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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 6 - Témoignages du 27 avril 2001 (séance du matin)


TORONTO, le vendredi 27 avril 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 9 h 02 pour examiner les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Ce matin, honorables sénateurs, nous allons mettre l'accent sur l'étude de l'énergie. Avant d'entendre nos témoins, je signale que l'étude vise à donner aux membres du comité la possibilité de se faire une meilleure idée des préoccupations et des points de vue des Canadiens au sujet des changements rapides et importants subis par le secteur canadien de l'énergie. Dès qu'il aura recueilli les témoignages nécessaires, le comité préparera un rapport assorti de recommandations à l'intention du Sénat.

Au cours de la semaine, le comité a entendu des témoins de Vancouver, Calgary, Edmonton et Toronto. La semaine prochaine, nous tiendrons des audiences à Montréal.

Honorables sénateurs, nous accueillons ce matin des représentants de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules.

Messieurs, soyez les bienvenus. Auriez-vous l'obligeance d'informer les membres du comité des sociétés auxquelles vous appartenez, de nous donner une idée de votre expertise et, enfin, de nous dire un mot de ce que vous faites.

M. Larry A. Robertson, directeur, Programme des véhicules, de l'environnement et de l'énergie, DaimlerChrysler Canada Inc.: Je m'appelle Larry Robertson. Je suis gestionnaire des programmes des véhicules, de l'environnement et de l'énergie chez DaimlerChrysler au Canada.

M. Mark A. Nantais, président, Association canadienne des constructeurs de véhicules: Monsieur le président, je m'appelle Mark Nantais. Je suis le président de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules. Je supervise l'ensemble des activités de l'association au nom de ses membres.

M. C.B. (Blake) Smith, directeur, Environnement, énergie et sécurité des véhicules, Ford du Canada: Je m'appelle Blake Smith, et je suis le directeur de l'Environnement, de l'énergie et de la sécurité des véhicules pour Ford du Canada.

M. Michael G. Ford, General Motors du Canada, directeur, Génie des installations et services publics: Je m'appelle Mike Ford. Je suis le directeur du Génie des installations et des services publics chez General Motors du Canada.

Le président: Messieurs, vous pouvez maintenant présenter votre exposé.

M. Nantais: Bonjour. Je profite de l'occasion pour vous remercier de l'occasion qui nous est donnée de comparaître devant vous pour discuter de ce qui, à mon avis, constitue une époque des plus passionnantes pour l'industrie automobile.

En ce qui a trait à la technologie automobile, nos produits utilisent de toute évidence de l'énergie, et nous réalisons des progrès marqués dans le domaine de la technologie. Comme vous le constaterez plus tard dans notre présentation, nous ne pouvons aborder seuls la question des véhicules et de la technologie. Nous devons également tenir compte des carburants utilisés par les véhicules.

Nous entrons dans une ère nouvelle de R-D se rapportant à des technologies extrêmement avancées. Je pense qu'on peut affirmer sans crainte de se tromper que bon nombre de ces technologies sont très prometteuses du point de vue de la réduction des émissions, notamment celles qui sont liées au smog, et à l'amélioration des économies de carburant. Vous constaterez que des progrès considérables ont été accomplis et continueront de l'être relativement aux moteurs conventionnels à allumage par étincelle.

Nous avons déjà obtenu un succès considérable. Nous voudrions vous en dire un mot aujourd'hui, afin de planter le décor et de vous donner une idée de la direction dans laquelle nous entendons nous engager.

Avec votre permission, monsieur le président, nous avons pensé, compte tenu du temps limité dont vous disposez, que nous pourrions utilement nous référer à une série de diapositives pour orienter la discussion et la faire avancer.

Je vais maintenant vous demander de tourner votre attention vers la diapositive que j'appelle le casse-tête. Elle a trait à l'amélioration des économies de consommation et au fait que la technologie ne peut être la seule réponse. Dans le contexte canadien, réduire notre consommation de carburant à base de carbone et, partant, nos émissions de CO2 et, j'ajoute, d'autres émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports en général ne sera pas une mince tâche. Comme vous le savez, le transport ne se limite pas aux voitures et aux camions qui empruntent nos routes.

Les fabricants d'automobiles sont conscients du rôle qu'ils ont à jouer à cet égard, mais la technologie ne peut être la seule réponse. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une approche systémique équilibrée assortie de stratégies diverses visant un certain nombre de domaines, par exemple le comportement des consommateurs, l'efficacité énergétique des véhicules, soit la technologie dont nous sommes venus vous entretenir, la nouvelle technologie automobile dans des domaines comme la sécurité et les émissions, le nombre de kilomètres que parcourent les véhicules, soit la distance que les automobilistes franchissent chaque jour, et l'infrastructure des transports de même que les techniques de gestion des transports.

Nous devons également parler de modes de transport de substitution - en d'autres termes, le transport en commun. Nous devons également parler du coût du carburant. Le coût du carburant joue un rôle prépondérant dans la décision que les particuliers prennent de faire l'acquisition d'un véhicule neuf aussi bien que dans l'utilisation qu'ils en font.

Le besoin de combustible formulé comme il se doit revêt également une importance assez considérable - je fais ici référence à la qualité du carburant nécessaire de même qu'à l'approvisionnement, au sens large, dans l'ensemble du Canada.

De toute évidence, on doit se doter de programmes d'inspection et d'entretien pour la gestion des parcs en service du point de vue des émissions.

La diapositive suivante a trait au leadership de l'industrie automobile dans le domaine de l'innovation technologique. Les fabricants d'automobiles se livrent concurrence dans les secteurs de l'innovation et de la performance environnementale. Le phénomène devient de plus en plus prévalent au fur et à mesure que nous avançons. En fait, tous les fabricants d'automobiles ont investi et continuent d'investir des milliards de dollars en recherche dans des technologies de pointe liées au contrôle des émissions et aux économies de carburant, lesquelles sont, comme je l'ai indiqué, des plus prometteuses.

Nous n'avons pas ici affaire à une industrie d'une valeur de 2 ou 3 milliards de dollars. En fait, chacun des grands fabricants d'automobiles vaut à lui seul plusieurs milliards de dollars.

Le président: Avant que vous n'alliez plus loin, vous avez fait allusion à l'Amérique du Nord. À la lumière de ce que j'ai sous les yeux, je constate que les Volvo semblent être les seules voitures fabriquées à l'extérieur de l'Amérique du Nord. Considère-t-on que toutes les voitures japonaises et allemandes font partie de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules?

M. Nantais: Non. Nous représentons les sociétés qui figurent ici. Les fabricants d'automobiles japonais et européens sont représentés par une autre association, soit l'Association des fabricants internationaux d'automobiles du Canada.

Le président: La société Mercedes est-elle représentée? L'est-elle sous la bannière DaimlerChrysler?

M. Robertson: Pour le moment, cette société fait partie de l'Association des fabricants internationaux d'automobiles du Canada.

Le président: Veuillez poursuivre votre exposé. Je voulais simplement savoir combien de sociétés vous représentiez.

M. Nantais: L'industrie a introduit quelques générations de technologies nouvelles. Dans de nombreux cas, ces technologies ont été introduites volontairement. Dans d'autres cas, elles l'ont été en conformité avec la réglementation.

Ainsi, il y a eu quelques générations de technologie nouvelle dans les domaines de la sécurité, par exemple en ce qui concerne la protection des occupants et la prévention des collisions, les émissions - et je fais ici référence aux émissions liées au smog; et l'efficience énergétique. Pour maintenir leur avantage concurrentiel, les fabricants d'automobiles doivent répondre à la demande des consommateurs, qui évolue rapidement. C'est pourquoi ils sont d'ardents partisans de ce que nous appelons le principe de la préparation technique; en d'autres termes, ils doivent évoluer et répondre rapidement à un marché en mutation constante.

Ils utilisent également le marché nord-américain plus large pour faire avancer la technologie de façon plus rapide et plus large, au meilleur coût possible. C'est là l'approche harmonisée que nous évoquons souvent. Il s'agit d'élaborer des produits en fonction d'une norme unique, éprouvée une fois, pour l'ensemble de l'Amérique du Nord.

J'aimerais maintenant dire un mot de deux ou trois de nos réussites. J'attire votre attention sur la diapositive suivante, qui porte sur le succès obtenu relativement aux véhicules légers à essence au Canada. Je pense qu'il importe de remarquer que nous avons réalisé des progrès considérables dans la réduction des émissions de nos véhicules. Nous en sommes aujourd'hui à réduire les émissions des véhicules qui en produisent peu pour les modèles de 2001 partout au Canada. Pour ces véhicules, on peut par exemple réduire les émissions d'hydrocarbures de 99 p. 100 et plus; au chapitre des oxydes d'azote, la réduction est de 96 p. 100. Il s'agit de véhicules extrêmement propres qui fonctionnent à l'aide de l'essence à faible teneur en soufre appropriée.

Nous n'entendons pas nous arrêter là. La diapositive suivante illustre ce qu'on fera pour l'année 2004. Une fois de plus, nous répondrons à ce moment aux normes encore plus rigoureuses énumérées ici. De toute évidence, il s'agit d'une réussite étalée dans le temps.

Sur le plan des réussites, on doit également faire état de la consommation de carburants de nos véhicules. Dans la diapositive suivante, on tente de montrer que les nouveaux véhicules consomment moins que les plus anciens. On a réalisé des progrès considérables au chapitre de la réduction de la consommation de carburant moyenne. Nous avons obtenu ces résultats malgré l'ajout de dispositifs de sécurité et de contrôle des émissions, sans parler des options privilégiées par les consommateurs, lesquelles ont pour effet d'accroître considérablement le poids des véhicules, ce qui, du point de vue de l'économie de carburant est très désavantageux. En d'autres termes, plus on alourdit le véhicule, et plus on limite la capacité des fabricants de favoriser des économies de carburant.

Le sénateur Banks: À la lumière des chiffres qui figurent au sommet de la diapositive, je comprends que 32 p. 100 des véhicules atteignent un tel niveau, ce qui laisse donc entendre que 68 p. 100 d'entre eux en sont incapables.

M. Nantais: Vous avez essentiellement raison, sénateur. Ce que nous disons ici, c'est que 32 p. 100 des véhicules qui composent le parc routier consomment moins de carburant que le reste du parc, soit 68 p. 100 des véhicules.

Le sénateur Banks: La notion de «parc de véhicules routiers» renvoie-t-elle aux véhicules fabriqués au cours de la dernière période, soit entre 1993 et 1999? J'imagine qu'une voiture à haute performance de 1968 dans laquelle un type se balade ne fait pas partie de la catégorie. Les véhicules aussi vieux n'appartiennent pas à cette catégorie.

M. Nantais: Non. Du côté gauche du graphique, on voit une catégorie pour les véhicules d'avant 1980. C'est là que ce genre de véhicules se trouve. Nous faisons ici référence aux années des modèles d'automobiles.

Le sénateur Banks: D'accord. Le moment venu d'établir la moyenne dans le dernier tiers, vous ne tenez pas compte, par exemple, des véhicules de 1981 qu'on trouve toujours sur la route? Les véhicules aussi âgés font-ils partie du parc de véhicules routiers? Ai-je raison?

M. Nantais: On montre ici la répartition de l'ensemble du parc de véhicules routiers.

Le sénateur Banks: Y compris les voitures plus anciennes?

M. Nantais: Oui. Elles feraient partie de la catégorie comptant pour 22 p. 100, de la catégorie des voitures d'avant 1981 qui comptent pour 22 p. 100. On tient effectivement compte de la moyenne générale de la totalité d'entre elles.

Le sénateur Banks: De la totalité des voitures qu'on trouve sur les routes?

M. Nantais: Oui.

Le sénateur Banks: La moyenne établie pour 1993 à 1999, par exemple, a donc trait aux véhicules fabriqués entre 1987 et 1993. Les années qui figurent en bas sont-elles celles au cours desquelles le parc a été mesuré de cette façon ou encore désignent-elles les années des modèles des voitures mesurées de cette façon?

M. Nantais: Elles désignent les années des modèles des voitures mesurées de cette façon.

Le sénateur Banks: Je vous remercie.

M. Nantais: La réduction graduelle illustrée au bas de la diapositive est donc la moyenne pour l'ensemble du parc.

Le président: Je m'y perds. Au sommet, on lit 32 p. 100. Cela signifie-t-il que 32 p. 100 des voitures qui empruntent les routes aujourd'hui sont des modèles de 1993 ou de 2000 ou encore que vous avez choisi les 32 p. 100, qui pourraient être les petites voitures que vous produisez?

En fait, le graphique ne signifie pas grand-chose à moins que vous puissiez m'indiquer le carburant qu'un moteur de 120 ou de 80 chevaux-vapeur utilisait en 1980 et celui qu'utilise aujourd'hui un moteur de 80 chevaux-vapeur. J'aurais dans ce cas une idée des économies de carburant que vous réalisez effectivement. En regroupant les petites voitures et les voitures neuves pour ensuite nous dire que vous utilisez moins de carburant, vous nous donnez peut-être une idée de la quantité de pollution dans l'atmosphère, mais pas de l'efficience de vos véhicules, à supposer qu'elle ait changé.

M. Robertson: Permettez-moi de vous donner un rapide aperçu. La diapositive représente une année civile, soit l'année 1999. Il s'agit là de tous les véhicules sur la route répartis par année de modèle.

Le président: Je vois.

M. Robertson: Il y a donc une moyenne pour les véhicules de 1981, laquelle a été tirée de l'Enquête nationale sur l'utilisation des véhicules privés de Ressources naturelles Canada. Ce sont des moyennes par année de modèle pour chacun des modèles sur la route.

Le président: La taille des véhicules automobiles est donc le seul élément qui fait fluctuer la norme?

M. Robertson: Exactement. Il s'agit donc de la moyenne pour le parc.

Le président: Parce qu'il y a beaucoup plus de petites voitures aujourd'hui qu'il y en avait en 1980?

M. Robertson: Les chiffres qui figurent au sommet, le 22, le 46 et le 32, désignent les périodes correspondant aux trois importantes normes sur les émissions que nous avons eues au Canada.

Le président: D'accord.

M. Nantais: Ce qu'il faut retenir, ici, c'est que nous avons réalisé des progrès importants, comme le montrent nos données.

Nous allons maintenant passer à la question pour laquelle nous sommes ici, à savoir la technologie automobile de pointe. Aujourd'hui, il existe déjà un certain nombre de carburants de substitution accessibles au public. Nous avons des véhicules qui fonctionnent au gaz propane ou au gaz naturel comprimé; nous avons aussi des véhicules pluricarburants qui fonctionnent à l'éthanol, par exemple, et au méthanol; nous avons enfin quelques modèles de véhicules qui fonctionnent à l'électricité.

Dans notre industrie, nous déployons des efforts constants pour faire avancer la technologie dans les domaines des moteurs à essence à injection directe, par exemple, qui sont moins polluants et plus économiques. Nous proposons des véhicules hybrides. Nous proposerons également des véhicules à pile à combustible, bien que la technologie de la pile à combustible soit un plus exotique.

En outre, nous disposons de toute une gamme de technologies d'appoint, et nous nous efforçons sans cesse de réduire le poids de nos véhicules au moyen de ce que nous appelons le principe d'allégement obtenu au moyen de l'utilisation de matériaux plus légers.

Au Canada, nous avons des centres d'excellence qui examinent ces questions. Nous étudions d'autres contrôles électroniques et des contrôles informatiques du véhicule, et nous sommes à l'affût des possibilités offertes dans le domaine de l'aérodynamique.

Dans la diapositive suivante, on retrouve une comparaison des études du puits d'extraction au volant. Ces études portent sur le cycle de vie de diverses configurations technologiques, «cycle de vie» s'entendant du carburant et de la nouvelle technologie, à partir de la tête de puits jusqu'au véhicule lui-même et à son fonctionnement. Dans la diapositive, la comparaison porte sur le véhicule de base, à savoir un véhicule conventionnel à essence. Ces études ont été menées par divers organismes, notamment l'Argonne National Laboratory, qui effectue des recherches pour le compte du département de l'Énergie des États-Unis, le Massachusetts Institute of Technology et le Pembina Institute du Canada, pour ne citer que quelques exemples.

La diapositive a pour but de montrer que nous disposons de technologies concurrentielles capables de réduire le pourcentage des émissions de CO2 par rapport à un moteur à essence conventionnel. Si, par exemple, on prend un véhicule hybride diesel ou un véhicule diesel proprement dit, on constate qu'il est relativement économique et procure d'assez bons résultats au chapitre de la réduction des émissions de CO2. Hormis les véhicules hybrides diesel, il y a aussi les véhicules hybrides à essence, et on présente également le véhicule électrique au méthanol à des fins de comparaison.

De façon générale, les diverses configurations technologiques permettront d'obtenir certains pourcentages de réduction des émissions de CO2. Par ailleurs, nous effectuons des recherches pour toutes ces catégories de technologies.

Le président: Que signifient les acronymes UBA, FW, DTI et DoE?

M. Nantais: Ils représentent des organismes indépendants.

Le président: L'acronyme UBA a-t-il un rapport avec l'Université de la Colombie-Britannique?

M. Nantais: Sénateur, nous allons devoir faire la vérification pour vous.

Le président: Savez-vous ce que représente l'acronyme FW?

M. Nantais: En ce qui concerne les trois premiers, nous allons vous obtenir la réponse. DoE/Argonne désigne le département de l'énergie des États-Unis et l'Argonne National Laboratory; PNGV désigne le Partenariat pour une nouvelle génération de véhicules, dont font partie les trois grands fabricants d'automobiles des États-Unis. Naturellement, MIT désigne le Massachusetts Institute of Technology.

Methanex est connu à titre de producteur de méthanol, et vous connaissez bien, je crois, le Pembina Institute, de Calgary. Si vous voulez plus de renseignements au sujet des organismes en question, en particulier les trois premiers, nous vous en fournirons.

Le président: Peut-être pourriez-vous nous faire parvenir un mot sur les organismes, mais pas tous. Nous connaissons Methanex, Pembina et le MIT. Mais qu'est-ce que le PNGV?

M. Nantais: Certainement, sénateur, nous vous ferons parvenir une note à ce sujet. PNGV désigne le Partenariat pour une nouvelle génération de véhicules.

Le président: Pourriez-vous nous faire parvenir une note au sujet de tout ce qui figure à gauche, jusqu'à ce point inclusivement?

M. Nantais: Avec plaisir.

M. Smith: Ce qu'il faut retenir, monsieur le président, c'est que diverses technologies offrent des possibilités d'amélioration importantes. Ce qui ressort de ce qu'on voit ici, c'est que les moteurs conventionnels à essence pourraient bien constituer la technologie qui emporte le morceau, comme on le constate du côté gauche de la diapositive. Cette possibilité est encore très présente.

M. Nantais: Passons maintenant à la diapositive suivante, qui a trait à l'économie d'énergie des véhicules, des véhicules neufs. Je pense qu'il importe de discuter du taux de roulement observé dans le parc et des secteurs qui, franchement, offrent les meilleures possibilités et les possibilités les plus immédiates de réduction de la consommation de carburant et, par conséquent, des émissions de CO2.

