37-1
37e législature,
1re session
(29 janvier 2001 - 16 septembre 2002)
Choisissez une session différente
Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 14 - Témoignages
| OTTAWA, le mardi 25 septembre 2001
|
| Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, del'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé
le projet de loi S-18, Loi modifiant la Loi sur les aliments et
drogues (eau potable saine), se réunit aujourd'hui à 18 h 20 pour
en faire l'examen.
|
| Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le
fauteuil.
|
| [Traduction]
|
| Le président: Je déclare la séance ouverte.
|
| Chers collègues, nous entendrons aujourd'hui desfonctionnaires de Santé Canada et de l'Agence canadienne
d'inspection des aliments.
|
| Comme vous le savez probablement, nous avons déjà tenu
deux réunions sur cette question. Avez-vous lu le compte rendu de
la dernière réunion?
|
| M. Rod Raphael, directeur général, Programme de la santé environnementale, Direction générale de la santé
environnementale et de la sécurité des consommateurs, Santé
Canada: Oui, monsieur.
|
| Le président: Je vous cède la parole.
|
| M. Raphael: Les responsabilités de Santé Canada en matière
d'eau potable sont très diverses. Nous effectuons de la recherche
et des évaluations de risque des contaminants dans les approvisionnements d'eau potable, nous aidons à surveiller la
qualité de l'eau sur les terres des Premières nations, nous
établissons les normes sur la santé et la salubrité de l'eau et de la
glace préemballée (c'est ce que d'aucuns appellent les règlements
sur l'eau embouteillée), nous réglementons et évaluons la
salubrité de l'eau utilisée dans la fabrication des aliments et nous
donnons des conseils sur l'approvisionnement en eau potable aux
employés sous réglementation fédérale.
|
| Santé Canada travaille également en étroite collaboration avec
les provinces et les territoires afin d'établir et d'élaborer les
recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada. Les
ministères fédéraux, provinciaux et territoriaux se réfèrent à ce
document comme point de repère pour déterminer la qualitédes approvisionnements d'eau potable dans leur secteur de
compétence. D'autres ministères fédéraux utilisent aussi les
recommandations en y faisant référence dans les règlements
régissant les transporteurs publics, en vertu du Code canadien du
travail.
|
| Depuis les tragédies survenues à Walkerton, en Ontario, et à
North Battleford, en Saskatchewan, des demandes ont été faites
concernant l'établissement de normes nationales en matière d'eau
potable. En fait, certains diraient que la version technique de ces
normes existe déjà dans les recommandations pour la qualité de
l'eau potable au Canada.
|
| [Français]
|
| Comme je l'ai mentionné, ces recommandations seront
élaborées par Santé Canada en étroite collaboration avec les
représentants de chaque province et de chaque territoire par
l'entremise de comités fédéral, provinciaux et territoriaux sur
l'eau potable. Cette collaboration existe depuis plus de 30 ans.
Les membres du comité se réunissent deux fois par année afin
d'examiner la recommandation et d'en établir de nouvelles à la
lumière des plus récentes données scientifiques. Les représentants
de Santé Canada agissent à titre de conseillers scientifiques auprès
du comitéen effectuant l'évaluation scientifique des risques pour les
recommandations.
|
| Par voie de consensus, chacune des recommandations proposées est soumise au vote des membres du comité. Lecomité recommande ensuite l'adoption de chacune de ces
recommandations à son comité principal, le comité fédéral,
provincial et territorial de l'hygiène du milieu et du travail. Santé
Canada affiche sur son site Internet le rapport sommaire des plus
récentes réunions du comité.
|
| [Traduction]
|
| Les recommandations élaborées par le sous-comité se prêtent à
toutes les sources privées et municipales d'approvisionnement en
eau potable partout au pays. Chacune des provinces et chacun des
territoires établit par la suite ses propres exigences et approches
visant à assurer la sûreté des approvisionnements en eau potable,
en s'appuyant sur les recommandations canadiennes. Le niveau de
protection de la santé qu'énoncent ces recommandations est aussi
compatible avec ceux qui sont en vigueur aux États-Unis et au
sein de l'Organisation mondiale de la santé.
|
| Cette approche collaborative dans l'élaboration des
recommandations canadiennes est nécessaire car plusieurs ordres
de gouvernement partagent la responsabilité d'assurer la sûretéde l'eau potable au Canada. En effet, tous les ordres de
gouvernement sont en partie responsables d'assurer la salubrité de
l'eau que nous buvons. Dans la plupart des régions, les provinces
et les territoires ont la responsabilité d'établir et de faire respecter
les normes, les lignes directrices et les règlements qui assurent
que le traitement de l'eau potable protège adéquatement la santé
publique. Les administrations municipales ont la responsabilité
d'assurer l'approvisionnement d'eau salubre à leurs résidents,ce qui constitue un service public essentiel. Elles le font
conformément à des normes ou à des objectifs relatifs à l'eau
potable établis par la province ou par le territoire où elles sont
situées.
|
| De façon historique, la qualité de l'eau potable est considérée
être une ressource naturelle dont sont responsables les ministères
provinciaux et territoriaux de la Santé ou de l'Environnement.
|
| Le sous-comité permet la tenue de discussions franches sur les
questions liées à la qualité de l'eau au sein de tous les secteurs de
compétence. À travers les années, une relation de confiance s'est
établie entre les membres, ce qui leur permet de s'entraider ou
d'avoir recours à Santé Canada pour obtenir des conseils et des
renseignements scientifiques dans le domaine de la santé. Ils ont
en commun le désir de prévenir les menaces pour la santé et
d'apporter des solutions en temps opportun aux problèmes qui
surgissent.
|
| Suite aux cas de maladies d'origine hydrique qui sont survenus
à Walkerton, en Ontario, et à North Battleford, en Saskatchewan,
le sous-comité a entrepris de rédiger un document qui énonce les
meilleures pratiques de gestion pour assurer la qualité de l'eau au
Canada. Le sous-comité examine présentement une version
préliminaire de ce document. Une fois la version finale terminée,
le document sera publié et servira de base à un document
technique destiné aux responsables de la gestion de l'eau potable
et aux opérateurs des usines de traitement d'eau afin de s'assurer
que l'eau potable fournie par toutes les compétences est aussi
salubre et fiable que possible.
|
| Au lieu de donner des recommandations en ordre numérique,
les meilleures pratiques suggérées sont axées sur les multiples
mesures préventives qui doivent être mises en place afin de
protéger la qualité de l'eau de la source au robinet. Ces mesures
préventives incluent le choix et la protection des sources d'eau, la
construction et l'entretien des usines de traitement d'eau conçues
en fonction des caractéristiques des sources d'eau, l'entretien des
systèmes de distribution, la surveillance de la qualité de l'eau et la
prise de mesures opportunes lorsque se produisent des incidents et
des urgences pouvant affecter la santé publique.
|
| [Français]
|
| Au cours des deux dernières années, toutes les provinces et tous
les territoires ont révisé leurs lois et leurs règlements sur l'eau
potable afin de s'assurer qu'ils protègent adéquatement la santé
humaine.
|
| Le gouvernement du Canada révise aussi ses programmes et
ses politiques afin d'améliorer la protection de la santé en général.
|
| [Traduction]
|
| Le gouvernement fédéral a la responsabilité d'assurer
l'approvisionnement en eau sur les terres fédérales et sur celles
des Premières nations. La salubrité de l'eau sur les réserves
situées au sud du 60e parallèle est la responsabilité partagée de
Santé Canada, du ministère des Affaires indiennes et du Nord
canadien et des Premières nations.
|
| Dans les collectivités nordiques, situées au nord du60e parallèle, y compris le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et
le Nunavut, la responsabilité de l'eau potable a été en grande
partie déléguée aux gouvernements territoriaux, par la voie
d'accords de transfert.
|
| Santé Canada travaille en collaboration avec les collectivités
des Premières nations afin d'obtenir des échantillons des
approvisionnements en eau de ces collectivités et de les tester,
conformément aux recommandations pour la qualité de l'eau
potable au Canada. Les résultats sont ensuite communiqués aux
bandes qui ont la garde des renseignements.
|
| Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien
finance les installations d'approvisionnement en eau potable des
collectivités des Premières nations. Santé Canada effectue la
surveillance à l'échelle nationale des maladies infectieuses, y
compris celles causées par les eaux contaminées, et mène des
études sur les maladies d'origine hydrique.
|
| Au cours des tragédies qui sont survenues à Walkerton et à
North Battleford, des scientifiques de Santé Canada ont été invités
à venir en aide aux autorités locales de la santé en dirigeant
l'enquête épidémiologique et en déterminant l'ampleur des
éclosions et la séquence des incidents qui les ont provoquées.
|
| Je dois vous dire, et je m'en excuse, que nous n'avons pas avec
nous aujourd'hui l'un de ces scientifiques qui pourrait répondre
aux questions précises que vous pourriez avoir sur les interventions à la suite des incidents de Walkerton et de North
Battleford.
