pas que l'annonce du 5 avril dernier aurait eu la même teneur sans la présence et le travail acharné du Sénat. Votre institution étant souvent critiquée, il n'est sûrement pas désagréable pour vous d'entendre des éloges des commentaires positifs à l'occasion. Voici le défi à relever: la question du tabac est très intéressante. Si nous recensons actuellement quelque 45 000 décès par année qui sont dus à l'usage du tabac et si cette épidémie tue un usager à long terme sur deux, il faut imputer ces tristes statistiques aux erreurs commises par des législateurs dans les années 70. Il suffit de consulter des documents du Cabinet et les décisions qui ont été prises à l'époque pour constater que si des gens meurent actuellement, c'est parce que des responsables n'ont pas fait leur travail dans les années 70 et 80. Heureusement, le Sénat a fait beaucoup de travail! Mais devant l'ampleur des chaînes de causes et d'effets auxquelles nous faisons face, même s'il a fallu attendre quelques décennies avant de constater les effets, nous n'avons pas le choix de remettre en question les décisions prises à cette époque. Voilà pourquoi il est si important que le Sénat poursuive les travaux sur le projet de loi S-15. Beaucoup de témoins, j'en suis sûr, ont fait des comparaisons ou se sont prononcés sur le projet de loi S-15. Je serai donc bref. Les membres de l'organisme que je dirige et l'ensemble des milieux de la santé voient dans le projet de loi S-15 la promesse d'un budget de quelque 360 millions de dollars. Or, les gens se demandent comment ces 360 millions de dollars seront dépensés. Actuellement aux États-Unis, 8 milliards de dollars sont dépensés par l'autre partie. Huit milliards de dollars par année! Si on ajuste ce montant en fonction du nombre d'habitants, ce sont 800 millions de dollars qui seraient dépensés ici. Donc, s'il est possible de dépenser 800 millions de dollars pour faire la promotion du produit - permettez-moi de citer nos amis américains en exemple -, il serait assez raisonnable de croire, de montrer et de démontrer qu'il est possible de dépenser 360 millions de dollars pour contrecarrer les effets de ce que l'industrie du tabac a passé trois ou quatre décennies à construire. Si vous faites le calcul, 360 millions de dollars représentent 12 $ par habitant. Encore une fois, je vais m'appuyer sur des comparaisons très éloquentes: le Massachusetts consacre 15 ou 16 $ par habitant; le Maine, 23 $ par habitant; l'Ohio, 32 $ par habitant, et le Vermont, 21 $ par habitant, à la lutte au tabagisme. Personne ne peut affirmer avec exactitude quel est le niveau critique pour garantir l'efficacité, mais nous sommes convaincus que 250 $ ou 350 $ par habitant n'y arriveraient pas. Rien ne le démontre. Par ailleurs, le projet de loi S-15 propose un programme de financement stable, une question sur laquelle je vais revenir, et la création d'un organisme externe, primordiale à mon avis. Qu'avons-nous reçu le 5 avril dernier? Que nous disait-on dans l'annonce? On nous a annoncé des subventions de 250 $ à 350 $ par habitant, soit le quart de ce qui est proposé dans le projet de loi S-15, pas d'organisme externe et aucun engagement concernant des mesures de financement stable. Si on considère les retombées, il est absolument essentiel d'élaborer un plan global. On entend beaucoup parler de plan global parce que, sans plan global, on ne va nulle part. Malheureusement, au Canada, l'histoire a été marquée par une politique officieuse de changements par étapes, de sorte que la majorité des réformes tentées dans le dossier du tabac ont pris de cinq à six années avant d'être achevées. L'interdiction des commandites n'a donné aucun résultat. Nous sommes très loin d'une disparition complète des commandites. Selon les plans du Parlement, elles auraient dû disparaître en 1988. Or, si le gouvernement tient parole, elles seront encore permises jusqu'en 2003. Il aura donc fallu quinze ans pour que la réforme soit accomplie. Sans plan global, on fonctionne par à-coups, ce qui signifie que le plan global sera achevé dans un demi-siècle. C'est impensable quand on fait face à des taux de mortalité si élevés. Il faut se battre sur plusieurs fronts en même temps. Le montant des subventions proposées dans l'annonce du gouvernement le 5 avril ne suffira pas. À cet égard, Chuck Wolfe m'a fait mention d'un argument extrêmement convaincant. Nous parlions de ce qui était nécessaire pour mener des campagnes sur trois ou quatre thèmes - par exemple, une campagne qui s'adresserait aux jeunes, une autre à la cessation du tabagisme, une autre qui porterait sur la fumée secondaire, si enquiquinante pour l'industrie. Le problème, comme le disait Chuck hier soir, est que les sommes proposées, soit 250 $ ou 350 $ par habitant, nous permettent de nous attaquer à un seul dossier à la fois. Les fonds ne suffisent pas à mettre en oeuvre la totalité du plan global. Il faut absolument comprendre ce point, sinon nous ferons un pas en arrière et nous serons condamnés à attendre un demi-siècle avant que le plan global soit achevé. Il faut aussi mentionner la crainte - je tiens à le souligner, c'est tellement important - que nous avons d'attirer le discrédit sur nos actions parce que nous n'avons pas assez d'argent pour bien faire notre travail. Je fais de nouveau référence au concept de masse critique. Quant à l'organisme externe, pourquoi est-il si important et quelle expérience avons-nous en ce domaine? Depuis le début de la campagne californienne, nous avons tenté de mettre de l'avant une «politique de dénormalisation» avec Santé Canada, en plus de diffuser quelques-unes des annonces publicitaires chocs vues aux États-Unis et d'importer au Canada des programmes qui se sont avérés efficaces là-bas. Le terme dénormalisation n'est pas bien compris, même à Santé Canada. Essentiellement, voilà de quoi il retourne: l'industrie du tabac a réussi à se tailler une réputation de membre responsable de la communauté des affaires, qui vend un produit légal. C'est une industrie légale qui vend un produit légal. Le message, par conséquent, est le suivant: «Puisque nous sommes une industrie tout à fait légale et que notre produit est légal, vous ne pouvez rien faire pour contrer nos activités de marketing et, si vous le faites, vous devrez y aller à petits pas, par incréments minuscules.» Bien entendu, la légalisation de l'industrie et du produit est le fruit de l'ignorance, une erreur historique. Ce produit ne se serait jamais retrouvé sur les tablettes si on en avait connu les dangers. Quand elle s'insurge contre tout changement législatif en invoquant la légalité de l'industrie et de son produit, les fabricants sous-entendent en fait - un argument tout à fait absurde - que la société ne peut réparer ses erreurs passées. La politique de dénormalisation est le fruit de consultations à l'échelon national, à l'issue desquelles elle a été adoptée. Tout le milieu de la santé à l'échelon national, de concert avec les provinces, a fait de la dénormalisation un objectif phare. Et qu'a fait Santé Canada? De façon arbitraire, le ministère a expurgé la stratégie nationale de la notion de dénormalisation dans son annonce du 5 avril. Or, la dénormalisation est le pilier des grandes campagnes de publicité aux États-Unis. Voilà l'une des raisons qui rendent l'organisme externe si crucial. J'aborderai maintenant le thème du «blocus de la justice». Chaque fois que nous tentons de faire une percée significative dans le dossier du tabac... L'industrie du tabac alimente un contentieux permanent et nous qualifions de «blocus de la justice» la ligne qu'adoptent invariablement les avocats quand ils nous disent «de ne rien tenter de spectaculaire parce que les avocats de l'industrie vont nous accuser de vouloir colorer l'objectivité des juges». Le blocus de la justice a ralenti même les campagnes d'éducation publique. Comment contourner ce blocus? En instituant un organisme externe. J'aborderai maintenant le combat entre la sauvegarde des emplois et des vies. Chaque fois que nous tentons une action qui met en cause Santé Canada, on nous répond qu'on ne peut se permettre d'éliminer des emplois. Une telle philosophie s'apparente à une philosophie prédominante à la fin de la Seconde Guerre mondiale: certains disaient qu'il fallait poursuivre les hostilités pour préserver l'industrie de l'armement. À l'évidence, la coexistence - la non-coexistence - de l'épidémie du tabagisme et de l'industrie du tabac est impossible. Autrement dit, il sera impossible de mettre fin à l'épidémie si l'industrie du tabac est maintenue. Mais c'est le piège dans lequel nous tombons chaque fois. L'organisme externe pourrait résoudre ce problème. Il faudra bien entendu compter avec l'interférence politique, mais c'est une chanson que vous connaissez. Je reviens maintenant sur la question du financement stable. Vous savez tous comment la stratégie de réduction de la demande de produit du tabac a fait flèche en 1995 et 1996. Les États de la Floride, de la Californie et du Massachusetts ont tous eu des problèmes de financement. Ils ont dû faire face à des tentatives de sabotage et de détournement des fonds des programmes. Nous ne pouvons pas attendre d'avoir le bon ministre ou le bon sous-ministre de la Santé. En effet, si le ministre ou le sous-ministre n'est pas le bon, la lutte contre le tabagisme est interrompue. Un organisme externe permettrait de résoudre nombre de ces problèmes. Nous témoignons aujourd'hui pour vous presser de continuer à défendre le projet de loi S-15. Nous vous félicitons pour le travail accompli. L'annonce du 5 avril est insuffisante. Elle est très inadéquate, pour maintes raisons. Un élément ou deux sont intéressants mais, dans l'ensemble, elle est inadéquate. Nous sommes convaincus que nous pouvons obtenir beaucoup plus. Le président: Merci, messieurs Perley et Mahood. La première question revient à la vice-présidente, le sénateur Spivak. Le sénateur Spivak: Tout d'abord, j'ai aimé la rigueur de votre exposé: il est évident que cette industrie devrait disparaître. Quand la voiture a été inventée, le cheval et la charrette ont pris le chemin des musées. Mais l'analogie est approximative; nous tentons simplement de contourner la question. Vous souvenez-vous du projet de loi présenté par Lynn MacDonald voilà quelques années? Elle proposait d'inscrire le tabac sur la liste des produits visés par la Loi sur les produits dangereux. M. Perley: La loi sur la santé des non-fumeurs. Le sénateur Spivak: Est-ce que je me trompe? M. Perley: L'assujettissement du tabac à la Loi sur les produits dangereux représentait la deuxième partie du projet de loi. Le sénateur Spivak: J'étais déjà au Sénat; je me souviens d'avoir discuté de ce projet de loi et de lui avoir donné mon appui. Que pensez-vous de cette idée? Fournirait-il des instruments ou des outils supplémentaires au gouvernement s'il l'adoptait en conjugaison avec le projet de loi S-15? L'idée est-elle encore bonne? M. Perley: Madame le sénateur, par l'entremise du fauteuil, la Loi sur le tabac a déjà créé un précédent à l'échelle planétaire. Le gouvernement dispose déjà les pouvoirs nécessaires pour réglementer ce produit, les mêmes pouvoirs en fait que si le tabac était visé par la Loi sur les produits dangereux. Autrement dit, nous disposons déjà de la législation nécessaire. Il reste à trouver la volonté politique qui incitera le gouvernement à faire appliquer la Loi dans toute sa portée. L'un des mérites d'une campagne d'éducation d'envergure telle que le propose le projet de loi S-15 serait d'agir sur l'opinion publique. Le gouvernement aurait ainsi des outils solides pour imposer des mesures très dynamiques de lutte à l'épidémie. Je vais donner un exemple simple: les termes «légères» et «douces» utilisés sur les paquets de cigarettes. Il a été démontré qu'il n'est pas plus bénéfique pour la santé de fumer des cigarettes «légères» ou «douces» en raison des méthodes de fabrication des cigarettes et de l'utilisation qu'en font les fumeurs. C'est un fait connu des fabricants. Pourtant, «légères» et «douces» sont parmi les descripteurs utilisés qui induisent les consommateurs en erreur sur le contenu des paquets de cigarettes. Et l'industrie sait fort bien que ses clients sont floués. Les lois actuelles habilitent déjà le gouvernement à régler une fois pour toute la fraude des cigarettes «légères» et «douces». Le gouvernement a les pleins pouvoirs pour obliger la suppression de ces descripteurs sur les paquets de cigarettes, ce qui constituerait un grand pas en avant pour la santé publique. Il faut que les membres du gouvernement prennent la résolution de saisir toutes les occasions d'améliorer la santé de la population. Il faut faire quelque chose, mais ce n'est pas la législation qui est insuffisante. Le sénateur Spivak: Très bien. Mon autre question porte sur les préjudices contre les droits de la personne. Des gens affirment que, si on veut fumer, on a le droit de le faire puisque le tabac est un produit tout à fait légal. Que faites-vous de cet argument si vous abordez la question du point de vue des droits des fabricants par rapport aux droits individuels? Vous venez de parler d'un élément, la publicité trompeuse. L'application des lois est tout simplement inadéquate. Quelle est votre approche, en théorie du moins? M. Mahood: On pourrait lancer une campagne d'éducation de la population - Chuck Wolfe ferait sûrement du beau travail dans ce domaine. Il faudrait dire la vérité sur le produit. Si la population découvre que le tabac crée une dépendance chez les enfants, qu'il tue un usager à long terme sur deux, qu'il cause 30 p. 100 des décès dus au cancer, 30 p. 100 des décès dus à une maladie cardiovasculaire et 90 p. 100 des décès dus à une maladie respiratoire obstructive. Si le public découvre que l'industrie a menti sur les risques, la dépendance, la manipulation de la teneur en nicotine, la publicité sauvage à l'intention des enfants - certaines des annonces publicitaires géniales de Chuck Wolfe traitent de ce problème... Si le public savait de quel genre d'industrie il s'agit... Quand le public le découvrira, on ne se précipitera plus à la défense de cette industrie en invoquant l'intrusion dans ses campagnes publicitaires. L'industrie perdra tout le soutien dont elle jouit actuellement, et les législateurs auront le champ libre pour poser les gestes nécessaires. Mais la pierre angulaire sera la compréhension de la population de ce que cette industrie a fait pour causer 45 000 décès en 2001. M. Perley: Madame le sénateur, me permettez-vous d'ajouter un ou deux commentaires sur cette question? Dernièrement, nous avons réalisé un sondage et les résultats révèlent un soutien très élevé - de 80 à 90 p. 100 des Ontariens sont en faveur - à des mesures assez sévères telles que la désignation de lieux de travail sans fumée. Le soutien vient de personnes de toutes provenances, de tous les âges, fumeurs et non-fumeurs réunis. Le sondage a aussi fait ressortir des lacunes très importantes dans les connaissances de la population. En règle générale, on pense ou on croit que les méfaits du tabac sur la santé sont bien connus. En fait, beaucoup ont répondu que plus de femmes meurent du cancer du sein que du cancer du poumon, ce qui est faux. Une minorité importante a répondu que plus de gens meurent du sida que des effets du tabagisme. Quelque 4 p. 100 des répondants, je crois... À la question: «Quels sont les principaux risques du tabagisme?», pour laquelle ils n'avaient aucun choix de réponse, 4 p. 100 seulement ont mentionné les accidents cérébrovasculaires. Or, les ACV sont l'une des principales maladies causées par le tabagisme. Le pourcentage des répondants qui croient que les cigarettes «douces» ou «légères» sont plus «sûres» se situe dans les monochiffres supérieurs. Le sénateur Banks: Les monochiffres supérieurs? M. Perley: Oui, 6 ou 7 p. 100 des répondants croient que ces cigarettes sont plus sûres. Le sénateur Banks: Le corollaire est que 96 ou 97 p. 100 des répondants comprennent que ces qualificatifs ne veulent rien dire. M. Perley: Un groupe de répondants a indiqué expressément que cela ne voulait rien dire. Je crois que ce groupe totalise entre 20 et 30 p. 100, sénateur. Parmi les autres, certains ont donné des réponses comme «Elles sont moins irritantes». Par conséquent, les réponses ne traitent pas de sécurité ou de son absence mais plutôt d'irritation ou de manque de confort ou, dans ce cas, 20 à 30 p. 100 - cela ne fait aucune différence. Pour ce qui est de l'argument des droits et libertés maintenant. Je témoigne souvent lors d'audiences de consultation sur des règlements partout dans la province, et cet argument revient sans cesse. C'est l'un des deux arguments qui nous sont servis le plus souvent, l'autre étant les pertes économiques causées à l'industrie du tourisme. Cet aspect a été réglementé par la Ville de Toronto lors de la première tentative d'adoption d'un règlement sur les environnements sans fumée en 1996. La Ontario Restaurant Association a poursuivi la Ville au niveau de la Cour divisionnaire de l'Ontario, en alléguant des préjudices aux droits et libertés des entrepreneurs. Le juge Borins a rejeté la poursuite parce qu'aucune charte ne reconnaît le droit commercial de maintenir un environnement qui expose des personnes à des risques pour leur santé. Le juge a aussi reconnu à la Ville le plein droit de réglementer ce domaine du fait qu'il a été prouvé que la fumée secondaire est nocive pour la santé. On peut donc dire que la question de liberté de choix et des droits a déjà, dans une certaine mesure, été tranchée en cour, pour ce qui est du moins des règlements sur les environnements sans fumée. Le sénateur Banks: Monsieur Mahood, sans égard à mon opinion, ni à la vôtre ou à celle des membres du Comité, nos travaux actuels et le projet de loi en cause ne portent pas