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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 21 - Témoignages - Séance de l'après-midi


ST. JOHN'S, le jeudi 6 décembre 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 13 h 10 pour examiner les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous avons la chance de pouvoir commencer notre séance de l'après-midi par un exposé sur l'entrepreneuriat. Pour nous en parler, nous avons avec nous M. Steven Millan de la Canadian Imperial Venture Corporation.

M. Steven Millan, président et chef de la direction, Canadian Imperial Venture Corporation: Merci, monsieur le président, honorables sénateurs, de nous permettre de nous entretenir avec vous. Généralement, les petites sociétés comme la nôtre passent inaperçues, mais, au fur et à mesure que les gisements pétroliers et gaziers de la côte Est seront mis en valeur, elles joueront, à l'instar de ce qui est arrivé, par exemple, en Alberta, un rôle passablement important, notamment en ce qui touche la localisation des avantages qui résulteront des succès que connaîtra l'industrie.

Dans mon exposé, je me propose de mettre l'accent sur ce que nous faisons. Au cours de ma longue carrière, j'ai travaillé pour le compte de gouvernements, de grandes entreprises et d'une université. Je suis maintenant au service de quelque 3 000 actionnaires d'une petite société. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de voir des projets se réaliser et s'évanouir, et j'ai également été à même de voir la scène sous différents angles.

Nous avons récemment produit une brochure qui comporte un certain nombre de belles illustrations. Nous n'aurons donc pas besoin de nous servir de diapositives.

J'attire votre attention sur la page couverture de cette brochure. Le projet sur lequel nous travaillons le plus actuellement est celui de Garden Hill, dans la péninsule de Port-au-Port, sur la côte Ouest de Terre-Neuve. À l'intérieur de cette publication, vous pouvez voir une photo de notre tour de forage en opération la nuit. Notre slogan, «A turn in the right direction» - en français, un virage dans la bonne direction -, n'a rien de politique, mais, juste au cas où quelqu'un s'aviserait de l'utiliser, nous l'avons fait enregistrer comme marque de commerce de manière à ce qu'on ne puisse pas s'en servir sans autorisation. Il s'agit d'un jeu de mots. Quand les choses vont bien dans l'industrie du forage, nous disons que nous allons dans la bonne direction. En fait, c'est ce que nous faisons. Pour une petite société, nous nous débrouillons passablement bien dans certains domaines. Nous prenons notre destin en main en ce qui touche la mise en valeur des gisements pétroliers et gaziers de Terre-Neuve. Nous n'attendons pas que d'autres viennent le faire à notre place et finissent par devenir nos patrons. Nous voulons être les maîtres d'oeuvre de l'ensemble des activités.

Bien qu'il y ait quelques autres sociétés pétrolières actives à Terre-Neuve, nous y sommes probablement les chefs de file. En Nouvelle-Écosse, il y a une société du nom de Corridor Resources que nous considérons comme notre homologue en ce que sens que nous nous connaissons et que, généralement, nous travaillons en collaboration. Nous y attachons de l'importance.

Mon propos portera surtout sur le projet de Garden Hill, mais nous avons en plus deux ou trois projets en voie de réalisation sur la côte ouest de Terre-Neuve. À l'endos de la page couverture, vous allez trouver un bref historique de l'exploration des gisements pétroliers dans la région. C'est une longue histoire qui a débuté il y a 170 ans. En réalité, les premières découvertes de suintements pétroliers et gaziers tout le long de la côte ouest de Terre-Neuve remontent à aussi loin dans le temps. D'ailleurs, à la fin de la première guerre mondiale, on raconte, dans une célèbre publication intitulée Oil Fields of the British Empire, qu'il y avait deux points de ravitaillement pour les navires de soutage de la Marine de Sa Majesté. L'un était situé dans la région de Parson's Pond sur la côte ouest de Terre-Neuve, et l'autre se trouvait dans mon pays d'origine, Trinidad et Tobago. La production pétrolière à Trinidad remonte à plus d'un siècle. C'est à ce genre de développement que nous rêvons pour la côte ouest de Terre-Neuve.

Permettez-moi d'attirer votre attention sur quelques éléments de notre énoncé de mission. Le fait que nous soyons une petite entreprise présente pour nous certains avantages et de nombreux inconvénients. Notre taille restreinte nous oblige à faire vite et à nous montrer industrieux. C'est pourquoi nous employons dans notre brochure des mots comme «agile», «innovation» et «savoir».

Je vous invite également à remarquer la technologie que nous utilisons. L'un des changements qui se produisent dans l'industrie pétrolière, c'est que même les sociétés de notre taille ont maintenant accès à une technologie de pointe. Autrefois, ce genre de choses était l'apanage des grandes sociétés, mais, de nos jours, même des petites entreprises comme la nôtre y ont accès.

En ce qui concerne nos objectifs, je vous signale que nous n'hésitons pas à nous impliquer dans une industrie intégrée verticalement. Autrement dit, s'il nous apparaît logique de raffiner notre produit sur place, nous le ferons. Nous n'avons pas à craindre que cette option nuise à nos autres raffineries ailleurs dans le monde, car nous n'en avons pas. Ce sont les grandes sociétés qui ont à se préoccuper de ce genre d'aspect, ce qui montre les avantages que peut représenter la présence d'entreprises ou d'industries implantées localement sur le plan de la participation et des retombées économiques pour les localités ou les régions concernées.

Notre brochure fait également ressortir nos points forts. Notre connaissance de cette industrie, sur les plans à la fois technique et social, nous rend attrayants aux yeux des nouvelles industries en ce sens que nous pouvons exercer nos activités sans leur causer trop de problèmes.

Pour atteindre nos objectifs, il nous faut, bien entendu, avoir accès à la main-d'oeuvre, à la technologie et au savoir-faire, et nous y parvenons en nous alliant à des partenaires qui viennent consolider nos forces et élargir notre rayon d'action.

À la page 2, vous allez voir quelques cartes qui montrent à quels endroits précis nous exerçons nos activités sur la côte ouest de Terre-Neuve. Le gisement pétrolier que nous exploitons s'étend depuis Terre-Neuve jusqu'au Québec. Il s'est formé il y a quelque 500 millions d'années, lorsque Terre-Neuve s'est séparée du Québec pour la première fois - un tuyau qui vous intéressera peut-être. Ce n'est donc rien de nouveau. La région compte deux bassins importants qui se chevauchent. Nous exploitons le bassin inférieur, le bassin d'Anticosti. Au-dessus de ce bassin, il y en un plus jeune, le bassin des Maritimes. Ces deux bassins sont sous-exploités et représentent la prochaine génération de gisements exploitables qui doivent être mis en valeur dans cette région.

La côte ouest de Terre-Neuve, notamment la péninsule de Port-au-Port, est une région défavorisée économiquement. Ces dernières années, nous y avons dépensé énormément d'argent, et, faisant partie de notre engagement envers la province et la collectivité locale, nous tenons à utiliser le plus possible les biens et les services locaux. C'est parce que nous avons le sentiment d'appartenir à la collectivité locale que nous agissons de la sorte. C'est d'ailleurs pour cette raison, je crois, que nous y sommes bien perçus.

Notre chantier de la péninsule de Port-au-Port est celui qui est le plus avancé. Hier, au fait, nous avons entrepris de forer un deuxième puits sur un site que nous appelons notre bloc d'Harry's River, et, ce matin, nous étions rendus à une profondeur de 24 mètres. Nous venons tout juste de commencer ce forage. Ce matin, au chantier de Garden Hill, nous étions à 3 762 mètres. C'est un puits très profond, qui nous coûte cher. Nous avançons à grands pas dans les deux cas. Nous possédons également environ 800 000 acres de gisements extracôtiers dans le bassin. Quand nous exerçons nos activités au large des côtes, nous relevons de l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers. Sur la terre ferme, nous relevons des autorités provinciales.

Nous sommes la première société à être placée dans une telle situation, ce qui complique les choses. Nous sommes les premiers à mettre ces règlements à l'épreuve. Je paie pour mes péchés, car j'ai été moi-même l'auteur de certains de ces règlements, et je puis vous dire que nombre d'entre eux ont un urgent besoin d'être revus. Je m'en suis rendu compte en essayant de les mettre en pratique. Le gouvernement nous a récemment autorisés à nous lancer dans la production, et nous avons obtenu des droits de production sur la majeure partie du gisement que nous contrôlons.

Nous prospectons ce qui constitue le prolongement nord des Appalaches. La péninsule de Port-au-Port représente le front de chevauchement ou le point de départ des montagnes de l'ancien système. L'étendue allant de Port-au-Port au territoire québécois constitue la région des prairies. S'il s'agissait des Rocheuses, ce serait un virage à 180 degrés. Les montagnes sont à l'est, et les plaines, à l'ouest. Il n'y a pas eu de forage dans la région des plaines. D'importantes structures ont été découvertes de ce côté. Par «important», j'entends plusieurs centaines de millions de barils. Si les choses évoluent à cet égard de la façon que nous pensons, il en résultera une industrie majeure, une industrie au potentiel énorme, une véritable bouffée d'oxygène pour l'économie de la province, et, bien sûr, de la région.

À la page 4, on peut voir une photo du chantier de Garden Hill dans son état actuel. C'est un très bel emplacement. Comme il est situé tout près d'une route importante, nous ne pouvons rien cacher à personne. Le gisement a été découvert par Hunt et PanCanadian en 1995. Nous y sommes en vertu d'un accord d'affermage, mais Hunt et PanCanadian demeurent nos partenaires. En réalité, ces sociétés détiennent une participation directe de 50 p. 100 dans ce gisement, mais nous l'exploitons pour leur compte. Il est réconfortant pour nous de travailler en collaboration avec des sociétés aussi solides et indépendantes.

Le président: Ces sociétés sont-elles vos associés à part entière, ou y trouvez-vous encore votre compte?

M. Millan: Dans environ deux semaines, nous commencerons à réaliser des gains. Nous sommes à forer le puits qui va rapporter.

Le président: Dans environ deux semaines, deviendront-elles vos associés à part entière, ou dans quelle proportion le seront-elles?

M. Millan: Oui. Elles détiendront une participation directe de 50 p. 100.

Le président: Leur faudra-t-il investir davantage?

M. Millan: Oui. Actuellement, nous assumons 100 p. 100 des coûts.

Le président: Êtes-vous porté à croire qu'elles pourraient vouloir augmenter leur participation, ou encore revoir leur accord d'affermage?

M. Millan: Il y a l'espoir, puis il y a la réalité. Nous les informons constamment de ce que nous faisons. Sur le plan technique, nous savons que nos découvertes les enthousiasment pas mal. Cependant, j'ignore quels sont leurs projets.

Le pétrole en question est d'une excellente qualité. Sa densité est de 51 degrés API, soit l'équivalent du carburant diesel ou de l'essence aviation. Il s'agit d'un produit qui ne nécessitera qu'un traitement très sommaire pour être commercialisable. C'est pourquoi je vous ai dit que nous envisagions de le traiter sur place. Ce sera très possible.

Aux pages 8 et 9, on trouve une représentation artistique de ce que pourraient avoir l'air un jour le complexe de Garden Hill. Elle me rappelle les nombreuses installations que nous allons devoir ériger une fois que nous aurons la certitude de pouvoir y exploiter des réserves en quantité suffisante. Pour le moment, c'est un site encore vierge. Tout ce qui s'y trouve a été implanté par nous. Il n'y existe pas de système de transport. Pour vérifier la qualité du pétrole que nous y avons découvert, il nous a fallu le transporter par camion jusqu'à Come by Chance. C'est très loin, et c'est très cher. C'est pourquoi, dans l'illustration de l'artiste, il y a un port et un navire. Plus vite nous pourrons transporter le pétrole par bateau, mieux ce sera. Nous aurons alors davantage de latitude pour choisir nos acheteurs et le prix que nous allons demander.

Le sénateur Cochrane: Ce port sera-t-il à Lower Cove ou à Stephenville?

M. Millan: Lower Cove semble le meilleur endroit pour le port. Comme vous le savez, on y trouve déjà une installation de chargement pour le calcaire. Il faudra l'agrandir. Lower Cove n'étant pas très loin d'où nous sommes, il pourrait être relativement facile de construire un petit oléoduc pour acheminer notre pétrole. Une fois rendu à Lower Cove, nous pourrons songer à l'expédier par bateau, un domaine de compétence fédérale. Nous aurons alors une foule de défis à relever.

