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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 15 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 4 octobre 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-18, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine), se réunit aujourd'hui, à 9 h 37, pour en faire l'examen.

Le sénateur Tommy Banks (président suppléant) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président suppléant: Chers collègues et invités, bonjour.

La réunion d'aujourd'hui est consacrée au projet de loi S-18 déposé par le sénateur Grafstein. Par ce texte, on cherche à inclure l'eau parmi les biens consommables réglementés dans l'intérêt public. Le sénateur Grafstein estime qu'étant donné que la gomme à mâcher est réglementée, il semble logique que l'eau le soit aussi.

Si vous voulez bien nous faire votre exposé, nous sommes toutes ouïes.

M. Ovide Mercredi, porte-parole pour l'environnement, Assemblée des premières nations: Je tiens à remercier le comité de m'offrir l'occasion de prendre la parole au sujet de la qualité de l'eau dans les collectivités des Premières nations. Comme vous en êtes bien conscients, je ne puis parler au nom des Inuits ou des Métis. Je ne puis que parler au nom des Premières nations du Canada. Toutefois, je suis convaincu que certains des enjeux dont je vous parlerai sont communs à tous les peuples autochtones du pays.

Nous tenons à remercier le sénateur Grafstein d'avoir pris l'initiative de proposer cette modification à la loi. Il est temps d'agir. Le sénateur a entendu notre appel à l'égard de ces questions, et son initiative contribuera énormément à faire affecter des ressources fédérales à cette question.

J'aimerais aussi mentionner les initiatives entreprises par deux députés, notamment Dennis Mills et John Herron.

À la lumière de ce qui s'est produit à Walkerton et à North Battleford, les Canadiens du pays tout entier reconnaissent la nécessité de régler les problèmes de qualité, de salubrité et de sécurité de l'eau potable.

Les Premières nations subissent les effets d'une eau potable malsaine depuis des décennies. L'Assemblée des premières nations est ravie de pouvoir partager son expérience avec le reste du pays, dans l'espoir que la question deviendra une priorité à l'égard aussi de notre population.

La qualité de l'eau est un enjeu au sein de nos collectivités depuis au moins 20 ans. Le problème est causé par le fait que les enjeux entourant l'eau de source n'ont pas été suffisamment suivis au Canada même et que l'eau non traitée que nous utilisons a été contaminée au fil des ans. Quand j'étais jeune, je buvais l'eau directement de la rivière Saskatchewan, et je ne suis pas si vieux que cela.

Les cas les plus dramatiques d'enfants morts après avoir bu de l'eau potable contaminée au sein des collectivités cries sont survenus durant les années 80.

L'été dernier, la table ronde organisée par John Herron et le sommet sur l'eau organisé par Dennis Mills ont donné à nos peuples, que ce soit par l'intermédiaire de leur organisme national ou grâce aux témoignages de particuliers, l'occasion de se faire entendre à cet égard.

Les problèmes d'eau potable des Premières nations gravitent habituellement autour d'une eau de source intraitable, d'usines inadéquates, de piètres réseaux de distribution et de contamination au carburant. Au moins deux cas de contamination au carburant durent depuis des années, et il faut s'attaquer à ces problèmes particuliers. Nous espérons que la contamination de l'eau potable au carburant obligera les Affaires indiennes à agir dans l'intérêt des Premières nations.

Certaines de nos collectivités doivent depuis cinq ans faire bouillir leur eau. Nous espérons que le comité fera comprendre aux bureaucrates l'importance de régler ces questions, sans quoi toute mesure prise ultérieurement ne suscitera chez nous que scepticisme.

L'Assemblée des premières nations a de très bonnes raisons de croire que ces questions individuelles ne sont pas des incidents isolés. En 1995, une étude conjointe de Santé Canada et des Affaires indiennes a révélé qu'un cinquième de nos réseaux de distribution d'eau n'était pas conforme aux lignes directrices en matière d'eau potable. La même étude évaluait à environ 50 p. 100 les réseaux de traitement des eaux des Premières nations qui posaient problème, une manière gentille de dire que la moitié d'entre eux étaient inadéquats.

En juin de l'an dernier, l'Assemblée des premières nations a reçu des données précisant que 79 collectivités des Premières nations éprouvent des problèmes d'eau potable qui sont susceptibles d'être un danger pour la santé. Nous savons que la liste est incomplète et qu'elle se concentre sur les régions. Nous n'avons pas les moyens de vérifier l'information puisque nous ne recevons pas d'office les données réunies par le gouvernement fédéral. Les renseignements n'ont été partagés avec nous qu'après un certain débat.

Quels sont les effets d'une eau potable malsaine? Une étude menée au Manitoba a révélé que les cas de contamination à la shigella au sein des Premières nations étaient 19 fois plus fréquents qu'au sein du reste de la population. L'hospitalisation par suite d'une infection à la shigella n'était que 12 fois supérieure par rapport au reste de la population canadienne. De 1992 à 1995, 80 p. 100 des cas d'hépatite A au Manitoba se sont produits au sein de la population des Premières nations. En Saskatchewan, les cas d'hépatite A au sein des Premières nations étaient de 484 sur 100 000, contre 8,7 p. 100 par 100 000 Canadiens. La fréquence de ces cas au sein des Premières nations est donc 500 fois plus élevée approximativement que la moyenne canadienne.

