37-1
37e législature,
1re session
(29 janvier 2001 - 16 septembre 2002)
Choisissez une session différente
Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 10 - Témoignages du 29 mai 2001
OTTAWA, le mardi 29 mai 2001 Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles auquel est renvoyé le projet de loi C-4, Loi créant une fondation chargée de pourvoir au financement de l'appui technologique au développement durable, et le projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Eldorado Nucléaire Limitée et la Loi sur la participation publique au capital de Pétro-Canada, se réunit aujourd'hui, à 18 h 13, pour examiner les projets de loi. Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil. [Traduction] Le président: Je déclare la séance ouverte et vous demande de bien vouloir m'excuser pour ce retard, mais le Sénat vient juste de suspendre ses travaux. Nous allons débattre ce soir du projet de loi C-4, Loi créant une fondation chargée de pourvoir au financement de l'appui technologique au développement durable. Nos témoins sont Mme Sheila Fraser, Mme Maria Barrados et M. John Wierseman. D'après votre nom, monsieur Wierseman, je suppose que vous êtes originaire du nord de l'Alberta ou du sud du Manitoba. M. John Wierseman, vérificateur général adjoint, Direction des opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada: Je suis originaire du nord de la Hollande. Le sénateur Buchanan: Madame Fraser, êtes-vous Néo-Écossaise? Mme Sheila Fraser, vérificatrice générale par intérim, Bureau du vérificateur général du Canada: Non. Le président: Je vous cède la parole, madame Fraser. Je suis désolé d'avoir manqué votre dernière comparution, mais j'ai toutefois lu votre témoignage qui m'a fort impressionné. Mme Fraser: Monsieur le président, nous vous remercions ainsi que le comité de nous avoir invités pour discuter du projet de loi C-4, Loi créant une fondation chargée de pourvoir au financement de l'appui technologique au développement durable. J'ai à mes côtés aujourd'hui Mme Maria Barrados et M. John Wierseman, vérificateurs généraux adjoints. Aujourd'hui, j'aimerais aborder plusieurs questions sur la comptabilité, la régie et la reddition de comptes de la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable. Je commencerai tout d'abord par les questions de comptabilité. J'ai des réserves quant au transfert par le gouvernement de sommes importantes à des fondations avant que ces sommes puissent servir à la prestation de services. En outre, je m'inquiète du fait que le gouvernement comptabilise ces transferts comme dépenses dans les comptes publics, même si l'argent demeure dans les comptes bancaires des fondations. Nous n'avons pas encore vérifié le transfert de fonds publics à la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable. Lorsque nous le ferons, nous évaluerons si ce transfert a été dûment autorisé au moment où il a été effectué et s'il a été dûment comptabilisé. Lorsque nous vérifierons les comptes publics de 2001 cet été, nous porterons une attention particulière à ces questions pour ce qui est du transfert à la Fondation ainsi que des transferts semblables à d'autres organisations. Nous communiquerons toutes nos préoccupations importantes cet automne dans le rapport du vérificateur ou dans les observations sur les états financiers du gouvernement de 2001, ou encore dans une observation de vérification dans notre rapport de décembre 2001 au Parlement. [Français] J'aimerais maintenant aborder les questions de régie et de reddition de comptes. Le chapitre 23 du Rapport du vérificateur général de novembre 1999 traitait d'une vérification de portée gouvernementale de la reddition de comptes à l'égard de nouveaux types de mécanismes de régie. Ces mécanismes sont utilisés pour permettre à des organisations de l'extérieur du gouvernement fédéral d'exécuter des programmes fédéraux. Dans cette vérification, nous avions reconnu que ces nouveaux mécanismes pouvaient être des moyens appropriés d'exécuter des programmes. Nous effectuons présentement un suivi de notre vérification de novembre 1999. Nous prévoyons communiquer nos constations au Parlement en avril 2002. Dans le cadre de cette vérification, nous examinerons les nouveaux mécanismes annoncés dans le budget de 2000, y compris la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable. La Fondation proposée exercera un mandat public. Les Canadiens et Canadiennes s'attendent à ce que les entités, qui jouissent d'une certaine latitude pour redistribuer les ressources publiques ou qui exercent des pouvoirs publics, gèrent leurs activités de façon apolitique, impartiale, juste, équitable, prudente, honnête et professionnelle. Ils s'attendent également à ce que le Parlement soit en mesure d'examiner efficacement la manière dont l'argent des contribua bles est dépensé. Dans notre vérification de 1999, nous avions recommandé un cadre de régie pour ces mécanismes, qui assurerait: des rapports appropriés au Parlement et au public; des mécanismes redditionnels efficaces; une transparence adéquate; la protection de l'intérêt public. Ce cadre de régie repose sur deux principes fondamentaux de la démocratie parlementaire. Premièrement, la préséance de la souveraineté du Parlement sur la politique fédérale. Quiconque détient le pouvoir discrétionnaire de dépenser l'argent versé au gouvernement fédéral par les contribuables ou d'exercer le pouvoir fédéral ne doit pas être soustrait à un