Essentiellement, les véhicules neufs remplacent les véhicules plus âgés au rythme d'environ 8 p. 100 par année. Le chiffre de 8 p. 100 est divisé en 1 p. 100, 2 p. 100 et 5 p. 100. Le 1 p. 100 a trait aux nouveaux véhicules qui ont subi des modifications majeures. Ces modifications majeures ont trait à la conception technique - de la transmission, par exemple. Les 2 p. 100 ont trait aux nouveaux véhicules qui ont subi des modifications mineures, les petits ajustements effectués pour améliorer le rendement du véhicule, en réponse à d'autres types de problèmes internes. Les 5 p. 100 de ces 8 p. 100 désignent essentiellement les voitures qui reviennent simplement d'année en année, dans le cadre du cycle de vie du produit.

Ce sont les 92 p. 100 qui présentent les meilleures occasions de réductions immédiates des émissions de CO2, et nous constatons que les consommateurs réagissent plus rapidement à ces modifications qu'aux autres modifications de la conception auxquelles j'ai fait allusion. Nous devons donc tourner notre attention vers ce qui procure les possibilités ou les avantages les plus immédiats, dans ce cas-ci nous intéresser au parc routier par l'entremise du comportement des consommateurs - des éléments comme les programmes d'inspection et d'entretien, qui sont ceux qui assurent le meilleur rendement de l'investissement et qui ont l'impact environnemental le plus grand.

Le sénateur Kenny: Vous obtiendrez ainsi un meilleur rendement de l'investissement qu'en retirant certains des véhicules de la route?

M. Nantais: Retirer les véhicules plus âgés de la route fait partie du rendement de l'investissement. Nous devons transformer le parc, et il est certain qu'une façon d'y parvenir consiste à réviser certains de ces véhicules plus âgés, plus polluants et plus énergivores et à les retirer du parc.

Le sénateur Kenny: Dans certaines administrations, on les achète.

M. Nantais: C'est exact. Il existe divers programmes, des programmes de mise au rebut, si vous voulez, conçus pour régler le problème lié au pourcentage du parc qui se compose de véhicules plus âgés et plus polluants.

Le sénateur Banks: Il ne s'agit pas ici de mise à niveau, n'est-ce pas? Ce que vous dites, c'est que, par exemple, on pourra convaincre le type qui conduit une voiture à haute performance de 1988 d'utiliser une essence plus propre que celle qu'il aurait normalement utilisée? Est-ce là le genre de mesures dont il est question?

M. Nantais: Il n'est pas du tout question de mise à niveau. Cependant, vous soulevez un point intéressant, c'est-à-dire l'existence d'essences plus propres. On associe un impact considérable à l'essence plus propre, par exemple l'essence à faible teneur en soufre, et nous introduisons l'essence «choix des constructeurs», programme en vertu duquel les fabricants d'automobiles approuvent la formulation et vont même jusqu'à faire la promotion des raffineries disposées à en assurer la mise en marché.

Le fait est que tout véhicule tirerait des avantages d'une essence plus propre. C'est ainsi qu'on obtiendrait des avantages environnementaux majeurs. Vous soulevez donc un point très valable.

Le sénateur Banks: Sinon, nous pourrons tout réparer dans 100 ans. Si on disposait aujourd'hui d'une voiture «magique», il faudrait compter 100 ans avant qu'elle remplace toutes les autres.

M. Nantais: Nous allons y venir, sénateur. En fait, cette question fait l'objet de la diapositive suivante.

J'ai fait brièvement allusion au Partenariat pour une nouvelle génération de véhicules. Permettez-moi de vous donner certains renseignements généraux à ce sujet. En 1996, les trois grands fabricants d'automobiles, DaimlerChrysler, Ford et General Motors se sont associés à un programme auquel participent le gouvernement des États-Unis et divers laboratoires de recherche de ce pays, afin de mettre au point un véhicule, c'est-à-dire un véhicule abordable de la taille d'une berline moyenne d'aujourd'hui, capable de tripler les économies de carburant, c'est-à-dire effectuer environ 80 milles au gallon. En fait, le projet a produit certains bons résultats; bon nombre de recherches effectuées dans le cadre du programme et d'idées qui en sont issues ont fini par être mises en application dans des véhicules hybrides, des véhicules à pile à combustible et même dans des véhicules à essence conventionnels. Toutefois, vous avez raison de dire que le taux de remplacement des véhicules qui font partie du parc joue un rôle très important.

À l'examen de diverses études, vous constaterez bien entendu que l'introduction de toute nouvelle technologie prend du temps. Prenez par exemple le magnétoscope à cassette. Des études ont montré qu'il a fallu environ 30 ans après l'introduction du magnétoscope à cassette pour que ce dernier atteigne le niveau de pénétration du marché observé aujourd'hui. Il en va de même pour les nouveaux véhicules.

La diapositive suivante, qui a trait au calendrier estimatif du Partenariat pour une nouvelle génération de véhicules, montre essentiellement que ce n'est qu'autour de 2009 qu'on commencera vraisemblablement à vendre en grand nombre le véhicule issu du Partenariat, soit le prototype introduit en 2004. Une fois que le volume des ventes sera élevé, nous pouvons compter sur une période d'absorption par le marché de 15 à 20 ans, de sorte que, en 2030, les véhicules plus économiques issus du Partenariat auront complètement remplacé les véhicules qui composent le parc actuel.

Ainsi, sénateur, la réponse est oui. Nous devrons attendre pendant une période de 25 à 30 ans.

Le sénateur Kenny: Monsieur Nantais, auriez-vous l'obligeance de venir en aide aux membres du comité? J'ai pour ma part du mal à comprendre ce que signifie le taux de roulement de 8 p. 100. Quel est l'effet des replis ou des reprises économiques sur ce pourcentage? Quand l'économie va bien, on peut imaginer qu'un plus grand nombre de voitures se retrouvent sur les routes. Peut-on penser qu'un plus grand nombre de voitures sont également retirées de la circulation? Quel effet les fluctuations de l'économie ont-elles sur le nombre moyen présenté ici?

M. Nantais: Lorsque, de façon générale, notre industrie fait face à une période de compressions - comme, pour être tout à fait franc, c'est le cas aujourd'hui -, les fabricants de voitures tentent de réagir en proposant des incitatifs à l'achat d'un véhicule. Ils tiennent à maintenir les ventes à leur niveau actuel. Nous fabriquons donc de meilleures voitures.

Au pays, et nous faisons aujourd'hui face à une crise concernant l'abordabilité des voitures neuves. Cette crise tend à retarder l'achat d'un nouveau véhicule. Cependant, une chose demeure: la décision que prend un consommateur de faire l'achat d'un nouveau véhicule est, en fait, une décision qui peut être différée. Si le consommateur n'a pas les moyens d'acheter la voiture de son choix ou que, par exemple, il n'a pas assez confiance dans l'économie pour envisager un achat majeur, il est concevable, et peut-être même inévitable, que les ventes vont diminuer. De façon générale, cependant, la moyenne annuelle que nous constatons se situe aux alentours de 8 p. 100 par année.

Le sénateur Kenny: Les ménages sont-ils en train de passer de un véhicule et demi à deux véhicules? Les Canadiens tendent-ils à conserver leur véhicule plus longtemps? Envisage-t-on le moment où le nombre de véhicules va commencer à diminuer?

M. Smith: Ici, deux phénomènes sont en jeu. Comme les véhicules durent plus longtemps, l'âge moyen de ceux qu'on retrouve sur la route est de plus en plus élevé. Tout au long des années 90, l'âge moyen des véhicules qui composaient le parc canadien se situait à environ 8 ans. Les Canadiens conservent tout simplement leur véhicule plus longtemps. Le nombre de véhicules mis au rancart au cours d'une année donnée ne varie pas beaucoup en fonction des fluctuations de l'économie. Le nombre de véhicules neufs vendus est légèrement supérieur à la moyenne. Mais le nombre de véhicules mis au rancart, je le répète, demeure relativement constant.

Le sénateur Kenny: Qu'en est-il de l'âge des nouveaux acheteurs? A-t-on noté des changements au fil des ans? Les gens achètent-ils une voiture à un âge plus avancé ou moins avancé?

M. Smith: Je crois savoir que les données démographiques relatives aux acheteurs montrent que ceux qui font l'acquisition d'un véhicule neuf sont plus âgés. J'ignore s'il s'agit simplement d'un phénomène démographique général ou d'un problème lié à l'abordabilité, mais il n'en reste pas moins que, au Canada, les véhicules sont nettement moins abordables.

Le sénateur Kenny: Sur le plan anecdotique, l'impression que j'ai est que les jeunes n'accèdent pas de façon précoce à la propriété d'un véhicule.

M. Smith: Ils n'en ont pas les moyens.

Le président: Il faut aussi tenir compte de leur facture d'assurance.

Le sénateur Kenny: Je ne sais pas si c'est parce qu'ils ont accès au transport en commun ou parce qu'ils pratiquent le covoiturage?

M. Smith: Au Canada, le revenu disponible a diminué. Ils n'ont tout simplement pas les moyens d'acheter un véhicule.

Le sénateur Kenny: A votre connaissance, y a-t-il d'autres facteurs psychologiques en jeu?

M. Smith: Nos études montrent qu'il est clair que les gens souhaitent avoir un véhicule. Cependant, ils n'ont pas les moyens d'en acheter un.

Le président: Peut-être devrions-nous poursuivre. Je constate que vous avez encore un grand nombre de diapositives à présenter.

M. Nantais: Ne laissez pas le nombre de diapositives vous alarmer. Bon nombre d'entre elles contiennent des renseignements généraux.

Le président: Nous aimons bien poser des questions à mesure que vous présentez vos graphiques parce que cela nous aide à comprendre, mais peut-être devrions-nous garder les questions pour la fin et tenter de progresser.

M. Nantais: Je devrais peut-être orienter la discussion sur le taux de remplacement des véhicules du parc et sur certains des défis auxquels nous faisons face lorsque nous tentons d'introduire des technologies plus perfectionnées.

À titre d'industrie, nous faisons face à quelques objectifs contradictoires. Les normes relatives aux émissions posent elles-mêmes problème. Certaines administrations, par exemple, imposent des émissions relatives aux normes qui nous empêcheraient d'introduire la technologie diesel très efficiente que nous envisageons d'utiliser pour des configurations hybrides. Ce n'est qu'un exemple.

La sécurité des véhicules en est un autre. Chaque fois que nous ajoutons un nouveau dispositif de sécurité aux véhicules, ces derniers, comme j'ai déjà indiqué, tendent à s'alourdir, ce qui va à l'encontre des efforts que nous déployons pour améliorer l'efficience énergétique.

Nous faisons également face à la question de la réduction des gaz à effet de serre. Nous nous sommes engagés dans cette voie et sommes convaincus de relever le défi.

Il y a aussi, comme je l'ai indiqué, la question de l'abordabilité et de la rentabilité pour les consommateurs. Les véhicules qui font appel aux technologies de pointe doivent répondre aux besoins des consommateurs à des prix comparables à ceux des véhicules d'aujourd'hui. Lorsque, en outre, on tient compte des données démographiques, il apparaît clairement que c'est la taille des familles qui dicte les besoins liés à l'usage, à la charge utile et à l'espace intérieur. Dans de nombreux cas, les consommateurs à l'aise, qui doivent pouvoir remorquer un bateau ou une caravane, attachent une grande importance à la performance. Au moment d'apporter ces autres améliorations, on ne doit donc pas perdre de vue la capacité de remorquage et le facteur «performance».

Un autre enjeu a trait à la pertinence des formulations de carburant. Ces derniers doivent être disponibles non seulement pour les nouveaux véhicules, mais aussi pour l'ensemble du parc existant parce que tous les véhicules fonctionneront de façon plus propre s'ils utilisent les carburants appropriés.

Dans ce contexte, on devra naturellement s'intéresser à l'infrastructure de la vente de carburant. Si, par exemple, nous optons pour un carburant de type E85, soit un carburant à l'éthanol qui pourrait être dédié, on devra régler certains problèmes d'infrastructure.

J'ai aussi mentionné que nous concevons des véhicules pour l'ensemble du marché nord-américain, où nous pouvons les mettre à l'essai une seule fois, mais nous sommes en mesure de fournir la technologie, d'utiliser le marché pour obtenir l'effet de levier voulu et réduire les coûts de façon à optimiser les avantages liés à la protection de l'environnement et à la sécurité au plus faible coût possible pour les Canadiens.

J'ai fait allusion aux véhicules électriques et aux véhicules à pile à combustible. Tout examen de tels véhicules soulève bien entendu la question des conditions climatiques en vigueur au Canada. Le climat froid ne se prête pas véritablement à l'utilisation de véhicules électriques ni de véhicules à pile à combustible. Néanmoins, les fabricants d'automobiles ont fait quelques annonces récentes au sujet des véhicules faisant appel à la technologie de pointe.

À titre d'exemple, General Motors a un programme appelé ParadiGM, soit le groupe propulseur hybride de GM. On a ici affaire à toute une série de technologies applicables au groupe propulseur. C'est ce que nous appelons une approche «de portefeuille», en vertu de laquelle on envisage un volume élevé d'applications au niveau mondial. On cherche d'abord et avant tout à assurer une consommation de carburant nettement réduite, tout en répondant aux besoins des consommateurs du point de vue de la fonction. On espère obtenir un volume élevé d'ici la fin de la présente décennie, soit 100 000 unités.

Blake pourra probablement en parler plus éloquemment que moi, mais le Ford Escape est un petit véhicule utilitaire qui sera offert en nombre limité dans une configuration hybride dès 2003. Par la suite, un véhicule Ford à pile à combustible sera offert en 2004.

Par ailleurs, DaimlerChrysler s'est déjà engagé à mettre en marché des autobus à pile à combustible au début de 2002 et des voitures de tourisme à pile à combustible dès 2004.

Dès qu'il s'agit des carburants, nous devons naturellement miser sur des partenariats. Nous avons été témoins d'un certain nombre de pourparlers, et les partenariats ont été établis avec diverses sociétés pétrolières des États-Unis qui étudieront des solutions de rechange, notamment des solutions pratiques pour l'utilisation de l'infrastructure actuelle de la vente de carburant et la mise en marché plus rapide de véhicules faisant appel aux technologies nouvelles.

En ce qui concerne les carburants propres, nous passons à la diapositive suivante, qui porte sur les besoins des Canadiens en carburants propres; le rendement optimal de la technologie dont il est question ici est, je le dis franchement, entièrement dépendant de la présence des carburants appropriés. En fait, bon nombre de caractéristiques et de qualités des carburants ont une incidence sur les émissions, qu'il s'agisse du soufre, d'additifs métalliques ou de l'absence d'un contrôle des dépôts dans la chambre de combustion. Tous ces facteurs auront un certain impact sur notre capacité de répondre aux normes sur les émissions et de veiller à ce que les Canadiens tirent des avantages de la technologie dont ils font les frais. Une fois de plus, c'est tout le parc qui sera avantagé.

Ce dont nous avons besoin au Canada, c'est d'une stratégie nationale sur les combustibles propres. Ce que nous proposons pour atteindre les objectifs de notre programme d'assainissement de l'air, c'est de fonder cette stratégie sur la Charte mondiale des carburants. Peut-être n'avez-vous jamais entendu parler de la Charte mondiale des carburants. Elle traduit les recommandations de la quasi-totalité des fabricants de voitures du monde, relativement au mécanisme nécessaire pour assurer le rendement optimal et les meilleures capacités de réduction des émissions possibles des diverses catégories de technologie de contrôle des émissions. Il s'agit d'un point de repère que le gouvernement du Canada et nous devrions examiner dans le cadre de l'établissement de notre stratégie nationale des carburants.

La diapositive qui suit a trait aux besoins en carburants futurs des véhicules, et nous avons pensé qu'il valait mieux vous donner une idée des possibilités de progrès que nous avons devant nous.

Dans un avenir prévisible, l'essence et le diesel propres sont les deux carburants qui occuperont probablement le plus de place. Par carburants propres, j'entends des carburants dans lesquels la teneur en soufre est pratiquement égale à zéro. Le soufre fait figure de poison ultime ou, si vous préférez, de contaminant ultime, en ce sens qu'il réduit l'efficience des catalyseurs utilisés dans certaines des technologies, lesquelles sont absolument essentielles pour favoriser le rendement environnemental des véhicules. Par ailleurs, on offre des véhicules au gaz naturel, mais leur potentiel est limité, en raison des contraintes liées à l'infrastructure; en d'autres termes, il n'y a pas beaucoup de stations-service capables d'approvisionner les véhicules.

Le sénateur Kenny: Le gaz propane ne figure pas sur votre liste, et pourtant il existe une infrastructure cinq fois supérieure - et peut-être dix fois supérieure - à celle du gaz naturel.

M. Nantais: Vous avez raison, sénateur. Le gaz naturel est un très bon combustible. Il devrait peut-être figurer sur la liste, mais nous estimons toujours que son application va de faible à moyenne. Nous ne croyons pas qu'il gagnera la faveur du marché.

Le sénateur Kenny: À cause de son prix?

M. Nantais: Surtout à cause de son prix. Quant à l'infrastructure, vous avez raison. Elle est beaucoup mieux établie que celle du gaz naturel.

Le sénateur Kenny: Elle est mieux établie que celle du diesel. Il y a plus de stations-service qui offrent du gaz propane au Canada, c'est-à-dire plus de 5 000. Il y en a plus que pour le diesel.

M. Nantais: C'est vrai. À propos du diesel, nous parlons aussi bien des technologies futures que des technologies existantes se rapportant au moteur diesel.

Le sénateur Kenny: Le gaz propane ne figure pas sur la liste, à cause de son prix, me dites-vous?

Le président: Ce qu'il faut savoir à propos du gaz propane, c'est qu'il s'agit d'un produit dérivé. Comme je fais moi-même partie de l'industrie pétrolière et gazière, je sais qu'il y a une limite à la quantité de gaz propane par pied cube de gaz qu'on peut tirer d'un puits. Par conséquent, le marché est restreint. On ne peut tirer un plus grand nombre de produits dérivés du gaz propane parce que le gaz propane est lui-même un produit dérivé. Il est donc difficile d'assurer la pénétration du marché nord-américain. La situation est favorable au Canada parce que nous sommes d'importants producteurs de gaz.

Le sénateur Kenny: Au Canada, nous avons 5 000 stations-service. L'installation coûte 25 000 $ par proposition à un quart de million de dollars pour le gaz naturel.

M. Smith: En ce qui a trait au gaz propane, l'un des problèmes auxquels l'industrie est confrontée tient au fait que les normes relatives aux émissions sont devenues si rigoureuses que la qualité du gaz propane commence à poser problème. Le gaz propane est un produit dérivé, et sa qualité commence à poser un problème relativement important.

Le sénateur Kenny: Le fait qu'il y ait au Canada une situation quasi monopolistique a-t-il un impact?

