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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 14 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 25 septembre 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, del'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-18, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine), se réunit aujourd'hui à 18 h 20 pour en faire l'examen.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte.

Chers collègues, nous entendrons aujourd'hui desfonctionnaires de Santé Canada et de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Comme vous le savez probablement, nous avons déjà tenu deux réunions sur cette question. Avez-vous lu le compte rendu de la dernière réunion?

M. Rod Raphael, directeur général, Programme de la santé environnementale, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, Santé Canada: Oui, monsieur.

Le président: Je vous cède la parole.

M. Raphael: Les responsabilités de Santé Canada en matière d'eau potable sont très diverses. Nous effectuons de la recherche et des évaluations de risque des contaminants dans les approvisionnements d'eau potable, nous aidons à surveiller la qualité de l'eau sur les terres des Premières nations, nous établissons les normes sur la santé et la salubrité de l'eau et de la glace préemballée (c'est ce que d'aucuns appellent les règlements sur l'eau embouteillée), nous réglementons et évaluons la salubrité de l'eau utilisée dans la fabrication des aliments et nous donnons des conseils sur l'approvisionnement en eau potable aux employés sous réglementation fédérale.

Santé Canada travaille également en étroite collaboration avec les provinces et les territoires afin d'établir et d'élaborer les recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada. Les ministères fédéraux, provinciaux et territoriaux se réfèrent à ce document comme point de repère pour déterminer la qualitédes approvisionnements d'eau potable dans leur secteur de compétence. D'autres ministères fédéraux utilisent aussi les recommandations en y faisant référence dans les règlements régissant les transporteurs publics, en vertu du Code canadien du travail.

Depuis les tragédies survenues à Walkerton, en Ontario, et à North Battleford, en Saskatchewan, des demandes ont été faites concernant l'établissement de normes nationales en matière d'eau potable. En fait, certains diraient que la version technique de ces normes existe déjà dans les recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada.

[Français]

Comme je l'ai mentionné, ces recommandations seront élaborées par Santé Canada en étroite collaboration avec les représentants de chaque province et de chaque territoire par l'entremise de comités fédéral, provinciaux et territoriaux sur l'eau potable. Cette collaboration existe depuis plus de 30 ans. Les membres du comité se réunissent deux fois par année afin d'examiner la recommandation et d'en établir de nouvelles à la lumière des plus récentes données scientifiques. Les représentants de Santé Canada agissent à titre de conseillers scientifiques auprès du comitéen effectuant l'évaluation scientifique des risques pour les recommandations.

Par voie de consensus, chacune des recommandations proposées est soumise au vote des membres du comité. Lecomité recommande ensuite l'adoption de chacune de ces recommandations à son comité principal, le comité fédéral, provincial et territorial de l'hygiène du milieu et du travail. Santé Canada affiche sur son site Internet le rapport sommaire des plus récentes réunions du comité.

[Traduction]

Les recommandations élaborées par le sous-comité se prêtent à toutes les sources privées et municipales d'approvisionnement en eau potable partout au pays. Chacune des provinces et chacun des territoires établit par la suite ses propres exigences et approches visant à assurer la sûreté des approvisionnements en eau potable, en s'appuyant sur les recommandations canadiennes. Le niveau de protection de la santé qu'énoncent ces recommandations est aussi compatible avec ceux qui sont en vigueur aux États-Unis et au sein de l'Organisation mondiale de la santé.

Cette approche collaborative dans l'élaboration des recommandations canadiennes est nécessaire car plusieurs ordres de gouvernement partagent la responsabilité d'assurer la sûretéde l'eau potable au Canada. En effet, tous les ordres de gouvernement sont en partie responsables d'assurer la salubrité de l'eau que nous buvons. Dans la plupart des régions, les provinces et les territoires ont la responsabilité d'établir et de faire respecter les normes, les lignes directrices et les règlements qui assurent que le traitement de l'eau potable protège adéquatement la santé publique. Les administrations municipales ont la responsabilité d'assurer l'approvisionnement d'eau salubre à leurs résidents,ce qui constitue un service public essentiel. Elles le font conformément à des normes ou à des objectifs relatifs à l'eau potable établis par la province ou par le territoire où elles sont situées.

De façon historique, la qualité de l'eau potable est considérée être une ressource naturelle dont sont responsables les ministères provinciaux et territoriaux de la Santé ou de l'Environnement.

Le sous-comité permet la tenue de discussions franches sur les questions liées à la qualité de l'eau au sein de tous les secteurs de compétence. À travers les années, une relation de confiance s'est établie entre les membres, ce qui leur permet de s'entraider ou d'avoir recours à Santé Canada pour obtenir des conseils et des renseignements scientifiques dans le domaine de la santé. Ils ont en commun le désir de prévenir les menaces pour la santé et d'apporter des solutions en temps opportun aux problèmes qui surgissent.

Suite aux cas de maladies d'origine hydrique qui sont survenus à Walkerton, en Ontario, et à North Battleford, en Saskatchewan, le sous-comité a entrepris de rédiger un document qui énonce les meilleures pratiques de gestion pour assurer la qualité de l'eau au Canada. Le sous-comité examine présentement une version préliminaire de ce document. Une fois la version finale terminée, le document sera publié et servira de base à un document technique destiné aux responsables de la gestion de l'eau potable et aux opérateurs des usines de traitement d'eau afin de s'assurer que l'eau potable fournie par toutes les compétences est aussi salubre et fiable que possible.

Au lieu de donner des recommandations en ordre numérique, les meilleures pratiques suggérées sont axées sur les multiples mesures préventives qui doivent être mises en place afin de protéger la qualité de l'eau de la source au robinet. Ces mesures préventives incluent le choix et la protection des sources d'eau, la construction et l'entretien des usines de traitement d'eau conçues en fonction des caractéristiques des sources d'eau, l'entretien des systèmes de distribution, la surveillance de la qualité de l'eau et la prise de mesures opportunes lorsque se produisent des incidents et des urgences pouvant affecter la santé publique.

[Français]

Au cours des deux dernières années, toutes les provinces et tous les territoires ont révisé leurs lois et leurs règlements sur l'eau potable afin de s'assurer qu'ils protègent adéquatement la santé humaine.

Le gouvernement du Canada révise aussi ses programmes et ses politiques afin d'améliorer la protection de la santé en général.

[Traduction]

Le gouvernement fédéral a la responsabilité d'assurer l'approvisionnement en eau sur les terres fédérales et sur celles des Premières nations. La salubrité de l'eau sur les réserves situées au sud du 60e parallèle est la responsabilité partagée de Santé Canada, du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et des Premières nations.

Dans les collectivités nordiques, situées au nord du60e parallèle, y compris le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut, la responsabilité de l'eau potable a été en grande partie déléguée aux gouvernements territoriaux, par la voie d'accords de transfert.

Santé Canada travaille en collaboration avec les collectivités des Premières nations afin d'obtenir des échantillons des approvisionnements en eau de ces collectivités et de les tester, conformément aux recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada. Les résultats sont ensuite communiqués aux bandes qui ont la garde des renseignements.

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien finance les installations d'approvisionnement en eau potable des collectivités des Premières nations. Santé Canada effectue la surveillance à l'échelle nationale des maladies infectieuses, y compris celles causées par les eaux contaminées, et mène des études sur les maladies d'origine hydrique.

Au cours des tragédies qui sont survenues à Walkerton et à North Battleford, des scientifiques de Santé Canada ont été invités à venir en aide aux autorités locales de la santé en dirigeant l'enquête épidémiologique et en déterminant l'ampleur des éclosions et la séquence des incidents qui les ont provoquées.

Je dois vous dire, et je m'en excuse, que nous n'avons pas avec nous aujourd'hui l'un de ces scientifiques qui pourrait répondre aux questions précises que vous pourriez avoir sur les interventions à la suite des incidents de Walkerton et de North Battleford.

Santé Canada est en mesure de réagir rapidement et efficacement lorsque se produisent des situations d'urgence qui affectent la santé des Canadiennes et des Canadiens, y compris celles causées par des maladies d'origine hydrique.

En ce qui a trait à l'eau et à la glace préemballée et à l'eau utilisée dans la fabrication d'aliments vendus au Canada, le rôle de Santé Canada consiste à établir des politiques et des normes liées à leur salubrité et à leur qualité nutritive. L'Agence canadienne d'inspection des aliments est responsable del'application des règlements et des lignes directrices établis par Santé Canada.