|
| Santé Canada est en mesure de réagir rapidement et
efficacement lorsque se produisent des situations d'urgence qui
affectent la santé des Canadiennes et des Canadiens, y compris
celles causées par des maladies d'origine hydrique.
|
| En ce qui a trait à l'eau et à la glace préemballée et à l'eau
utilisée dans la fabrication d'aliments vendus au Canada, le rôle
de Santé Canada consiste à établir des politiques et des normes
liées à leur salubrité et à leur qualité nutritive. L'Agence
canadienne d'inspection des aliments est responsable del'application des règlements et des lignes directrices établis par
Santé Canada.
|
| [Français]
|
| Bien que les dispositions précises relatives à l'eau et à la glace
préemballée soient énoncées dans le règlement sur les aliments et
les drogues, Santé Canada évalue sur une base continue la
nécessité d'élaborer de nouveaux règlements plus sévères afin de
prévenir la contamination microbiologique, chimique etradiologique de l'eau embouteillée, de la glace préemballée et de
l'eau utilisée dans la fabrication des aliments.
|
| Ces règlements se réfèrent aux concentrations maximales
acceptables indiquées dans les recommandations de Santé Canada
pour la qualité de l'eau potable au Canada.
|
| [Traduction]
|
| Santé Canada conseille l'Agence canadienne d'inspection des
aliments sur certains besoins précis visant à assurer la salubrité de
l'eau utilisée dans la fabrication des aliments. De plus, Santé
Canada a la responsabilité de fournir à l'agence des évaluations
pertinentes, exactes et opportunes de la présence de contaminants
microbiologiques, chimiques et radiologiques dans l'eau embouteillée et dans la glace préemballée.
|
| Ces commentaires mettent fin à ma déclaration préliminaire sur
le rôle de Santé Canada dans le domaine de la qualité de l'eau
potable. En terminant, je voudrais vous présenter M. Keith Conn,
de la Direction générale des Premières nations et des Inuits à
Santé Canada, Mme Claudette Dalpé, de la Direction générale des
produits de santé et des aliments, et Greg Orriss, de l'Agence
canadienne d'inspection des aliments. M. Orriss pourra répondre
aux questions ayant trait aux activités de l'agence dans le
domaine de l'eau.
|
| M. Greg Orriss, directeur, Bureau de la salubrité des
aliments et de la protection des consommateurs, Bureau du
vice-président aux programmes, Agence canadienne d'inspection des aliments: Honorables sénateurs, je suis heureux
d'être devant vous ce soir pour clarifier le rôle que joue l'Agence
canadienne d'inspection des aliments en ce qui concerne
l'application de la Loi sur les aliments et drogues.
|
| Les responsabilités de l'ACIA quant à la mise en application de
la loi sont prévues à l'article 11 de la Loi sur l'Agence canadienne
d'inspection des aliments. Plus précisément, le paragraphe 11(3)
de la loi prescrit que l'agence est responsable «de contrôler
l'application de la Loi sur les aliments et drogues en ce qui a trait
aux aliments, au sens de l'article 2 de cette loi».
|
| L'ACIA est également responsable des inspections fédérales
relatives à la salubrité des aliments et joue des rôles clés en ce qui
concerne la conformité, l'application de la loi et la gestion.
L'ACIA veille à ce que l'industrie alimentaire applique et respecte
des méthodes qui satisfont aux normes fédérales en matière de
salubrité. L'agence exécute les activités suivantes: inspection,
application de la loi et respect de la conformité, surveillance,
mesures urgentes associées au rappel d'aliments, élaboration de
programmes de communications et de sensibilisation pour
renseigner les Canadiens sur les mesures qu'ils peuvent prendre
pour se protéger.
|
| L'agence assume la responsabilité de l'application du titre 12
du Règlement sur les aliments et drogues qui porte sur l'eau et la
glace préemballées. L'agence est également chargée d'évaluer la
salubrité de l'eau utilisée pour la transformation des aliments,
laquelle est actuellement régie par divers règlements pris en vertu
de la Loi sur les produits agricoles au Canada, de la Loi sur
l'inspection du poisson et de la Loi sur l'inspection des viandes.
|
| L'agence a pris des mesures pour sensibiliser davantage
l'industrie aux risques que l'eau utilisée dans ou sur des produits
alimentaires représente pour la santé. Le 25 octobre 2000,
l'agence a diffusé aux producteurs et transformateurs d'aliments
un avis intitulé «Eau salubre pour la transformation des aliments».
Cet avis rappelait à l'industrie alimentaire qu'elle est responsable
de maintenir des programmes efficaces pour garantir que l'eau
utilisée dans la transformation des aliments est salubre et satisfait
aux exigences énoncées dans les recommandations pour la qualité
de l'eau potable au Canada.
|
| L'agence joue un rôle de collaboration et de leadership en
appliquant les ententes de coopération avec d'autres ministères
fédéraux, avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et
avec d'autres organisations également responsables de l'eau
embouteillée et de l'eau utilisée dans la transformation des
aliments. Des stratégies de partenariat et de collaboration sont
essentielles pour empêcher que des agents ou substances d'origine
hydrique ne menacent les réserves alimentaires canadiennes.
|
| Je vous remercie de nouveau de me donner l'occasion de
clarifier le rôle de l'ACIA. Je serai heureux de répondre à vos
questions.
|
| Le sénateur Christensen: Comme vous l'avez dit et comme
nous le savons, les responsabilités dans le dossier de l'eau sont
éparpillées aux quatre coins du pays, comme une véritable
courtepointe. Un certain nombre d'instances, qu'elles soient
municipales, provinciales, territoriales, ou fédérales, s'intéressent
à la question de l'eau. En cas de problèmes, il est difficile de
savoir qui est responsable et qui est chargé de faire quoi.
|
| À votre avis, le projet de loi S-18 va-t-il régler le problème et
faciliter la tâche pour ce qui est d'assurer la qualité de l'eau au
Canada, ou bien la tâche en sera-t-elle plus difficile? L'objet de ce
projet de loi est de tout rassembler, de rassurer les gens pour
qu'ils aient confiance en la salubrité de notre eau, et de faciliter
tout le processus. À votre avis, ce résultat sera-t-il atteint?
|
| M. Raphael: À la lumière des renseignements que nous
possédons sur le projet de loi S-18, il serait difficile de répondre à
la question de savoir s'il va simplifier ou clarifier le système, à
cause des relations d'interdépendance qui existent dans ce
domaine entre les diverses instances, relations qui sont en partie
imposées par la loi et en partie énoncées dans des ententes.
|
| Il faudra avoir une meilleure idée de la façon dont le projet de
loi S-18 sera appliqué et il faudra savoir comment un mécanisme
de surveillance et d'application de la loi pourrait être créé par voie
de règlement, afin de pouvoir dire clairement si le projet de loi
pourrait simplifier ou tirer au clair la situation actuelle. De plus, il
faudra voir quelles seront les incidences des règlements qui seront
pris ou des éléments qui pourraient être ultérieurement ajoutés au
projet de loi sur les organisations provinciales qui existe à l'heure
actuelle.
|
| Le sénateur Christensen: Il ne vous apparaît pas clairement
que tout cela serait possible en application du projet de loi tel
qu'il est formulé actuellement?
|
| M. Raphael: Il faudra connaître les règlements et les stratégies
d'exécution de la loi et les aspects relatifs au partage des
compétences et la façon dont tout cela fonctionnera. À l'heure
actuelle, je ne suis pas en mesure de vous dire si le projet de loi
contribue vraiment à préciser ou à améliorer le système, ou plutôt
à l'alourdir.
|
| Le sénateur Christensen: Quelles seront à votre avis les
répercussions de ce projet de loi sur les dossiers qui sont de
compétence fédérale, par exemple les collectivités nordiques et
les terres des Premières nations?
|
| M. Keith Conn, directeur général intérimaire, Direction des
programmes de santé communautaire, Direction générale de
la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada:
Honorables sénateurs, comme mon collègue l'a dit, en l'absence
d'un cadre réglementaire, il serait difficile d'évaluer l'incidence
sur les terres des Premières nations, en particulier. Quant au
Grand Nord, je ne peux pas vous en parler parce que cela relève
essentiellement des compétences des gouvernements territoriaux.
