Aller au contenu
ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 16 - Témoignages du 25 octobre 2001 


OTTAWA, le jeudi 25 octobre 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été confiée l'étude du projet S-18, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine), se réunit aujourd'hui à 9 h 36 pour examiner ledit projet de loi.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, je déclare la séance ouverte.

Je demanderais à nos deux témoins de bien vouloir se présenter.

Mme Louise Comeau, directrice, Collectivités viables et politiques environnementales, Fédération canadienne des municipalités: Je m'appelle Louise Comeau et je suis directrice de la Section des collectivités viables et des politiques environnementales à la Fédération canadienne des municipalités. Je suis accompagnée de M. Sylvestre Fink, notre analyste des politiques environnementales. M. Fink supervise les activités quotidiennes se rapportant à notre programme de gestion de l'eau.

Merci de nous avoir invités à comparaître devant vous. Notre organisme s'intéresse aux activités de votre comité et au projet de loi S-18. La Fédération canadienne des municipalités s'est penchée avec ses membres sur la question de l'eau, qui suscite de plus en plus de préoccupations.

La FCM est l'association nationale des administrations municipales. Le millier d'administrations municipales qui en font partie représentent environ 80 p. 100 des municipalités canadiennes. Nous avons une structure orientée vers la base. Notre conseil d'administration, qui est composé de 72 membres, se réunit régulièrement pour gérer nos activités au jour le jour. Nous organisons en outre chaque année une conférence qui attire habituellement de 1 500 à 2 000 représentants municipaux. C'est à notre conférence de juin 2001, qui s'est tenue à Banff, que nous avons mis la dernière touche à notre position sur la question de l'eau, de l'eau potable et des eaux usées.

En adoptant cette position, qui fait maintenant partie intégrante de notre mandat, nos membres ont opté pour une démarche axée sur la prévention de la pollution plutôt que sur l'épuration. On se souviendra que c'est cette dernière vision qui a été adoptée dans les cas de Walkerton et de North Battleford. Nous en sommes venus, quant à nous, à nous dire que c'est à la source qu'il faudrait contrôler l'entrée dans le réseau de certains types de substances particulièrement polluantes.

La démarche de prévention de la pollution que nous privilégions met l'accent sur l'aménagement du territoire et la gestion des bassins hydrographiques, sur la réévaluation des normes relatives à la qualité de l'eau potable, sur le suivi et l'analyse des plans d'eau et de l'eau traitée, notamment pour assurer la protection de l'eau de source, ainsi que sur la réduction des impacts du déversement de résidus agricoles et industriels dans les réseaux hydrographiques.

Une de nos principales recommandations a trait à la tarification selon la méthode du prix de revient complet, notamment dans les localités ayant une population assez importante pour pouvoir assumer elles-mêmes les coûts d'aménagement et d'exploitation des réseaux d'approvisionnement en eau. Ce mode de tarification n'existe pas partout au Canada à l'heure actuelle. Nous sommes à préparer le mémoire - dont je vous reparlerai plus tard - que nous présenterons dans le cadre des consultations prébudgétaires et qui porte sur la question des investissements dans les infrastructures. Nous croyons par ailleurs qu'on devrait aussi mettre l'accent sur la formation des responsables de l'exploitation des réseaux.

La démarche que nous avons adoptée repose sur le principe du droit de tout Canadien d'avoir accès à une eau potable exempte d'agents pathogènes. Le projet de loi S-18, qui modifie la Loi sur les aliments et drogues, est un des moyens qui nous permettra d'atteindre cet objectif.

Certains témoins que vous avez déjà entendus, notamment les porte-parole de l'Association canadienne des eaux potables et usées (ACEPU) - qui représente le volet ressources humaines de la famille municipale alors que nous représentons son volet politique -, vous ont fait remarquer que, par le passé, on considérait l'eau potable comme un élément qui se trouve naturellement dans l'environnement et, partant, comme une ressource naturelle. Or, comme on l'indique clairement dans ce projet de loi, l'eau potable n'est pas une ressource naturelle. L'eau potable que distribuent les municipalités est le produit d'un système qui est censé procurer de l'eau potable salubre aux citoyens. Pour protéger la santé de ceux-ci, on devrait considérer que l'innocuité de l'eau et la qualité de l'environnement sont hautement prioritaires.

Ce point est d'autant plus important qu'un grand nombre de nos réseaux municipaux d'aqueduc n'ont pas été conçus au départ pour traiter un aussi fort volume d'eau et une aussi grande diversité de substances comme on en déverse actuellement dans le réseau, notamment dans le secteur de l'agriculture. Voilà pourquoi il faudrait qu'on intervienne sur plusieurs fronts à la fois.

Vous avez également entendu l'ACEPU et Santé Canada expliquer qu'il existe déjà des mécanismes et des lignes de conduite pour assurer la qualité de l'eau et qu'à l'heure actuelle, ces mécanismes fonctionnent bien. Il reste encore des zones grises à clarifier pour établir qui fait quoi et qui devrait faire quoi et quand. On constate des disparités dans la façon dont les provinces ont accepté ces lignes de conduite et les ont converties en règlements, mais on observe des progrès à cet égard.

La conversion de ces lignes de conduite en normes nationales pourrait assurer une certaine cohérence dans l'ensemble du pays. Au départ, cependant, il serait peut-être plus praticable de se contenter d'établir, en matière de paramètres microbiens, des normes nationales sur des éléments que nous essayons de contrôler, comme les E.coli, plutôt que sur tout ce qui se trouve dans notre eau. Imposer dès maintenant le nouveau cadre législatif envisagé dans le projet de loi risquerait de créer de la confusion et de ne mener, dans la meilleure hypothèse, qu'à de simples améliorations et modifications du régime actuel.

Le respect des exigences que prévoit le projet de loi S-18 en matière de reddition de comptes et d'inspection et qui viendraient s'ajouter à celles que comporte déjà le régime actuel pourrait se révéler fort onéreux. Chose certaine, nous sommes vivement préoccupés par les éléments du projet de loi qui ont un lien avec le Code criminel et les questions de responsabilité criminelle. Pour le moment, les implications d'une telle responsabilité ne sont pas claires. Elles pourraient paralyser financièrement les municipalités et menacer indûment la bonne marche des systèmes de distribution d'eau potable et les employés qui les font fonctionner. Si les administrations municipales appréhendent de devoir assumer ces responsabilités, c'est tout particulièrement parce que les systèmes de gestion de l'eau n'ont pas été conçus au départ pour traiter toutes les substances qui sont actuellement déversées dans les bassins hydrographiques. Il faudrait donc qu'on intervienne sur deux fronts: investir massivement dans les infrastructures et exercer des contrôles en amont.