Il y a un assez bon potentiel de marché pour des quantités raisonnables de pétrole et de gaz naturel dans la région de Stephenville-Corner Brook. Par exemple, Abitibi Price possède une usine passablement importante à Stephenville. Son gros problème, c'est le coût de l'énergie. Or, nous avons discuté avec les représentants de cette société de la possibilité d'ériger une centrale de cogénération où nous leur fournirions de la chaleur industrielle, et l'excédent servirait à produire de l'électricité pour l'alimentation du réseau local.

Les possibilités de marché local sont déjà passablement intéressantes, mais si le gisement que nous avons entrepris d'exploiter est aussi important que nous le croyons, le potentiel de marché s'étendra au moins à toute la région. C'est pourquoi nous avons conclu une entente de partenariat avec Emera, l'ancienne Nova Scotia Light and Power Company. Cette société envisage d'accroître ses activités dans le secteur de l'énergie. Son principal champ d'intérêt est actuellement celui de l'exploitation du pétrole et du gaz. En fait, elle possède un tronçon du pipeline de l'île de Sable. Nous nous entendons fort bien avec ces gens. En réalité, nous avons conclu une entente avec eux il y a quatre ou cinq mois. Je dois les rencontrer la semaine prochaine.

Notre gisement de Harry's River est d'un type différent, mais il provient du même groupe inférieur de roches ordoviciennes, et nous y avons amorcé hier le forage d'un puits. Nous avons entrepris la réalisation de ce projet en partenariat avec Contact Exploration de Calgary. Lors du dernier appel de soumissions, nous avons mis la main sur deux immenses parcelles de fonds marins dont l'une possède une importante nappe - et par importante, j'entends comparable à celle d'Hibernia - sur laquelle nous devons effectuer des essais en mer. Il nous faudra nous allier à d'assez grosses sociétés pour pouvoir réunir les
20 millions de dollars nécessaires pour forer un puits dans les fonds marins.

L'autre bloc que nous avons acquis se situe dans le prolongement de notre gisement terrestre, et nous croyons pouvoir l'atteindre par forage directionnel depuis la terre ferme.

À cet égard, je me dois de vous mentionner également un important accord de partenariat que nous avons conclu avec Baker Hughes, qui est l'un des trois grands fournisseurs de services dans le domaine de l'exploration pétrolière. Il nous fallait nous associer à un groupe qui avait une expertise technique que nous n'avons pas. Cet accord s'est révélé une coentreprise stratégique des plus fructueuses. Cette société n'est pas actionnaire de la nôtre, mais nous travaillons en collaboration. Ce devrait être un arrangement à long terme. L'avantage qu'il comporte pour nous, c'est qu'il nous donne accès à une technologie qui est utilisée pour l'exploration extracôtière et qui est normalement trop coûteuse pour ceux qui font de la prospection terrestre, mais étant donné qu'elle se trouve déjà sur place, nous pouvons l'utiliser. C'est d'ailleurs là un exemple concret de transfert de technologie à un niveau local.

À la page 13, il est question de deux autres projets. On y trouve une petite photo à propos de l'un d'eux. En 1998, j'ai réalisé, pour le compte de la Newfoundland Ocean Industries Association et de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, l'APECA, une étude sur la présence et l'utilisation de gaz naturel à Terre-Neuve. Cette étude a été suivie, comme vous l'a probablement mentionné Leslie Galway ce matin, d'un certain nombre d'autres études qui avaient toutes pour objet d'essayer de jeter les bases d'un plan stratégique visant la mise en oeuvre d'un programme de production et d'utilisation du gaz naturel dans notre province.

Nous étions tellement convaincus de la valeur d'un tel projet que nous avons adopté deux mesures. Nous avons conclu une entente de partenariat et nous nous sommes employés à mettre sur pied un système de transport autre que par gazoduc ou sous forme liquéfiée, le GNL, qui sont les deux systèmes classiques généralement utilisés pour acheminer le gaz naturel. Nous avons envisagé la solution du gaz naturel comprimé, qui, pour de courtes distances, semble devoir être plus économique que le GNL. En fait, l'avantage de cette solution est double. Un avantage, c'est que, si le gaz naturel doit être acheminé depuis les Grands Bancs vers les marchés, nous devons nous montrer innovateurs, et, à cet égard, les pipelines n'offrent peut-être pas la meilleure solution. C'est là que les services de recherche des gouvernements, des universités et de l'industrie pourraient être extrêmement utiles.

En présumant que le gaz sera livré quelque part à Terre-Neuve, je me suis demandé, en me fondant sur mes antécédents personnels, ce que l'île de Trinidad avait fait de son gaz naturel il y a 25 ans quand elle s'est vue aux prises avec le problème classique - comme l'est Terre-Neuve actuellement - de se retrouver avec un marché trop petit pour pouvoir écouler tout le gaz naturel provenant de ses importants gisements et avec un coût exorbitant pour pouvoir l'acheminer vers le marché. Trinidad a alors créé localement son propre marché en érigeant un parc industriel fondé sur l'utilisation du gaz naturel comme matière première pour la transformation de produits à valeur ajoutée. Ceux-ci étaient ensuite exportés à bord de navires vers des ports du Nord-Est des États-Unis et d'Europe.

Nous avons conclu un accord de coentreprise avec la Management Autority of Argentia sur l'ancienne base navale de la côte Sud de Terre-Neuve, qui est située à un endroit idéal sur la route orthodromique qu'empruntent les navires en direction de l'Europe ou des États-Unis. Nous y possédons un site d'une superficie de 640 acres que nous avons l'intention d'utiliser pour des installations de transformation de produits à valeur ajoutée si jamais le gaz naturel y est éventuellement acheminé. Nous espérons - et nous croyons - que ce sera le plus tôt possible. Ce projet ne verra jamais le jour si nous nous en remettons à cet égard aux plans des grandes sociétés pétrolières.

Je serai maintenant des plus heureux de répondre à vos questions.

Le président: Je crois que le sénateur Cochrane demeure dans l'arrière-cour de ces aménagements et qu'elle peut probablement voir votre tour de forage par la fenêtre de son salon. Je vais donc lui demander de poser la première question - ou encore les deux ou trois premières.

Le sénateur Cochrane: Nous demeurons assez près de vos installations, monsieur Millan, mais pas à ce point. Mon mari et moi-même nous sommes rendus à de nombreuses reprises à ce grand chantier de Garden Hill juste pour y voir ce qu'on y faisait. Nous y avons vu le pétrole brûler en torche, puis nous avons parfois constaté qu'il n'y avait pas de flamme, et nous nous sommes demandé ce qui se passait.

Merci d'avoir accepté de venir nous faire profiter de votre expertise et de nous donner une idée de vos activités. Il y a quelque chose que je serais curieuse de savoir et que vous pouvez peut-être m'aider à comprendre. Vous faites mention dans votre brochure, à la page 14, de vos partenaires, Hunt Oil de Houston et PanCanadian. Ces sociétés ont foré deux puits sur la terre ferme, comme vous l'avez mentionné, l'un à Garden Hill, tout près de Cape St. George et l'autre à Long Point.

Tous ces noms renvoient au même endroit. Long Point et Blue Beach sont du pareil au même. On avait également foré un puits extracôtier tout près du rivage, à Cape St. George, à proximité du celui que vous êtes en train de forer sur la terre ferme. Six ans plus tard, vous prenez ce puits abandonné - abandonné par Hunt Oil et par PanCanadian - et vous y faites de nouveaux essais. Comme résidente de cette région, je suis vraiment curieuse de savoir pourquoi vous, une petite entreprise, vous êtes intéressé à ce puits que ces sociétés avaient abandonné et capuchonné. Vous savez mieux que moi quelle est l'importance de Hunt Oil et de PanCanadian. Je me demande ce que votre société a en tête. Pourquoi, alors que vos prédécesseurs avaient capuchonné ce puits, vous, une petite entreprise, vous y êtes amenés et avez entrepris de forer à partir des mêmes trous?

M. Millan: Sénateur, vous vous montrez très polie dans la façon dont vous posez cette question. Ordinairement, on y va beaucoup plus brutalement. On nous demande carrément pourquoi nous réussirions là où des compagnies plus importantes ont échoué.

J'aimerais vous faire remarquer une ou deux choses. Il y a en fait quatre puits profonds qui ont été forés sur l'ensemble de ce site, de ce bassin. Ce n'est pas beaucoup. Pour en venir à découvrir le gisement Hibernia, il a d'abord fallu forer 50 puits. Pour découvrir du pétrole, il faut y mettre le temps.

En réalité, le puits de Garden Hill à Port-au-Port n'a jamais vraiment été abandonné. On n'en a tout au plus suspendu le forage. Hunt Oil et PanCanadian ont tout simplement jugé que son potentiel de rendement était inférieur à ce qui les intéressait, étant donné que ce que ces gens recherchaient, c'était des découvertes prodigieuses. À l'époque, avec les cartes et les données géophysiques dont elles disposaient, ces sociétés se sont dit qu'il ne s'agissait que d'une petite poche, de seulement un petit dépôt qui ne renfermait probablement que quelque 10 millions de barils, ou quelque chose de cet ordre. Elles se sont dit que ce pourrait être un ajout intéressant qui pourrait venir compléter d'autres découvertes qu'elles pourraient faire, et c'est pourquoi elles ont gardé le puits en état de pouvoir produire éventuellement. Le puits qu'elles croyaient vraiment devoir se révéler productif était celui de Shoal Point. C'est le dernier qu'elles ont foré dans cette région.

À l'occasion d'un exposé qu'ils ont fait localement, les représentants de ces sociétés ont dit que, quand Shoal Point serait en exploitation, ils y relieraient le puits de Port-au-Port. Je me suis alors tout de suite dit que Port-au-Port était déjà prêt à être mis en production. Or, quand ils ont décidé d'abandonner Shoal Point, nous nous sommes empressés, dès le lendemain, de frapper à la porte de ces gens pour leur dire que nous pourrions fort bien nous occuper de ce puits orphelin en leur nom. Il nous a fallu six mois pour négocier une entente, car ces grandes sociétés n'aiment pas forcément travailler en collaboration avec de petits acteurs. Elles ont néanmoins pu constater que moi et les administrateurs de ma société avions de bonnes références, et nous les avons convaincues de nous donner notre chance. Elles se sont révélées de très bons partenaires depuis.

Je me dois de mentionner que ce sont là des choses qui se font couramment dans l'industrie pétrolière. Une entreprise s'amène et fait de son mieux, et si ses résultats sont décevants, elle conclut un accord d'affermage avec une autre entreprise et elle garde une participation dans l'affaire, de sorte que si son partenaire y gagne, elle y gagne également.

Le sénateur Taylor m'a demandé tout à l'heure si nos partenaires avaient commencé à payer leur part. Ils devront le faire dans environ un mois, sinon ils perdront l'entier de leur mise.

Depuis lors, ils se sont occupés d'autres choses. Ils ont concentré leurs activités ailleurs. Il vaut la peine de souligner que PanCanadian a réalisé la seule nouvelle découverte dans cette région depuis une décennie. La plupart des gisements qui sont mis en valeur actuellement ont été découverts dans les années 80. Je taquine parfois mes anciens collègues de Petro-Canada en leur rappelant que, depuis que j'ai quitté cette grande société, ils n'ont tout simplement rien trouvé. C'est un peu vrai.

D'ailleurs, si nos travaux de prospection ne débouchent pas sur des découvertes, nous allons stagner très rapidement et nous mettre à décliner. Ce qui importe, c'est que nous puissions poursuivre nos activités d'exploration. Il y a des choses que le gouvernement peut faire à cet égard. À mon avis, le plus important serait d'alléger le terrible fardeau réglementaire. Nous devons continuer de faire de la prospection.

Honorables sénateurs, je suis désolé d'avoir répondu si longuement à une question aussi brève.

Nous tenons ces sociétés informées. Elles aiment ce que nous faisons, et elles y sont vraiment parties prenantes.

Le sénateur Cochrane: Croyez-vous qu'elles auraient dû forer davantage de puits avant d'abandonner la partie?