sur la disparition de l'industrie du tabac. Le projet de loi vise la réduction du tabagisme, si j'ai bien compris, chez les jeunes. Vous avez bel et bien dit cependant que c'était impossible. Qu'il était en quelque sorte absurde de chercher à endiguer l'épidémie si on maintient l'industrie en vie. Soyons clairs: seriez-vous en faveur de la destruction de l'industrie des produits du tabac? M. Mahood: Non. Me demandez-vous si je serais le premier à monter aux barricades pour défendre une industrie qui, selon l'Organisation mondiale de la Santé, tuera 500 millions de personnes qui sont actuellement en vie? Serai-je le premier à prêter main forte à une telle industrie? Le sénateur Kenny: Faut-il inscrire ces propos au compte rendu? Le président: N'oubliez pas que les codes sténographiques ne peuvent pas traduire le sarcasme. M. Mahood: Il se trouve en fait que mon travail consiste à endiguer l'épidémie du tabagisme. Qu'elle soit de faible ou de grande envergure, aucune épidémie n'est souhaitable. Il s'agit donc d'une question de gravité. Le président: Vous mourez dans les deux cas. M. Mahood: Oui, quelle que soit l'épidémie dont vous êtes victime, vous mourez. En santé publique, notre travail consiste à éradiquer les épidémies, et il s'agit bien d'une épidémie si on s'en tient à la définition formelle que donnent les médecins ou les épidémiologistes à ce terme. Notre travail consiste à arrêter l'épidémie. Votre travail à vous, sur le plan de la législation, est d'empêcher les enfants de devenir des consommateurs. Et si les enfants cessent de consommer du tabac, l'industrie du tabac disparaîtra naturellement. L'intention de la loi et la mienne sont les mêmes. Mon intention est de mettre fin à l'épidémie; votre intention est tout simplement un peu plus ciblée. Quand l'épidémie sera terminée, l'industrie du tabac telle que nous la connaissons disparaîtra. La santé publique est en jeu: les deux ne peuvent pas coexister. Le sénateur Banks: Une autre question. Monsieur Perley, quand vous avez cité le règlement de la Ville d'Ottawa, vous avez dit qu'il était très novateur. Dans quel sens? M. Perley: C'est le plus complet à l'échelon national actuellement parce qu'il couvre tous les lieux de travail, les taxis et les clubs privés y compris, alors que bien des municipalités se sont cassé les dents en essayant d'inclure les voitures de taxi dans leurs règlements, sauf Windsor et une ou deux autres municipalités. Les clubs privés représentent un autre château fort parce que, en règle générale, les règlements municipaux ne s'y appliquent pas. Cependant, ils engagent du personnel au même titre que les restaurants publics ou tout autre lieu de travail. Le dilemme concerne la santé publique: que faire à propos de ces lieux qui historiquement n'ont pas été visés par les règlements, mais où se trouvent le même type de travailleurs, qui sont exposés aux mêmes risques que ceux des lieux publics réglementés? Incidemment, je n'ai pas vu le projet de règlement que la Ville d'Ottawa a approuvé, mais je comprends que tous les lieux où se trouvent des travailleurs sont assujettis au règlement, y compris les clubs privés qui répondent à la définition courante - présence d'un conseil d'administration; durée d'adhésion, droits d'adhésion importants et statut d'organisme à but non lucratif. Si ces caractéristiques sont réunies et que des travailleurs s'y trouvent, le club est visé par le règlement parce que la municipalité a, suivant la Loi sur les municipalités, le pouvoir de réglementer tous les lieux de travail. Le sénateur Kenny: N'oubliez pas les salles de bingo. M. Perley: Les salles de bingo, de bowling, de billard - les «3 B maudits», comme on les appelle, et on pourrait ajouter les bars - sont tous réglementés par la Ville d'Ottawa. Avant le vote d'hier, c'était la région de Waterloo qui avait le règlement le plus sévère, mais il ne s'appliquait pas aux bureaux et ni aux industries, ni aux voitures de taxi et aux clubs privés. Le règlement d'Ottawa devient donc le plus dur au Canada actuellement, et je dirais même dans la grande majorité des territoires des États-Unis. Je ne connais pas d'autre règlement plus sévère. Le sénateur Banks: Qu'en est-il du Rideau Club? M. Perley: Il devrait être visé par le règlement, monsieur le sénateur, si des personnes y travaillent. Le sénateur Banks: Monsieur Mahood, vous avez fait part de réserves sur l'annonce d'un budget de 98 millions de dollars le 5 avril. Cette somme sera fort probablement augmentée, ultérieurement, étant donné le travail accompli par le ministère de la Santé - mais, comme vous l'avez dit, votre accueil est mitigé. Certaines personnes nous ont dit que c'était beaucoup d'argent, du point de vue du citoyen ordinaire, pour la publicité ou la culture de quoi que ce soit. De mon point de vue d'observateur dilettante bien informé, il me semble que si nous n'avons pas assez de 98 millions de dollars pour réduire de façon importante le tabagisme chez les Canadiens, que faire de plus? D'autres témoins ont affirmé que ce montant était insuffisant. Ils s'appuyaient sur des études des Centres for Disease Control, sur le niveau critique de subvention pour assurer l'efficacité des mesures. Pensez-vous que cette somme de 98 millions de dollars, si elle est insuffisante - des témoins nous ont affirmé que c'était insuffisant -, pourrait porter préjudice à votre travail et à vos intérêts? M. Mahood: J'y ai fait référence brièvement dans mes remarques. Nous nous inquiétons du discrédit qui pourrait être jeté sur la campagne si les ressources ne suffisent pas à en assurer la réussite. Si une personne d'expérience comme Chuck Wolfe me dit que ce montant permettra de s'attaquer à un volet de la campagne mais pas à l'ensemble du plan global, qui ne s'en inquiéterait pas? Le milieu de la santé se trouve dans une position inconfortable parce qu'on nous demande des résultats. Nous ne sommes pas intéressés à ce que les gens nous demandent par après à quoi ont servi les cent millions de dollars. Le sénateur Banks: Le milieu de la santé exprime-t-il son point de vue avec suffisamment de force? Je sais que vous vous trouvez entre l'arbre et l'écorce parce que si le ministre de la Santé dit qu'il injecte 98 millions de dollars pour la lutte au tabagisme, il semblerait plutôt étrange, si vous êtes parmi les bénéficiaires des autres crédits, de faire la fine bouche. Quelle énergie met le milieu de la santé à dire que non seulement ce montant n'est pas suffisant pour faire le travail, mais qu'il pourrait même être nuisible à long terme? Le milieu de la santé est-il prêt à se faire entendre? Êtes-vous prêts à jouer franc jeu devant le ministre? M. Mahood: Si je prétendais parler au nom de mes collègues de tous les milieux de la santé du pays, mes bureaux seraient bombardés demain matin. Je peux seulement me prononcer au nom de mon organisme. Le sénateur Banks: Je vous demande votre opinion. M. Mahood: Mon opinion est qu'il faut réexaminer la question avec objectivité, ce que les sénateurs ont déjà entendu auparavant, j'en suis sûr. Un second examen objectif permettrait à un nombre croissant des intervenants des milieux de la santé de constater l'ampleur du gouffre entre les promesses du projet de loi S-15 et ce que nous avons vraiment obtenu. Est-ce que cela signifie qu'il faut rejeter l'annonce en bloc? Il est possible de faire passer le message à la population en faisant de notre mieux. Nous avons une responsabilité. Comme vous le savez, on ne peut jamais affirmer avec certitude si une loi sera adoptée ou non. La communauté de la santé doit s'assurer que les 100 millions de dollars seront utilisés efficacement pour que la population nous fasse confiance et comprenne que nous ferions un usage tout aussi responsable de 360 millions de dollars, dans l'intérêt de sa santé. Honnêtement, je ne suis pas content que la proposition soit si loin de nos attentes, mais je fais totalement confiance à la capacité de la population, et même des élus, de comprendre pourquoi nous défendons avec tant de fermeté l'adoption du projet de loi S-15. Le sénateur Banks: Est-ce que ces 100 millions de dollars permettront d'obtenir le tiers des résultats que vous pourriez atteindre avec 300 millions de dollars? M. Mahood: Je n'en suis pas certain. Je ne le sais pas. Le sénateur Spivak: C'est un peu comme dans le cas de la dette nationale. Les chiffres sont astronomiques, mais ils apparaissent moins démesurés si on les examine en fonction du PIB. À mon avis, il faudrait considérer cette somme de 100 millions de dollars en fonction des coûts entraînés par le tabagisme. Il faudrait toujours considérer ces deux chiffres ensemble pour étoffer notre argumentation. Cette méthode est l'exact corollaire du pourcentage du PIB. On ne devrait donc pas s'inquiéter à ce sujet. M. Perley: Est-ce que le tiers de la somme nécessaire permettrait de faire le tiers du travail? Cela dépendrait entièrement du type d'intervention. Si on se fie aux résultats de la compagne globale qui a été mise en oeuvre en Californie, trois aspects sont importants: l'augmentation des prix; l'interdiction de fumer dans les restaurants et la politique sur les bars, mise à exécution entre 1995 et 1998, puis finalement l'éducation de la population par l'entremise des médias de masse aux échelons local et régional. Je crois que les dernières évaluations indiquent que la hausse du prix a représenté, et de loin, le principal facteur de la diminution de 7 p. 100 du tabagisme chez les jeunes de 12 à 17 ans, ce qui reste encore du domaine du rêve au Canada. Autrement dit, si l'argent, la totalité des 98 millions, était consacré à une campagne d'éducation dans les médias de masse et à quelques programmes communautaires locaux et régionaux, obtiendrons-nous les mêmes résultats que si l'argent avait servi à resserrer l'application des règlements et des mesures connexes destinées à bloquer l'accès des enfants aux cigarettes? Certains diront que la première solution serait la plus efficace puisque la recherche a démontré qu'il fallait atteindre un niveau minimal de 95 p. 100 de conformité aux interdictions de vente aux mineurs pour obtenir une diminution significative du tabagisme chez les jeunes. Pourtant, l'expérience américaine et les résultats d'une campagne pilote dans les médias ontariens qui a eu lieu l'an dernier démontrent clairement que nous pouvons atteindre des taux très élevés de maintien et des changements d'attitude en dépensant des sommes relativement modestes. La campagne de l'an dernier a coûté 3 millions de dollars à l'Ontario. Si on fait une extrapolation pour l'ensemble du Canada, on peut escompter, si on se fie aux résultats de la recherche, des changements d'attitude très importants. Le programme serait d'autant plus efficace s'il est axé sur les jeunes et si on a recours aux meilleures stratégies possible - des stratégies qui ne jettent pas le blâme sur les victimes, qui sont axées sur la dénormalisation, qui disent clairement aux jeunes que l'industrie du tabac n'est pas leur amie et quelles sont les retombées réelles du tabagisme. Bref, si on s'inspire des résultats de la recherche sur la publicité efficace, je crois que la réduction du tabagisme serait considérable. Le problème n'est pas le pourcentage de résultat lui-même, mais plutôt l'existence continue d'un message trouble, ce qui à mon sens est le véritable cauchemar. Autrement dit, le vrai problème est le message double. Disons que nous commençons par une campagne médiatique très efficace de 98 millions de dollars. Parallèlement, il est toujours possible d'acheter des cigarettes chez tous les détaillants du pays, qui se conforment de façon très variable à l'interdiction de vendre des produits du tabac aux mineurs. Il est toujours permis de fumer dans les restaurants, dans les bars, dans les stades, les centres commerciaux et d'autres lieux publics. Si nous examinons un tant soit peu l'attitude des jeunes envers le tabagisme, nous nous apercevons vite qu'ils ne sont pas dupes par rapport à l'hypocrisie des adultes sur le sujet. D'une part, on nous dit partout dans les médias à quel point c'est grave. D'autre part, des aspects pratiques de notre vie courante nous renvoient un message très persuasif sur la normalité et la légalité des produits du tabac, comme M. Mahood nous l'a exposé avec beaucoup d'éloquence. On peut trouver du tabac très facilement, partout. Les adultes en font usage tous les jours. C'est mal d'en faire usage, mais c'est permis. Tant et aussi longtemps que l'hypocrisie sera maintenue, toutes nos interventions auront du plomb dans l'aile. Le président: Parlant d'hypocrisie, vous avez dit que les fabricants de produits du tabac dépensaient environ 800 millions de dollars pour faire de la publicité. En y pensant bien, ce sont des sommes qu'ils peuvent déduire de leurs revenus taxables. Notre gouvernement leur remet donc la moitié de l'argent investi; nous leur redonnons 400 millions de dollars. La somme de 100 millions de dollars illustre l'hypocrisie dans laquelle baigne le dossier: nous redonnons aux fabricants de produits du tabac quatre fois l'argent que nous prétendons utiliser pour les campagnes antitabac. C'est beaucoup. Le sénateur Adams: J'aborderais la question sous un autre angle. Quelque 40 000 personnes meurent chaque année. La plupart ont une carte d'assurance-maladie, et elles vont chez le médecin chaque fois qu'elles sont malades. Ce sont des coûts supplémentaires pour notre régime de santé, surtout avant le décès. Ai-je raison? M. Mahood: Le coût est important, c'est certain. M. Perley: Un peu plus de un milliard de dollars par année pour le régime de santé de l'Ontario. Le sénateur Adams: Si nous parvenons à réduire le nombre de fumeurs, il ne sera plus utile de consacrer 100 millions de dollars à la publicité chaque année. Les gens auront cessé de fumer. M. Mahood: Sénateur, comme vous le diraient Chuck Wolfe et tous les experts américains avec lui, la réduction des coûts imputés au système de santé qui découlerait de la réduction du tabagisme serait très rapidement perceptible et, dans certains cas, spectaculaire. Si on s'intéresse vraiment aux coûts pour le régime de santé, cette avenue globale s'impose. C'est un moyen sûr de réduire les coûts dans un secteur important des soins de santé. L'utilité de cette mesure ne pose donc aucun doute. Cependant, je ne veux pas laisser le Comité sous l'impression que l'industrie dépense actuellement 800 millions de dollars au Canada pour promouvoir l'usage du tabac. Nous ne savons pas vraiment combien l'industrie a dépensé depuis un bon moment. En fait, j'ai dit que, en ce qui concerne le budget possible, les États-Unis ont découvert que le marché pouvait absorber 800 millions, ou 8 milliards de dollars, pour la promotion du tabac. C'est la capacité du système. J'ai simplement dit que, si c'était la capacité de dépense aux États-Unis, notre industrie aurait aussi cette capacité si on la laissait faire. Si tant d'argent est disponible pour promouvoir la mort et la maladie assurées, nous avons certainement la capacité de dépenser, de façon intelligente, 360 millions de dollars par année pour inverser le processus. Le sénateur Adams: Si une personne fume un paquet de cigarettes par jour, les coûts ne sont pas les mêmes en Ontario et au Québec. Au Nunavut, d'où je viens, un paquet de cigarettes se vend à environ 9 $ actuellement. Si une personne fume un paquet par jour, il lui en coûte environ 63 $ par semaine, et environ 252 $ par mois en fumée. Dans l'une de ses publicités, le ministère de la Santé dit aux fumeurs qu'ils risquent de contracter un cancer et d'en mourir. On voit des images et des mises en garde à l'intention des femmes enceintes, par exemple, qui leur indiquent que leur enfant pourrait avoir des anomalies congénitales. Le gouvernement a tout essayé, mais rien ne fonctionne. S'il existe des règlements, et si une personne dépense tant par année pour fumer un paquet de cigarettes par jour, elle pourrait en arriver à se demander pourquoi elle fume et pourquoi elle n'économiserait pas 3 000 $ par année. Comment cela pourrait-il fonctionner? Les images de maladie n'ont pas fonctionné. M. Perley: L'une des annonces publicitaires qui ont été utiles à mon avis a été retirée. Il s'agit de la campagne ontarienne où on voit un homme sortir d'une Porsche. Pendant qu'il s'en éloigne, il s'allume une cigarette puis lance le briquet par-dessus son épaule, et la Porsche explose. On ne dit pas qu'il vient de perdre l'équivalent de 75 000 $ en fumant toute sa vie. Mais le calcul que vous venez de faire, sénateur, indiquerait qu'un habitant de Rankin Inlet qui fume un paquet par jour pendant 1 année dépenserait environ 3 300 $ pendant 30 ou 40 ans, soit plus de 100 000 $. Dans l'équation relative aux coûts, nous avons tendance à nous arrêter aux coûts des soins de santé. Nous n'insistons pas assez souvent sur la perte de revenu et de productivité en Ontario. Les coûts directs pour le régime de santé sont de 1,1 milliard en dollars de 1992, ce qui veut dire 1,5 milliard ou un peu plus actuellement. Mais le coût global pour l'économie, si on considère la perte de revenus et de productivité, serait plutôt de l'ordre des 2,6 milliards de dollars. Si on fait une addition, on parle de plus de 4 milliards de dollars par année en Ontario en coûts directs et indirects. Voilà l'ampleur des coûts réels. Le sénateur Eyton: Apparemment, nous nous entendons tous sur la qualité du projet de loi S-15. Je n'ai entendu aucune critique sur les fondements de son objet ni sur les pouvoirs qu'il octroie, qui semblent très larges. J'entends actuellement l'autre versant d'une discussion que nous venons tout juste d'avoir sur un budget de 100 millions de dollars par rapport à un budget de 300 millions, sur la façon de le dépenser et si les premiers 100 millions aboutiraient à la moitié des bénéfices que