examen éventuel du Parlement. Deuxièmement, l'intendance à l'égard du mandat public. Tout mécanisme d'exécution de programmes et de prestation de services fédéraux doit respecter le mandat public en adhérant aux valeurs du secteur public, par exemple, la prudence, le bien-fondé, la justesse, l'impartialité et l'équité. Le projet de loi C-4 renferme des dispositions se rapportant au cadre de régie que nous avons recommandé dans notre rapport de vérification de 1999. Ainsi, la Fondation préparera un rapport annuel qui sera rendu public et qui sera déposé au Parlement. Le rapport comprendra des états financiers vérifiés et des états des placements. De plus, il présentera les politiques et activités de financement. Il comprendra également un plan d'action pour le prochain exercice de même que l'évaluation des résultats globaux atteints par les projets au cours de l'exercice et depuis la constitution de la Fondation. Telle sera la régie de la Fondation. Elle sera composée de 15 membres et administrée par un conseil d'administration. Le ministre des Ressources naturelles a indiqué que les membres de la Fondation représenteraient les parties intéressées et ses clients éventuels de la même manière que les actionnaires d'une société. Nous nous préoccupons quant à l'existence de mécanismes adéquats pour: protéger l'intérêt du public en général, y compris des dispositions concernant les plaintes et les recours ainsi que des mesures pour faire en sorte que les valeurs du secteur public soient intégrées à la culture organisationnelle; assurer l'accès du public à l'information organisationnelle; régler les conflits entre le ministre et la Fondation; permettre au ministre, à titre exceptionnel, d'apporter les mesures correctives appropriées dans les cas où le mandat d'intérêt public de la Fondation risque de ne pas être respecté. [Traduction] Le comité a soulevé la question de l'accès à l'information. Nous croyons que dans des organismes comme la Fondation, il est important de faire preuve d'une transparence adéquate. Il faut prévoir un accès à l'information de la Fondation qui correspond à ces fonctions d'intérêt public. Naturellement, il faut tenir compte des inquiétudes légitimes quant à la protection des renseignements personnels et commerciaux de nature confidentielle. Nous craignons que les dispositions relatives à la vérification ne soient pas adéquates, autre sujet que le comité et la Chambre ont soulevé. Mesdames et messieurs les sénateurs, cette Fondation remplira un mandat d'intérêt public. Les rapports des vérificateurs sur les états financiers de société certifient que ceux-ci donnent une image fidèle de la situation financière de la société et de ses résultats de fonctionnement. Dans notre rapport de vérification de 1999, nous avions indiqué que dans des cas comme celui-ci, le Parlement doit également obtenir l'assurance par une vérification indépendante, que les contribuables en ont pour leur argent. Si un ministère ou un conseil de subventions s'acquittait de ce mandat public, il serait soumis à une vérification de l'optimisation des ressources ou à un examen spécial, dans le cas d'une société d'État. L'accord de financement entre le gouvernement et la Fondation fera l'objet d'un examen par le vérificateur général. Toutefois, nous ne pouvons examiner que le rôle et les responsabilités du ministère, y compris sa diligence raisonnable à établir des mécanismes initiaux avec la Fondation pour le versement de fonds publics par l'accord de financement. Nous n'aurons pas le pouvoir d'examiner les activités de la Fondation, à moins d'être nommés les vérificateurs externes en vertu de la loi. Nous ne serons donc pas en mesure de fournir une assurance au Parlement et au public quant à l'utilisation probe et prudente des fonds et des pouvoirs publics par la Fondation et l'atteinte de ses objectifs en matière de politique. Comme de nouveaux organismes tels la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable sont créés et que le vérificateur du Parlement n'est pas le vérificateur mandaté, il y a lieu de s'interroger sur le rôle du vérificateur général. Dans quelle mesure le vérificateur général doit-il pouvoir faire le suivi des fonds publics pour permettre au Parlement d'obtenir une évaluation indépendante de la gestion de l'argent des contribuables? Si le besoin se présentait, le vérificateur devrait-il pouvoir vérifier l'organisation directement ou effectuer une vérification de l'exactitude et de la fiabilité de l'information sur le rendement communiquée au Parlement? Nous invitons le Parlement à se pencher sur cette question et à décider du niveau d'accès qu'il désire donner à son vérificateur. En conclusion, nous avons plusieurs préoccupations concernant la façon dont le transfert à la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable sera comptabilisé dans les comptes publics. Nous avons également des réserves quant aux dispositions relatives à la régie et à la reddition de comptes. La loi proposée semble comprendre certaines caractéristiques que nous avions demandées dans notre rapport de vérification de 1999, mais pas toutes, notamment, des mécanismes qui protége raient l'intérêt public en général. Les gouvernements subissent des pressions financières et technologiques les poussant à utiliser des moyens novateurs et non traditionnels d'exécuter les programmes et de fournir les services. À mesure que nous adoptons ces nouvelles formes d'exécution de programmes et de prestation de services, nous devons prendre garde de ne pas affaiblir les principes fondamen taux de la démocratie parlementaire. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité. Le président: Votre exposé, sans complaisance, va droit au fait. Le sénateur Spivak: Quels sont les avantages pour un gouvernement d'utiliser ce genre de fondation au lieu de faire participer des gens en tant que membres du conseil d'administration? Pourquoi, à votre avis, les dispositions de régie et de reddition de comptes ne sont pas en place? Je ne cherche pas à savoir quelles sont les motivations politiques, mais peut-être existe-t-il des raisons techniques que nous ne connaissons pas. Quelles sont ces raisons? Ce n'est pas le seul organisme du genre. J'ai également des préoccupations au sujet du conseil d'investissement du Régime de pensions du Canada. Lors de nos discussions au sujet de ce conseil, des questions semblables ont été soulevées. Dans le cas qui nous intéresse, les répercussions sont encore plus nombreuses. Pourriez-vous nous donner les raisons techniques et juridiques d'une telle fondation? Vous êtes-vous penchés sur cette question? Combien d'organismes du genre existent-ils et quelles sont les ressemblances et les différences? Mme Fraser: Il existe plusieurs organismes de ce genre. Autant que je sache, ils ont été créés en vue de permettre plus de souplesse et d'efficience dans la prestation des services, de manière qu'ils ne soient pas limités par certaines règles et procédures du gouvernement central, si vous voulez. Peut-être la possibilité de solliciter des fonds provenant du secteur privé existait-elle, si bien qu'il fallait prévoir un mécanisme à cet égard. À ma connaissance, il n'a été fait aucune étude ou évaluation susceptible d'indiquer que ce genre de fondation ou d'agence apporte quoi que ce soit de différent de ce que peut apporter le gouvernement central traditionnel. Il vaudrait la peine que le gouvernement effectue un examen de ces nouveaux mécanismes de prestation de services pour en évaluer les avantages, les inconvénients, ainsi que les correctifs à apporter. Je vais demander à madame Barrados de faire des observations sur les chiffres qui figuraient dans notre rapport de vérification de 1999. Mme Maria Barrados, vérificatrice générale adjointe, Direction des opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada: En 1999, lorsque nous avons procédé à notre vérification dans ce domaine, nous avons découvert qu'il n'y avait pas d'inventaire. Un sondage nous a permis de voir qu'il existait 77 mécanismes nouveaux, tous différents les uns des autres, dont 51 mécanismes de coopération, différents de ceux que vous examinez aujourd'hui - un partenariat était prévu, souvent entre deux paliers de gouvernement ou avec des ONG -, dont également 26 mécanismes de délégation qui sont semblables aux mécanismes prévus pour la Fondation. Depuis, de nouveaux mécanismes ont été annoncés. Le sénateur Spivak: Si je comprends bien, des organismes du secteur privé peuvent contribuer à la Fondation. C'est inquiétant, car cela veut dire qu'ils peuvent en récupérer l'ordre du jour. Cela vous inquiète-t-il? Ce n'est peut-être pas nécessairement prévu par le gouvernement. Comment en assurer le suivi? Par exemple, même si nous avons un besoin criant de financement supplémentaire pour la recherche, d'éminents chercheurs canadiens déplorent le recours au financement de contrepartie des sociétés, car celles-ci ne s'intéressent pas vraiment à ce qui pourrait servir l'intérêt public. Quel impact un tel mécanisme a-t-il sur l'intérêt public? Qu'est-ce qui empêche que l'intérêt public ne soit renversé par l'intérêt d'une société? Mme Fraser: Pour répondre à la question du sénateur, l'information - si elle se trouve quelque part - se trouverait dans l'accord de financement conclu entre le gouvernement fédéral et la Fondation elle-même. Le sénateur Spivak: Cela va-t-il être transparent? Mme Fraser: Cela devrait l'être. Ce document devrait être public et nous espérons y trouver des critères assez précis pour les genres de projets qui devraient être financés et appuyés. Nous avons soulevé toute la question de la transparence et de l'information que la Fondation devrait fournir au public, notamment les critères, les genres de projets qui seront financés et les points à préciser. J'ose espérer que le règlement de ces questions permettrait aussi d'apaiser en partie certaines de vos éventuelles inquiétudes. Le sénateur Spivak: La Fondation est-elle assujettie à la Loi sur l'accès à l'information? Mme Fraser: Non. Le sénateur Spivak: C'est une grave lacune. Mme Barrados: Ce qui est également préoccupant au sujet de la création de ces nouveaux organismes, c'est l'établissement des rapports et le genre d'information qu'ils contiennent. Ces organismes s'engagent à présenter leurs états financiers, mais va-t-on disposer de suffisamment d'information pour que le Parlement soit en quelque sorte convaincu que les ressources sont utilisées de façon optimale et que les dépenses se font selon les désirs du Parlement? Le sénateur Spivak: Que recommanderiez-vous pour régler cette question? Si nous envisagions des amendements, par exemple, que recommanderiez-vous dans le domaine de l'accès à l'information, de la transparence et de la protection de l'intérêt public? Mme Barrados: Nous sommes toujours prudents à propos de ces questions, lorsque nous n'avons