Aller au contenu
ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 22 - Témoignages 


OTTAWA, le lundi 10 décembre 2001.

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles auquel a été renvoyé le projet de loi C-33, loi concernant les ressources en eau du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut et modifiant diverses lois en conséquence se réunit aujourd'hui à 9 h 01 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles est réuni pour entendre des témoignages concernant le projet de loi C-33.

Nous recevons ce matin M. Pierre Gratton et M. Michael Hardin, de l'Association minière du Canada. Nous recevons également M. Michael Vaydick, de la Northwest Territories and Nunavut Chamber of Mines. Je mentionne en passant que j'ai aidé à lancer la Yellowknife Chamber of Mines en 1947, sans doute à peu près à l'époque où vous êtes nés.

Commençons.

M. Mike Vaydik, directeur général, Northwest Territories and Nunavut Chamber of Mines, Association minière du Canada: Je tiens à préciser que je suis né à Yelloknife quand c'était déjà une ville minière. Mon père était un prospecteur qui travaillait pour l'industrie minière. J'ai travaillé et résidé dans toutes les régions du Nunavut pendant une quinzaine d'années. Je suis maintenant établi à Yellowknife, et je représente les intérêts miniers du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest.

Le président: Avant de vous laissez continuer, votre association couvre-t-elle aussi bien les mines de diamants que les autres mines?

M. Vaydik: Oui, ainsi que la prospection et la production.

Le président: Il n'y a pas d'autres organisations minières là-bas?

M. Vaydik: Non. Je voudrais parler de la nécessité de cette loi. La géologie du Nunavut figure parmi les plus prometteuses au monde. Le Nunavut est déjà un important producteur de métaux précieux et de métaux de base et il offre un potentiel plus diversifié encore. Il y a une véritable ruée vers les diamants dans la région de Kitikmeot. Les projets de prospection en cours s'intéressent à une grande variété de métaux dont l'or, le nickel, le platine et ses métaux associés, le tantale, ainsi que les diamants.

L'exploration minière est une activité à haut risque. Au Canada comme dans le reste du monde, moins de un site prometteur sur 1 000 donne naissance à une mine productive. C'est ce que les mineurs appellent le «risque géologique». Le risque géologique est bien accepté et généralement bien compris.

Par contre, il est plus difficile de comprendre et d'évaluer d'autres formes de risque qui se répercutent de plus en plus sur les initiatives d'exploration minière et de mise en valeur. Je veux parler ici des risques politiques et juridiques.

En 1993, l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut a été signé. Il représente une étape importante pour réduire le risque politique associé à l'exploration et à l'exploitation minières au Nunavut.

Peut-on dire la même chose du risque juridique? Malheureusement, nous croyons que la réponse est «non».

Pourquoi? La réponse est bien simple: aucune des nouvelles mesures législatives promises dans l'Accord n'a encore été adoptée.

Vous savez que le projet de loi dont vous êtes saisis, le projet de loi C-33, représente à la fois la première d'une série de nouvelles lois et la troisième fois que nous essayons, depuis cinq ans, de faire adopter cette loi sur les eaux dont nous avons absolument besoin. C'est une situation dont les Canadiens n'ont pas lieu d'être fiers.

La situation est d'autant plus inquiétante qu'il reste encore deux ou trois autres lois essentielles à venir. L'une devra porter sur l'aménagement du territoire et l'autre sur l'évaluation des impacts environnementaux et sociaux.

En raison de cette situation regrettable, le risque juridique reste élevé au Nunavut, ce qui prive le territoire des avantages que le règlement des revendications territoriales aurait pu lui conférer sur la concurrence. Cela n'est pas bon pour les perspectives sociales et économiques à long terme du Nunavut et cela n'est pas non plus très bénéfique pour l'ensemble des Canadiens. Cet état de choses est encore plus frustrant lorsqu'on se souvient qu'un régime de gestion de l'eau existait déjà dans la région du Nunavut de 1972 à 1996.