Ces données statistiques ne devraient pas surprendre le comité. Depuis des années, l'Assemblée des premières nations soutient que le Canada applique une norme différente en ce qui concerne la santé, l'eau potable et le logement.

Plutôt que de chercher à régler ces problèmes, la réaction typique à de pareils renseignements a été d'arguer au sujet des contributions relatives du logement, des services médicaux et la qualité de l'eau potable. Ces débats font rage au sein de la bureaucratie canadienne depuis des décennies alors qu'on ignore la véritable nature du problème et que, souvent, on refuse d'agir.

Une des principales recommandations de Santé Canada et du MAINC en 1995 était d'élaborer des mécanismes qui permettraient d'intégrer les compétences spéciales de Santé Canada et du MAINC dans la distribution d'une eau potable saine. Actuellement, les agents de santé environnementale de Santé Canada, des professionnels engagés qui ont de l'expertise dans la salubrité de l'eau potable, ne peuvent que recommander des mesures. À notre avis, le projet de loi redresserait, à défaut d'autre chose, la situation. Les décisions seraient alors prises en fonction des résultats sur le plan de la santé plutôt qu'en fonction de considérations bureaucratiques ou de questions budgétaires.

C'est pourquoi l'Assemblée des premières nations félicite le Sénat d'avoir agi dans ce dossier. Le classement de l'eau comme aliment aux fins du règlement permettrait de faire en sorte que les Premières nations ont de l'eau d'une qualité approximativement identique à celle des autres Canadiens.

Nos préoccupations sont doubles et débordent peut-être du cadre des délibérations d'aujourd'hui. La première porte sur l'application du projet de loi et sur le régime de réglementation mis en place pour le faire respecter. La seconde concerne les éventuelles obligations associées au projet de loi. Sous le régime actuel, on s'attend que les Premières nations vont entretenir et exploiter le réseau de distribution de l'eau grâce à une subvention du MAINC pouvant atteindre 20 p. 100 du coût.

Cette entente conclut entre le MAINC et Santé Canada a représenté un transfert important de responsabilité. Le MAINC a affirmé plusieurs fois qu'il faudrait que les Premières nations puissent en recouvrir le coût en taxant les consommateurs d'eau.

Bien que le transfert de responsabilités aux Premières nations soit une bonne chose en soi, nous soutenons qu'il est irresponsable de décider d'une méthode sans régler les questions comme la taxation, par exemple. Il doit être agréable de pouvoir imposer des responsabilités unilatéralement. Toutefois, c'est une réalité avec laquelle les Premières nations sont obligées de composer au Canada. C'est peut-être parce que nous ne sommes jamais consultés quant à la façon dont le gouvernement conçoit ses responsabilités ou les nôtres, ce qui aggrave la situation, car nous ne pouvons jamais exprimer d'autres vues. La responsabilité prend alors à nos yeux une ampleur effrayante.

Qui plus est, nous craignons que les Premières nations ne viennent à compter de plus en plus sur l'eau embouteillée qui leur sera livrée comme secours d'urgence. Cela permettra aux ministères fédéraux de justifier des augmentations de dépenses presque incroyables sans offrir de solutions concrètes au véritable problème. Le résultat sera des chiffres gonflés dont se servira le ministre des Affaires indiennes pour donner aux Canadiens l'impression qu'il s'occupe du problème indien et qu'il n'y a pas de deux poids, deux mesures au Canada.

La norme appliquée s'évalue en termes de santé de nos peuples, de nos conditions sociales, non pas en fonction du montant que le ministre reçoit chaque année. Le projet de loi à l'étude pourrait toutefois contribuer à rétrécir les écarts. À toutes fins pratiques, nous cherchons à obtenir de meilleurs résultats, sur le plan de la santé, pour les générations actuelles et futures.

Les recommandations qu'ont faites les deux ministères en 1995 réglaient les questions dont il fallait traiter. Le problème, c'est que nous n'avons aucun moyen de vérifier s'ils suivent leurs propres recommandations. Nous n'avons aucun moyen de juger si des dépenses particulières ont été ciblées pour mettre en oeuvre les recommandations que je suis sur le point de partager avec vous. Ce sont les propres recommandations du gouvernement dans ce dossier. Certaines datent de 1995.

Tout d'abord, le ministère et Santé Canada ont décidé qu'il fallait que les Premières nations et le MAINC mettent en oeuvre des plans d'action régionaux pour régler d'éventuels problèmes de santé et de sécurité posés par les systèmes de distribution collectifs aussi rapidement que le permettraient les fonds. Ce sont là les mots magiques: «aussi vite que le permettent les fonds». S'ils ont les fonds, ils le feront. S'ils n'en ont pas, ils ne feront rien.

Ensuite, les Premières nations et Santé Canada étaient censés travailler en collaboration pour inspecter périodiquement tous les réseaux de distribution d'eau des Premières nations. Il faudrait que Santé Canada et le MAINC se consultent quant à un moyen plus cohérent et efficace de surveiller les égouts pour effluents liquides domestiques avant le rejet. À nouveau, nous n'avons aucun moyen de savoir combien de fois les deux ministères se rencontrent et de quelle façon ils partagent leurs ressources sur le terrain pour mettre en oeuvre cette recommandation qui crée une coresponsabilité.