M. Smith: Historiquement, on a surtout utilisé le gaz propane pour les barbecues, les chaudières et ainsi de suite, là où la qualité du combustible ne revêtait pas une si grande importance. Au pays, nous n'avons pas fait du gaz propane un combustible prioritaire pour les automobiles. Nous n'avons pas pris le temps voulu pour faire en sorte que la qualité du produit soit suffisante pour l'application en question. Le même problème se pose aux États-Unis.

Le sénateur Kenny: Les voitures de bon nombre de parcs fonctionnent au propane. Y a-t-il eu un changement depuis la fusion d'IGC et de Superior ou le même problème s'est-il toujours posé?

M. Smith: Je ne suis absolument pas en mesure de répondre à cette question. Au cours des dernières années, les normes relatives aux émissions ont été considérablement resserrées, et elles deviendront encore plus rigoureuses au cours des cinq prochaines années environ. Récemment, on a de nouveau mis l'accent sur la qualité du gaz propane. Dans tous les combustibles, la qualité devient critique compte tenu du genre de normes relatives aux émissions auxquelles nous faisons face.

Le président: Peut-être pourrions-nous reporter à plus tard la discussion sur le combustible. Il a soulevé un point très valable en ce qui concerne le gaz propane.

M. Nantais: Nous nous ferons un plaisir d'y revenir.

Pour conclure ce que je voulais dire au sujet de la présente diapositive, je vais glisser un mot au sujet des véhicules électriques et de l'électricité. Ces véhicules continuent de ne bénéficier que d'un créneau du marché. Des problèmes technologiques relatifs aux piles continuent de se poser, particulièrement au Canada et dans les régions où il fait froid. Il y a aussi le problème de l'infrastructure.

J'ai aussi inclus une catégorie «autre» parce qu'il est tout à fait concevable que nous opterons pour quelque chose de tout à fait différent, qu'il s'agisse des piles à combustible ou d'autres sources. Un jour ou l'autre, nous aboutirons peut-être à une molécule entièrement différente. Je ne fais que souligner qu'on consacre beaucoup de recherche aux combustibles et qu'on ne peut imaginer que la solution de l'avenir ne réside pas dans un combustible conventionnel.

J'en viens maintenant à la dernière diapositive. En résumé, monsieur le président, je souligne que tous les constructeurs automobiles mettent les bouchées doubles pour en arriver à un ensemble complet de technologies automobiles de pointe.

Ce sont les consommateurs qui doivent être à l'origine des mesures prises pour améliorer les économies de carburant.

Pour tirer des avantages des synergies évidentes entre les carburants et les technologies, nous avons de plus en plus besoin de carburants appropriés, qu'il s'agisse des configurations hybrides, des piles à combustible ou d'autres avancées technologiques.

Des carburants appropriés permettront en effet d'optimiser les avantages environnementaux recherchés.

Bref, les carburants appropriés et l'infrastructure connexe sont, en réalité, les moteurs technologiques de l'avenir. Si nous ne nous attaquons pas immédiatement à ces questions, les Canadiens et les marchés qui ne s'intéressent pas à ces questions risquent d'être privés d'une part de ces technologies.

Monsieur le président, je vais conclure mes remarques sur ce point.

Le sénateur Kenny: Si nous avons véritablement à coeur l'efficacité environnementale, la première mesure à prendre consiste à retirer les voitures de la route, n'est-ce pas?

M. Nantais: Je ne sais pas si vous cherchez une confirmation ou si vous posez une question.

Le sénateur Kenny: C'est une question.

M. Nantais: Les Canadiens se montrent très réticents à l'idée de renoncer à leur voiture. Nous n'observons aucune diminution de l'intérêt que suscite l'acquisition de voitures à des fins de transport personnel. En fait, c'est pourquoi les fabricants de voitures investissent des milliards de dollars. C'est le prix à payer pour rester dans le domaine du transport personnel.

Ce que nous devons faire, c'est retirer plus rapidement les véhicules plus âgés, moins économiques et plus polluants. Plus vite nous y parviendrons, et plus vite nous pourrons profiter des avantages des technologies de pointe.

Le sénateur Kenny: Je comprends ce que vous voulez dire à propos du retrait des vieilles voitures. Étant donné les entreprises pour qui les témoins travaillent, je ne m'attendais pas à ce qu'ils se présentent devant le comité ou devant quiconque d'autre pour dire qu'ils souhaitent vendre moins de voitures. Cependant, cette situation ne change rien au fait que la réduction du parc ou la décision des consommateurs de ne pas acheter de voitures contribuent à la diminution de la pollution. Après l'évaluation du parc automobile fédéral, on a constaté que bon nombre de véhicules étaient inutiles. Au fil des ans, le parc a diminué. L'absence de voitures a procuré des avantages environnementaux substantiels.

M. Nantais: Lorsqu'on examine les émissions totales de gaz à effet de serre au Canada, on constate que seulement 12 p. 100 du total sont imputables aux voitures et aux camions qui roulent sur les routes.

Le sénateur Kenny: Vous soulevez un point valable.

M. Nantais: Ce qui ne veut pas dire que les émissions causées par les voitures sont négligeables. Elles ne le sont pas, et c'est pourquoi nous nous attaquons au problème.

Le sénateur Kenny: Je vous reconnais le mérite de produire des véhicules moins polluants, et j'admets que vous comptez pour une portion réduite du total.

M. Nantais: Si, par exemple, nous nous intéressions à la question de l'abandon des véhicules, nous devrions tenir compte de l'impact économique sur le Canada. À l'heure actuelle, au Canada, un emploi sur sept a rapport à l'industrie automobile. Environ 12 p. 100 du PIB dans le secteur manufacturier au Canada a trait à l'industrie automobile. Cette dernière fournit 540 000 emplois directs et indirects.

Le sénateur Kenny: L'argent serait dépensé ailleurs. Ne nous engageons pas dans cette voie.

M. Nantais: Inutile de le préciser, l'industrie est un employeur majeur.

Le sénateur Kenny: Si nous additionnons les chiffres fournis par toutes les associations industrielles au chapitre de l'emploi, nous aboutissons à environ trois fois la population du pays.

M. Nantais: Je pense que les chiffres que j'ai cités sont exacts.

Le président: Ne nous égarons pas, je vous prie.

Le sénateur Kenny: J'aimerais poser une question au sujet de l'infrastructure liée au gaz naturel et à l'électricité. Le nombre de stations-service où on trouve du gaz naturel est limité. A-t-on réalisé des progrès au chapitre des dispositifs qui permettent aux personnes qui ont accès au gaz naturel à la maison de remplir leur véhicule pendant la nuit?

M. Smith: Il existe des dispositifs personnels de compression à la maison. Malgré tout, les clients ne se bousculent malheureusement à notre porte pour faire l'acquisition de tels véhicules.

Le sénateur Kenny: À long terme, pensez-vous que la croissance du marché, le cas échéant, sera stimulée par le fait que les consommateurs trouveront utile de faire le plein dans leur garage plutôt qu'à la station-service?

M. Smith: Ce sont incontestablement les parcs qui, à nos yeux, offrent les meilleures possibilités. Comme vous le savez, les parcs gouvernementaux, qui sont les plus importants au Canada, constituent les meilleures occasions de faire preuve de leadership.

Le sénateur Kenny: N'en va-t-il pas de même pour les véhicules électriques au Canada?

M. Smith: Malgré tous les efforts qui ont été déployés, nous n'avons pas réussi à surmonter tous les obstacles liés aux véhicules électriques.

À l'heure actuelle, Ford assure la mise en marché de véhicules électriques au Canada. Nous avons cependant constaté que ces véhicules ne se comportent pas très bien par temps froid. Imaginons que le rayon d'action officiel soit, disons, de 80 milles. Par moins 20 degrés sur la route, le chiffre diminue. Même si des véhicules sont entreposés au chaud, leur rayon d'action diminue dès qu'ils se trouvent à l'extérieur.

Le président: Savez-vous combien coûte l'installation d'un compresseur à domicile qui permet au consommateur de faire le plein à la fin de la journée?

M. Smith: Je crois savoir qu'un tel compresseur coûte environ 2 000 $. Je vais devoir vérifier.

Le président: De cette somme, le gouvernement pourrait fournir 1 500 $?

M. Smith: Il ne faut pas oublier que l'installation d'un réservoir spécial et d'autres dispositifs entraînent une augmentation considérable du coût du véhicule. Le gaz naturel utilisé dans un véhicule doit être entreposé à des pressions très élevées. On doit également apporter des modifications majeures à la conception du véhicule. On n'utilise pas dans un véhicule dédié le même genre de moteur que dans un véhicule à essence conventionnelle.

M. Robertson: En ce qui concerne les parcs, les parcs commerciaux aussi bien que les parcs gouvernementaux, l'industrie cible ces véhicules spécialisés et y consacre des ressources. En ce qui concerne le parc public, les préférences en matière de véhicule sont tout à fait différentes de celles du marché. Il s'agit de trouver des ressources pour construire des véhicules au gaz naturel pour le grand public. Pour l'industrie, il s'agit d'une tâche colossale, et c'est pourquoi nous nous concentrons sur les parcs.

Le sénateur Eyton: Vous faites ici allusion à un ensemble relativement complexe de possibilités et de solutions de rechange. D'abord, il est certain que les fabricants de véhicules automobiles font face à la concurrence et prennent diverses initiatives. Puis on ajoute à l'équation les fournisseurs de carburants, quels qu'ils soient, surtout les compagnies pétrolières et gazières, même si la situation est en train de changer, et on ajoute les consommateurs et leurs besoins, lesquels sont très difficiles à circonscrire. Je suis conscient de certaines difficultés liées à la mise en marché et de certaines des solutions de rechange. Enfin, on doit aussi tenir compte de la géographie.

Bravement, nous avons évoqué les normes canadiennes, mais cette question fait partie d'un ensemble de facteurs que j'ai tenté de décrire. Nous savons tous, en particulier dans le secteur manufacturier, qu'il s'agit véritablement d'un marché mondial. Les roues, les moteurs et les systèmes électroniques viennent tous d'endroits différents.

J'ai l'impression que les fabricants canadiens ont à l'occasion eu des relations conflictuelles avec les fournisseurs de carburants. Les compagnies pétrolières et gazières se montrent réticentes à l'idée d'effectuer certains des investissements que les fabricants jugent nécessaires à l'amélioration de l'efficience des voitures. Il y a là de fortes réticences. Comment cette situation cadre-t-elle dans les solutions de rechange que vous avez définies? Y a-t-il une coopération raisonnable à certains niveaux entre les compagnies pétrolières et gazières et les fabricants? Je sais que ce problème s'est posé par le passé. Dans la recherche de solutions de rechange, il me semble que les intéressés devraient tout au moins faire de leur mieux pour coordonner leurs efforts, coopérer et concevoir certains produits qui représentent la solution ultime ou la meilleure solution à laquelle vous puissiez arriver.

M. Smith: Nous coopérons avec l'industrie pétrolière. À mon avis, la question de savoir ce qui devrait être fait suscitera toujours un débat. Parce que, à l'heure actuelle, nous sommes confrontés à des défis mondiaux, les solutions devront être mondiales. Dans le partenariat établi en Californie pour les piles à combustible, par exemple, des sociétés pétrolières mondiales et des fabricants d'automobiles mondiaux coopèrent. Il ne s'agit plus d'un enjeu canadien.

Les questions qui entourent la technologie des piles à combustible représentent un problème mondial, même si, au Canada, nous faisons face à des problèmes uniques, surtout en raison de notre géographie et de notre climat. L'utilisation d'une pile à combustible à base d'eau en Californie ne pose pas les mêmes problèmes qu'à Edmonton au milieu de l'hiver. Les défis technologiques sont tout simplement différents. En ce qui concerne la technologie de demain, on note une forme de coopération que j'entrevois pour ma part avec optimisme.

Le sénateur Eyton: J'ai le sentiment que les fabricants travaillent presque uniquement par eux-mêmes, mais vous me dites que c'est faux et que, au Canada, la coopération avec les compagnies pétrolières et gazières est bonne.

M. Smith: Je n'irais pas jusque-là. C'est pourquoi j'ai pris la précaution de dire que la coopération internationale est relativement bonne en ce qui concerne les défis des technologies de pointe de l'avenir. Dans les circonstances actuelles, on note toujours une certaine résistance.

Le président: C'est sans compter le fait que les raffineries canadiennes sont pour la plupart de la «vieille ferraille» lorsqu'on les compare aux nouvelles raffineries qu'on retrouve dans le monde, particulièrement celles qui produisent de l'essence à formulation de pointe. Au pays, nous n'en avons qu'une ou deux.

La raffinerie de pétrole à formulation de pointe de Come By Chance a été vendue à condition qu'elle s'engage à ne pas vendre d'essence au Canada. La production doit aller dans l'Est. Nous protégeons un très petit groupe de raffineurs qui mettent beaucoup de temps à produire leur essence à formulation de pointe.

M. Nantais: Avec la décision la plus récente des tribunaux concernant la raffinerie de Come By Chance et la North Atlantic Rafinery, nous nous réjouissons du fait que les modalités de l'entente ont, si on veut, été assouplies et que les établissements en question exerceront des pouvoirs limités de vente de leur produit sur le continent canadien. Les établissements en question vendent de l'essence très propre, ce qui est pour nous une bonne nouvelle. Nous les accueillons avec plaisir à titre de membres du programme «choix des constructeurs».

Avec votre permission, je vais revenir sur les questions posées par le sénateur Eyton. Au Canada, on a assisté à certains faits nouveaux positifs, par exemple le fait qu'Environnement Canada a maintenant réagi à un problème, c'est-à-dire qu'on réglementait le véhicule sans réglementer le carburant. La technologie était offerte sur le marché, mais pas le carburant. Nous n'étions pas en mesure de profiter des synergies découlant de cette relation.

À l'instar de l'État de la Californie et d'autres administrations du monde, Environnement Canada a compris qu'on pouvait tirer un parti beaucoup plus grand des synergies nées de la mise en commun de la technologie et du carburant, et les deux aspects seront désormais traités comme s'ils ne faisaient qu'un.

À titre d'exemple, la réglementation la plus récente concernant la teneur réduite en soufre de l'essence est la première manifestation de la reconnaissance par le ministère du fait que le combustible doit soutenir la technologie. Lorsque nous nous orientons vers le diesel à faible teneur en soufre, qui fera l'objet de la prochaine ronde de mesures réglementaires liées aux combustibles, je crois que nous aurons l'occasion de coordonner les efforts de chacun de façon que la technologie et les combustibles soient mis en marché en même temps.

J'y vois pour ma part un autre fait nouveau positif. Nous espérons que l'industrie pétrolière réagira elle aussi.

Le sénateur Eyton: Cette réponse me fait plaisir. Cependant, comment ces efforts canadiens, qui semblent positifs, s'inscrivent-ils dans le contexte mondial? Vous avez fait allusion à la Charte mondiale des carburants qui, je suppose, constitue une sorte de norme uniforme à laquelle des pays peuvent adhérer ou se conformer. Les efforts canadiens vont-ils dans ce sens? Dans l'industrie mondiale dont il est ici question, il me semble en effet que vous n'arriverez à rien à moins que l'innovation et les normes ne fassent l'objet d'une démarche commune.

M. Nantais: Nous n'en sommes pas encore là. D'après ce que je crois comprendre, l'Institut canadien des produits pétroliers ou l'industrie semblent opposer de la résistance à l'idée même de la Charte mondiale des carburants. On a donné à toutes les industries pétrolières du monde la possibilité de faire des commentaires. La charte se compose d'une série de recommandations relatives à la qualité des carburants qui s'imposent pour diverses catégories de contrôles des émissions.

L'industrie pétrolière nous a demandé ce dont nous avions besoin pour assurer un rendement optimal. La Charge mondiale des carburants en est le reflet exact. Elle leur fait part de ce dont nous avons besoin au moment où nous nous engageons sur la voie de l'avenir.

Nous n'en sommes pas là, mais nous espérons qu'Environnement Canada considérera la Charte mondiale sur les carburants comme une sorte de point de repère, un objectif à atteindre. Nous espérons que les discussions que le ministère a eues avec notre industrie et avec d'autres intervenants serviront de point de départ aux progrès futurs.

Aux États-Unis, on a déjà fait l'annonce du diesel à faible teneur en soufre. Cette teneur en soufre, soit 15 parties par million est celle que nous cherchons à atteindre au Canada. Au moins, nous sommes en voie d'adopter - ou nous donnons une impression d'adopter - une démarche nord-américaine. Vous avez raison de dire que nous devrons davantage tenir compte du contexte mondial.

Le sénateur Eyton: Comment allez-vous vous y prendre pour convaincre les consommateurs qu'il s'agit de la voie de l'avenir, de façon qu'ils se montrent disposés à utiliser des voitures hybrides et des voitures plus économiques, lesquelles sont souvent moins puissantes et moins performantes? Je n'ai pas le sentiment que vous avez eu beaucoup de succès au Canada à ce chapitre.

Je sais qu'en Californie, où on a tendance à être un peu plus avancé au chapitre des exigences applicables aux véhicules, les voitures en question n'ont pas connu un très grand succès auprès des consommateurs. Comment persuader les consommateurs qu'ils ont en fait besoin d'un nouveau type de voiture?

M. Smith: À ce stade-ci, les normes fédérales américaines relatives aux émissions sont les plus perfectionnées au monde. Comme nous appartenons à un marché unique, l'Amérique du Nord devra se doter du combustible le plus perfectionné qui soit. Le leadership qu'avait la Californie a en quelque sorte été transmis.

Le sénateur Banks: Transmis où?

M. Smith: Les exigences fédérales américaines sont aujourd'hui les plus perfectionnées.

Le sénateur Banks: Elles ont surpassé celles de la Californie?

M. Smith: Oui, tant et si bien que la Californie a dû apporter certaines modifications pour suivre le rythme.

Si nous devions utiliser une seule expression pour résumer les «exigences» du consommateur, ce serait «pas de compromis». Ils tiennent à plus de puissance. Ils veulent des voitures plus luxueuses, mais qui ne coûtent pas plus cher, et ils se soucient assez peu de la technologie. Pour eux, la technologie doit être invisible, intégrée. Si nous ne sommes pas en mesure de livrer la marchandise, ils ne l'achèteront pas.

Le sénateur Banks: Vous adoptez une sorte de rôle évangélique - pour parvenir à vos fins, vous devrez d'une façon ou d'une autre convaincre les consommateurs qu'il est préférable de conduire un patin à roulettes capitonné qu'un véhicule utilitaire doté d'un empattement à ne plus finir.

M. Ford: Personnellement, je suis convaincu que les préférences des consommateurs vont changer au fil du temps, particulièrement si on tient compte d'autres facteurs à propos desquels l'éducation et la sensibilisation ont modifié les habitudes. Par exemple, les attitudes des gens vis-à-vis de l'exercice ont changé. Je pense qu'il en va de même pour les questions environnementales. Cependant, ce ne sera pas facile.