Il y a là de gros intérêts en jeu, car le succès de ces entreprises peut rapporter énormément. Même des programmes d'exploration soutenus suffisent à générer d'importants avantages économiques; à elle seule, l'exploration apporte chaque année 125 millions de dollars à l'économie des territoires du Nord-Ouest du Nunavut, et le Nunavut en retire environ la moitié.

Les dépenses qui doivent être faites au stade de l'exploration correspondent aux services et aux installations que l'économie en développement des territoires est en mesure de fournir. Il s'agit notamment de services d'approvisionnement des camps,d'affrètement d'avions, de transitaires, d'hôtellerie et de restauration. Les avantages de la résidence au Nunavut augmenteront au fur et à mesure que le secteur des affaires prendra de l'expansion de façon à mieux répondre aux besoins de l'industrie.

Néanmoins, pour soutenir la croissance de l'économie, il faut supprimer le risque inutile que représente l'absence d'une loi de réglementation essentielle. C'est encore plus indispensable lorsque les projets en sont à des étapes plus avancées.

Jusqu'ici, la façon improvisée dont on procède n'a peut-être pas freiné l'exploration, mais elle n'a pas non plus facilité les choses. L'absence de réglementation claire n'est jamais souhaitable du point de vue administratif, et la simple crainte d'un problème possible peut suffire à inciter les entreprises à investir ailleurs dans l'exploration.

En fait, des PDG de jeunes sociétés minières canadiennes m'ont dit qu'ils hésitaient à risquer des capitaux au Nunavut tant qu'un régime de réglementation comparable à celui des autres régions septentrionales du Canada ne serait pas mis en place. Les facteurs clés sont l'accès aux terres, l'évaluation d'impact environnemental, mais surtout une réglementation de l'utilisation des eaux et de l'élimination des déchets allant beaucoup plus loin que la procédure improvisée que prévoit actuellement l'article 13 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.

Pour comprendre les avantages que le Nunavut pourrait retirer de l'exploitation minière, il suffit de songer aux deux mines de diamants des Territoires du Nord-Ouest. La mine Ekati, qui appartient à BHP Billiton, est en production depuis deux ans environ et emploie à peu près 600 personnes. Soixante-dix pour cent de ses employés sont des gens du Nord,dont 40 p. 100 d'Autochtones.

La mine Diavik, qui se trouve à proximité, est actuellement en voie d'aménagement. Plus d'un millier de travailleurs ont été employés sur le chantier en période de pointe. Environ 40 p. 100 d'entre eux sont des gens du Nord, et la moitié sont Autochtones. Lorsque la phase d'exploitation commencera, la mine Diavik devrait employer entre 400 et 450 travailleurs dont 40 p. 100 environ d'Autochtones. L'entreprise prévoit engager 18 apprentis par an. Elle versera chaque année environ 40 millions de dollars en salaires. Elle achètera pour à peu près 100 millions de dollars de fournitures et de matériel par an.

Lorsque ces deux mines seront exploitées, le Canada devrait produire entre 10 et 15 p. 100 de la production mondiale de diamants de joaillerie. Ce n'est qu'une liste partielle des gros avantages que la prospection dans le domaine du diamant a apportés à l'économie des Territoires du Nord-Ouest, et particulièrement aux communautés autochtones. Je pourrais vous en parler plus en détail si vous me le demandez.

Les sociétés minières ont pris des mesures sans précédent pour inciter les entreprises autochtones du Nord à travailler avec elles. Elles ont divisé les contrats pour permettre aux entreprises locales et autochtones de soumissionner. Des coentreprises avec des sociétés du Sud déjà bien établies aident les entreprises du Nord inexpérimentées à apprendre à desservir une vaste industrie qui prend rapidement de l'essor. Les entreprises autochtones répondent à cette invitation comme jamais encore. Les entreprises du Nord offrent une grande variété de services allant des services de restauration, de transport routier du minerai jusqu'à l'usine, d'ingénierie et d'arpentage, aux services géotechniques,logistiques, de construction, de soudure et d'outillage ou encore de sécurité. Un grand nombre de ces entreprises appartiennent entièrement à des intérêts autochtones ou sont des coentreprises. Deux sociétés autochtones se sont lancées dans la taille et le polissage du diamant.