Troisième point, les Premières nations, Santé Canada et Affaires indiennes et du Nord canadien étaient censés offrir au personnel des Premières nations une formation adéquate. Cela devait être fait en toute priorité. La trousse de formation relative à l'exploitation d'une usine de traitement d'eau de Santé Canada n'était censée être utilisée que lorsqu'il n'y avait pas de cours de formation disponible. Tel que je comprends ce qui se passe actuellement, la formation du personnel des Premières nations est vue comme une responsabilité des Affaires indiennes. Auparavant, elle relevait de Santé Canada. J'ignore quand au juste la décision de transférer la responsabilité aux Affaires indiennes a été prise. Toutefois, tout cela fait ressortir qu'il y a au moins deux ministères qui doivent se concerter dans ce dossier. Nous n'avons aucun moyen de vérifier à quel point ils coordonnent leur action et à quel point ils sont efficaces dans ce dossier.

Quatrièmement point, il a été recommandé que les Premières nations fassent appel à des experts-conseils ou à des professionnels membres des conseils tribaux lorsqu'elles planifient des ajouts ou des changements aux installations existantes de traitement de l'eau et des eaux usées. Il faudrait avoir recours à la technologie convenant à la collectivité. Ce sont là des mots que je qualifie parfois de mots passe-partout. Cela laisse sous-entendre une norme moins élevée que ce qui conviendrait à d'autres collectivités. Cela signifie habituellement que la réalisation de l'initiative en question est fonction de la population, de la région particulière, des crédits du Parlement et de la disponibilité de ressources. La décision finale n'est pas prise par notre peuple, mais par des bureaucrates à Ottawa. J'ignore s'ils font appel à des consultants ou à des personnes ayant une formation technologique avancée pour prendre cette décision. Ils insistent pour que nous fassions appel à ces spécialistes, avant que nous leur présentions des demandes.

Il serait intéressant de voir si le Sénat pourrait inviter certains des ministères à lui rendre des comptes quant à la façon dont ils travaillent avec nos peuples.

Cinquièmement point, il faut que les Premières nations et le MAINC améliorent le cadre redditionnel d'exploitation, d'entretien et de surveillance des systèmes de traitement des eaux et des eaux usées de la collectivité. Voilà une excellente recommandation. Elle concerne ceux qui seront responsables si une erreur est commise ou si quelqu'un meurt. Le cadre redditionnel d'exploitation, d'entretien et de surveillance du système d'eau est un moyen de faire en sorte que la sécurité du public est assurée. Cela exige naturellement une formation convenable et une surveillance et une gestion selon les règles de l'art. Toutefois, qui est responsable de cette surveillance? Qui est responsable de l'exploitation et de l'entretien des systèmes de traitement des eaux et des eaux usées de la collectivité?

Les deux ministères ont essayé de transférer cette responsabilité à nos collectivités. Celles-ci résistent parce qu'elles n'ont pas les ressources voulues pour pouvoir appliquer la norme requise pour maintenir ces unités à des niveaux opérationnels. Nous n'avons pas de moyens indépendants de payer le coût d'entretien des systèmes. Notre dépendance à l'égard du gouvernement pour l'entretien de ces installations est totale.

Il serait impossible aux Premières nations d'en assumer la pleine responsabilité. Simultanément, ce que je vois dans cette recommandation, c'est deux ministères qui tentent de se laver les mains de toute responsabilité juridique et qui les transfèrent à nos collectivités.

La sixième recommandation était qu'il fallait qu'il y ait une coopération entre les Premières nations et les agents régionaux des Affaires indiennes et de Santé Canada pour qu'ils puissent renforcer leurs liens et travailler ensemble à la qualité des systèmes de traitement d'eau et d'eau usée sur les réserves.

Voilà à nouveau une excellente recommandation. Nous nous demandons souvent pourquoi il faut faire une recommandation au sujet d'une question qu'il faudra bien régler de toute façon. Les recommandations sont faites quand on constate une lacune ou une omission.

En 1995, manifestement, les deux ministères constataient l'existence de certains enjeux suffisamment importants pour recommander qu'ils commencent à travailler dans un plus grand climat de coopération en vue de maintenir la qualité de l'eau et des eaux usées sur les réserves.

Je tiens aussi à parler d'Environnement Canada. Cette question de la qualité de l'eau ne concerne pas uniquement ce qui sort du robinet, mais aussi l'eau de source. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, quand j'étais petit, je buvais l'eau de la rivière Saskatchewan. C'était la source de notre eau potable, mais c'était également notre source d'alimentation en eau pour de nombreuses utilisations. J'ai vieilli. Je sais maintenant qu'Environnement Canada a la responsabilité de protéger les sources d'eau au Canada. On se demande souvent ce qu'il a fait au cours des 20 ou 30 dernières années pour protéger l'eau de la rivière Saskatchewan de manière que notre peuple puisse conserver son mode de vie traditionnel et vaquer à ses occupations habituelles en se fiant à l'eau naturelle comme quand j'étais enfant.