Nous avons toutefois en place un programme pour les collectivi
tés des Premières nations qui consiste à tester et à surveiller la
qualité de l'eau potable, à travailler en étroite collaboration avec
les collectivités et avec Affaires indiennes et du Nord Canada.
|
| Je n'ai rien à ajouter à ce que mon collègue a dit et je ne peux
pas vous dire si cette mesure est bonne, mauvaise, ou si elle
constitue une amélioration.
|
| Le président: M. Raphael a dit que le gouvernement fédéral
contrôle ou tout au moins analyse l'eau et la glace qui servent à la
préparation des aliments. L'eau contaminée à Walkerton ou à
North Battleford a-t-elle servi à la préparation d'aliments?
|
| M. Orriss: Même avant Walkerton, il y avait des exigences
réglementaires précises aux termes de la loi que nous appliquons
sur la salubrité de l'eau utilisée dans la production et le traitement
des aliments.
|
| Après Walkerton, nous avons renforcé notre capacitéd'examiner l'incidence d'un approvisionnement en eaucontaminée ou potentiellement contaminée, car nous nous
sommes rendu compte qu'il y avait de plus en plus d'avis de faire
bouillir l'eau. Nous avons donc envoyé un avis à toutes les
grandes associations industrielles pour leur rappeler qu'il était de
leur responsabilité de prendre des mesures pour garantir la
salubrité de l'eau en tout temps, y compris lorsqu'un avis de faire
bouillir l'eau a été émis ou en cas de contamination de l'eau.
|
| Pour répondre plus précisément à votre question sur Walkerton
et North Battleford, oui, nous avons en place un processus et nous
avons avisé notre personnel d'inspection de faire une analyse
lorsqu'un avis de faire bouillir l'eau est émis pour déterminer la
région géographique qui est touchée et les établissements de
transformation des aliments qui s'y trouvent, et nous leur avons
demandé de communiquer avec leurs collègues provinciaux,
puisque l'inspection des aliments est une compétence partagée
dans certaines régions, et d'évaluer l'impact de l'avis sur une
éventuelle contamination des aliments et de prendre toute mesure
voulue pour garantir la salubrité des aliments.
|
| Le président: Monsieur Orriss, j'ai l'impression que vous avez
toujours eu la responsabilité de veiller à ce que l'eau utilisée dans
la préparation des aliments soit pure, ou tout au moins qu'elle ne
soit pas contaminée. Une erreur a-t-elle été commise? Est-ce que
de l'eau contaminée servait à la préparation des aliments dans ces
villes?
|
| M. Orriss: Il est certain que l'eau municipale servait à la
préparation des aliments dans ces villes. Nous avons fait un suivi
auprès des entreprises visées pour nous assurer qu'elles ont en
place des systèmes de traitement secondaire advenant de tels
incidents. Nous devons analyser les circonstances précises pour ce
qui est de la nature du contaminant et de l'effet potentiel, selon
l'étape de la transformation des aliments, et cetera sur la salubrité
des aliments. Nous devons prendre les mesures nécessaires pour
garantir que les aliments peuvent être consommés sans danger.
|
| Le sénateur Spivak: Votre présentation soulève de nombreuses
questions. Il semble n'y avoir aucune analyse critique du rôle du
gouvernement fédéral, ce à quoi on s'attendrait pourtant après les
conséquences terribles de ce qui est arrivé au Canada dans le
domaine de la qualité de l'eau. Je n'en vois pas la trace dans votre
présentation.
|
| À votre avis, devrions-nous avoir des normes nationales
obligatoires en matière de salubrité de l'eau, comme il en existe
aux États-Unis, soit aux termes du droit criminel, soit sous l'égide
de la disposition concernant la paix et l'ordre ainsi que le bon
gouvernement? Il n'y a aucun obstacle constitutionnel à cela. À
votre avis, qui assume le rôle d'initiative du gouvernement fédéral
dans ce dossier? Est-ce que ce devrait être le ministère de la
Santé? Les Canadiens s'attendent à ce que le gouvernement
fédéral fasse preuve d'initiative, même si le dossier de l'eau est de
compétence partagée.
|
| Il me semble que vous avez présenté votre rôle comme étant
plutôt accessoire. Une chose me frappe aussi: je trouve un peu
illogique que vous soyez directement responsable de l'eau
embouteillée et de la glace emballée, mais que vous n'ayez
aucune responsabilité quant à l'eau que les gens boivent. Je
voudrais savoir comment vous voyez le rôle du gouvernement
fédéral.
|
| Quelles sont, à votre avis, les causes de ce qui s'est passé? Que
pensez-vous de l'accélération de la production agricole intensive?
Je crois savoir que Walkerton est au centre d'une région de
production agricole très intensive, et pas seulement dans l'élevage
du bétail. On envisage maintenant d'y construire d'immenses
installations d'élevage de porcs.
|
| Quel devrait donc être le rôle du gouvernement fédéral?
Comment l'évaluez-vous, à la lumière de ce qui s'est passé? À
votre avis, quelles sont les causes de ce qui s'est passé à
Walkerton et ailleurs? Il est évident que le système que vous
décrivez n'a pas fonctionné.
|
| M. Raphael: Je voudrais d'abord traiter de la question du rôle
fédéral. La réaction directe de Santé Canada au cours des heures
et des jours qui ont suivi la crise à Walkerton a mis en lumière
une relation qui est à mon avis étroite, en particulier dans le
domaine de la santé publique, faisant intervenir les scientifiques et
les spécialistes. En outre, dès le début, des signaux émanant
d'éléments très haut placés au gouvernement nous ont indiqué un
intérêt à l'égard de normes nationales exécutoires. Je crois que la
motion qui a été adoptée à la Chambre des communes était
l'aboutissement de ces nombreuses interventions conjuguées
demandant que le fédéral fasse preuve d'initiative et que les
fonctionnaires appliquent énergiquement un ensemble de normes
nationales exécutoires. Le ministre Rock et le premier ministre
ont clairement indiqué l'orientation du gouvernement fédéral dans
ce dossier. Cela n'est pas nouveau. Le discours du Trône
démontre également que l'on souhaite mettre en place des lignes
directrices plus fermes et des normes.
|
| Les événements de Walkerton ont eu comme conséquence
d'ébranler profondément toutes les instances qui s'occupent de
l'eau et de les inciter à réexaminer leurs pratiques, y compris la
raison d'être de certaines de leurs activités. Nous nous livrons
maintenant à un examen à l'échelle nationale par l'entremise d'un
certain nombre d'organes fédéraux-provinciaux, y compris les
conseils ministériels fédéraux-provinciaux, par exemple le
Conseil canadien des ministres de l'Environnement.
|
| Vous m'avez demandé de commenter le rôle du gouvernement
fédéral. La preuve a été faite de ce rôle, depuis les mesures prises
directement dans la foulée de la crise à Walkerton jusqu'à
l'examen des programmes qui en ont résulté, et le Sénat a
d'ailleurs donné un signal positif en étudiant ce projet de loi. La
motion parlementaire et l'examen du projet de loi S-18 par le
Sénat témoignent du leadership fédéral.
|
| Quant aux causes de ce qui s'est passé, nous attendonsencore le rapport final. Les témoignages mettent en cause le
fonctionnement, le contrôle, l'exécution et l'application des
régimes de contrôle, mais il serait injuste que je porte un
jugement là-dessus. Le rapport nous donnera une idée précise de
ce qui s'est passé et des divers éléments de la situation à
Walkerton.
|
| Pour ce qui est de la production agricole intensive et de son
incidence sur la crise de Walkerton, je dirais que Santé Canada,
par l'entremise de sa Direction générale de la santé de la
population et de la santé publique, de ses laboratoires et de ses
épidémiologistes, a fait un suivi des répercussions de cette
production sur la santé publique. Nous avons produit des rapports
qui dénotent clairement des préoccupations quant à la qualité de
la nappe phréatique aux alentours de ces entreprises.
|
| Quant à savoir si ces activités agricoles ont causé directement
ou indirectement la crise de Walkerton, je dois attendre les
conclusions du juge O'Connor. Toutefois, il est juste de dire que
Santé Canada se préoccupe des répercussions de ces activités
agricoles sur l'eau souterraine et sur la santé en général, comme
nous le faisons pour n'importe quelle activité qui se situe à
proximité des eaux souterraines ou des centres urbains.
|
| Pour le moment, je vais m'abstenir de dire que tel ou tel
élément particulier a contribué à ce qui s'est passé à Walkerton. Je
pense que nous devons tous attendre les conclusions du
juge O'Connor.
|
| Le sénateur Spivak: En tant que fonctionnaires, si le ministre
vous demandait conseil, lui conseilleriez-vous de mettre en
vigueur des normes nationales obligatoires sur la salubrité de
l'eau?
|
| M. Raphael: Nous faisons un suivi de la motion parlementaire.
Nous travaillons avec nos collègues d'autres ministères fédéraux
ainsi qu'avec nos homologues provinciaux dans ce dossier. En
plus des ministres de l'Environnement qui se penchent sur cette
question, les ministres de l'Agriculture fédéral et provinciaux se
sont réunis en juin pour examiner quelles pourraient être les
conséquences de normes nationales. Dans leur communiqué, ils se
sont dits très en faveur de normes préconisant l'application des
meilleures pratiques agricoles pour assurer la sûreté et la qualité
de l'environnement.
|
| Quoique je n'aie pas dit ce que je conseillerais au ministre s'il
m'en faisait la demande, la motion de la Chambre des communes
constitue un signal clair que le gouvernement s'attend à ce que les
fonctionnaires donnent suite rapidement à ce dossier.
|
| Le sénateur Cochrane: Ma première question s'adresse au
représentant de l'ACIA. Quel est le rôle de Santé Canada pour ce
qui est de s'assurer que les Canadiens ont de l'au potable saine?