Pour vous montrer où nous en sommes arrivés, il est même question d'une prise de participation de groupes autochtones dans des entreprises minières. Cela vous donne une idée des avantages auxquels le Nunavut peut s'attendre au même titre que les Territoires du Nord-Ouest.

Pour conclure, le Nunavut a un potentiel minier énorme dont l'exploitation peut assurer la viabilité de l'économie.L'exploitation minière continuera à occuper une place importante dans l'économie locale. En 1999, les mines ont rapporté environ 130 millions de dollars à l'économie du Nunavut. Seul le gouvernement apporte davantage.

Deux des trois mines du Nunavut vont fermer au cours de l'année qui vient. Pour être rentables, les mines ont besoin d'une réglementation adéquate à la fois pour favoriser l'exploration et permettre d'arriver au stade de la production.

L'industrie a pu obtenir de bons résultats dans le cadre de la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest. Dans son intérêt, il faudrait rétablir rapidement un bon régime de réglementation de la gestion des eaux. Le projet de loi C-33 doit être adopté le plus tôt possible pour que l'industrie minière puisse continuer à fournir des emplois et des débouchés commerciaux à la population de la région, de même que des recettes fiscales aux différents paliers de gouvernement. Je vous exhorte à faire en sorte que cette loi très importante obtienne la sanction royale et soit proclamée.

Le sénateur Cochrane: Parlez-moi de vos discussions avec le gouvernement du Nunavut. Sont-elles positives? Le gouvernement du Nunavut pense-t-il, lui aussi, que le projet de loi C-33 devrait être adopté rapidement? Croit-il que cette mesure va suffire?

M. Vaydik: J'ai surtout discuté avec les fonctionnaires territoriaux plutôt qu'avec les élus du Nunavut. Je dirais qu'en général, le gouvernement est favorable à l'adoption de cette loi. Il comprend qu'il est important pour l'industrie d'avoir une bonne réglementation. J'ai surtout fait valoir qu'il était très difficile pour le conseiller d'une société de guider le conseil d'administration lorsque la mesure la plus importante dont dépend une mine, le permis d'utilisation de l'eau est remise en question. Les bureaucrates semblaient avoir le sentiment qu'il était temps que la Loi sur les eaux du Nunavut soit adoptée.

Le sénateur Cochrane: Les bureaucrates et le gouvernement essayent-ils de faire adopter cette loi depuis un certain temps?

M. Vaydik: M. Hardin pourra vous le préciser, mais cela fait au moins cinq ou six ans que nous poursuivons nos efforts, lui et moi, pour faire adopter cette loi.

M. Michael Hardin, conseiller et secrétaire général, Association minière du Canada: Le gouvernement canadien a l'obligation de faire adopter le projet de loi en vertu de l'article 10 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. L'initiative est surtout venue du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

M. Pierre Gratton, vice-président, Affaires publiques et communications, Association minière du Canada: Il y a une huitaine de jours, le gouvernement du Nunavut a également fait part de son approbation, bien qu'il ait demandé certaines modifications. Si je me souviens bien, le représentant du gouvernement a souligné la nécessité d'un régime de gestion des eaux pour le Nunavut en disant que la situation actuelle compromettait les investissements dans le territoire.

Le sénateur Cochrane: Il y a déjà deux mines en exploitation, la mine Ekati et la mine Diavik. À quelle distance ces mines se trouvent-elles de la région que vous représentez?