permettraient d'obtenir 300 millions de dollars. De l'autre côté de la médaille, si le projet de loi est adopté, nous disposons d'une fondation; le conseil est à l'oeuvre; les comités consultatifs sur la jeunesse sont en place; tous les gens sont en place. Mais soudainement, des revenus importants sont détournés de la fondation. L'article 31 traite du financement d'un programme, d'un projet ou d'activités par la fondation, qui auraient été proposés puis approuvés. Supposons que l'un d'entre vous devienne président et qu'il participe au processus. Vous disposez de 100 millions de dollars. Avez-vous l'intention de dépenser cette somme de façon traditionnelle ou de chercher des moyens plus novateurs et plus percutants pour utiliser cet argent? Vous contenterez-vous de faire contrepoint à l'industrie qui, par le biais du marketing et de la distribution, vend des cigarettes? Ferez-vous contrepoint à son action ou vous efforcerez-vous de trouver des moyens plus créateurs et plus imaginatifs d'utiliser l'argent pour combattre cette mauvaise habitude? M. Perley: Je crois que ni M. Mahood ni moi, ni quiconque parmi mes collègues, ne nous contenterions d'utiliser encore les vieilles méthodes qui ont fait leurs preuves - ou qui n'ont pas fait leurs preuves, à vrai dire. L'exemple classique: la campagne «Pour une génération de non-fumeurs» de Santé Canada, voilà quelques années. Une annonce publicitaire, entre autres, a laissé bien des observateurs perplexes. Il s'agit d'une annonce où l'on voit deux filles, dont une fumeuse qui disparaît dans une cigarette. Le message était le suivant: «c'est ta faute, jeune fille; c'est ta responsabilité». Dans notre jargon, nous parlons de publicité qui blâme la victime. Trop souvent, les campagnes nous disent que le tabagisme est un problème, et que les fumeurs sont eux-mêmes le problème. Je crois que vous avez entendu l'autre côté de la médaille aujourd'hui, de la part de M. Mahood et de ma part. La stratégie de la dénormalisation nous dit qu'il faut inverser le point de vue. Les campagnes publicitaires ne devraient pas attaquer les victimes des moyens utilisés par l'industrie des produits du tabac pour imposer ses produits dans la vie des gens; ce sont l'industrie et son comportement qui doivent devenir la cible. Et comment y arriver avec le plus d'efficacité possible? Selon une école de pensée, il faudrait s'en prendre directement à l'industrie. L'une des annonces classiques dans cette foulée a été produite en Californie. On y voit un groupe d'administrateurs d'une société de fabrication de produits du tabac, assis en train de fumer et de rigoler au sujet de leur besoin de fumeurs pour remplacer leurs revenus; après tout, disent-ils, ils ne sont pas dans cette industrie pour leur bien ni pour leur santé. Et ils s'esclaffent. Il s'agit d'une publicité très provocante, produite en Californie durant une période où il n'y avait pas encore de messages contre l'industrie. C'était un concept totalement révolutionnaire. L'annonce a provoqué un raz-de-marée politique au sein de la législature d'État, et elle a vraiment contribué à changer les attitudes. On s'est beaucoup inspiré de ce succès en Californie. Nous devrions livrer le même type de message - pas nécessairement ce message précis, mais le concept. Il faut trouver des façons de présenter le débat en reliant l'usage du tabac et ses dommages aux fabricants eux-mêmes, sur la façon dont ils le fabriquent et comment ils parviennent à l'infiltrer dans nos vies, en faisant de la publicité dans Internet, au cinéma, de la publicité de commandite chez les détaillants. L'industrie dispose de toute une gamme de moyens pour s'afficher. Plutôt que de pointer du doigt et de blâmer les victimes, il faut trouver des méthodes beaucoup plus fines pour informer les jeunes des faits et gestes de l'industrie. Les jeunes sont des consommateurs beaucoup plus intelligents que nous ne l'étions. Nous étions convaincus de l'intégrité des marques, de leur crédibilité et de leur substance. Nous avions la conviction que les industries produisaient des marchandises de qualité. Aujourd'hui, les jeunes sont devenus des consommateurs beaucoup plus éclairés. Si on leur présente de l'information sur la façon dont cette industrie a toujours fonctionné, nous obtiendrons sûrement des résultats. Je pense souvent au document qui traite d'une expérience menée par l'industrie des produits du tabac, au cours de laquelle on a mesuré les ondes cérébrales de jeunes de dix et onze ans pour déterminer leur réaction à divers produits. Il faudrait dire aux jeunes que cette industrie a réalisé ce genre d'expérience et qu'elle les a à l'oeil - le Projet 16 de la Imperial Tobacco en est un exemple. Et ce n'est pas le seul. Il faut vraiment envisager de présenter ce genre d'information à des enfants qui en savent déjà long sur le marché et les médias. Il faut leur dire ce que cette industrie a fait pour les rendre dépendants d'un produit qui les tuera. C'est une partie de la stratégie de dénormalisation que nous devons absolument mettre en branle. Rien n'est fait dans cette lignée actuellement, ou très peu. Le sénateur Eyton: Je veux simplement souligner que l'approche retenue devra être novatrice et différente, sinon nous dépenserons et nous perdrons encore plus d'argent pour rien. M. Perley: Vous avez raison. Nous alimenterions l'indifférence qu'affichent beaucoup de gens par rapport au tabagisme. Ils se disent: «Je sais déjà tout ça. Le tabagisme est dommageable. Je le sais». Au-delà de cela, les gens ont très peu de connaissances. M. Mahood: Traditionnellement, Santé Canada a adopté une approche - sauf pour ce qui est de la Colombie-Britannique au cours des trois ou quatre dernières années - qui, selon la description qu'en a faite M. Perley, blâme la victime. Il faut souligner l'importance de la créativité: c'est le moustique qui est la cible première dans la lutte à la malaria; la nappe d'eau contaminée dans le cas d'une épidémie de choléra, et les rats si c'est la peste bubonique qui fait rage. Parallèlement, si nous luttons contre une épidémie de tabagisme, le mis en cause est l'industrie du tabac. Santé Canada s'est appliqué à refuser toutes les occasions de le faire au cours de la dernière décennie. C'est une question qui figure au programme de Santé Canada depuis plus d'une décennie, et il est urgent de renouveler notre approche. Nous savons que c'est possible, mais les choses iront beaucoup plus vite si un organisme externe est créé qui pourra examiner les faits, rendre les décisions justes et changer les politiques. Le président: Merci pour vos témoignages, messieurs Mahood et Perley. Comme toujours, vos exposés ont été très informatifs et vous enfoncez le clou chaque fois que vous témoignez devant un comité sénatorial. J'ai reçu une proposition de suspendre l'interdiction de tenir une réunion d'audience et de présentation de témoignages si le quorum n'est pas constitué, selon la décision du comité du 21 février dernier. La demande vise la réunion prévue vendredi, soit demain. Le sénateur Spivak: J'ai présenté cette proposition, monsieur le président. Le président: La proposition a été appuyée par le sénateur Adams. La proposition est-elle adoptée, honorables sénateurs? Des voix: La proposition est adoptée. Le président: Le quorum n'est donc pas exigé pour la réunion de demain. Nous allons passer maintenant à la deuxième partie de notre ordre du jour. Le premier groupe de témoins en matière d'énergie pour cet après-midi est la Stakeholders Alliance for Electricity Competition and Customer Choice. David J. McFadden en est le président; il est accompagné de MM. Bernard Jones et Arthur Dickinson. Veuillez commencer, monsieur McFadden. M. David J. McFadden, président, Stakeholders Alliance for Electricity Competition and Customer Choice (SAC): Monsieur le président, j'ai pensé que je pourrais commencer par quelques observations préliminaires en guise d'introduction au sujet, pour tout le monde, et par la suite, il nous fera plaisir de répondre à des questions. Je m'appelle David McFadden et je suis président de la Stakeholders' Alliance for Electricity Competition and Customer Choice. Je suis accompagné de M. Arthur Dickinson, président de l'Association of Major Power Consumers in Ontario. Le président: Peut-être pourriez-vous nous dire, pour le compte rendu, si la SAC représente les consommateurs ou les producteurs, dans ce cas-ci. M. McFadden: Je vais aborder cet aspect dans une minute, monsieur le président. La Stakeholders Alliance comprend pratiquement chaque consommateur ontarien de l'électricité produite par les petites centrales, mais non ceux d'Ontario Power Generation, par exemple. Le président: Ça répond à ma question. M. McFadden: Je suis également accompagné de M. Bernie Jones, président de l'Ontario Natural Gas Association. Bernie et Arthur sont aussi tous deux membres du bureau de la Stakeholders Alliance. Il nous fait très plaisir d'avoir la possibilité de comparaître devant vous aujourd'hui pour parler de cette question. Nous voulons vous parler de ce qui se passe en ce moment en Ontario, et nous aimerions formuler des commentaires sur la restructuration qui a lieu dans différentes régions du Canada. J'ai pensé que je pourrais commencer par répondre à la question que vous avez soulevée, monsieur le président: Qui est ou qu'est-ce exactement que la Stakeholders Alliance? La Stakeholders Alliance a été fondée en octobre 1996. L'alliance est une vaste coalition d'anciens clients d'Ontario Hydro qui représente pratiquement tous les secteurs de l'économie de la province. Les membres de l'alliance comprennent le secteur de l'automobile, l'industrie sidérurgique, l'industrie chimique, le secteur forestier, le secteur minier, les équipements, et les associations d'hôtels et de motels. Nous comptons parmi nos membres la Municipal Electric Association, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la Chambre de commerce de l'Ontario, les Manufacturiers et Exportateurs du Canada, l'Association of Major Power Consumers, l'Ontario Natural Gas Association, représentées respectivement par Arthur et Bernie, et l'Independent Power Producers Society of Ontario. Je pense qu'on peut dire sans risque de se tromper que la Stakeholders Alliance est la plus vaste coalition que l'on ait jamais mise sur pied au Canada pour prôner la réforme du secteur de l'électricité. En fait, il pourrait s'agir de la plus vaste coalition de consommateurs que l'on ait créée au Canada, toutes questions confondues. En 1996, les membres fondateurs de la Stakeholders Alliance s'inquiétaient de ce que l'élan pour un changement constructif qu'avait donné le Comité Macdonald, qui faisait rapport au gouvernement ontarien en automne 1995, allait être perdu et craignaient que l'Ontario ne prenne encore plus de retard en ce qui a trait au passage rapide à des marchés concurrentiels à l'échelle de l'Amérique du Nord. La Stakeholders Alliance était d'avis que les recommandations contenues dans le rapport du Comité Macdonald, intitulé: «A Framework for Competition», formaient un plan raisonnable pour une transition ordonnée vers un marché concurrentiel. Je signale en passant que le nom Mcdonald dans le Rapport du Comité Macdonald désigne l'honorable Donald Macdonald, qui a été ministre de l'Énergie et, bien sûr, distingué député à la Chambre des communes, avant de revenir à la pratique du droit à Toronto. Il était clair que le secteur de l'électricité de l'Ontario devait changer et que le statu quo était inadmissible. Dès les premières années du XXe siècle, l'existence d'un approvisionnement fiable en électricité à des prix concurrentiels a été essentielle au développement économique de l'Ontario. On peut dire sans risque de se tromper que nous n'aurions pas eu, par exemple, d'industrie sidérurgique à Hamilton, s'il n'y avait pas eu la mise en exploitation de Niagara Falls. Vers le milieu des années 90, l'avantage concurrentiel n'était plus ce qu'il avait été. Dans l'année qui a suivi sa création, la Stakeholders Alliance a joué un rôle de premier plan dans la campagne qui visait à convaincre le gouvernement de l'Ontario d'aller de l'avant avec le passage à un marché de l'électricité fondé sur la concurrence. Après d'innombrables réunions, séances d'information, séminaires et conférences, la Stakeholders Alliance avait été très satisfaite de l'orientation de politique énoncée dans le livre blanc rendu public en novembre 1997 par le ministre de l'Énergie, des Sciences et de la Technologie de l'Ontario. Le livre blanc du gouvernement est peut-être la meilleure source pour trouver les raisons ayant incité la province à aller de l'avant avec la restructuration du secteur de l'électricité. On y énumère diverses difficultés financières, opérationnelles et techniques, auxquelles devait faire face Ontario Hydro. Le livre blanc mentionne notamment le bond inquiétant de la dette d'Ontario Hydro, qui est passée de 12 milliards de dollars en 1980 à plus de 30 milliards de dollars en 1996. Le livre blanc met en lumière les sérieuses difficultés opérationnelles auxquelles faisait face Ontario Hydro et qui ont entraîné la radiation d'un montant de 7 milliards de dollars résultant d'avoirs non productifs entre 1993 et 1997. Je signale que cette radiation qu'Ontario Hydro a dû effectuer au cours d'une seule année était le plus gros amortissement jamais effectué dans le milieu des affaires de l'Ontario. Le livre blanc a mis également en évidence la hausse spectaculaire des prix de l'électricité, qui avaient augmenté de 60 p. 100 entre 1986 et 1994. Le livre blanc présenté par le gouvernement avait prouvé la justesse des préoccupations exprimées par la Stakeholders Alliance et engagé le gouvernement en faveur du passage à un marché de l'électricité concurrentiel. Le gouvernement provincial avait respecté son engagement en faveur d'une action rapide par l'introduction de la Loi sur la concurrence dans le secteur de l'énergie, dont la première lecture a eu lieu en 1998. En fait, la troisième lecture, soit la dernière, et la sanction royale ont eu lieu en octobre de la même année. Les intervenants du secteur étaient généralement très satisfaits du niveau de participation au processus de restructuration. Depuis le début de 1999, j'ai la possibilité d'agir comme coprésident du Comité de la transition dans le secteur de l'électricité, qui a été mis sur pied par le ministre de l'Énergie, des Sciences et de la Technologie. Le Comité de la transition est composé d'un grand nombre d'intervenants importants du secteur. Au sein du Comité d'établissement des règles du marché, présidé par le doyen de la Faculté de droit de l'Université de Toronto, Ron Daniels, les intervenants du secteur bénéficiaient d'une représentation diversifiée. Les intervenants étaient également représentés tant au sein du conseil d'administration qu'au sein des divers comités de la Société indépendante de gestion du marché de l'électricité. La Commission de l'énergie de l'Ontario a mené de vastes consultations auprès des intervenants au cours de l'élaboration de ses diverses règles et ses divers codes, et enfin, le ministre de l'Énergie, des Sciences et de la Technologie a consulté en permanence la Stakeholders Alliance et ses membres tout au long de ce processus. Une idée fausse circule dans les médias ainsi que chez les organisateurs de conférences et d'autres personnes, parce que l'on désigne toujours ce que nous sommes en train de faire en Ontario par le mot «déréglementation». Ce n'est tout simplement pas de cela qu'il s'agit. On pourrait dire que l'Ontario est en train de restructurer le marché de l'électricité. On pourrait dire que la province est en train de modifier la réglementation du marché de l'électricité. Mais il serait inexact de dire que l'on est en train de procéder à une déréglementation dans cette province. Une fois que le marché sera ouvert, l'Ontario aura davantage de réglementation qu'il n'y en avait dans le cadre de l'ancien système. Avec l'ancien système, Ontario Hydro n'était pas assujettie à une réglementation. C'était un monopole de propriété publique qui fournissait pratiquement la totalité de l'électricité de l'Ontario, qui était propriétaire exploitant du système de transport d'électricité de la province et qui était soit propriétaire, soit superviseur du secteur de distribution. Dans le nouveau marché fondé sur la concurrence, la Commission de l'énergie de l'Ontario sera un organe de réglementation indépendant détenant des pouvoirs généraux de délivrer des permis aux participants au marché, y compris les producteurs, les détaillants, les transporteurs et les distributeurs, et de prendre des mesures disciplinaires à leur endroit. La Société indépendante de gestion du marché de l'électricité va gérer le marché, et des règles de marché très exhaustives ont été établies pour régir les activités de tous les participants au marché. Il y aura donc une réglementation très étendue du nouveau marché, mais cette réglementation sera assurée par des organes de réglementation indépendants. La Loi sur la concurrence dans le secteur de l'énergie promet ce que la Stakeholders Alliance s'était fixé comme objectif: la création d'un marché de l'électricité concurrentiel dans lequel les clients bénéficieront à la fois d'un choix et de tarifs établis par voie de concurrence. Toutefois, la Stakeholders Alliance a identifié un certain nombre de préoccupations en ce qui a trait à la mise en 9uvre du marché restructuré de l'électricité, sur lesquelles nous estimons qu'il faut se pencher. Tout d'abord, les avantages de la concurrence ne se feront sentir qu'à condition qu'il y ait une véritable concurrence sur le marché de l'électricité. C'est la raison pour laquelle la Stakeholders Alliance a demandé avec instance au gouvernement d'accélérer la libération des actifs d'Ontario Power Generation, pour faire