Le sénateur Banks: D'après tout ce que vous nous avez dit et pour revenir aux questions posées par le sénateur Eyton, quel est l'obstacle aux plus importantes améliorations ou la prise de position qui vous empêche d'aller où vous voulez aller - du côté de la vertu - c'est-à-dire la convergence de la technologie? Vous avez fait allusion au temps que le format VHS a mis à pénétrer le marché. S'il a fallu tant de temps, c'est parce qu'il y avait des technologies concurrentielles. S'il avait été le premier type de magnétoscope à cassette à être mis en marché, le format VHS aurait pénétré beaucoup plus rapidement une part plus importante du marché. Cependant, il y avait des technologies concurrentielles, soit le Beta, système supérieur du point de vue de la technologie, et le VHS, système inférieur du point de vue technologique, mais disponible plus rapidement et moins coûteux. La coexistence des deux systèmes a nui à la pénétration du marché, phénomène qui, naturellement, constitue un obstacle à la réduction des coûts.

Le président: Quel est le rapport avec les voitures?

Le sénateur Banks: Y-a-t-il un quelconque organisme cadre - peut-être le vôtre - qui s'efforce d'obtenir que tous les intervenants acceptent un jour une convergence des technologies et s'entendent sur ce qu'elles feront? Pour régler les problèmes liés aux émissions, à l'efficience et à la sécurité - et je comprends qu'il s'agit de questions complexes - tôt ou tard, on devra mettre tous ces éléments en commun. Les intervenants devront se regrouper à bord de six bateaux plutôt qu'à bord de 25. Y a-t-il un organisme qui s'efforce de réaliser les synergies auxquelles M. Nantais a fait allusion?

M. Smith: Je vais tenter de répondre de quelque façon, mais la réponse brève est non.

Le sénateur Banks: Voilà le problème.

M. Smith: N'oubliez pas que le choix et le respect d'une technologie ne peut faire l'objet d'une discussion indépendante. En fait, cette discussion dépend largement du combustible ou des combustibles qui sortiront «gagnants». Nous vivons dans un monde dans lequel les combustibles fossiles finiront un jour par s'épuiser. La question est de savoir quand cela se produira. Il s'agit d'une ressource limitée. Nous aurons alors à nous orienter vers une énergie renouvelable.

Aujourd'hui, il existe des combustibles renouvelables. Du point de vue de la réduction des gaz à effet de serre, l'éthanol tiré de la biomasse est très prometteur. Tous les fabricants d'automobiles sont capables d'utiliser l'éthanol. Cependant, il n'y a pas au Canada d'infrastructure pour l'éthanol de type E85. Pas une seule. À l'heure actuelle, cette avenue ne semble pas susciter beaucoup d'intérêt auprès des responsables de la politique gouvernementale.

Même en ce qui concerne le gaz naturel et le gaz propane, l'industrie pétrolière vous dira qu'elle préconise d'autres applications pour ces combustibles, que, du point de vue de la réduction des gaz à effet de serre, ils se prêtent mieux à des applications stationnaires et qu'elle préférerait qu'on s'engage dans cette voie.

Le sénateur Banks: N'allons-nous pas nous retrouver une fois de plus à courir follement dans toutes les directions?

M. Smith: Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas une décision que l'industrie automobile est en mesure de prendre. À maints égards, il s'agit d'une question mondiale. En raison du coût de la technologie et de la conception des véhicules, il s'agit à tout le moins d'une question multinationale. Au Canada, nous ne pouvons pas choisir d'agir indépendamment de nos partenaires commerciaux tout en produisant une technologie automobile abordable. Le marché est trop petit.

Le sénateur Banks: Nous sommes donc loin de toute solution.

Le sénateur Adams: Je me souviens que, dans les années 80, les fabricants se préoccupaient des émissions de CO2 et de l'introduction de voitures non polluantes.

Entre cette époque et aujourd'hui, le seul changement que je constate a trait au prix de l'essence. Chaque semaine, le prix de l'essence augmente ou diminue. En 1980, soit il y a plus de 15 ans, des témoins nous ont dit que certaines sociétés pétrolières refusaient de vendre l'essence parce que les prix étaient à la baisse, aujourd'hui, il semble que les prix ne varient que de 1 cent le litre environ. Le phénomène s'explique-t-il par une quelconque politique gouvernementale, provinciale ou fédérale?

Le parallèle qu'on peut établir entre la vente de cigarettes et celle d'essence tient au fait qu'il est très facile de majorer les taxes. Les fournisseurs d'essence peuvent faire à leur guise. J'aurai beau vouloir une augmentation de salaire la semaine prochaine, rien ne va bouger.

M. Nantais: L'industrie automobile se tient loin de la question de l'établissement du prix de l'essence. Les données montrent que les consommateurs finiront un jour par répondre au coût du combustible. Ils ont un budget de transport déterminé. Si le prix du carburant demeure élevé, un certain impact finira bien par se faire sentir.

C'est ce qu'on a observé dans d'autres pays du monde. En Italie, par exemple, où les prix de l'essence sont parmi les plus élevés au monde, le parc se compose de véhicules de très petite taille et très économiques.

Si les prix demeurent élevés au Canada, la question est de savoir l'influence que le phénomène aura sur la vente des véhicules. On doit en outre tenir compte d'autres facteurs, par exemple l'abordabilité des véhicules, le revenu disponible et, une fois de plus, le budget de transport limité que tous les foyers semblent avoir. L'impact sur les mentalités et les comportements se fera sentir dès que ce seuil aura été dépassé. Ai-je répondu à votre question?

M. Smith: En Amérique du Nord en général, et au Canada en particulier, les prix de l'essence sont toujours relativement bas. Selon un commentaire qu'on entend souvent, un litre d'essence ne coûte pas plus cher qu'une bouteille d'eau.

Les consommateurs prennent leur décision en fonction de ce qu'ils perçoivent comme étant l'orientation à long terme des prix. La volatilité à court terme est l'un des éléments qui, de toute évidence, plonge les consommateurs dans la frustration.

Le sénateur Adams: Une différence importante entre le Canada et l'Europe tient au fait que, au Canada, le climat est beaucoup rigoureux. Pour ma part, je vis dans l'Arctique. Avant de monter dans ma voiture, je dois faire tourner le moteur pendant 15 ou 20 minutes pour le réchauffer. Les prix de l'essence ont beau être plus cher en Europe, les automobilistes peuvent se mettre en route dès qu'ils ont mis le contact. Quant à nous, nous avons dépensé de l'argent avant de monter à bord de la voiture.

M. Nantais: Vous soulevez là une question intéressante. Bon nombre de personnes prennent l'exemple d'administrations comme celles de l'Europe et tentent simplement d'adapter leur situation ou de l'appliquer au Canada. Nous vivons dans un pays très différent à maints égards. On ne peut se contenter d'adapter les situations ou de les emprunter et de les appliquer parce que nous sommes différents. Nous ne devons pas l'oublier.

Le président: Je tiens à remercier les représentants de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules d'avoir comparu devant le comité pour discuter de questions liées à l'énergie.

Notre prochain témoin est M. Donald Dewees de l'Université de Toronto.

Cet après-midi, nous allons poursuivre les audiences relatives à la Loi sur la protection des jeunes contre le tabac. Puis, pendant le reste de la matinée, nous allons poursuivre notre étude des questions se rapportant à l'énergie. Le but de l'étude vise à donner aux membres du comité la possibilité de se faire une meilleure idée des points de vue et des préoccupations des Canadiens au sujet des changements rapides et importants que connaît le secteur énergétique au pays. Une fois que nous aurons recueilli les données voulues, le comité préparera un rapport assorti de recommandations qui sera soumis au Sénat.

M. Donald N. Dewees, Département de sciences économiques, Faculté de droit, Université de Toronto: Je vous remercie, monsieur le président.

J'enseigne l'économique et le droit à l'Université de Toronto. Depuis 1998, je suis l'un des deux vice-présidents de l'Ontario Market Design Committee. Nous conseillons le gouvernement de l'Ontario relativement aux règles de la restructuration du secteur de l'électricité en Ontario.

Je me propose d'aborder avec vous la question de la restructuration en général et ses répercussions pour l'environnement et l'énergie nucléaire, questions auxquelles notre comité ne s'est pas beaucoup intéressé, mais que j'ai par la suite quelque peu étudiées.

Je présenterai d'abord un bref aperçu de la restructuration du secteur de l'électricité elle-même, je dirai un mot des répercussions d'un marché restructuré d'électricité sur l'investissement dans de nouveaux modes de génération et des conséquences de la réglementation environnementale sur le prix de l'électricité; j'aborderai la structure de coût de l'énergie nucléaire et son intégration dans un marché de l'électricité restructuré, j'aborderai la question des prix futurs de l'électricité et je conclurai sur quelques conséquences sur le rôle de l'énergie nucléaire en Ontario au moins dans un proche avenir.

De façon générale, on dit que la restructuration du secteur de l'électricité vise d'abord et avant tout à améliorer l'efficience de la production d'électricité. Le projet se divise en deux volets: premièrement, rendre les usines génératrices plus efficientes; deuxièmement, encourager la prise de meilleures décisions relativement aux investissements dans de nouveaux modes de génération. Dans d'autres administrations, ces promesses ont été remplies. Ces exemples permettent d'encourager avec enthousiasme la restructuration du secteur en Amérique du Nord.

Le président: J'ai pensé que le but principal avait trait non seulement à l'efficience, à un meilleur fonctionnement et de meilleurs investissements, mais aussi à la pollution. En raison de la taille gigantesque des usines de production d'électricité, je pensais que la pollution serait au coeur de la décision du gouvernement d'aller ou non de l'avant.

M. Dewees: En ce qui concerne les centrales nucléaires?

Le président: Non, je faisais référence à toutes les régions du monde. Par exemple, je viens tout juste de rentrer de Chine. On y retrouve des centrales au charbon très efficientes, mais, comme elles sont une source de pollution, on les convertit en centrales nucléaires.

Si je voulais construire une centrale importante pour approvisionner l'Ontario en électricité et que je déclarais avoir une méthode bon marché pour ce faire, laquelle ne ferait pas appel au charbon, mais entraînerait le déversement de tonnes de soufre dans l'atmosphère, je n'irais pas bien loin. La question va bien au-delà de l'efficience des usines.

M. Dewees: Absolument. Vous avez parfaitement raison. Toutes ces questions se profilent dans l'ombre des réglementations environnementales existantes.

Le président: Je vois. Nous sommes censés de comprendre que ces questions se profilent dans l'ombre de celles qui ont trait à l'environnement. C'est d'accord.

M. Dewees: Oui. Il y a eu à la fois des règlements sur l'évaluation environnementale et des règlements sur les émissions.

Le président: Je n'avais pas vu celles qui se rapportent à l'environnement.

M. Dewees: Ça va venir. D'ailleurs, j'y arrive.

La restructuration avait également pour but l'établissement d'un marché de gros concurrentiel. La mesure vise à discipliner l'investissement dans de nouveaux modes de production. Si le marché de gros est concurrentiel, les entreprises qui souhaitent investir dans de nouveaux modes de production doivent avoir l'assurance de réussir dans un marché concurrentiel pour être en mesure de consentir un nouvel investissement.

Faire profiter les consommateurs des avantages de telles économies est un troisième but de la restructuration. Si les avantages de telles mesures ne rejoignent jamais les consommateurs, l'appui politique ne sera pas bien grand.

Dans de nombreuses administrations, la restructuration de l'électricité a notamment eu pour conséquence cruciale une modification du régime de fixation des prix. Dans le cadre d'un service public d'électricité réglementé, comme celui qui a par le passé caractérisé l'essentiel de l'Amérique du Nord, le prix fixé correspond habituellement au coût moyen. Le prix renferme tous les coûts d'exploitation et d'investissement.

La plupart des marchés concurrentiels génèrent un prix au comptant ou un prix du marché, lequel est fixé, si la concurrence fait son oeuvre, par le coût marginal - le coût de la génération d'une autre unité d'électricité au moment présent.

Cette modification du régime de fixation des prix a pour conséquence que les prix de l'électricité rendent mieux compte des coûts réels. Les prix peuvent fluctuer pendant la journée, entre les jours de semaine et de fin de semaine et selon les saisons. Ainsi, le prix de l'électricité renseigne les consommateurs sur les coûts réels de production. Aux yeux des économistes, il s'agit là d'un avantage.

L'inconvénient, c'est que les prix deviennent plus volatiles. Naturellement, il s'agit d'une question préoccupante qui a suscité beaucoup d'attention en Alberta et en Californie au cours de la dernière année.

Intéressons-nous maintenant aux décisions concernant les nouveaux investissements dans les modes de génération. Lorsque, par le passé, on avait affaire à un producteur en situation de monopole, qu'il s'agisse d'Ontario Hydro ou de l'un ou l'autre des services publics réglementés des États-Unis, on planifiait l'investissement de manière à répondre à la demande. Le service public prévoit la demande dont ses services feront l'objet et se dote ou tente de se doter de la capacité nécessaire pour répondre à la demande. En contrepartie, l'organisme de réglementation autorise le producteur à recouvrer des coûts raisonnables.

À titre d'exemple, on peut citer la construction de la centrale nucléaire de Darlington en Ontario, à la fin des années 80 et au début des années 90. Le coût de cette centrale a largement dépassé les prévisions initiales. Cependant, on a autorisé Ontario Hydro à recouvrer ces coûts - ou la majeure partie d'entre eux - à même les tarifs imposés. Au cours d'une période de trois à quatre ans au début des années 90, les tarifs ont donc augmenté de 28 p. 100 en raison de la mise en service de cette nouvelle centrale.

Si le marché avait été concurrentiel en 1990 et après, c'est-à-dire au moment où l'usine a été mise en service, la capacité excédentaire aurait entraîné une diminution des prix, et non une augmentation. Ce sont les investisseurs qui auraient bu un bouillon, et non les utilisateurs d'électricité qui auraient dû assumer des coûts plus élevés.

Le sénateur Banks: Êtes-vous en train de nous dire que les prix auraient diminué en raison de l'existence d'un organisme de réglementation qui détermine la marge de profit admissible? Est-ce pour cette raison que les prix auraient diminué?

M. Dewees: Non. Dans un marché concurrentiel, le prix est fonction des forces du marché. Dans un marché concurrentiel, le prix de gros n'est pas réglementé. Le prix aurait diminué en raison d'une augmentation de l'offre et d'une stagnation de la demande. Comme le prix est fixé par l'offre et la demande, une augmentation marquée de l'offre, comme celle qu'a entraînée la mise en service de la centrale nucléaire de Darlington aurait dû, en l'absence de l'augmentation de la demande qui était prévue et qui était à l'origine du projet, mais qui ne s'est jamais matérialisée, entraîner une diminution des prix, simplement sous l'impulsion des forces du marché.

C'est là la principale différence entre le mode réglementé, où l'organisme de réglementation autorise le producteur à passer les coûts, et le marché concurrentiel non réglementé, où les prix sont fonction de l'offre et de la demande.

On s'inquiète de l'investissement dans les marchés restructurés, mais, de façon générale, ces marchés ont stimulé des investissements suffisants. Même si à l'évidence, l'Alberta connaît actuellement une sorte de crise, on n'en est pas moins à se doter d'une capacité additionnelle. Il en va de même en Californie.

C'est pendant la période de réglementation, soit de 1990 à 1999, qu'il y a eu pénurie de construction en Californie. Le fait que la capacité de cet État soit aujourd'hui insuffisante n'a presque rien à voir avec la restructuration et a beaucoup à voir avec la réglementation environnementale très stricte et le rôle non négligeable du syndrome «pas dans ma cour». Il y a toutefois un élément qui revêt une importance capitale dans un marché restructuré: l'investissement va seulement se concrétiser si le prix est suffisamment élevé pour que l'entreprise soit rentable. Par conséquent, la nécessité pour les producteurs d'obtenir un taux de rendement raisonnable sur l'exploitation de leur nouvelle centrale est ce qui viendra déterminer à quel moment la nouvelle centrale est construite. Si, à un moment donné, le prix est peu élevé parce que l'offre est abondante, personne ne va construire pour ajouter à la capacité, tant et aussi longtemps que le prix n'augmentera pas, que les investisseurs ne diront pas: je peux faire de l'argent en installant une nouvelle centrale ici».

Une dernière remarque à propos de l'investissement. L'incertitude entourant la restructuration peut retarder l'investissement ou y nuire. Concevoir une restructuration du secteur de l'électricité exige beaucoup de temps. On ne peut simplement prendre ce qui a été fait ailleurs et l'appliquer bêtement ici. Chaque situation est différente. Il faut des années pour passer à travers toute la série de règles applicables au marché. Entre le moment où le processus de restructuration s'enclenche et celui où l'ensemble des règles est en place, les investisseurs sont susceptibles de garder leur portefeuille fermé. Cela ne les intéresse pas d'investir avant le moment où les règles seront telles que le prix de l'électricité augmentera de quelques dollars le mégawatt-heure. C'est à partir d'une base de 35 ou 40 $ mégawatt/heure, c'est-à-dire un prix de gros de trois ou quatre cents le kilowatt-heure. Or, il n'est pas déraisonnable de devoir payer un dollar ou deux pour des règles environnementales raisonnables.

Je note ici à la lecture du quatrième point centré, qu'en Californie, durant l'été 2000, les règles très sévères concernant les émissions d'oxydes d'azote dans le sud de la Californie, conjuguées au fonctionnement à plein régime des centrales en raison d'une très grande demande, ont débouché sur une demande élevée de droits d'émission d'oxydes d'azote, ce qui a ajouté 50 $ le mégawatt-heure au prix de l'électricité dans cet État américain. C'est plus que le prix de gros de l'électricité en Californie deux ans plus tôt - une simple règle concernant la pollution de l'air explique cela.

Par conséquent, si, dans l'ensemble, nous pouvons croire que la réglementation environnementale aurait peu d'effet sur le prix de l'électricité, il faut noter que l'effet est parfois très important. Ce qui est arrivé en Californie devrait inciter les responsables à repenser certains aspects de leur réglementation environnementale, non pas à y renoncer, mais plutôt à réfléchir à la façon précise de mettre cela en place.

Le sénateur Banks: Vous voulez dire des compromis?

M. Dewees: Je ne crois pas. Enfin, ça dépend de ce que vous entendez par compromis. D'une part, on aurait la marge de manoeuvre nécessaire pour échanger d'une saison à l'autre les quotas en ce qui concerne les émissions de dioxyde de soufre, comme cela se fait aux États-Unis. Si une entreprise d'électricité n'épuise pas les droits d'émissions dont elle dispose pour une saison, elle peut les mettre en banque et s'en servir durant une saison ultérieure. L'entreprise prudente en gardera en banque un certain nombre. De cette façon, durant l'été où tout fonctionne à plein régime, elle peut piger pour ainsi dire dans son compte de banque. Bien sûr, cela veut dire plus de pollution durant l'été en question, et cela ne fonctionnerait que s'il y avait eu un été où la pollution était moins importante auparavant. Selon moi, les Californiens - s'ils sont appelés à choisir entre les pannes de courant ou des échanges d'émission d'une année à l'autre - choisiraient probablement les échanges, d'une saison à l'autre.

Je parle brièvement du dioxyde de carbone. Les efforts importants mis en place pour contrôler les émissions de dioxyde de carbone se traduiront par une augmentation importante du prix de l'électricité, du moins dans le cas du charbon.