Compte tenu de l'état actuel de nos infrastructures, il ne serait pas sage d'adopter des normes nationales si celles-ci ne s'accompagnent pas des fonds dont nous aurions besoin pour effectuer les dépenses inhérentes aux nouvelles responsabilités que nous serions alors appelés à assumer. À l'heure actuelle, nos infrastructures sont gravement déficientes, notamment dans les petites localités. Les grandes agglomérations urbaines sont en mesure de faire face à la situation, ayant la base démographique voulue pour le faire. Je vous fais remarquer que Walkerton et North Battleford sont des petites localités entourées d'exploitations agricoles.

Nos réseaux d'aqueduc prennent de l'âge. On connaît mal l'état général de nos infrastructures. Nous continuons d'évaluer la situation à cet égard en nous fondant sur les chiffres dont nous disposons, mais nous ne saurions vraiment prétendre que nous sommes au fait de l'état réel dans lequel se trouvent nos infrastructures. Nous utilisons les estimations de l'ACEPU. En 1997, l'ACEPU estimait qu'il nous faudrait investir 5,4 milliards de dollars supplémentaires d'ici 2012 pour doter toutes nos usines de traitement des eaux potables et usées des équipements et techniques les plus modernes et pour étendre les services centraux de distribution d'eau et de traitement des eaux usées à tous les résidents de nos municipalités. Ces chiffres tiennent compte des projections de croissance démographique.

Comme je l'ai mentionné précédemment, la FMC s'est employée activement à formuler des recommandations en vue du dépôt d'un prochain budget fédéral. À l'occasion des consultations prébudgétaires, nous avons avancé certaines idées qui, je crois, reflètent bien l'évolution de la vision et de la compréhension qu'ont de cette question les administrations municipales. Nous proposons un changement dans la façon dont le gouvernement fédéral, de concert avec les autorités provinciales et municipales, investit dans les infrastructures. Le problème, c'est que ce troisième programme de travaux d'infrastructure, dont la réalisation est maintenant en cours, est ponctuel et n'a qu'une portée à court terme. En réalité, ce genre de programme cadre mal avec les efforts de planification à long terme des municipalités. Les autorités municipales ont tendance à reporter cette planification de même que leurs grands projets d'immobilisations jusqu'à ce qu'elles sachent s'il y aura ou non un autre programme de travaux d'infrastructure.

Nous préconisons l'établissement d'un mécanisme permanent de financement des travaux d'infrastructure. À cet égard, la priorité devrait être mise sur l'eau. Nous savons que, pour nous orienter en ce sens, il faudrait modifier nos façons de faire, car il n'est pas souhaitable de subventionner en permanence nos réseaux d'aqueduc.

Évidemment, toute collectivité a besoin d'un niveau minimal d'investissement à cette fin. Les localités peu peuplées qui n'auraient jamais les revenus suffisants pour assumer de telles dépenses d'immobilisations ni, partant, les coûts d'exploitation des installations requises, continueraient d'être financées sous le régime tripartite actuel. Par contre, les collectivités plus importantes, les grands centres urbains, auraient accès à un fonds renouvelable. Ce modèle s'inspirerait de ce qui se fait à cet égard aux États-Unis, où les administrations municipales peuvent obtenir à de telles fins des prêts à faible intérêt ou sans intérêt. Elles sont toutefois tenues de générer le capital et les revenus d'exploitation voulus pour être en mesure de rembourser leurs emprunts.

Avec le temps, nous devrions nous orienter vers la tarification selon la méthode du coût de revient complet, un principe sur lequel les membres de la FCM se sont penchés. Nous sommes d'avis qu'une telle orientation, associée à des efforts préalables et exhaustifs de protection des sources d'approvisionnement et de planification de la gestion des bassins hydrographiques, est fondamentale.

Dans le mémoire que nous allons présenter dans le cadre des consultations prébudgétaires, nous insistons sur l'urgence d'effectuer dès maintenant une analyse de la façon dont ces mesures pourraient être appliquées. Nous y préconisons l'adoption d'un programme permanent de travaux d'infrastructure, particulièrement dans le cas de l'eau, une fois que le programme actuellement en cours aura été mené à terme, c'est-à-dire d'ici deux ou trois ans. Ce programme comporterait divers mécanismes de financement pour répondre aux différents besoins, par exemple l'octroi de subventions pour planifier l'aménagement des réseaux hydrographiques, protéger les sources d'approvisionnement en eau et former les employés chargés de faire fonctionner les réseaux.

Même si le projet de loi nous semble bien inspiré, nous, de la FCM, estimons qu'il risque de créer de la confusion parmi les organismes de réglementation, les décideurs et les employés municipaux responsables du réseau. Plutôt que d'adopter une nouvelle mesure législative, la FCM croit que la meilleure stratégie pour le moment serait d'offrir aux administrations municipales des sources de financement stables et d'investir dans des programmes liés à l'eau, visant par exemple la remise en état et la construction d'infrastructures de traitement des eaux potables et usées, l'application d'une tarification en fonction du coût de revient complet, et le maintien des moyens les plus efficaces et les plus rentables de fournir à tous les Canadiens une eau potable salubre.

Le sénateur Spivak: Je tiens à vous féliciter pour votre travail. Les municipalités commencent à chercher à en imposer, comme il se devrait, car c'est là que réside l'autorité locale.

Dans votre exposé, vous n'avez pas vraiment traité du problème de la pollution agricole. Vous avez probablement vu le récent rapport sur les Grands Lacs.

Mme Comeau: Oui, j'en ai pris connaissance.

Le sénateur Spivak: Cette situation me semble présenter un caractère d'urgence. J'aimerais savoir si ce rapport est plutôt bien accueilli ou non. Dans ma province du Manitoba, il y a de fréquents différends entre les autorités municipales et d'autres groupes d'intérêt qui aimeraient bien intervenir dans les affaires municipales. Ces différends se résolvent de diverses manières. Dans quelle mesure, selon vous, est-il urgent de faire face à la menace que présente le déversement de déchets agricoles dans nos bassins hydrographiques? De quelle manière les décisions devraient-elles être prises à cet égard?

Mme Comeau: Nous sommes d'avis qu'il est urgent d'intervenir pour contrer la menace de la contamination agricole. La gestion du fumier, par exemple, et la tendance à laisser s'implanter des mégaentreprises d'élevage ont un énorme impact sur les infrastructures municipales de traitement de l'eau destinée à la consommation humaine. C'est pourquoi nous préconisons une démarche axée sur la solution des problèmes qui se posent en amont plutôt que sur les efforts de dépollution. Si nous établissions un processus de gestion planifiée des bassins hydrographiques et de protection des sources d'approvisionnement en eau, nous pourrions trouver des moyens d'endiguer les pratiques polluantes. Naturellement, l'adoption de telles mesures ne serait pas uniquement du ressort municipal mais concernerait à coup sûr les provinces. Une telle orientation exige de tous les milieux intéressés qu'ils acceptent le principe d'une gestion planifiée des bassins hydrographiques, dont la portée va bien au-delà des limites territoriales de chaque municipalité, étant donné qu'un même bassin hydrographique peut approvisionner plus d'une municipalité.