en sorte que les consommateurs disposent d'un véritable choix lorsque le marché sera ouvert. L'entente qui porte le nom de Market Mitigation Agreement et qui a été négociée par le Comité d'établissement des règles du marché a donné à OPG dix ans pour réduire sa part de marché à 35 p. 100. Je signale qu'on a établi la norme de 35 p. 100 parce que c'est le pourcentage normal dont tient compte le Bureau de la concurrence lorsqu'il doit déterminer s'il y a une concentration nuisible. Le président: Réduire? M. McFadden: Réduire sa part, qui est de 95 p. 100, à 35 p. 100 de la capacité de production. Un délai si long, dix ans à compter de l'ouverture du marché, menacera à notre avis l'efficacité et la crédibilité du marché concurrentiel. Notre position est résumée de manière succincte dans un mémoire qui a été soumis au ministre de l'Énergie, des Sciences et de la Technologie de l'Ontario en novembre 1998 et dans lequel nous avons écrit: Ces longs délais envoient un mauvais signal aux participants potentiels au marché, et si on ne corrige pas la situation, ils vont sérieusement entraver la volonté des participants d'élaborer des projets, d'investir du capital de risque et de créer un choix pour les consommateurs. La Stakeholders Alliance préconise que la réduction à 35 p. 100 de la part totale de la capacité de production de l'Ontario que détient OPG soit accélérée et se fasse d'ici au 31 décembre 2004. Nous nous sommes beaucoup réjouis lorsque le ministre de l'Énergie de l'Ontario, Jim Wilson, a annoncé, à la fin de 1999, son intention d'accélérer le dessaisissement des actifs d'OPG; par la suite le président d'OPG, Ron Osborne, avait annoncé, en février 2000, qu'OPG entendait se départir de ses centrales électriques de Lennox et de Lakeview. Malheureusement, cette orientation de politique, à une exception près, a été suspendue le printemps dernier, dans l'attente de l'élaboration et de la publication des lignes directrices en matière environnementale qui doivent régir l'exploitation des centrales à combustible fossile de l'Ontario. La publication de ces lignes directrices, il y a quelques semaines, a été accueillie très favorablement. Nous espérons qu'après la période prévue pour l'observation du public, on mette rapidement la dernière main aux lignes directrices et qu'OPG pourra aller de l'avant avec les dessaisissements proposés, au cours de l'été. L'annonce faite par M. Wilson lors de l'assemblée annuelle de la Municipal Electric Association, le mois dernier, selon laquelle le gouvernement ira de l'avant avec un programme accéléré de libération d'OPG, est aussi un développement qui a été accueilli favorablement. Il paraît que M. Osborne a engagé à nouveau OPG, dans un discours qu'il a prononcé aujourd'hui à l'Empire Club, à aller de l'avant plus rapidement avec la libération, et qu'il a même désigné d'autres biens de production qui pourraient être placés sur le marché, outre ceux de Lennox et de Lakeview. La Stakeholders Alliance va continuer de presser le gouvernement de faire en sorte qu'une concurrence supplémentaire soit en place au moment de l'ouverture du marché. Un développement positif, il faut le dire, a été le dessaisissement par OPG de la centrale nucléaire de Bruce, qui a été cédée à Bruce Power, une société contrôlée par British Energy PLC, et dans laquelle Camico, le Syndicat des travailleurs et travailleuses du secteur énergétique et la Professional Society possèdent des intérêts minoritaires. Lorsque la transaction de Bruce sera conclue, au cours du printemps, elle représentera un développement historique, étant donné qu'il s'agira de la première fois qu'OPG aura renoncé au contrôle de biens de production importants. Il s'agit également de la première fois en quatre-vingt-dix ans que l'Ontario comptera un concurrent important sur le marché de l'électricité. Dans l'optique du gouvernement fédéral, en ce qui a trait à son rôle d'organe de réglementation de l'énergie nucléaire, la transaction de Bruce sert de premier exemple d'un exploitant du secteur privé qui assume le contrôle d'une centrale nucléaire. Nous espérons que cette transaction sera l'augure de bonnes choses à venir. La seconde question que nous voudrions soulever aujourd'hui est celle de la nécessité d'encourager de nouveaux investissements dans la production. Bien qu'il y ait beaucoup de causes à l'origine des pannes de courant générales qui ont eu lieu en Californie, il ne fait pas de doute que la raison principale a été la capacité de production d'électricité insuffisante de cet État. Il est essentiel que tant le gouvernement fédéral que les gouvernements provinciaux suivent des politiques qui encouragent les investissements dans tous les types de production d'électricité. Un moyen sûr de décourager les investissements est de créer un climat d'incertitude concernant les intentions du gouvernement. C'est pourquoi la Stakeholders Alliance presse le gouvernement de l'Ontario d'annoncer le plus tôt possible la date du passage au nouveau marché. Nous avons donc été très contents lorsque le ministre de l'Énergie, Jim Wilson, a annoncé, plus tôt cette semaine, que l'ouverture du marché allait avoir lieu d'ici au mois de mai 2002. Les membres de l'alliance aimeraient voir l'ouverture du marché dès novembre, mais nous sommes néanmoins contents qu'elle ait lieu au plus tard en mai de l'année prochaine. Nous espérons que les investisseurs se sentiront maintenant à l'aise pour aller de l'avant rapidement avec les plans pour la production d'électricité nouvelle en Ontario. Ce sera la façon la plus sûre d'éviter le genre de chaos auquel on a abouti en Californie. La dernière préoccupation dont je voudrais faire état a trait au fardeau que représente la dette restante laissée comme une sorte d'héritage par Ontario Hydro. La dette restante est une question à laquelle ont dû faire face d'autres gouvernements qui ont opté pour un marché de l'électricité concurrentiel. La restructuration du marché de l'électricité de l'Ontario a donné lieu a une dette restante de plus de 20 milliards de dollars. La Stakeholders Alliance croit fermement qu'au cours des prochaines années, le gouvernement devrait aller de l'avant rapidement avec le dessaisissement d'OPG et de ses actifs, avec Hydro One, à la condition que le produit du dessaisissement serve d'abord à réduire la dette restante. Cette démarche est essentielle car la charge de l'amortissement de la dette qui sera imposée à tous les consommateurs sera une entrave pour l'économie de la province. Plus vite on aura remboursé la dette restante et supprimé la charge de l'amortissement de la dette, et le mieux ce sera pour l'économie de l'Ontario et pour l'économie du Canada. Les membres de la Stakeholders Alliance croient fermement qu'un marché de l'électricité concurrentiel sera essentiel au maintien de la compétitivité de l'économie ontarienne au cours des années à venir. Nous sommes d'avis que ce point de vue s'appliquerait également à d'autres provinces canadiennes. Le fait d'offrir aux consommateurs la possibilité d'effectuer un choix dans un marché véritablement concurrentiel, où l'ouverture et la transparence sont de règle, apportera une contribution positive à la vitalité économique du pays. Honorables sénateurs, nous encourageons le comité à appuyer la mise en place d'un marché de l'électricité concurrentiel dans lequel les consommateurs peuvent vraiment exercer un choix. Le sénateur Banks: Monsieur Jones, comment se porte la concurrence dans le cas du commerce du gaz? M. Bernie Jones, président, Ontario Natural Gas Association: La concurrence est vigoureuse dans le commerce du gaz. Je crois qu'il s'agit d'un des aspects positifs de la restructuration du secteur du gaz naturel dont le gouvernement à tenu compte lorsqu'il s'est penché sur les possibilités que présente le secteur de l'électricité. Pour ce qui est des marchés des produits de base, il y a littéralement des carrefours de producteurs qui sont en concurrence entre eux pour approvisionner le marché, et c'est là qu'on veut avoir de la concurrence en ce qui a trait aux produits de base. Comme vous le savez, le transport et la distribution sont réglementés dans le cas des services publics. Il s'agit de monopoles naturels. Dans l'industrie du gaz, nous avons également réussi à introduire de la concurrence au niveau de la vente au détail, où nous avons la majeure partie du volume du gaz et aussi la majeure partie des clients qui s'approvisionnaient auprès de sources autres que le service public du gaz. Ils s'approvisionnent auprès d'autres fournisseurs, comme Direct Energy, de sorte que la concurrence se porte plutôt bien dans le secteur du gaz. Nous recherchons le même type de situation dans le cas de l'électricité. Le sénateur Banks: Y a-t-il de la concurrence digne de ce nom dans les domaines de la distribution et de la vente au détail du gaz? M. Jones: Oui, il y en a. Bien que le prix du gaz naturel ait grimpé de façon assez abrupte au cours de la dernière année, un certain nombre de clients ont profité du fait qu'ils avaient signé des contrats d'une durée de trois et cinq ans. Ils s'en tirent plutôt bien, de sorte que nous pensons que cela a été bénéfique. Le sénateur Banks: Monsieur McFadden, lorsque vous faites référence à la libération d'OPG, entendez-vous la capacité de production, la capacité et le droit absolu de vendre de l'électricité? C'est de cela qu'il s'agit, essentiellement? M. McFadden: «Libération» est un terme que la plupart des gens n'utiliseraient pas, normalement, j'imagine, pour parler de la sortie des lignes directrices. Maintenant au moins, un acheteur potentiel saurait quelles sont les règles du jeu. Le sénateur Banks: Il y en a un, un acheteur potentiel, n'est-ce pas? Ou est-ce que j'ai mal compris? M. McFadden: Le seul cas est celui de la centrale nucléaire de Bruce. Oui, dans ce cas-là, il y a une entente signée. Le sénateur Banks: La centrale Lennox peut être achetée, en fait. Le président: Je pense qu'il a raison. OPG a plusieurs centrales à proposer. M. McFadden: À midi, aujourd'hui, M. Osborne a confirmé à l'Empire Club une annonce qui avait été faite l'année dernière, et il a ajouté d'autres éléments d'actifs à la liste. Le sénateur Banks: Y a-t-il des membres de votre alliance qui ont des inquiétudes, rationnelles ou autres, concernant le fait que nous sommes sur le point d'avoir un exploitant privé d'une centrale nucléaire? M. McFadden: Nous avons discuté de cela lors de la réunion de notre bureau. Le sénateur Banks: Je gage que vous en avez discuté beaucoup. M. McFadden: La Stakeholders Alliance était en faveur de la décision de libérer la centrale nucléaire de Bruce. Nous estimions que l'exploitant choisi par Ontario Power Generation a de très bons antécédents en matière d'exploitation de centrales. Nous sommes d'avis qu'il a été très utile de placer sur le marché un concurrent possédant de l'expérience, non seulement ici en Ontario, mais ailleurs dans le monde également. Ils apportent de nouvelles méthodes de gestion et une nouvelle compréhension des marchés de l'électricité fondés sur la concurrence; le bureau de l'alliance était très en faveur de la libération proposée de la centrale de Bruce par OPG. Le sénateur Banks: Vous avez parlé des organes de réglementation indépendants. Pouvez-vous nous dire quel genre d'analystes ils seront? Comment seront-ils constitués? Comment s'effectuera leur dotation en personnel? De qui relèveront-ils? M. McFadden: La Commission de l'énergie de l'Ontario existe depuis de nombreuses années, mais elle n'avait pas vraiment de pouvoirs efficaces en matière d'électricité. C'était un organe de réglementation efficace pour le secteur du gaz, mais elle ne réglementait pas réellement le domaine de l'électricité. Elle examinait les tarifs, mais elle ne détenait pas de pouvoirs réels pour fixer ces tarifs. Dans le cadre de l'ancien système, l'établissement des tarifs était du ressort du conseil d'administration d'Ontario Hydro, en réalité. La Commission de l'énergie de l'Ontario est une suite. On lui a conféré des pouvoirs supplémentaires en vertu de la Loi sur la concurrence dans le secteur de l'énergie. La Commission est composée de personnes nommées par le gouvernement provincial pour des mandats d'une durée déterminée semblables à ceux d'autres commissions de l'énergie des quatre coins du Canada. Cette commission est responsable de la délivrance de permis à pratiquement toute entité du secteur de l'électricité, qu'il s'agisse d'un détaillant ou d'un producteur. Si une société souhaite faire du transport d'électricité, elle doit obtenir un permis auprès de la CEO. La Commission a également le pouvoir de prendre des mesures disciplinaires à l'égard d'un participant au marché qui ne respecte pas les conditions imposées par son permis ou une quelconque disposition des codes. Concernant la Société indépendante de gestion du marché de l'électricité, les membres de son conseil d'administration sont également nommés par le gouvernement provincial, mais la composition du conseil est différente. On y trouve réunis des représentants des intervenants et des administrateurs qui ne sont liés d'aucune façon au secteur de l'électricité. Il y a donc un équilibre. La SIGME compte également un certain nombre de comités qui s'occupent du développement de différents aspects relatifs aux règles. Dans ce cas aussi, nous avons de nombreux intervenants qui collaborent directement avec la SIGME. D'une manière générale, nous trouvons qu'il s'agit d'un excellent processus. Il permet aux intervenants, y compris les deux organismes qui sont représentés ici avec moi aujourd'hui et tous les autres membres de la Stakeholders Alliance, de participer directement aux activités liées à l'élaboration des règles du marché et aux activités de la SIGME. Il s'agit des deux organismes directeurs. L'Office de la sécurité des installations électriques, que je n'ai pas mentionné, s'occupe des examens de sécurité et de la délivrance des certificats de sécurité, des fonctions qui étaient assurées autrefois par Ontario Hydro. L'Office a été dérivé sous forme d'une société à but non lucratif. Dans ce cas aussi, nous avons la participation d'intervenants. Il y a une vaste participation des intervenants aux activités de tous ces organismes, mais aucun des groupes n'exerce le contrôle. Il y a donc des freins et des contrepoids dans l'ensemble du système. Le sénateur Banks: Donc, dans le cas de tous les moyens et de toutes les méthodes de production et de distribution de l'énergie électrique, il y a un degré de contrôle réglementaire exercé par la province qui est à peu près équilibré; c'est bien cela? M. McFadden: Concernant quoi? Le sénateur Banks: La réglementation du secteur. Le président: Je pense que la sécurité et le transport sont réglementés, mais vous voulez déréglementer l'aspect lié à la production. M. McFadden: Non. Comme l'a dit M. Jones, la partie du secteur dans laquelle on trouve des fournisseurs monopolistes est proche des branches du transport et de la distribution. Nous n'avons pas, par exemple, trois ou quatre réseaux d'approvisionnement en concurrence entre eux dans les villes. Il y a des monopoles naturels près du transport et de la distribution. Ils détiennent un permis délivré par la CEO. Ils obtiennent un permis exclusif et leurs tarifs sont fixes. Leurs taux de rendement doivent être approuvés. C'est un processus assez compliqué. Il n'y a pas de monopole dans le cas de la partie non réglementée, celle de la production et de la vente au détail. Ils ont un permis pour agir. Ils doivent respecter certaines normes imposées par leur permis, comme en matière de sécurité et des choses de ce genre, mais ils agissent dans une situation de concurrence et ne sont pas assujettis au genre de normes et de réglementation qui s'appliquent à un fournisseur monopoliste. Le sénateur Banks: La province exerce-t-elle le même degré de contrôle réglementaire sur les centrales nucléaires que sur les centrales à combustible fossile et sur le transport du gaz? M. McFadden: C'est le gouvernement fédéral qui régit essentiellement la sécurité du nucléaire. Le sénateur Banks: Le gouvernement provincial ne joue donc pas un rôle en matière de réglementation de la sécurité en ce qui a trait à la production d'électricité au moyen de centrales nucléaires? M. McFadden: La sécurité est un aspect dont s'occupe la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Il y a une participation provinciale pour certains aspects ayant trait aux centrales, mais essentiellement, la sécurité des installations nucléaires est de la compétence du gouvernement fédéral. Pour ce qui est des autres moyens de production d'électricité, comme l'eau, les combustibles fossiles, et cetera, c'est essentiellement une compétence provinciale. Le sénateur Kelleher: Je vais poser ma question à M. McFadden. Je voudrais dire que je partage son inquiétude au sujet de la dette restante. Ai-je raison de présumer que la dette restante est garantie par la province de l'Ontario? M. McFadden: C'est vrai. La dette restante est essentiellement garantie par les obligations qu'émet Ontario Hydro; et elles sont garanties, oui, par la population de l'Ontario. Par contre, toute nouvelle dette que pourrait contracter OPG, Hydro One ou les autres entités ne jouiraient pas de cette même garantie offerte par la province. Elles devraient se débrouiller. Le sénateur Kelleher: C'est pourquoi j'ai dit «la dette restante». M. McFadden: Oui, elle est garantie. Le sénateur Kelleher: Je suis sûr que vous allez approfondir la question de la dette restante, sous une forme ou une autre, avec le gouvernement. Avez-vous pu obtenir, dans vos discussions, si vous pouvez nous en parler, des indications sur la direction que prend le gouvernement en ce qui a trait à la dette restante? M. McFadden: En ce moment, j'imagine que la province veut s'assurer