Voilà qui soulève de plus grandes questions au sujet de la protection de l'environnement au Canada. Je sais maintenant que la personne qui trempe sa tasse dans la rivière Saskatchewan ne pollue pas. La pollution est la conséquence du développement et de la civilisation. La pollution est aussi causée par les effluents des exploitations agricoles et de l'élevage du bétail. Elle est causée par les effluents des opérations forestières le long de la rivière Saskatchewan et par toutes les eaux usées traitées ou non traitées que rejettent les villes dans la rivière. À mesure que ces matières s'accumulent en aval, l'eau n'est plus potable, et il est même dangereux de s'y baigner, comme c'est le cas ici même à Ottawa.

J'aimerais parler des compétences des différents ministères. Je crois savoir, après avoir analysé la situation, que Santé Canada est responsable seulement d'analyser l'eau à sa sortie de l'usine, non pas l'eau qui sort du robinet. Il n'est pas clair qui est responsable de l'eau qui sort du robinet. Le ministère des Affaires indiennes soutient qu'il n'est responsable que de l'infrastructrure, c'est-à-dire de l'installation matérielle. Il aide à la mettre en place et à l'entretenir. Toutefois, il n'est pas responsable de la qualité de l'eau qui en sort. Donc, trois ministères ont tous une responsabilité, mais nul ne semble savoir qui a la responsabilité ultime de voir à la salubrité de l'eau.

Il est très important, pour que le Sénat comprenne bien la véritable nature de cet enjeu, que le gouvernement publie un rapport concernant la salubrité de l'eau potable sur les réserves des Premières nations.

Grâce au sommet organisé par Dennis Mills, j'ai appris que le gouvernement effectue des études, mais il n'en a pas encore partagé les résultats avec nous. Elles n'ont peut-être pas été achevées. Toutefois, le gouvernement a commandé des études pour connaître l'état actuel de salubrité de l'eau au sein des collectivités des Premières nations. Il faudrait que le gouvernement partage cette information avec le Sénat pour que vous ayez une bonne idée du genre de systèmes de traitement d'eau dont il est question. Il n'est pas question de systèmes à la fine pointe de la technologie. Parfois, l'eau est acheminée par camion. Parfois aussi, elle est tirée de puits.

Quand les Affaires indiennes parlent de ces systèmes, ce ne sont pas des systèmes comme celui dont dispose la Ville d'Ottawa. Ce sont de petites usines de traitement, quand usine il y a, mais il n'y en a pas toujours dans les collectivités. Parfois, il n'y a qu'un puits collectif et, parfois, des puits individuels, comme c'est le cas de nombreux autres Canadiens vivant en milieu rural.

Le gouvernement sait depuis quelque temps déjà qu'il faut régler cette question. Devant la Commission royale sur les peuples autochtones, l'Assemblée des premières nations avait expressément recommandé ce qui suit:

Il faut que le gouvernement fédéral soutienne et finance l'établissement d'une commission nationale de l'eau des Premières nations qui examinera et élaborera des orienta tions, exécutera des projets d'action et de recherche dans le domaine de l'accès, du contrôle, de la compétence et de la gestion de l'eau et établira un bureau central de recherche.

Il faut que le gouvernement fédéral examine son actuelle politique en matière d'eau à la lumière des décisions Guerin et Sioui de manière à y apporter des changements et à la faire coïncider avec ses responsabilités fiduciaires à l'égard des Premières nations.

Le Sénat et les Premières nations du Canada partagent les mêmes objectifs. Nous tenons à faire en sorte que nos peuples aient une eau potable saine. Nous souhaitons faire en sorte, comme vous, que nul ne meure ou ne voit sa santé affectée par la piètre qualité de l'eau potable.

Il faudrait que le Sénat sache que nous avons parfois la conviction, pour d'excellentes raisons, de n'obtenir de l'action que dans deux circonstances. La première est quand nous montons aux barricades et que nous menons une action politique. Quand nous érigeons des barrières entre autres, on agit. On agit aussi quand il y a une crise que le gouvernement ne peut pas ignorer. Ce n'est pas un très bon fondement pour la politique fédérale quand on connaît la responsabilité fiduciaire qu'a le gouvernement de voir aux droits et aux besoins de nos peuples autochtones.

Nous attendons depuis quelque temps que le gouvernement mette de l'ordre dans ses finances de sorte que ces questions puissent être réglées. Le gouvernement fédéral soutient maintenant que les finances sont saines. Pourtant, nous attendons encore que des dépenses soient engagées à l'égard de nos collectivités.

Nous appuyons les modifications proposées à la loi parce que nous savons qu'une fois que la loi sera en vigueur, il faudra l'appliquer. L'application de cette loi entraînera des dépenses fédérales qui ruisselleront jusque dans nos collectivités. Nous espérons qu'en plus de ce ruissellement, on réglera vraiment les problèmes.

Nous espérons que la Chambre des communes accueillera favorablement le projet de loi à l'étude et qu'elle ne bloquera pas la modification proposée. Nous attendrons aussi avec impatience des annonces du gouvernement du Canada qui donneraient à notre peuple l'assurance que ses problèmes d'eau seront réglés. Il nous tarde d'éprouver un nouveau sentiment de sécurité.

L'eau malsaine affecte les enfants tout autant que les adultes. Il faut étudier la manière dont elle affecte la capacité d'apprentissage des enfants. Il existe au Canada des ONG qui se consacrent à ce genre de recherche. Le Sénat pourrait les inviter à témoigner de l'impact qu'a l'eau malsaine sur la santé des enfants et sur leur capacité d'apprentissage.