[Français]

Bien que les dispositions précises relatives à l'eau et à la glace préemballée soient énoncées dans le règlement sur les aliments et les drogues, Santé Canada évalue sur une base continue la nécessité d'élaborer de nouveaux règlements plus sévères afin de prévenir la contamination microbiologique, chimique etradiologique de l'eau embouteillée, de la glace préemballée et de l'eau utilisée dans la fabrication des aliments.

Ces règlements se réfèrent aux concentrations maximales acceptables indiquées dans les recommandations de Santé Canada pour la qualité de l'eau potable au Canada.

[Traduction]

Santé Canada conseille l'Agence canadienne d'inspection des aliments sur certains besoins précis visant à assurer la salubrité de l'eau utilisée dans la fabrication des aliments. De plus, Santé Canada a la responsabilité de fournir à l'agence des évaluations pertinentes, exactes et opportunes de la présence de contaminants microbiologiques, chimiques et radiologiques dans l'eau embouteillée et dans la glace préemballée.

Ces commentaires mettent fin à ma déclaration préliminaire sur le rôle de Santé Canada dans le domaine de la qualité de l'eau potable. En terminant, je voudrais vous présenter M. Keith Conn, de la Direction générale des Premières nations et des Inuits à Santé Canada, Mme Claudette Dalpé, de la Direction générale des produits de santé et des aliments, et Greg Orriss, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. M. Orriss pourra répondre aux questions ayant trait aux activités de l'agence dans le domaine de l'eau.

M. Greg Orriss, directeur, Bureau de la salubrité des aliments et de la protection des consommateurs, Bureau du vice-président aux programmes, Agence canadienne d'inspection des aliments: Honorables sénateurs, je suis heureux d'être devant vous ce soir pour clarifier le rôle que joue l'Agence canadienne d'inspection des aliments en ce qui concerne l'application de la Loi sur les aliments et drogues.

Les responsabilités de l'ACIA quant à la mise en application de la loi sont prévues à l'article 11 de la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Plus précisément, le paragraphe 11(3) de la loi prescrit que l'agence est responsable «de contrôler l'application de la Loi sur les aliments et drogues en ce qui a trait aux aliments, au sens de l'article 2 de cette loi».

L'ACIA est également responsable des inspections fédérales relatives à la salubrité des aliments et joue des rôles clés en ce qui concerne la conformité, l'application de la loi et la gestion. L'ACIA veille à ce que l'industrie alimentaire applique et respecte des méthodes qui satisfont aux normes fédérales en matière de salubrité. L'agence exécute les activités suivantes: inspection, application de la loi et respect de la conformité, surveillance, mesures urgentes associées au rappel d'aliments, élaboration de programmes de communications et de sensibilisation pour renseigner les Canadiens sur les mesures qu'ils peuvent prendre pour se protéger.

L'agence assume la responsabilité de l'application du titre 12 du Règlement sur les aliments et drogues qui porte sur l'eau et la glace préemballées. L'agence est également chargée d'évaluer la salubrité de l'eau utilisée pour la transformation des aliments, laquelle est actuellement régie par divers règlements pris en vertu de la Loi sur les produits agricoles au Canada, de la Loi sur l'inspection du poisson et de la Loi sur l'inspection des viandes.

L'agence a pris des mesures pour sensibiliser davantage l'industrie aux risques que l'eau utilisée dans ou sur des produits alimentaires représente pour la santé. Le 25 octobre 2000, l'agence a diffusé aux producteurs et transformateurs d'aliments un avis intitulé «Eau salubre pour la transformation des aliments». Cet avis rappelait à l'industrie alimentaire qu'elle est responsable de maintenir des programmes efficaces pour garantir que l'eau utilisée dans la transformation des aliments est salubre et satisfait aux exigences énoncées dans les recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada.

L'agence joue un rôle de collaboration et de leadership en appliquant les ententes de coopération avec d'autres ministères fédéraux, avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et avec d'autres organisations également responsables de l'eau embouteillée et de l'eau utilisée dans la transformation des aliments. Des stratégies de partenariat et de collaboration sont essentielles pour empêcher que des agents ou substances d'origine hydrique ne menacent les réserves alimentaires canadiennes.

Je vous remercie de nouveau de me donner l'occasion de clarifier le rôle de l'ACIA. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Christensen: Comme vous l'avez dit et comme nous le savons, les responsabilités dans le dossier de l'eau sont éparpillées aux quatre coins du pays, comme une véritable courtepointe. Un certain nombre d'instances, qu'elles soient municipales, provinciales, territoriales, ou fédérales, s'intéressent à la question de l'eau. En cas de problèmes, il est difficile de savoir qui est responsable et qui est chargé de faire quoi.

À votre avis, le projet de loi S-18 va-t-il régler le problème et faciliter la tâche pour ce qui est d'assurer la qualité de l'eau au Canada, ou bien la tâche en sera-t-elle plus difficile? L'objet de ce projet de loi est de tout rassembler, de rassurer les gens pour qu'ils aient confiance en la salubrité de notre eau, et de faciliter tout le processus. À votre avis, ce résultat sera-t-il atteint?

M. Raphael: À la lumière des renseignements que nous possédons sur le projet de loi S-18, il serait difficile de répondre à la question de savoir s'il va simplifier ou clarifier le système, à cause des relations d'interdépendance qui existent dans ce domaine entre les diverses instances, relations qui sont en partie imposées par la loi et en partie énoncées dans des ententes.

Il faudra avoir une meilleure idée de la façon dont le projet de loi S-18 sera appliqué et il faudra savoir comment un mécanisme de surveillance et d'application de la loi pourrait être créé par voie de règlement, afin de pouvoir dire clairement si le projet de loi pourrait simplifier ou tirer au clair la situation actuelle. De plus, il faudra voir quelles seront les incidences des règlements qui seront pris ou des éléments qui pourraient être ultérieurement ajoutés au projet de loi sur les organisations provinciales qui existe à l'heure actuelle.

Le sénateur Christensen: Il ne vous apparaît pas clairement que tout cela serait possible en application du projet de loi tel qu'il est formulé actuellement?

M. Raphael: Il faudra connaître les règlements et les stratégies d'exécution de la loi et les aspects relatifs au partage des compétences et la façon dont tout cela fonctionnera. À l'heure actuelle, je ne suis pas en mesure de vous dire si le projet de loi contribue vraiment à préciser ou à améliorer le système, ou plutôt à l'alourdir.

Le sénateur Christensen: Quelles seront à votre avis les répercussions de ce projet de loi sur les dossiers qui sont de compétence fédérale, par exemple les collectivités nordiques et les terres des Premières nations?

M. Keith Conn, directeur général intérimaire, Direction des programmes de santé communautaire, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada: Honorables sénateurs, comme mon collègue l'a dit, en l'absence d'un cadre réglementaire, il serait difficile d'évaluer l'incidence sur les terres des Premières nations, en particulier. Quant au Grand Nord, je ne peux pas vous en parler parce que cela relève essentiellement des compétences des gouvernements territoriaux. Nous avons toutefois en place un programme pour les collectivi tés des Premières nations qui consiste à tester et à surveiller la qualité de l'eau potable, à travailler en étroite collaboration avec les collectivités et avec Affaires indiennes et du Nord Canada.

Je n'ai rien à ajouter à ce que mon collègue a dit et je ne peux pas vous dire si cette mesure est bonne, mauvaise, ou si elle constitue une amélioration.

Le président: M. Raphael a dit que le gouvernement fédéral contrôle ou tout au moins analyse l'eau et la glace qui servent à la préparation des aliments. L'eau contaminée à Walkerton ou à North Battleford a-t-elle servi à la préparation d'aliments?

M. Orriss: Même avant Walkerton, il y avait des exigences réglementaires précises aux termes de la loi que nous appliquons sur la salubrité de l'eau utilisée dans la production et le traitement des aliments.

Après Walkerton, nous avons renforcé notre capacitéd'examiner l'incidence d'un approvisionnement en eaucontaminée ou potentiellement contaminée, car nous nous sommes rendu compte qu'il y avait de plus en plus d'avis de faire bouillir l'eau. Nous avons donc envoyé un avis à toutes les grandes associations industrielles pour leur rappeler qu'il était de leur responsabilité de prendre des mesures pour garantir la salubrité de l'eau en tout temps, y compris lorsqu'un avis de faire bouillir l'eau a été émis ou en cas de contamination de l'eau.