M. Vaydik: Elles sont sans doute à moins de 200 kilomètres de la frontière, ce qui est tout près compte tenu de l'immensité des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. En fait, un certain nombre de résidants du Nunavut travaillent dans ces deux mines qui se trouvent dans les Territoires du Nord-Ouest. Compte tenu de l'utilisation traditionnelle des terres, cela a été pris en compte dans le bilan socio-économique de ces mines, même si celles-ci se trouvent dans les Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Cochrane: Depuis combien de temps ces mines sont-elles exploitées?

M. Vaydik: La plus ancienne a fêté son deuxième anniversaire le mois dernier. Elle représente à elle seule environ 30 p. 100 du PIB des Territoires du Nord-Ouest. Et cela à partir d'un seul trou dans le sol. C'est un chiffre étonnant.

Le sénateur Cochrane: Ces mines vont-elles pouvoir rester ouvertes si la loi n'est pas adoptée?

M. Vaydik: Elles ne seront pas touchées. Elles se trouvent dans les Territoires du Nord-Ouest. Je les ai seulement citées comme exemple. Au Nunavut, nous avions trois mines, mais deux d'entre elles ont déjà annoncé leur fermeture pour l'année prochaine.

Le sénateur Cochrane: Fermeront-elles si le problème de l'eau n'est pas réglé ou vont-elles fermer de toute façon?

M. Vaydik: En effet. La mine Polaris est épuisée. L'autre mine ferme parce que le prix du zinc est trop bas pour qu'elle reste rentable.

Le sénateur Cochrane: Cela n'a rien à voir avec ce projet de loi?

M. Vaydik: Non.

M. Gratton: Nous voulons faire valoir que ces deux mines, qui ont été une source d'emplois et de revenus importante pour les gouvernements et la population du nord, doivent être remplacées. L'absence de réglementation freine leur remplacement.

Le sénateur Adams: Le comité vient de tenir des audiences dans l'est du pays. Le Nunavut a obtenu le projet de loi C-6 il y a cinq ou six ans. Je crois qu'il a été adopté en 1995 ou 1996.

Pensez-vous qu'avec le projet de loi C-33, la situation des sociétés minières sera différente de ce qu'elle avait sous le régime du projet de loi C-6? Pensez-vous que les choses vont s'améliorer avec ce projet de loi? Cette loi va-t-elle donner les mêmes résultats au Nunavut que la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest dans les Territoires?

M. Hardin: Je dirais que les sociétés minières ont l'habitude de fonctionner dans le cadre de la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest étant donné que, jusqu'en 1996, c'était cette loi qui réglementait toute l'utilisation des eaux et l'élimination des déchets tant dans les Territoires du Nord-Ouest qu'au Nunavut. Un grand nombre des dispositions du projet de loi C-33 sont semblables à celles de la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest que nous connaissons déjà et qui donnent de bons résultats de l'autre côté de la frontière.

L'industrie considère que la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest est une loi fonctionnelle et satisfaisante. Par conséquent, non seulement nous verrions d'un bon oeil la même loi s'appliquer au Nunavut, mais nous le souhaitons. Depuis cinq ans, le système que nous connaissions et que nous appliquions depuis 25 ans a disparu, et voilà pourquoi nous souhaitons l'adoption rapide du projet de loi C-33.

Le projet de loi C-33 ne pose pas de sérieux problèmes aux yeux de l'industrie. Dans notre mémoire, nous recommandons cinq modifications possibles, mais seules les questions les plus importantes auraient pu retarder l'adoption du projet de loi. Nous espérons qu'il sera adopté rapidement.

Le président: Vous dites que le projet de loi C-33 n'est pas exactement ce que vous voulez, mais que cela vaut mieux que rien.