Le sénateur Christensen: Je cherche à obtenir un éclaircissement. Monsieur Mercredi, vous avez parlé de plusieurs recommandations. Je me demande combien de ces recommandations ont en réalité été mises en oeuvre. Y a-t-il une autorité clairement désignée pour assumer cette responsabilité?

D'après votre exposé, il semble qu'il n'y en ait pas au sein des collectivités des Premières nations. Je connais certes très bien la situation que vous décrivez. Dans de nombreuses collectivités des Premières nations, il y a un puits commun. Quelqu'un puise l'eau, la verse dans un réservoir, dans un camion-citerne, puis la livre. Ce sont en réalité trois étapes qu'il faut superviser: d'abord, le puits et l'eau qui en sort, ensuite, la personne qui la livre dans son camion et, enfin, le point de consommation, très souvent une unité louée à bail par la collectivité.

Les responsables de cette triple surveillance sont-ils clairement désignés?

M. Mercredi: Je vais demander à mon collègue, M. David, de répondre, car il est plus versé dans la question que moi-même.

M. William David, spécialiste de l'environnement, Assemblée des premières nations: Je vais vous donner mon impression. Je suis coordonnateur des substances de contamination et mon travail consiste à répondre aux questions relatives à la qualité de l'eau et aux urgences en matière d'eau au sein des collectivités.

Autant que je sache, divers groupes ont mis en application les recommandations ministérielles sans toutefois toujours respecter le rapport écrit. En ce qui concerne la surveillance, et je vais essayer de m'en tenir le plus possible au projet de loi, il s'agit de savoir qui est chargé de la surveillance et comment se fait la surveillance. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de rapport entre la surveillance et le suivi qui s'impose pour corriger le problème. À l'heure actuelle, Santé Canada peut assurer la surveillance mais pas la mise en application. Le ministère ne peut faire que des recommandations au MAINC ou aux Premières nations. Ce projet de loi réglerait cette question étant donné qu'il renforcerait ces recommandations; il faciliterait les choses dans de nombreux cas, c'est le moins qu'on puisse dire.

Le sénateur Christensen: Le concept de surveillance est formidable, mais il ne sert à rien si on n'en connaît pas les résultats.

M. David: Santé Canada, dans certains cas et dans certaines régions, prévoit effectivement une retransmission des données dans la collectivité. Cela varie d'une région à l'autre. À l'échelle nationale, nous ne savons pas s'il y a des variations d'une région à l'autre ou si c'est uniforme. Je sais que du travail se fait à cet égard.

Je le répète, le vrai problème, c'est qu'à partir du moment où une collectivité est au courant et a les résultats en main, elle ne peut toujours pas s'assurer que l'eau potable est sûre. Il n'existe pas de mécanisme qui lui permette de faire en sorte que des mesures soient prises, par suite de ces résultats, pour améliorer la qualité de l'eau.

Le sénateur Christensen: Des gens en sont-ils chargés au sein des collectivités? Disposent-ils de la formation voulue et existe-t-il des programmes de formation?

M. David: L'année dernière, le ministère des Affaires indiennes a commencé à mettre au point et à étendre ce qui est appelé le programme de formateurs itinérants, lequel vise à former les exploitants. Ce qui nous préoccupe principalement à ce sujet, c'est qu'il existe ce que l'on appelle un niveau de certification des exploitants, qui est un niveau minimum exigé de la part de ces derniers. Le programme de formation proposé ne répond pas à ces normes et c'est ce qui nous inquiète le plus. Même si les gens sont formés, nous ne savons pas s'ils sont qualifiés.

Le président suppléant: Juste pour confirmer ce que vous venez de dire, il existe un programme de formation, mais le niveau de formation n'est pas suffisant; est-ce bien ce que vous voulez dire?

M. David: À mon avis, une autorité de certification devrait certifier l'exploitant d'une station de traitement de l'eau afin qu'il puisse exploiter cette station. C'est, je crois, ce qui tient lieu de qualification.

Le président suppléant: Pourriez-vous défendre cet argument par écrit - sur une page - et l'envoyer au comité par l'entremise du greffier?

M. David: Certainement.

Le sénateur Cochrane: On a déjà répondu à l'une de mes questions relatives à la formation, et cetera, au sein des collectivités.

J'ai une question de plus. Depuis la tragédie de Walkerton, le gouvernement de l'Ontario a procédé à plusieurs changements, dont le relèvement du budget du ministère de l'Environnement qui atteint maintenant 215 millions de dollars. Je me demande si vous savez dans quelle mesure ces changements ont eu un impact sur la situation de l'eau dans les collectivités des Premières nations de la province?

M. David: La seule information reçue jusqu'ici à l'Assemblée des premières nations à propos des processus instaurés en Ontario, c'est que l'enquête sur l'affaire Walkerton a permis d'entendre des témoins des collectivités des Premières nations. Les ressources provinciales affectées aux Premières nations varient d'une province à l'autre. Je n'ai pas cette information pour l'Ontario.

Au bout du compte, les provinces peuvent facilement dire que les Premières nations relèvent de la compétence fédérale et ainsi n'affecter aucune ressource. Cela dépend véritablement de la province et si elle souhaite, ou non, affecter des ressources aux Premières nations. Je ne vois pas pourquoi les provinces le feraient.