Nous cherchons à nous inspirer de l'exemple de régions qui sont parvenues à surmonter ce problème. C'est le cas de celle de New Glasgow, en Nouvelle-Écosse, où toutes les administrations municipales et les milieux concernés se sont rassemblés pour élaborer un plan de gestion du bassin hydrographique.

Le sénateur Spivak: Souvent, ce sont les provinces elles-mêmes qui attirent ces mégaporcheries; ce faisant, elles annulent les efforts des municipalités. Selon vous, ces coalitions de groupes intéressés peuvent-elles renverser cette tendance?

Mme Comeau: Il ne faut aucun doute que les pressions politiques et l'appât du gain ont favorisé l'implantation de grandes exploitations d'élevage. De telles entreprises ont eu d'importants impacts négatifs sur l'environnement, un problème auquel on ne s'est pas correctement attaqué.

Selon moi, la prise de conscience et les pressions qu'ont suscitées les événements de North Battleford et de Walkertown dans l'opinion publique ont commencé à faire évoluer les choses à cet égard. Pour la première fois, on a reconnu et souligné publiquement la responsabilité du secteur agricole dans ce qui est à l'origine de ce genre de problème. On ne l'avait encore jamais fait jusqu'à il y a deux ans.

Le sénateur Spivak: Compte tenu de l'urgence de ce problème, je suis d'avis qu'une intervention énergique, voire chirurgicale, s'impose. Les changements que propose ce projet de loi, notamment les pénalités qu'il prévoit, contribueront fortement à souligner qu'il nous faut nous attaquer de front à ce problème. Nous devrons trancher les différends concernant le développement du secteur agricole et réguler l'évolution vers l'agro-industrie.

Le projet de loi S-18 établit des exigences rigoureuses. Il prévoit des sanctions pénales. C'est ce qui m'incite à croire qu'il va dans la bonne voie. Je me demande pourquoi il vous laisse plutôt tiède.

Mme Comeau: Nous nous sommes penchés sur la question de la responsabilité pour tenter d'établir où elle résidera et d'empêcher qu'on la fasse porter sur des administrations municipales qui ne seraient pas en mesure de contrer le déversement de substances dans nos bassins hydrographiques et qui n'auraient pas accès aux ressources voulues pour financer la modernisation de leur système de gestion de l'eau.

Le sénateur Spivak: J'ignore qui pourrait en être tenu responsable.

Le sénateur Adams: Je tiens à remercier nos témoins de leur comparution devant nous aujourd'hui. Vous dites que votre organisme représente 80 p. 100 de la population canadienne et que votre conseil d'administration compte 72 membres. Dans quelle mesure les localités du Nord sont-elles représentées au sein de votre organisation? Le Nunavut, d'où je viens, est bien loin d'Ottawa. Avez-vous votre siège à Ottawa?

En mai dernier, votre organisation a réuni ses membres pour discuter d'eau potable. Au Nunavut, nous considérons nos petites localités comme étant des hameaux plutôt que des villes ou quelque chose de ce genre.

Quelle emprise votre organisation a-t-elle sur les municipalités?

Mme Comeau: En ce qui touche la composition de la FCM, de nombreuses municipalités, y compris des municipalités du Nord, en sont directement membres. Par ailleurs, toutes les associations provinciales et territoriales de municipalités sont représentées au sein de notre organisation et de son conseil d'administration. En comptant les municipalités qui ne sont membres de la FCM que par l'intermédiaire de telles associations, on peut dire que toutes les municipalités du Canada sont membres de notre fédération.

Nous avons une équipe qui travaille fort au recrutement de membres à part entière parmi les municipalités. Notre siège national est à Ottawa. Nous collaborons directement avec nos municipalités membres ainsi qu'avec les associations provinciales et territoriales qui nous sont affiliées. Nous avons pour mandat de représenter les municipalités auprès du gouvernement fédéral.

Le sénateur Adams: Au Nunavut, nous ne pratiquons ni l'agriculture ni l'élevage. Nous avons notre propre gouvernement qui a son siège à Iqaluit. Sans même avoir consulté nos municipalités ou nos hameaux, notre ministère des Travaux publics s'apprête à aménager un bassin de stabilisation des eaux usées. Il y a quelques années, un bassin de ce genre nous a posé problème à Baker Lake. C'est qu'il était situé au sommet d'une colline et que les eaux d'égout se déversaient dans le lac. Avant que le gouvernement entreprenne d'aménager de telles installations, nous aimerions en être informés. Ce que j'aimerais savoir en réalité, c'est si votre organisation est active dans le Nord.

Mme Comeau: Oui, notre organisme compte parmi ses membres des localités du Nord. La ville d'Iqaluit en fait partie et est représentée à notre conseil d'administration, bien que les coûts des déplacements se soient révélés prohibitifs pour ses représentants.

Nous disposons de deux mécanismes efficaces qui nous permettent de travailler sur certains projets de concert avec des municipalités. Bien que nous ne soyons pas habilités à établir des règles que les administrations municipales seraient obligées de respecter, nous élaborons toutefois des politiques auxquelles celles-ci donnent leur aval. Nous collaborons avec elles pour faire appliquer les politiques qui ont été adoptées par notre conseil d'administration et par nos membres. De même, nous avons mis en oeuvre un programme efficace appelé le Fonds d'investissement municipal vert. Dans le budget fédéral de février 2000, la FCM s'est vue octroyer des fonds pour lui permettre d'appuyer des projets d'investissement municipaux prometteurs sur le plan de l'application de normes environnementales élevées. Pour qu'un projet soit admissible, il doit pouvoir permettre une amélioration de 30 à 55 p. 100 du rendement environnemental de la municipalité concernée. Quelque 40 p. 100 des projets en question concernent l'eau. Nous déployons beaucoup d'efforts pour accroître notre capacité, notre expertise et notre compréhension des possibilités qui se présentent.

Nous sommes à réaliser avec la ville d'Iqaluit un tel projet financé à même le fonds d'investissement vert. En raison des conditions climatiques dans cette région, nous entendons opter pour des systèmes de purification d'eau sur place, plutôt que pour un réseau de distribution, qui pourrait être exposé au gel, par exemple. Un programme du même genre a été mis en oeuvre à Dawson City.