Que dites-vous aux Canadiens sur la salubrité de leur eau potable?
|
| M. Orriss: Il serait préférable que M. Raphael réponde à cette
question, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
|
| Le sénateur Cochrane: Dans votre exposé, monsieur Orriss,
vous avez parlé des mesures qui peuvent protéger la santé des
Canadiens. Mais allez-y, monsieur Raphael.
|
| M. Raphael: Santé Canada a divers rôles. Nous faisons des
évaluations scientifiques, nous faisons de la recherche, nous
communiquons très ouvertement les menaces qui pèsent sur la
santé, du moins celles que nous connaissons et comprenons, et
nous conseillons également les autorités en place, y compris les
autres ministères fédéraux, quant aux recommandations pour la
qualité de l'eau potable au Canada. Nous croyons que ces
recommandations renferment des dispositions techniques qui
résisteraient à l'analyse sur le plan des normes.
|
| Cependant, quand vous parlez du rôle de Santé Canada pour ce
qui est d'informer les Canadiens, il s'agit d'avoir directement des
éléments d'information. Nous avons toute une série de documents
qui sont diffusés un peu partout à travers le pays. Nous avons
aussi un site Web très complet sur la qualité de l'eau; on y trouve
des liens pour accéder aux aspects provinciaux. Les Canadiens
intéressés peuvent accéder à leurs responsables provinciaux par
l'entremise du site Web de Santé Canada.
|
| Nous considérons que nous avons pour rôle non seulement de
fournir la base scientifique et les outils scientifiques nécessaires à
certaines activités et à certaines actions, mais aussi d'informer du
mieux que nous pouvons les Canadiens sur les menaces
potentielles ou réelles pour la santé de la consommation d'eau
potable. À ce titre, on nous a demandé de prêter assistance aux
officiers de santé locaux dans un certain nombre d'endroits,
certains plus célèbres que d'autres, comme Walkerton, mais nous
prodiguons des conseils aux officiers de santé publique dans tout
le pays.
|
| Nous sommes là non seulement pour renseigner les Canadiens
sur leur eau, la qualité de leur eau et pour les mettre en contact
avec les responsables locaux de la qualité et leurs fournisseurs
d'eau et leurs organismes de réglementation locaux, mais aussi
pour offrir un service scientifique à certains de ces organismes de
réglementation et de ces fournisseurs locaux qui peuvent avoir
besoin de notre aide.
|
| Le sénateur Cochrane: Il y a beaucoup de foyers au Canada
qui ne sont pas équipés d'ordinateur et qui n'ont donc pas accès
au site Web dont vous avez parlé. Comment ces gens sont-ils
informés? Est-ce que Santé Canada publie des avis ou des
notifications spéciales? Que faisons-nous pour ces gens qui n'ont
pas accès à la dernière technologie?
|
| M. Raphael: Nous sommes en contact permanent avec les
officiers de santé publique locaux, avec les médecins locaux et les
réseaux de médecins par l'intermédiaire des organismes de santé
provinciaux. Nous sommes intervenus à Walkerton après avoir
reçu un appel à la fois du médecin conseil local et du médecin
hygiéniste en chef de la province de l'Ontario.
|
| Nos activités en dehors de cette liaison en cas d'urgence avec
les officiers de santé publique incluent l'organisation de séances
d'information sur une base régulière. Nous comptons énormément
sur les professionnels de la santé publique dans les régions, les
hôpitaux, les cliniques, et cetera, pour nous aider à communiquer
les informations réclamées par le public.
|
| L'utilisation du Web n'exclut pas les autres formes de
communication et d'information. Cependant, d'une manière
générale tous les renseignements en notre possession sont
disponibles sur le Web mais également sur papier. Certains
d'entre vous connaissent peut-être un des documents que nous
publions intitulé «Votre santé et vous». Ce document est
largement diffusé. Ce sont les canaux et les voies de communica
tion que nous utilisons.
|
| Le sénateur Cochrane: Parmi les données que vous avez
collectées d'un bout du pays à l'autre - il y a des problèmes
d'eau partout - en avez-vous sur le nombre d'admissions
hospitalières pour maux d'estomac graves? Il doit y avoirdes statistiques. Aussi, quels sont les coûts associés à la
consommation d'eau de mauvaise qualité par les Canadiens?
|
| M. Raphael: Encore une fois je m'excuse de ne pas être
accompagné d'un représentant de la Direction générale de la santé
de la population et de la santé publique. C'est cette direction
générale qui est chargée de la surveillance et du contrôle des
maladies dues à la consommation d'eau. Le problème en
l'occurrence est qu'il est difficile de quantifier l'incidence de ces
maladies liées à la consommation d'eau. Et en l'absence
d'enquêtes épidémiologiques, il est très difficile de déterminer si
la maladie est vraiment due à la consommation d'eau.
|
| Je vous ferai parvenir ultérieurement une réponse à cette
question car je sais qu'il existe à Santé Canada des documents sur
le fardeau économique des maladies qui incluent la part
attribuable aux maladies dues à la consommation d'eau.
|
| Le sénateur Cochrane: J'aimerais avoir ces documents,
monsieur le président.
|
| Monsieur Conn, pouvez-vous nous dire quelle est la situation
pour l'eau potable dans les collectivités autochtones? Jem'intéresse tout particulièrement à la question car j'ai visite cette
année le Yukon, le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest. Je
suis curieuse de savoir quel est l'état de la situation pour l'eau
potable dans ces collectivités.
|
| M. Conn: Honorable sénateur, à la Direction générale de la
santé des Premières nations et des Inuits et dans le contexte de
notre programme de santé environnementale, nous avons un
programme de qualité de l'eau potable pour les Autochtones. Ce
programme appliqué en partenariat avec les collectivités des
Premières nations sert à garantir l'existence de programmes de
surveillance et d'échantillonnage de la qualité de l'eau dans ces
collectivités conformément aux recommandations pour la qualité
de l'eau potable au Canada.
|
| Pour l'essentiel, ce programme permet d'aider les collectivités
chargées de leur propre système d'adduction d'eau, de déceler et
de résoudre les problèmes de qualité d'eau et de mettre en place
des programmes d'échantillonnage et de contrôle de la qualité de
l'eau. Nous participons aussi avec le ministère des Affaires
indiennes et du Nord à la formation des responsables des usines
de traitement dans ces collectivités.
|
| Comme M. Raphael l'a mentionné, nous participonségalement, à l'échelle du pays, aux campagnes de sensibilisation
sur l'importance de contrôler et de surveiller en permanence les
réseaux collectifs d'adduction d'eau. Nous travaillons également
en étroite collaboration avec le ministère des Affaires indiennes et
du Nord dans le cadre du programme plus général de formation
destiné aux collectivités des Premières nations.
|
| La condition de l'eau potable dans ces collectivités est telle que
nous croyons qu'en multipliant la surveillance, les contrôles et les
échanges de communication nous pourrions faire disparaître
certains des problèmes qui se posent à ces collectivités, problèmes
qui se posent à toutes les autres administrations ou municipalités.
Nous travaillons avec les collectivités elles-mêmes à la mise en
place de protocoles efficaces d'identification et d'intervention en
matière de qualité d'eau dans les collectivités et nous multiplions
les échanges de communications avec les chefs et les conseils afin
que des actions directes puissent être menées.
|
| Nous savons que d'une manière générale il y a dans ces
collectivités des problèmes de qualité d'eau potable et que des
progrès pourraient être faits au niveau des réseaux, de leur
entretien, de la formation des responsables pour améliorer la
qualité et nous travaillons justement sur ces problèmes avec les
collectivités. Je ne peux pas vraiment faire de commentaires sur la
situation dans le Grand Nord. Je ne connais pas la situation ni
pour le Nunavut ni pour le Yukon.
|
| Le sénateur Adams: Au Nunavut, quand nous entendons
parler d'incidents comme à Walkerton, les gens n'en comprennent
pas toujours ni la cause ni la signification.
|
| Santé Canada n'a pas de normes pour le traitement des eaux
dans les villes ou les petites collectivités. Où je vis, c'est le
ministère des Travaux publics qui a la responsabilité des réseaux
d'eau et d'égout des collectivités. Seulement Rankin Inlet et
Iqaluit au Nunavut possèdent des services d'eau et d'égout. Les
autres collectivités n'ont que des stations de pompage et je ne
connais pas la fréquence de nettoyage des réservoirs d'eau. C'est
le genre de problèmes qui m'inquiètent tout particulièrement. Les
caribous ne posent pas de problèmes de contamination comme les
vaches et les porcs dans d'autres régions du Canada.
|
| Au cours des 15 ou 20 dernières années, les gens ont
commencé à mourir du cancer chez nous. Nous n'en savons pasla cause. Il est possible qu'elle soit liée à l'eau ou à
l'alimentation. Nous n'avions jamais connu ce problème avant
que legouvernement ne décide de nous loger, de construire des routes,
et cetera. Il y a aujourd'hui plus de gens qui meurent du cancer et
d'autres maladies. Nous aimerions savoir ce qui en est la cause.
|
| L'adoption du projet de loi S-18 permettra-t-elle de régler une
partie de nos problèmes d'eau dans le Nord?
|
| M. Conn: Pour commencer, sans connaître les intentions des
trois gouvernements territoriaux et de leurs ministères des
Travaux publics, il est difficile d'évaluer l'impact de ce projet de
loi.
|
| Deuxièmement, il y a des niveaux de services en termes de
normes industrielles. Il est évident qu'il y a un gros problème lié à
l'environnement à cause du climat et de la géographie du Nord.