qu'elle va disposer de rentrées de fonds adéquates, non seulement pour amortir la dette mais pour la rembourser assez rapidement. Jusqu'à l'ouverture du marché, les diverses recettes ne rentreront pas comme on l'envisage dans la Loi sur la concurrence dans le secteur de l'énergie. La Stakeholders Alliance est préoccupée du fait qu'au cours des dernières années, c'est-à-dire depuis que la restructuration fondée sur la Loi sur la concurrence dans le secteur de l'énergie a été lancée, la dette restante a en fait augmenté. L'auditeur provincial l'a signalé dans son rapport. Par conséquent, le plus tôt on pourra ouvrir le marché, de façon à ce que les diverses sources de revenus puissent être utilisées pour le service de la dette, et plus tôt on pourra rembourser la dette en question. Le sénateur Kelleher: Connaissant un peu la façon dont fonctionne votre comité, je pense qu'il a été relativement persuasif, ce qui mérite d'être loué. Toutefois, avez-vous proposé des lignes directrices au gouvernement concernant la façon dont il devrait traiter la question de la dette restante? Si c'est le cas, est-ce que vous êtes en mesure de nous en parler? M. McFadden: Je devrais peut-être laisser parler M. Dickinson au nom des grands consommateurs. Ils sont particulièrement expérimentés en ce qui a trait à cette question. Dès le début, nous avons dit que la dette devrait être assumée par les consommateurs et non par les contribuables. Cette question devrait concerner le secteur. Nous sommes fermement en faveur d'un remboursement ordonné, mais nous avons suggéré au gouvernement d'aller de l'avant plus rapidement avec les dessaisissements, afin que les fonds ainsi obtenus puissent être utilisés pour rembourser la dette. Ces questions sont extrêmement compliquées en ce qui a trait à l'utilisation des fonds provenant de dessaisissements, à la façon dont on peut les utiliser expressément pour rembourser la dette restante et à la mesure dans laquelle ces fonds réduiraient cette dette restante. Il y a pas mal d'ingénierie financière complexe à cet égard. Mais il nous tient à c9ur d'aller de l'avant le plus rapidement possible vers un programme de dessaisissement, afin de rembourser la dette et de supprimer, si possible, la charge relative à l'amortissement de la dette. En ce moment, la charge relative à l'amortissement de la dette serait de 0,7 cent par kilowatt-heure, et il serait mieux, à long terme, de ne plus avoir à payer cette charge. Cela contribuerait à réduire les prix de l'électricité en général et pourrait aussi laisser une certaine latitude aux producteurs d'électricité. Toutefois, en ce moment, d'ici à ce que la dette soit remboursée, la charge restera en place. C'est pourquoi nous avons encouragé la mise en 9uvre d'un programme de dessaisissement plus rapide. Outre le fait qu'il favoriserait la concurrence sur le marché, un programme de dessaisissement plus rapide permettrait, à notre avis, d'accélérer le remboursement de la dette. M. Arthur Dickinson, président, Association of Major Power Consumers: Oui, M. McFadden a tout à fait raison. Je pense que le dessaisissement comporte un deuxième aspect, c'est-à-dire qu'il crée de nouveaux concurrents sur le marché. La restructuration sert essentiellement à obtenir les avantages qu'offre un marché concurrentiel; or, initialement, il y aura très peu de concurrence dans ce marché. OPG continuera de jouer un rôle dominant. Même si nous obtenons la vente de la centrale à combustible fossile et, je l'espère, d'une des centrales hydroélectriques dont a parlé dans l'annonce d'aujourd'hui, je crois, M. Osborne, nous n'avons toujours affaire qu'au marché au comptant de routine. Le marché à contrats est encore loin d'être d'actualité. Les clients importants du secteur industriel, et probablement aussi certains clients importants du secteur commercial, voudront passer des contrats pour leur électricité plus qu'un jour à l'avance. Ils veulent passer des contrats pour des périodes d'un mois, trois ans, qui sait. Cela dépend du style de gestion et de leurs objectifs d'entreprise. Actuellement, une telle perspective est peu probable parce que ce marché ne compte pas assez de concurrents. L'autre aspect qui a trait au paiement de la dette est que cette question est traitée actuellement par la Société financière de l'industrie de l'électricité de l'Ontario, qui est une autre «compagnie remplaçante», si vous voulez, qui gère l'ensemble de la dette de l'ancienne Ontario Hydro. Le hic est que si les compagnies remplaçantes - c'est-à-dire Ontario Power Generation et Hydro One - produisent des rapports trimestriels, ce qui nous permet de voir assez bien ce qui se passe, du moins dans la mesure où ces compagnies nous le permettent, la Société financière de l'industrie de l'électricité de l'Ontario suit une année financière différente. Elle ne produit qu'un seul rapport par année, et avec plusieurs mois de retard, bien sûr. C'est pourquoi il est très difficile de suivre ce qui se passe avec la dette, et c'est une des questions que nous avons soulevées auprès du gouvernement, c'est-à-dire la nécessité d'avoir plus de transparence dans le processus de remboursement de la dette, afin que nous puissions nous assurer que le processus avance comme prévu. M. Jones: La dette restante, qui était aux alentours de 20 à 21 milliards de dollars, a deux composantes. Une composante est la portion de la dette que l'on estime raisonnablement pouvoir rembourser au fil du temps par le biais des revenus des nouvelles sociétés et de la fiscalité dans le nouveau secteur concurrentiel. Dans le cas des sociétés publiques, évidemment, il s'agit de paiements tenant lieu d'impôts. Cela totaliserait environ 12 milliards de dollars. Le solde est la dette restante résiduelle, c'est-à-dire les 7 à 8 milliards de dollars dont David disait qu'ils représentaient la dette qu'il faudrait rembourser par l'entremise d'une charge imposée aux clients et qui figurerait sur leur facture finale. Un autre aspect qui nous préoccupe a trait aux 12 milliards et à ce paiement d'impôt. Nous n'avons pas vraiment vu des informations qui nous permettraient de déterminer si des systèmes d'imposition de remplacement sont équitables et raisonnables. Le sénateur Kelleher: Y a-t-il un économiste qui a été assez hardi pour quantifier l'ampleur ou le montant du fardeau que représente cette dette restante pour l'économie de l'Ontario. Quelle est ou quelle sera l'importance de ce problème? M. McFadden: Je devrais laisser cette question à M. Jones. Il est économiste et a déjà travaillé au ministère des Finances de l'Ontario. Le sénateur Kelleher: Seul un économiste essaierait. Ils sont comme les météorologues. M. Jones: Je pense que c'est à peu près la bonne réponse. Le fait est que la dette sera payée dans tous les cas et elle doit être payée. Je ne suis pas sûr qu'une analyse visant à déterminer qu'elle est l'ampleur du fardeau serait particulièrement fructueuse. Après tout, c'est arrivé. C'est du passé, et nous devons composer avec ce problème. Il ne fait pas de doute que s'ils n'avaient pas à payer 0,7 cent le kilowatt-heure, les consommateurs auraient plus d'argent pour autre chose. Cependant, la dette doit être payée, et ça, c'est une réalité. Le sénateur Kelleher: Oui, mais si j'ai posé la question, c'est parce que M. McFadden a mentionné avec raison que cette dette pourrait être un fardeau pour la province, ou une préoccupation pour la province de l'Ontario. J'essaie de voir si nous pouvons trouver une quelconque solution à ce problème. M. Jones: Elle a poussé les tarifs d'électricité à la hausse. C'est un des aspects. M. McFadden: Je crois que c'est comme pour toute dette du gouvernement. Le gouvernement fédéral lui a fait la lutte pendant des années et s'en est débarrassé. Les contribuables commencent maintenant à voir les avantages associés au fait d'avoir plus d'argent dans leurs poches grâce aux réductions d'impôt. Je pense que la même règle s'applique aux tarifs d'électricité. Si les gens paient moins pour l'électricité, ils vont avoir plus d'argent à consacrer à des biens de consommation pour leur maison ou leur appartement. Toutefois, la production d'électricité est une préoccupation majeure pour les consommateurs du secteur industriel. L'Ontario exerce un attrait beaucoup plus grand comme endroit pour installer une usine ou y maintenir des activités de production si les tarifs d'électricité sont bas. Ce n'est pas seulement une question de monsieur et madame Tout-le-Monde. Une question d'avoir plus d'argent dans son porte-monnaie ou dans son portefeuille; c'est aussi une considération réelle pour les installations industrielles de grande taille. M. Dickinson: En Ontario, par les temps qui courent, beaucoup d'industries du secteur primaire subissent une pression. Elles doivent mener leurs activités dans un marché mondial, non dans un marché nord-américain. L'énergie électrique est une composante importante pour ces industries en ce qui a trait aux charges d'exploitation. Par exemple, l'énergie électrique représente 30 à 35 p. 100 des charges d'exploitation d'INCO ou de la Falconbridge. La quantité d'énergie utilisée pour des activités minières dépend de la profondeur de la mine. Si on peut utiliser de l'énergie électrique pour les opérations d'extraction, le pourcentage est beaucoup plus bas, entre 12 et 16 p. 100. L'énergie électrique est une composante importante pour l'industrie sidérurgique, selon la façon dont sont exploitées les usines et le type d'énergie qui est utilisé. Évidemment, toute augmentation des coûts a une incidence économique directe sur la compétitivité de ces usines sur le plan international, de sorte que le coût de l'énergie est de toute évidence une préoccupation pour les membres de l'Association of Major Power Consumers. Pour ce qui est de l'incidence sur l'économie en général, il est très difficile de l'évaluer. Je pense que tout ce que je peux faire est de vous donner une idée de ce qui a eu lieu dans le passé. Au milieu des années 90, le système d'approvisionnement en électricité était géré par Ontario Hydro. La Ford Motor Company avait analysé ses propres coûts de consommation d'électricité des dix années antérieures. Soit dit en passant, les coûts directement liés à la consommation d'électricité de cette société ne représentent que 6 à 8 p. 100 de ses charges d'exploitation. Ford avait établi un classement de toutes ses usines d'Amérique du Nord, y compris ses installations situées en Ontario, et avait constaté que l'Ontario était l'emplacement où les coûts étaient les plus bas au milieu des années 80. Au début des années 90, l'Ontario était passée du premier au quatorzième rang sur dix-sept emplacements. Les coûts avaient donc augmenté de manière importante. Maintenant, il se passe beaucoup de choses en Amérique du Nord. C'est du passé, et je ne suis pas en mesure de vous donner les chiffres actuels, parce que je ne suis pas sûr que quelqu'un les connaisse. La hausse des prix a été générale, et l'autre problème est que nous avons vu le dollar canadien perdre de sa valeur pour ce qui est du taux de change. Tout cela exerce une contrainte sur les prix pratiqués aux États-Unis et aide notre secteur en Ontario dans une certaine mesure. Je le répète, c'est une question très complexe; c'est pourquoi je crains qu'il n'y ait pas de réponse simple. Le président: Il y a quelques années, le comité a visité la Californie. Là-bas, ils étaient aux prises avec leur dette restante à l'époque et ils connaissent maintenant des difficultés en raison d'une pénurie de lignes de transports d'électricité. Des témoins nous ont dit que les difficultés ne venaient pas d'un manque de production d'électricité, mais plutôt d'un manque de lignes de transport d'électricité. Ils ont bien assez de capacité de production, mais ils ne sont pas en mesure d'assurer le transport de l'électricité. Concernant la dette restante, la Californie et l'Alberta permettent de tirer des enseignements. Avez-vous jeté un coup d'9il? Chaque fois qu'ils sont allés vendre aux enchères leurs éléments d'actifs du secteur de l'électricité, ils ont obtenu moins que ce qu'ils avaient escompté, c'est à dire, généralement, une neutralisation de leur dette restante. Avez-vous des commentaires à ce sujet? Je suppose que l'Alberta s'est trompée sur toute la ligne. Ils ont vendu aux enchères leur électricité juste avant que les prix ne montent en flèche, de sorte qu'ils n'ont pas obtenu autant d'argent de cette vente. Toutefois, maintenant que les tarifs d'électricité ont atteint un niveau si élevé, lorsqu'on a recours à la vente aux enchères, il me semble que la dette restante peut être neutralisée. M. McFadden: Je vais demander à M. Dickinson de répondre à cette question. Il a des liens étroits avec les grands consommateurs industriels de l'Alberta. M. Dickinson: La vente aux enchères a été très mauvaise en Alberta, cela ne fait aucun doute. Ils ont obtenu peu, et l'approche suivie était tout simplement erronée. Ils en paient le prix maintenant. Le vrai problème est qu'ils ne disposent toujours pas d'une capacité de production adéquate. Le président: Est-ce que l'Ontario obtiendrait de meilleurs résultats dans une vente aux enchères? M. Dickinson: Je n'aime pas du tout le recours à la vente aux enchères. Je pense que ce qu'il faut faire, c'est créer une véritable concurrence, et la vente aux enchères était une façon pour le propriétaire de l'époque de contourner la question du contrôle des centrales. Les propriétaires détiennent toujours la propriété de ces centrales, ils en tirent de l'argent comptant pour pourvoir à la vente aux enchères. Le matériel leur appartient, mais ils n'en ont pas le contrôle. La vente aux enchères portait entièrement sur le contrôle du matériel. C'est en cela que réside le problème. L'essentiel, pour avoir de la concurrence, consiste à amener suffisamment de gens sur le marché pour que les coûts baissent. Or, cela n'a pas eu lieu en Alberta. En outre, la demande a augmenté de façon importante là-bas. Il n'y avait pas d'incitatif adéquat pour construire une nouvelle centrale. En Californie, ils ont connu une difficulté semblable. Je ne suis pas d'accord avec la personne qui a dit un peu plus tôt qu'il s'agissait de difficultés de transport du combustible. Le transport n'est qu'une partie du problème. Le véritable problème était qu'ils étaient énormément désavantagés dans l'obtention des autorisations pour la construction d'une nouvelle centrale. Lorsqu'on a une croissance comme celle qu'ils ont eue en Californie, on ne peut éviter des difficultés en ce qui a trait à l'offre et à la demande. Cela crée un peu de confusion que de parler d'une question ou de l'autre. C'était un ensemble de facteurs. Ici en Ontario, nous n'avons pas les mêmes difficultés en ce moment. J'espère que lorsque l'installation de Pickering sera en service, nous disposerons d'une petite réserve supplémentaire. À mon avis, les difficultés qu'ont connues l'Alberta et la Californie ne surviendront pas en Ontario, dans un premier temps, à condition d'encourager la construction de nouvelles installations de production d'électricité, sinon nous allons nous retrouver dans le même pétrin que l'Alberta et la Californie. Il n'y a pas de raison pour que cela se produise. Le président: Si vous ne voulez pas leur accorder des avantages fiscaux ou un accès libre et exclusif au centre-ville de Toronto, ouvrez simplement le marché. Le sénateur Kenny: J'aimerais que le groupe de témoins m'aide un peu avec un petit cours Services publics 101. La notion de concurrence me laisse songeur. Je suis mal à l'aise lorsque vous parlez de concurrence. J'entends comme justification raisonnée que la concurrence va faire baisser les prix. Mais quand vous parlez de concurrence, je vois aussi un risque. Est-ce que le marché envoie des signaux à temps pour que l'on ait un approvisionnement adéquat et pour que nous soyons protégés? Je comprends ceux qui veulent payer moins cher l'électricité. Si vous voyez la concurrence comme moyen de l'obtenir, j'aimerais savoir où est la protection du consommateur lorsqu'on commence à avoir des faillites, parce que la concurrence comporte aussi des faillites. Cela fait partie de l'entente. Si vous voulez avoir un marché libre, il va y avoir des gagnants et des perdants; et lorsqu'il y a des perdants, eh bien, pour moi cela mène à des pannes d'électricité localisées et à des difficultés pour le commun des mortels. Pourriez-vous nous faire part de votre avis sur ce point? Est-ce que j'ai raté quelque chose dans le cours Services publics 101. M. McFadden: Aucun exemple de panne de courant générale ou localisée causée par la faillite d'un producteur d'électricité ne me vient à l'esprit. À ma connaissance, cela ne s'est jamais produit. Le sénateur Spivak: C'est sur le point d'arriver en Californie. M. McFadden: Pas à cause des producteurs d'électricité. Leur problème a trait au nombre de lignes qui fournissent l'électricité. Ce sont les fournisseurs monopolistes qui font faillite. L'État à fait savoir qu'il protégerait les consommateurs en disant que les services de distribution pouvaient facturer seulement, disons, un dollar. En fait, ils sont allés encore plus loin et ont dit: «Vous payez actuellement un dollar, mais dorénavant, vous ne paierez plus que 90 cents». Les producteurs pouvaient vendre le produit au prix que le marché était en mesure d'accepter, évidemment, de sorte que ces services publics achetaient le produit pour deux et trois dollars et le vendaient pour 90 cents. Vous me direz alors pendant combien de temps les compagnies vont poursuivre leurs activités. Le président: C'est la façon dont je joue en bourse. Acheter quand ça baisse, vendre quand ça monte et gagner un peu d'argent. M. McFadden: Si vous aviez quelques actions point com, vous avez été témoin. Ce à quoi je fais allusion est le sentiment