M. Millan: Certaines personnes, dont je tairai le nom, nous ont dit que nous faisions exactement ce qu'elles auraient dû faire, qu'elles auraient dû poursuivre leurs essais. Voyez-vous, une fois que vous avez découvert la présence de pétrole dans un bassin donné, vous avez la réponse à une foule d'inconnues. Nous savons maintenant qu'il y a du pétrole à cet endroit. Nous en connaissons la qualité. Nous savons que la production sera bonne. C'était là autant d'inconnues pour nous avant le forage du puits dévié no 1 de Port-au-Port - le tout premier puits. Nous n'avons jamais pensé qu'il pourrait ne s'agir que d'un petit gisement, car, quand on y pense bien, ne serait-ce qu'intuitivement, quel risque court-on, en pratiquant un trou de huit pouces et demi à quatre kilomètres dans le milieu de nulle part, de ne frapper qu'une petite cible? Je dirais que le risque est à peu près nul, statistiquement parlant.

C'est un pressentiment que j'avais. Puis, après avoir réalisé notre programme de levés geophysiques, nous avons constaté qu'il n'y avait rien là de petit, qu'il s'agissait d'une importante structure, tellement importante, en réalité, que nous n'avons pas encore été en mesure de bien la cerner, car nous n'avons pas étendu nos lignes assez loin. C'est pourquoi nous nous sommes procuré des droits sur des territoires extracôtiers, étant donné qu'il s'agit d'une structure qui se prolonge vers l'Ouest.

Sur la base des essais que nous y avons faits, nos experts en gisements de pétrole nous ont dit qu'ils n'étaient pas en mesure de nous dire quelle quantité de pétrole ce bassin renfermait, car ils ne disposaient pas encore de suffisamment d'information, mais qu'ils pouvaient déjà en conclure que la quantité ne serait pas petite, car, si le gisement avait été petit, ce que nous en avions extrait aurait suffi pour qu'on puisse noter une différence dans le réservoir. Nous avions produit une quantité passablement importante, mais nous n'avions noté aucun changement de niveau. Cela signifie que le réservoir, d'après les essais que nous avons effectués à ce jour, est infini. Or, puisqu'il n'existe pas de réservoir infini, c'est donc que nous n'en avons pas extrait une quantité suffisante pour noter une différence.

Le sénateur Cochrane: Combien d'essais supplémentaires vous faudra-t-il effectuer pour pouvoir en conclure que ce gisement contient du pétrole et du gaz en quantité commercialisable?

M. Millan: Peut-être devrais-je vous dire en quoi consiste notre plan à cet endroit. Nous sommes en train de forer notre premier puits d'extension. Vraiment, il nous faut forer d'autres puits pour obtenir davantage d'information surfacique.

Je serais heureux qu'au départ, nous ayons entre cinq et dix puits. C'est ce qu'il nous faudrait. Généralement, les champs pétroliers sur la terre ferme sont mis en valeur puits par puits. Il n'en va pas de même pour l'exploitation de gisements extracôtiers où vous devez tout définir pour en venir à prendre la lourde décision financière de construire une structure à embase-poids, ou une plate-forme, ou un système de production flottant, ou quelque chose de ce genre.

Ce que nous espérons faire aussitôt que nous aurons terminé nos forages à cet endroit, c'est de mettre en production notre puits no 1 de Port-au-Port. Le gouvernement nous a déjà autorisé à le faire. Cela nous procurera deux choses: des liquidités, ce qui est important pour nous, et davantage d'information à propos du gisement.

Le sénateur Cochrane: Espérez-vous expédier votre pétrole par voie maritime? Qu'espérez-vous faire avec votre produit?

M. Millan: Le gouvernement nous autorise à le transporter par camion jusqu'à Come By Chance.

Le sénateur Cochrane: Oui, je le sais, mais qu'en ferez-vous après?

M. Millan: L'opération au complet nécessite toute une série d'études, et notre société n'est pas du genre à pouvoir se permettre d'investir à fond de train dans des études. En principe, nous songeons à expédier notre produit via un port quelque part dans la péninsule de Port-au-Port. Ce pourrait être de l'autre côté, dans la région de Piccadilly, ou peut-être à Lower Cove. En fait, il s'agit vraiment là d'un problème d'ordre maritime, car c'est une côte très exposée, comme vous le savez, et la sécurité doit être une préoccupation capitale. Provisoirement, nous pourrions le transporter par camion à Stephenville où il reste de la place dans les réservoirs de la base aérienne, et où du pétrole est déjà acheminé par pipeline jusqu'à la jetée à Stephenville. Ce pourrait être une solution provisoire que de le transporter par camion à Stephenville - qui est beaucoup moins loin que Come By Chance - et de le charger ensuite sur des navires à cet endroit. Nous aimerions avoir un jour une installation en mer. Il pourrait s'agir d'une bouée d'amarrage, d'un système d'amarrage funiculaire à suspension caténaire, appelé amarrage CALM, d'où le produit pourrait être expédié par navire citerne.

Le président: Vous avez mentionné que le produit pouvait être transporté par camion jusqu'à Come By Chance, mais, si je me souviens bien, il s'agit de pétrole brut paraffinique. Le pétrole brut que reçoit Come By Chance n'est-il pas à base naphténique? Cela pose-t-il problème?

M. Millan: Il n'y a pas eu de problème, parce que les quantités que nous acheminons sont tellement minimes. Si nous produisions 30 000 barils par jour, par exemple, cela poserait problème. Le problème le plus important, dans notre cas, c'est que nous n'obtenons pas des raffineries de Come By Chance la qualité à laquelle on serait en droit de s'attendre, car on n'y a pas besoin de brut léger. Les installations qui s'y trouvent sont conçues pour craquer le brut lourd, huileux, à base naphténique.

Le président: J'étais tout simplement curieux de savoir ce qu'il en était. Ordinairement, le brut paraffinique n'est pas censé pénétrer dans une couche de brut à base naphténique.

Le sénateur Cochrane: J'ai une autre question, monsieur Millan. Dans combien de temps pourrait-on en tout réalisme espérer pouvoir produire du gaz naturel en quantité commercialisable?

M. Millan: Initialement, nous entendons utiliser le pétrole que nous produisons à deux fins. Premièrement, pour nous fournir l'énergie dont nous avons besoin pour notre processus de production, et, deuxièmement, pour produire de l'électricité sur place et alimenter le réseau local de Port-au-Port. Le réseau actuel, qui passe tout près de nos installations, ne peut probablement absorber que 8 mégawatts. Au-delà de cette quantité, il nous faudra acheminer l'électricité vers le poste de transformation principal, qui est situé juste passé Lower Cove. Une fois transformée, l'électricité pourra être transportée vers le réseau principal. Ce pourrait être une façon d'utiliser l'énergie que nous produisons, mais, à un certain point, compte tenu du type de gisement dont nous disposons, il nous faudra réinjecter le gaz naturel, en grande quantité, pour récupérer la quantité maximale d'hydrocarbures.

Le sénateur Cochrane: Avez-vous un échéancier?

M. Millan: Nous rêvons un peu, et il faut rêver dans ce domaine. J'aimerais toutefois qu'on me comprenne bien: rien de tout cela n'est acquis. Chaque étape que nous franchissons comporte des risques. Comme nous sommes au début d'un processus, les risques sont relativement élevés.

Nous pensons que, d'ici la fin de 2002, nous serons en mesure de produire quelque 10 000 barils par jour. En ce qui concerne la proportion de gaz naturel par rapport au pétrole, nous produirons 2 500 pieds cubes de gaz par baril de pétrole, ce qui est passablement considérable comme quantité de gaz. Ne me demandez pas de vous en préciser aujourd'hui la quantité, mais elle est assez énorme. Elle serait suffisante pour nous permettre de produire davantage que 8 mégawatts d'énergie. Si l'énergie produite dépasse les 8 mégawatts, nous devrons réinjecter ce gaz, ou transporter l'énergie excédentaire vers le réseau principal par un autre moyen.

Le président: J'ai eu du mal à suivre votre explication concernant la nouvelle méthode que vous entendez utiliser pour acheminer le gaz vers la terre ferme. Avez-vous parlé de gaz comprimé?

M. Millan: Exactement.

Le président: Pourquoi serait-il préférable de transporter le gaz sous forme comprimée plutôt que liquéfiée ou de le comprimer jusqu'à ce qu'il soit liquide? Est-ce une question de coût?

M. Millan: C'est une question de coûts initiaux. Ce qu'on essaie de faire avec le gaz naturel liquéfié ou comprimé, c'est de concentrer la quantité d'énergie par pied cube. Le problème avec la méthode du gaz naturel liquéfié est de deux ordres. Premièrement, cette méthode requiert des installations de liquéfaction au site de production, ce qui coûte très cher et prend beaucoup de place. Nulle part on ne fait cette opération en mer. On l'exécute toujours sur la terre ferme.

Le président: Dans ce cas, pourriez-vous comprimer le gaz en mer?

M. Millan: Oui. Par exemple, il y a déjà d'énormes compresseurs sur la plate-forme d'Hibernia. On peut comprimer le gaz jusqu'à environ 3 000 livres par pouce carré, ce qui n'est pas loin du taux de compression qu'on utilise actuellement pour réinjecter le gaz. Il suffit de l'emmagasiner dans un pétrolier conçu spécialement à cette fin. Il existe plusieurs modèles de compresseurs selon les diverses étapes de l'opération. Celui que nous avons eu tendance à privilégier avait déjà été utilisé par une société de Calgary. Essentiellement, il est constitué d'une conduite flottante, c'est-à-dire d'un gros serpentin en suspension dans la cale.

Le sénateur Adams: Comment lance-t-on une société comme la vôtre? Au Nunavut, on aurait peut-être intérêt à créer ce genre de petite entreprise privée dont les gens de la place pourraient être actionnaires. Peut-être pourriez-vous nous expliquer un peu ce qu'il en est. Nous faudrait-il pouvoir compter sur une grande société pour nous épauler au départ?

M. Millan: C'est une idée intéressante. Je dois vous dire qu'ayant été, dans le passé, membre du conseil d'administration d'IPC Oil et responsable des opérations de Petro-Canada dans les régions éloignées, cette question m'est quelque peu familière. J'ai également travaillé dans l'Arctique, où la problématique s'apparente de très près à celle que nous connaissons à Terre-Neuve. L'un des grands mystères, c'est toujours de savoir comment sera éventuellement partagé le gâteau. Les ressources sont ici, et la maîtrise d'oeuvre est habituellement ailleurs. C'est ainsi que les choses se passent partout dans le monde. C'est un véritable problème. À Terre-Neuve, nous nous plaignons de voir tous les profits s'en aller à l'extérieur de la région. Les Terre-Neuviens sont vivement déçus du peu de retombées locales qu'ont eues ces projets de mise en valeur de leurs ressources.

D'après ce que j'ai lu, la même chose se produit en Nouvelle-Écosse. L'une des façons de remédier à ce problème, c'est de faire en sorte que les sociétés locales participent au développement de ces ressources, peu importe leurs antécédents en la matière. Si vous êtes petit, vous avez besoin des mêmes atouts. Les seules armes dont vous disposez, c'est l'intelligence, la rapidité et l'ingéniosité. D'ailleurs, l'industrie a évolué spectaculairement, au point qu'il y a maintenant de très grandes sociétés qui ont un énorme problème, celui de se voir incapables de renouveler leurs réserves. Elles ont acquis des droits sur des réserves un peu partout, mais elles n'en découvrent pas de nouvelles. Ce sont les petites sociétés qui font les découvertes, car ce sont elles qui sont en mesure d'innover.

Le sénateur Adams: En attendant, vos actionnaires obtiennent-ils leur financement des banques ou du marché boursier?

M. Millan: Nous sommes une société cotée en bourse. Nos actions se transigent sur le CDNX, le Canadian Venture Exchange, la bourse canadienne du capital de risque. Nous avons un grand nombre d'actionnaires. Nous en avons environ 1 500 à Terre-Neuve seulement. À l'origine, nous étions une société fermée. Nous avons réuni à Terre-Neuve même les capitaux dont nous avions besoin au départ - qui n'étaient pas énormes -, mais nous avons vite réalisé qu'il nous fallait en obtenir ailleurs. Nous avons jugé que le marché des valeurs mobilières était la seule possibilité qui s'offrait à nous. Nous nous sommes inscrits à la bourse il y a deux ans. Depuis lors, nous avons réuni quelque 15 millions de dollars de capitaux, qui sont allés entièrement au financement de forages pour nous constituer une assise solide avant de procéder à la prochaine étape.

Le marché des capitaux exige beaucoup de discipline et de transparence, mais il fournit également aux sociétés un moyen de réunir des capitaux et, aux investisseurs, un moyen d'obtenir un rendement.