Les Travaux publics procéderont certainement à un examen. Ce
sont eux qui seront le mieux en mesure d'évaluer ce qui convient
le mieux pour l'environnement propre au Nord.
|
| Sans avoir une idée claire du genre de normes qui sont
proposées, ou sans cadre clair, il est difficile d'évaluer les
conséquences pour le Nord sans cette analyse.
|
| Le sénateur Adams: Beaucoup d'anciens dans certaines des
collectivités du Nord ont l'eau courante. Ils ne peuvent pas la
boire car ils ne sont pas habitués à cette odeur de chlore dans
l'eau, surtout pour faire leur thé. Les anciens pour la plupart
boivent du thé. J'habite à Rankin Inlet; nous sommes à environ
cinq milles au sud de la rivière. Les gens vont chercher de l'eau à
la rivière à l'aide de leurs véhicules tous terrains parce qu'ils ne
font pas confiance à l'eau du robinet.
|
| L'eau est pompée du lac sur deux milles. C'est un circuit fermé
et elle retourne dans le lac. À certains endroits, il y a tellement de
chlore dans le lac que les poissons sont presque transparents. Il y
a des années, des témoins nous avaient dit que l'eau bouillie, pour
être consommée, rejetée dans le lac peut le polluer. C'est vrai?
|
| Vous vous en souvenez, monsieur le président? C'était peut-être
le sénateur Kenny à l'époque.
|
| Le président: Vous avez une autre question, sénateur Adams?
Votre histoire de chlore qui retourne dans le lac et rend les
poissons transparents m'intrigue beaucoup.
|
| Le sénateur Eyton: Le projet de loi S-18 n'est pas un gros
projet de loi; il est évident qu'il est plus complexe qu'il ne paraît.
S'il a été déposé c'est parce que la question de la qualité et de
l'innocuité de l'eau potable inquiète beaucoup les Canadiens.
Comme nous le découvrons petit à petit, la question est beaucoup
plus compliquée que je n'avais pu l'imaginer au début.
|
| À y réfléchir, il est intriguant de penser que de retour dans ma
chambre d'hôtel ce soir, si je bois l'eau en bouteille qui se trouve
sur le comptoir, c'est la responsabilité du premier ministre; mais
par contre si je bois l'eau du robinet, c'est en quelque sorte la
responsabilité du maire et du premier ministre de la province, en
quelque sorte. Je trouve cela étrange. De manière analogue, si je
prends l'avion, c'est le premier ministre qui est responsable. C'est
compliqué.
|
| De toute évidence Santé Canada a la responsabilité de l'eau en
bouteille, de la glace, des autocars, des trains et des Premières
nations. Ce sont toutes des choses qui relèvent clairement du
ressort fédéral. Le projet de loi S-18 dit que nous avons un
organisme qui est compétent, qui peut, et qui, nous le pensons
peut-être, devrait offrir une norme nationale et la faire respecter
tout aussi nationalement.
|
| Vous nous avez révélé l'existence d'un sous-comité créé il y a
quelque 30 ans et qui se réunit deux ou trois fois par an. Le
problème c'est que les recommandations élaborées et modifiées
au cours de cette période sont appliquées sur une base volontaire.
Nous savons tous que les systèmes fonctionnant sur une base
volontaire marchent une bonne partie du temps, pratiquement
presque tout le temps. Il reste qu'il y a toujours des exceptions et
que cela pose toujours des difficultés.
|
| J'aimerais que vous oubliiez vos rôles respectifs à Santé
Canada. Nous avons ce sous-comité et les recommandations sont
appliquées sur une base volontaire. Compte tenu des inquiétudes
des Canadiens, il semble évident que c'est le moment ou jamais
pour le gouvernement fédéral de saisir l'occasion et de définir une
norme nationale obligatoire avec des règles d'application tout
aussi nationales. Le gouvernement fédéral est la seule entité qui
en ait le pouvoir.
|
| N'est-ce pas une bonne idée? Ne devrions-nous pas essayer?
Comment faire pour y arriver? Le projet de loi S-18 a l'air d'un
projet de loi très simple mais qui a quelque mérite.
|
| M. Raphael: Premièrement, je suis Canadien et je bois de
l'eau. J'ai les mêmes inquiétudes que tout le monde quant à la
qualité de l'eau potable. J'ai la chance de travailler dans un
domaine qui me permet d'en savoir peut-être un peu plus et de
travailler avec des scientifiques expérimentés. Cela me permet
peut-être d'en comprendre un peu plus que certains autres n'en
ont peut-être l'occasion - ou la possibilité. Néanmoins, j'ai les
mêmes préoccupations que tout le monde et je souhaite pour l'eau
des normes nationales avec force de loi. Ces préoccupations
étaient contenues dans la motion parlementaire et son adoption.
Tous les partis sauf un à la Chambre des communes ont voté en sa
faveur. Cela montre ce que veulent les Canadiens en fait de
qualité d'eau et de système de contrôle approprié. L'objectif est
aussi, c'est à espérer, de conserver et de protéger l'eau, d'éviter sa
contamination. Ceux d'entre nous qui sont plus proches du dossier
se sont aperçus qu'il était beaucoup plus onéreux d'essayer de
traiter et d'assainir l'eau une fois qu'elle a été contaminée que
d'en prévenir, en premier lieu, la contamination.
|
| Le sénateur Buchanan: Loin de moi de suggérer que l'eau
d'Halifax n'est pas bonne, car je pense que c'est probablement la
meilleure du pays, mais tout dernièrement ma femme a décidé
d'acheter un refroidisseur pour eau embouteillée dans des
bouteilles de 18 litres. Il y a une consigne de 10 $ pour la
bouteille et il en coûte 2,50 $ le remplissage.
|
| J'ai entendu des gens dire qu'il n'y avait pas de différence entre
l'eau en bouteille et l'eau municipale. Je ne sais pas si c'est vrai.
|
| Le sénateur Eyton a dit que Santé Canada et non pas les
provinces ou les municipalités était responsable de cette eau
vendue sous forme conditionnée. Est-ce que Santé Canada a fait
des comparaisons entre les diverses marques d'eau en bouteille et
l'eau des réseaux municipaux dans diverses régions du pays?
Avez-vous fait une classification des diverses marques par rapport
à l'eau municipale?
|
| Mme Claudette Dalpé, directrice associée, Programme de la
réglementation des aliments, Direction générale des produits
de santé et des aliments, Santé Canada: Aucune tentative n'a
été faite pour comparer les eaux municipales aux diverses
marques d'eau en bouteille car les produits embouteillés peuvent
l'être par les municipalités.
|
| Le sénateur Buchanan: C'est intéressant.
|
| Mme Dalpé: Il faut comprendre que l'eau embouteillée qui
n'est pas présentée comme de l'eau minérale ou de l'eau de
source peut simplement être de l'eau municipale qui subit un
filtrage supplémentaire ou qui est simplement embouteillée dans
des conditions sanitaires pour la consommation humaine pour être
vendue dans les magasins de détail.
|
| Le président: Elle peut être chlorée?
|
| Mme Dalpé: Elle peut être chlorée mais il faut que cela soit
indiqué sur l'étiquette et ce n'est pas de mon ressort. L'étiquetage
est du ressort de l'ACIA. L'embouteilleur doit supprimer tous les
sous-produits de la chloration; s'il le fait, la compagnie n'est pas
obligée d'indiquer sur l'étiquette que l'eau a été précédemment
chlorée. L'étiquette doit indiquer que l'eau est chlorée s'il n'y a
pas eu déchloration. Si le chlore et d'autres sous-produits ont été
supprimés, rien oblige à l'indiquer sur l'étiquette. Le produit
embouteillé doit être étiqueté pour indiquer les traitements qu'il a
subis.
|
| Mon collègue de l'ACIA a peut-être une réponse différente à
vous donner concernant les comparaisons, mais je ne pense pas
que nous ayons fait de comparaisons à partir des données
recueillies car comme mon collègue de l'ACIA l'a expliqué, ils
ont la responsabilité de faire respecter les normes en application
de la Loi sur les aliments et drogues et la définition d'aliments.