pas fait de vérification détaillée. Dans le rapport de vérification de novembre 1999, nous avons prévu un cadre comportant les éléments auxquels nous nous attendrions dans le contexte de tous ces nouveaux mécanismes, lesquels peuvent être créatifs et novateurs; il faut toutefois arriver à un équilibre à cet égard. Le président: Je ne comprends pas tout à fait le paragraphe 14 où vous dites avoir indiqué que le Parlement doit obtenir l'assurance par une vérification indépendante. Voulez-vous parler de votre bureau ou d'un autre organisme? Lorsque vous dites «assurance par une vérification indépendante», parlez-vous des vérificateurs qui sont à l'extérieur du secteur public? Mme Fraser: La vérification des états financiers est maintenant prévue. Le président: Vous considéreriez-vous à l'extérieur? Mme Fraser: L'information relative au rendement sera publiée dans le rapport annuel, mais il n'y aura pas l'assurance que l'information sur le rendement est complète, adéquate et juste. Cet élément serait important, car il permettrait d'assurer l'optimisation des ressources. On pourrait prévoir une disposition relative à une vérification publique, mais elle ne serait pas rendue publique. Nous proposons qu'une assurance soit donnée au sujet de cette information sur le rendement. Nous nous interrogeons sur le rôle du vérificateur général qui ferait ce travail, soit en tant que vérificateur de la Fondation, ce qui semble peu probable, soit en tant que vérificateur du Parlement au cas où ce dernier confierait cette tâche au vérificateur général. Le président: En notre qualité de parlementaires, ferions-nous mieux de vous demander de surveiller la vérification effectuée par l'organisme ou d'inscrire dans la loi que vous êtes chargés de la vérification du début à la fin? Mme Fraser: Je crains que ma réponse ne paraisse intéressée. Nous aimerions bien sûr que cela soit réglé. La question de savoir qui vérifie les états financiers est moins importante. J'aimerais que le Bureau du vérificateur général du Canada puisse vérifier certaines de ces fondations et effectuer des vérifications de l'optimisation des ressources, ce qui soulève la question plus vaste du mandat du Bureau. Le président: Vous vous inquiétez, me semble-t-il, de les voir se multiplier on ne sait ni quand ni comment. De toute évidence, il est possible de contourner le Bureau du vérificateur général, sinon, ces fondations ne se multiplieraient pas de cette façon-là. Mme Fraser: Le vérificateur général n'a pas accès à ces organismes. Le sénateur Kelleher: Au paragraphe 15 de votre exposé, vous parlez de ce que vous ne pouvez pas faire et de ce qui ne peut pas se faire. La loi ne pourrait-elle pas régler ce point en précisant, si nous devons avoir des vérificateurs indépendants, les critères que ceux-ci seraient tenus de respecter pour la préparation de leur rapport? Mme Fraser: Oui, ce serait possible. Pour l'instant, la seule disposition prévue vise strictement la vérification des états financiers et ne vise pas la vérification de l'optimisation des ressources ou de l'information sur le rendement. Le sénateur Kelleher: Il semblerait qu'il existe deux solutions à cet égard. Il suffit soit de donner au vérificateur général le pouvoir de le faire, soit de modifier la loi en précisant la portée de la vérification confiée à des vérificateurs indépendants. Je vous renvoie aux paragraphes 2 et 3 de votre exposé. Si je me souviens bien, la fondation n'avait même pas été créée et nous avons pris une société, déjà constituée, mais qui était en réserve. Dans le jargon juridique, on parle de «société en veilleuse.» Il ne s'agissait pas simplement de transférer les fonds à la nouvelle société. La société n'existait même pas. Je suis très inquiet au sujet de la légalité et de la régularité de ce genre de situation. Qu'avez-vous à dire à ce sujet? Lorsque le comité a demandé pourquoi les fonds étaient transférés à ce moment précis, on lui a répondu: «Parce que les fonds sont disponibles maintenant. Si on ne les utilise pas maintenant, ils seront perdus.» J'ai déjà dirigé quelques ministères et je sais que ce genre de risque existe toujours. Toutefois, j'ai de la difficulté à accepter cette raison ou cette excuse à propos du transfert d'argent en un versement unique, sous prétexte que «si nous ne le prenons pas maintenant, nous le perdrons. Il sera reversé dans les comptes généraux et il faudra reprendre tout le processus.» Je voudrais savoir dans quelle mesure cette explica tion est juste? Mme Fraser: Nous sommes également préoccupés au sujet du pouvoir d'autorisation de ces paiements. J'aimerais préciser certaines dates. Malheureusement, nous n'avons pas terminé tout notre travail de vérification et cela se fera dans le cadre du travail relatif aux comptes publics. L'accord de financement a été signé en mars et c'est en avril que les paiements ont été faits, soit après la fin de l'exercice. Le sénateur Kelleher: Ces paiements ont-ils été versés à la société en veilleuse? Mme Fraser: Oui. Vingt-cinq millions de dollars ont été versés par le ministère de l'Environnement et 25 millions de dollars par Ressources naturelles Canada. Nous ne savons pas pour l'instant si le gouvernement inscrira ces paiements dans la colonne des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2001, ou non. Ces paiements seront inscrits dans un compte créditeur. Le président: Je crois bien que le ministre nous a assurés que c'est la raison