Le sénateur Adams: Vous avez dit que, depuis 1980, avec toute l'activité qui se déroule entre l'Arctique et tout le long de la côte de Terre-Neuve et du Labrador, vous pouviez aujourd'hui, grâce aux nouvelles techniques améliorées, escompter obtenir de meilleurs résultats en reprenant le forage de puits qu'on avait tenté en vain de faire produire dans le passé.

M. Millan: Il ne fait aucun doute que, grâce à la technologie nouvelle, notamment la technologie géophysique, l'exploration pétrolière offre maintenant de tels espoirs. La technologie est plus prometteuse que dans les années 80.

Dans la région précise où nous menons nos opérations dans le golfe Saint-Laurent et dans les contreforts, on ne pouvait, jusque vers 1990, pratiquement pas obtenir d'information utilisable à l'aide de la géophysique. Avec le perfectionnement des ordinateurs et des systèmes d'acquisition, les gens ont commencé à comprendre le modèle géologique sur lequel nous travaillons. Je suis sûr que c'est également le cas ailleurs. C'est ce qui fait qu'il est maintenant réaliste de faire de la prospection dans des endroits comme les hauts fonds marins de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve, qu'on est à explorer, et le sous-bassin du Saint-Laurent. On peut maintenant faire des projections qui, il n'y a pas bien longtemps, auraient été purement conjecturales.

Le sénateur Adams: J'ai été membre du conseil d'administration de Panartic Oil jusqu'à ce que Mulroney prenne le pouvoir et me mette à la porte. Mon voisin ici était premier ministre à l'époque.

Merci beaucoup.

Le sénateur Buchanan: J'ai quelques questions à poser à M. Millan, étant donné que - vous n'allez pas le croire, monsieur le président - M. Millan a également été en charge de l'exploration en Nouvelle-Écosse pour le compte de Petro-Canada.

Le président: Comment avez-vous pu obtenir cet emploi sans avoir une mère, un oncle ou une tante originaires du Cap-Breton?

Le sénateur Buchanan: Qu'en savons-nous? Peut-être qu'il en avait. Je l'ai connu avant qu'il vienne ici.

Je trouve très intéressant de constater que vous êtes si avancé dans vos forages sur la terre ferme, et qu'il y a bon espoir que vous soyez très bientôt en mesure d'entrer en production à Terre-Neuve. Je l'ignorais.

Comme vous le savez, il y a des années que nous essayons de faire la même chose en Nouvelle-Écosse, c'est-à-dire au Cap-Breton, dans le comté de Pictou et dans le comté de Cumberland. Nous y avons un certain succès, mais insuffisant pour passer même près de produire. On s'est remis à la tâche. Comme vous êtes sans doute au courant, Norm Miller et un groupe d'associés font, en Nouvelle-Écosse, un certain travail de prospection qui, espérons-le, finira par porter fruit.

Avez-vous une idée de ce qu'ils y font actuellement? Sauriez-vous où ils en sont rendus?

M. Millan: J'étais davantage au courant de ce qu'ils faisaient au Nouveau-Brunswick. Tout ce nouveau dynamisme tient au fait qu'on y a mis sur pied une infrastructure de distribution. On y a installé un pipeline pour acheminer le gaz naturel.

Le sénateur Buchanan: Oui, c'est un fait.

M. Millan: On savait fort bien qu'on avait de très bonnes chances de trouver du gaz naturel en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard ainsi que dans le Sud-Ouest de Terre-Neuve. J'ai deux amis qui s'apprêtent à forer des puits au printemps dans le bassin carbonifère de Terre-Neuve. Leurs travaux seraient complémentaires à ceux qu'effectuent Norm Miller et son équipe en Nouvelle-Écosse. Rien n'est facile dans ce domaine, mais quelqu'un finira bien par trouver la clé du mystère.

Dans ce genre d'activité commerciale, l'information est le nerf de la guerre. Il y a actuellement un phénomène intéressant qui se manifeste, à savoir que l'action se déplace vers l'Est. Par exemple, nous avons maintenant dans notre équipe un partenaire qui nous vient de Calgary, qui s'occupe de ce nouveau puits dont nous avons entrepris le forage hier. C'est un jeune loup de Calgary qui gagnait sa vie auparavant à forer des puits de surface. Ces puits ne sont plus rentables, car les gisements du bassin de l'Ouest sont de moins en moins productifs, comme l'indiquent les résultats des travaux d'exploration. Le bassin est en déclin, et cela, depuis plus d'une décennie. Bien qu'il y ait encore dans cette région un grand dynamisme économique, les gens doivent commencer à chercher ailleurs. L'action se déplace généralement vers la côte Est.

Nous avons fait partie d'un groupe de gens d'affaires de la côte Est qui se sont présentés il y a six mois devant les financiers de Toronto. Nous y avons été très bien accueillis. Nous y avons mobilisé des capitaux, et nous y retournons la semaine prochaine. Assez étrangement, nous obtenons davantage de soutien des milieux financiers torontois que des gens de l'Alberta. Cela s'explique en partie par le fait qu'on y est un peu amer de voir le centre d'attraction se déplacer dans le domaine pétrolier. Tout comme moi, il y en a d'autres qui voient l'avenir avec optimisme. Si c'était facile, tout le monde le ferait. Ce ne l'est pas.

Le président: Avant de vous laisser partir, je dois vous dire que, comme géologue vers la fin des années 50, j'ai parcouru à pied une bonne partie de notre pays. Néanmoins, cela ne veut pas dire que j'ai marché au-dessus de beaucoup plus de champs pétrolifères que je n'en ai trouvé dans ma vie. C'est la première chose que je puis vous dire.

Quand vous avez mentionné les deux puits qui ont été forés récemment, dont le forage avait été amorcé par quelques Texans, je me suis dit que j'allais vous souhaiter bonne chance. À l'époque, le brut valait 1,70 $, et les levés sismiques n'étaient pas de très bonne augure. Nous avons pensé que vous auriez beaucoup de mal à trouver un sol perméable dans ce coin-là, quoiqu'il pourrait vous arriver d'avoir l'heur de trouver une fracture. Je serais curieux de savoir si vous avez seulement songé au forage horizontal. Vous avez parlé de formation calcaire fracturée, ce qui est bien le cas.

M. Millan: Ces champs s'apparentent à d'autres champs d'âge et de pétrographie similaires au Texas et en Oklahoma, les champs Ellenberger. Dans cette région, la porosité et la perméabilité du sol découlent de deux facteurs. Premièrement, les formations calcaires se sont transformées en dolomite. Deuxièmement, il s'y est développé un immense réseau de cavernes, qui présentent des conditions de perméabilité incroyables. Si on frappe juste, le sol peut se révéler extrêmement perméable et poreux.

Le président: Merci beaucoup de nous avoir donné un aperçu du ciel bleu dont on pourra peut-être jouir sur la terre ferme. Naturellement, si vous réussissez à cet endroit, il y a également la baie de Gaspé et tout le reste de la région entourant le golfe.

Le président: Chers collègues, nous allons maintenant entendre M. Edward Smith, du Newfoundland and Labrador Environmental Network, qui, je crois, se préoccupe principalement de la question de la gestion des déchets. C'est un sujet qui nous intéresse au plus haut point. Le témoin qui vous a précédé nous a parlé de la possibilité d'acheminer du gaz depuis les installations d'Hibernia. Vous êtes-vous déjà demandé s'il serait avantageux d'exploiter les émanations de gaz ou de méthane des dépotoirs de votre province?

M. Edward Smith, président du Comité de recyclage et de gestion des déchets, Newfoundland and Labrador Environmental Network: Je préférerais éviter d'aborder cette question. Il s'agit sans doute d'un projet viable.

Le Newfoundland and Labrador Environmental Network est un des nombreux groupes canadiens qui sont financés par le Réseau canadien de l'environnement, qui est lui-même financé par le ministère de l'Environnement. Nous sommes heureux du financement que nous recevons. Naturellement, nous souhaiterions toujours obtenir davantage, mais chaque réseau a droit à 18 000 $ par an.

Le réseau comme tel ne se prononce pas sur les questions environnementales. Nous sommes un réseau. Nous échangeons de l'information et sommes en communication avec d'autres groupes qui s'adressent à nous pour nous poser divers problèmes. Par exemple, des gens peuvent venir nous voir pour nous dire que le réservoir d'huile de chauffage de leur voisin est percé et fuit et nous demander ce qu'ils doivent faire et à qui signaler le problème étant donné que leur voisin ne veut pas nettoyer les dégâts. Un autre important problème qui a retenu notre attention dans notre province a été celui de la rivière Main.

Je suis président du Comité communautaire de recyclage et de gestion des déchets, un organisme bénévole sans but lucratif qui travaille d'arrache-pied à la recherche de solutions aux principaux problèmes environnementaux qui se posent dans notre province.

Je suis un environnementaliste déçu. J'ai fait carrière dans le domaine de l'éducation. J'ai enseigné pendant 15 ans. J'ai également reçu une formation de conseiller socio-psychologique et, à ce titre, j'ai travaillé sur de nombreux dossiers de justice sociale liés à des problèmes de dépendance. J'ai oeuvré auprès de gens qui étaient atteints du sida, et je me suis vraiment heurté à un mur les nombreuses fois où j'ai tenté de changer ou de faire bouger des structures sociales. J'ai vécu en Ontario, en Nouvelle-Écosse et au Québec, où j'ai vraiment pris conscience de ce qu'était notre pays. J'ai appris le français en 1973, à l'Université Laval, parce que je me sentais obligé de le faire.

Je ne suis revenu à Terre-Neuve que depuis peu. Dans notre province, nous avons l'impression de vivre dans un environnement vierge, où le territoire est immense, l'air est pur, l'eau potable est saine et les ressources forestières sont illimitées, mais je suis ici pour vous dire que rien n'est plus loin de la vérité.

Comme province défavorisée, nous avons pris énormément de retard. Il existe chez nous de réelles menaces à la santé humaine et animale ainsi qu'un chômage endémique. Nos jeunes quittent la province. Notre population vieillit. Je sais que c'est pareil dans d'autres régions du Canada, mais nous avons le sentiment que ces problèmes sont plus profonds à Terre-Neuve qu'ailleurs. Avec l'effondrement de la pêche, il devient de plus en plus difficile d'attirer des industries chez nous. Si j'affirme cela, c'est que je constate que notre assiette fiscale s'amenuise sans cesse pour les raisons que je viens juste de mentionner, et que nos municipalités ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts.

Je crois que certains de nos programmes de gestion des déchets sont devenus ingérables. Dans certaines localités, la stratégie de gestion des déchets se résume à une boîte d'allumettes pour mettre le feu au dépotoir. Rien d'autre. Il est plutôt effrayant de constater qu'au XXIe siècle, on en soit encore à agir de la sorte à Terre-Neuve, non pas que les gens des régions rurales ou isolées de Terre-Neuve soient mesquins, mais parce qu'ils n'ont tout simplement pas l'argent voulu pour se doter de programmes plus rationnels.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, nous avons 220 décharges publiques pour une population de 500 000 habitants. C'est bouleversant. Nous avons 52 fours wigwams, des cônes inversés érigés dans des dépotoirs. Vous y déversez vos ordures et y mettez le feu. Or, comme ces ordures renferment souvent des matières plastiques, vous produisez par le fait même des dioxines.

D'après les statistiques fédérales pour l'ensemble du Canada, 40 p. 100 de toutes les dioxines produites au Canada proviennent de Terre-Neuve. C'est donc dire que nous sommes vraiment dans une situation difficile. Ces dioxines proviennent de la combustion des matières plastiques, et il est prouvé que les dioxines sont cancérigènes.

Pas plus tard qu'hier soir, au cours d'une réunion de notre comité communautaire de recyclage, quelqu'un a signalé que, dans une localité située non loin de Corner Brook, trois personnes avaient la maladie de Lou Gehrig. Les trois avaient appris à peu près en même temps qu'elles en étaient atteintes. Or, il y a un incinérateur wigwam qui crache des toxines dans cette localité, laquelle est justement située dans le sens du vent par rapport à l'incinérateur. Il va sans dire que cette situation suscite de l'inquiétude. Il y a des cas de cancer dans ma famille, et je sais qu'il y a à Corner Brook de nombreuses personnes qui sont atteintes du cancer. Il y aurait vraiment lieu d'effectuer des recherches dans cette région pour voir si la présence d'un incinérateur est un facteur qui expliquerait l'incidence du cancer dans un rayon de 15 à 20 kilomètres de l'incinérateur en question.