de frustration. Je pourrais continuer pendant longtemps. Une des choses que nous considérons utiles dans un marché concurrentiel est que Energy Probe, le Sierra Club et de nombreux autres groupes étaient et continuent d'être en faveur du passage de l'Ontario à un marché ouvert. Un marché ouvert encourage la recherche de solutions novatrices à des problèmes, même si c'est une nouvelle façon de produire de l'électricité, qu'un fournisseur municipal ne prendrait pas même en considération parce que la nouvelle installation proposée est trop petite pour y penser. C'est la raison pour laquelle Energy Probe est en faveur d'un marché ouvert. Cet organisme estime que nous allons ainsi adopter plus rapidement des sources d'énergie de remplacement. Le sénateur Kenny: Veuillez répondre à ma question sur les signaux du marché et sur votre capacité de réagir avec suffisamment de rapidité à des changements survenant sur ce marché. Combien faut-il de temps pour construire une centrale électrique, et allez-vous comprendre les signaux à temps? M. McFadden: Cela dépend du type de centrale dont vous parlez. Certaines centrales peuvent être raccordées au réseau dans un délai de un à deux ans. Notre expérience nous montre qu'il faut nettement plus de temps dans le cas d'un grande centrale nucléaire. D'une manière générale, vous ne verrez pas beaucoup de centrales nucléaires; vous verrez des centrales de remplacement de plus petite taille qui répartissent la production en fonction de la quantité. Divers types de centrales de cogénération peuvent être construits très rapidement. Le sénateur Kenny: Il existe un très grand nombre de constructeurs d'automobiles. S'ils veulent jouer avec un nouveau type de voiture, cela ne fait pas problème pour moi. Si quelques-uns d'entre eux font faillite, ce serait le cadet de mes soucis. Ce sont des entrepreneurs; ils prennent des risques. Quant à l'électricité, nous en avons tous besoin. Nous en avons besoin lorsque nous actionnons un interrupteur et nous en voulons lorsque nous actionnons cet interrupteur. S'il y n'y a pas de courant, ça nous irrite. Où est l'assurance pour le consommateur lorsque vous introduisez la concurrence? Parce que la concurrence comporte un risque, c'est-à-dire un risque de faillite. Où est l'assurance que les consommateurs vont avoir de l'électricité lorsqu'ils en ont besoin? M. Dickinson: Permettez-moi, sénateur, de faire référence à ce qui s'est passé en Grande-Bretagne. Là-bas, ils fonctionnent dans un marché concurrentiel depuis 1989, c'est-à-dire depuis douze ans. Ils n'ont eu aucune faillite qui ait touché qui que ce soit, parce que le marché signale la quantité de travail par le biais du marché au comptant. Maintenant, le marché au comptant peut faire l'objet d'abus, il n'y a pas de doutes là-dessus. Une des difficultés consiste à faire en sorte que les règles soient adaptées à mesure que les producteurs apprennent à les utiliser à leur avantage. Ce que veulent les producteurs, c'est gagner de l'argent. C'est un risque, et il faut apprendre à le gérer, ce risque. Cela fait problème à certains endroits. Toutefois, les gens apprennent et réussissent beaucoup mieux maintenant en matière de gestion. Je crois que l'histoire le prouve: cela ne s'est pas produit. Franchement, une tarification adéquate est importante. Informez-moi si cela devait se produire et nous discuterons à nouveau de cette question. Tout ce que je peux faire est d'attirer l'attention sur ce qui s'est passé jusqu'à maintenant. Le sénateur Kenny: Lorsque cela se produira, il sera trop tard, monsieur. M. Dickinson: Le fait est que cela n'est pas arrivé, et je pense que ce genre de crainte n'est pas justifié. Rien n'indique que cela va se produire. Le sénateur Kenny: Eh bien, il arrive que des sociétés qui se font concurrence fassent faillite, n'est-ce pas? M. Dickinson: Oui, mais cela ne veut pas dire que nous allons manquer d'approvisionnement. Ce sont les entreprises qui ne peuvent concurrencer sur le plan des coûts. Le sénateur Kenny: Expliquez-moi où sont les protections. Expliquez-moi. Je suis monsieur Tout-le-Monde. Expliquez à monsieur Tout-le-Monde où sont les protections. M. Jones: La réponse succincte est: dans la concurrence. Le président: Il existe plusieurs mélanges. M. Jones: Un certain nombre de producteurs qui se font mutuellement concurrence est un incitatif suffisant, à condition que la demande soit là, pour répondre à cette demande. Ces producteurs vont se concurrencer pour répondre à cette demande. Il n'y a pas de pénurie d'automobiles. Le sénateur Kenny: Il y a pas mal de monde sur le marché. À eux tous, ils ont une offre excessive, de beaucoup supérieure aux besoins. Si l'un d'entre eux coule, ceux qui restent vont encore disposer d'une capacité de production suffisante pour approvisionner le marché. Me suivez-vous? M. McFadden: Quelle est la raison pour laquelle la centrale en question ferait faillite? Vous avez dit que quelqu'un allait couler. Le sénateur Kenny: Il y a de la concurrence. Tôt ou tard, le plus faible tombe. M. McFadden: On peut présumer que le séquestre va s'en charger, vendre la centrale ou en faire quelque chose, n'est-ce pas? Elle ne va pas disparaître. C'est tout ce que je veux dire. L'évolution normale du développement des marchés ne comporte pas la disparition de la production. On peut voir une restructuration, mais les investisseurs vont suivre le marché. S'il y a un marché viable, les gens ne s'en éloignent pas. Si une société a été mal administrée et fait faillite, un investisseur va l'acquérir et la remettre à flot, comme on le ferait d'ailleurs dans le cas d'une usine de voitures ou de tout autre type d'installation. Prenez le secteur du gaz. Les sources d'approvisionnement appartiennent à des intérêts privés, et pourtant nous n'avons pas de pénurie de gaz. Les sociétés du gaz n'ont pas l'habitude de faire faillite. Le fait est que l'industrie poursuit sa route. Il y a une restructuration et il y a des changements de propriété, mais en dernière analyse, les sociétés ne font pas faillite, à moins que la demande de gaz ne disparaisse. Le sénateur Kenny: Pour être juste, il y a eu beaucoup d'inquiétude au sujet de l'approvisionnement en gaz au cours de l'hiver dernier; oui ou non? M. Jones: Non. On ne craignait pas que les sociétés du gaz n'allaient pas être en mesure d'approvisionner leurs clients. On s'inquiétait au sujet des prix, mais ce sont les lois du marché. Le marché fonctionne lorsque les prix montent et descendent. Le prix indique à quel moment les producteurs devraient accroître l'approvisionnement. La capacité de production existe. Un prix suffisamment élevé entraîne une augmentation de la capacité de production au cours d'une période donnée. M. Dickinson: Il y a un autre aspect que nous n'avons pas encore abordé, c'est-à-dire le fait que la Société indépendante de gestion du marché de l'électricité est tenue de planifier à long terme pour étudier les questions à venir liées à l'offre et à la demande et pour déterminer à quel moment l'offre pourrait diminuer. Cette offre réduite commence à augmenter lorsque les réserves commencent à baisser, de sorte qu'il y a suffisamment d'avertissements au sujet de la diminution de ces réserves. M. McFadden: Il y a également un système - et j'essaie de me rappeler son nom - par lequel on intègre une charge pour subventionner les producteurs afin qu'ils constituent une certaine réserve. Il y a aussi d'autres mécanismes financiers, mais, je le répète, le consommateur paie pour cela. Toutefois, si on estime que c'est nécessaire, il existe des moyens dont l'organe de réglementation ou le gouvernement peut intervenir pour encourager une augmentation de la production. M. Dickinson: Cela fait partie de la gestion de la capacité que la Société indépendante de gestion du marché de l'électricité va mettre en place si elle constate des difficultés. Le sénateur Spivak: J'ai été en Californie. Je peux comprendre les erreurs de jugement qu'a commises Ontario Hydro par le passé. Le statu quo est inadmissible, mais ce n'est certainement pas une prise de position sur le plan conceptuel que de dire que seule la concurrence fonctionne. Je viens du Manitoba. Nous avions les tarifs les plus bas au monde jusqu'à ce que l'on ait déréglementé le marché du gaz, après quoi les prix ont décuplé, ce qui a rendu les tarifs du gaz inadmissibles. Toutefois, l'électricité est très bon marché et c'est un monopole. Je me pose simplement des questions au sujet de votre foi en la concurrence, à la lumière de ce qui est arrivé en Californie et en Alberta. Certaines entreprises de l'Alberta disent qu'elles ne peuvent rester là-bas parce que l'avantage qu'offrait l'Alberta n'existe plus. Quelles sont d'après vous les nouvelles formes de capacité de production qui seront mises en service? Quels sont les incitatifs? Au Canada, de nombreuses industries bénéficient d'avantages concurrentiels. On leur verse des subventions gouvernementales pour commencer à croître Lorsque nous étions en Alberta, nous avons examiné les centrales hydroélectriques à faible incidence, qui ne bénéficient pas d'un avantage fiscal. Un cas avait trait à l'énergie éolienne. D'autres ne bénéficiaient pas des avantages fiscaux qui sont accordés, bien sûr, au secteur des centrales à combustible fossile. J'ai fait référence à deux questions. Une a trait au concept, l'autre aux formes de production d'électricité auxquelles on s'attend à l'avenir. Seriez-vous en faveur de subventions gouvernementales, exactement comme les contribuables ontariens ont dû subventionner Ontario Hydro pendant des années et doivent continuer de le faire? M. Jones: Nous allons aborder cette question demain. Le sénateur Spivak: Je ne serai pas là. M. Jones: Sur le plan conceptuel, la technologie a modifié la configuration des marchés de l'électricité. Il y a la vieille notion du grand monopole, particulièrement en ce qui a trait à la technologie nucléaire et à la technologie à combustible fossile, qui n'est pas vraiment apparentée à la technologie hydroélectrique, parce que le secteur hydroélectrique est généralement hautement concurrentiel. C'est la forme de production d'électricité qui comporte les coûts les plus faibles. La technologie, et en particulier la technologie gazière, a tellement modifié la situation que l'ancien modèle monopoliste à faible coût et à faible puissance est devenu obsolète. Il comporte toujours de gros risques en ce qui a trait aux engagements de capitaux à long terme, et c'est la raison pour laquelle nous sommes aux prises avec des dettes. Nous avons maintenant un avenir où la production sera répartie et où des projets de production mis en 9uvre aux quatre coins de la province devraient améliorer la diversité de l'offre et aussi la fiabilité et la qualité de l'approvisionnement. Par conséquent, je pense que la question conceptuelle a été étudiée attentivement en Ontario. Nous avons examiné cette question pendant plus de quatre ans. Tous les intervenants ont participé à cet examen et se sont entendus pour dire qu'il s'agit de quelque chose que nous devons faire. Le sénateur Banks: C'est une très bonne réponse. Le président: Merci beaucoup pour votre aide. Vous voudrez peut-être rester avec nous pour entendre le prochain groupe de témoins, étant donné que M. Osborne et M. Brown pourraient dire des choses que vous seront utiles. M. Ron Osborne, président et directeur général, Ontario Power Generation: Nous sommes à votre disposition, aussi n'hésitez surtout pas à nous interrompre. Je vais commencer par une déclaration préliminaire, puis nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Je pourrais même répondre à une ou deux questions durant l'exposé. La première diapositive décrit les avantages de la concurrence. Si vous voulez savoir ce qui s'est passé au Royaume-Uni, Graham Brown, notre directeur de l'exploitation, faisait partie du groupe qui a fait en sorte que la concurrence fonctionne en Grande- Bretagne et il se fera un plaisir de vous expliquer comment les choses se sont déroulées. Le président: Je pensais que Maggie Thatcher avait fait cela toute seule. M. Osborne: Elle avait besoin de collaborateurs pour mettre en oeuvre sa politique. Elle était capable de confier des mandats et de donner des ordres et elle le faisait très bien d'ailleurs, mais en bout de ligne, ce sont les gens de terrain qui font le travail. Graham faisait partie de ce groupe. La question de la concurrence se résume à déterminer si vous pensez que la planification centrale est, à la longue, supérieure, plus rentable et plus fiable que la planification relative à un marché qui est, essentiellement, une absence de plan sauf pour ce qui est des forces de la concurrence et des facteurs de la concurrence qui jouent sur le marché. Vous avez vu ce qui s'est produit. Le sénateur Spivak: Tout dépend du produit. Qu'en est-il des soins de santé, par exemple? M. Osborne: Il est certain qu'il faut prendre cette décision produit par produit. Bien des produits sont tout aussi compliqués que l'électricité, ils sont d'une importance tout aussi vitale pour notre bien-être, et sont gérés au moyen de modèles concurrentiels: l'essence, le gaz naturel, les aliments que nous consommons. Il n'y a rien de plus compliqué que la chaîne alimentaire, et je ne pense pas que l'on puisse faire confiance aux offices de commercialisation pour qu'ils aient un rôle vraiment positif dans le contrôle général et la disponibilité d'aliments bon marché pour les Canadiens. Je suis d'accord avec vous qu'il faut regarder les choses actif par actif, produit par produit. En réalité, l'électricité est essentiellement un secteur exigeant en investissements. Nous pensons et d'autres sont d'accord avec nous - et d'autres compétences comme le Royaume-Uni l'ont démontré - que les forces du marché jouent leur rôle lorsqu'on les laisse faire. Si vous me permettez de revenir à la question du sénateur Kenny, je reformulerais la réponse de David MacFadden très simplement comme ceci: les investisseurs peuvent se retrouver fauchés, mais il en va autrement pour les actifs. Le sénateur Kenny: Voulez-vous dire que les actifs ne peuvent disparaître? M. Osborne: Oui, en effet. Les investisseurs peuvent se retrouver fauchés, les gens perdent de l'argent. Le troisième élément sur cette diapositive est la protection de l'environnement. J'y reviendrai plus tard. Le quatrième point est ce que j'appelle l'énergie verte, faute d'une meilleure expression. Nous vous entretiendrons de ces deux sujets. Je ne veux pas m'étendre sur cette troisième diapositive parce qu'il me semble que maintenant vous devez tous être convaincus que l'Ontario n'est pas la Californie. Si vous voulez que j'élabore un peu sur le sujet, je dirais simplement qu'il s'agit d'une industrie en expansion rapide, ce qui explique pourquoi la Californie n'est pas l'Ontario et inversement. Nous sommes très heureux que l'Ontario soit l'Ontario et il me semble que notre situation est quand même assez enviable. Mais tous les Ontariens ne sont pas convaincus qu'une journée de panne de courant générale est le prix à payer pour avoir un bon hiver. Pour ce qui est de la protection des consommateurs, la question des prix est liée à la libération du marché, à ce sujet, j'aimerais faire deux ou trois remarques. Comme les témoins précédents l'ont dit, nous sommes, et de loin, le plus gros producteur dans cette province aujourd'hui. Nous continuerons d'être le plus gros producteur lorsque le marché provincial aura été libéré, mais nous ne serons plus aussi importants parce que nous avons amorcé le processus de libération - un terme dont vous avez discuté avec M. MacFadden un peu plus tôt - d'une quantité importante de la production d'électricité. Pour ce qui est de la part que nous allons conserver, nous serons tenus de respecter un plafond sur le prix pour une très grande partie de l'électricité produite. Environ 70 p. 100 de l'électricité que nous produirons sera soumise à un plafond de 3,8 cents par kilowatt-heure tant que la Commission de l'énergie de l'Ontario ne sera pas convaincue qu'il existe une véritable concurrence dans ce marché. Les autres compagnies autour de nous pourront être autorisées à établir des signaux de prix supérieurs à 3,8 cents, mais nous devrons ramener notre prix à 3,8 cents sur pratiquement 70 p. 100 de toute l'électricité produite dans cette province. Le président: Est-ce qu'une partie des coûts non amortis sera absorbée avec ce prix? M. Osborne: Dans la mesure où l'électricité est sous-évaluée en raison de ce plafond de 3,8 cents, il est évident que nous ne pourrons pas payer autant de dividendes à la province qui iraient au remboursement de la dette restante. Dans un certain sens, cette décision aura un effet bilatéral sur la dette restante. De l'autre côté de l'équation, les contribuables ontariens qui sont des entreprises, comme les clients de M. Dickinson enregistreront des profits plus élevés. Probablement qu'ils paieront des impôts à la province qui viendront s'ajouter aux recettes générales. Il est difficile de trancher le salami et de séparer les tranches de la dette et les sommes qui iront au remboursement de la dette. L'un des témoins précédents a très bien expliqué en quoi consistait la dette restante: la répartition entre ce qui est absorbé par le réseau de l'électricité, environ 12 milliards de dollars et une autre partie qui ne l'est pas, soit les 8 milliards de dollars qui restent et qui seront épongés par l'imposition d'une taxe de 7 cents sur la totalité de l'électricité produite dès que le marché sera libéré. Pour revenir durant un moment à la protection du prix pour les consommateurs, nous devons donner de fortes assurances, grâce à ce prix de 3,8 cents, que nous n'imposerons pas de choc trop important par rapport au prix lorsque le marché sera libéré. Pour ce qui est des clients de M. Dickinson, dont nous