Pour répondre plus précisément à votre question sur Walkerton et North Battleford, oui, nous avons en place un processus et nous avons avisé notre personnel d'inspection de faire une analyse lorsqu'un avis de faire bouillir l'eau est émis pour déterminer la région géographique qui est touchée et les établissements de transformation des aliments qui s'y trouvent, et nous leur avons demandé de communiquer avec leurs collègues provinciaux, puisque l'inspection des aliments est une compétence partagée dans certaines régions, et d'évaluer l'impact de l'avis sur une éventuelle contamination des aliments et de prendre toute mesure voulue pour garantir la salubrité des aliments.

Le président: Monsieur Orriss, j'ai l'impression que vous avez toujours eu la responsabilité de veiller à ce que l'eau utilisée dans la préparation des aliments soit pure, ou tout au moins qu'elle ne soit pas contaminée. Une erreur a-t-elle été commise? Est-ce que de l'eau contaminée servait à la préparation des aliments dans ces villes?

M. Orriss: Il est certain que l'eau municipale servait à la préparation des aliments dans ces villes. Nous avons fait un suivi auprès des entreprises visées pour nous assurer qu'elles ont en place des systèmes de traitement secondaire advenant de tels incidents. Nous devons analyser les circonstances précises pour ce qui est de la nature du contaminant et de l'effet potentiel, selon l'étape de la transformation des aliments, et cetera sur la salubrité des aliments. Nous devons prendre les mesures nécessaires pour garantir que les aliments peuvent être consommés sans danger.

Le sénateur Spivak: Votre présentation soulève de nombreuses questions. Il semble n'y avoir aucune analyse critique du rôle du gouvernement fédéral, ce à quoi on s'attendrait pourtant après les conséquences terribles de ce qui est arrivé au Canada dans le domaine de la qualité de l'eau. Je n'en vois pas la trace dans votre présentation.

À votre avis, devrions-nous avoir des normes nationales obligatoires en matière de salubrité de l'eau, comme il en existe aux États-Unis, soit aux termes du droit criminel, soit sous l'égide de la disposition concernant la paix et l'ordre ainsi que le bon gouvernement? Il n'y a aucun obstacle constitutionnel à cela. À votre avis, qui assume le rôle d'initiative du gouvernement fédéral dans ce dossier? Est-ce que ce devrait être le ministère de la Santé? Les Canadiens s'attendent à ce que le gouvernement fédéral fasse preuve d'initiative, même si le dossier de l'eau est de compétence partagée.

Il me semble que vous avez présenté votre rôle comme étant plutôt accessoire. Une chose me frappe aussi: je trouve un peu illogique que vous soyez directement responsable de l'eau embouteillée et de la glace emballée, mais que vous n'ayez aucune responsabilité quant à l'eau que les gens boivent. Je voudrais savoir comment vous voyez le rôle du gouvernement fédéral.

Quelles sont, à votre avis, les causes de ce qui s'est passé? Que pensez-vous de l'accélération de la production agricole intensive? Je crois savoir que Walkerton est au centre d'une région de production agricole très intensive, et pas seulement dans l'élevage du bétail. On envisage maintenant d'y construire d'immenses installations d'élevage de porcs.

Quel devrait donc être le rôle du gouvernement fédéral? Comment l'évaluez-vous, à la lumière de ce qui s'est passé? À votre avis, quelles sont les causes de ce qui s'est passé à Walkerton et ailleurs? Il est évident que le système que vous décrivez n'a pas fonctionné.

M. Raphael: Je voudrais d'abord traiter de la question du rôle fédéral. La réaction directe de Santé Canada au cours des heures et des jours qui ont suivi la crise à Walkerton a mis en lumière une relation qui est à mon avis étroite, en particulier dans le domaine de la santé publique, faisant intervenir les scientifiques et les spécialistes. En outre, dès le début, des signaux émanant d'éléments très haut placés au gouvernement nous ont indiqué un intérêt à l'égard de normes nationales exécutoires. Je crois que la motion qui a été adoptée à la Chambre des communes était l'aboutissement de ces nombreuses interventions conjuguées demandant que le fédéral fasse preuve d'initiative et que les fonctionnaires appliquent énergiquement un ensemble de normes nationales exécutoires. Le ministre Rock et le premier ministre ont clairement indiqué l'orientation du gouvernement fédéral dans ce dossier. Cela n'est pas nouveau. Le discours du Trône démontre également que l'on souhaite mettre en place des lignes directrices plus fermes et des normes.

Les événements de Walkerton ont eu comme conséquence d'ébranler profondément toutes les instances qui s'occupent de l'eau et de les inciter à réexaminer leurs pratiques, y compris la raison d'être de certaines de leurs activités. Nous nous livrons maintenant à un examen à l'échelle nationale par l'entremise d'un certain nombre d'organes fédéraux-provinciaux, y compris les conseils ministériels fédéraux-provinciaux, par exemple le Conseil canadien des ministres de l'Environnement.

Vous m'avez demandé de commenter le rôle du gouvernement fédéral. La preuve a été faite de ce rôle, depuis les mesures prises directement dans la foulée de la crise à Walkerton jusqu'à l'examen des programmes qui en ont résulté, et le Sénat a d'ailleurs donné un signal positif en étudiant ce projet de loi. La motion parlementaire et l'examen du projet de loi S-18 par le Sénat témoignent du leadership fédéral.

Quant aux causes de ce qui s'est passé, nous attendonsencore le rapport final. Les témoignages mettent en cause le fonctionnement, le contrôle, l'exécution et l'application des régimes de contrôle, mais il serait injuste que je porte un jugement là-dessus. Le rapport nous donnera une idée précise de ce qui s'est passé et des divers éléments de la situation à Walkerton.

Pour ce qui est de la production agricole intensive et de son incidence sur la crise de Walkerton, je dirais que Santé Canada, par l'entremise de sa Direction générale de la santé de la population et de la santé publique, de ses laboratoires et de ses épidémiologistes, a fait un suivi des répercussions de cette production sur la santé publique. Nous avons produit des rapports qui dénotent clairement des préoccupations quant à la qualité de la nappe phréatique aux alentours de ces entreprises.

Quant à savoir si ces activités agricoles ont causé directement ou indirectement la crise de Walkerton, je dois attendre les conclusions du juge O'Connor. Toutefois, il est juste de dire que Santé Canada se préoccupe des répercussions de ces activités agricoles sur l'eau souterraine et sur la santé en général, comme nous le faisons pour n'importe quelle activité qui se situe à proximité des eaux souterraines ou des centres urbains.

Pour le moment, je vais m'abstenir de dire que tel ou tel élément particulier a contribué à ce qui s'est passé à Walkerton. Je pense que nous devons tous attendre les conclusions du juge O'Connor.

Le sénateur Spivak: En tant que fonctionnaires, si le ministre vous demandait conseil, lui conseilleriez-vous de mettre en vigueur des normes nationales obligatoires sur la salubrité de l'eau?

M. Raphael: Nous faisons un suivi de la motion parlementaire. Nous travaillons avec nos collègues d'autres ministères fédéraux ainsi qu'avec nos homologues provinciaux dans ce dossier. En plus des ministres de l'Environnement qui se penchent sur cette question, les ministres de l'Agriculture fédéral et provinciaux se sont réunis en juin pour examiner quelles pourraient être les conséquences de normes nationales. Dans leur communiqué, ils se sont dits très en faveur de normes préconisant l'application des meilleures pratiques agricoles pour assurer la sûreté et la qualité de l'environnement.

Quoique je n'aie pas dit ce que je conseillerais au ministre s'il m'en faisait la demande, la motion de la Chambre des communes constitue un signal clair que le gouvernement s'attend à ce que les fonctionnaires donnent suite rapidement à ce dossier.

Le sénateur Cochrane: Ma première question s'adresse au représentant de l'ACIA. Quel est le rôle de Santé Canada pour ce qui est de s'assurer que les Canadiens ont de l'au potable saine? Que dites-vous aux Canadiens sur la salubrité de leur eau potable?

M. Orriss: Il serait préférable que M. Raphael réponde à cette question, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

Le sénateur Cochrane: Dans votre exposé, monsieur Orriss, vous avez parlé des mesures qui peuvent protéger la santé des Canadiens. Mais allez-y, monsieur Raphael.