Le sénateur Kenny: Est-ce là l'alternative: des pannes d'électricité localisées ou des normes différentes en matière d'émissions?

M. Dewees: À court terme, en Californie, l'été dernier, on en était rendu là. Dans un système bien rodé, c'est-à-dire celui où il n'y a pas de grande surprise - et il y a eu de grandes surprises en Californie l'été dernier - ou dans un système qui donne une plus grande marge de manoeuvre que le système californien, ce choix ne devrait pas se présenter.

Si vous savez à quoi vont ressembler les règles et que vous prévoyez avec une certaine rigueur votre production, alors vous pouvez dire: «Nous avons besoin de mettre en place de meilleurs contrôles. Il nous faut modifier cette unité pour la rendre plus efficiente. Il nous faut passer du charbon au gaz naturel, pour être bien prêt au moment où les choses vont se corser». Par conséquent, on ne s'attendrait pas à être obligé de choisir entre les pannes de courant localisées et l'environnement. Tout de même, quand plusieurs choses tournent mal en même temps, comme cela est arrivé en Californie, le choix peut se présenter.

Cela veut dire que l'Ontario, au moment d'échafauder ses projets, devrait garder à l'esprit l'expérience californienne et se poser une question: notre façon de concevoir la production et la réglementation environnementale nous épargnera-t-elle ce choix terrible à l'avenir? Je crois qu'il est possible de concevoir les choses de manière à contourner le problème, mais c'est un phénomène qui peut se produire.

Pour ce qui est du dioxyde de carbone, si vous imposez une taxe de 10 $ la tonne de CO2, ce qui représente 37 $ la tonne de carbone, cela se traduit par une augmentation du prix de l'électricité de l'ordre de 10 $ le mégawatt-heure dans le cas d'une centrale alimentée au charbon. Sauf tout le respect que je vous dois, je ne connais personne au Canada ni aux États-Unis qui prévoit appliquer des contrôles importants aux émissions de dioxyde de carbone; je ne crois donc pas que cela aurait une incidence notable sur le prix de l'électricité dans un avenir prévisible.

Qu'est-ce que tout cela a à faire avec l'énergie nucléaire? La technologie du nucléaire suppose un coût d'investissement important et un coût d'exploitation relativement bas. Le délai de mise en oeuvre est long, ce qui ajoute à l'incertitude entourant le coût d'investissement. Les coûts de remise en valeur, l'expérience nous le démontre, sont élevés. Si une entreprise d'électricité doit démonter sa centrale et en reconstruire une bonne partie, les coûts ont tendance à être élevés.

De la façon dont les coûts sont structurés sur un marché concurrentiel, les propriétaires d'une centrale nucléaire vont probablement opter pour une soumission peu élevée et fonctionner de façon ininterrompue. Ils ne veulent pas cesser leurs activités pour devoir ensuite remettre une centrale en marche. Ils veulent que leur centrale fonctionne continuellement, les coûts de l'exploitation étant relativement bas. Il serait à prévoir que les centrales nucléaires, comme ce serait le cas sur le marché monopolistique, fonctionnent toujours lorsqu'elles sont «disponibles».

Quant à la construction de centrales, même si les coûts du nucléaire baissent, il faudra encore qu'ils atteignent le niveau de l'énergie thermique, dont les coûts baissent depuis des années. Je crois que ce sera très difficile.

Le président: J'ai remarqué que vous avez dit qu'en raison de la baisse du coût des combustibles fossiles, la machine est moins efficiente. La situation du gouvernement albertain prouve bien que le prix des hydrocarbures n'est pas à la baisse.

M. Dewees: Vous avez raison. Ralph Klein ne peut mettre cela à son compte.

Le président: Vous ne nous comprenez pas, nous, les Albertains. Nous savons que Dieu a mis le pétrole sous la terre, mais Il a choisi de ne pas le révéler tant et aussi longtemps que nous n'avons pas porté au pouvoir les Conservateurs.

M. Dewees: Oui, monsieur. Le coût de la production de l'électricité tend à baisser depuis dix ans en raison de l'évolution technique continuelle qui marque le secteur de la production depuis des années. Si les prix ont augmenté récemment, on s'attend généralement à ce que, à long terme, les progrès techniques se poursuivent; ceux qui souhaiteraient construire d'autres centrales nucléaires se donnent donc une tâche assez difficile.

Quel sera le prix de l'électricité à l'avenir? Si je pouvais le dire avec certitude, bien sûr, je ne serais pas ici; je serais à bord de mon yacht en train de jouir de toutes mes richesses. Tout de même, je peux formuler certaines observations à ce sujet.

Le premier point centré reprend simplement l'idée que je viens de faire valoir, soit que les coûts de production ont baissé. On pourrait s'attendre à cela comme toile de fond.

Si la concurrence permet d'améliorer l'efficience de la production, cela devrait avoir tendance à réduire le prix de l'électricité. Tout de même, le prix de l'électricité aujourd'hui, particulièrement en Ontario, et je le dis avec prudence, est trop bas pour que cela soit considéré comme réaliste. Le prix est gelé depuis plusieurs années. Cela ne nous permet pas de rembourser la dette très importante accumulée par Ontario Hydro.

Si on se fie à l'évolution passée des prix, on pourrait donc s'attendre à ce que le prix augmente à l'avenir. Durant les travaux du comité chargé de concevoir le marché ouvert de l'électricité, en 1998, on nous a dit à maintes reprises que le prix courant de l'électricité en Ontario n'était pas suffisamment élevé pour qu'il y ait une nouvelle production. À moins d'une évolution sensible de la situation et étant donné le prix plus élevé du gaz naturel que nous connaissons aujourd'hui, je ne crois pas que... - restructuration ou pas, je m'attends à ce que le prix de l'électricité en Ontario connaisse une certaine augmentation. C'est la toile de fond dont je parlais.

La question n'est donc pas de savoir si la concurrence aura pour effet de faire baisser les prix. La question est plutôt la suivante: «quel effet la concurrence aura-t-elle sur les prix, par opposition à ce qui se serait passé s'il n'y avait pas eu de concurrence?»

Le gaz naturel est le combustible de choix pour quasiment toute la nouvelle production. Le prix du gaz naturel va donc avoir un effet important sur le prix de l'électricité. C'est le combustible qui va se trouver à la marge. Sur un marché concurrentiel, le prix du gaz naturel ira donc de pair avec le prix au comptant de l'électricité.

À court terme, le prix concurrentiel de l'électricité dépendra de l'offre et de la demande. En Ontario, il faudra donc savoir si le programme de reconversion du nucléaire fonctionne bien - le NAOP, comme on l'appelle -, combien des sept centrales nucléaires désaffectées vont entrer en service à nouveau durant les trois ou quatre prochaines années. Plus il y en a qui entrent en service, plus l'offre sera abondante et, par conséquent, plus le prix est susceptible de baisser. Cela va dépendre de la croissance de la demande, évidemment, et du prix du gaz naturel, dans la mesure où le gaz naturel devient un combustible plus important en Ontario.

Les échanges commerciaux avec les États-Unis et le Québec auront une incidence sur le prix en Ontario, sur un marché concurrentiel. Le prix québécois a tendance à être un peu moins élevé. Le prix américain, dans les États voisins, a tendance à être un peu plus élevé. L'Ontario se situera probablement entre les deux, si nous présumons du fait que l'on commercera librement avec le Québec et les États-Unis.

Globalement, je crois qu'il y aura probablement une certaine augmentation des prix, quelle que soit l'issue du projet de restructuration dans la province de l'Ontario.

Quelles sont les conséquences pour l'énergie nucléaire? Avec la concurrence, l'investissement dépend des profits escomptés. La centrale à cycle mixte, dont la technologie est présente dans la plupart des nouvelles installations de production, et la centrale de production combinée, dont l'intérêt est de récupérer les derniers éléments de chaleur pour les transformer en vapeur afin de faire fonctionner votre usine à pâte de papier ou votre raffinerie ou un quelconque procédé industriel, ont actuellement la faveur des investisseurs. C'est ce que toute autre usine envisagée doit essayer de dépasser.

Le fait que le prix du gaz naturel soit élevé de nos jours est un coup de pouce pour les autres combustibles. Nous croyons que le prix du gaz naturel va demeurer élevé, ceux qui souhaitent mettre autre chose sur le marché ont la vie un peu plus facile. Soyons francs: il existe très peu de projets de construction de centrales alimentées au charbon en Amérique du Nord. Je crois que l'Alberta est l'un des endroits où on envisage d'en construire, mais il n'y a pas grand-chose qui se passe ailleurs sur ce plan, d'après ce que j'ai pu voir.

Je ne suis pas au courant d'un quelconque projet de construction de centrale nucléaire en Amérique du Nord en ce moment. La centrale nucléaire ne semble pas présenter un dossier qui se justifie économiquement de nos jours.

Les tentatives faites pour garder les prix à un niveau peu élevé, qu'il s'agisse de se donner un marché où la concurrence est plus vigoureuse ou d'adopter une mesure étatique quelconque pour restreindre les augmentations de prix, compliqueront évidemment la tâche à qui souhaite mettre sur le marché un combustible au coût plus élevé. Je ne crois pas que le nucléaire puisse se révéler concurrentiel dans un avenir prévisible.

Les centrales nucléaires existantes devraient continuer à présenter un intérêt dans la mesure où elles fonctionnent sans cesse.

Le sénateur Banks: Comptez-vous celles qui seront remises en service? Vous affirmez que l'on ne construit pas de nouvelle centrale nucléaire, mais il est certainement question d'en remettre à neuf, d'en réactiver un nombre important, d'après ce qu'on entend. La centrale de Pickering est en voie d'être vendue et remise en service, et le cas de quelques autres centrales est envisagé.

M. Dewees: Vous avez raison. Je crois qu'Ontario Hydro travaille au dossier de Pickering et est en train, je crois, de vendre la centrale de Bruce, A et B inclus. La centrale A ne fonctionne plus du tout, mais la centrale B est en service. Je crois que l'acheteur va s'appliquer à remettre en service certains éléments de la centrale A de Bruce.

Le sénateur Banks: C'est presque une parenthèse. Il y aura une augmentation de la quantité d'énergie nucléaire disponible sur le marché, que l'on construise des centrales nouvelles ou non, c'est bien cela?

M. Dewees: C'est ce que j'en déduis moi aussi. Je m'attends à ce que de nouveaux éléments nucléaires soient mis en service, remis en service. Certes, l'acheteur des installations de Bruce ne remettra les centrales en service que si cela est rentable pour lui, si le coût de réaménagement des unités en question est inférieur à la somme qu'il faut engager pour offrir cette capacité par d'autres moyens - et j'espère qu'il y arrivera.

Je ne sais pas si la remise en état des unités de Pickering répond aux mêmes critères de marché que ce qui s'applique avant l'ouverture du marché. Je ne peux donc me prononcer sur le caractère économique de cette entreprise.

Par contre, une fois le marché ouvert, un des avantages de la chose, c'est que si quelqu'un investit dans la remise en état d'une centrale nucléaire, il met son argent en jeu, ce qui veut dire qu'il croit que ce sera un investissement rentable. Je m'attends à ce qu'au moins quelques-unes des centrales en question soient remises en service et viennent augmenter l'offre. Ces unités de centrales nucléaires devraient donc continuer à présenter un intérêt tant et aussi longtemps qu'elles peuvent continuer d'être exploitées moyennant un coût raisonnable.

Voilà qui conclut mon exposé. Je serai heureux de répondre à toutes les questions que vous voulez me poser.

Le sénateur Adams: Certains témoins ont affirmé qu'Ontario Power Generation détient un monopole. Ils ont affirmé qu'il est difficile pour une entreprise du secteur privé de s'engager dans le secteur de la production d'énergie. Nous savons qu'Ontario Hydro a encore un déficit de 20 milliards de dollars. Nous voulons que d'autres gens s'engagent dans le secteur, mais il y a encore un monopole. Comment les choses fonctionnent-elles?

M. Dewees: Je crois qu'il faut traiter de plusieurs points ici. Vous avez raison de dire qu'Ontario Power Generation est près d'avoir le monopole de la production en Ontario, et nous n'aurons un marché concurrentiel efficace en Ontario qu'au moment où OPG se sera défait d'une bonne part de la capacité de production actuelle.

Lorsque la vente de l'unité de Bruce se réalisera, nous ferons un pas important dans cette direction. Je crois savoir qu'OPG a annoncé hier son intention de vendre plusieurs de ses centrales thermiques, ce qui représentera un autre pas important dans la même direction.

Tout de même, nous devrions seulement croire à l'existence d'un marché concurrentiel en Ontario au moment où il y aura en place la structure propre à un marché concurrentiel, où aucune entreprise ne domine le secteur de la production. À l'heure actuelle, nous sommes très loin du but.

Ontario Power Generation entend, j'en suis sûr, gérer ses coûts. Avec l'apparition de la concurrence, elle sera contrainte de gérer ses coûts et d'essayer de les faire baisser. Si elle réussit, il sera plus difficile pour d'autres entreprises de s'engager dans le secteur et de construire de nouvelles installations de production. Si elle réussit à maintenir un prix bas pour un certain temps, c'est également une bonne chose; nous allons profiter d'un prix bas. Au fur et à mesure que la demande augmente au fil du temps, que l'excédent de capacité est absorbé, nous allons atteindre un point où le prix augmente. Le jeu de l'offre et de la demande fera augmenter le prix, et ce prix augmentera jusqu'à ce que les investisseurs disent: «Je crois que je peux faire de l'argent en investissant dans une nouvelle usine».

Je ne suis pas devin, de sorte que je ne pourrai vous dire à quel prix se situera l'électricité au moment où les investisseurs décideront de construire. Il y a une certaine construction qui est prévue pour le secteur de la production en Ontario en ce moment même. Cependant, nous allons devoir attendre de voir comment cela va prendre forme au bout du compte.

Tout de même, vous avez raison. Il y a deux étapes. La première consiste à mettre en place une structure concurrentielle, puis il faut laisser le marché évoluer de manière à atteindre un prix qui est concurrentiel et qui, à long terme, suscitera de nouveaux investissements.

Le sénateur Adams: Si je voulais construire une centrale d'énergie, quelles seraient les étapes? Est-ce qu'il faudrait que j'obtienne l'approbation de la province? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Dewees: Accélérons pour envisager la situation dans, disons, un an, une fois que le marché est ouvert et qu'une structure entièrement concurrentielle est en place. Si vous souhaitez construire une centrale d'énergie, il vous faut une approbation du point de vue environnemental. Si vous construisez une centrale mixte avec turbine à gaz, il est possible que vous ayez droit à une procédure d'approbation accélérée ou à une approbation portant sur la catégorie de centrale touchée. Alors, il vous faut des investisseurs. Si vous avez l'argent et que vous avez trouvé un site, vous pouvez procéder à la construction et vous brancher sur le réseau.

C'est donc relativement simple. Vous n'avez pas besoin d'obtenir la permission d'une autorité de réglementation qui dit: nous avons besoin de votre énergie. Vous construisez la chose, vous mettez votre argent en jeu et, si vous avez eu tort, vous perdez tout.

Le président: J'ai une question qui s'ajoute à celle du sénateur Adams. OPG possède toutes les lignes de transmission. Cela ne vaut pas la peine de construire une centrale d'énergie si on ne peut faire en sorte que l'électricité se rende jusqu'au consommateur. Les lignes en question - selon votre idée de la restructuration - vont-elles être une propriété collective ou est-ce que la propriété sera soumise à une réglementation précisant que les autres transporteurs doivent y avoir accès?

Il faut que l'électricité passe par ces lignes.

M. Dewees: Je crois qu'il y a deux idées importantes ici. Ontario Hydro a déjà été divisée en plusieurs sociétés. Ontario Power Generation possède les unités de production, Hydro One possède les lignes de transmission. Il y a déjà, de fait, dissociation entre la propriété de la production et la propriété de la transmission.

Le président: Les lignes de transmission seront-elles contrôlées par réglementation, comme cela s'applique à un transporteur public?

M. Dewees: Tout à fait. La production demeure une activité concurrentielle dans un marché restructuré, mais la transmission demeure essentiellement un monopole naturel. Il n'y a pas de dédoublement des lignes.

Le sénateur Adams: J'aimerais savoir comment le système fonctionne en ce qui concerne la vente de mon électricité, si je devais construire une centrale. Évidemment, les coûts qu'il faut engager pour construire une centrale d'énergie sont énormes. Est-ce que je vais être en mesure de vendre l'électricité produite, et à quel prix? Supposons que l'acheteur me dit qu'il ne peut se permettre que 3 ou 4 cents le kilowatt. Comment cela fonctionne-t-il?

M. Dewees: Si vous investissez dans une nouvelle centrale, vous avez, en fait, deux choix. Vous construisez une centrale «marchande» qui ne fait l'objet d'aucun contrat d'achat d'électricité que vous faites simplement évoluer sur le marché au comptant. Vous disposez d'experts-conseils qui établissent pour vous le prix au comptant durant les 10 ou 20 ou 30 années que fonctionnera votre centrale, et vous n'investissez que si vous croyez que le futur prix au comptant vous permettra d'obtenir le taux de rendement désiré.

Sinon, avant de prendre une pelletée de terre, vous faites le tour pour faire signer des contrats d'achat pour votre électricité. J'irais voir, disons, General Motors et d'autres grands clients industriels pour essayer de m'entendre avec eux, pour voir si je peux leur faire signer un contrat à un prix qu'ils jugent plus attrayant que les prix qu'offre OPG ou le prix au comptant ou encore les autres choix qu'ils ont devant eux.

Certains investisseurs ne bougent pas tant et aussi longtemps qu'aucun client n'a signé un contrat, mais je crois savoir qu'il y a actuellement quelques centrales dont on discute qui seraient justement des centrales marchandes, les investisseurs prévoyant que le prix suffira à rembourser l'investissement.

Le sénateur Adams: S'il s'agit d'un fabricant de voitures, disons, les lignes de transmission de la centrale jusqu'à l'usine du fabricant automobile seront-elles la propriété de l'Ontario?

M. Dewees: La transmission est une sorte de transport public. Le propriétaire des lignes doit transporter votre électricité. Il faudrait étudier le réseau de transmission pour s'assurer qu'il a la capacité de transporter ce que vous produisez. Vous allez peut-être devoir construire une ligne qui va entre votre centrale et le réseau. La Commission de l 'énergie de l'Ontario va réglementer Hydro One et son exploitation du réseau de transmission pour que vous puissiez, en tant que producteur, obtenir un traitement équitable à l'instar de tous les autres producteurs.

Le sénateur Kenny: Professeur, si nous avions cette discussion aux États-Unis, il y aurait probablement ici une deuxième page qui traite des risques politiques, n'est-ce pas?

M. Dewees: Je ne suis pas sûr que les risques politiques ne soient pas les mêmes. Vous parlez des risques pour les investisseurs?

Le sénateur Kenny: Eh bien, je parle des probabilités que nous ne voyons pas, dans un avenir prévisible, une autre centrale nucléaire aux États-Unis.

M. Dewees: Pour des raisons économiques ou pour les risques politiques que cela entraîne?

Le sénateur Kenny: Tout à fait. Pas pour des raisons économiques, mais plutôt pour les risques politiques.