pour laquelle ces fonds sont inscrits dans le budget de l'année dernière. Mme Fraser: Cela nous pose un problème, car les paiements ont été effectués après la fin de l'exercice. Je ne veux pas présumer des conclusions de notre vérification, mais des questions se posent à propos des dates et nous voulons nous assurer du bien-fondé des pouvoirs d'autorisation de ces paiements. Le sénateur Kelleher: Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de la façon dont cela s'est passé dans ce cas précis, soit le transfert de fonds à une société en veilleuse, en fiducie, pour le compte d'une fondation qui n'avait pas encore été créée? Mme Fraser: Je dois dire que je n'aime pas la façon dont ces opérations ont été faites. Nous aurions préféré que le Parlement approuve la création de cette fondation ainsi que les montants d'argent transférés. Les fonds, comme je l'ai dit, sont transférés par le gouvernement avant qu'ils ne puissent servir à la prestation de services. Le président: Qui plus est, ils n'ont pas été versés à une fondation, mais à une société en veilleuse. Certains d'entre nous auraient de gros problèmes s'ils procédaient de la sorte. Le sénateur Cochrane: J'ai une question supplémentaire à celle du sénateur Kelleher. Vous avez fait mention de deux ministères, le ministère de l'Environnement et celui de Ressour ces naturelles Canada. Ces deux ministères doivent rendre des comptes au vérificateur général, n'est-ce pas? Mme Fraser: Oui. Le sénateur Cochrane: Êtes-vous d'accord avec le ministre lorsqu'il déclare que ces ententes financières vous donnent la possibilité de procéder à l'examen de ces dépenses dans le contexte des ministères? Mme Fraser: Nous pouvons examiner les accords de financement ainsi que les paiements versés par le ministère à la Fondation. Nous ne pouvons pas examiner la façon dont la Fondation utilise ces fonds. Nous pouvons effectuer la vérification des deux chèques de 25 millions de dollars, mais nous ne pouvons pas savoir comment les 50 millions de dollars vont être utilisés. Le sénateur Cochrane: À quoi sert-il de demander à la Fondation de nommer son propre vérificateur indépendant? C'est ce qui est recommandé dans ce projet de loi: la Fondation aura son propre vérificateur indépendant. De quel financement bénéficiera-t-elle à l'avenir? D'autres fondations ont reçu des millions de dollars. Le gouvernement ne pourrait-il pas fournir le financement directement à la Fondation au lieu de passer par les ministères et ainsi éviter de vous rendre des comptes? Est-ce possible? Mme Fraser: Le problème qui se pose n'est pas tant que les fonds proviennent de ces ministères, mais plutôt que nous n'avons pas accès aux livres de la Fondation. Nous pouvons en fait faire la vérification de toutes les sommes que le gouvernement verse à ces fondations; par contre, nous ne pouvons pas savoir ce qui se passe après le versement des fonds. Le sénateur Cochrane: Cela s'appliquerait-il également à tout financement à venir? Mme Fraser: Oui. Le sénateur Kelleher: Monsieur le président, je ne pense pas que nos témoins aient répondu à la deuxième partie de ma question. Il s'agit de l'explication que le ministre a donnée à ce comité quant à la raison du transfert des fonds au moment où cela s'est fait. Le commentaire qui a été fait est le suivant: «Si nous ne le faisons pas, nous perdrons ces fonds.» Je trouve cela un peu inquiétant. Mme Fraser: Je peux assurer le sénateur que nous allons examiner ces opérations de très près lorsque nous ferons notre vérification des comptes publics. Je sais que le ministre a tenu ces propos, mais nous ne savons pas si cela va être porté aux dépenses de l'exercice se terminant en mars 2001. Nous sommes préoccupés, tout comme vous, et nous soulèverons la question en temps et lieu dans notre rapport de vérification des comptes publics. Le sénateur Christensen: J'aimerais avoir des explications au sujet de vos pouvoirs de vérification. Vous pouvez effectuer la vérification des fonds au moment où ils sont versés à la Fondation; une fois qu'ils sont dans les comptes de la Fondation, vous pouvez vérifier le vérificateur qui les vérifie, mais vous ne pouvez pas vérifier ce qu'il a vérifié; est-ce exact? Mme Fraser: Non, monsieur le président, nous ne pouvons même pas faire cela. Nous pouvons vérifier les paiements effectués par le gouvernement pour le compte de la Fondation, un point c'est tout. Nous ne vérifions pas le vérificateur. Nous n'avons pas accès aux livres ou dossiers de la Fondation. Le sénateur Cochrane: Le mercredi 2 mai, j'ai présenté dans la salle du Sénat des arguments semblables qui correspondent presque textuellement à ce que vous venez de dire, si bien que je suis assez heureuse de voir que je ne suis pas la seule à me demander pourquoi rien ne se fait à cet égard. Dans un rapport daté de novembre 1999, intitulé «Matter of Special Importance», votre prédécesseur a écrit que, de par leur nature même, ces arrangements mettent en question la règle traditionnelle selon laquelle ces ministres doivent répondre au Parlement de leurs politiques et programmes. Les ministres n'en sont jamais entièrement responsables. Dans certains cas, des mesures ont été prises pour que les politiques et programmes soient tout à fait indépendants des ministres, même s'ils dépendent du financement fédéral et relèvent de l'autorité de l'État. Votre prédécesseur parlait de ce qu'il appelait les «nouveaux arrangements de l'État». Cette