M. Raphael: Santé Canada a divers rôles. Nous faisons des évaluations scientifiques, nous faisons de la recherche, nous communiquons très ouvertement les menaces qui pèsent sur la santé, du moins celles que nous connaissons et comprenons, et nous conseillons également les autorités en place, y compris les autres ministères fédéraux, quant aux recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada. Nous croyons que ces recommandations renferment des dispositions techniques qui résisteraient à l'analyse sur le plan des normes.

Cependant, quand vous parlez du rôle de Santé Canada pour ce qui est d'informer les Canadiens, il s'agit d'avoir directement des éléments d'information. Nous avons toute une série de documents qui sont diffusés un peu partout à travers le pays. Nous avons aussi un site Web très complet sur la qualité de l'eau; on y trouve des liens pour accéder aux aspects provinciaux. Les Canadiens intéressés peuvent accéder à leurs responsables provinciaux par l'entremise du site Web de Santé Canada.

Nous considérons que nous avons pour rôle non seulement de fournir la base scientifique et les outils scientifiques nécessaires à certaines activités et à certaines actions, mais aussi d'informer du mieux que nous pouvons les Canadiens sur les menaces potentielles ou réelles pour la santé de la consommation d'eau potable. À ce titre, on nous a demandé de prêter assistance aux officiers de santé locaux dans un certain nombre d'endroits, certains plus célèbres que d'autres, comme Walkerton, mais nous prodiguons des conseils aux officiers de santé publique dans tout le pays.

Nous sommes là non seulement pour renseigner les Canadiens sur leur eau, la qualité de leur eau et pour les mettre en contact avec les responsables locaux de la qualité et leurs fournisseurs d'eau et leurs organismes de réglementation locaux, mais aussi pour offrir un service scientifique à certains de ces organismes de réglementation et de ces fournisseurs locaux qui peuvent avoir besoin de notre aide.

Le sénateur Cochrane: Il y a beaucoup de foyers au Canada qui ne sont pas équipés d'ordinateur et qui n'ont donc pas accès au site Web dont vous avez parlé. Comment ces gens sont-ils informés? Est-ce que Santé Canada publie des avis ou des notifications spéciales? Que faisons-nous pour ces gens qui n'ont pas accès à la dernière technologie?

M. Raphael: Nous sommes en contact permanent avec les officiers de santé publique locaux, avec les médecins locaux et les réseaux de médecins par l'intermédiaire des organismes de santé provinciaux. Nous sommes intervenus à Walkerton après avoir reçu un appel à la fois du médecin conseil local et du médecin hygiéniste en chef de la province de l'Ontario.

Nos activités en dehors de cette liaison en cas d'urgence avec les officiers de santé publique incluent l'organisation de séances d'information sur une base régulière. Nous comptons énormément sur les professionnels de la santé publique dans les régions, les hôpitaux, les cliniques, et cetera, pour nous aider à communiquer les informations réclamées par le public.

L'utilisation du Web n'exclut pas les autres formes de communication et d'information. Cependant, d'une manière générale tous les renseignements en notre possession sont disponibles sur le Web mais également sur papier. Certains d'entre vous connaissent peut-être un des documents que nous publions intitulé «Votre santé et vous». Ce document est largement diffusé. Ce sont les canaux et les voies de communica tion que nous utilisons.

Le sénateur Cochrane: Parmi les données que vous avez collectées d'un bout du pays à l'autre - il y a des problèmes d'eau partout - en avez-vous sur le nombre d'admissions hospitalières pour maux d'estomac graves? Il doit y avoirdes statistiques. Aussi, quels sont les coûts associés à la consommation d'eau de mauvaise qualité par les Canadiens?

M. Raphael: Encore une fois je m'excuse de ne pas être accompagné d'un représentant de la Direction générale de la santé de la population et de la santé publique. C'est cette direction générale qui est chargée de la surveillance et du contrôle des maladies dues à la consommation d'eau. Le problème en l'occurrence est qu'il est difficile de quantifier l'incidence de ces maladies liées à la consommation d'eau. Et en l'absence d'enquêtes épidémiologiques, il est très difficile de déterminer si la maladie est vraiment due à la consommation d'eau.

Je vous ferai parvenir ultérieurement une réponse à cette question car je sais qu'il existe à Santé Canada des documents sur le fardeau économique des maladies qui incluent la part attribuable aux maladies dues à la consommation d'eau.

Le sénateur Cochrane: J'aimerais avoir ces documents, monsieur le président.

Monsieur Conn, pouvez-vous nous dire quelle est la situation pour l'eau potable dans les collectivités autochtones? Jem'intéresse tout particulièrement à la question car j'ai visite cette année le Yukon, le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest. Je suis curieuse de savoir quel est l'état de la situation pour l'eau potable dans ces collectivités.

M. Conn: Honorable sénateur, à la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits et dans le contexte de notre programme de santé environnementale, nous avons un programme de qualité de l'eau potable pour les Autochtones. Ce programme appliqué en partenariat avec les collectivités des Premières nations sert à garantir l'existence de programmes de surveillance et d'échantillonnage de la qualité de l'eau dans ces collectivités conformément aux recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada.

Pour l'essentiel, ce programme permet d'aider les collectivités chargées de leur propre système d'adduction d'eau, de déceler et de résoudre les problèmes de qualité d'eau et de mettre en place des programmes d'échantillonnage et de contrôle de la qualité de l'eau. Nous participons aussi avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord à la formation des responsables des usines de traitement dans ces collectivités.

Comme M. Raphael l'a mentionné, nous participonségalement, à l'échelle du pays, aux campagnes de sensibilisation sur l'importance de contrôler et de surveiller en permanence les réseaux collectifs d'adduction d'eau. Nous travaillons également en étroite collaboration avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord dans le cadre du programme plus général de formation destiné aux collectivités des Premières nations.

La condition de l'eau potable dans ces collectivités est telle que nous croyons qu'en multipliant la surveillance, les contrôles et les échanges de communication nous pourrions faire disparaître certains des problèmes qui se posent à ces collectivités, problèmes qui se posent à toutes les autres administrations ou municipalités. Nous travaillons avec les collectivités elles-mêmes à la mise en place de protocoles efficaces d'identification et d'intervention en matière de qualité d'eau dans les collectivités et nous multiplions les échanges de communications avec les chefs et les conseils afin que des actions directes puissent être menées.

Nous savons que d'une manière générale il y a dans ces collectivités des problèmes de qualité d'eau potable et que des progrès pourraient être faits au niveau des réseaux, de leur entretien, de la formation des responsables pour améliorer la qualité et nous travaillons justement sur ces problèmes avec les collectivités. Je ne peux pas vraiment faire de commentaires sur la situation dans le Grand Nord. Je ne connais pas la situation ni pour le Nunavut ni pour le Yukon.

Le sénateur Adams: Au Nunavut, quand nous entendons parler d'incidents comme à Walkerton, les gens n'en comprennent pas toujours ni la cause ni la signification.

Santé Canada n'a pas de normes pour le traitement des eaux dans les villes ou les petites collectivités. Où je vis, c'est le ministère des Travaux publics qui a la responsabilité des réseaux d'eau et d'égout des collectivités. Seulement Rankin Inlet et Iqaluit au Nunavut possèdent des services d'eau et d'égout. Les autres collectivités n'ont que des stations de pompage et je ne connais pas la fréquence de nettoyage des réservoirs d'eau. C'est le genre de problèmes qui m'inquiètent tout particulièrement. Les caribous ne posent pas de problèmes de contamination comme les vaches et les porcs dans d'autres régions du Canada.

Au cours des 15 ou 20 dernières années, les gens ont commencé à mourir du cancer chez nous. Nous n'en savons pasla cause. Il est possible qu'elle soit liée à l'eau ou à l'alimentation. Nous n'avions jamais connu ce problème avant que legouvernement ne décide de nous loger, de construire des routes, et cetera. Il y a aujourd'hui plus de gens qui meurent du cancer et d'autres maladies. Nous aimerions savoir ce qui en est la cause.

L'adoption du projet de loi S-18 permettra-t-elle de régler une partie de nos problèmes d'eau dans le Nord?

M. Conn: Pour commencer, sans connaître les intentions des trois gouvernements territoriaux et de leurs ministères des Travaux publics, il est difficile d'évaluer l'impact de ce projet de loi.