Nous avons donc divers mécanismes d'intervention, à savoir les politiques que nous établissons, les combats que nous menons et les programmes que nous mettons en oeuvre. L'équipe que M. Fink et moi-même représentons est formée de 25 personnes. En plus du fonds vert, nous gérons plusieurs programmes qui aident les administrations municipales à remettre en état leurs bâtiments, à envisager de recourir à des technologies d'utilisation des énergies renouvelables et à mieux se protéger contre les rigueurs du climat. Actuellement, nous travaillons sur un projet de restauration des friches industrielles, un projet qui, nous l'espérons, pourra prendre de l'expansion grâce à notre fonds vert.

C'est ainsi que, tout en fonctionnant à l'intérieur d'un cadre législatif, nous avons de bonnes possibilités de profiter de la pression du groupe vers la conformité.

Le sénateur Adams: Vous avez parlé tout à l'heure de bassins de stabilisation des eaux usées. Faisiez-vous référence au type d'installation où l'eau est vaporisée et amenée à se congeler en cours de processus? Je sais qu'il y a une entreprise ici à Ottawa qui exploite de tels systèmes. Une technique de ce genre serait idéale dans ma région. Le seul problème cependant dans notre cas, c'est qu'en raison des basses températures, il est difficile de souffler de l'air à de hautes pressions. De telles techniques ne fonctionnent bien que jusqu'à environ moins 20 degrés Celsius. Comme vous le savez, les réfrigérants ne sont d'aucune utilité à cette température. Est-ce là le genre de procédé dont vous avez parlé? Savez-vous si cette entreprise d'Ottawa a fait faillite?

Mme Comeau: J'ai déjà entendu parler de ce projet. Je ne sais pas si cette entreprise a fait faillite, mais je puis vous assurer que les projets sur lesquelles nous travaillons dans le Nord visent vraiment à privilégier la technique de purification de l'eau sur place. Autrement dit, on retire les eaux grises du reste de l'eau et on s'assure de pouvoir traiter dans les installations autant d'eau qu'il en faut pour répondre aux besoins de la collectivité desservie, plutôt que de dépendre d'usines centrales de traitement et de réseaux de distribution.

Le sénateur Christensen: Cela ne m'étonne pas que le maire Everitt, de Dawson City, soit impliqué dans ce projet. Je faisais partie de votre conseil d'administration il y a 25 ans, et j'espère que les temps ont changé depuis.

Je présume que le problème de la contamination agricole a été au centre de vos discussions lors de votre récente conférence. J'aimerais savoir comment la question du sel de voirie y a été traitée. L'épandage du sel sur les voies publiques s'inscrit dans un programme municipal. Ce sel contamine la nappe phréatique, nos rivières et nos lacs, et finit par aboutir dans nos réseaux d'aqueduc. Le projet de loi S-18 s'attaque-t-il à ce problème?

Mme Comeau: L'épandage du sel sur les routes sera bientôt réglementé aux termes de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE). Nous nous sommes penchés sur ce projet. À la suite de vifs débats au sein de notre conseil d'administration et parmi nos membres, nous avons incité ceux-ci à accepter trois importantes conclusions. Premièrement, celle à laquelle en est arrivée notre équipe scientifique, à savoir qu'indiscutablement, le sel de voirie peut atteindre des concentrations nuisibles à l'environnement. Deuxièmement, il y a des façons rentables de réduire les quantités de sel qu'on épandra sur les routes. Nous nous sommes employés à identifier ces méthodes et à les faire connaître à nos membres. Troisièmement, le ministre Anderson annoncera sous peu ses intentions à cet égard. Une fois que celles-ci auront été publiées dans la Gazette du Canada, un processus d'une durée de deux ans sera enclenché qui mettra l'accent sur les possibilités de gestion des risques que présente l'épandage du sel de voirie. Nous entendons alors travailler en collaboration avec ceux de nos membres qui font partie de l'OTC pour veiller à bien informer l'ensemble de nos membres sur toutes les options qui s'offrent à eux.

Bref, nous croyons que le sel de voirie est toxique, qu'il faut en gérer l'épandage et qu'il existe des moyens d'en réduire l'utilisation et, partant, de permettre aux municipalités de réaliser des économies sur ce chapitre. Nous entendons travailler avec nos membres pour les amener à tenir compte de ces aspects. Nous ne partageons pas l'avis du Salt Institute qui estime qu'il faudrait à tout prix renoncer à cette pratique.

Le sénateur Christensen: Croyez-vous que le projet de loi S-18 constituera un autre outil pour contribuer à résoudre ce problème?

Mme Comeau: Je n'en suis pas certaine. Nous sommes en présence de deux processus parallèles. L'épandage du sel de voirie sera bientôt réglementé en vertu de la LCPE; par conséquent, il nous faudra composer avec deux régimes réglementaires, ce qui pourrait nous causer des difficultés.

Le président: Par ailleurs, j'ai lu en manchette récemment que la ville de Calgary est fière d'opter pour l'utilisation du chlorure de calcium à la place du chlorure de sodium pour le déglaçage de ses rues. Le chlorure de calcium agit-il différemment du chlorure de sodium? Je sais qu'il fait fondre la glace plus rapidement, mais quel est son effet sur l'environnement?

M. Sylvestre Fink, analyste des politiques sur les questions environnementales, Section de l'énergie communautaire, Fédération canadienne des municipalités: Le problème avec le chlorure de calcium semble être son coût élevé. À l'heure actuelle, il revient de 15 à 20 fois plus cher que le sel de voirie classique.

Le président: Quel effet a-t-il sur la neige et sur le revêtement routier?

M. Fink: Des études ont démontré que le chlorure de calcium est aussi efficace que le sel de voirie classique quand il est utilisé en solution, c'est-à-dire mélangé avec de l'eau, et lorsqu'il est appliqué avant que la neige tombe et en complémentarité avec toutes autres pratiques exemplaires. Son problème est son prix élevé. C'est pourquoi l'OTC en est arrivé à la conclusion qu'à l'heure actuelle, il n'y a pas de substitut viable pour le sel de voirie classique.

Si un plus grand nombre de municipalités utilisaient le chlorure de calcium, son prix baisserait.

La FCM est arrivée à la conclusion qu'il est possible de gérer rationnellement l'épandage du sel de voirie et d'en réduire les effets nuisibles en prenant les précautions suivantes: en recourant à des techniques adéquates de gestion, en s'inspirant de pratiques exemplaires, en le mélangeant avec de l'eau, en construisant des routes intelligentes dotées de capteurs de température, et en entreposant le sel correctement. Le sel est lessivé dans nos bassins hydrographiques dans une bien plus grande proportion en raison d'un mauvais entreposage que par suite de son épandage sur nos routes.

Le sénateur Finnerty: Pourquoi n'utiliserait-on pas plutôt du sable?