M. Hardin: J'irai même jusqu'à dire que ce projet de loi est une sacrée bonne mesure.

Le sénateur Adams: Je ne sais pas quelle superficie représente la partie de la revendication des sociétés minières qui a été réglée. Au Nunavut, cela porte sur 350 000 kilomètres carrés qui correspondent aux terres traditionnellement occupées par la population. Je ne sais pas combien de kilomètres carrés sont prévus pour les gens de la collectivité. Les élus politiques locaux ont généralement jusqu'à 25 à 30 kilomètres. Les gens de la collectivité, du hameau, ont toujours assumé les responsabilités, et maintenant c'est la Keewatin Inuit Association et d'autres organisations qui seront responsables. Avec l'adoption du projet de loi C-33, sera-t-il plus facile de négocier avec ces gens et de s'associer avec eux et avec les sociétés minières, ou préfériez-vous traiter avec le ministre? Je crois que le projet de loi C-33 accorde 45 jours au ministre. Au bout de 45 jours, les intéressés ont 45 jours de plus pour répondre.

Le ministre a donné son accord à la revendication territoriale du Nunavut portant sur les 350 000 kilomètres carrés et les revendications futures en ce qui concerne les mines ou l'utilisation de l'eau à l'intérieur de cette région. Je veux que vous sachiez qu'il y a des gens du Nunavut et à la NTI qui ont des objectifs à cet égard, et qu'avant que le projet de loi ne soit adopté, ces gens veulent être certains que le ministre n'assumera aucune responsabilité dans ces 350 000 kilomètres carrés.

J'ai une carte indiquant la région dont je parle et que les gens disent appartenir au Nunavut et à la NTI. Le projet de loi vous permettra d'obtenir un permis d'utilisation d'eau pour les sociétés minières du Nunavut.

M. Hardin: Comme M. Vaydik l'a mentionné dans son exposé, nous avons réussi à travailler dans le cadre du régime existant pendant les cinq dernières années. Nous espérons que ce problème va être réglé, car ce sera une mesure très importante pour le remplacement des mines de Nunavut. On pourrait découvrir un gisement comme celui d'Ekati ou de Diavik, ou même un filon diamantaire plus petit dans la région de West Kitikmeot. Comme l'a mentionné M. Vaydik, on assiste actuellement à une ruée vers le diamant - la deuxième grande ruée des prospecteurs - suite à la découverte de plusieurs champs de kimberlites ces deux dernières années dans la région de West Kitikmeot.

Si une société voulait entreprendre un projet de mise en valeur et le faire passer rapidement de l'étude de faisabilité à la production, nous aurions un problème. Ce problème viendrait du fait que nous n'avons pas de processus de réglementation pour l'octroi d'un permis d'eau, le permis dont une mine a absolument besoin au Nunavut.

Nous ne pourrions pas passer à l'étude de faisabilité et à l'entrée en production parce que ce projet de loi n'a pas encore été adopté. Voilà pourquoi nous voulons qu'il le soit. Nous espérons que nous obtiendrons gain de cause, et il semble bien que ce soit le cas.

Le sénateur Cochrane: Ce projet de loi va-t-il résoudre tous vos problèmes? Va-t-il permettre à une autre société de venir prospecter et exploiter des gisements? Vous dites que ce projet de loi va résoudre toutes vos difficultés, n'est-ce pas?

M. Vaydik: Je l'espère.

M. Hardin: Comme l'a dit M. Vaydik, l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut a été un grand pas en avant, mais c'était seulement le premier pas. Il prévoit la mise en place d'un processus intégré de gestion des ressources. Il faut pour cela adopter au moins trois lois. La première est le projet de loi C-33 qui porte sur deux des institutions essentielles pour l'exploitation des ressources minières, soit l'Office des eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut. Son adoption représenterait un important pas en avant et réglerait les problèmes actuels que nous avons en ce qui concerne l'eau.

L'accord exige également d'adopter deux autres lois qui viendront plus tard, l'une sur l'aménagement du territoire et l'autre sur l'évaluation des impacts environnementaux et socio-économiques. Il faudra donc également deux projets de loi dans ce sens. Pour répondre à votre question, il s'agit d'un processus en trois étapes, et il s'agit ici de la première de ces trois étapes essentielles.