Le président: Si vous voulez pousser le public au bord de la folie, vous n'avez qu'à mentionner l'énergie nucléaire.

M. Dewees: À mon avis, il serait brave, l'investisseur américain qui propose de construire une centrale nucléaire, même en mettant son propre argent en jeu, plutôt que celui d'un autre.

Le sénateur Kenny: En fait, là où je voulais en venir, c'est que je voulais vous demander quelles sont les différences de part et d'autre de la frontière. Je ne crois pas que nous serions là en train d'avoir cette conversation si l'audience avait lieu à Buffalo.

À votre avis, pourquoi l'énergie nucléaire est-elle mieux acceptée au Canada que de l'autre côté de la frontière?

M. Dewees: Je n'ai pas essayé moi-même de sonder l'opinion publique en ce qui concerne la construction de centrales nucléaires en Ontario ou ailleurs au Canada. Je ne suis pas sûr que le public accepte mieux ça ici qu'aux États-Unis.

Mon impression, c'est que l'énergie nucléaire est plus acceptée en Ontario qu'elle l'est aux États-Unis. Les gens sont nombreux à croire que le réacteur Candu est, de par sa nature même, un peu plus sécuritaire que les réacteurs de type américain. Je ne suis pas là aujourd'hui pour faire valoir qu'il n'existe aucun risque politique. J'en conviens, proposer de construire une nouvelle centrale nucléaire entraînerait un risque politique important, même en Ontario ou ailleurs au Canada.

Je crois qu'on a exprimé une inquiétude plutôt modeste concernant la remise en service des centrales nucléaires existantes, par opposition à ce qui se passe en Europe, pour prendre un autre exemple. En Scandinavie, je crois, on propose de fermer des centrales nucléaires qui fonctionnent parfaitement bien. Nous n'en sommes pas là.

Le sénateur Kenny: Tout de même, par opposition aux Français, nous ne semblons pas accepter beaucoup mieux l'énergie nucléaire.

M. Dewees: Nous nous situons quelque part entre les deux, mais je ne suis pas vraiment habilité à commenter cela.

Le sénateur Banks: Nous avons entendu beaucoup de propos cyniques. Il y a beaucoup de cynisme public en Alberta pour ce qui touche les nouvelles installations de production. On a beau envisager des projets, mais il existe un écart considérable entre, d'une part, envisager une entreprise et, d'autre part, s'y engager et mettre les choses en place.

J'aimerais savoir ce que vous pensez personnellement - car vous avez étudié la question de près - des probabilités réelles, tout bien considéré, que des investisseurs s'engagent réellement à construire de nouvelles centrales, plutôt que de seulement y penser, car jusqu'à maintenant, personne n'a pris une pelletée de terre.

M. Dewees: C'est la chose économique en général qui donne à penser que, s'il y a de l'argent à faire, les investisseurs s'organiseront pour le faire.

Le sénateur Banks: Mais ils ne construisent toujours pas de centrales en Californie?

M. Dewees: Ils le font.

Le sénateur Banks: Ils construisent?

M. Dewees: Des centrales ont vu le jour en Californie durant les années 90, même s'il faut dire qu'elles ne sont pas nombreuses.

Le sénateur Banks: En ce moment même?

M. Dewees: On construit des centrales en ce moment même, oui. Et la situation de la Californie est très compliquée. Outre les trois grandes entreprises d'électricité qui sont sur le point de déclarer faillite en raison des règles bizarres qui ont été mises en place sur le marché californien, il existe plusieurs services municipaux d'électricité, par exemple celui de Los Angeles, qui produisent leur propre énergie. Certaines municipalités ont construit leur propre centrale durant les années 90.

Je n'ai pas vraiment fait la tournée des lieux pour voir s'il y a bel et bien des chantiers en route, mais je crois savoir qu'il y a des gens qui ont commencé à construire des centrales ou s'y sont engagés en Californie ou dans une région qui sert la Californie, de sorte qu'il y aura des éléments nouveaux qui vont s'ajouter à la capacité. Tout de même, je ne crois pas que cela ne soit d'une quelconque utilité pour cet été. Je crois que l'été va être encore une fois un cauchemar en Californie. Par contre, je crois que d'ici un an, il y aura eu certains ajouts à la capacité et qu'il en viendra d'autres par la suite.

La Californie n'est pas le premier lieu à avoir éprouvé des difficultés; de fait, c'est l'un des derniers endroits où il y a eu une restructuration. Tout le monde y pense parce qu'il y a eu là des difficultés colossales.

Le trio PJM - la Pennsylvanie, le New Jersey et le Maryland - a restructuré son secteur. On y trouve un marché concurrentiel depuis 1998, mais personne n'entend jamais parler de PJM. Personne n'en entend jamais parler parce que tout fonctionne très bien. Ils ont la capacité voulue. Ils ont des prix raisonnables. J'ai l'impression que les gens en sont très satisfaits.

Le processus de restructuration s'est échelonné sur plus de dix ans en Grande-Bretagne. Pendant cette période, tout le monde s'est précipité sur le gaz naturel, pour ainsi dire. On a construit un grand nombre de centrales alimentées au gaz naturel ou à production combinée, ce qui a fait augmenter sensiblement la capacité.

Dans plusieurs des endroits où il y a eu restructuration du secteur ailleurs dans le monde, la capacité s'accroît avec l'ajout d'éléments nouveaux. Depuis la restructuration, des centrales se construisent, sont ouvertes, font de l'argent, perdent de l'argent. Le bilan de tout cela me semble donc rassurant.

Regardez les prix qui sont demandés en Californie. Si le gouvernement n'intervient pas pour dire «oubliez ça, nous revenons à un prix fixe», il faudrait être fou pour ne pas construire une centrale en Californie. Le problème, ce n'est pas que les investisseurs ne veulent pas construire; le problème, c'est que la réglementation environnementale et l'opposition locale ont empêché la chose.

Le sénateur Banks: Et les incertitudes qui entourent toujours ce genre de choses?

M. Dewees: Je vois où vous voulez en venir. L'Alberta, je crois, a souffert de cette période d'incertitude. Avec les rumeurs qui circulaient à propos de la conception du marché à venir, les investisseurs ne voulaient pas commander d'usine, s'engager à construire des centrales.

Le président: De même, ils ont atermoyé pendant six ans, il est question ici de l'assouplissement des contrôles, de sorte que personne ne voulait investir de l'argent dans une nouvelle centrale. S'ils avaient fixé un délai, je crois qu'on aurait construit certaines centrales.

M. Dewees: Oui. Tant que les règles ne seront pas claires, je ne m'attendrais pas à de nouveaux investissements. Une fois que les règles sont claires, dans la mesure où elles sont raisonnables, j'ai de bonnes raisons de croire qu'il y aura une nouvelle capacité, dans les endroits ou la capacité n'est pas bloquée pour des raisons environnementales.

Le prix augmentera-t-il avant que la capacité ne soit «disponible»? Oui. C'est tout à fait à cela que je m'attendrais. Mais il n'a pas à augmenter jusqu'au niveau que l'on a vu en Californie ou même en Alberta pour que des investisseurs soient en mesure de prévoir un taux raisonnable de rendement sur leur investissement, avec une garantie suffisante, qui fait qu'ils sont prêts à mettre leur argent en jeu et à mettre la centrale en chantier.

Le président: Le sénateur Banks a soulevé une question dont on a fait mention à quelques reprises ici: le coût pour le public des droits d'actifs délaissés et ce qu'il faut en faire. Si nous optons pour un assouplissement des contrôles, il y aura d'importants droits d'actifs délaissés. Qu'est-ce que vous nous recommandez de faire à ce sujet?

M. Dewees: Je peux vous dire ce que l'Ontario fait - et qui me semble une façon raisonnable de procéder. Je parlerai aussi brièvement de l'approche californienne, qui a fini par être un facteur dans la catastrophe qu'on a connue là-bas.

En Californie, l'objectif principal des entreprises d'électricité, en acceptant la restructuration, était de rembourser leur dette restante. Elles ont convenu d'un plan où il y aurait un prix plafond. Elles croyaient que le prix concurrentiel serait inférieur au prix plafond. Selon le plan, les entreprises empocheraient la différence entre le prix plafond et le prix concurrentiel - une sorte de droit de transition au marché concurrentiel. L'entente établie prévoyait que si le prix concurrentiel dépassait le prix fixe, les droits de transition seraient en quelque sorte inversés, c'est-à-dire que les clients recevraient une remise.

Cela a très bien fonctionné pendant un certain temps, et les entreprises remboursaient leur dette restante. Puis les choses ont mal tourné. Le prix du gaz naturel est devenu élevé, il n'y a pas eu de pluie, donc pas d'eau, donc on assisté à une moins grande disponibilité des ressources hydroélectriques; l'été était chaud, et la demande, élevée. Cette confluence de prix, d'événements a poussé le prix du marché au-delà de ce que l'on avait prévu et, plutôt que de faire disparaître la dette restante, les entreprises y ont ajouté et se sont acculées à la faillite.

Le sénateur Banks: N'y a-t-il pas ici une contradiction? S'il s'agit d'actifs délaissés, alors on n'a plus rien à voir avec eux.

M. Dewees: Eh bien, je suis en train de vous signaler ce qu'ils ont fait en Californie. Ce n'est pas à moi de dire ce qu'il y a à prendre et à délaisser.

En Ontario, la part de la dette d'Ontario Hydro dont le gouvernement a établi qu'elle ne pouvait être assumée sur le marché concurrentiel a été attribuée à une société financière. On prévoit que, à l'époque où le marché sera concurrentiel, il y aura des droits de transition - j'oublie quel est le terme exact qui est utilisé - qui permettront, essentiellement, d'éteindre la dette au fil du temps.

Le sénateur Banks: La dette restante s'est également accrue. Comment est-ce possible s'il s'agit en fait d'actifs délaissés? OPG a pris le contrôle des actifs, qui ont été divisés selon diverses formules. La raison pour laquelle il y a une dette restante, c'est qu'OPG a dit: «Nous n'allons pas assumer ce genre de dette». Alors, comment, en l'absence d'un défaut de paiement - c'est peut-être là la réponse - la dette restante peut-elle avoir augmenté en Ontario, ce qui est le cas?

M. Dewees: Je ne connais pas le fin mot de l'affaire, mais le problème réside en partie dans le fait que nous vivons une période de transition où OPG a été restructuré, mais où le marché concurrentiel n'est pas encore ouvert. Ce qui s'est passé notamment, à mon avis, c'est qu'OPG a fait durant cette période d'intérim des investissements, dont une part portait sur la dette restante. Je n'en suis pas parfaitement sûr, mais je crois que c'est là un mécanisme qui a été mis en place.

Une fois le marché en place, l'histoire de la dette est réglée. Tout ce qui peut arriver, c'est qu'elle soit remboursée. La formule que nous avons mise en place garantit le remboursement, quel que soit le prix concurrentiel qui finit par s'établir. Voilà une stratégie prudente, raisonnée tant du point de vue du consommateur ontarien que de celui des producteurs, par rapport à ce qu'on a fait en Californie.

Mais vous avez raison, nous n'avons pas encore commencé à réduire cette dette.

Le président: C'est donc un peu incertain, selon ce que j'entends?

M. Dewees: C'est un peu incertain, mais il n'y a pas les risques que la Californie a connus.

Le président: Il y aura donc des frais supplémentaires à un moment donné.

M. Dewees: Oui, il y aura des frais supplémentaires, tout à fait.

Le sénateur Banks: Croyez-vous que la plupart des gens savent que cette dette est d'au-delà de 20 milliards de dollars?

M. Dewees: Je ne sais pas ce que le public en fait. Je ne présumerai pas qu'il est très bien renseigné sur la question.

Le président: J'ai une observation à formuler, et j'aimerais que le groupe me dise ce qu'il en pense.

Jim Gray, grand gourou du secteur du gaz naturel au Canada, a affirmé à Calgary que le prix du gaz naturel à l'avenir, quel que soit le niveau qu'il atteint, dépendra des coûts de l'énergie nucléaire. À l'inverse, vous venez de nous dire que l'énergie nucléaire, que la capacité nouvelle soit mise en place ou non, dépendra du gaz naturel. Il me semble que le consommateur sera le grand perdant de ce jeu, à un moment donné, si l'un dépend de l'autre.

M. Dewees: Dans un marché concurrentiel, le prix dépend du coût de l'activité de tous les concurrents. D'une certaine façon, je crois que nous avons tous les deux raison.

Le président: C'est ce qui me faisait peur.

M. Dewees: Comme je l'ai dit, je ne m'attends pas à voir la construction de nouvelles centrales nucléaires dans un proche avenir. Il est évident que ce sont des unités fonctionnant au gaz naturel, dans la plupart des endroits, qui seront d'abord et avant tout construites. Par conséquent, j'estime que le prix du gaz naturel représentera un facteur tout à fait déterminant dans l'évolution des prix du marché.

Peut-être faisait-il allusion à l'observation formulée plus tôt par le sénateur Banks concernant les centrales nucléaires qui seraient remises en service. Ou peut-être fait-il allusion à vos observations, monsieur le président, à propos des centrales nucléaires qui doivent être mises en service, du rythme auquel cela doit se faire et de l'influence que cela aura sur l'équilibre entre l'offre et la demande, et donc le prix du marché.

Le président: Il serait bien agréable de continuer de discuter avec vous, mais d'autres témoins attendent. Nous essaierons d'entendre des points de vue divergents. Votre témoignage a fait changement. C'était fort intéressant. Merci beaucoup d'être venu comparaître.

Vous allez peut-être souhaiter entendre les prochains témoins. Ils représentent l'Independent Power Producers' Society of Ontario. Nous accueillons Jake Brooks, le directeur général, et Robert Cary, de Robert Cary & Associates.

M. Dewees: J'ai hâte qu'ils nous disent à quoi le prix pourra bien s'élever.

Le président: Bienvenue. Avant que vous ne commenciez votre exposé, je vous demanderais de nous donner quelques renseignements sur votre société. Nous avons rencontré un certain nombre de producteurs indépendants de diverses provinces, et s'il y a une chose que l'on peut affirmer, c'est qu'ils sont indépendants. À un endroit en particulier, leur préférence va nettement à l'énergie éolienne. Ailleurs, c'est l'hydroélectricité à faible impact, et ailleurs encore, c'est l'énergie de biomasse. De votre point de vue, qu'est-ce qu'un producteur indépendant dans le secteur de l'énergie?

M. Jake Brooks, directeur exécutif, Independent Power Producers' Society of Ontario: En Ontario, du côté des indépendants, la somme d'énergie principale - si on calcule les mégawatts produits -, provient de la production combinée. Dans la plupart des cas, il s'agit d'installations de production combinée comprenant l'exploitation du gaz naturel. Le marché de l'Ontario est assez diversifié. C'est le cas aussi des activités des producteurs indépendants. En Ontario, à l'origine, le producteur indépendant, c'était l'exploitant d'une petite centrale hydroélectrique. De fait, avant que le réseau provincial ne soit mis en place, l'énergie provenait surtout des nombreuses petites centrales hydroélectriques indépendantes de la province.

Le président: Les producteurs d'énergie éolienne ou d'énergie de biomasse ou d'autres formes encore ne font donc pas partie de votre association?

M. Brooks: Si on compte le nombre de mégawatts produits, la production combinée avec gaz naturel vient au premier rang; les petites centrales hydroélectriques, en tant que groupe, viennent au deuxième. Il s'agit ici d'indépendants qui sont à l'origine de peut-être 1 400 à 1 500 mégawatts d'énergie générée par production combinée avec gaz naturel, de petites centrales hydroélectriques à l'origine de 200 ou 300 mégawatts et - je n'ai pas de statistiques précises là dessus - l'indépendant à l'origine de plus de 100 mégawatts d'énergie en production combinée avec biomasse. Voilà les deux catégories. C'est de la production mixte, mais c'est aussi l'exploitation d'un combustible de biomasse renouvelable.

Le président: Il n'y a pas eu d'énergie éolienne jusqu'à maintenant?

M. Brooks: Jusqu'à maintenant, l'exploitation commerciale de l'énergie éolienne a eu très peu d'envergure en Ontario. Tout de même, le mois dernier, on a pu assister à deux annonces importantes concernant des projets commerciaux d'exploitation de l'énergie du vent.

Le président: Je voulais simplement savoir ce que l'on entendait par indépendant.

Le sénateur Kenny: À propos des petites centrales hydroélectriques, voulez-vous dire des centrales comme celle de Gananoque?

M. Brooks: Tout à fait. C'est très diversifié, et on en trouve partout en Ontario à des échelles variables. C'est parfois un barrage, avec la forme d'énergie hydroélectrique auquel on est habitué, bien que cela ait tendance à être plus petit; il s'agit d'une forme plus récente, le projet dit «au fil de l'eau» qui a tendance à être plus petit aussi.

Le président: En traversant le Canada, notre comité a appris des choses sur l'hydroélectricité à faible impact. Je ne sais pas si vous savez de quoi il s'agit ici - c'est une centrale hydroélectrique sans barrage.

M. Robert Cary, directeur et membre, Independent Market Operator (IMO) Technical Panel, Independent Power Producers' Society of Ontario: Il y a ici plusieurs centrales hydroélectriques. Je crois que les plus grandes d'entre elles produisent moins de 20 mégawatts. Il y en a un certain nombre dont la production se situe entre 10 et 20 mégawatts - Valerie Falls, Long Sioux, des centrales comme celles-là. Les indépendants produisent environ 1 700 mégawatts d'énergie conformément à un contrat conclu avec Ontario Hydro - ce sont les producteurs sans vocation de service public.

Ce sont toutes des centrales à forte capacité, si bien qu'elles représentent environ 9 p. 100 de la demande globale d'énergie qu'il faut sur le réseau provincial.

Le président: Continuez.

Le sénateur Banks: Neuf p. 100?

M. Cary: Neuf p. 100, environ. C'est un assez gros morceau, comme point de départ. Ce n'est pas un élément concurrentiel de grande importance si le marché est tout à fait ouvert. Évidemment, il y a toutes sortes de questions qui entrent en jeu.

Le président: Je vous prie de poursuivre votre exposé. On vous a fait dérailler un peu.

M. Cary: Je voudrais simplement couvrir tous les points du programme que nous proposons. Nous n'avons pas préparé d'acétates. Nous avons rédigé un mémoire, que je vais vous laisser.

Le sénateur Banks: C'est bien.

M. Cary: Nous allons traiter de ce qui se trouve dans le texte au fil de la discussion, plutôt que de reprendre le mémoire mot à mot, afin de pouvoir répondre aux questions posées et de couvrir les points d'intérêt soulevés.

Nous voulons donner quelques informations de base sur l'IPPSO. Nous avons déjà commencé à le faire, et je demanderai à M. Brooks de continuer dans une minute. Nous voulons parler de la restructuration de l'Ontario, de notre perception de l'exercice, puis nous concentrer un peu plus sur les éléments qui nous paraissent être de compétence fédérale. L'environnement est un élément clé à cet égard, question à laquelle il faut rattacher la question de la fiscalité. Si nous observons les investissements qui ont eu lieu dans la production mixte en Ontario, nous constatons que ce sont des mesures fédérales qui, pour une bonne part, ont servi d'éléments incitatifs. S'il faut prévoir des mesures équivalentes dans le cas de formes d'énergie comme l'énergie éolienne, je crois qu'il faut prendre en considération un certain nombre de questions.