M. Fink: On utilise le sel surtout dans les provinces de l'Est, au Québec et en Ontario. C'est dans ces régions qu'on est le plus réticent à interdire l'épandage de sel sur les routes parce que, comme tel, le sable n'est pas aussi efficace. Cependant, tout se ramène à une question de pratiques exemplaires. Nous préconisons nous aussi l'utilisation de sable.

Le sénateur Cochrane: Je crois que le sable est efficace. J'ai constaté qu'on l'utilisait en hiver à Terre-Neuve, ma province, notamment dans les côtes. À mon sens, il est aussi efficace que le sel. Ma préférence irait au sable.

Mme Comeau: Quand on envisage de recourir à des substituts pour le sel, il est important de prendre en considération le cycle de vie du produit. Le sable a des impacts considérables sur les écosystèmes. Avec l'écoulement des eaux à la fonte des neiges, le sable peut aller s'accumuler au fond des cours d'eau et nuire à la reproduction du poisson; il a un effet sur la turbidité de l'eau. Il faut faire la part des choses ici. N'allons surtout pas troquer la typhoïde pour la malaria. Le sable est efficace, et nous l'utilisons à Aylmer, d'où je viens. Cependant, ce que devient le sable quand il est charrié au printemps a des conséquences pour l'environnement.

Quelle que soit la substance que nous utiliserons, elle aura un impact sur l'environnement. Par conséquent, l'idée, c'est d'abord d'utiliser le moins de produit possible. La construction de routes intelligentes peut nous aider à cet égard. Dans notre société, on a tendance à y aller à la va comme je te pousse dans l'épandage de ces produits. Des routes intelligentes pourraient nous faire économiser des produits et de l'argent. Elles peuvent reconnaître la température de la chaussée et signaler au préposé municipal qu'il serait temps d'épandre le produit avant que la glace ne se forme. Actuellement, les municipalités épandent le produit de déglaçage une fois que la glace s'est formée. Mais si on l'épandait avant même que la glace se soit formée, il en faudrait beaucoup moins pour assurer la sécurité routière.

Une deuxième mesure importante pour accroître la sécurité routière dans des conditions hivernales serait de réduire la vitesse. Plutôt que d'adapter notre façon de conduire aux conditions météorologiques, nous préférons utiliser de grandes quantités de sel. Nous ferions mieux de changer notre attitude au volant.

Le sénateur Cochrane: J'aimerais que vous nous parliez des positions qu'a adoptées la FCM à sa dernière conférence annuelle. Vous avez mentionné que certaines municipalités font un excellent travail et vous avez cité New Glasgow en exemple comme étant une municipalité modèle.

Pourriez-vous nous fournir d'autres exemples de ce que font ces municipalités modèles, nous parler de la façon dont elles s'y prennent pour le faire et de ce que nous pouvons apprendre d'elles, et nous expliquer comment il se fait que seules ces municipalités sont capables de prendre de telles initiatives?

Mme Comeau: Une partie de la réponse, c'est qu'elles sont bien informées. Un volet de notre mandat, à la FCM, consiste à diffuser l'information concernant les nouvelles méthodes, les pratiques exemplaires, et cetera. Nous le faisons en mettant l'accent sur l'enseignement entre pairs.

L'autre partie de la réponse, c'est que leurs dirigeants sont dynamiques. Il se trouve que la mairesse de New Glasgow est une véritable fonceuse. Quand vient le temps d'aborder un problème, la mairesse McLean prend bien soin d'établir tous les contacts politiques nécessaires. Ce genre de leadership énergique n'est pas toujours là, pas plus d'ailleurs que les contacts et l'engagement à mettre sur pied une structure politique adéquate.

On constate toutefois que, de plus en plus, les autorités locales se penchent sur ces questions. Par exemple, nos membres sont sans cesse plus nombreux à s'adresser à nous pour nous demander des conseils sur les meilleures façons de planifier la gestion de leur bassin hydrographique. Il s'agit là d'un concept tout nouveau. Ce n'est pas un domaine dont nous avions coutume de nous préoccuper au niveau municipal. En Ontario, par exemple, la planification de la gestion des bassins hydrographiques a toujours relevé dans le passé des responsables de la conservation.

La Grand River Conservation Authority est un autre excellent modèle. Dans ce cas-là, la collectivité concernée gère l'aménagement de son territoire, ses mesures de conservation de l'eau et ses sources d'approvisionnement en eau entièrement en fonction de la capacité de son bassin hydrographique de répondre à la demande.

Je dirais que la rareté est l'élément déclencheur de la plupart de nos initiatives environnementales. Par exemple, les localités qui déploient le plus d'efforts en matière de gestion des déchets sont celles qui sont sur le point de ne plus trouver de lieu d'enfouissement sanitaire. De même, les localités dont le bassin hydrographique est très restreint, qui ont, par exemple, des ressources aquifères en quantité limitée ou de piètre qualité, sont portées à examiner de près toutes les solutions possibles.

La plupart des collectivités ne sont pas placées dans une telle situation. Dans le domaine des eaux usées, nombre d'entre elles utilisent leurs boues d'épuration comme fertilisant agricole. L'inconvénient, c'est que les fertilisants agricoles qu'on obtient de cette façon peuvent contenir une part importante de métaux lourds, ce qui nécessite une gestion particulière.

Toronto, par exemple, voulait améliorer la qualité de ses biosolides en limitant ce qui pourrait être acheminé dans son réseau eau résiduaire. Les autorités municipales voulaient adopter un règlement relatif à l'utilisation des conduites d'égout qui restreindrait ce que l'industrie pourrait y déverser et obliger cette dernière à se doter de plans de prévention de la pollution. Des amendes pouvant aller jusqu'à 100 000 $ seraient imposées à ceux qui ne se conformeraient pas au règlement. Pour que Toronto puisse rédiger et adopter un tel règlement, il lui fallait d'abord demander l'autorisation du gouvernement ontarien.

Les lois régissant les municipalités sont très normatives. Au lieu de comporter des dispositions générales qui les autoriseraient à agir dans un large éventail de domaines, il y a au niveau provincial ce que nous appelons des lois normatives qui, dans un cas comme celui de l'Ontario, peuvent contenir des centaines de pages où l'on énumère en détail ce que les autorités municipales sont habilitées à faire. Tout ce qui n'y est pas expressément mentionné leur est interdit. Pour agir dans un domaine non spécifié dans la liste normative, elles doivent demander l'autorisation du gouvernement provincial, autorisation qui ne leur est pas toujours accordée. Ce n'est d'ailleurs qu'après de nombreuses années de démarches que Toronto a pu enfin obtenir l'autorisation d'adopter un règlement municipal limitant l'utilisation des conduites d'égout, un des premiers règlements de ce genre au pays.