Le sénateur Cochrane: Si nous adoptons ce projet de loi, les deux autres volets pourraient être mis sur la touche de manière à permettre aux sociétés de passer au stade de l'exploitation.

M. Vaydik: La mesure la plus importante pour l'exploitation minière est le permis d'utilisation de l'eau. C'est le permis ultime dont une mine a besoin. Ce projet de loi est donc le plus important. Les deux autres le sont également, celui qui porte sur l'aménagement du territoire et l'autre sur les incidences socio-économiques. En fait, la Commission du Nunavut chargée de l'examen des répercussions est déjà en fonction, mais elle n'a pas de mandat législatif. La situation n'est donc pas claire. Nous comptons sur ces deux autres lois, mais la plus importante est celle qui concerne l'eau.

M. Hardin: L'adoption rapide de ce projet de loi serait un signe encourageant. L'industrie surveille les progrès de la mise en oeuvre de l'Accord sur les revendications territoriales depuis 1993, et elle a été découragée par tous ces retards. L'adoption rapide de tous ces projets de loi lui permettrait d'espérer que la série complète de lois qu'exige l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut commence à être mise en place.

Le président: Sénateur Cochrane, je vous suggère de poser les mêmes questions au ministre lorsqu'il comparaîtra.

Le sénateur Adams: La situation inquiète ceux d'entre nous qui vivent au Nunavut. La population locale s'inquiète parce qu'il y a eu beaucoup d'exploration et de forages au cours des 10 dernières années, mais que rien n'en est advenu.

Ce qui m'inquiète - et je crois que Nunavut Tunngavik partage cette inquiétude - c'est que le ministre gérera à la fois les droits d'utilisation et les concessions accordées pour certains secteurs du Nunavut. Le ministre sera responsable autant des droits d'utilisation que des revendications territoriales. C'est surtout ce qui nous inquiète.

Je ne sais pas ce qu'il en est directement des rapports entre une société minière et l'Office des eaux pour ce qui est des droits de surface. Comme je l'ai dit, nous revenons tout juste d'un voyage dans l'Ouest. Il y a une compagnie pétrolière et gazière qui paie des millions de dollars de droits pour un seul puits foré dans une concession. Je me demande si cette compagnie préférerait traiter avec le ministre, avec le gouvernement du Nunavut ou avec l'Office des eaux. En attendant, cela aura des répercussions pour la majorité des habitants du Nunavut.

La NTI nommerait quatre des membres de l'Office des eaux, le Nunavut en nommerait deux et le ministre deux de plus. Même ainsi, le ministre aurait toujours un droit de veto. Préféreriez-vous que l'Office des eaux et le Tribunal des droits de surface aient plus de pouvoirs? Je ne sais pas exactement comment les choses se sont passées avec la loi qui était en vigueur dans les Territoires du Nord-Ouest. Le ministre aura-t-il le droit de prendre la décision finale concernant les demandes?

M. Hardin: D'après mon expérience des permis d'utilisation de l'eau depuis 1973 dans les Territoires du Nord-Ouest, ce serait inhabituel. Je ne me souviens d'aucun dossier dans lequel le requérant, la société minière, ait eu des contacts directs avec le ministre. Nous adressons notre demande à l'Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest, et maintenant ce sera à l'Office des eaux du Nunavut. Le requérant entre seulement en rapport avec l'Organisme de réglementation, qui est l'Office des eaux, de même qu'avec les agents du ministère à Yellowknife, et maintenant à Iqaluit. Nous n'avons aucun contact direct avec le ministre.

Pour ce qui est de l'approbation ministérielle des permis d'utilisation de l'eau, nous avons fait part de nos opinions dans notre mémoire. Nous ne sommes pas ici pour demander que l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut soit interprété d'une façon ou d'une autre. C'est une question à régler entre le gouvernement et les Inuits.