En conséquence, leurs activités sont plus liées aux produits d'eau
embouteillée ou d'eau utilisée pendant la fabrication d'autres
produits alimentaires.
|
| Le sénateur Buchanan: Réponse très intéressante. On m'a dit
que certaines eaux en bouteille étaient tout simplement cela, de
l'eau municipale en bouteille. Néanmoins, la majorité de ceux qui
achètent de l'eau en bouteille pensent qu'ils boivent autre chose
que de l'eau municipale. Certaines eaux en bouteille sont
étiquetées «eau pure glacière» ou «pure eau de source». L'eau de
source pure ne vient pas d'un lac à côté d'Halifax et nous n'avons
pas de glaciers en Nouvelle-Écosse, bien qu'il y en ait
quelques-uns à Terre-Neuve.
|
| Le public est-il censé lire l'étiquette pour déterminer si l'eau
qu'il achète est de l'eau du robinet?
|
| M. Orriss: L'eau embouteillée doit répondre aux exigences du
titre 12 du Règlement sur les aliments et drogues et ceux des
recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada. Il y
a à l'ACIA un programme de contrôle de qualité de l'eau qui
permet d'assurer la conformité aux exigences réglementaires et
aux recommandations.
|
| Dans la majorité des cas, l'eau en bouteille subit un filtrage
supplémentaire pour lui donner meilleur goût. C'est plus une
question de goût pour le consommateur qu'autre chose. Comme le
sénateur Adams l'a indiqué, beaucoup de gens n'aiment pas le
goût du chlore, si bien que dans la majorité des cas l'eau en
bouteille est traitée pour supprimer le chlore et parfois d'autres
résidus chimiques.
|
| Pour ce qui est de l'étiquetage de l'eau en bouteille, il doit être
conforme à la vérité. L'article 5 de la Loi sur les drogues et
aliments nous donne le pouvoir de réglementer la conformité à la
vérité de l'étiquetage. Il est interdit d'étiqueter un produit de
manière fausse ou susceptible de créer une fausse impression.
Nous y veillons aussi.
|
| La question de l'eau en bouteille est très intéressante. Au
niveau international, dans une commission impliquant165 gouvernements, un long débat a eu lieu pour savoir si on
pouvait appeler eau minérale naturelle de la simple eau. C'est une
question plus complexe et plus délicate qu'on peut parfois le
penser et il a fallu à 165 gouvernements une demi-journée pour en
débattre.
|
| Pour ce qui est de la question de la qualité de l'eau en bouteille,
toute eau en bouteille vendue dans le pays doit satisfaire aux
exigences du titre 12 du Règlement sur les aliments et drogues.
Nous avons des programmes d'inspection. Nous surveillons et
nous prélevons des échantillons d'eau pour vérifier la conformité.
Nos résultats ont montré que l'industrie de l'eau en bouteille du
Canada exerce d'excellents contrôles. Nous avons eu très peu de
problèmes avec les échantillons d'eau en bouteille prélevés un
peu partout.
|
| Le président: Lors de vos analyses de l'eau, vérifiez-vous la
présence d'antibiotiques ou d'hormones?
|
| M. Orriss: Nos analyses se conforment aux exigences du
titre 12, c'est-à-dire aux exigences microbiologiques. Nous
travaillons aussi en étroite collaboration avec les provinces afin
d'examiner la qualité chimique de l'eau de source utilisée, et nous
évaluons les systèmes de traitement des eaux afin de déterminer
s'il y a lieu un problème de résidus chimiques.
|
| Cependant, pour ce qui est de la présence d'antibiotiques, non,
nous ne vérifions pas cela.
|
| Le sénateur Spivak: Est-ce que la plupart des compagnies qui
vendent de l'eau municipale la payent?
|
| Mme Dalpé: Il faudra peut-être prendre ma réponse pour ce
qu'elle vaut. Lorsqu'une entreprise exploite une source d'eau
municipale, règle générale elle est tenue d'obtenir un permis de
soutirer de l'eau en grande quantité, soit de la province, soit de la
municipalité. Je pense que la réponse serait oui.
|
| Le sénateur Spivak: Les rapports publiés sur la question ne
sont pas de cet avis, mais c'est très bien.
|
| Le sénateur Sibbeston: L'objet du projet de loi S-18 est
d'améliorer la qualité de l'eau dans notre pays. Or, je ne vous ai
pas encore entendu dire que le projet de loi S-18 est une bonne
chose à cette fin, qu'il renforcera le système actuel et établira
clairement la responsabilité du gouvernement fédéral dans le
dossier de l'eau, particulièrement de l'eau fournie par nos réseaux
d'aqueduc municipaux.
|
| Est-ce que le projet de loi représente un changement, ou tout au
moins renforce la compétence et les responsabilités du ministère
en matière d'adduction d'eau au sein de nos collectivités? Voilà
pour ma première question.
|
| Ensuite, on entend dans les réserves des Premières nations et un
peu partout au pays des gens dire parfois que l'eau est très
polluée, voire imbuvable. Nous savons qu'il vous incombe de
faire des inspections et de rédiger des rapports. Ce genre de
problème est-il résolu? Est-ce que vous ou le ministère des
Affaires indiennes et du Nord canadien avez pris des mesures afin
d'améliorer la qualité de l'eau pour les Premières nations de notre
pays?
|
| M. Raphael: Pour ce qui est de votre première question, nous
n'avons pas effectué d'analyses poussées des incidences que
pourraient avoir les règlements qui pourraient découler du projet
de loi S-18 et les amendements à la Loi sur les aliments et
drogues. Nous ne pouvons dire rien d'autre, si ce n'est qu'il y a
une orientation générale vers l'établissement de normes fédérales
concernant les réseaux d'aqueduc municipaux. Dans la mesure où
nous savons ce dont il s'agit ou quels seraient les critères de
rendement, nous ne savons pas de quelle façon les gouverne
ments, à part le gouvernement fédéral, y parviendraient, compte
tenu du système actuel au niveau fédéral, provincial et municipal.
D'ici à ce que nous connaissions ces autres rouages du système,
Santé Canada doit faire preuve de prudence dans ses prévisions
des effets éventuels du projet de loi.
|
| Cela dit, le projet de loi établit clairement la responsabilité du
gouvernement fédéral en ce qui a trait aux normes concernant les
réseaux d'adduction d'eau municipaux. Cela me paraît sensé.
Quant à savoir comment nous allons atteindre un tel objectif et
quelles seront les répercussions éventuelles sur le système actuel,
je ne saurais vraiment le dire.
|
| Le sénateur Sibbeston: En tant que sénateurs, nous sommes
chargés de déterminer les répercussions de ce projet de loi. Vous
éludez quelque peu la question en affirmant que vous ne savez
pas quels règlements seront pris et le reste.
|
| Cependant, dans la sphère d'action du fédéral, n'est-ce pas
votre ministère qui sera chargé des modifications ou des
règlements qu'on est en train de rédiger et des changements
efficaces qui pourraient découler du projet de loi? N'est-ce pas
vous qui êtes chargés et qui serez chargés de mettre en oeuvre ces
modifications législatives? Si ce n'est pas vous, alors qui est-ce?
|
| M. Raphael: C'est une bonne question. C'est justement en
raison de mes responsabilités par rapport aux règlements, aux
politiques et aux changements opérationnels que je m'astreins à la
prudence. Je m'abstiens donc de porter aux nues le projet de
loi S-18 ou de le démolir. Je vois cependant une orientation
positive dans cette mesure législative par rapport aux éléments de
la motion parlementaire. Je ne peux pas cependant affirmer que
son adoption sera une bonne chose pour l'ensemble du système,
car en tant que fonctionnaire fédéral, je n'ai pas de droit de regard
sur la réglementation provinciale ou sur le point de vue des
gouvernements provinciaux; je ne pourrais non plus dire à
l'échelle municipale que telle chose va se produire puis qu'autre
chose par conséquent se produira.
|
| Nous devons connaître le système dans lequel nous vivons. Je
ne peux pas prédire les résultats et les répercussions de la
réglementation que nous nous apprêtons à mettre en place en
vertu des amendements figurant dans le projet de loi S-18.
|
| M. Conn: En réponse à votre question portant sur la qualité de
l'eau potable chez les Premières nations, oui nous agissons, nous
prenons des mesures générales d'aide aux collectivités, car cela
découle logiquement de nos fonctions d'inspection. Ainsi, par
exemple, nous pourrions émettre un avertissement de faire bouillir
l'eau dès que la qualité de l'eau est mauvaise. Il se peut aussi que
lorsque les réseaux sont mal entretenus, nous recommandions des
mesures correctives, en consultation avec le chef et son conseil
ainsi que le ministère des Affaires indiennes, mesures visant des
corrections, du matériel ou un suivi plus rigoureux de l'entretien
opérationnel des systèmes.
|
| Dans les cas où un préposé à l'épuration des eaux n'est pas
complètement formé, nous sommes en mesure d'aider les
collectivités en leur fournissant un programme de formation sur
l'innocuité de l'eau potable. Nous agissons donc, et un suivi est
assuré par des agents d'hygiène de l'environnement à notre
emploi qui travaillent en collaboration étroite avec les collectivi
tés concernées partout au pays. Ces agents consciencieux
s'efforcent de rectifier la situation et veillent aussi à ce qu'on
prenne des mesures de prévention.