Ensuite, nous voulons vous toucher un mot à propos du commerce international et des questions relatives à l'investissement. Nous évoluons sur un marché concurrentiel pour ce qui touche les investissements. Je veux souligner notre centre d'intérêt et faire valoir en quoi nous nous soucions de porter certaines questions au programme d'action du gouvernement fédéral.

Le sénateur Banks: Vous n'avez pas parlé de fiscalité.

M. Cary: J'en ai parlé. D'ici peu de temps, vous allez peut-être en avoir assez de nous entendre parler de fiscalité.

Je cède la parole à M. Brooks, qui vous parlera de l'IPPSO.

M. Brooks: Je veux simplement parler un peu de ce qu'est l'IPPSO et de ce que nous faisons. Notre organisme est une société sans but lucratif qui a tout juste 15 ans.

Au début des années 80, l'Ontario ne connaissait pratiquement aucune production énergétique indépendante. Une entreprise centrale dominait le paysage. Nous nous sommes donné pour tâche d'ouvrir le marché à ce moment-là. Pour la majeure partie des 15 années de notre existence, nous avons travaillé à ce dossier. Je n'irai pas dire que nous sommes près du but, mais nous sommes certainement proches de voir une étape importante réalisée à cet égard.

Ouvrir le marché, ce n'est pas tout à fait la même chose qu'évoluer sur le marché concurrentiel. Nous croyons qu'il faudra quelques années avant que le marché ne soit véritablement concurrentiel.

Bien des gens se poseront la question: «Qu'est-ce qu'un producteur d'énergie indépendant, maintenant qu'Ontario Power Generation est dissocié de l'entreprise de transmission?» Par producteur d'énergie indépendant, il faut entendre quiconque ne possède pas de ligne de transmission. À l'origine, c'est tout ce qu'il fallait pour distinguer les indépendants des entreprises de services publics.

Maintenant que la société étatique s'est scindée en entreprise de transmission et en entreprise de production, la distinction entre les indépendants et ce que l'on pourrait qualifier de producteur établi est un peu plus difficile à expliquer. Ontario Power Generation ne possède plus les lignes de transmission, mais elle demeure tout à fait distincte des producteurs indépendants, au sens où elle occupe une position de pouvoir sur le marché. Sa capacité de production est suffisante pour influer sur les prix. C'est peut-être là la distinction la plus importante qui existe entre le producteur indépendant et l'entreprise bien établie.

Notre objectif principal consiste à promouvoir la production indépendante, en raison des avantages concurrentiels qui découlent d'un marché devenu réellement concurrentiel.

Cela résume bien les objectifs de l'IPPSO - cela vous donne une idée de la constitution de l'organisation et de son fonctionnement.

La production mixte, comme nous l'avons déjà dit, vient au premier rang parmi les activités de nos membres. Pour produire de l'électricité, nos membres exploitent aussi des petites centrales qui exploitent l'énergie provenant de l'eau, de la biomasse et de divers autres combustibles, dont bon nombre feraient partie de la catégorie générale des combustibles résiduaires.

C'est une industrie importante dont la production représente plus de 1 500 mégawatts, capacité suffisante pour répondre aux besoins en électricité de certaines des petites provinces du Canada, par exemple. Tout cela se trouve ici en Ontario.

Notre organisation consacre une bonne part de son énergie à la publication d'un magazine, à l'organisation de conférences et à la promotion de deux idées - la concurrence et l'innovation technique.

M. Cary: Nous participons depuis le tout début au processus de restructuration; nous l'appuyons vivement, car nous croyons que l'investissement avec les risques qu'il suppose représente la voie qu'il faut emprunter pour l'avenir. Nous avons vu ce que donnent les modèles de planification centrale d'Ontario Hydro et les conséquences des dépassements de coûts à Burlington. Nous croyons qu'un régime de concurrence impose au marché la discipline dont il a besoin tout en attirant des capitaux privés.

Les annonces récentes où le gouvernement de l'Ontario fixe plus ou moins une date limite à l'ouverture du marché nous enhardissent. Nous serions encore plus enhardis s'il s'agissait d'un délai ferme, d'autant plus si c'était cette année.

Le sénateur Banks: Accepteriez-vous une date limite du genre «meilleur avant le...»?

M. Cary: Cela dit, c'est ce que je crains justement - qu'il faille que ce soit «meilleur avant le...» -, puis qu'on s'organise tout de suite pour qu'il y ait des élections provinciales, ce qui nourrira l'inquiétude de bien des gens à propos du risque. Nous pouvons dire, au moins pour la forme, que nous avons éliminé un des obstacles à l'investissement une fois que la date d'ouverture du marché est établie pour de bon. Je ne crois pas que les gens interprètent les annonces récentes comme établissant une date limite ferme et irrévocable.

L'autre question qui suscite des préoccupations concernant la situation à long terme, c'est l'éventualité que la position de force d'OPGI sur le marché se consolide - c'est toute la question de la concurrence. À quel moment y aura-t-il de la concurrence? Comment OPGI sera-t-elle motivée à agir sur le marché qui se crée, que va-t-il se passer? On admet qu'elle dispose du pouvoir, de l'autorité et du permis voulus pour manipuler les prix. Comment se servira-t-elle de cette autorité? C'est évidemment un risque qui se présente.

Quelqu'un a dit que nous y sommes presque, à l'ouverture du marché. L'ouverture du marché nous paraît être une étape importante, mais nous reconnaissons que les marchés doivent continuer d'évoluer. C'est presque le début d'un processus où la fin du début.

Le sénateur Banks: Mais cette manipulation demeure assujettie à la réglementation sur les profits, non?

M. Cary: Elle est assujettie au mécanisme de la remise, mais le permis affirme expressément qu'OPGI peut manipuler les prix à condition qu'il n'y ait pas de collusion. Or, la surveillance ou tout au moins l'application des règles à cet égard échappe au champ d'action de l'exploitant indépendant.

De toute manière, les deux questions principales que nous souhaitions aborder étaient: l'environnement, d'une part, et, le commerce international et les questions relatives à l'investissement, d'autre part. Jake saura mieux vous informer que moi sur l'aspect environnemental de nos activités.

L'IPPSO a toujours eu une très forte tendance environnementaliste. Par le passé, nombre des membres ont essayé de promouvoir une panoplie de projets d'énergie de substitution, ce qui demeure le cas aujourd'hui. Nous voyons en cela un secteur de croissance. Pour certains, il est frustrant de constater que nous n'ayons pu mettre en route un plus grand nombre de projets pro-environnement par le passé.

M. Brooks: Brièvement - je crois que le message central de notre organisation sous cet aspect fait que cela ne revient pas forcément à un dilemme cornélien: la responsabilité environnementale ou la production économique d'énergie. Il existe des solutions et des options qui nous permettront de faire les deux à la fois - autrement dit, d'économiser de l'argent tout en produisant une énergie qui nuit moins à l'environnement que les choix que nous avons pu faire par le passé.

Bien sûr, le passé ne révèle pas une conduite exemplaire en Ontario en ce qui concerne la responsabilité environnementale ou la gestion de finances - étant donné la dette restante avec laquelle on nous a laissés.

Il existe plusieurs champs d'action - la réforme fiscale et la réforme des institutions, par exemple - qui permettraient à une nouvelle production de voir le jour, sur un marché concurrentiel où les règles du jeu sont équitables, aux côtés des installations établies de production, qu'il s'agisse de combustibles fossiles ou non, et d'avoir accès aux consommateurs en fournissant de l'énergie à des prix raisonnables. Toutefois, le marché est très structuré. Il n'est pas facile de contourner certaines des institutions existantes, surtout dans l'arène fédérale. Il est nécessaire de regarder du côté des régimes fiscaux.

Au fil des ans, nous avons instauré toute une série de mesures d'incitation, pour favoriser l'expansion de l'industrie de l'énergie. Elles se sont heurtées à un régime qui réduit le prix apparent de l'énergie pour le consommateur ordinaire, mais qui, en fait, subventionne les formes technologiques existantes.

Le nucléaire est un exemple. Il y a eu des subventions dans ce secteur pendant de nombreuses années, mais il ne faut pas oublier qu'il y a certes eu des subventions dans des secteurs plus classiques aussi.

Il est intéressant de constater que les nouvelles technologies sont censées, essentiellement, livrer bataille à des technologies bien établies qui, pendant tant d'années ont bénéficié du soutien gouvernemental sous une forme ou une autre.

La forme de subvention la plus courante, peut-être, a trait aux coûts environnementaux. Nous savons qu'il y a des coûts associés aux émissions, coûts qui ne sont pas toujours quantifiés, encore moins reconnus, sur le marché.

Une des méthodes les plus efficaces qui s'utilisent ailleurs pour composer avec ces coûts, c'est de laisser le marché trouver les meilleurs compromis possibles entre les améliorations environnementales et les économies d'argent par l'application d'une norme en matière de ressources renouvelables qualifiées de «renewable portfolio standard». La norme en question, à l'instar des normes qui s'appliquent à la teneur en plomb de l'essence, impose une certaine part d'énergie jugée préférable sur le plan environnemental dans chaque vente d'électricité.

Nombre d'États américains ont emboîté le pas au gouvernement fédéral en adoptant la norme nationale, qui, je crois, fait partie du plan énergétique adopté par l'administration précédente. Ce plan exige une augmentation du pourcentage d'énergie renouvelable dans la combinaison de sources employées. Cela permet une certaine concurrence dans l'offre de l'énergie, même dans les secteurs où priment les produits à privilégier sur le plan environnemental, si bien qu'il est possible d'offrir un marché qui est raisonnablement bon au consommateur tout en respectant un certain nombre de normes environnementales plus strictes.

D'autres mécanismes sont utilisés ailleurs, notamment le crédit d'impôt à la production et le crédit d'impôt à la consommation. Il s'agit de mesures utilisées directement pour favoriser l'essor de technologies à privilégier dans le secteur énergétique. Ce ne sont pas des subventions si on les compare aux mesures d'incitation qui se rapportent aux options concurrentes dans le secteur de la production. Elles représentent simplement une tentative modeste de redresser le déséquilibre créé par le régime existant.

Il y a donc de nombreuses options possibles, dont certaines ne sont pas terriblement compliquées. La norme en matière de ressources renouvelables est simple. Elle a obtenu de larges appuis dans le public, ailleurs. C'est assez facile à administrer.

À long terme, c'est l'échange des crédits de réduction des émissions qui représente vraisemblablement l'un des mécanismes les plus viables. Cette démarche permet à ceux qui ont réduit leurs émissions d'aller au-delà des émissions requises, à la demande d'un autre qui éprouve de la difficulté à respecter les normes établies, tout en étant payé pour le faire. Cela permet à l'économie de trouver les formes les moins coûteuses de réduction des émissions dans l'environnement. De plus, la démarche favorise l'apparition de nouvelles techniques.

Voilà pour le résumé. Je cède maintenant la parole à Rob, qui traitera plus à fond des questions relatives au commerce et à l'investissement.

M. Cary: J'aimerais faire suite à une question que Jake a soulevée: celle de l'échange des crédits de réduction des émissions. C'est une question assez fondamentale. Si quelqu'un aménage un parc d'éoliennes, si bien qu'il réduit la nécessité d'obtenir de l'énergie d'une centrale alimentée au charbon chez OPGI ou ailleurs, à qui devrait revenir le crédit pour la réduction des émissions? C'est une question très litigieuse. Deux camps très différents s'affrontent sur ces questions.

Le réglementation actuelle en Ontario tend à empêcher celui qui a aménagé le parc d'éoliennes d'obtenir crédit à ce sujet. Le raisonnement que l'on fait valoir est le suivant: c'est le producteur propriétaire de la centrale alimentée au charbon qui rejetait telle quantité de polluants dans l'environnement; il a réduit ses émissions, de sorte qu'il doit en tirer les bienfaits, un crédit qu'il peut maintenant vendre à quelqu'un d'autre. Cela nous pose évidemment des problèmes.

Pour ce qui est de la question du commerce international, l'électricité - c'est certes le cas de l'Ontario - est surtout une activité qui se déroule selon un axe nord-sud. Les liens avec le Michigan et l'État de New York sont beaucoup plus forts que tout autre lien. On est certes à renforcer les liens avec le Québec, mais ces liens demeureront moins forts que les liens nord-sud. De même, le marché québécois n'est pas un marché ouvert et concurrentiel digne de ce nom au stade où nous en sommes.

C'est la distance qui, de fait, exclut la possibilité d'échanges commerciaux massifs d'un bout à l'autre du Canada - la distance et l'efficacité de la transmission de l'électricité.

Dans le contexte d'échanges commerciaux nord-sud, nous devons préserver la fiabilité de l'offre en Ontario. Pour que l'offre demeure fiable, où que l'on se trouve, il faut que l'offre sur place permette de répondre à la demande sur place. À court terme, le commerce est très avantageux. Il permet de maximiser les avantages économiques des échanges. Pour agir, on utilise toujours la ressource la moins coûteuse. L'Ontario ne peut compter sur le fait de s'approvisionner à New York en cas de défaillance majeure du système. Il pourrait y avoir des problèmes de transmission. Il pourrait y avoir aussi des pénuries à New York. Sur le plan de la fiabilité, il n'est pas prudent pour les responsables d'un territoire de compter sur les ressources d'un autre territoire.

Le marché doit être doté d'un mécanisme qui garantisse un investissement suffisant, aux fins de la fiabilité. Le contexte doit être propice à l'investissement, pour qu'il y ait fiabilité. De la façon dont le marché est conçu actuellement en Ontario, nous ne sommes pas certains que cela soit le cas. Ce n'est pas quelque chose que la conception actuelle du marché permettra de faire.

Pour redresser la situation sur le marché, du moins en partie, il faut des solutions comme le marché de capacité, où est prévu le paiement à l'intention des gens qui ont la capacité de répondre aux besoins en Ontario. C'est là une disposition qui n'a pas encore été mise en application sur le marché.

D'autre part, il faut s'assurer que l'idée d'investir est attrayante du point de vue économique, ce qui comporte un aspect impôt et un aspect commerce. Si les frontières entre l'Ontario et les autres provinces ainsi que les États sont fermées, d'abord, il y a obstacle aux importations, dont le prix est parfois moins élevé que celui des ressources ontariennes. Du point de vue du consommateur, on souhaite donc permettre la libre importation des biens.

Pour s'assurer de disposer des investissements nécessaires pour rendre le régime fiable à long terme, il faut que les gens aient accès aux marchés d'exportation. Si je suis un investisseur américain à la recherche de lieux où je peux produire, si je construis une centrale en Ontario, je dois pouvoir recourir au marché de l'exportation comme moyen de réduire le risque présent à l'intérieur du marché ontarien.

Tout marché individuel comporte un risque nettement plus grand, sur le plan de l'investissement, si l'investisseur est assujetti uniquement à la réglementation de ce marché. Le risque lié à la réglementation est le plus important parmi les risques que suppose l'évolution du marché. Les choses vont changer. Nous n'avons pas un marché fixe. Il faut donc permettre aux gens d'avoir cette porte de sortie, c'est-à-dire de pouvoir exporter en même temps, si vous voulez que les gens investissent dans la province.

Évidemment, cela vaut de l'autre côté de la frontière, n'importe où au pays, au fur et à mesure que d'autres provinces ouvrent leur marché.

Vous m'avez demandé de ne pas trop parler de fiscalité; c'est un terme que je vais donc éviter, mais cela est certes une question importante.

Je qualifie de territoriale la question que je vais maintenant aborder. À la suite des pannes d'électricité massives survenues dans le nord-est de l'Amérique du Nord en 1965, le Conseil national de fiabilité des services d'électricité (NERC) a vu le jour. Il s'agit d'une coopérative des entreprises d'électricité exerçant leurs activités dans la région. La collaboration vise à garantir la fiabilité des services, à prévoir l'entraide entre les parties et à établir des normes uniformes.

Les entreprises d'électricité s'y sont pliées de bon gré. Elles ont essentiellement établi un contrat selon lequel, au moment de devenir membre du NERC, elles promettaient de respecter les normes prescrites. Cela fonctionne très bien depuis 30 ans.

Avec la concurrence qui s'en vient sur le marché américain, avec la commission fédérale de réglementation de l'énergie aux États-Unis, la FERC, qui impose des modifications pour favoriser la concurrence, les facteurs liés à la fiabilité et les facteurs liés à un marché concurrentiel s'entrechoquent de plus en plus souvent. Vous divisez la chose entre les transmetteurs et les producteurs sur le marché américain. Il y a la FERC, organisme étatique officiel, et il y a la NERC, qui n'a aucun statut réglementaire officiel aux États-Unis.

Certains font des pressions pour que le NERC, ou son successeur, obtienne une forme d'autorisation législative aux États-Unis. D'où certaines questions sérieuses qu'il faut se poser: comment cela s'inscrit-il dans le contexte canadien? Qu'en est-il des entreprises d'électricité canadiennes? Serions-nous assujettis subitement aux lois américaines si nous décidions d'adhérer à cette organisation?

Cela me semble être une question intergouvernementale. Il faut une tribune mixte où le NERC, ou son successeur, peut continuer de fonctionner, sinon un régime avec des organisations parallèles, sans qu'un obstacle ne soit dressé à la frontière. Il est essentiel de continuer à profiter de la circulation à la frontière et non pas de créer des obstacles. Nous n'avons pas de réponse toute faite là-dessus, mais nous aimerions que cela soit inscrit à l'ordre du jour comme l'une des questions importantes.

Le rôle de l'Office national de l'énergie est lié à ce dossier. Le rôle de l'ONE, qui accorde les permis d'exploitation aux entreprises d'électricité, a consisté par le passé à s'assurer que les unités d'électricité n'étaient pas exportées dans les cas où quelqu'un au Canada était prêt à les acheter au même prix. Les mécanismes en place prévoient un accès automatique aux marchés à un prix concurrentiel, à un traitement non discriminatoire pour les gens à l'étranger et les gens au pays même. Partant, qu'en est-il des permis et du rôle de l'ONE dans le contexte des exportations individuelles?

D'autres questions encore entrent en jeu. Je crois qu'il y a lieu de remettre en question le rôle de l'ONE dans le contexte du commerce interprovincial. Encore une fois, nous n'avons pas de solution toute faite à proposer au stade où nous en sommes, mais c'est évidemment une préoccupation que nous voulions faire reconnaître officiellement.

Pour ce qui est d'aller de l'avant, nous croyons que le gouvernement du Canada doit exercer certaines fonctions importantes dans le domaine de l'électricité. Nous avons centré notre exposé sur les aspects environnementaux de la question: créer des règles du jeu équitables et un cadre pour l'échange des crédits de réduction des émissions; fournir un cadre pour la production d'énergie renouvelable par l'entremise de stimulants fiscaux et (ou) autres; et, pour parler d'une question générale, le protocole de Kyoto et la politique de mise en oeuvre des accords de Kyoto.