fondation, qui doit être créée en vertu du projet C-4, tomberait certainement sous cette catégorie. Êtes-vous d'accord avec l'évaluation de votre prédécesseur? Est-ce que le ministre évite d'assumer une responsabilité en créant cette fondation? À ce que le gouvernement évite de devoir rendre des comptes au Parlement en faisant que la fondation doive rendre compte au vérificateur qu'elle désigne plutôt qu'à vous? Mme Fraser: Je suis d'accord avec le sénateur et les commentaires que M. Desautels a faits au sujet de ces arrangements - qu'il modifie le modèle traditionnel de reddition des comptes. Il est vrai que le ministre n'est pas responsable de ces fonds. En fait, une fois qu'ils sont transférés à ces fondations, il y a bien peu de choses que le ministre peut faire. Si ces fondations ne remplissent pas les fonctions pour lesquelles elles ont été créées, aucun mécanisme n'est prévu pour que le ministre puisse intervenir et reprendre son autorité. Les fondations ont été conçues de manière à ce que le gouvernement ne puisse pas en contrôler les membres, ni le conseil d'administration. C'est vraiment une organisation «indépendante» du gouvernement. Le sénateur Spivak: Cela pourrait très bien convenir s'il y a transparence et reddition des comptes. Mme Fraser: Nous convenons que cela irait très bien, dans la mesure où il existe un mécanisme selon lequel, si quelque chose va de travers, il y a moyen de reprendre le contrôle. Le sénateur Spivak: Il pourrait y avoir un mécanisme de supervision financière. Je me reporte au rapport du vérificateur général de février 2001. On y lit qu'ils ont trouvé 26 arrangements et que, dans les arrangements où le gouvernement fédéral avait délégué la prise de décision à un partenaire, il y avait peu de compte rendu, et les attentes en matière de rendement n'étaient généralement pas liées aux résultats. Il n'y avait aucun étalon d'après lequel les mesures et les progrès sont déterminés si l'arrangement était valable. Dans d'autres cas, il manquait de mesures adéquates pour protéger l'intérêt public, comme des mécanismes de plaintes et de recours, et des règles sur les conflits d'intérêts. Savez-vous si quelqu'un, à la Chambre des communes, a soulevé certaines de ces questions avant que le projet de loi soit présenté au Sénat? Mme Fraser: Oui, à ma connaissance cela a été fait. Je sais que les questions ont été soulevées. Le sénateur Spivak: Les questions ont été soulevées, mais c'est tout. Le président: Au paragraphe 11 de votre document, vous dites que le ministre des ressources naturelles a déclaré que les membres de la fondation représenteraient ces membres et clients potentiels. Cela fait si longtemps que je suis en politique pour me méfier du mot «déclarer». Que feriez-vous pour resserrer cela? Mme Fraser: Monsieur le président, c'est un extrait du témoignage du ministre devant ce comité, le 15 mai. Le président: Je vois. Nous avons invité le ministre à revenir pour répondre à pas mal de ces questions, quoi qu'il en soit. Vous avez vraiment réussi à jeter une grenade dans le nid. Honorables sénateurs, nous passons au projet de loi C-3, la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Eldorado nucléaire limitée et la Loi sur la participation publique au capital de Petro-Canada. Ce soir, nous allons entendre le témoignage de M. Bernard Michel, de Cameco Corporation. Voulez-vous faire une déclaration préliminaire, monsieur Michel? M. Bernard M. Michel, président-directeur général, Came co Corporation: Monsieur le président, je pensais être ici pour répondre à des questions de votre comité. Si vous voulez, je peux toujours expliquer qui est Cameco Corporation et pourquoi nous sommes ici. Le président: Nous voulons surtout savoir pourquoi vous trouvez important que les restrictions imposées sur la propriété de Cameco soient supprimées, particulièrement alors que l'uranium est considéré comme un minerai stratégique. M. Michel: Monsieur le président, comme vous le savez, Cameco a été créé en 1988 avec la fusion d'Eldorado Nucléaire et de Saskatchewan Mining Development Corporation. La compagnie a été créée avec le mandat, tout d'abord, de devenir un leader mondial dans la production de l'uranium et, deuxième ment, de se privatiser. C'est ce qu'a fait la compagnie. Nous avons lancé le processus de privatisation avec l'émission des actions de l'État en 1991, et maintenant, toutes les actions, sauf 9 p. 100, de Cameco, sont détenues par des intérêts privés, et les 9 p. 100 restants par le gouvernement de la Saskatchewan. Nous sommes le plus gros producteur et le principal fournisseur d'uranium du monde. Nous participons largement aux activités de conversion de l'uranium en des produits nucléaires de conception avancée, sous la forme d'hexafluorure d'uranium et de dioxyde d'uranium. Nous détenons aussi 15 p. 100 d'intérêts dans les réacteurs Bruce dans l'Ontario, dont les installations ont une capacité de production de 1 500 mégawatts. Nous exploitons aussi une grande mine d'or de l'Asie centrale, dont nous détenons le tiers des actions. Les actions de Cameco sont cotées en bourse. Environ 95 p. 100 de nos actions sont détenues au Canada actuellement mais, comme n'importe quelle compagnie, nous avons besoin de grandir. Pour ce faire, il nous faut acquérir des compagnies dans le secteur nucléaire, et de temps en temps, nous devons émettre des actions à cette fin. Nous aimerions pouvoir offrir ces actions aux compagnies du