Deuxièmement, il y a des niveaux de services en termes de normes industrielles. Il est évident qu'il y a un gros problème lié à l'environnement à cause du climat et de la géographie du Nord. Les Travaux publics procéderont certainement à un examen. Ce sont eux qui seront le mieux en mesure d'évaluer ce qui convient le mieux pour l'environnement propre au Nord.

Sans avoir une idée claire du genre de normes qui sont proposées, ou sans cadre clair, il est difficile d'évaluer les conséquences pour le Nord sans cette analyse.

Le sénateur Adams: Beaucoup d'anciens dans certaines des collectivités du Nord ont l'eau courante. Ils ne peuvent pas la boire car ils ne sont pas habitués à cette odeur de chlore dans l'eau, surtout pour faire leur thé. Les anciens pour la plupart boivent du thé. J'habite à Rankin Inlet; nous sommes à environ cinq milles au sud de la rivière. Les gens vont chercher de l'eau à la rivière à l'aide de leurs véhicules tous terrains parce qu'ils ne font pas confiance à l'eau du robinet.

L'eau est pompée du lac sur deux milles. C'est un circuit fermé et elle retourne dans le lac. À certains endroits, il y a tellement de chlore dans le lac que les poissons sont presque transparents. Il y a des années, des témoins nous avaient dit que l'eau bouillie, pour être consommée, rejetée dans le lac peut le polluer. C'est vrai?

Vous vous en souvenez, monsieur le président? C'était peut-être le sénateur Kenny à l'époque.

Le président: Vous avez une autre question, sénateur Adams? Votre histoire de chlore qui retourne dans le lac et rend les poissons transparents m'intrigue beaucoup.

Le sénateur Eyton: Le projet de loi S-18 n'est pas un gros projet de loi; il est évident qu'il est plus complexe qu'il ne paraît. S'il a été déposé c'est parce que la question de la qualité et de l'innocuité de l'eau potable inquiète beaucoup les Canadiens. Comme nous le découvrons petit à petit, la question est beaucoup plus compliquée que je n'avais pu l'imaginer au début.

À y réfléchir, il est intriguant de penser que de retour dans ma chambre d'hôtel ce soir, si je bois l'eau en bouteille qui se trouve sur le comptoir, c'est la responsabilité du premier ministre; mais par contre si je bois l'eau du robinet, c'est en quelque sorte la responsabilité du maire et du premier ministre de la province, en quelque sorte. Je trouve cela étrange. De manière analogue, si je prends l'avion, c'est le premier ministre qui est responsable. C'est compliqué.

De toute évidence Santé Canada a la responsabilité de l'eau en bouteille, de la glace, des autocars, des trains et des Premières nations. Ce sont toutes des choses qui relèvent clairement du ressort fédéral. Le projet de loi S-18 dit que nous avons un organisme qui est compétent, qui peut, et qui, nous le pensons peut-être, devrait offrir une norme nationale et la faire respecter tout aussi nationalement.

Vous nous avez révélé l'existence d'un sous-comité créé il y a quelque 30 ans et qui se réunit deux ou trois fois par an. Le problème c'est que les recommandations élaborées et modifiées au cours de cette période sont appliquées sur une base volontaire. Nous savons tous que les systèmes fonctionnant sur une base volontaire marchent une bonne partie du temps, pratiquement presque tout le temps. Il reste qu'il y a toujours des exceptions et que cela pose toujours des difficultés.

J'aimerais que vous oubliiez vos rôles respectifs à Santé Canada. Nous avons ce sous-comité et les recommandations sont appliquées sur une base volontaire. Compte tenu des inquiétudes des Canadiens, il semble évident que c'est le moment ou jamais pour le gouvernement fédéral de saisir l'occasion et de définir une norme nationale obligatoire avec des règles d'application tout aussi nationales. Le gouvernement fédéral est la seule entité qui en ait le pouvoir.

N'est-ce pas une bonne idée? Ne devrions-nous pas essayer? Comment faire pour y arriver? Le projet de loi S-18 a l'air d'un projet de loi très simple mais qui a quelque mérite.

M. Raphael: Premièrement, je suis Canadien et je bois de l'eau. J'ai les mêmes inquiétudes que tout le monde quant à la qualité de l'eau potable. J'ai la chance de travailler dans un domaine qui me permet d'en savoir peut-être un peu plus et de travailler avec des scientifiques expérimentés. Cela me permet peut-être d'en comprendre un peu plus que certains autres n'en ont peut-être l'occasion - ou la possibilité. Néanmoins, j'ai les mêmes préoccupations que tout le monde et je souhaite pour l'eau des normes nationales avec force de loi. Ces préoccupations étaient contenues dans la motion parlementaire et son adoption. Tous les partis sauf un à la Chambre des communes ont voté en sa faveur. Cela montre ce que veulent les Canadiens en fait de qualité d'eau et de système de contrôle approprié. L'objectif est aussi, c'est à espérer, de conserver et de protéger l'eau, d'éviter sa contamination. Ceux d'entre nous qui sont plus proches du dossier se sont aperçus qu'il était beaucoup plus onéreux d'essayer de traiter et d'assainir l'eau une fois qu'elle a été contaminée que d'en prévenir, en premier lieu, la contamination.

Le sénateur Buchanan: Loin de moi de suggérer que l'eau d'Halifax n'est pas bonne, car je pense que c'est probablement la meilleure du pays, mais tout dernièrement ma femme a décidé d'acheter un refroidisseur pour eau embouteillée dans des bouteilles de 18 litres. Il y a une consigne de 10 $ pour la bouteille et il en coûte 2,50 $ le remplissage.

J'ai entendu des gens dire qu'il n'y avait pas de différence entre l'eau en bouteille et l'eau municipale. Je ne sais pas si c'est vrai.

Le sénateur Eyton a dit que Santé Canada et non pas les provinces ou les municipalités était responsable de cette eau vendue sous forme conditionnée. Est-ce que Santé Canada a fait des comparaisons entre les diverses marques d'eau en bouteille et l'eau des réseaux municipaux dans diverses régions du pays? Avez-vous fait une classification des diverses marques par rapport à l'eau municipale?

Mme Claudette Dalpé, directrice associée, Programme de la réglementation des aliments, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada: Aucune tentative n'a été faite pour comparer les eaux municipales aux diverses marques d'eau en bouteille car les produits embouteillés peuvent l'être par les municipalités.

Le sénateur Buchanan: C'est intéressant.

Mme Dalpé: Il faut comprendre que l'eau embouteillée qui n'est pas présentée comme de l'eau minérale ou de l'eau de source peut simplement être de l'eau municipale qui subit un filtrage supplémentaire ou qui est simplement embouteillée dans des conditions sanitaires pour la consommation humaine pour être vendue dans les magasins de détail.

Le président: Elle peut être chlorée?

Mme Dalpé: Elle peut être chlorée mais il faut que cela soit indiqué sur l'étiquette et ce n'est pas de mon ressort. L'étiquetage est du ressort de l'ACIA. L'embouteilleur doit supprimer tous les sous-produits de la chloration; s'il le fait, la compagnie n'est pas obligée d'indiquer sur l'étiquette que l'eau a été précédemment chlorée. L'étiquette doit indiquer que l'eau est chlorée s'il n'y a pas eu déchloration. Si le chlore et d'autres sous-produits ont été supprimés, rien oblige à l'indiquer sur l'étiquette. Le produit embouteillé doit être étiqueté pour indiquer les traitements qu'il a subis.

Mon collègue de l'ACIA a peut-être une réponse différente à vous donner concernant les comparaisons, mais je ne pense pas que nous ayons fait de comparaisons à partir des données recueillies car comme mon collègue de l'ACIA l'a expliqué, ils ont la responsabilité de faire respecter les normes en application de la Loi sur les aliments et drogues et la définition d'aliments. En conséquence, leurs activités sont plus liées aux produits d'eau embouteillée ou d'eau utilisée pendant la fabrication d'autres produits alimentaires.

Le sénateur Buchanan: Réponse très intéressante. On m'a dit que certaines eaux en bouteille étaient tout simplement cela, de l'eau municipale en bouteille. Néanmoins, la majorité de ceux qui achètent de l'eau en bouteille pensent qu'ils boivent autre chose que de l'eau municipale. Certaines eaux en bouteille sont étiquetées «eau pure glacière» ou «pure eau de source». L'eau de source pure ne vient pas d'un lac à côté d'Halifax et nous n'avons pas de glaciers en Nouvelle-Écosse, bien qu'il y en ait quelques-uns à Terre-Neuve.