J'aimerais qu'on resserre les normes concernant les émissions de dioxines. Dans mes notes, je mentionne que nous devrions effectuer des recherches adéquates, complètes et en profondeur. Nous sommes un organisme qui ne fonctionne qu'à temps partiel. Nous sommes des bénévoles qui oeuvrent au sein d'un groupe communautaire de recyclage, et nous ne demanderions pas mieux que de vous aider à réunir l'information voulue.

Nous nous sommes élevés contre l'incinération dans notre région. L'an dernier, certains de nos conseillers municipaux nous ont parlé d'une nouvelle méthode d'incinération à haute température que les comités régionaux de gestion des déchets solides, notamment ceux de Humber Valley et de la côte Ouest de la province, voulaient amener dans notre milieu. Ils ont essayé de convaincre les localités que ces nouveaux incinérateurs à haute température étaient merveilleux. Ils prétendaient que les cheminées de ces nouveaux incinérateurs étaient munis d'épurateurs-laveurs qui empêchaient les dioxines de s'échapper. Cependant, j'ai pu constater, d'après les recherches que j'ai moi-même menées, que cette nouvelle méthode produit des cendres hautement toxiques. Les vieux incinérateurs wigwams réduisent de moitié les déchets, mais les résidus s'accumulent dans les dépotoirs. Il se peut très bien que les nouveaux incinérateurs à haute température réduisent davantage le volume des déchets, mais les cendres qui restent sont hautement toxiques. Nous savons fort bien que les fines particules dont elles sont composées finissent dans les poumons des enfants et causent la leucémie. On en trouve la preuve dans les recherches dont j'ai pris connaissance.

Ces soi-disant incinérateurs moins polluants ont été interdits dans d'autres pays et en Europe parce qu'ils laissent des résidus de métaux lourds, comme le plomb et le cadmium.

Je crois que ces nouveaux incinérateurs à haute température doivent être vérifiés au regard de normes qui, sauf erreur, sont fédérales. Les émissions doivent faire l'objet de vérifications quatre fois par an. Cependant, nous constatons - et l'Île-du-Prince-Édouard en est un bon exemple d'après ce que j'ai compris en m'entretenant avec des environnementalistes de cette province - que les petites localités n'ont pas les moyens de payer pour ces vérifications très coûteuses. Il paraîtrait qu'une seule vérification coûte 25 000 $. Si on multiplie ce montant par trois ou quatre, puisque ces vérifications doivent être effectuées trois ou quatre fois pour une année, le coût en est exorbitant.

Il s'agirait d'un projet ambitieux, mais je me demande s'il ne serait pas possible d'interdire l'incinération des ordures ménagères partout au Canada. Je suis sûr que nombre d'entre vous savent déjà que cette possibilité a soulevé de vives controverses dans certaines provinces. J'ai habité Toronto. Dans le quartier de Q-Beach, je crois, il y a un incinérateur, et la population est très en colère de ce qu'on l'ait mis en marche malgré son opposition.

Notre comité est constitué d'un échantillon représentatif d'hommes et de femmes de divers groupes d'âge, d'étudiants en technologie et en sciences de l'environnement, d'aînés, ainsi que d'éducateurs comme moi-même. Nous nous sommes efforcés d'aller sensibiliser les gens à propos de la nécessité de recycler et de composter. Le 31 janvier dernier, nous avons soumis un projet au Multi-materials Stewardship Board, ici même, l'organisme qui reçoit les dépôts versés sur les cannettes de boisson gazeuse. Nous versons huit cents et on nous en rembourse quatre. Cet organisme en garde quatre qu'il place dans un fonds appelé le Waste Management Trust Fund. Cet argent est censé servir au financement de projets écologiques. De simples citoyens peuvent s'adresser à cet organisme en disant: «Nous avons une idée fantastique pour recycler les déchets. Donnez-nous un peu d'argent pour le matériel, et nous allons nous rouler les manches et faire le travail nous-mêmes dans notre collectivité. Nous allons agir dans les règles et en respectant comme il se doit les critères que vous aurez établis en matière de gestion financière.»

Notre projet consistait à fournir gratuitement 500 composteurs, mais un peu différemment de ce qu'on a fait en Nouvelle-Écosse. À Halifax, les responsables ont demandé aux citoyens 10 $ en échange d'un composteur d'une valeur de 40 $. On a dit aux gens qu'ils devaient placer ce composteur dans leur jardin et on leur a expliqué comment l'utiliser en leur mentionnant que, s'ils avaient des questions, il n'avaient qu'à composer tel numéro de téléphone. Ils ont distribué ainsi des milliers de composteurs.

À Corner Brook, trois membres de notre comité, dont moi-même, ont préparé cette demande en vue de fournir 500 composteurs. Il y a 8 500 ménages à Corner Brook.

À ma grande surprise, ma propriétaire m'a demandé un jour ce qu'était cette boîte noire que j'avais dans mon jardin. Elle ignorait à quoi elle pouvait bien servir. Je lui ai dit que c'était pour fabriquer du compost. Elle m'a demandé ce que c'était du compost. Je me suis dis, bon Dieu, je suis obsédé par les questions environnementales et j'oublie qu'il y a des hommes et des femmes à Terre-Neuve qui n'ont aucune idée de la façon dont s'effectue le compostage et qui ne savent pas si on peut mettre des coquilles d'oeuf et du marc de café dans un composteur.

Une autre idée de projet que nous avons eue consistait à détourner des tonnes de déchets du dépotoir de Wild Cove, qui est situé juste à la sortie de Corner Brook. Ce dépotoir est en train de se remplir et n'en a plus que pour entre cinq et sept ans. Avec l'arrivée des magasins-entrepôts qui sont venus s'établir dans notre localité, nous savons que ce délai pourrait être encore plus court. Nous nous sommes dit que nous avions là une excellente idée.

En 1998, BAE Newplan Group Ltd. a produit un rapport d'experts sur cette question, et cette firme a même recommandé qu'on fournisse aux gens des composteurs domestiques. Une telle mesure ne résoudra pas le problème, mais elle contribuera considérablement à sensibiliser les gens au recyclage et au compostage.

Le Western Regional Solid Waste Management Committee nous a écrit pour nous dire qu'il approuvait notre projet. Nous avons reçu une lettre des autorités municipales, et nous avons obtenu qu'un député provincial, l'honorable Eddie Joyce, nous envoie une lettre d'appui. Nous n'avons rien négligé pour présenter une proposition claire et détaillée qui contenait toutes les copies des documents d'appui. J'ai adressé ma demande au gouvernement, et le 15 novembre, M. Gordon Seabright, le président du MMSB, m'a écrit pour me dire que notre demande avait été rejetée.

Comme vous pouvez le voir, nous faisons de notre mieux. Notre proposition ne peut être qu'avantageuse pour la municipalité, pour la région, pour le milieu du bénévolat et pour le gouvernement provincial. Ça aurait été un bon point pour celui-ci, car il aurait pu y voir une occasion de montrer qu'il faisait quelque chose pour la collectivité. Pourtant, on n'en a pas moins refusé notre proposition.

Le bruit qui court, c'est que le MMSB est un ramassis de bureaucrates, de sous-ministres et de membres, qui sont des amis de l'équipe gouvernementale, mais qui ne sont ni justes ni objectifs dans leurs évaluations. J'aborde cette question au bas de la page 3 de notre mémoire.

Au sein du MMSB, il n'y a pas d'environnementalistes au franc parler qui, comme moi, ont le courage de venir de Corner Brook pour comparaître devant vous. Je tiens à me faire le porte-parole des environnementalistes. Je suis convaincu que cet argent est mal utilisé. Je regrette de devoir le dire, mais cet argent est simplement redirigé vers les circonscriptions des députés favoris de la Chambre d'assemblée ou vers des firmes d'experts-conseils et d'ingénieurs qui, soit dit en passant, peuvent se faire rembourser à même ce fonds toutes leurs dépenses d'administration et de main-d'oeuvre. On nous dit que, comme groupe environnemental, nous ne pouvons réclamer un sou pour notre loyer, nos frais de téléphone et de poste, et que nous devons assumer 50 p. 100 du coût de notre main-d'oeuvre quand nous réalisons un projet comme celui de fournir des composteurs aux citoyens.

J'ai beau me creuser les méninges, je me demande bien ce qui ne va pas dans tout cela, car il en a été tout autrement en Nouvelle-Écosse, où il y a un projet de distribution de composteurs.

Je ne crois tout simplement pas que les fonctionnaires du ministère provincial concerné à qui on demande de prendre ce genre de décisions aient la compétence voulue en matière de technologie et de sciences environnementales pour pouvoir le faire judicieusement. Je ne suis ni partisan ni adversaire d'aucun parti politique et j'ai tout respect pour le processus politique, que je comprends parfaitement d'ailleurs. Cependant, quand on viole le droit fondamental des citoyens d'obtenir des fonds publics pour la réalisation de projets écologiques, cela me contrarie drôlement. Il doit certainement y avoir une meilleure façon de faire que celle-là. Notre province est dans une situation désastreuse en matière d'environnement. Pour vous en convaincre, vous n'avez qu'à soulever une roche pour voir ce qui s'y trouve.

Tous nos membres sont bénévoles. Ils ne demandent pas d'être payés pour les services qu'ils rendent. Ils veulent donner à leur collectivité, être à son service. Nous tenons simplement à contribuer à la préservation de l'environnement.

J'ai honte de devoir le dire, mais j'ai participé à une tribune téléphonique en compagnie de notre ministre de l'Environnement. Je ne voudrais en aucune façon l'offenser, mais il me semble qu'il n'y a pas moyen d'obtenir de réponse sans qu'on brasse la cage et qu'on tape du poing sur la table.

Pourquoi ne pourrions-nous pas travailler de concert entre citoyens, en discutant et en nous servant de notre raisonnement, en mettant les fonds verts à la disposition de ceux qui veulent réaliser des projets écologiques et en nommant des responsables qui sauraient évaluer les projets en toute justice et objectivité sur la base du mérite et non en fonction du nom de la personne qui figure sur la demande? Je crois être juste et objectif en affirmant ces choses.

J'ai eu maille à partir à ce sujet avec certains membres de notre conseil municipal, mais les choses s'améliorent actuellement. Nous venons juste d'avoir, Dieu merci, des élections municipales. Nous avons maintenant de tout nouveaux élus aux idées nouvelles. J'ai eu également des différends avec certains députés provinciaux, notamment le député Gerry Byrne. Je me suis adressé à lui pour demander de l'aide, et j'ai été mal accueilli. On m'a traité d'environnementaliste. J'ai l'impression que, pour certaines raisons, on n'apprécie pas outre mesure les environnementalistes.

Afin de pouvoir lutter contre le mépris du gouvernement provincial à l'endroit des militants environnementaux comme moi, notre comité a essayé d'obtenir auprès du gouvernement fédéral le statut d'organisme de bienfaisance enregistré. Nous nous sommes engagés à recueillir et à mobiliser nous-mêmes des fonds pour des projets environnementaux dans notre collectivité, à ne pas aller importuner le gouvernement provincial. Nous avons été à même de constater que le gouvernement du Canada avait de sérieuses réserves à l'endroit des groupes environnementaux qui sollicitent le statut d'organisme de bienfaisance enregistré.

Cette question a été soulevée le 4 décembre dans le cadre de l'émission Disclosure sur la chaîne CBC. On y a interviewé à ce sujet M. George Barkhouse, de Toronto, qui a tenu à aller au fond de toute cette histoire. Les auditeurs n'ont peut-être eu droit qu'à une version de l'affaire, mais l'émission leur a permis d'apprendre qu'effectivement, le gouvernement du Canada avait à l'oeil les groupes environnementaux qui demandent le statut d'organisme de bienfaisance enregistré. J'ai communiqué avec les représentants d'autres groupes environnementaux d'un peu partout au Canada, et j'ai été à même de constater qu'ils avaient eux aussi du mal à obtenir ce statut.

C'est pourquoi je prie votre comité sénatorial de présenter un projet de loi visant à faciliter aux groupes communautaires qui se préoccupent de l'environnement l'obtention du statut dont bénéficient les organismes de bienfaisance enregistrés au Canada, ne serait-ce que sur une base temporaire, afin que nous puissions montrer au gouvernement fédéral que nous ne sommes pas des idiots. Nous tenons à convaincre le gouvernement que nos activités sont légitimes et que nous nous efforçons authentiquement de sensibiliser les gens aux questions environnementales.