Le sénateur Cochrane: Il y a des collectivités des Premières nations dans ce coin-là, n'est-ce pas?

M. David: Je ne suis pas avocat, je suis ingénieur. Toutefois on m'a dit et je le comprends bien, qu'une question juridique et de compétence se pose à propos de la qualité de l'eau potable. La qualité de l'eau relève à la fois de la compétence provinciale et de la compétence fédérale. La plupart des Premières nations sont surveillées par des employés de Santé Canada et c'est une tâche assez décourageante, car ils ne sont pas très nombreux. Je crois qu'il y a de 80 à 85 agents de l'environnement. C'est une approximation; c'est moins que 100, j'en suis presque sûr. Ils sont responsables de surveiller la qualité de l'eau dans chaque collectivité.

Les seuls cas où les provinces surveillent explicitement l'alimentation en eau des Premières nations sont les cas de partage de compétence. Je n'en ai entendu parler qu'en Saskatchewan.

Le sénateur Adams: Nous avons entendu des témoins du ministère de la Santé, ainsi qu'un témoin du ministère des Affaires indiennes lors d'une séance de notre comité il y a une semaine. Ils nous ont dit ne pas avoir recueilli beaucoup d'appui en faveur du projet de loi S-18. D'après le ministère - ce témoin a déclaré qu'il n'avait pas suffisamment d'information au sujet de ce qui s'est passé à Walkerton, et que rien ne s'est encore vraiment produit malgré la mort de sept personnes.

Vivant au sein de la collectivité, je tiens à ce que l'eau soit saine. Tout le monde est inquiet au sujet de ce qui s'est passé à Walkerton. J'ai travaillé pour une société de construction et, auparavant, j'étais électricien. Habituellement, ce sont les Travaux publics qui installent le réseau d'alimentation en eau et les égouts, les systèmes de pompage, et cetera. Nous ne connaissons jamais ces gens-là. Il se peut qu'ils surveillent les canalisations pour le compte du ministère de la Santé.

Aux Travaux publics, ce qui compte, c'est l'arrivée d'eau au robinet. C'est tout ce qui compte. L'eau s'écoule ensuite dans les égouts. Un réseau d'alimentation en eau est indispensable.

J'ai demandé à un employé du ministère de la Santé si son ministère avait des normes relatives à la surveillance de l'eau. Il n'a pas pu me répondre. Chaque fois que quelque chose arrive dans une grande ville, les gens surveillent l'eau tout de suite. Dans la collectivité, nous n'avons pas de laboratoire. Dans certains cas, lorsque nous envoyons des échantillons d'eau à des fins d'analyse, il peut s'écouler un mois avant que les laboratoires ne nous répondent.

Est-ce que les ministères de la Santé et des Affaires indiennes ont un rôle à jouer en matière de surveillance de l'eau dans les collectivités? Sont-ils en mesure de comprendre ce qui se passe dans la collectivité? Le témoin du ministère de la Santé ne nous a pas donné beaucoup d'information la semaine dernière.

M. David: Demandez-vous qui dans la collectivité disposerait de l'information sur les résultats des échantillons d'eau?

Le sénateur Adams: Oui.

M. David: Comme je le disais plus tôt, moins de 100 personnes sont chargées de la surveillance de l'eau et il s'agit probablement d'ingénieurs de l'environnement. Toutefois, comme leur nombre est restreint, dans de nombreux cas, ils se déplacent d'une collectivité à l'autre. Cela veut dire que beaucoup ne vivent pas dans la collectivité. Santé Canada a des représentants communautaires qui doivent traiter d'un large éventail de questions dont celle-ci devrait faire partie. Je ne sais pas si chaque représentant de la santé communautaire est au courant des questions relatives à l'eau potable. Dans ma collectivité, c'est le cas.

Pour ce qui est des travaux publics, peut-être sont-ils au courant, peut-être non, cela dépendant de la présence d'ingénieurs. Dans de nombreux cas, les Premières nations sont encouragées à ne pas avoir d'ingénieurs permanents, mais plutôt des ingénieurs consultants, pour des raisons d'économies. Cela leur permet de dépenser davantage sur les grands travaux. Le financement du logement et de la qualité de l'eau provient du même budget et les fonds sont insuffisants.

À mon avis, ces gens-là devraient se trouver dans la collectivité. Je ne sais pas combien ils sont et s'ils sont bien versés dans les subtilités de la qualité de l'eau.

Le président suppléant: Qui décide de la façon dont ce budget d'équipement dont vous avez parlé est utilisé? Qui décide exactement comment et pourquoi il va être dépensé?

M. David: Cela fait soi-disant l'objet d'une négociation entre les Premières nations et la direction régionale du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada. Les Premières nations dressent ensuite une liste interne de priorités et affectent les fonds en fonction de ce dont elles disposent. C'est ainsi que cela fonctionne, je crois, mais ce n'est pas nécessairement ainsi que les choses se passent dans la pratique. Il arrive que certaines Premières nations ne reçoivent pas de financement, même si leurs priorités sont élevées.