Le public est-il censé lire l'étiquette pour déterminer si l'eau qu'il achète est de l'eau du robinet?

M. Orriss: L'eau embouteillée doit répondre aux exigences du titre 12 du Règlement sur les aliments et drogues et ceux des recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada. Il y a à l'ACIA un programme de contrôle de qualité de l'eau qui permet d'assurer la conformité aux exigences réglementaires et aux recommandations.

Dans la majorité des cas, l'eau en bouteille subit un filtrage supplémentaire pour lui donner meilleur goût. C'est plus une question de goût pour le consommateur qu'autre chose. Comme le sénateur Adams l'a indiqué, beaucoup de gens n'aiment pas le goût du chlore, si bien que dans la majorité des cas l'eau en bouteille est traitée pour supprimer le chlore et parfois d'autres résidus chimiques.

Pour ce qui est de l'étiquetage de l'eau en bouteille, il doit être conforme à la vérité. L'article 5 de la Loi sur les drogues et aliments nous donne le pouvoir de réglementer la conformité à la vérité de l'étiquetage. Il est interdit d'étiqueter un produit de manière fausse ou susceptible de créer une fausse impression. Nous y veillons aussi.

La question de l'eau en bouteille est très intéressante. Au niveau international, dans une commission impliquant165 gouvernements, un long débat a eu lieu pour savoir si on pouvait appeler eau minérale naturelle de la simple eau. C'est une question plus complexe et plus délicate qu'on peut parfois le penser et il a fallu à 165 gouvernements une demi-journée pour en débattre.

Pour ce qui est de la question de la qualité de l'eau en bouteille, toute eau en bouteille vendue dans le pays doit satisfaire aux exigences du titre 12 du Règlement sur les aliments et drogues. Nous avons des programmes d'inspection. Nous surveillons et nous prélevons des échantillons d'eau pour vérifier la conformité. Nos résultats ont montré que l'industrie de l'eau en bouteille du Canada exerce d'excellents contrôles. Nous avons eu très peu de problèmes avec les échantillons d'eau en bouteille prélevés un peu partout.

Le président: Lors de vos analyses de l'eau, vérifiez-vous la présence d'antibiotiques ou d'hormones?

M. Orriss: Nos analyses se conforment aux exigences du titre 12, c'est-à-dire aux exigences microbiologiques. Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec les provinces afin d'examiner la qualité chimique de l'eau de source utilisée, et nous évaluons les systèmes de traitement des eaux afin de déterminer s'il y a lieu un problème de résidus chimiques.

Cependant, pour ce qui est de la présence d'antibiotiques, non, nous ne vérifions pas cela.

Le sénateur Spivak: Est-ce que la plupart des compagnies qui vendent de l'eau municipale la payent?

Mme Dalpé: Il faudra peut-être prendre ma réponse pour ce qu'elle vaut. Lorsqu'une entreprise exploite une source d'eau municipale, règle générale elle est tenue d'obtenir un permis de soutirer de l'eau en grande quantité, soit de la province, soit de la municipalité. Je pense que la réponse serait oui.

Le sénateur Spivak: Les rapports publiés sur la question ne sont pas de cet avis, mais c'est très bien.

Le sénateur Sibbeston: L'objet du projet de loi S-18 est d'améliorer la qualité de l'eau dans notre pays. Or, je ne vous ai pas encore entendu dire que le projet de loi S-18 est une bonne chose à cette fin, qu'il renforcera le système actuel et établira clairement la responsabilité du gouvernement fédéral dans le dossier de l'eau, particulièrement de l'eau fournie par nos réseaux d'aqueduc municipaux.

Est-ce que le projet de loi représente un changement, ou tout au moins renforce la compétence et les responsabilités du ministère en matière d'adduction d'eau au sein de nos collectivités? Voilà pour ma première question.

Ensuite, on entend dans les réserves des Premières nations et un peu partout au pays des gens dire parfois que l'eau est très polluée, voire imbuvable. Nous savons qu'il vous incombe de faire des inspections et de rédiger des rapports. Ce genre de problème est-il résolu? Est-ce que vous ou le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien avez pris des mesures afin d'améliorer la qualité de l'eau pour les Premières nations de notre pays?

M. Raphael: Pour ce qui est de votre première question, nous n'avons pas effectué d'analyses poussées des incidences que pourraient avoir les règlements qui pourraient découler du projet de loi S-18 et les amendements à la Loi sur les aliments et drogues. Nous ne pouvons dire rien d'autre, si ce n'est qu'il y a une orientation générale vers l'établissement de normes fédérales concernant les réseaux d'aqueduc municipaux. Dans la mesure où nous savons ce dont il s'agit ou quels seraient les critères de rendement, nous ne savons pas de quelle façon les gouverne ments, à part le gouvernement fédéral, y parviendraient, compte tenu du système actuel au niveau fédéral, provincial et municipal. D'ici à ce que nous connaissions ces autres rouages du système, Santé Canada doit faire preuve de prudence dans ses prévisions des effets éventuels du projet de loi.

Cela dit, le projet de loi établit clairement la responsabilité du gouvernement fédéral en ce qui a trait aux normes concernant les réseaux d'adduction d'eau municipaux. Cela me paraît sensé. Quant à savoir comment nous allons atteindre un tel objectif et quelles seront les répercussions éventuelles sur le système actuel, je ne saurais vraiment le dire.

Le sénateur Sibbeston: En tant que sénateurs, nous sommes chargés de déterminer les répercussions de ce projet de loi. Vous éludez quelque peu la question en affirmant que vous ne savez pas quels règlements seront pris et le reste.

Cependant, dans la sphère d'action du fédéral, n'est-ce pas votre ministère qui sera chargé des modifications ou des règlements qu'on est en train de rédiger et des changements efficaces qui pourraient découler du projet de loi? N'est-ce pas vous qui êtes chargés et qui serez chargés de mettre en oeuvre ces modifications législatives? Si ce n'est pas vous, alors qui est-ce?

M. Raphael: C'est une bonne question. C'est justement en raison de mes responsabilités par rapport aux règlements, aux politiques et aux changements opérationnels que je m'astreins à la prudence. Je m'abstiens donc de porter aux nues le projet de loi S-18 ou de le démolir. Je vois cependant une orientation positive dans cette mesure législative par rapport aux éléments de la motion parlementaire. Je ne peux pas cependant affirmer que son adoption sera une bonne chose pour l'ensemble du système, car en tant que fonctionnaire fédéral, je n'ai pas de droit de regard sur la réglementation provinciale ou sur le point de vue des gouvernements provinciaux; je ne pourrais non plus dire à l'échelle municipale que telle chose va se produire puis qu'autre chose par conséquent se produira.

Nous devons connaître le système dans lequel nous vivons. Je ne peux pas prédire les résultats et les répercussions de la réglementation que nous nous apprêtons à mettre en place en vertu des amendements figurant dans le projet de loi S-18.

M. Conn: En réponse à votre question portant sur la qualité de l'eau potable chez les Premières nations, oui nous agissons, nous prenons des mesures générales d'aide aux collectivités, car cela découle logiquement de nos fonctions d'inspection. Ainsi, par exemple, nous pourrions émettre un avertissement de faire bouillir l'eau dès que la qualité de l'eau est mauvaise. Il se peut aussi que lorsque les réseaux sont mal entretenus, nous recommandions des mesures correctives, en consultation avec le chef et son conseil ainsi que le ministère des Affaires indiennes, mesures visant des corrections, du matériel ou un suivi plus rigoureux de l'entretien opérationnel des systèmes.

Dans les cas où un préposé à l'épuration des eaux n'est pas complètement formé, nous sommes en mesure d'aider les collectivités en leur fournissant un programme de formation sur l'innocuité de l'eau potable. Nous agissons donc, et un suivi est assuré par des agents d'hygiène de l'environnement à notre emploi qui travaillent en collaboration étroite avec les collectivi tés concernées partout au pays. Ces agents consciencieux s'efforcent de rectifier la situation et veillent aussi à ce qu'on prenne des mesures de prévention.