savons qu'un certain nombre pouvaient bénéficier de taux préférentiels établis dans le cadre d'une structure tarifaire particulière à Ontario Hydro, donc ces clients bénéficieront de prix transitoires étalés sur une période d'environ quatre ans pour ce qui est de ces prix préférentiels, afin qu'ils ne subissent pas de choc trop important durant la période. Nous allons libérer les centrales, et ainsi nous ne serons pas les seuls à fixer le prix de l'électricité dans cette province. Pour ce qui est de la stabilité ou de la suffisance des réserves, nous faisons notre part pour qu'elles soient suffisantes. Nous avons eu une discussion assez prolongée à Ottawa avec le sénateur Spivak sur la question de redémarrer la centrale Pickering A. Par la suite, vous avez entendu parler des projets de la société British Energy de redémarrer deux réacteurs à Bruce, qui avaient été mis à l'arrêt pendant un certain nombre d'années. Grâce à ces initiatives et à d'autres comme celle de la centrale TransAlta de 500 mégawatts actuellement en construction à Sarnia, nous disposerions d'une réserve additionnelle plus que suffisante qui entrerait en service d'ici quelques années afin que les réserves soient suffisantes une fois que le marché aura été libéré et avant qu'il ait eu une chance de démarrer et de réagir aux signaux de prix. Le sénateur Kenny avait posé la question. Nous pensons que la question des réserves est prise en compte. Je ne m'étendrai pas sur Pickering A, parce que je pense que vous êtes suffisamment au courant de la question. Pour ce qui est de la protection de l'environnement, j'aimerais faire deux commentaires. Dans la province d'Ontario, près de 75 p. 100 de l'électricité produite provient de centrales nucléaires ou hydroélectriques. L'énergie nucléaire représente environ 50 p. 100, et l'hydro-électricité correspond à environ 25 p. 100. Ces deux sources d'énergie sont naturellement les plus écologiques dans le sens où elles n'émettent pas de CO2, d'oxyde nitreux, ni d'anhydrides sulfureux. Le sénateur Spivak a soulevé la question de la gestion des déchets et du stockage permanent des déchets nucléaires. Nous avons les moyens de gérer ces déchets. Sur le plan de l'environnement, nous considérons que l'énergie nucléaire ou l'hydro-électricité sont deux bonnes sources d'énergie. L'autre 25 p. 100 de notre électricité est produit par des centrales à combustible fossile, et dans une grande mesure des centrales au charbon. Il nous incombe de faire en sorte que ce dernier 25 p. 100 soit aussi propre que possible, et tout ce que je peux faire c'est de mettre les choses en contexte. Nous avons produit environ 40 terawatt-heure au début des années 80 avec des centrales au charbon. Aujourd'hui, nous produisons toujours près de 40 terawatt-heure avec ces mêmes centrales, mais nous n'émettons que 40 p. 100 des gaz acides que nous avions créés au début des années 80. C'est le résultat de nos progrès sur le plan de la technologie. Il s'agit d'utiliser un charbon plus écologique et un éventail d'autres facteurs, mais essentiellement c'est le résultat de la technologie et de l'utilisation d'un charbon plus épuré. Nous continuons d'investir afin de faire en sorte que l'incidence sur l'environnement continue de diminuer. Nous comptons dépenser entre 250 et 300 millions de dollars, dans les deux années qui viennent, sur deux centrales au charbon situées dans le sud de l'Ontario afin de les équiper de dispositifs antipollution et, en supposant que les règlements que la province a annoncés récemment concernant les plafonds imposés aux émissions par les centrales à combustible fossile soient promulgués d'ici quelques mois, nous devrons élaborer des plans en vue d'investir un autre 500 à 750 millions de dollars pour des dispositifs de protection de l'environnement dans nos centrales au charbon. Ces investissements nous placerons au premier plan de la propreté de l'environnement pour ce qui est de la production d'électricité à partir du charbon et des émissions dans le bassin atmosphérique dans toute l'Amérique du Nord. Nous pensons que nous nous conduisons de façon responsable et que nous arriverons ainsi à réduire rapidement l'incidence sur l'environnement de toutes les sources de production d'électricité que nous utilisons, y compris le charbon. Si je peux revenir rapidement aux autres sources d'énergie, aujourd'hui nous produisons 130 mégawatts de ce qu'il est convenu d'appeler de l'énergie verte, conformément à la définition officielle de cette énergie, c'est-à-dire dans une grande mesure à partir de petites centrales hydroélectriques et du méthane des sites d'enfouissement. Nous avons un plan de match visant à accroître cette capacité de production à 500 megawatts au cours des années qui viennent. C'est faible dans l'ordre général des choses, mais croyez-moi, sur le plan de l'énergie verte, cela représente un énorme investissement et une énorme production pour laquelle il faudra trouver des ressources. Nous avons annoncé la construction d'une ferme d'éoliennes en collaboration avec la société British Energy. Près de cent acres de terrain seront mis de côté dans la péninsule de Bruce en vue de construire une ferme d'éoliennes d'environ 10 megawatts. À notre connaissance, il n'existe pas de meilleur endroit pour construire un parc d'éoliennes que le sud de l'Ontario, et cela nous donnera une excellente occasion de voir à quel point nous pouvons développer l'énergie éolienne dans le futur. Nous travaillons également sur des technologies de pointe comme les piles à combustible et nous avons annoncé récemment la création d'un fonds de capital-risque qui, d'ici trois ans, nous permettra d'investir environ 100 millions de dollars dans des projets qui nous sont soumis par des personnes ayant des idées brillantes sur la façon dont l'électricité pourrait être distribuée et mesurée dans le futur et, bien entendu, tous ces projets s'adressent à des sources d'énergie alternative et écologique. Sur les quatre plans, la protection des prix, la protection des ressources, la protection de l'environnement et les sources d'énergie alternative, nous sommes persuadés qu'à OPG, nous faisons bien notre part pour aider la province à arriver à la conclusion que le moment sera bien choisi pour ouvrir ce marché d'ici le mois de mai de l'année prochaine. La province a indiqué qu'elle croit que toutes les conditions devraient être remplies d'ici le mois de mai de l'année prochaine et elle a fixé une limite extérieure pour l'ouverture de ce marché. Si nous sommes en mesure de convaincre la province que toutes les conditions sont réunies avant cette date, nous en serons très heureux, parce que nous travaillons sur cette question depuis un certain nombre d'années et que nous sommes prêts à aller de l'avant. Nous avons été engagés pour administrer une compagnie d'électricité compétitive; et nous voulons faire nos preuves. De toute évidence, nous sommes impatients de nous jeter dans la mêlée. Pour le moment, il s'agit en quelque sorte d'une drôle de guerre, comme vous pouvez l'imaginer, alors que nous nous préparons avec des répétitions, des maquettes et des simulacres. J'aimerais terminer en vous parlant de la libération parce les gens nous pointent du doigt à juste titre en nous décrivant comme l'éléphant - comme le ministre l'a déclaré la semaine dernière dans le magazine Maclean's - donc le géant de l'électricité dans cette province. Nous sommes effectivement comme un gorille de 800 livres. Nous aimerions continuer de l'être. Je pense qu'il est juste d'affirmer que n'importe quelle société en compétition désire être le gorille. Il y a peu d'avantages à être un chimpanzé dans une jungle remplie de gorilles. Nous avons l'intention de demeurer le gorille pour ce qui est de la concurrence. Toutefois, nous avons également l'intention de créer les conditions nécessaires pour que d'autres puissent devenir également des gorilles en termes d'électricité. Je ne suis pas d'accord avec M. Dickinson lorsqu'il parle de l'absence d'une charge de base ou d'une charge contractuelle dans le marché. Nous sommes sur le point de conclure une transaction avec la société British Energy qui mettra 22 terawatt-heures de charge de base entre les mains de tiers. Les clients de M. Dickinson ont déjà été approchés pour ce qui est de cette charge de base, je le sais, du moins ils me disent qu'ils l'ont été, et ils nous tiennent au courant à ce sujet avec le contrat de la British Energy. Aujourd'hui nous avons annoncé que, dès que le moratoire sur la libération des centrales à combustible fossile sera levé par la province - et nous espérons que cela se produira quelque part cet été - nous redémarrerons le processus que nous avions annoncé il y a un an, qui visait à libérer les centrales de pointe qui décident des prix à la marge. Ces centrales de pointe, qui fixent les prix, seront des centrales produisant environ 4 300 megawatts. Cette catégorie comprend les centrales de Lakeview et Lennox dont vous m'avez parlé un peu plus tôt. Elle comprend également deux centrales à combustible fossile du nord-ouest ontarien, celles de Thunder Bay et de Atikokan, parce qu'il s'agit d'un marché semi-restreint et qu'il est nécessaire d'y établir une certaine concurrence malgré les contraintes inhérentes à la concurrence externe. Nous annonçons également la libération de certaines centrales hydroélectriques dans ce secteur que le sénateur Kelleher connaît bien, celui de la rivière Mississagi. Nous avons quatre centrales sur la rivière Mississagi. Je ne sais pas si cette région a déjà fait partie de votre circonscription, mais elle se trouve certainement dans votre territoire. Nous avons annoncé que nous désirons redémarrer ce processus. Il s'agira d'un processus d'investissement normal axé sur un preneur ferme qui assurera que tous les intéressés, Great Lakes Power et n'importe qui d'autre, ainsi que l'actionnaire, le consommateur de la province d'Ontario, obtiendront un marché juste pour tous ces actifs, comme ce fût le cas pour Bruce. Le président: Merci beaucoup. Je suis sûr que vous devrez répondre à quelques questions. Le sénateur Spivak: Monsieur le président, j'aimerais poser toutes mes questions d'un seul coup parce que je m'aperçois qu'il est tard et que je veux donner la chance aux autres d'en poser également. Donc, j'ai trois questions. La première porte sur les tarifs réduits que vous avez accordés à certains clients industriels. J'aimerais vous entendre nous expliquer les motifs ayant justifié ces réductions, pourquoi ces prix ont-ils été réduits et dans quelle mesure? Et combien cela a-t-il coûté à l'Ontario? Ma deuxième question porte sur les trois centrales dont les ministres, ainsi que les gens de New York et de Boston ont parlé, c'est-à-dire les centrales au charbon devant être converties en centrales au gaz. Peut-être que je n'ai pas bien compris vos remarques de clôture concernant la libération. Est-ce que vos commentaires signifiaient que vous allez entreprendre immédiatement la conversion de ces centrales au charbon et les modifier pour qu'elles utilisent un autre combustible plus écologique? La troisième question porte sur l'énergie verte. Vous produisez à l'heure actuelle 130 megawatts à l'aide de l'énergie verte. Est-ce que vous envisagez disposer d'une capacité de production de 500 megawatts à partir de l'énergie verte d'ici 2005? M. Osborne: Oui. Le sénateur Spivak: Quel pourcentage cela représente-t-il de la production totale et non seulement de la vôtre, étant donné que vous êtes le gorille de l'Ontario? M. Osborne: Un gentil gorille. La sénatrice Spivak Peut-être que vous aimeriez nous parler un peu de la pile à combustible oxyde solide et des raisons pour lesquelles vous pensez que cette énergie est prometteuse. M. Osborne: Pour être franc, il me semble que vous avez plus de trois questions. Laissez-moi y répondre dans l'ordre inverse. L'expérience réalisée avec la pile à combustible oxyde solide ou encore avec le prototype que nous sommes en train de mettre au point repose sur une propriété intellectuelle appartenant à Siemens Westinghouse. Il s'agit d'un projet tripartite ou plutôt véritablement quadripartite auquel participe le gouvernement du Canada, le Department of Energy des États-Unis, nous-mêmes à OPG ainsi que Siemens Westinghouse. Je ne me souviens pas des proportions exactes, mais la totalité de l'investissement frôle les 20 millions de dollars. Le sénateur Spivak: Le Department of Energy des États-Unis finance un projet au Canada? M. Osborne: Oui. À partir d'installations qui relèvent de Ontario Power Generation dans une centrale appelée Kinetrics, qui se trouve à Kipling, nous collaborons avec Siemens Westinghouse et les aidons à mettre au point leur propriété intellectuelle et des piles à combustible oxyde solide depuis environ dix ans. Nous avons été choisis pour les aider à mettre au point une centrale prototype en vue d'une installation commerciale. Il s'agit du type de centrale dont la taille pourrait convenir à un petit projet commercial, à un complexe résidentiel ou quelque chose d'approchant. Nous ne possédons pas la propriété intellectuelle, mais de toute évidence nous acquérons de l'expertise dans la construction de cette centrale prototype et, comme je l'ai déjà dit, le gouvernement du Canada participe au projet, le Department of Energy américain, nous y avons injecté de l'argent aussi, de même que Siemens. Les piles à combustible oxyde solide sont loin d'être un moyen de fournir l'électricité sur une base collective à la province, mais il faut bien commencer quelque part, et nous sommes persuadés que, d'ici une dizaine d'années, il y aura un potentiel important pour ce qu'il est convenu d'appeler la production d'électricité distribuée, et dans ce contexte, on fait en sorte que la centrale où l'électricité est produite se rapproche de la charge, que ce soit dans le sous-sol de cet hôtel ou dans un grand complexe du centre-ville et l'alimentation se fait au moyen de canalisations souterraines. Nous avons l'intention d'être un fournisseur de ce type de production d'électricité sur le plan de la commercialisation. Il y aura plusieurs autres intervenants dans ce domaine d'ici les dix prochaines années. J'aime à dire que la production distribuée est dans le domaine de l'électricité l'équivalent d'Internet, tout comme la déréglementation des télécommunications a entraîné la prolifération des services dont vous bénéficiez aujourd'hui dans les médias, qu'il s'agisse de systèmes à large bande, ou sans fil ou par Internet. La production distribuée est probablement l'Internet de la libération de la production de l'électricité. Vous avez posé une question au sujet de la centrale de 500 megawatts. Je ne suis pas aussi bon en calcul mental que Graham - je pense qu'il aurait déjà calculé les pourcentages, mais il s'agit de 500 megawatts de ce qui sera disponible dans la province à partir d'une capacité de 30 000 megawatts, donc ce sont vraiment des grenailles, si l'on veut, mais néanmoins une capacité importante parce que, si nous ne commençons pas maintenant, nous ne saurons jamais ce que ça pourrait donner. Le président: Un et demi pour cent? M. Osborne: Merci. Graham nous corrigera si ce n'est pas exact. Vous avez également posé une question au sujet des centrales de Nanticoke et de Lambton qui sont des centrales au charbon, une à Lake Erie, une à St. Clair River ou à Lake St. Clair - je ne sais plus très bien, mais c'est entre Windsor et Detroit. Le sénateur Spivak: Est-ce qu'il n'était pas question de trois centrales? M. Osborne: Oui, ils parlent de trois centrales, mais les deux qui sont visées se trouvent à Lambton et à Nanticoke. Ils aimeraient se concentrer davantage sur Lakeview, sauf que nous avons déjà annoncé, et la province l'a déjà annoncé, que cette centrale qui se trouve finalement à la fin de sa vie utile, ne pourra pas fonctionner au charbon au-delà du printemps 2005. Si la centrale de Lakeview doit fonctionner après le printemps 2005, il faudra que ce soit au gaz naturel; et c'est le marché qui le déterminera, pas nous. Nanticoke et Lambton sont de grandes centrales au charbon qui ont entre 20 et 30 ans d'existence. Elles sont loin d'avoir atteint la fin de leur vie utile. Ce sont les centrales ayant fait l'objet du gros des améliorations apportées sur le plan de la qualité de l'environnement auxquelles j'ai fait allusion un peu plus tôt. Ce sont également les centrales où nous comptons dépenser entre 750 millions de dollars et 1 milliard de dollars au cours des cinq prochaines années afin de poursuivre ces améliorations sur le plan de l'environnement. Vous avez mentionné New York, le Connecticut, et ainsi de suite. Vous avez tout à fait raison. Les États de New York et du Connecticut ont fait des représentations auprès de l'administration fédérale et ailleurs comme quoi l'Ontario devrait modifier la source de combustible pour ces centrales et passer au gaz naturel. L'État de New York et le Connecticut font les mêmes revendications auprès de l'Ohio, de l'Indiana, de l'Illinois, de la Pennsylvanie, du Michigan et du Kentucky qui font tous partie du même bassin atmosphérique et, bien franchement, nous ne sommes que du menu fretin dans ce contexte. L'Ohio a recours au charbon à plus de 90 p. 100 pour produire son électricité. Je ne connais pas le pourcentage exact pour le Michigan, mais il est dans le même ordre de grandeur. La même chose pour l'Indiana et l'Illinois. Lorsque vous examinez toutes les émissions que la côte américaine capte par l'entremise du bassin atmosphérique, parce que ce bassin remonte en Ontario et redescend ensuite le long de la côte orientale, nous ne sommes qu'un bien petit acteur, mais nous sommes pris dans le courant, si vous voulez, de cette action entreprise par les États de New York et du Connecticut contre leurs frères à l'ouest de ces États, dans la partie