Le sénateur Buchanan: Aucun groupe environnemental canadien ne bénéficie de ce statut actuellement?

M. Smith: Il y en a un certain nombre, mais la notion de «groupe de défense» semble désarçonner le gouvernement fédéral. Si j'ai bien compris, au plus 10 p. 100 des activités d'un groupe enregistré peuvent être de nature politique, mais, d'après ce qui s'est dit à l'émission de la CBC, certaines organisations environnementales ou autres qui ont le statut d'organisme de bienfaisance enregistré consacrent une proportion plus importante de leurs fonds à ce genre d'activités. Il y en a peut-être qui vont un peu trop loin en ce sens. Ces organisations ne s'en tiennent pas à sensibiliser les gens à propos de l'environnement; elles brassent la cage, ce qui doit également être fait.

Il nous faut également frapper à la porte des sociétés privées. S'il y a des groupes légitimes qui veulent se dévouer pour servir leur collectivité, pourquoi n'obtiendraient-ils pas le statut d'organisme de bienfaisance enregistré?

Le sénateur Buchanan: Si je ne m'abuse, l'Ecology Action Centre, à Halifax, possède le statut d'organisme de bienfaisance enregistré. Je crois que cet organisme remet des reçus aux fins de l'impôt.

M. Smith: Vraiment?

Le président: Je crois qu'il y a du vrai dans ce que dit le témoin à propos de la notion des groupes de défense, car j'ai eu l'occasion d'avoir affaire à ce genre de problème dans le passé. On se méfie des groupes de défense, mais pas uniquement des groupes environnementaux. Il y a des groupes qui militent en faveur de causes sociales, comme le droit à l'avortement, et quelques autres qui ont eu le même problème. Ce qu'on leur reproche, c'est d'essayer de vendre une idéologie.

Il s'agit là d'un aspect très technique, et le Sénat n'est peut-être pas le mieux placé pour en traiter. Il peut présenter des projets de loi, mais pas des projets de loi dont l'adoption entraîne des dépenses. Il peut s'attaquer à des questions morales ou réclamer des modifications à la Constitution, mais il ne peut présenter de projet de loi qui coûte quelque chose au contribuable. Cela ne diminue toutefois en rien la valeur de vos arguments, et je crois que vous soulevez là un aspect sur lequel nous devrions nous pencher. Si vous voulez parler d'interprétation d'un règlement qui existe déjà, nous pourrions peut-être vous être utile.

M. Smith: Le mot-clé, monsieur le président, c'est «éducation». Nous avons compris qu'un groupe consultatif du nom d'IMPACS a parcouru le Canada. Il est à préparer un rapport. Nous avons eu une rencontre ici même à St. John's il y a six ou huit semaines, et nous avons constaté que les gens qui soumettent des demandes reçoivent des réponses différentes selon les personnes qui sont amenées à traiter leur demande.

Le président: Il serait peut-être sage d'examiner la possibilité pour vous de fusionner avec un groupe qui possède déjà le statut d'organisme de bienfaisance enregistré. Ce pourrait être une façon de contourner le problème. Il existe probablement à Terre-Neuve des groupes qui ne sont pas très actifs, mais qui ont un numéro d'enregistrement leur permettant de remettre des reçus d'impôt pour dons de bienfaisance.

M. Smith: Il s'agit là d'une très bonne suggestion, qui nous a d'ailleurs déjà été faite. Des gens se sont mis à cogiter et nous ont dit que de fusionner avec un organisme établi qui détient le statut d'organisme de bienfaisance enregistré serait une façon pour nous, comme groupe environnemental, de commencer à travailler en partenariat avec d'autres groupes environnementaux.

Je présume que le Sénat n'aime pas commenter des questions de compétence provinciale, mais l'environnement relève du gouvernement fédéral.

Je ne sais trop que faire. Nous faisons de notre mieux comme citoyens et nous présentons des demandes. Naturellement, le processus politique m'est familier, mais nous sommes infiniment déçus. Je collabore avec d'autres environnementalistes qui militent depuis 20 ou 30 ans et qui me disent de me faire à l'idée, mais je ne vois pas pourquoi on ne nous accorderait pas une petite part du gâteau. Je serais bien heureux qu'on me renseigne sur les stratégies, suggestions et projets qui ont fonctionné ailleurs.

Le président: Nous allons essayer de vous prêter main-forte pour la suite des choses. Je tiens à vous féliciter pour votre acharnement à vous cogner la tête contre les murs. Il arrive parfois que les murs s'écroulent. Nous allons faire de notre mieux pour vous aider.

Le sénateur Adams: Combien de membres votre organisation compte-t-elle?

M. Smith: Nous avons 22 membres.

Le sénateur Adams: Un bon nombre des organisations qui viennent à Ottawa pour faire pression sur le gouvernement, comme les groupes de défense des droits des animaux, ont énormément d'influence.

M. Smith: J'essaie de respecter le fait que nombre de nos membres sont des gens modérés. Ils aiment participer à des réunions pour soulever des questions. Ils ne sont pas du genre à porter des pancartes, à prendre d'assaut l'hôtel de ville et à taper du poing sur la table. Je suis allé bousculer des gens à l'hôtel de ville, et j'ai fait bouger les choses, mais je ne voudrais pas imposer à nos membres ma façon de faire. Ces gens sont beaucoup plus réservés et tiennent généralement à respecter les procédures, à soumettre des demandes en bonne et due forme et à attendre patiemment une réponse.

Quand nous y regardons de plus près, nous constatons que, si on rejette invariablement nos demandes, c'est que nous ne sommes tout simplement pas du bon bord. Oui, une bonne partie des fonds verts est versée aux municipalités qui en ont besoin, mais ces fonds étaient censés aller au financement de projets communautaires, et non remplacer les crédits gouvernementaux.

Le sénateur Adams: Vous avez parlé de composteurs. Peut-être que les résidents de vos localités auraient besoin de plus de formation à cet égard. Il faudrait qu'ils sachent qu'un fort pourcentage de leurs ordures peuvent être compostées.

M. Smith: Tout à fait.

Le sénateur Adams: Savez-vous dans quelle proportion il serait possible de réduire les déchets dans l'avenir? Vous avez dit qu'il y avait 220 décharges publiques dans votre province.

M. Smith: Oui, 220 dépotoirs dans l'ensemble de la province, en incluant le Labrador. Je vous le rappelle, 30 p. 100 des ordures sont organiques. Les cartonnages représentent un large part de l'ensemble des déchets. Ce sont les ordures ménagères qui dégagent une senteur dans les dépotoirs - les matières organiques qui pourrissent, et non les cartonnages qui se décomposent.

Certes, il y a une senteur qui se dégage de notre compost, mais qu'importe. La plupart des gens placent le composteur dans leur jardin, et ils peuvent y verser des feuilles et des résidus de jardinage également. C'est une bonne chose, et toute la famille peut participer à l'exercice. Cependant, nous savons que ce n'est pas là «la solution» pour notre collectivité. Un programme municipal de compostage serait l'idéal, mais l'application d'un tel programme prend du temps. Pour le moment, nous voudrions à tout le moins sensibiliser la population et l'amener à avoir pour mentalité de se préoccuper de la qualité de l'environnement.

Je le répète, les Terre-Neuviens ont généralement tendance à se dire qu'on n'a qu'à aménager d'autres dépotoirs, étant donné l'immensité du territoire.

Nous leur disons que non, qu'il n'est pas acceptable d'empiéter ainsi sur l'habitat des animaux. Les gens commencent à comprendre, et ce sont des projets comme celui que nous proposons qui pourront les conscientiser davantage.

Il y a de nombreux enfants qui sont déjà entrés dans le jeu dans nos écoles. À l'école C.C. Loughlin de Corner Brook, il y a des composteurs carrément dans les classes de 2e et 3e année et, rendus à la maison, les élèves en parlent à leurs parents. Nous savons tous qu'il n'y a pas de meilleurs publicitaires que les enfants. McDonald adresse sa publicité aux enfants, et non aux parents, car ce sont les enfants qui mènent les parents. C'est le rôle que jouent ici les écoles, du moins une de nos grandes écoles primaires de Corner Brook.

Nous croyons avoir de bonnes idées, mais il manque un maillon à la chaîne: le gouvernement n'est pas de la partie. Je me suis rendu à la Chambre d'assemblée aujourd'hui même pour tenter d'y rencontrer le ministre. Je retournerai le voir après cette séance, et je vais lui parler calmement et respectueusement de la façon dont nous pourrions travailler en collaboration.

Le sénateur Adams: Qu'en est-il des restaurants comme les McDonald ou les Burger King? Ils recyclent. Qu'en est-il des règlements municipaux?

M. Smith: Nous avons exercé avec succès des pressions concernant l'interdiction de mettre aux déchets les cartonnages dans notre localité de Corner Brook, et cette interdiction sera en vigueur à compter du 1er janvier 2002. Vous avez là un de ces cas où ma manie de taper du poing sur la table et les pressions des autres membres de notre comité y ont été pour quelque chose.

Nous aimerions bien voir implanté un programme municipal de compostage, et le projet de compostage que nous proposons serait un pas dans la bonne direction. La responsabilité dans ce domaine incombe en partie aux conseils communautaires, dans notre cas, au conseil de ville, mais, là encore, il nous faut faire un certain travail d'éducation auprès des gens qui travaillent à l'hôtel de ville. Ils nous disent constamment que le gouvernement provincial ne leur alloue aucun fonds pour financer ce genre de projet. Quand nous nous adressons aux responsables provinciaux, ils nous disent qu'ils ne reçoivent pas suffisamment d'argent du gouvernement fédéral. Nous nous demandons bien pourquoi les excédents du fonds d'assurance-emploi ne pourraient pas servir en partie à financer des projets écologiques, par exemple pour la construction d'usines de traitement des eaux usées. La réalisation de tels projets créerait de l'emploi et bénéficierait à l'ensemble de la collectivité. Nous ne voulons pas que les gouvernements gaspillent de l'argent pour ouvrir des sentiers ou réaliser d'autres projets de création d'emplois en trompe-l'oeil.

Le sénateur Adams: Vous avez parlé d'incinération. Là où je vis dans l'Arctique, il fait très froid, et nous avons du mal à nous débarrasser de nos ordures ménagères. En raison de la rigueur du climat, les ordures pourraient demeurer enfouies dans le sol pendant des siècles sans pourrir. Vous avez dit que les techniques d'incinération à haute température ne permettaient pas d'éliminer les cendres porteuses de dioxines. Entretenez-vous d'autres craintes concernant l'incinération à haute température?

M. Smith: Bien entendu, les vendeurs d'incinérateurs à haute température vous diront que le système est efficace. Par contre, les environnementalistes européens avec qui nous nous entretenons par courriel nous disent que ces vendeurs ont la berlue, que les dispositifs de récurage et tous ces mécanismes qui se trouvent dans les cheminées n'empêchent pas les dioxines de s'échapper. Même s'ils le faisaient, il nous resterait encore des cendres résiduelles, et que ferions-nous de ces cendres à Corner Brook? Nous irions les porter directement au dépotoir. Or, les vents prédominants se chargeraient du reste, et ces particules très fines iraient se loger dans les poumons de nos enfants.

Comme je l'ai déjà mentionné, il s'est effectué abondamment de recherches dans ce domaine. Si seulement j'avais eu un peu plus de temps pour me préparer, j'aurais pu joindre à mon mémoire des notes afin de vous montrer toute l'horreur de ce qu'ont pu constater les chercheurs. Certains pays ont tout simplement interdit ces incinérateurs à haute température. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ne constituent pas une panacée.

Le président: À la page 2 de votre mémoire, vous faites allusion aux 220 décharges publiques et à votre demi-million de population. Vous avez également indiqué que vos 52 incinérateurs wigwams généraient 40 p. 100 de toutes les émissions de dioxines au Canada. Compte tenu du fait que les vents prédominants vont d'ouest en est, ces dioxines peuvent-elles être transportées aussi loin qu'en Irlande? Que se passe-t-il si elles se retrouvent dans l'océan? A-t-on pu observer des traces de dioxines dans la faune et la flore maritimes?

M. Smith: Il y a six ou huit semaines, on faisait état, dans un article paru dans The Western Star, notre quotidien local, du fait qu'on avait décelé la présence de kystes dans la chair d'un orignal ou d'un caribou, ce qui a eu pour effet d'effrayer les gens. C'est qu'on se dit que ce qui s'est peut-être produit, c'est que des dioxines sont allées se déposer sur la végétation dont se nourrissent les animaux.