Le sénateur Sibbeston: Monsieur le président, dans les cas où la pollution de l'eau est grave au point où elle exige beaucoup plus que de faire bouillir de l'eau ou de modifier légèrement le système, est-ce qu'on réussit à corriger la situation? Je songe aux cas où l'industrie ou une autre cause grave est à l'origine des problèmes. Dans ce genre de situations, il faut parfois recourir à des mesures draconiennes. On peut toujours faire bouillir de l'eau pendant un certain temps, mais pas ad vitam aeternam.

Est-ce que le gouvernement du Canada va dire à ses citoyens qu'il prend de tels problèmes au sérieux? Est-il disposé à prendre les mesures nécessaires pour corriger la situation, même dans les cas où les problèmes sont graves et les coûts atteindraient des millions de dollars?

M. Raphael: Au sujet des problèmes graves et l'obligation pour les gens de faire bouillir de l'eau pendant de longues périodes, nous nous concertons avec nos homologues provinciaux lorsqu'il s'agit de décider où intervenir en priorité.

En même temps, nous collaborons avec le programme d'infrastructures du Canada. À cet égard, le gouvernement a réservé 2 milliards de dollars en fonds de contrepartie mis à la disposition des provinces et des municipalités, dans le cadred'un partenariat, touchant la conception, le déploiement, la modification et l'amélioration des infrastructures. Justement, bon nombre des gros problèmes font l'objet d'un examen dans le cadre du programme. On signe des ententes avec chaque province, en fonction des priorités établies. Enfin, grâce à ce programme, on détermine certains des plus importants problèmes de financement. Il faut bien entendu reconnaître que l'on ne résout pas tous les problèmes, mais qu'au moins on les cerne et on souligne le besoin de les corriger.

Le sénateur Grafstein: Je tiens à féliciter le ministère. Dans le cours de mon travail visant à déterminer comment régler le problème de l'innocuité de l'eau potable au Canada, j'ai été à même de voir à quel point le ministère est respecté partout au pays, tant par les spécialistes de la réglementation que les politiciens. J'ai songé attentivement à un projet qui serait fonctionnel et bien accepté du public. Or, après examen de toutes les possibilités, je suis arrivé à la conclusion qu'il faut s'en remettre à Santé Canada et à ses organismes et à ses excellentes installations de recherche respectés dans notre pays tout entier, qu'il fallait s'en remettre à Santé Canada pour mettre fin à ce tragique manquement à nos responsabilités.

Je ne blâme pas ici le ministère car je crois qu'il est intervenu. Quoi qu'il en soit, le premier petit éclair de solution face à ce problème m'est venu suite aux événements de Walkerton. Lorsque les laboratoires de recherche et les mécanismes de reddition des comptes aux niveaux provincial et municipal se sont effondrés, la seule entité qui a fourni des renseignements solides et des recherches sûres a été l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui jouit d'une excellente réputation.

En conséquence, sur le plan fédéral, si nous voulons résoudre le problème, nous devons nous en remettre à un organisme compétent, bien organisé et qui jouit depuis longtemps d'une grande confiance auprès du public. C'est en effet une question de confiance du public et de reddition des comptes.

Si vous n'êtes pas en mesure de nous donner une réponse, nous allons laisser cela à vos ministres. Il faut reconnaître, cependant, que le système actuel de réglementation dans le domaine de l'eau potable a échoué dans toutes les régions du pays, en particulier là où le gouvernement fédéral en est directement responsable, c'est-à-dire dans les collectivités autochtones. Il faut avouer que ce n'est pas seulement à Walkerton ou à Battleford mais partout au pays que le système est en panne.

Je travaille à partir de cette prémisse. Étant donné le manque de données et de faits, je vois difficilement comment on pourrait trouver une solution législative. J'ai découvert que même si le ministère de la Santé est chargé d'établir des normes, il n'a pas centralisé toutes les statistiques sur la santé des gens qui ont subi des séquelles physiques après avoir bu de l'eau contaminée au Canada. Il est donc impossible de déterminer le coût global que les contribuables doivent payer parce que les provinces et les villes n'ont pas fourni une eau potable à leurs citoyens.

Est-ce exact? Le ministère de la Santé réunit-il les données provenant de toutes les régions du Canada dans le cadre de ses responsabilités en vertu de la Loi canadienne sur la santé?

M. Raphael: Le ministère recueille et utilise ces données par l'intermédiaire de l'Institut canadien de l'information de la santé, un organisme fédéral-provincial qui a pour but la communication des données sur la santé. Il est vrai qu'on n'a pas accordé la priorité à certaines de ces données sur la santé publique jusqu'à tout récemment en ce qui concerne la gestion des systèmes d'information. Néanmoins, on essaie depuis quelques années de rationaliser la collecte des données sur la santé publique et de partager les bases de données. Je dis bien «partager», puisque Santé Canada ne recueille pas nécessairement les données lui-même. C'est principalement nous qui le faisons. C'est le plus souvent le service local d'hygiène publique. Dans bien des cas, ce n'est même pas le gouvernement provincial qui recueille principalement l'information.

Nous avons des protocoles, des ententes et des processus pour administrer ce réseau de collecte de données, mais le défi de gestion des données que vous avez proposé est effectivement de taille. Depuis un certain nombre d'années, le financement de l'infrastructure de la santé vise non seulement à promouvoir la coordination entre les réseaux mais aussi à donner un coup de main à ceux qui recueillent l'information.

Le sénateur Grafstein: Vous le faites, on a commencé sur le tard et la tâche est complexe, mais pourriez-vous nous donner des statistiques à jour? Le comité devra aborder une question importante s'il décide d'appuyer mon projet de loi. Les membres doivent être convaincus de l'analyse coût-avantage fournie. J'ai proposé que l'analyse coût-avantage soit basée sur les coûts actuels attribuables au fait qu'on n'a pas de l'eau potable saine partout au Canada.

Je vais vous donner deux statistiques qui me font peur. On m'a dit qu'à Vancouver 17 500 personnes chaque année souffrent de maux d'estomac causés directement ou indirectement par l'eau potable contaminée. Il semble que cette situation dure depuis de nombreuses années. Je ne sais pas si c'est vrai, mais ce serait très utile, monsieur le président, si le ministère pouvait nous faire une analyse, dans la mesure du possible, des coûts pour le système de santé attribuables au manque de normes d'application obligatoire et uniformes à travers le Canada. S'il est impossible de faire une telle analyse, vous pouvez l'indiquer au président, mais donnez- nous ce que vous pouvez nous donner.

M. Raphael: Avant votre arrivée, sénateur Grafstein, on a fait allusion à la question des maladies dominantes et des coûts y afférents. Nous n'avons personne ici aujourd'hui de ce service-là, mais nous avons promis de fournir cette information. Nous allons y ajouter l'étude de Santé Canada que vous avez mentionnée au sujet de Vancouver et de l'incidence des maladies hydriques dans cette ville.

Le sénateur Grafstein: Le Dr Schindler, un des experts les plus respectés du Canada, m'a dit qu'il n'a pas réussi à trouver ce genre de données ici, mais qu'il a pu en trouver pour les États-Unis. Les statistiques disponibles aux États-Unisindiquent que la santé de 900 000 à 1 million de personnes est directement affectée par l'eau contaminée. Nous avons donc fait l'extrapolation et il y aurait au moins 10 000 personnes au Canada. Selon l'information anecdotique, cependant, je sais que le nombre est encore plus élevé.

Le président: Les témoins ont déjà dit qu'ils fourniraient l'information demandée. Vous pourriez peut-être aborder un autre sujet.

Le sénateur Grafstein: J'aimerais revenir au point soulevé par le sénateur Sibbeston concernant l'état déplorable de l'eau potable dans les collectivités autochtones, pour lesquelles la Constitution a donné la responsabilité au gouvernement fédéral. Dans votre exposé, vous avez dit que cette responsabilité a été déléguée pour le Nord aux gouvernements territoriaux, que c'est vous qui faites les analyses et que les résultats sont fournis à la bande, qui a la garde de l'information.

En ce qui concerne la responsabilité, s'il y a des problèmes d'eau potable dans les collectivités autochtones, pour quelque raison que ce soit, mauvaise analyse, manque de formation, mauvais équipement, échantillonnage insuffisant, qui en est responsable? Le gouvernement fédéral est-il responsable, ou est-ce qu'il délègue la responsabilité aux Territoires du Nord- Ouest, au Nunavut, et cetera? Qui en est responsable?