|
| Le sénateur Sibbeston: Monsieur le président, dans les cas où
la pollution de l'eau est grave au point où elle exige beaucoup
plus que de faire bouillir de l'eau ou de modifier légèrement le
système, est-ce qu'on réussit à corriger la situation? Je songe aux
cas où l'industrie ou une autre cause grave est à l'origine des
problèmes. Dans ce genre de situations, il faut parfois recourir à
des mesures draconiennes. On peut toujours faire bouillir de l'eau
pendant un certain temps, mais pas ad vitam aeternam.
|
| Est-ce que le gouvernement du Canada va dire à ses citoyens
qu'il prend de tels problèmes au sérieux? Est-il disposé à prendre
les mesures nécessaires pour corriger la situation, même dans les
cas où les problèmes sont graves et les coûts atteindraient des
millions de dollars?
|
| M. Raphael: Au sujet des problèmes graves et l'obligation
pour les gens de faire bouillir de l'eau pendant de longues
périodes, nous nous concertons avec nos homologues provinciaux
lorsqu'il s'agit de décider où intervenir en priorité.
|
| En même temps, nous collaborons avec le programme
d'infrastructures du Canada. À cet égard, le gouvernement a
réservé 2 milliards de dollars en fonds de contrepartie mis à la
disposition des provinces et des municipalités, dans le cadred'un partenariat, touchant la conception, le déploiement, la
modification et l'amélioration des infrastructures. Justement, bon
nombre des gros problèmes font l'objet d'un examen dans le
cadre du programme. On signe des ententes avec chaque
province, en fonction des priorités établies. Enfin, grâce à ce
programme, on détermine certains des plus importants problèmes
de financement. Il faut bien entendu reconnaître que l'on ne
résout pas tous les problèmes, mais qu'au moins on les cerne et
on souligne le besoin de les corriger.
|
| Le sénateur Grafstein: Je tiens à féliciter le ministère. Dans le
cours de mon travail visant à déterminer comment régler le
problème de l'innocuité de l'eau potable au Canada, j'ai été à
même de voir à quel point le ministère est respecté partout au
pays, tant par les spécialistes de la réglementation que les
politiciens. J'ai songé attentivement à un projet qui serait
fonctionnel et bien accepté du public. Or, après examen de toutes
les possibilités, je suis arrivé à la conclusion qu'il faut s'en
remettre à Santé Canada et à ses organismes et à ses excellentes
installations de recherche respectés dans notre pays tout entier,
qu'il fallait s'en remettre à Santé Canada pour mettre fin à ce
tragique manquement à nos responsabilités.
|
| Je ne blâme pas ici le ministère car je crois qu'il est intervenu.
Quoi qu'il en soit, le premier petit éclair de solution face à ce
problème m'est venu suite aux événements de Walkerton.
Lorsque les laboratoires de recherche et les mécanismes de
reddition des comptes aux niveaux provincial et municipal se sont
effondrés, la seule entité qui a fourni des renseignements solides
et des recherches sûres a été l'Agence canadienne d'inspection
des aliments, qui jouit d'une excellente réputation.
|
| En conséquence, sur le plan fédéral, si nous voulons résoudre le
problème, nous devons nous en remettre à un organisme
compétent, bien organisé et qui jouit depuis longtemps d'une
grande confiance auprès du public. C'est en effet une question de
confiance du public et de reddition des comptes.
|
| Si vous n'êtes pas en mesure de nous donner une réponse, nous
allons laisser cela à vos ministres. Il faut reconnaître, cependant,
que le système actuel de réglementation dans le domaine de l'eau
potable a échoué dans toutes les régions du pays, en particulier là
où le gouvernement fédéral en est directement responsable,
c'est-à-dire dans les collectivités autochtones. Il faut avouer que
ce n'est pas seulement à Walkerton ou à Battleford mais partout
au pays que le système est en panne.
|
| Je travaille à partir de cette prémisse. Étant donné le manque de
données et de faits, je vois difficilement comment on pourrait
trouver une solution législative. J'ai découvert que même si le
ministère de la Santé est chargé d'établir des normes, il n'a pas
centralisé toutes les statistiques sur la santé des gens qui ont subi
des séquelles physiques après avoir bu de l'eau contaminée au
Canada. Il est donc impossible de déterminer le coût global que
les contribuables doivent payer parce que les provinces et les
villes n'ont pas fourni une eau potable à leurs citoyens.
|
| Est-ce exact? Le ministère de la Santé réunit-il les données
provenant de toutes les régions du Canada dans le cadre de ses
responsabilités en vertu de la Loi canadienne sur la santé?
|
| M. Raphael: Le ministère recueille et utilise ces données par
l'intermédiaire de l'Institut canadien de l'information de la santé,
un organisme fédéral-provincial qui a pour but la communication
des données sur la santé. Il est vrai qu'on n'a pas accordé la
priorité à certaines de ces données sur la santé publique jusqu'à
tout récemment en ce qui concerne la gestion des systèmes
d'information. Néanmoins, on essaie depuis quelques années de
rationaliser la collecte des données sur la santé publique et de
partager les bases de données. Je dis bien «partager», puisque
Santé Canada ne recueille pas nécessairement les données
lui-même. C'est principalement nous qui le faisons. C'est le plus
souvent le service local d'hygiène publique. Dans bien des cas, ce
n'est même pas le gouvernement provincial qui recueille
principalement l'information.
|
| Nous avons des protocoles, des ententes et des processus pour
administrer ce réseau de collecte de données, mais le défi de
gestion des données que vous avez proposé est effectivement de
taille. Depuis un certain nombre d'années, le financement de
l'infrastructure de la santé vise non seulement à promouvoir la
coordination entre les réseaux mais aussi à donner un coup de
main à ceux qui recueillent l'information.
|
| Le sénateur Grafstein: Vous le faites, on a commencé sur le
tard et la tâche est complexe, mais pourriez-vous nous donner des
statistiques à jour? Le comité devra aborder une question
importante s'il décide d'appuyer mon projet de loi. Les membres
doivent être convaincus de l'analyse coût-avantage fournie. J'ai
proposé que l'analyse coût-avantage soit basée sur les coûts
actuels attribuables au fait qu'on n'a pas de l'eau potable saine
partout au Canada.
|
| Je vais vous donner deux statistiques qui me font peur. On m'a
dit qu'à Vancouver 17 500 personnes chaque année souffrent de
maux d'estomac causés directement ou indirectement par l'eau
potable contaminée. Il semble que cette situation dure depuis de
nombreuses années. Je ne sais pas si c'est vrai, mais ce serait très
utile, monsieur le président, si le ministère pouvait nous faire une
analyse, dans la mesure du possible, des coûts pour le système de
santé attribuables au manque de normes d'application obligatoire
et uniformes à travers le Canada. S'il est impossible de faire une
telle analyse, vous pouvez l'indiquer au président, mais donnez-
nous ce que vous pouvez nous donner.
|
| M. Raphael: Avant votre arrivée, sénateur Grafstein, on a fait
allusion à la question des maladies dominantes et des coûts y
afférents. Nous n'avons personne ici aujourd'hui de ce service-là,
mais nous avons promis de fournir cette information. Nous allons
y ajouter l'étude de Santé Canada que vous avez mentionnée au
sujet de Vancouver et de l'incidence des maladies hydriques dans
cette ville.
|
| Le sénateur Grafstein: Le Dr Schindler, un des experts les
plus respectés du Canada, m'a dit qu'il n'a pas réussi à trouver ce
genre de données ici, mais qu'il a pu en trouver pour les
États-Unis. Les statistiques disponibles aux États-Unisindiquent que la santé de 900 000 à 1 million de personnes est
directement affectée par l'eau contaminée. Nous avons donc fait
l'extrapolation et il y aurait au moins 10 000 personnes au
Canada. Selon l'information anecdotique, cependant, je sais que
le nombre est encore plus élevé.
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| Le président: Les témoins ont déjà dit qu'ils fourniraient
l'information demandée. Vous pourriez peut-être aborder un autre
sujet.
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| Le sénateur Grafstein: J'aimerais revenir au point soulevé par
le sénateur Sibbeston concernant l'état déplorable de l'eau potable
dans les collectivités autochtones, pour lesquelles la Constitution
a donné la responsabilité au gouvernement fédéral. Dans votre
exposé, vous avez dit que cette responsabilité a été déléguée pour
le Nord aux gouvernements territoriaux, que c'est vous qui faites
les analyses et que les résultats sont fournis à la bande, qui a la
garde de l'information.
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| En ce qui concerne la responsabilité, s'il y a des problèmes
d'eau potable dans les collectivités autochtones, pour quelque
raison que ce soit, mauvaise analyse, manque de formation,
mauvais équipement, échantillonnage insuffisant, qui en est
responsable? Le gouvernement fédéral est-il responsable, ou
est-ce qu'il délègue la responsabilité aux Territoires du Nord-
Ouest, au Nunavut, et cetera? Qui en est responsable?