supérieure du Midwest. Le sénateur Kenny: Excusez-moi, monsieur, puis-je vous interrompre? Les gens communiquent de bien des façons, et cela ne figure pas toujours au compte rendu. Je vous écoute parler, mais en même temps je vois votre collègue, M. Dicerni qui hoche la tête. M. Osborne: Qu'il me corrige si j'ai fait une erreur. Le sénateur Kenny: J'avais l'impression que son langage corporel était différent du langage verbal. M. Osborne: Je vous remercie de me le signaler. Le sénateur Kenny: J'essaie tout simplement de décoder ici. M. Osborne: Vous pouvez croire mes paroles, ou encore vous pouvez croire son langage corporel. M. Richard Dicerni, premier vice-président et secrétaire exécutif, Ontario Power Generation: Il est clair que j'ai pris ici un risque avec l'évolution de ma carrière. M. Osborne: Il y a une différence entre prendre un risque et franchir les limites invisibles. M. Dicerni: Je pensais tout simplement que les conseils que l'Attorney General de New York a donnés n'étaient pas aussi précis que ceux de ses collègues en Ohio, au Michigan et ainsi de suite, en ce qui concerne la conversion de toutes leurs centrales au charbon en centrales au gaz naturel. Le conseil que la province et le gouvernement fédéral ont reçu était très précis pour ce qui est de ce que nous devrions faire dans nos centrales. Je ne pense pas avoir vu nulle part qu'ils aient recommandé la conversion de toutes leurs centrales au gaz naturel. Mes hochements de tête étaient en référence à ceci. M. Osborne: Pour ce qui est de la conversion elle-même, pour vous donner une idée de la portée de cette conversion, le coût des investissements pour remplacer la capacité établie au moment de la construction à Nanticoke et à Lambton est de l'ordre de 5 milliards de dollars canadiens. Les coûts additionnels du combustible, c'est-à-dire la différence entre le gaz et le charbon pour créer la même quantité d'énergie, qui seraient nécessaires pour remplacer la production d'électricité à l'aide du charbon, et en fonction du prix du gaz aujourd'hui, et j'insiste sur le prix du gaz aujourd'hui, sont de l'ordre d'environ 1,5 milliard de dollars par année. Ce n'est pas une décision à prendre à la légère. Je n'ai aucune idée de la façon dont les prix du gaz vont évoluer, et personne n'était au courant non plus il y a deux ans, pas même les producteurs. S'ils l'avaient su, ils auraient été fous de vendre ces centrales il y a deux ans. Ils les auraient tout simplement mises en phase d'attente. Le sénateur Spivak: Est-ce que je dois en déduire que vous n'envisagez pas de le faire? M. Osborne: C'est exact. Nous n'en avons aucune intention. Nous allons plutôt moderniser cette centrale afin de nous assurer qu'elle soit aussi écologique que possible, et nous allons dépenser de l'argent, beaucoup d'argent, pour que les réacteurs de Pickering A, qui ont une capacité de 2000 megawatts, reviennent en production ce qui nous permettra de réduire la dépendance de la province à l'égard de la production d'électricité à partir du charbon. M. Dicerni: Il est important de souligner que les projets de règlement que la province a mis de l'avant sont beaucoup plus rigoureux que ceux que l'Environmental Protection Agency américaine a mis de l'avant pour divers États qui exploitent leurs centrales à l'intérieur de leur bassin atmosphérique. Le sénateur Spivak: En vertu de la Loi sur la lutte contre la pollution atmosphérique? M. Dicerni: Oui, sénateur. M. Osborne: Oui. Le sénateur Spivak: Je suis très déçue d'entendre ceci. M. Dicerni: Cette province est allée plus loin pour ce qui est des NOx et des SOx. Le sénateur Adams: Je m'inquiète des répercussions de cette conversion des centrales au charbon en centrales au gaz naturel sur les personnes qui y travaillent. Est-ce que les syndicats seront consultés avant la conversion? Est-ce que les mineurs de charbon se retrouveront au chômage? M. Osborne: Notre centrale travaille avec deux syndicats: le Syndicat des travailleuses et des travailleurs du secteur énergétique et le SOEP, qui est la société regroupant les ingénieurs électriciens. Ce sont les deux syndicats avec lesquels nous travaillons pour exploiter notre centrale. Si la centrale devait être convertie au gaz naturel à un moment donné, nous continuerions tout simplement de travailler avec les mêmes syndicats. Ils possèdent des droits qui leur sont octroyés en vertu de la législation ontarienne sur le travail et ne seraient pas touchés par cette conversion. C'est un fait que l'on aurait besoin de beaucoup moins de main-d'oeuvre dans une centrale au gaz que dans une centrale au charbon. Ceci étant dit, ce n'est qu'un des facteurs nous permettant de déterminer si oui ou non une centrale devrait être convertie du charbon au gaz. Les principales considérations sont, de toute évidence, l'évaluation des coûts de la conversion par rapport aux avantages sur le plan de l'environnement et, à mon avis, et c'est aussi l'avis de la plupart de mes collègues au sein de la Ontario Power Generation qui veulent y travailler durant un certain temps - je ne vois pas si M. Dicerni hoche la tête ou non - que nous voulons réellement, en tant que province, réaliser ce type d'investissement. Il ne m'appartient pas de dire si oui ou non nous devons faire cet investissement. Ce n'est pas de mon ressort. Cela appartient au corps politique. Vous faites partie de ce corps politique et le gouvernement provincial en fait aussi partie. Si nous ne disposons pas de la capacité financière nécessaire pour nous attaquer à ces questions, il y aurait peut-être de meilleurs moyens de dépenser cet argent que d'entreprendre la modernisation de centrales au charbon en vue d'obtenir des avantages relativement minimes sur le plan de l'environnement. Le sénateur Adams: Qu'en est-il du pipeline? Est-ce que vous avez suffisamment de camions-citerne pour répondre aux besoins que le pipeline va créer? M. Osborne: Il existe actuellement des pipelines à proximité de la plupart de nos centrales, par conséquent la capacité existe. Ceci étant dit, la conversion de toutes nos centrales au charbon en centrales au gaz naturel nécessiterait, avec le temps, une augmentation de la capacité de production du gaz dans la province, à mon sens, d'environ 40 p. 100. Vous voudrez peut-être vérifier ce chiffre avec les gens du gaz naturel, je ne sais pas s'ils sont encore ici. Cela nécessiterait une amélioration majeure de la capacité globale. Comment procéderaient-ils pour y arriver, je n'en ai aucune idée. Ce serait à eux de vous répondre. Le sénateur Kenny: Est-ce que le charbon est un produit plus stable que le gaz naturel? M. Osborne: Historiquement, oui le charbon a toujours été plus stable parce que nous disposons de centaines de millions de tonnes de charbon déjà relativement disponibles. Il est facile d'exploiter une mine de charbon et les extensions sont relativement faciles à installer par comparaison à la construction de pipelines. L'infrastructure servant à la livraison du charbon est déjà passablement installée. Elle repose largement sur le transport ferroviaire et, dans notre cas, sur le transport ferroviaire et par bateau, de sorte que cette marchandise est traditionnellement beaucoup plus stable que le gaz naturel. Encore une fois, je vous invite à vérifier celà avec les gens du gaz naturel canadien que vous allez rencontrer demain matin, mais c'est mon point de vue. Le sénateur Adams: Je reconnais que l'énergie éolienne est écologique. Je suppose qu'il serait nécessaire de mettre en place un système de couplage dans l'éventualité où le vent refuserait de coopérer, c'est-à-dire où il n'y aurait pas de vent pour actionner les éoliennes. M. Osborne: C'est exact. Le sénateur Adams: L'Alberta et la Californie ont investi massivement dans les parcs d'éoliennes. Quel investissement a été fait en Ontario dans ce domaine? Est-ce que cet investissement origine du secteur privé ou du gouvernement? M. Osborne: La plupart des parcs d'éoliennes créés jusqu'à maintenant l'ont été par suite d'investissements du secteur privé. Par exemple, un certain M. Probin de l'Ontario est un expert canadien reconnu dans le financement de tels projets. Il assume le financement privé d'un projet dans la péninsule de Gaspé au moment où l'on se parle. Les fermes éoliennes de la Californie auxquelles vous faites référence se situent dans un secteur extrêmement favorable parce que c'est l'endroit où les montagnes se transforment en une sorte de tunnel où le vent s'engouffre à partir du Pacifique. Je crois qu'il y a environ 4 000 éoliennes à cet endroit. Cependant, cela ne signifie pas qu'aucun problème environnemental n'est lié à ce type d'énergie. Il y a certaines contraintes sur le plan visuel, du bruit et de l'habitat naturel. Ces éoliennes peuvent en effet être très dommageables aux oiseaux, et particulièrement aux oiseaux migrateurs. Vous avez commencé, sénateur, par souligner que si l'on fait appel aux éoliennes pour produire de l'électricité, il est nécessaire de mettre en place un système de couplage. C'est tout à fait vrai. Nous avons une éolienne sur la péninsule de Bruce qui a été conçue pour nous servir en quelque sorte de prototype et nous aider à évaluer ce type d'énergie, et cette éolienne fonctionne efficacement environ 20 p. 100 du temps. Durant l'autre 80 p. 100 du temps, où il n'y a pas suffisamment de vent pour qu'elle puisse fonctionner de façon fiable, vous avez besoin soit d'un grand nombre d'endroits différents pour servir de solutions de rechange ou encore de systèmes de couplage. Bien entendu, c'est le grand point faible de l'énergie éolienne - le fait que vous ne puissiez utiliser une seule source d'énergie, que vous deviez compter sur une source d'énergie différente comme solution de rechange. Graham voudra peut-être vous parler brièvement de l'énergie éolienne au Royaume-Uni qui est beaucoup plus développée qu'elle ne l'est ici au Canada. M. Graham Brown, directeur des opérations, Ontario Power Generation: Il y a certainement un problème au niveau du stockage de l'énergie et de la fiabilité pour ce qui est de l'énergie éolienne. Le fait est que l'énergie éolienne représente une très petite partie du portefeuille total de la production d'électricité dans la plupart des pays pour le moment, aussi le manque de fiabilité de cette source d'énergie électrique est compensé par le vaste excès de capacité dans d'autres parties du système. C'est également vrai au Royaume-Uni où les gouvernements des deux partis ont fait des pressions pour accroître les sources d'énergie éolienne disponibles dans le réseau. On a exprimé beaucoup d'enthousiasme à l'égard du développement de ce type d'énergie au Royaume-Uni et, pour répondre à votre question au sujet des aspects économiques, le gouvernement a, à divers égards, choisi de subventionner le développement de l'énergie éolienne afin de favoriser son adoption précoce, et il a eu recours à divers mécanismes en diverses occasions. On vient justement de mettre en place un nouveau mécanisme visant à subventionner efficacement l'énergie éolienne dans un effort pour encourager son développement au large des côtes du Royaume-Uni, et ce projet commence à prendre forme. Le problème avec le développement de ces projets sur le continent au Royaume-Uni n'a rien à voir avec le manque de sites. En fait, il vente beaucoup au Royaume-Uni. Le problème découle plutôt d'un processus de planification complexe et qui traîne en longueur. Bien des gens aiment l'idée de l'énergie éolienne, mais très peu veulent avoir une ferme d'éoliennes dans leur cour. Il a été excessivement difficile pour les promoteurs, qui disposent de licences accordées par le gouvernement, de passer de l'étape de la planification à l'étape de la construction. Le sénateur Adams: Vous avez mentionné la possibilité de la génération d'électricité distribuée. Je sais que vous ne nous révélerez pas combien il en coûte par kilowatt pour produire de l'énergie à partir de ces sources d'électricité, mais lorsqu'elles deviendront plus populaires, reviendront-elles moins chères à exploiter? M. Brown: Je pense que la plupart des observateurs sont convaincus que la production d'électricité distribuée du genre de celle que vous avez décrite jouera un rôle important. Deux facteurs sont à l'origine de cette évolution. Le premier est le coût, le facteur économique, de l'unité que vous voulez mettre en place, qu'il s'agisse d'une micro-turbine dans un emplacement commercial ou encore d'une centrale de cogénération qui produit à la fois de la vapeur et de l'électricité dans un site industriel. L'autre facteur est le coût de la matière première dans la plupart des cas. Le gaz représente un problème de taille. Il y a également la question du coût matériel du transport de l'électricité produite sur le réseau et j'ai en tête les gros systèmes de Lambton et de Nanticoke. Au fur et à mesure que la charge sur ces systèmes deviendra plus importante et plus complexe, les coûts pour la transporter jusqu'au consommateur augmenteront aussi. Même si ces petites unités sont peut-être moins économiques sur une base unitaire qu'une très grande centrale, parce qu'elles sont installées à proximité du consommateur, si le coût du transport de l'électricité jusqu'au consommateur par l'entremise d'autres routes devenait excessif, dans ce cas elles pourraient devenir plus intéressantes. La technologie revient de moins en moins cher, et cela permet de la rapprocher du marché. La distribution, en règle générale, lorsque la demande augmente, ne chute pas radicalement en termes réels. Ce qui s'est passé récemment, c'est que la principale source d'énergie est le gaz et que, pour le moment, les prix du gaz ne s'enlignent pas dans la bonne direction. Néanmoins, dans l'ensemble, durant une certaine période de temps, la plupart des facteurs semblent indiquer que les aspects économiques deviendront plus intéressants à moyen terme. Le sénateur Spivak: Si j'en avais le temps, je vous poserais une question sur l'efficacité et je vous demanderais de comparer le rendement d'une pile à combustible par rapport à une centrale au gaz, ou quelque chose du même genre. Mais étant donné la situation, ce qui m'intéresse vraiment, c'est que vous répondiez à ma question, monsieur Osborne, celle qui portait sur les prix réduits accordés à vos clients industriels dans le passé. J'aimerais savoir - et peut-être que vous ne serez pas en mesure de répondre aujourd'hui - quel a été le coût pour Ontario Hydro durant le temps où cette pratique a eu cours, parce qu'il se peut très bien que le chiffre en question corresponde au montant même que vous prévoyez investir aujourd'hui à Lambton et à Nanticoke. M. Osborne: Il faudrait être au moins économiste pour pouvoir répondre à votre question, et faire une analyse rétrospective, de ce qu'étaient ces structures de prix à l'intention des industries, les prix proposés, et le coût pour la province sur le plan théorique. Je voudrais simplement faire valoir que, étant donné que depuis plus de 15 ans au moins, l'Ontario a une capacité excédentaire générée par un modèle de planification centrale par opposition à un modèle déterminé par le marché, l'ancienne Ontario Hydro avait des idées de grandeur qui se sont concrétisées, et nous nous sommes retrouvés avec une capacité excédentaire importante dans cette province. On pourrait faire valoir, à la limite, qu'il y a eu très peu de subventions au sens économique du terme parce que, de toute façon, la centrale aurait été inactive. Il y a eu, bien entendu, des coûts marginaux pour obtenir cette capacité excédentaire et les clients industriels ont payé ces prix. Maintenant que cette capacité est consommée et que la demande reprend, nous devons nous doter d'un modèle de concurrence idéale. Tous les clients paieront le juste prix de l'électricité, tel qu'il sera dicté par les conditions du marché. Le sénateur Spivak: J'espérais que vous me donneriez les motifs de cette décision. Bien entendu, si vous subventionnez, si vous réduisez les prix pour les gros clients, il est évident que vous ne vous intéressez pas à la conservation. M. Osborne: Je ne suis pas sûr que cela soit un corollaire, mais il est évident que ce qui vous intéresse, c'est le développement économique de la province, de garantir que les emplois seront maintenus dans la province, de même que la capacité de fabrication. Le président: J'aimerais peut-être faire un commentaire en terminant. Vos comptables sont probablement bien au fait de l'administration de l'impôt. Nous avons entendu, au cours des témoignages, que le moyen le plus facile d'obtenir une énergie propre pour le consommateur consisterait à offrir à ce dernier un remboursement de taxes. Autrement dit, produire un formulaire T-7 pour le consommateur, lui indiquant qu'il a acheté tant d'unités d'énergie éolienne ou d'énergie solaire. On nous a dit que cela serait le meilleur moyen de subventionner cette énergie, si nous voulons le faire. M. Osborne: C'est une question de politique publique, sénateur, si vous me permettez, plutôt qu'une question soumise aux lois du marché. Le président: Bon d'accord. M. Osborne: Des techniques similaires ont été utilisées dans d'autres domaines. Je suis sûr que vous vous rappelez du programme CHIP, dans le domaine de l'isolation des maisons. Bien franchement, je ne sais pas si ce programme a donné des résultats ou non, puisque je ne l'ai pas étudié. De toute évidence, il y a des moyens, comme Graham l'a indiqué, d'encourager les gens à consommer de l'énergie verte. Le président: Je vous remercie beaucoup pour cet exposé des plus intéressants. Le sénateur Banks: Avant de terminer, pour le compte rendu, j'aimerais vous remercier de m'avoir transmis une copie de la lettre décrivant les mesures de sécurité. C'est très gentil à vous de l'avoir fait. Cette lettre est très utile et donne de bonnes explications. La séance est levée.