secteur de l'uranium ou des matières nucléaires à l'extérieur du Canada. Actuellement, en vertu de la loi qui a créé Eldorado Nucléaire, aucun non-résident ne peut détenir plus de 5 p. 100 des parts et, en tout, les actionnaires non-résidents ne peuvent avoir plus de 20 p. 100 des actions. Pour avoir accès aux marchés financiers étrangers, nous avons demandé l'augmentation de la part d'actions individuelles. Nous proposons qu'elle soit augmentée de 5 à 15 p. 100, et que la portion maximale des valeurs avec droit de vote soit augmentée de 20 à 25 p. 100, et c'est en gros la teneur de l'amendement qui est soumis à votre comité. Si l'on pense à la valeur des parts de nos jours, une augmentation de 5 à 15 p. 100 nous permettrait d'accroître les capitaux propres sur les marchés étrangers d'environ 100 millions de dollars au coût actuel des actions, jusqu'à 400 millions, selon la même valeur. Nous pensons que c'est de l'intérêt de Cameco et de ses actionnaires. Le sénateur Spivak: On peut très bien comprendre que toute compagnie doit grandir, mais y a-t-il une limite à la croissance? C'est une question rhétorique. Est-ce qu'un actionnaire qui détient 25 p. 100 d'une compagnie peut la contrôler, quelle que soit l'identité de la majorité des administrateurs? J'ai entendu que le fait de détenir 25 p. 100 des actions assure effectivement le contrôle. M. Michel: Les 25 p. 100 s'appliquent au droit de vote ensemble, et non pas à celui d'un seul actionnaire. Le maximum que peut détenir un actionnaire unique, comme le précise cet amendement, est 15 p. 100. Le sénateur Spivak: C'est donc dans l'ensemble. M. Michel: Exactement. Le sénateur Taylor: Ensemble, c'est 25 p. 100; une seule personne ne peut avoir que 15 p. 100. Le sénateur Spivak: Je comprends bien cela, mais il me semble que si les non-résidents se liguaient, ils pourraient effectivement contrôler la compagnie. M. Michel: Si les non-résidents votaient ensemble, ils n'auraient au maximum que 25 p. 100 des voix, contre 75 p. 100 des votes venant de résidents canadiens. Le sénateur Spivak: Voulez-vous dire qu'il n'est pas vrai que 25 p. 100 des actionnaires ne peuvent pas contrôler la compagnie? M. Michel: Je ne pense pas que ce soit un problème qui se pose à Cameco, étant donné la très grande part des fonds détenus par les institutions canadiennes de la compagnie. Ce n'est pas un scénario plausible. Le sénateur Spivak: Quelle est à votre avis l'importance stratégique de ceci pour le Canada? Les Canadiens ont besoin d'en garder le contrôle. De toute évidence, au début, cette compagnie a été créée avec de l'argent des contribuables. Est-ce que les contribuables vous ont financés? M. Michel: Les contribuables du Canada ne nous ont pas financés. Je ne suis pas d'accord avec cela. Au début, des deux compagnies, l'une appartenait au gouvernement fédéral et l'autre au gouvernement de la Saskatchewan. Lorsque la compagnie a été créée, nous avons transféré 650 millions de dollars aux deux compagnies pour lesquelles nous achetons des actions, Eldorado Nucléaire et Saskatchewan Mining Development Corporation. Les actions ont été vendues entre 1991 et 1996. Le sénateur Spivak: Autrement dit, vous dites qu'aucun fond public n'a été utilisé et qu'il n'y a eu aucun prêt du gouvernement. M. Michel: Honorable sénateur je peux vous assurer que le gouvernement de la Saskatchewan a fait beaucoup d'argent avec cette transaction. Je ne peux pas répondre à cette question pour le gouvernement fédéral, parce que je ne sais pas à quel prix les actions d'Eldorado ont été inscrites dans le registre du gouvernement du Canada. Le président: Je ne pense pas que ce soit vraiment la propriété des actions qui nous préoccupe. Nous nous demandons si, à un moment donné depuis 20 ans, ou depuis que vous avez créé Cameco, le gouvernement fédéral a prêté des fonds à Cameco qui ont été plus tard remis ou effacés. M. Michel: Non, jamais. Le président: C'est une pratique courante à certains gouvernements provinciaux, comme l'Alberta et quelques autres. Ils prêtent de l'argent à leur compagnie pour lui permettre de se lancer, puis y renoncent au remboursement. M. Michel: Cela n'a jamais été le cas pour Cameco. Le sénateur Taylor: Je m'étonne un peu que Cameco veuille accroître la part des non-résidents de 5 à 15 p. 100, alors que pour Petro-Canada, cette part est passée à 25 p. 100. Autrement dit, Petro-Canada a 10 p. 100 de plus d'actionnaires étrangers que Cameco. Aussi, Petro-Canada n'a pas de limite sur la quantité totale d'actions. Autrement dit, vous imposer une limite de 25 p. 100 sur la quantité totale d'actions, alors que Petro-Canada n'en a pas. Pensez-vous subir un traitement injuste? M. Michel: Je ne peux pas répondre à cette question. Le gouvernement du Canada a décidé de considérer que le pétrole et le gaz sont différents de la matière nucléaire, et nous interprétons cette différence comme étant une manière de souligner le fait que l'uranium, étant une substance radioactive, doit être considérée sous un jour différent par le gouvernement du Canada. C'est une politique que nous avons acceptée. Le président: Vous avez dit que les administrateurs, de par la loi, seront encore des Canadiens, ou du moins des résidents. M. Michel: La majorité, oui. Le président: Cela me préoccupe, parce que ces administrateurs sont élus par des membres du public qui ont droit de vote, et ils devront leur loyauté en partie à la compagnie, mais peut-être encore plus