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| M. Conn: C'est une excellente question, monsieur le sénateur.
Si je comprends bien, le Yukon et le Nunavut sont chargés des
systèmes de santé dans le Nord, de façon générale. Ils
administrent les régimes de santé partout sur leur territoire, dans
les villages, dans les villes et même dans les collectivités des
Premières nations. La responsabilité en est sans doute répartie à
l'ensemble des diverses autorités régionales de santé et aux
ministères qui relèvent des administrations territoriales.
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| Quant aux collectivités des Premières nations dans les
provinces, nous croyons que Santé Canada, Affaires indiennes et
du Nord Canada et les gouvernements des Premières nations
partagent la responsabilité de la mise en oeuvre, de l'entretien, de
la formation et de la prestation de l'infrastructure et des
ressources nécessaires pour assurer des systèmes efficaces de
distribution d'eau potable. On partage donc la responsabilité de la
surveillance et du contrôle avec les Premières nations.
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| A-t-on fait des progrès? Absolument. Est-ce qu'on a encore du
chemin à faire? Absolument. Faudrait-il accorder plus de
ressources et d'appuis aux Premières nations? Absolument. Il y a
encore matière à amélioration, mais les défis sont clairement
définis. La volonté et l'énergie existent pour essayer d'améliorer
les communications, la capacité d'intervention en cas d'urgence et
les systèmes de détection précoce. En termes pratiques, les
collectivités doivent contrôler la présence et l'absence de E.coli,
en faisant des analyses. Déjà, certaines collectivités qui n'avaient
pas cette capacité ni cette compétence les ont acquises. Il nous
reste du chemin à faire, absolument.
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| Le sénateur Grafstein: Je comprends tout cela. Mesrecherches démentent cette conclusion. Je n'ai pas encore fini,
monsieur le président, car je suis à environ la 28e loi. Je dirais -
je ne suis pas sûr de les avoir toutes - qu'il existe environ 40 lois
fédérales, peut-être plus, qui ont un lien avec l'eau potable saine.
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| Si la Gouverneure générale pouvait lire tout cela et me dire si
elle en est imputable, en raison de la prérogative royale, cela me
surprendrait. Je ne trouve aucune imputabilité ici.
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| Mon projet de loi vise à regrouper 40 mesures législatives et à
rendre certaines personnes responsables, par opposition à la
responsabilité partagée, qui, comme vous devez en convenir,n'a pas fonctionné. Cela n'a pas fonctionné en Ontario, en
Saskatchewan ou au Yukon. Nous savons quelque chose des
problèmes au Yukon, aux Territoires du Nord-Ouest et au
Nunavut, parce que les sénateurs Adams, Watt, Sibbeston et
Christensen nous en ont parlé.
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| J'espère que le comité se joindra à moi pour essayer de mieux
définir l'imputabilité et la responsabilité afin qu'on sache, si un
problème survient, qui en est responsable. La responsabilité
partagée, dans ce cas-ci, n'a pas vraiment fonctionné.
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| La prochaine chose que j'aimerais que vous fassiez, c'est de
réunir ces mesures législatives et de permettre au comité de les
examiner, afin de voir si les membres sont d'accord avec moi, à
savoir qu'il s'agit d'une confusion inouïe et qu'un ministre
pourrait difficilement déterminer qui détient la responsabilité en
vertu de ces lois. C'est répandu aux quatre vents.
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| Je leur donne ça, monsieur le président, comme devoir. Ce
n'est pas difficile. J'aurai lu toutes les lois avant la fin des travaux
du comité, mais plus on les lit, moins on les comprend.
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| Monsieur le président, si vous me permettez, je conclus en
faisant deux autres observations. Je me rends compte qu'il est
tard, et je vous remercie de votre indulgence. Comme je l'ai déjà
dit, j'ai lu votre mémoire et vous avez fait un travail magnifique
pour ce qui est de l'établissement de normes. Toutefois, on ne
peut pas faire respecter les normes de façon uniforme partout au
Canada. Ce sont des normes, et les provinces ont le choix de les
adopter ou non, comme bon leur semble. Ces normes sont
impuissantes. Ce sont des documents consensuels.
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| Le Québec n'est pas d'accord avec vous pour ce qui est de la
qualité de vos normes. Dans un communiqué émis en juin dernier,
le Québec a déclaré que les normes fédérales, qui tiennent compte
de quelque chose comme 52 ou 59 éléments ou indices dans votre
tableau - vous mesurez entre 52 et 59 éléments pour les normes.
Le Québec a déclaré qu'il tiendra compte de 72 ou 79 éléments.
Leurs normes seront supérieures aux normes les plus élevées du
gouvernement fédéral.
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| Je vous pose la question suivante: le gouvernement fédéral
maintiendra-t-il ses normes existantes, ou est-ce que la province
de Québec a raison quand elle dit qu'il existe des normes
supérieures, des normes qui pourraient prévenir la bactérie E.coli
ou d'autres problèmes? À propos, il y a de nombreux problèmes
chimiques et minéraux. Ce problème n'est pas simple. Quelles
normes seront les meilleures? Apparemment, les normes fédérales
sont inférieures aux normes que propose le Québec. Selon le
Québec, ses normes seront les plus rigoureuses du monde.
Avez-vous fait une analyse des deux?
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| M. Raphael: Nous n'avons pas effectué une analyse en
profondeur. Je n'ai pas lu le rapport auquel vous faites référence.
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| Le sénateur Grafstein: Il s'agissait d'un communiqué de
presse.
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| M. Raphael: Toutefois, j'ai entendu parler de ce communiqué
de presse. En premier, je demanderais au Québec, qui a accepté
les recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada,
quels pourraient être les écarts entre les deux normes. En règle
générale, nous estimons que les recommandations pour la qualité
de l'eau potable au Canada tiennent compte d'environ 83 facteurs.
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| Le sénateur Grafstein: Quatre-vingt-trois?
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| M. Raphael: Quatre-vingt-trois. De ce nombre, 59 sont des
éléments numériques et les autres éléments ne sont pas de nature
numérique.
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| Le sénateur Grafstein: Pourriez-vous nous dire par écrit
pourquoi vous avez conclu que vos normes sont meilleures que
les leurs; est-ce que c'est une demande raisonnable?
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| M. Raphael: C'est tout à fait raisonnable.
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| Le sénateur Grafstein: Au Canada, il est difficile de mettre la
main sur tous les faits. Comme je l'ai dit déjà, je fais toutes les
recherches moi-même. C'est moi qui rédige mes discours; et c'est
moi qui ai rédigé le projet de loi. Je n'ai pas reçu beaucoup
d'aide. J'essaie d'avoir tout cela à l'esprit, et c'est assez difficile.
Mon dossier est très volumineux.
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| J'ai trouvé une étude intéressante qui a été effectuée récemment
par le Sierra Club. Leur avocat a fait une étude pour coter les
régions du Canada. Le portrait était bien triste. Je ne sais si vous
avez lu cette étude, si vous l'avez analysée et si vous êtes du
même avis. C'est un document public qui est sur Internet. Le
représentant du Sierra Club m'a dit que pour faire une
comparaison équitable de la situation, le problème le plus grave
est l'absence d'une base de données. Il est difficile d'obtenir les
statistiques relatives à la santé; toutefois, il est encore plus
difficile de trouver une compilation de tous les avis de faire
bouillir de l'eau au Canada pendant les six derniers mois. Les
documents relatifs à ces avis se trouvent partout. Il est très
difficile d'obtenir ces informations.
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| Peu importe si le projet de loi est adopté ou non, j'espère
également qu'une base de données sera établie pour le moins,
pour que les Canadiens puissent être au courant de ce qui se
passe. On me dit qu'aux États-Unis on peut se servir des codes
postaux ou des indicatifs régionaux - je ne sais pas lequel -
pour chercher les statistiques les plus récentes dans la région en
question. Aux États-Unis, c'est le fédéral qui est chargé de la
qualité de l'eau potable; grâce aux efforts du gouvernement
fédéral américain, avec quelques frappes au clavier, le public peut
interroger une base de données pour savoir quand on a émis pour
la dernière fois un avis de faire bouillir de l'eau.
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| J'ai communiqué avec les responsables à Toronto et les
responsables provinciaux, et j'ai appris que les deux ne se
consultent même pas. Il est très important d'examiner l'analyse du
Sierra Club, qui fait état du manque d'informations au sujet des
gouvernements municipaux, provinciaux et territoriaux. Nous
essayons de déterminer si le gouvernement fédéral devrait y être.
Plus je lis sur cette question, plus j'estime que sans le leadership
du gouvernement fédéral, ce problème ne sera pas réglé au
Canada.
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| Le président: Je tiens à remercier les témoins d'être venus ce
soir. Vous avez répondu à nos questions, et vous en avez évoqué
d'autres pour lesquelles nous voudrons trouver des réponses.
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| La séance est levée.
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