Le président: Hier, nous avons entendu les représentants de l'Association canadienne des eaux potables et usées. Ils ont soutenu que, plutôt que d'adopter ce projet de loi, le gouvernement fédéral ferait mieux de s'en remettre au projet de loi sur la sûreté des produits liés à l'eau potable - il a été présenté à deux reprises -, qui lui offrirait le cadre législatif et la base voulus pour pouvoir intervenir dans ce domaine. Êtes-vous au courant de cette possibilité?

Mme Comeau: Oui. Je vais laisser à M. Fink le soin de répondre à cette question, car il a travaillé en étroite collaboration avec M. Ellison de l'ACEPU.

M. Fink: Ce que M. Ellison m'a expliqué, c'est que le projet de loi sur la sûreté des produits liés à l'eau potable n'aurait pas débordé le cadre du régime établi par les lignes de conduite actuelles en matière d'eau potable. Les deux versions de ce projet de loi traitent principalement de normes microbiologiques. Cependant, toutes les provinces ayant déjà des lignes de conduite en cette matière, nous satisfaisons déjà à ces normes. C'est la contamination microbienne qui présente les risques les plus élevés pour la santé. Les provinces ont accepté les lignes de conduite en question, telles qu'elles ont été établies par l'équipe fédérale-provinciale responsable de l'eau potable, comme étant leur norme.

Le président: Voulez-vous dire que les provinces ont adopté cette norme, mais que nous avons quand même besoin de cet amendement à la Loi sur les aliments et drogues?

M. Fink: Le projet de loi sur la sûreté des produits liés à l'eau potable n'aurait pas changé le régime actuel; il aurait tout simplement fait de la pratique actuelle la norme. Le projet de loi S-18 propose de transférer cette responsabilité à la Loi sur les aliments et drogues. Cela nécessitera un tout nouveau régime réglementaire et, surtout, un nouveau régime en matière d'exigence de conformité. Nous soutenons que ce changement est inutile, car le régime actuel fonctionne déjà très bien.

Le sénateur Grafstein: Permettez-moi de vous interroger d'abord sur le principe du projet de loi et vos municipalités. La FCM regroupe quelque 1 000 municipalités. Au cours des deux dernières années, combien de vos membres ont émis des avis de faire bouillir l'eau?

Mme Comeau: À Terre-Neuve, il y en a eu environ 200. On en a également émis en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. Je n'en connais pas le nombre total.

Le sénateur Grafstein: Vous nous avez dit que tout allait bien dans le meilleur des mondes et que la FCM faisait son travail. Combien d'avis de faire bouillir l'eau ont été émis par vos membres ces deux dernières années? Combien y en a-t-il eu au total de la part de votre millier de membres?

Mme Comeau: D'abord, je n'ai pas ici même les chiffres relatifs au nombre d'avis de faire bouillir l'eau. Je suis désolée de ne pas pouvoir vous fournir ces chiffres. Je crois d'ailleurs que vous les avez déjà.

Le sénateur Grafstein: Comme pourrais-je les avoir?

Le président: À l'ordre! monsieur le sénateur Grafstein, vous avez les chiffres en question. Le témoin a dit qu'elle ne pouvait pas répondre à votre question. Nous comprenons cela.

Mme Comeau: Je me rends compte que vous en avez fait une grande priorité, ce que nous apprécions. Ce sont les gouvernements provinciaux, et non les municipalités, qui émettent les avis de faire bouillir l'eau. L'émission de tels avis relève des provinces, et nos membres s'efforcent de se conformer aux règlements, normes et lignes de conduite établis par les provinces. L'émission d'un avis de faire bouillir l'eau ne signifie pas toujours qu'il y a une menace sérieuse à la santé. Une recommandation de faire bouillir l'eau n'est pas forcément signe qu'on a découvert la présence d'E. coli.

Le sénateur Grafstein: Je n'ai pas dit que c'était le cas.

Mme Comeau: Nous sommes conscients que des investissements majeurs doivent être effectués en vue de moderniser ces installations, notamment dans l'est du Canada. Cela fait 20 ans que nous essayons d'obtenir qu'on investisse davantage dans des travaux d'infrastructure. Nous savons qu'il y a là un problème, qu'il faudrait, par exemple, doter les municipalités d'infrastructures adéquates. Nous savons que Terre-Neuve est actuellement aux prises avec des problèmes d'émission d'avis de faire bouillir l'eau dans certaines de ses municipalités qui sont membres de notre organisation. Terre-Neuve connaît la pire situation au pays à cet égard.

Le président: Je crois que notre témoin a maintenant dit ce qu'elle avait à dire.

Le sénateur Grafstein: J'ai lu tout votre mémoire attentivement. Pour que nous puissions utiliser le plus utilement possible notre temps limité, il serait fort souhaitable que vous vous montriez réceptive aux questions qu'on vous pose. Si vous ne pouvez y répondre, vous faites bien de le dire.

Si je ne m'abuse, le Sierra Legal Fund, dont les représentants comparaîtront devant nous, a effectué une étude à propos des avis de faire bouillir l'eau. La vérité, c'est que votre association ne garde pas de dossier sur ces avis. La raison en est que les municipalités ne trouvent pas intérêt à se tenir au courant de la situation à cet égard à l'échelle nationale.

En fait, Terre-Neuve n'est pas la seule province à avoir eu des problèmes sur ce chapitre ces deux dernières années. Il s'en est posé de graves au Québec, et on a essayé d'y remédier. Il y en a eu aussi en Ontario. Des avis de faire bouillir l'eau ont également été émis en Saskatchewan, en Colombie-Britannique et dans le Nord. Le chiffre que j'ai obtenu, et j'ignore s'il est exact ou non, est 800. Les résidents de 800 municipalités ont reçu des avis de faire bouillir l'eau, et le problème ne concerne pas seulement la bactérie E. coli; c'est donc épouvantable.

Je voulais savoir si les dirigeants de votre association reconnaissent qu'il est manifeste qu'un danger imminent guette les résidents de leurs municipalités membres. Quand je regarde ce qui est paru dans les journaux à ce propos, je constate qu'il existe une réelle menace en ce sens pour la santé publique.

J'aimerais également aborder la question de votre modèle de tarification. Combien en coûte-t-il par jour, en moyenne, à un ménage pour sa consommation d'eau potable salubre dans les municipalités canadiennes? Selon certaines sources, un ménage moyen utiliserait quelque 360 litres d'eau par jour. Ma question est la suivante: combien en coûte-t-il en moyenne par jour à un ménage canadien pour l'eau potable qui lui vient d'un réseau d'aqueduc?

Mme Comeau: Pour obtenir ce renseignement, il nous faudrait nous adresser à l'ACEPU.

Le sénateur Grafstein: Savez-vous combien paie le consommateur pour de l'eau embouteillée dans chacune de vos municipalités membres?

Mme Comeau: Ces questions ne relèvent pas de la FCM.