Fiabilité: ce que les investisseurs veulent éviter à tout prix, ce sont l'incertitude et l'imprévisibilité.

Quant au commerce international, parmi les questions que le gouvernement doit prendre en considération, citons les suivantes: l'élimination d'obstacles au commerce, à l'importation et à l'exportation, l'élaboration de politiques fiscales et environnementales qui créent ici un climat aussi propice à l'investissement que celui qui a cours aux États-Unis, la mise au point de structures gouvernementales de concertation au profit de l'organisation chargée de la fiabilité des services et un examen des stratégies à adopter pour aller de l'avant dans des marchés de plus en plus intégrés.

On vient de parachever une étude portant sur un marché global de l'électricité englobant toute la région du nord-est, c'est-à-dire l'Ontario, l'État de New York et la Nouvelle-Angleterre. Il y a eu hier une réunion, à laquelle je n'ai pu assister, où le rapport découlant de l'étude a été présenté, puis a fait l'objet de discussions. Essentiellement, les auteurs du rapport affirment qu'il pourrait y avoir un marché commun dans cette région pour ce qui touche l'électricité et que cela comporterait certains avantages.

Le président: Quelle région?

M. Cary: L'Ontario, l'État de New York et toute la Nouvelle-Angleterre.

Le président: Vous ne parlez pas d'Hydro-Québec?

M. Cary: L'étude a été commandée par les exploitants de systèmes indépendants des trois territoires en question. Dans deux cas, il s'agit d'un marché concurrentiel qui est déjà en place. Dans celui de l'Ontario, c'est un marché qui verra le jour dans un proche avenir.

Les responsables du marché du triangle PJM ont été invités à participer à l'exercice, mais ils ont décliné l'offre; tout de même, ils ont suivi la situation de près.

Je ne sais pas si le Québec a été invité à participer, mais, évidemment, on s'intéresse beaucoup à ce à quoi va ressembler le rôle du Québec dans toute intégration du régime concurrentiel du nord-est. Voilà la fin de mon exposé.

Le président: Vous avez vraiment fait le tour de la question. Je crois que nos questions à votre intention seront nombreuses.

Avant de demander au sénateur Banks d'ouvrir le bal, je veux vous demander de vous entretenir avec notre recherchiste, Mme Lynn Myers, à la suite de la réunion. Vous avez parlé d'un programme d'énergie renouvelable comparable à celui qui a cours aux États-Unis; vous pourriez peut-être nous donner d'autres renseignements là-dessus.

Vous avez également fait allusion à la promesse faite d'éliminer des obstacles au commerce et au commerce de l'électricité, obstacles explicites et implicites. Quelles sont les listes particulières en question? Je ne veux pas m'engager ici dans une discussion là-dessus, car cela fait sûrement intervenir des choses techniques.

M. Cary: Sûrement.

Le président: De même, vous avez mentionné l'élaboration d'une politique fiscale et environnementale qui permet de s'assurer que l'investissement au Canada n'est pas moins avantageux que l'investissement aux États-Unis. Je vous saurais gré de nous révéler les lois américaines applicables à cet égard et de nous transmettre les renseignements.

M. Brooks: Nous serons heureux de le faire. Pour vous donner simplement une idée, il y a des Canadiens de Toronto qui s'occupent d'énergie renouvelable, mais qui font tout leur travail de l'autre côté de la frontière.

Le président: Voilà qui rend les choses intéressantes.

Le sénateur Banks: Nous serions très heureux d'entendre parler de ces choses-là. Comme le marché devient intégré, il faut pouvoir en dire autant des occasions.

De même, pourriez-vous nous parler brièvement - je reprends votre expression - du fait de réduire les éléments qui dissuadent l'arrivée des nouveaux joueurs sur le marché. S'agit-il de crédits d'impôt? S'agit-il d'obstacles environnementalistes, de demandes compliquées pour qui souhaite construire une centrale? Quels sont les éléments dissuasifs dont vous parlez?

M. Brooks: Ils sont nombreux, et j'hésite à même tenter de les résumer. Tout de même, la position dominante sur le marché des entreprises d'électricité déjà en place représente probablement le problème le plus important auquel il faut s'attaquer. C'est aussi celui qui risque de perdurer. Toute entreprise nouvelle sur le marché devra affronter une entreprise qui entretient depuis longtemps des liens avec les fournisseurs et les clients.

Le sénateur Banks: Les nouveaux vont donc évoluer, essentiellement, sur le marché au comptant?

M. Brooks: Pas nécessairement sur le marché au comptant; en fait, selon le client auquel le nouveau producteur, le nouvel arrivant voudrait bien vendre son électricité - il devra affronter une entreprise beaucoup plus forte dont la position est devenue difficilement attaquable.

Le sénateur Banks: Mais nous savons ce à quoi cela va ressembler. Comme ils l'ont souligné hier, le gorille de 800 livres, en ce moment, c'est eux. Leur société demeurera le gorille, mais ce ne sera pas le seul, et les représentants de la société croient qu'il y aura d'autres gorilles - voilà donc pour cette métaphore.

Le président: Ils ont bien parlé d'un choix entre un gorille et un chimpanzé.

Le sénateur Banks: Ils ont dit qu'ils demeureront un gorille.

M. Cary: Cela a été porté au compte rendu, n'est-ce pas?

Le président: Oui.

Le sénateur Banks: L'investisseur éventuel sait très bien, maintenant, ce à quoi le nouveau régime va ressembler. Il y aura une évolution substantielle du régime. Toutefois, même après l'évolution en question et même après que le nouveau régime sera appliqué pleinement avec la déréglementation dont il s'accompagne, dans la mesure où il s'agit d'une déréglementation et ainsi de suite, si j'envisageais en ce moment d'investir dans une nouvelle centrale, je saurais ce qui doit se passer dans cinq ans, en présumant que tout va de l'avant et qu'il n'y a pas d'anicroche.

Que peut-on faire pour réduire cet élément dissuasif particulier? OPG demeurera le gorille de 800 livres du marché pendant longtemps, à moins que quelqu'un ne soit prêt à se donner une capacité de production suffisante pour lui livrer directement bataille, ce qui serait vraiment stupide.

M. Cary: Oui. Il y a une certaine demande sur le marché, ce qui limitera la capacité nouvelle qui peut s'établir. Pour qui souhaite faire construire une centrale au gaz de 800 mégawatts, c'est une position très claire. Là où il est question de production distribuée, d'installations de moindre envergure, les questions en jeu ne sont plus les mêmes, et certaines se situent à l'échelon provincial, dans la réglementation provinciale.

Par exemple, de la manière dont est établie la tarification des services distribués, le producteur ancré dans le système de distribution ne peut profiter des économies qu'il crée au profit du distributeur. Si j'aménage donc des installations de production au profit d'un certain distributeur à Toronto, à Mississauga, je vais réduire les coûts de transmission de ce distributeur, mais je n'en profiterai pas. C'est une question qui relève de la compétence provinciale, et donc il y a là des obstacles.

Il y a aussi des questions qui relèvent de la compétence fédérale, des questions liées à la fiscalité - il faut s'assurer d'avoir en place le bon cadre pour ce qui touche l'environnement, la réduction des émissions, l'échange des crédits.

Le sénateur Banks: N'y a-t-il pas un seuil qui fixe à un certain niveau l'avantage fiscal global, seuil lié à la quantité d'électricité qu'une centrale produit ou qu'un producteur produit - 15 mégawatts?

Le président: C'était une taxe sur les actions accréditives.

M. Brooks: Il y a des limites à l'applicabilité de la catégorie 43.1.

Le président: C'est à ce sujet que je voulais obtenir des précisions. Nous disposons d'une information relativement bonne par rapport aux actions accréditives avec la limite ainsi imposée, car il y a aussi un problème du côté de la production d'énergie éolienne.

Le sénateur Banks: Si j'étais un investisseur éventuel, par contre, je n'aurais pas forcément à me brancher sur un système de distribution existant. Est-ce que je pourrais rendre visite à des clients éventuels et leur dire: «Vous n'avez pas à être branché sur le gros réseau. Je vais concevoir un réseau et construire une centrale pour la distribution d'électricité qui est si près de chez vous que vous n'aurez pas à vous soucier d'autres lignes de transmission»? Est-ce même possible, théoriquement?

M. Cary: Il est très coûteux de construire un réseau complet et autonome qui est suffisamment fiable.

Le sénateur Adams: Si vous deviez construire une centrale d'énergie, comment feriez-vous pour trouver des clients? Avant que le processus ne commence, est-ce que vous iriez voir les fabricants d'automobiles, disons, et les membres d'autres grandes industries pour essayer d'obtenir de leur part qu'ils promettent d'acheter votre électricité une fois que vous êtes sur pied?

M. Cary: Laissez-moi vous parler d'un projet qui est assez avancé, à ce stade, que l'on veuille étudier la question de l'engagement ou celle de la fin de l'étude. La société TransAlta s'est engagée à construire une centrale de 440 mégawatts à Sarnia. Elle serait située à l'intérieur d'une installation industrielle particulière. Elle fournirait de l'électricité dans le cadre d'un contrat conclu avec deux ou trois installations non loin de là, à un taux fixe.

Des 440 mégawatts que la société va produire, un peu moins de la moitié est déjà vendue à des industries locales. Le reste sera vendu sur le marché au comptant des exploitants indépendants, sur le réseau, à moins que la société ne trouve d'autres clients ailleurs. Si je ne m'abuse, toutefois, la décision de mettre en route ce projet est fondée sur des engagements contractés par des entreprises locales, le reste devant provenir de ventes sur le marché.

Le sénateur Banks: Est-ce que TransAlta est membre de l'IPPSO?

M. Cary: Oui. Il y a TransAlta, Northland Power, TransCanada Energy, Westcoast Power, et puis il y a TractaBell, AES et Sythe des États-Unis.

Le président: Tous des gorilles de l'Ouest, si j'ai bien compris.

M. Cary: Enfin, ce sont des gorilles de l'extérieur, oui, qui se trouvent sur la scène jusqu'à maintenant. Le cas de Sythe, c'est l'autre intervenant qui a annoncé la création de centrales produisant 1 600 mégawatts, purement, si je comprends, à titre d'installations marchandes à ce stade-ci. Je crois qu'ils n'ont aucun engagement contractuel portant sur des ventes d'électricité déjà établies avant le lancement du projet. Mais ils n'ont pas encore pris une pelletée de terre.

TransAlta est la centrale qui fait l'objet d'un engagement bien réel; et je crois qu'on a même mis la centrale en chantier.

Le sénateur Adams: Si vous construisez une centrale à x kilomètres d'une ligne de transmission, êtes-vous responsable du coût du branchement à la ligne de transmission, ce qui vous donnera l'électricité nécessaire pour faire fonctionner votre centrale? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Cary: Si on prend le cas des centrales de Sythe, chacune est située à environ 1,5 kilomètre de la ligne de transmission. Le producteur devra faire construire lui-même une ligne de transmission qui va de la centrale à la ligne existante ou payer Hydro One pour en faire construire une. De même il devra payer Hydro One pour toute amélioration du réseau qui devient nécessaire en raison de ce fait.

Parfois, pour des raisons techniques, il faut modifier d'autres éléments de l'équipement afin de pouvoir acheminer l'électricité produite sur le réseau. Le nouveau producteur doit s'occuper de cela. C'est assez standard. Je ne crois pas que les gens ne s'opposent à ça. On s'interroge, parfois, sur les estimations avancées et la transparence de l'exercice.

Le sénateur Adams: Est-ce qu'il faudrait qu'il y ait une évaluation environnementale? Comment cela fonctionne-t-il? Les questions environnementales sont très importantes. Je présume qu'il faudrait faire procéder à une évaluation, avant toute autre chose. À qui revient la responsabilité de procéder à une évaluation environnementale portant sur la ligne de transmission?

M. Cary: Le responsable du projet de centrale doit faire procéder à l'évaluation environnementale. Le gouvernement ontarien impose divers niveaux d'évaluation, suivant la taille prévue de la centrale.

De fait, Sythe a fait procéder à l'évaluation en se fondant sur le projet de règlement. Le règlement final n'était pas en place, mais les gens de Sythe ont présumé qu'il serait adopté. Le court segment de ligne de transmission dont il est question ici s'inscrit donc dans l'évaluation environnementale globale portant sur la centrale.

Le sénateur Adams: Je m'adresse à M. Brooks. Vous dites que votre organisation est une société sans but lucratif, n'est-ce pas?

M. Brooks: Oui.

Le sénateur Adams: Comment pouvez-vous construire quelque chose si votre organisme est sans but lucratif? Vous ne fixez pas le prix par kilowatt de l'électricité que vous allez vendre, c'est bien ça? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Brooks: Eh bien, l'IPPSO est un organisme de représentation, une association industrielle. Nous ne réalisons pas de projet. De même, nous ne participons pas aux projets. Notre raison d'être, c'est de promouvoir le développement de formes bénéfiques de production.

Nous faisons valoir ce qui nous semble être la meilleure manière d'orienter le développement pour l'avenir. Nombre de nos membres sont des sociétés sans but lucratif, de fait. Cela n'a pas forcément à être l'apanage du secteur privé. L'IPPSO ne préconise pas que la production soit l'affaire exclusive du secteur privé.

Il existe nombre d'entités appartenant aux municipalités qui produisent ou qui pourraient produire leur propre électricité. Certaines ont bien géré cela par le passé. On y trouve des organisations du tiers secteur, de fait, qui sont ni gouvernementales, ni privées; des organismes sans but lucratif, par exemple, possèdent leurs propres installations de production.

Le sénateur Banks: Pouvez-vous nous donner un exemple?

M. Brooks: Eh bien, il pourrait s'agir d'un hôpital, d'une école, quelque chose comme ça.

Le sénateur Adams: Si vous deviez toucher un profit, que ferait-on de l'argent? Vous placeriez l'argent à la banque, pour faire des intérêts? Que feriez-vous de cet argent? Seriez-vous contraint de payer plus d'impôt?

M. Brooks: Les organismes sans but lucratif ont des objectifs centrés sur l'éducation publique ou la promotion de certaines formes de développement, les trucs de ce genre, et c'est là que va l'argent.

Le président: De fait, vous vous souvenez peut-être d'EPCOR, qui est venu ici avant nous. C'est un organisme sans but lucratif appartenant à la ville d'Edmonton. Ses profits servent à réduire les coûts pour le contribuable. Il existe des dizaines de façons pour les organismes sans but lucratif d'utiliser leurs profits.

Dans votre mémoire, page 2, en haut, vous écrivez ce qui suit:

Instaurer un régime durable de crédits d'impôt à la production qui a facilité la croissance très importante observée récemment au sein de leur industrie de l'énergie renouvelable.

Au Canada, vous voulez quelque chose de semblable à ce qui se fait aux États-Unis. Encore une fois, pourriez-vous nous donner des renseignements sur ce que font les États-Unis en ce qui concerne les crédits d'impôt à la production?

M. Brooks: Certainement.

Le président: Pourriez-vous prendre une minute ou deux pour expliquer cela? Cela doit être compliqué.

M. Brooks: L'idée de base est assez simple. Les producteurs d'énergie renouvelable aux États-Unis qui répondent à certains critères d'admissibilité peuvent se prévaloir d'un crédit d'impôt basé sur la production, le nombre de kilowatts-heure produits par année, plutôt que des crédits d'impôt habituellement consentis à l'industrie de l'électricité.

Le président: Pourriez-vous nous transmettre la documentation là-dessus?

M. Brooks: Certainement.

Le président: Durant les audiences, il y a un témoin ou deux qui nous ont dit que ce n'est pas du point de vue de la production qu'il faut envisager de favoriser les énergies vertes. Selon eux, la bonne façon consisterait à émettre un crédit d'impôt au consommateur, une sorte de formulaire T-7 qui indiquerait que le consommateur a acheté x nombre de millions de pieds cube ou x nombre de kilowatts d'électricité d'origine éolienne ou solaire, ou quelque chose comme cela. Le consommateur qui a dépensé, disons, 5 000 $ pourrait demander une déduction de 1 000 $ de son impôt sur le revenu, ou 500 $, quelque chose comme cela.

Avez-vous étudié la question, c'est-à-dire la façon d'encourager l'adoption de formes d'énergie propre à la fin du cycle, plutôt qu'au début?

M. Brooks: Oui, se servir de la demande des consommateurs pour susciter la production. Cette option a beaucoup de mérite, et si elle était formulée de manière équivalente aux crédits d'impôt à la production, le résultat serait probablement aussi bon, sinon meilleur, et c'est une solution qui demeurerait bien adaptée au marché.

Le président: Tout de même, nous devons faire concurrence aux États-Unis, si bien qu'on voudrait peut-être avoir le régime fiscal américain.

M. Brooks: Il y a certains avantages à pouvoir se comparer aux États-Unis.

Le président: Non seulement cela, mais nous ne pouvons émettre un formulaire T-7. Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Cary: Ce qu'il reste à dire à ce sujet, c'est que pour mettre en place un moyen d'incitation qui provient du consommateur lui-même, il faut un mécanisme de suivi établi tout au long du cycle.

Le président: C'est pourquoi j'ai parlé d'un T-7. Ce serait semblable au relevé des intérêts accumulés que les banques transmettent, ou aux T-4 que nous obtenons de notre employeur. Le formulaire T-7, c'est simplement une idée que j'ai lancée comme cela.

De toute manière, si un consommateur achète de l'électricité produite grâce à une technologie «propre», il faudrait pouvoir suivre la filière pour lier l'électricité distribuée au consommateur particulier dont il est question, oui. Je m'attendrais à ce qu'une entreprise d'électricité fasse ce genre de suivi auprès des clients de toute manière.

M. Cary: Oui. Il reste alors à savoir si le suivi de l'électricité se fait dans le système, de manière proprement physique, ou encore s'il s'agit d'un suivi financier.

Le président: Si je me fie au nombre de fois où on me demande de changer de fournisseur, je crois qu'il faut un excellent suivi.

M. Brooks: Rob soulève un bon point: c'est suffisamment compliqué sur le plan technique pour que l'apport du gouvernement fédéral se révèle très utile.

Le sénateur Banks: Non, vous ne voulez pas que le gouvernement fédéral s'en mêle.

M. Brooks: Peut-être n'ai-je pas encore suffisamment étudié la question, mais s'assurer qu'il existe une série de définitions claires sur ce qui est considéré «vert» ou ce à quoi renvoie une catégorie particulière... pour que le consommateur obtienne ce pour quoi il a payé - voilà qui n'est pas évident dans le cas de l'électricité.

Le président: Eh bien, cela fait en sorte que le consommateur serait, pour une bonne part, le facteur déterminant de l'essor de l'énergie verte, mais je crois qu'il le ferait.

Votre mémoire est exhaustif. Nous allons l'étudier davantage une fois que le comité sera de retour à Ottawa.

Merci beaucoup d'avoir assisté à l'audience, et merci d'avoir partagé vos connaissances.

M. Brooks: Nous allons faire le suivi voulu.

Le président: Merci.

La séance est levée.


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