M. Conn: C'est une excellente question, monsieur le sénateur. Si je comprends bien, le Yukon et le Nunavut sont chargés des systèmes de santé dans le Nord, de façon générale. Ils administrent les régimes de santé partout sur leur territoire, dans les villages, dans les villes et même dans les collectivités des Premières nations. La responsabilité en est sans doute répartie à l'ensemble des diverses autorités régionales de santé et aux ministères qui relèvent des administrations territoriales.

Quant aux collectivités des Premières nations dans les provinces, nous croyons que Santé Canada, Affaires indiennes et du Nord Canada et les gouvernements des Premières nations partagent la responsabilité de la mise en oeuvre, de l'entretien, de la formation et de la prestation de l'infrastructure et des ressources nécessaires pour assurer des systèmes efficaces de distribution d'eau potable. On partage donc la responsabilité de la surveillance et du contrôle avec les Premières nations.

A-t-on fait des progrès? Absolument. Est-ce qu'on a encore du chemin à faire? Absolument. Faudrait-il accorder plus de ressources et d'appuis aux Premières nations? Absolument. Il y a encore matière à amélioration, mais les défis sont clairement définis. La volonté et l'énergie existent pour essayer d'améliorer les communications, la capacité d'intervention en cas d'urgence et les systèmes de détection précoce. En termes pratiques, les collectivités doivent contrôler la présence et l'absence de E.coli, en faisant des analyses. Déjà, certaines collectivités qui n'avaient pas cette capacité ni cette compétence les ont acquises. Il nous reste du chemin à faire, absolument.

Le sénateur Grafstein: Je comprends tout cela. Mesrecherches démentent cette conclusion. Je n'ai pas encore fini, monsieur le président, car je suis à environ la 28e loi. Je dirais - je ne suis pas sûr de les avoir toutes - qu'il existe environ 40 lois fédérales, peut-être plus, qui ont un lien avec l'eau potable saine.

Si la Gouverneure générale pouvait lire tout cela et me dire si elle en est imputable, en raison de la prérogative royale, cela me surprendrait. Je ne trouve aucune imputabilité ici.

Mon projet de loi vise à regrouper 40 mesures législatives et à rendre certaines personnes responsables, par opposition à la responsabilité partagée, qui, comme vous devez en convenir,n'a pas fonctionné. Cela n'a pas fonctionné en Ontario, en Saskatchewan ou au Yukon. Nous savons quelque chose des problèmes au Yukon, aux Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, parce que les sénateurs Adams, Watt, Sibbeston et Christensen nous en ont parlé.

J'espère que le comité se joindra à moi pour essayer de mieux définir l'imputabilité et la responsabilité afin qu'on sache, si un problème survient, qui en est responsable. La responsabilité partagée, dans ce cas-ci, n'a pas vraiment fonctionné.

La prochaine chose que j'aimerais que vous fassiez, c'est de réunir ces mesures législatives et de permettre au comité de les examiner, afin de voir si les membres sont d'accord avec moi, à savoir qu'il s'agit d'une confusion inouïe et qu'un ministre pourrait difficilement déterminer qui détient la responsabilité en vertu de ces lois. C'est répandu aux quatre vents.

Je leur donne ça, monsieur le président, comme devoir. Ce n'est pas difficile. J'aurai lu toutes les lois avant la fin des travaux du comité, mais plus on les lit, moins on les comprend.

Monsieur le président, si vous me permettez, je conclus en faisant deux autres observations. Je me rends compte qu'il est tard, et je vous remercie de votre indulgence. Comme je l'ai déjà dit, j'ai lu votre mémoire et vous avez fait un travail magnifique pour ce qui est de l'établissement de normes. Toutefois, on ne peut pas faire respecter les normes de façon uniforme partout au Canada. Ce sont des normes, et les provinces ont le choix de les adopter ou non, comme bon leur semble. Ces normes sont impuissantes. Ce sont des documents consensuels.

Le Québec n'est pas d'accord avec vous pour ce qui est de la qualité de vos normes. Dans un communiqué émis en juin dernier, le Québec a déclaré que les normes fédérales, qui tiennent compte de quelque chose comme 52 ou 59 éléments ou indices dans votre tableau - vous mesurez entre 52 et 59 éléments pour les normes. Le Québec a déclaré qu'il tiendra compte de 72 ou 79 éléments. Leurs normes seront supérieures aux normes les plus élevées du gouvernement fédéral.

Je vous pose la question suivante: le gouvernement fédéral maintiendra-t-il ses normes existantes, ou est-ce que la province de Québec a raison quand elle dit qu'il existe des normes supérieures, des normes qui pourraient prévenir la bactérie E.coli ou d'autres problèmes? À propos, il y a de nombreux problèmes chimiques et minéraux. Ce problème n'est pas simple. Quelles normes seront les meilleures? Apparemment, les normes fédérales sont inférieures aux normes que propose le Québec. Selon le Québec, ses normes seront les plus rigoureuses du monde. Avez-vous fait une analyse des deux?

M. Raphael: Nous n'avons pas effectué une analyse en profondeur. Je n'ai pas lu le rapport auquel vous faites référence.

Le sénateur Grafstein: Il s'agissait d'un communiqué de presse.

M. Raphael: Toutefois, j'ai entendu parler de ce communiqué de presse. En premier, je demanderais au Québec, qui a accepté les recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada, quels pourraient être les écarts entre les deux normes. En règle générale, nous estimons que les recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada tiennent compte d'environ 83 facteurs.

Le sénateur Grafstein: Quatre-vingt-trois?

M. Raphael: Quatre-vingt-trois. De ce nombre, 59 sont des éléments numériques et les autres éléments ne sont pas de nature numérique.

Le sénateur Grafstein: Pourriez-vous nous dire par écrit pourquoi vous avez conclu que vos normes sont meilleures que les leurs; est-ce que c'est une demande raisonnable?

M. Raphael: C'est tout à fait raisonnable.

Le sénateur Grafstein: Au Canada, il est difficile de mettre la main sur tous les faits. Comme je l'ai dit déjà, je fais toutes les recherches moi-même. C'est moi qui rédige mes discours; et c'est moi qui ai rédigé le projet de loi. Je n'ai pas reçu beaucoup d'aide. J'essaie d'avoir tout cela à l'esprit, et c'est assez difficile. Mon dossier est très volumineux.

J'ai trouvé une étude intéressante qui a été effectuée récemment par le Sierra Club. Leur avocat a fait une étude pour coter les régions du Canada. Le portrait était bien triste. Je ne sais si vous avez lu cette étude, si vous l'avez analysée et si vous êtes du même avis. C'est un document public qui est sur Internet. Le représentant du Sierra Club m'a dit que pour faire une comparaison équitable de la situation, le problème le plus grave est l'absence d'une base de données. Il est difficile d'obtenir les statistiques relatives à la santé; toutefois, il est encore plus difficile de trouver une compilation de tous les avis de faire bouillir de l'eau au Canada pendant les six derniers mois. Les documents relatifs à ces avis se trouvent partout. Il est très difficile d'obtenir ces informations.

Peu importe si le projet de loi est adopté ou non, j'espère également qu'une base de données sera établie pour le moins, pour que les Canadiens puissent être au courant de ce qui se passe. On me dit qu'aux États-Unis on peut se servir des codes postaux ou des indicatifs régionaux - je ne sais pas lequel - pour chercher les statistiques les plus récentes dans la région en question. Aux États-Unis, c'est le fédéral qui est chargé de la qualité de l'eau potable; grâce aux efforts du gouvernement fédéral américain, avec quelques frappes au clavier, le public peut interroger une base de données pour savoir quand on a émis pour la dernière fois un avis de faire bouillir de l'eau.

J'ai communiqué avec les responsables à Toronto et les responsables provinciaux, et j'ai appris que les deux ne se consultent même pas. Il est très important d'examiner l'analyse du Sierra Club, qui fait état du manque d'informations au sujet des gouvernements municipaux, provinciaux et territoriaux. Nous essayons de déterminer si le gouvernement fédéral devrait y être. Plus je lis sur cette question, plus j'estime que sans le leadership du gouvernement fédéral, ce problème ne sera pas réglé au Canada.

Le président: Je tiens à remercier les témoins d'être venus ce soir. Vous avez répondu à nos questions, et vous en avez évoqué d'autres pour lesquelles nous voudrons trouver des réponses.

La séance est levée.


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