Le sénateur Grafstein: J'aimerais maintenant aborder la question des responsabilités. Vous avez dit très franchement qu'il y avait confusion à propos de qui fait quoi et quand. Admettez-vous qu'il y a confusion concernant les responsabilités de chacun?

Mme Comeau: Oui, tout à fait.

Le sénateur Grafstein: Si je vous comprends bien, votre solution est de continuer comme si de rien n'était et de réclamer 5,4 milliards de dollars du gouvernement fédéral.

Mme Comeau: Non, je ne crois pas que ce soit approprié.

Le sénateur Grafstein: C'est pourtant ce que vous avez dit.

Mme Comeau: Puis-je revenir à ce que je disais concernant les avis de faire bouillir l'eau? Je me dois de vous expliquer pourquoi vous avez peut-être l'impression que la FCM ferait des choses qu'il ne serait tout simplement pas approprié qu'elle fasse. Je tiens à être bien claire là-dessus. Quand il y a émission d'un avis de faire bouillir l'eau, c'est que les lignes de conduite en vigueur n'ont pas été respectées. On émet un tel avis dans le but d'inviter la municipalité à se conformer aux règles. La question n'est pas de savoir si nous avons besoin de nouvelles lignes de conduite, mais plutôt d'établir comment nous allons nous y prendre pour faire appliquer celles qui existent déjà. Il s'agit là d'une responsabilité provinciale. La FCM est une association fédérale et elle ne s'occupe que de questions de compétence fédérale. Il ne m'appartient donc pas de me prononcer sur des questions de compétence provinciale.

À propos de responsabilité, nous avons pris à cet égard une position globale. Dans mon exposé, je n'ai pas du tout parlé d'argent, et, en réalité, je n'ai abordé la question des travaux d'infrastructure qu'en tout dernier lieu.

Le sénateur Grafstein: Pourtant, il y a un paragraphe de votre mémoire où vous le faites.

Le président: Je m'excuse, mais la demande de 5,4 milliards de dollars a été faite au ministre Paul Martin par l'Association canadienne des eaux potables et usées.

Le sénateur Grafstein: Dans le document que voici, la FCM en arrive à la conclusion que d'autres fonds sont requis.

Le président: C'est juste. Cependant, ce chiffre est tiré d'un mémoire qu'a présenté l'Association canadienne des eaux potables et usées au ministre Martin en octobre 2001.

Mme Comeau: Il est injuste de soutenir que, si les municipalités ne se conforment pas aux lignes de conduite prescrites, c'est parce que leur personnel manque de vigilance. La vérité, c'est que les municipalités n'ont pas les moyens de remédier à ces problèmes. On ne saurait continuer année après année à dépenser le moins possible dans ces domaines et s'attendre à ce qu'il ne s'y passe rien d'anormal.

Nous ne sommes pas d'accord pour qu'on déroge aux lignes de conduite prescrites. Notre position, c'est que des lignes de conduite ont été établies et qu'elles doivent être respectées. Cependant, on peut difficilement demander aux municipalités de s'y conformer si elles n'ont pas les ressources voulues pour se doter d'infrastructures qui soient à la hauteur.

Nous croyons également que d'importants changements s'imposent sur le chapitre de la gestion de l'eau. Il est notamment crucial de bien planifier la gestion des bassins hydrographiques, de protéger les sources d'approvisionnement en eau, de former adéquatement les exploitants des réseaux d'aqueduc et d'effectuer régulièrement des analyses pour vérifier la qualité de l'eau. Des fonds sont requis parce que ces volets ne sont pas convenablement gérés à l'heure actuelle. On devrait affecter davantage de ressources dans ces secteurs.

Il serait injuste d'affirmer que nous avons adopté une position trop étroite. Nous savons que la gestion de l'eau ne se ramène pas uniquement à un problème d'infrastructure. Cependant, la question sur laquelle se penche actuellement votre comité, c'est à savoir si de nouvelles lignes de conduite sont nécessaires et s'il s'impose qu'on adopte une loi en ce sens.

Le président: Le projet de loi S-18 n'a pas pour objet de fixer des lignes de conduite. Il établit les objectifs à atteindre. Vous faites valoir des arguments en faveur d'un accroissement du financement, mais vous ne vous adressez pas au bon comité pour exercer des pressions dans ce sens.

Mme Comeau: Je ne demande pas davantage de financement.

Le sénateur Grafstein: Je trouve votre mémoire déroutant, car, alors que vous parlez de tarification en fonction du coût de revient complet, vous ne savez même pas combien coûte l'eau dans vos municipalités. Peut-être pourriez-vous demander à vos membres, pour le bénéfice de notre comité, de nous fournir un modèle qui nous renseignerait sur les coûts. Vous avez soulevé la question de la tarification en fonction du coût de revient complet, mais nous ne savons pas de quoi vous voulez parler.

Le sénateur Adams: Nous payons au-delà de 2 $.

Mme Comeau: Ce coût n'inclut probablement pas le coût de revient complet des immobilisations et des dépenses de fonctionnement. Nous nous employons à élaborer un modèle qui se tienne et qui convienne à la plupart des municipalités. Il s'inspire d'un modèle utilisé à Hamilton et à propos duquel nous pouvons vous fournir de la documentation. En examinant le modèle de Hamilton, on constate que la tarification en vigueur dans cette ville n'inclut pas les coûts complets des immobilisations et des dépenses de fonctionnement du réseau d'aqueduc; on y note un manque à gagner de 80 cents le litre. Il y a un écart considérable entre le prix que paie le consommateur et ce qu'il en coûte à la municipalité pour fournir l'eau. Nous avons identifié ce problème.

Le sénateur Grafstein: Comment pouvez-vous le savoir? Vous avez dit que vous n'aviez pas les chiffres pertinents.

Mme Comeau: Nous avons en main une étude effectuée par Enquête pollution où l'on décrit l'exemple intéressant de Hamilton, qui, selon cet organisme, serait l'une des municipalités qui a adopté une politique de tarification en fonction du prix de revient complet. Or, il y existe cet énorme écart que nous avons pu observer.

Nous avons retenu les services d'une firme d'experts pour nous aider à élaborer un modèle que les municipalités pourront utiliser pour gérer rationnellement leurs actifs dans ce domaine. Toute municipalité qui fera une demande de financement à même notre fonds vert se verra remettre ce modèle et sera tenue de s'y conformer avant de pouvoir obtenir une subvention.

Je crois que nous exerçons nos activités dans les limites de nos compétences et de notre mandat.

Le sénateur Grafstein: Êtes-vous au courant de ce qu'il en coûte aux réseaux de services médicaux pour traiter des problèmes de santé attribuables à la consommation d'eau insalubre dans les municipalités canadiennes?