Le sénateur Adams: Dans ma région, seulement deux collectivités sont dotées d'un réseau d'alimentation en eau et d'égouts. Dans la plupart des autres collectivités, de 20 à 50, on ne retrouve que des puits et un système de pompage. Certains des réservoirs sont en plastique, d'autres en fibre de verre. Personne ne les vérifie. Je ne sais pas combien de temps il faut compter pour les camions-citernes. Il se peut qu'ils viennent tous les deux jours. Ces réservoirs d'eau, dans la collectivité ou dans les maisons, ne sont jamais vérifiés. On intervient que lorsqu'il faut remplacer une pompe ou autre chose du genre. Personne ne s'occupe des réservoirs.

Je connais certains endroits où l'eau provient du lac, du système de pompage, du réservoir. Il y a des gens qui partent une semaine ou deux et il peut arriver que personne ne touche à l'eau pendant deux mois. Prenez par exemple les enseignants qui s'en vont pour les vacances d'été et qui, à leur retour, ont accès à de l'eau qui a stagné pendant deux mois. Il devrait y avoir plus de surveillance dans ces cas-là.

Si nous travaillons sur le projet de loi et s'il est adopté au Sénat et à la Chambre des communes, vous sera-t-il utile? Nous n'obtenons pas beaucoup d'appui de la part du ministère de la Santé. Le projet de loi S-18 sera-t-il utile s'il est adopté au Sénat et à la Chambre des communes?

M. Mercredi: Monsieur le sénateur, vous connaissez les questions fondamentales qui se posent aussi bien que n'importe qui, car vous êtes l'un des nôtres. Vous les comprenez probablement mieux que la plupart des gens.

Si vous souhaitez vous pencher sur les problèmes, vous devez commencer par la loi. Nous avons appuyé cette initiative, parce que nous savons que la loi doit être respectée. La loi doit être intégralement respectée. Ce projet de loi ne peut pas faire de mal; il ne peut qu'être utile. La véritable question, c'est que le gouvernement fédéral n'affecte pas suffisamment de fonds aux collectivités autochtones pour assurer la qualité de l'eau.

Il n'est pas normal qu'une collectivité ne dispose que d'un réservoir d'eau. Je ne pense pas que cela reflète les valeurs canadiennes. La technologie est là pour desservir les petites collectivités dont la population ne s'élève qu'à 50 ou 100 personnes. Il est possible de mettre la nouvelle technologie à la disposition de ces collectivités, alors que cela n'était pas le cas auparavant. Le coût relatif à des stations adéquates de traitement d'eau dans les collectivités est gérable.

En ce qui concerne les dépenses contrôlées par les Affaires indiennes en matière de stations de traitement d'eau, la négociation n'est pas fondée sur les besoins, mais plutôt sur la protection des ressources. La capacité de négocier et d'influencer le ministère est essentielle, même si la négociation porte sur la rareté des ressources existantes. C'est la raison pour laquelle le Sénat doit examiner les régimes actuels pour connaître le genre de stations de traitement d'eau qui existent dans les collectivités. Après avoir examiné cette information, il faudrait faire une comparaison avec une collectivité semblable, de même taille, non autochtone. Je suis certain que cette information obligera les parlementaires à agir différemment et à affecter des fonds pour cette initiative.

L'autre question qui se pose, à mon avis, est celle de la responsabilité. Est-ce que celui qui livre l'eau doit être tenu responsable de tout décès? Est-ce que le ministère de la Santé doit être tenu responsable de la source d'eau sur laquelle les gens se fient? Ce sont des questions importantes. On ne peut prendre les questions de responsabilité à la légère et on ne peut pas demander à notre peuple de les régler.

Pour ce qui est du transfert des responsabilités, il faut savoir que Santé Canada transfère cette responsabilité à nos collectivités et à notre peuple. Notre peuple est censé assumer la responsabilité de réseaux mal équipés et mal conçus. Ce n'est pas ce que nous voulons. C'est la raison pour laquelle je dis que le Sénat doit examiner cette question de responsabilité légale.

J'ai indiqué que trois ministères fédéraux s'occupent de cette question. Il faut justifier de façon raisonnée comment ces ministères vont se charger de la responsabilité fiduciaire. Au bout du compte, la responsabilité doit revenir au gouvernement fédéral.

Le président suppléant: Si ce projet de loi est adopté, il s'ensuivra qu'à un moment donné peut-être, c'est un tribunal qui devra trancher.

Le sénateur Finnerty: D'après le site Web de l'Assemblée des premières nations, l'Assemblée est actuellement en train de recueillir de l'information sur la qualité de l'eau des Premières nations. Où en êtes-vous à cet égard?

M. David: L'Assemblée des premières nations a obtenu la liste de 79 collectivités, soit une liste partielle et incomplète. Toutefois, elle signale les réseaux d'alimentation en eau qui, à notre avis, sont dangereux et malsains.

Nous sommes en train de contacter ces collectivités pour voir, tout d'abord, si elles savent que leur eau est dangereuse et, ensuite, pour déterminer le paramètre ou le problème réel. Nous en sommes toujours au milieu du processus, car nous manquons de personnel. Nous envisageons en fait d'élargir la portée de cet effort et de l'étendre à toutes les collectivités. Je suis sûr que Santé Canada recueille cette information et la recueille par région et je suis sûr que le ministère des Affaires indiennes recueille cette information au plan national. Toutefois, nous n'avons pas accès à cette information si bien que nous la recueillons nous-mêmes.