Pour ce qui est de l'autre partie de votre question, je n'en sais rien, bien honnêtement. Je vais me renseigner à ce sujet.

Le président: Les dioxines ont coutume de se retrouver très rapidement dans la flore et la faune marines, que ce soit dans les cours d'eau ou dans l'océan. Étant donné qu'une bonne partie des gens d'Europe de l'Ouest consomment des produits de la mer pêchés sur les Grands Bancs de Terre-Neuve, peut-être que ces Européens deviendraient les alliés tout naturels que vous recherchez pour exercer des pressions politiques s'ils apprenaient que des dioxines se retrouvent dans les aliments qui leur viennent de cette région.

M. Smith: Vous avez là une excellente idée.

Le président: Je devrais peut-être mentionner que les sénateurs Sibbeston et Adams sont des personnes que vous auriez avantage à écouter, parce qu'ils viennent du nord de notre continent. Leur région est aussi peu densément peuplée que Terre-Neuve, et je crois qu'il y a une grande similarité entre vos deux régions sur le plan géologique, en ce sens que vos dépotoirs ne se drainent pas très bien. On y trouve dans les deux cas une combinaison de pergélisol et de sédiments précambriens.

Le sénateur Sibbeston: On a l'impression que le Nord est vierge, étant donné qu'on y est loin des grandes industries et de toute cette pollution qui existe dans notre pays, mais je suis étonné de constater l'abondante pollution que les vents prédominants charrient jusqu'au fin fond de l'Arctique. Ces vents prennent les émanations polluantes que dégagent les régions industrialisées de notre pays et les transportent vers le Nord, où elles sont absorbées par la faune, puis par le caribou qui se nourrit de la faune. Or, vu que les gens du Nord mangent beaucoup de caribou et de viande de ce type, les polluants finissent par se loger dans leur organisme. J'ai lu des articles où l'on signalait que la présence de toxines dans le lait des mères qui allaitent leurs enfants finissait par contaminer ceux-ci.

Alors que nous pensons vivre loin de la pollution, force nous est de constater que les industries et les gens du Sud polluent lentement mais progressivement le Nord. L'étendue de cette pollution me préoccupe.

En ce qui concerne la situation dans votre province, je constate que, malheureusement, vous êtes déçus et que vous avez le sentiment que les gouvernements ne se préoccupent pas beaucoup de la question. Est-ce parce qu'ils n'ont pas suffisamment d'argent? D'accord, Terre-Neuve n'est pas une province riche. Mais le problème tient-il vraiment au manque d'argent ou simplement au fait que nous avons l'impression qu'il n'y a pas à s'en faire puisque nous vivons dans un pays immense qui n'est pas surpeuplé? Se montre-t-on plus indifférent à l'égard du problème de la pollution dans le cas des régions les moins peuplées du Canada?

M. Smith: Non. Le Waste Management Trust Fund est assez bien garni, merci. Sauf erreur, entre 3 et 5 milliards de dollars y sont accumulés. Il semble bien que le problème tienne plutôt à la façon dont l'argent est distribué.

La perception qu'on se fait des questions environnementales commence à changer à Terre-Neuve. Certaines collectivités sont maintenant beaucoup mieux organisées et attachent de plus en plus d'importance à ce qui est considéré comme étant sain pour l'environnement. On peut voir aujourd'hui en milieu rural de vieux capitaines ramasser les cannettes et les retourner pour obtenir le remboursement parce qu'ils savent que c'est bon pour l'environnement. Par ailleurs, il faudrait éduquer davantage les gens à cet égard, car il y en a qui participent aux efforts de recyclage, mais uniquement pour l'argent, et non parce que c'est souhaitable sur le plan écologique.

Nous entendons souvent des gens nous encourager à réclamer que notre carton soit recyclé chez nous. Nous l'expédions à Hantsport en Nouvelle-Écosse, en fait pour qu'il y soit transformé. Les gens demandent s'ils obtiendront de l'argent pour apporter leur carton. Eh bien, non. Ils devraient le faire pour le bien de l'environnement.

Le fonds a été controversé. En Nouvelle-Écosse, il semblerait qu'on a distribué judicieusement les recettes provenant des dépôts sur les bouteilles et les cannettes. Il nous faudrait mieux faire les choses chez nous. En fait, la Nouvelle-Écosse a été la seule province du Canada qui soit parvenue à réduire de moitié ses déchets en l'an 2000.

Il y a six mois, nous avons fait venir à Corner Brook deux des principaux experts néo-écossais en rudologie: M. Barry Friesen, qui est directeur de la gestion des déchets pour le gouvernement provincial, et Brian Smith, qui est directeur de la gestion des déchets pour la municipalité régionale de Halifax. Nous leur avons demandé ce qu'ils avaient fait pour connaître un tel succès. Ils nous ont tout simplement répondu que ça allait nous coûter cher.

Notre province a besoin d'emplois, et ses résidents sont de bons travailleurs. Il me semble qu'on pourrait si facilement régler le problème en nous allouant une partie du fonds de l'assurance-emploi. Je ne saurais toutefois vous préciser comment cela pourrait fonctionner.

Les attitudes sont en train de changer parce que les questions environnementales sont abordées dans les écoles primaires et secondaires. Cependant, l'accès au financement demeure un problème, car les municipalités nous disent qu'elles n'ont pas l'argent voulu, par exemple pour purifier les eaux d'égout brutes qui se déversent dans la baie des Îles à Corner Brook. Pourtant, notre industrie touristique veut offrir des excursions en bateau-mouche. Nous assistons à l'avènement d'une nouvelle génération de touristes - les écotouristes. Quand ceux-ci s'amènent dans un centre de villégiature, la première chose qu'ils nous demandent, c'est ce que nous faisons de nos déchets, de nos eaux usées. Nous sommes forcés de leur répondre que nous les déversons dans la baie. Ils réagissent en nous confiant qu'ils ne sont pas certains d'avoir le goût de nous revenir.

Le sénateur Sibbeston: Terre-Neuve est responsable de 40 p. 100 des émissions de dioxines au Canada. Que font les autres provinces pour avoir un bilan moins négatif à cet égard?

M. Smith: En Nouvelle-Écosse, on a divisé le territoire en six zones, et on a mis sur pied des comités de gestion des déchets. On y a aménagé des installations de compostage et installé des dépôts de matières recyclables. On y a produit des vidéos éducationnels et publié du matériel d'information pour sensibiliser les gens.

Les autorités de la municipalité régionale de Halifax projetaient d'aménager une immense décharge publique toute nouvelle. La population a bloqué la réalisation du projet, parce qu'elle voulait qu'on trouve un meilleur moyen de se débarrasser des déchets. Cet événement a servi de catalyseur au processus, et la Nouvelle-Écosse est maintenant le chef de file dans ce domaine. Je crois comprendre que l'Ontario a également un programme très efficace de recyclage.

J'ignore comment les autres territoires fonctionnent en matière d'incinération. Je crois que dans l'une des provinces où il y a eu un changement de gouvernement, les autorités voulaient revenir à l'incinération, qu'elles considéraient comme étant un moyen peu coûteux et efficace de se débarrasser des déchets. Toutefois, en invoquant les risques pour la santé, la population s'y est opposée.

Dans l'Ouest, je sais que, dans certains incinérateurs, on brûle les déchets dangereux d'origine domestique, ce qui est un véritable problème. Que fait-on des solvants à peinture? Il existe peut-être d'autres moyens de décomposer biologiquement ces substances, des méthodes plus saines pour l'environnement, que de les brûler ou de les incinérer pour s'en débarrasser. À Corner Brook, ces déchets dangereux se retrouvent actuellement dans notre dépotoir. Les insecticides, les électrolytes d'accumulateur, les diluants pour peinture, tout est déposé dans notre centre d'enfouissement des déchets.

D'autres provinces sont plus avancées que la nôtre en ce qui a trait aux taux de récupération. En Alberta et en Saskatchewan, une forte proportion des gens rapportent leurs contenants en vertu de formules de dépôt-remboursement. Ces provinces gèrent ces programmes très efficacement. Ici, à Terre-Neuve, on note une nette amélioration depuis que le dépôt exigé est passé de six à huit cents. Le changement est survenu au cours de la dernière année. Notre province fait donc des progrès.

Nous avons forcément à cet égard un problème particulier à Terre-Neuve, étant donné que nos localités sont si éloignées les unes des autres. Comment composer avec cette réalité? Existe-t-il une façon innovatrice de recueillir nos matières recyclables, d'encourager le compostage, malgré les grandes distances qui séparent nos collectivités? Nous sommes portés à nous inspirer de programmes de recyclage qui sont réalisés dans des régions densément peuplées, mais qui ne fonctionnent pas aussi bien dans de petites localités.

Le président: Je connais la méthode qu'on a mise au point à Edmonton, qui semble être le fin du fin en matière de gestion des déchets. Peut-être que le sénateur Taylor serait mieux placé que moi pour vous en parler. Je sais qu'on y a une façon rentable de traiter les déchets et qu'il y a de l'argent à faire avec ce système.

Ne sachant plus que faire de tous leurs déchets, les autorités de la ville Toronto se demandaient si elles devaient les envoyer par rail dans le nord de l'Ontario ou aux États-Unis. Elles ont examiné ce qui se faisait à cet égard à Edmonton. Il me semble qu'il y a des endroits où l'on a eu la main heureuse dans la façon de gérer les déchets.

M. Smith: Absolument. Guelph, Annapolis Royal et la Nouvelle-Écosse en sont d'autres exemples. Ce sont autant d'endroits où on a trouvé des façons innovatrices de traiter les déchets. Dans notre province, il semble bien que le financement soit le plus grand problème à surmonter, car les municipalités ont déjà de la difficulté à joindre les deux bouts.

L'un des facteurs qui vient compliquer les choses en ce qui touche le financement chez nous, c'est que notre population va diminuant. Par exemple, celle de notre ville est passée, depuis environ 1980, de 30 000 à 22 000 habitants. Sans compter que nous avons une population vieillissante. Nombre de nos jeunes gens quittent la province après avoir terminé leurs études dans nos collèges ou universités. Le virage environnemental se trouve freiné du fait que notre assiette fiscale est de plus en plus réduite. Les gouvernements disposent de moins d'argent pour les programmes de recyclage et de compostage.

Le président: En Alberta, nous avons des installations d'élimination des déchets dangereux. Sauf erreur, on chauffe à l'extrême les furanes pour les décomposer. On fait monter à plus de 1 000 degrés la température dans les incinérateurs, ce qui, je crois, permet de décomposer les furanes. Cette méthode vous est-elle familière?

M. Smith: Seulement vaguement. J'en ai discuté avec des participants à la dernière conférence environnementale à Antigonish, en Nouvelle-Écosse. D'après les recherches effectuées en Europe, je crois comprendre que, oui, les furanes peuvent être décomposées, mais des dioxines se forment quand même au sommet des cheminées, et on en retrouve des résidus dans les cendres. Je me demande ce qu'on en fait.

Le président: Je crois qu'on les mélange avec de l'eau salée pour en faire une boue qu'on enfouit ensuite sous terre, disons à un mille de profondeur, et qui finit par former une nappe aquifère salée. Je suppose qu'éventuellement, quelqu'un pourrait trouver une façon d'utiliser cette eau salée, auquel cas il faudrait sans doute lui faire subir une forme quelconque de recyclage.

L'autre jour, nous discutions avec des gens qui s'occupent d'élimination de déchets provenant des centrales nucléaires. La France utilise maintenant environ 75 p. 100 de ses déchets. Autrement dit, on peut se débarrasser de ses déchets, mais le mieux, c'est de mettre au point des méthodes de réutilisation des déchets pour la fabrication de biens utiles. Par exemple, le cynanure est utilisé dans l'exploitation des mines d'or.

Il y a eu des plaintes concernant le transport des matières dangereuses. Les gens appréhendent que leur auto ou leur camion ne heurte un véhicule transportant des matières dangereuses et que celles-ci se répandent sur la route. Cependant, la technique de combustion à très haute température semble être efficace pour détruire ces déchets dangereux.