Mme Comeau: Je l'ignore.

Le sénateur Grafstein: J'aimerais que vous nous lisiez un passage de votre mémoire, qui, bien qu'éclairant, semble contenir une contradiction. Il s'agit du troisième paragraphe de la page 3. Lisez-le-nous, s'il vous plaît, après quoi j'aurai quelques questions à vous poser à ce sujet.

Mme Comeau: Ce paragraphe dit ceci:

Ces travaux seraient financés à même un fonds permanent de financement de travaux d'infrastructure [...]

C'est une entente tripartite, qui n'implique donc pas seulement le gouvernement fédéral.

[...] calqué sur le modèle du US Clean Water and Drinking Water State Revolving Funds. Ce fonds permettrait d'offrir aux administrations locales la possibilité d'emprunter des fonds à faible intérêt ou sans intérêt à des fins d'immobilisa tions.
C'est ce qui se fait aux États-Unis à l'heure actuelle.

Le sénateur Grafstein: Savez-vous quelle est la condition préalable pour pouvoir être admissible à ce financement?

Mme Comeau: Oui.

Le sénateur Grafstein: Quelle est cette condition?

Mme Comeau: La municipalité doit s'être d'abord dotée des structures de planification appropriées pour être en mesure de bien gérer son réseau de distribution d'eau potable. Une telle structure comprend la tarification en fonction du coût de revient complet.

Le sénateur Grafstein: Non, la condition préalable est de satisfaire aux normes exécutoires fédérales en matière d'eau potable. Une municipalité qui ne se conformerait pas à ces normes n'aurait tout simplement pas accès à cette source de financement.

Mme Comeau: Je veux bien, mais le gouvernement fédéral des États-Unis a une compétence mieux définie dans ce domaine.

Le sénateur Grafstein: Non, ce n'est pas le cas.

Mme Comeau: Selon nous, c'est peut-être dans cette direction que les Américains se sont orientés.

Le sénateur Grafstein: Évitez de nous embrouiller. Le comité s'occupera du problème de partage de compétences. Vous avez vos propres problèmes et nous avons les nôtres. Il demeure cependant que la FCM propose un modèle.

Mme Comeau: C'est juste.

Le sénateur Grafstein: Ce modèle s'inspire du modèle américain.

Mme Comeau: Oui.

Le sénateur Grafstein: Le modèle américain présuppose l'existence de normes fédérales, réglementaires, quasi pénales, et ayant force de loi. Il ne repose pas sur l'exercice de pressions par des pairs ou sur des lignes de conduite.

Mme Comeau: C'est exact. Monsieur le sénateur Grafstein, dans le modèle américain, la responsabilité d'appliquer ces normes relève des États et ce sont eux qui reçoivent les fonds. Ce sont les États qui capitalisent les fonds.

Le sénateur Grafstein: Ce n'est pas le cas.

Mme Comeau: Je vous dis la vérité.

Le président: Puis-je vous suggérer, madame Comeau, de nous soumettre par écrit une description détaillée de la façon dont on se sert de ce modèle d'infrastructure aux États-Unis.

Le sénateur Spivak: Ce serait utile.

Le président: C'est un bon point.

Le sénateur Spivak: Cela fait des années qu'une foule de groupes non gouvernementaux et environnementaux préconisent l'adoption, dans le domaine de la gestion de l'eau, de normes analogues à celles qui sont en vigueur aux États-Unis. Vous ne semblez pas en faveur de cette idée. Qu'avez-vous contre un régime fondé sur des lois plutôt que sur des lignes de conduite? Je crois que le Sierra Club s'y est dit favorable.

Mme Comeau: Peut-être, mais il se trouve que je représente la Fédération canadienne des municipalités et que cet organisme a pris position. Nos membres ont souscrit à l'idée d'envisager l'établissement de normes nationales.

La question c'est de savoir si le projet de loi S-18 est l'instrument approprié pour établir des normes nationales. Malgré le peu de temps dont nous disposions pour faire part au comité de notre position à l'égard de ce projet de loi, nous nous sommes efforcés d'insister sur ce qui nous préoccupe le plus, à savoir la question de la responsabilité. Nous avons également essayé de vous expliquer les autres angles sous lesquels nous abordons cette question. C'est ce que je puis vous dire de mieux.

Le président: Vous avez mentionné le peu de temps qui vous a été imparti. Vous avez tout à fait raison. J'aimerais que vous songiez à nous présenter un autre mémoire écrit. Vous avez entendu nos questions et sans doute pris acte de nos préoccupa tions. Par conséquent, pour compenser le fait que nous ne pouvions vous accorder un avant-midi complet, vous pourriez peut-être nous faire part par écrit de vos vues sur ce qui nous préoccupe.

Puis-je féliciter la FCM de sa position sur l'aménagement du territoire et la gestion des bassins hydrographiques. Dans l'Ouest, d'où je viens, ces aspects revêtent une grande importance parce que l'eau y est gravement contaminée quand elle atteint le consommateur, ce qui coûte extrêmement cher. Un peu partout dans l'Ouest, et non seulement en Alberta, nous avons des résidus agricoles, des résidus pétroliers et gaziers, et des résidus industriels. Les eaux de surface en provenance de nos villes charrient du sel, des PC, des fertilisants et des herbicides. Nous traitons nos eaux usées mais non nos eaux de surface. On agit différemment si on nuit au poisson. Dans l'Ouest, la loi impose une sanction si l'eau tue le poisson, mais il en va autrement si l'eau tue des gens.

Le sénateur Spivak: Si nous jugions nécessaire de vous convoquer de nouveau, seriez-vous disposée à nous revenir et à poursuivre cette discussion avec nous? Notre comité est un groupe très diversifié, et nous aurons peut-être besoin de nous pencher sur ces questions plus avant avec vous.

Mme Comeau: Oui, je serais prête à le faire.

Le sénateur Watt: Ma question va dans le sens de celle du sénateur Adams concernant la composition de votre organisme. Avez-vous également des membres du Nunavik, du Labrador et des réserves indiennes?

Mme Comeau: Nous représentons des administrations munici pales, mais non des Premières Nations. Oui, nous avons des membres de la province de Terre-Neuve et du Labrador, pour autant qu'il s'y trouve des municipalités. Notre conseil d'adminis tration est élu par nos membres, en fonction de la population et d'autres facteurs. Nous avons quatre ou cinq membres qui viennent de la province de Terre-Neuve et du Labrador, puis nous en avons d'un peu partout au pays selon l'importance de la population.

Le sénateur Watt: Je me demande si vous ne pourriez pas nous fournir la liste de vos membres, y compris ceux du Nunavik, dans le nord du Québec.

Mme Comeau: Bien sûr.

Le sénateur Watt: Merci.

La séance est levée.


Haut de page