Le président suppléant: Monsieur le sénateur Grafstein, vous connaissez parfaitement bien l'effet que ce projet de loi aura sur l'alimentation en eau des Premières nations. M. Mercredi et son associé nous ont dit que le transfert de cette responsabilité aux Premières nations pose de grandes difficultés. Qui est responsable? Y a-t-il suffisamment d'argent pour garantir la qualité de l'eau? Qui doit assumer la responsabilité résiduelle? Ce sont les questions posées par M. Mercredi. D'après lui, nous n'avons pas les ressources qui puissent assumer cette responsabilité - si le projet de loi considère que ceux qui sont chargés de l'alimentation en eau sont responsables. Pourriez-vous, en l'espace de quatre minutes, répondre à cette question?

Le sénateur Grafstein: Monsieur Mercredi, vous et moi avons déjà eu un long échange sur ce sujet. Lors d'un merveilleux sommet dans les territoires des Mohawks l'été dernier, nous avons essayé de mettre le doigt sur ce problème. Vous avez été un participant actif à ce sommet, comme moi-même. Cela m'a donné une meilleure connaissance du problème. Je suis parti de ce sommet encore plus inquiet qu'auparavant.

J'ai touché la partie émergée de l'iceberg lorsque les sénateurs Watt, Adams et Christensen ont porté la question à notre attention il y a quelque temps. La situation est pire que je ne le croyais. Très franchement, le fait que des fonctionnaires ministériels nous aient dit que la responsabilité de la qualité de l'eau avait été transférée aux collectivités autochtones ne nous a pas réconfortés. Je ne pense pas qu'il y ait eu parallèlement d'affectations en matière de formation, de ressources, et cetera. Je suis sensible à ce que vous dites, monsieur Mercredi.

Ceci étant dit, le manque d'information est l'autre gros problème. Nous ne pouvons même pas établir de lien entre la maladie, qui est un problème de santé, et le problème de l'eau.

Les honorables sénateurs se rappelleront que j'ai demandé aux représentants du ministère d'obtenir cette information et qu'ils ont répondu que c'était difficile. Comme le risque est clair et présent, il est à espérer que les gens réagiront plus vivement qu'ils ne le devraient normalement.

Monsieur Mercredi, tout en gardant à l'esprit la responsabilité fédérale en matière d'eau potable, j'en déduis que vous n'êtes pas opposé à ce projet de loi. Ce projet de loi passe en revue les 44 ou 45 lois dont beaucoup portent sur les responsabilités autochtones en vertu de la Constitution, et précise clairement la responsabilité réglementaire dans la Loi sur les aliments et drogues. En tant que porte-parole des Premières nations, êtes-vous préoccupé du fait que le gouvernement fédéral y précise sa responsabilité?

M. Mercredi: Non, nous faisons bon accueil à cette initiative qui, d'après vous, règle la situation.

Le sénateur Grafstein: Monsieur le président, vous devez comprendre qu'en aucune façon et d'aucune manière, ce projet de loi ne décharge les Premières nations, le ministère des Affaires indiennes, les provinces ou les territoires de leur responsabilité. Il ne s'agit pas ici de prendre une responsabilité d'une compétence et de la transférer à une autre, mais plutôt de rendre le système plus responsable.

Je me suis entretenu de façon informelle avec M. Mercredi et d'autres chefs autochtones. Tous ont déclaré ne pas avoir de problème à cet égard. Je suis ravi que M. Mercredi le déclare également officiellement dans le cadre de cette séance de notre comité.

Le président suppléant: Monsieur Mercredi, avez-vous autres choses à ajouter en l'espace de 30 secondes?

M. Mercredi: Le Sénat doit examiner cette question de responsabilité. Le projet de loi va permettre d'appliquer la loi, mais il ne règle toujours pas la question de la responsabilité. D'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, d'après ce que vous avez entendu des témoins du ministère, il semble que nous soyons responsables. Nous avons maintenant la responsabilité d'assurer la qualité de l'eau dans nos collectivités, mais nous n'avons pas les ressources ni la capacité de le faire. Cette responsabilité n'a pas été acceptée officiellement.

De toute évidence, notre peuple ne va pas se charger de la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral. Nous souhaitons que le gouvernement fédéral conserve cette responsabilité. Cette question doit être examinée de près.

Le président suppléant: Le sénateur Grafstein vient juste de dire que cela ne délie personne d'aucune responsabilité. D'après ce que je comprends, ce projet de loi précise clairement que la responsabilité devra être assumée dans de nombreux endroits différents. Par exemple, dans le cas d'un réseau d'alimentation en eau appartenant à une municipalité, la responsabilité reviendra à la ville, dans la mesure où elle a accès à de l'eau de source qu'il est possible de traiter. Cette responsabilité reviendra aux responsables de chaque étape de l'alimentation en eau, à partir de l'eau de source, jusqu'au mécanisme de distribution, en passant par les stations de traitement. Le propriétaire de ces trois parties du réseau d'alimentation en eau sera responsable. Ce projet de loi ne délie personne d'aucune responsabilité, mais précise clairement les personnes ou entités responsables. Comme je l'ai dit, les tribunaux devront peut-être trancher après coup.

Merci d'être venu aujourd'hui, monsieur Mercredi, et merci pour votre témoignage.

La séance est levée.


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