aux actionnaires qui les auront élus. Savez-vous ce que veux dire l'expression «Oncle Tom»? M. Michel: Non. Le président: Nous pourrions avoir tout un conseil d'administration composé d'Oncles Tom, élus par les actionnaires étrangers. Est-ce que cela vous inquiète? Le sénateur Spivak: Des administrateurs souples. M. Michel: Nous adhérons à la Loi sur les sociétés canadiennes, qui exigent que la majorité des administrateurs soient des résidents canadiens. Le président: Monsieur Michel, en tant qu'homme d'affaires international, vous savez que le Mexique est une région où les actionnaires désignent leurs avocats, leurs beaux-frères et leurs amis, comme résidents, pour siéger au conseil d'administration. Le sénateur Spivak: C'est ainsi qu'ils peuvent le contrôler. M. Michel: Ce pourrait être une préoccupation légitime, je ne sais pas, mais en tant que président de la compagnie, et tant que je le serai, j'ai bien l'intention de ne pas jouer sur l'intention de la loi. Je considérerais cela tout à fait déplacé. Si vous êtes en train de dire qu'il pourrait y avoir désignation de résidents nominaux je peux vous assurer que ce n'est absolument pas le genre de gestion que prône Cameco. Le sénateur Taylor: Certaines juridictions du monde se réservent le droit de désigner peut-être 25 p. 100 du conseil d'administration. Ainsi, le gouvernement s'assure que 25 p. 100 des membres du conseil sont des résidents et doivent leur situation au conseil au gouvernement au pouvoir. Est-ce que cela vous embêterait beaucoup? M. Michel: Oui, parce que je suis d'avis que les compagnies gèrent l'argent des actionnaires, et que c'est aux actionnaires de désigner les administrateurs. Je ne vois pas pourquoi les gouvernements auraient un rôle à jouer dans le choix des administrateurs de sociétés ouvertes. Peut-être ai-je un gros parti pris. Le sénateur Cochrane: D'après notre document d'information, la situation a changé ces dernières années, au point que le gouvernement estime que ces restrictions limitent inutilement la croissance potentielle et aussi la flexibilité de gestion. Le projet de loi C-3 a été présenté dans le but de supprimer ces restrictions. Pensez-vous que si elles l'étaient, votre compagnie connaîtrait une croissance plus rapide? Est-ce que c'est ce que vous voulez dire? M. Michel: Honorable sénateur, je ne dis pas que nous progresserions beaucoup plus vite. Une compagnie peut croître quand elle en voit l'opportunité. De nos jours, je ne vois aucune opportunité d'émission d'actions pour des investisseurs étrangers, mais nous pensons que c'est une possibilité qui devrait nous être offerte parce que nous avons maintenant des possibilités d'en tirer parti. Le sénateur Cochrane: Pouvez-vous nous dire, au pied levé, le prix de vos actions actuellement? M. Michel: Hier, c'était 40 ou 42 $ par action. Le président: C'était 25 $ il y six mois. M. Michel: Les actions de Cameco ont été émises à 12,50 $ en juin 1991. Elles ont atteint un sommet à 74 $ au début de 1996, ont chuté à 14 $ il y a un an, lorsque tout le monde investissait dans la technologie, et elles fluctuent entre 40 et 43 $ depuis une semaine. Le sénateur Spivak: J'ai une autre question, qui ne se rapporte pas au projet de loi, monsieur le président. Il s'agit des pratiques environnementales, et peut-être cette question n'est-elle pas pertinente maintenant. Le président: C'est un carburant non polluant. Le sénateur Spivak: Je m'intéresse à son extraction. Peut-être pourriez-vous nous rassurer et nous dire si, alors que le cours de vos actions montait, vos pratiques environnementales se sont améliorées. M. Michel: Je peux assurer le comité que nous sommes surveillés de près par la Commission canadienne de sûreté nucléaire et que nous nous flattons d'être des modèles à suivre dans les domaines de l'environnement et de la sécurité. Je suis heureux de pouvoir dire à votre comité que nous sommes l'une des quelques compagnies à figurer à l'Indice Dow Jones précisément à cause de notre rendement en matière d'environnement et de sécurité. Le sénateur Spivak: Vous avez un système fermé. C'est-à-dire que vous ne laissez rien traîner derrière vous lorsque vous en avez terminé avec l'exploitation minière. N'est-ce pas? M. Michel: Non, toutes les mines produisent des résidus. Le sénateur Spivak: Qu'en faites-vous? M. Michel: Actuellement, ils sont remis dans les puits ouverts dont ils proviennent. Le sénateur Spivak: Est-ce qu'ils ne s'infiltrent pas dans notre système d'eau? M. Michel: Ils ne s'infiltrent pas dans l'eau. Tout s'écoule, dans la nature. Ce qui compte, c'est le degré d'écoulement. Le président: Autrement dit, l'eau n'est pas différente du moment où la mine a été découverte. Vous ne faites que remettre les résidus, et non pas un concentré. M. Michel: L'eau est incroyablement propre. Le sénateur Spivak: La boiriez-vous? M. Michel: Permettez-moi de faire l'observation suivante. Vous avez probablement remarqué mon accent français. Je suis né et j'ai grandi en France, où l'on consomme de l'eau de Vichy qui provient des montagnes du centre de la France. Je peux vous assurer que le degré de radioactivité de l'eau de Vichy est plus élevé que celui des effluents de nos mines. Le sénateur Spivak: C'est très rassurant. Le sénateur Cochrane: Est-ce que les résidus sont laissés dans un puits ouvert? M. Michel: Oui. À un moment donné, il est bouché ou recouvert. Le président: Je vous remercie beaucoup. La séance est levée.