M. Smith: Oui, mais la solution idéale serait au départ d'éviter d'utiliser certains de ces produits. Il nous faut changer notre mentalité à cet égard. Pourquoi ne pas employer du bicarbonate de soude plutôt que des produits courants de nettoyage, mais il y a des gens qui croient mordicus qu'il leur faut utiliser de tels produits. Il n'est pas toujours nécessaire de les utiliser.

Le sénateur Eyton: J'ai lu la documentation que vous nous avez remise. Votre réseau me semble être fort utile. Je vois mal quelqu'un affirmer qu'il ne rend pas service. Les gens qui en font partie ont à coeur un objectif fort louable, et il est important que, dans une province où la population est aussi éparpillée et où il est souvent difficile de réunir les gens, on leur donne les moyens de communiquer leurs idées.

Votre réseau me semble non seulement valable mais également peu coûteux. Il faudrait qu'une personne se montre bien peu objective pour affirmer le contraire. Votre organisation mérite d'être encouragée parce qu'elle ne coûte vraiment pas cher. Ce qu'il faut se demander, c'est combien d'argent il lui faudrait pour pouvoir prendre de l'essor et être pleinement efficace. À quel niveau de financement songez-vous, car, de toute évidence, votre problème semble en être un de financement, d'après ce que j'ai lu dans vos documents. Vous ne me semblez pas être trop exigeant.

M. Smith: On nous accorde actuellement 18 000 $ par an. Ce montant sert à couvrir mon salaire, le loyer, la papeterie, les frais postaux et la totalité de nos dépenses. Avec un tel montant, nous ne pouvons exercer nos activités que quatre heures par jour. Nous sommes reconnaissants au ministère de l'Environnement pour l'argent qu'il alloue au Réseau canadien de l'environnement, le groupe de coordination. Il vient tout juste de signer une entente en vertu de laquelle le ministère doublera le montant de financement qu'il avait obtenu pour le dernier exercice. J'ai oublié le chiffre. Je crois qu'il s'agissait de 900 000 $ pour l'ensemble des réseaux.

Le sénateur Eyton: S'agit-il de financement fédéral?

M. Smith: Il s'agit en effet de fonds que le ministère fédéral de l'Environnement verse au Réseau canadien de l'environnement.

Je joue deux rôles. Je suis le coordonnateur du réseau, mais je préside également un groupe communautaire de recyclage. Le Newfoundland and Labrador Environmental Network ne prend pas parti sur des questions...

Le sénateur Eyton: J'ai lu cela dans votre documentation. J'en ai pris connaissance.

M. Smith: Nous avons besoin de plus d'argent. Avec le double de ce que nous obtenons actuellement, nous pourrions survivre et exercer nos activités huit heures par jour.

Le sénateur Eyton: Si j'ai bien compris, vous avez demandé de l'argent aux autorités provinciales, mais on ne vous a rien accordé.

M. Smith: Nous n'avons rien obtenu. C'est ma deuxième année au service du réseau terre-neuvien. Je suis revenu à Terre-Neuve en décembre 1999 et j'ai commencé à travailler en novembre 2000. À ma connaissance, il n'y a pas de fonds provincial de prévu à cette fin.

J'ai parfois l'impression qu'on nous perçoit comme des ennemis, même si le réseau ne fait que diffuser de l'information et amener des gens à se réunir.

Le sénateur Eyton: Je me proposais d'aborder la question de l'«inimitié» plus tard.

Peut-être serait-il habile de votre part de demander aux autorités provinciales de doubler les 18 000 $ que vous verse le gouvernement fédéral. Votre réseau serait alors en mesure de communiquer avec ses membres.

M. Smith: Oui, une alliance étroite avec le gouvernement provincial serait une excellente idée. Nous allons soumettre cette suggestion à notre comité de direction et demander aux membres de ce comité s'ils sont disposés à y donner suite. Toutefois, compte tenu des efforts que les groupes membres ont déployés en vain pour essayer d'obtenir du financement, comme dans l'exemple que je vous ai donné tout à l'heure, il se pourrait que nous soyons un peu las de quémander.

Le sénateur Eyton: Vous signalez dans votre documentation que vous avez du mal à obtenir le statut d'organisme de bienfaisance enregistré. La plupart des gens vous appuient. La définition habituelle d'«organisme de bienfaisance» vous convient de toute évidence. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on ne vous accorde pas ce statut. Il me semble que votre suggestion qu'on vous accorde au moins provisoirement cette désignation, quitte à ce qu'il ne s'agisse que d'une période d'essai conditionnelle, est on ne peut plus raisonnable. Je ne vois pas pourquoi le comité ne reconnaîtrait pas que vous y avez droit. Ce me semble être une demande toute naturelle, qui n'est nullement tirée par les cheveux.

M. Smith: Tout à fait, et nous allons prouver que nous méritons ce statut, que nous nous vouons à l'accroissement de la conscience environnementale. À force de demander à d'autres groupes s'ils ont fait une demande et de voir lesquels ont été acceptés et lesquels ne l'ont pas été, nous nous familiarisons lentement avec la question. L'expression «groupe de défense» désarçonne littéralement le gouvernement fédéral, car il a peur de ces groupes.

Le sénateur Eyton: Vous constituez un réseau, et je n'arrive pas à imaginer pourquoi on ne vous appuierait pas. Je crois que notre comité reconnaîtra avec moi que vous devriez peut-être exercer encore plus de pressions. C'est ce que vous devriez faire.

Ce matin, nous avons accueilli des représentants de la Newfoundland Environmental Industry Association. Nous avons donc entendu parler d'environnement à deux reprises aujourd'hui, à savoir par des porte-parole de l'association de l'industrie et par vous-même au nom de votre réseau. Vous connaissez sans doute ces gens. Travaillez-vous en collaboration avec eux? Si oui, vos rapports sont-ils constructifs, utiles?

M. Smith: Voulez-vous parler de Charlie Riggs?

Le sénateur Eyton: En effet.

M. Smith: Je me suis entretenu avec lui. Comme je vous l'ai déjà mentionné, je ne suis de retour à Terre-Neuve que depuis deux ans. Notre comité de recyclage a collaboré avec la NEIA quand nous avons fait venir les deux experts de la Nouvelle-Écosse. Nous avons approché un des représentants du ministère de l'Environnement à Terre-Neuve et lui avons demandé si son équipe souhaitait être de la partie. Nous avons demandé aux représentants de la NEIA s'ils aimeraient aussi entendre ces deux experts de la Nouvelle-Écosse, et ils se sont montrés intéressés.

Les deux experts ont pris le petit déjeuner avec les représentants de la NEIA à leur arrivée à Terre-Neuve, après avoir visité Corner Brook. Des alliances utiles se sont conclues à cette occasion, où des ingénieurs et des experts-conseils de nos deux provinces ont pu dialoguer et où les nôtres ont pu s'enquérir de ce qui se faisait dans ce domaine en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Eyton: J'aurais cru qu'il se serait agi d'une association toute naturelle. Ces gens exercent leurs activités dans le domaine de l'environnement, où ils essaient de promouvoir la vente de produits et services environnementaux. De votre côté, vous formez un réseau constitué d'environnementalistes et de personnes vouées à la cause de l'environnement. Il me semble que vous devriez attacher de l'importance à une alliance comme celle-là.

M. Smith: Tout à fait. Je crois que la NEIA semble être ouverte à ce genre de dialogue. Nous sommes en lutte contre des gens qui ne pensent pas comme nous, et nous avons parfois l'impression de lutter à forces inégales.

Le sénateur Eyton: Mais vous devez d'abord être à la recherche d'alliés. L'association de l'industrie est pour vous un allié important qui compte de nombreux membres. De votre côté, vous en avez 38. Localement, cette organisation compte beaucoup d'adeptes, dont le nombre ne cesse de croître. Ces gens ont fait état de 2 000 emplois et de 115 millions de dollars en revenus annuels dans ce secteur. Ce n'est pas peu dire. Vous vous devez d'aborder ces gens et de leur dire «voici ce que nous faisons et nous sommes déterminés à agir».

J'ai des liens avec Pollution Probe, une organisation nationale qui a son siège à Toronto. Cet organisme connaît beaucoup de succès parce qu'il est composé d'environnementalistes dévoués, qui travaillent dans divers domaines en vue de rendre notre environnement plus propre et plus salubre. Ces gens ont entrepris de travailler de concert avec les entreprises plutôt que contre elles. Ils s'efforcent de contribuer à l'amélioration des pratiques des entreprises à cet égard. Cette attitude a permis à Pollution Probe d'accomplir beaucoup de choses. Le conseil d'administration de Pollution Probe est composé presque exclusivement d'environnementalistes, mais le soutien financier ainsi qu'une bonne part du travail missionnaire sont pris en charge par le secteur privé, qui perçoit Pollution Probe non pas comme un ennemi, mais comme une organisation avec laquelle il peut travailler de manière constructive. Vous avez là un exemple dont vous pourriez vous inspirer.

J'aurais pensé que votre réseau pourrait collaborer avec une organisation comme la Newfoundland Environmental Industry Association, qui travaille généralement exactement dans ce sens.

M. Smith: Bien entendu, et je partage d'ailleurs cette vision de la collaboration. Dans une collectivité, nous cherchons à nous allier avec des gens qui pensent comme nous. La NEIA est un groupe d'experts-conseils qui a également beaucoup à gagner du financement qu'on allouera à la réalisation d'études, et nous ne demandons pas mieux que de travailler de concert avec ces gens.

Le sénateur Eyton: Le cas échéant, tout le monde sera heureux et vous pourrez vous faire un peu d'argent du même coup. C'est bien.

Le président: À la page 2 de votre mémoire, au deuxième point vignette, vous demandez au gouvernement d'interdire l'incinération des ordures ménagères au Canada pour protéger la vie humaine et animale contre la menace des émissions toxiques. C'est le genre de question où le Sénat pourrait peut-être vous être utile.

J'ai vécu à quelques endroits où l'incinération était interdite, mais ces questions me semblent relever des municipalités, qui sont elles-mêmes des créatures des gouvernements provinciaux. Avez-vous effectué des recherches qui vous auraient amenés à constater que le gouvernement fédéral a son mot à dire à cet égard, ou cette question n'est-elle pas plutôt de compétence exclusivement provinciale?

M. Smith: Je sais qu'il s'effectue des évaluations environnementales provinciales. Je pense que le gouvernement fédéral ne fait ses propres évaluations que dans certains cas. Le gouvernement fédéral et les provinces ont tous deux des règlements en matière d'évaluation environnementale, mais je crois qu'ils couvrent des aspects différents de ce domaine. Ainsi, l'érection d'un pont enjambant une rivière ne requerrait pas le même genre d'évaluation environnementale que la construction d'un incinérateur dans une ville.

Le président: Je crois que nous allons pousser un peu plus avant la recherche à cet égard, car ce serait peut-être là un aspect à propos duquel nous pourrions être utiles. La pollution de l'air relève de la compétence fédérale, tout comme la pollution de l'eau jusqu'à un certain point, bien que nous constations que l'eau dans une province donnée est censée être de compétence provinciale. Ce n'est que lorsqu'un plan d'eau traverse une frontière qu'il se pose un problème constitutionnel. Je crois que c'est aussi le cas en matière de pollution, mais seulement lorsque celle-ci s'étend de part et d'autre d'une frontière.

Nous avons constaté que le seul domaine au Canada où le gouvernement fédéral peut vraiment intervenir de plein droit est celui de la pêche, par exemple de la pêche à la truite et de la pêche en eau douce. Le gouvernement fédéral peut intervenir pour protéger les eaux en question. Il n'est pas de son ressort d'assurer la salubrité de l'eau potable pour les humains, mais il peut intervenir pour protéger l'eau des poissons. Si vous parvenez à vous faire pousser des nageoires, vous pourrez alors soulever la question constitutionnelle.

M. Smith: Oui. La Loi sur la protection des eaux navigables est une loi fédérale, également.

Le président: Merci d'être venu comparaître devant nous aujourd'hui. Vous avez fait un excellent travail. Je sais que si on vous donne un dollar, vous pourrez vous acheter une tasse de café, mais l'idée, c'est que nous tenons à ce que vous partiez d'ici déterminé à vous arracher le reste de vos cheveux à force d'efforts acharnés. C'est avec des bénévoles comme vous, qui se préoccupent des questions environnementales, que nous ferons du Canada un meilleur endroit où vivre.

M. Smith: Monsieur le président, je vous remercie pour vos observations. Il ne me reste plus beaucoup de cheveux à perdre, mais je vais continuer à lutter pour le bien commun.

La séance est levée.


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