En pratique, nous ne pensons pas que les pouvoirs du ministre aient une incidence négative sur notre industrie. N'oublions pas que ces pouvoirs sont limités. Le ministre a seulement deux options à exercer dans un délai limité. Il peut signer les permis d'utilisation de l'eau ou les refuser. Dans la très grande majorité des cas, comme les fonctionnaires du ministère vous l'ont dit il y a deux semaines, le ministre les a signés. Si je me souviens bien, les représentants du ministère ont dit au comité que le ministre avait renvoyé une demande de permis à l'Office des eaux dans trois cas seulement.

S'il ne signe pas le permis, il ne peut pas le modifier ou en changer les modalités. Il doit simplement le renvoyer à l'Office pour qu'il le réexamine, mais en l'accompagnant de ses raisons écrites. Cela nous semble un bon compromis permettant à un élu public d'exercer un certain contrôle sur un processus lourd de conséquences.

Le sénateur Adams: Le comité a entendu la semaine dernière le président de l'Office des eaux, Thomas Kukloo. Je ne sais pas si le ministre nomme deux personnes de chez lui. Il y a un sous-comité, comme pour l'autre Office des eaux, qui contrôle si l'Office fait bien son travail. La semaine dernière, on nous a dit que deux membres de l'Office étaient nommés par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Savez-vous ce qu'il en est? Je ne sais pas si le président disait, la semaine dernière, que le ministre ou un ministère veille à ce que l'Office fasse bien son travail. Êtes-vous au courant? Est-ce en dehors du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canadien?

M. Hardin: Je ne suis pas personnellement au courant de la façon dont le ministre s'acquitte de ses responsabilités à cet égard. C'est une question que les sénateurs pourraient poser au ministre lorsqu'il comparaîtra devant votre comité plus tard au cours de la journée. Le contrôle de ce type de fonction exercé par un représentant élu est une caractéristique fréquente d'autres gouvernements provinciaux dans ce domaine.

Il est important de se rappeler le statut légal d'un permis touchant l'utilisation des eaux. Les tribunaux pénaux peuvent être appelés à faire respecter toutes les modalités d'un permis. Comme je l'ai déjà mentionné, les permis touchant l'utilisation des eaux sont des documents complexes et très techniques. J'ai apporté un exemplaire du permis d'eau de Diavik que je laisserai au greffier. C'est comparable à ce qui se produirait au Nunavut si on découvrait un dépôt de diamants. Le permis en question comporte 50 pages et des centaines de clauses. Dans ce contexte, nous n'envisageons pas un examen ministériel du permis à l'étape finale, car il ne faut pas oublier qu'il est souhaitable que ce pouvoir d'examen soit limité. Nous croyons qu'il s'agit là d'une façon raisonnable d'en arriver à un juste milieu.

Le sénateur Adams: En ce qui concerne le permis touchant l'utilisation des eaux, s'agit-il là d'un règlement minier ou d'une demande de droits de surface devant l'Office des eaux? Je veux être bien sûr que le texte que vous avez mentionné est un règlement du gouvernement du Canada, ce document de 50 pages que vous venez de mentionner.

M. Hardin: Il s'agit d'un permis d'utilisation des eaux qui a été délivré par l'Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest. C'est l'un des permis les plus récents à avoir été délivré par l'Office territorial des eaux. Je l'ai apporté pour vous donner un exemple du travail que l'Office des eaux doit faire et pour vous montrer la complexité de ces questions. Ce sont des documents détaillés et très techniques. C'est un permis d'utilisation des eaux typique d'une exploitation minière moderne.

Le sénateur Cochrane: Vous avez mentionné l'Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest et l'Office des eaux du Nunavut. Y a-t-il interaction entre les deux? Vous avez un rapport des Territoires du Nord-Ouest. L'Office des Territoires du Nord-Ouest a-t-il à l'heure actuelle compétence en matière de gestion des eaux au Nunavut?

M. Vaydik: Non. C'est justement le genre de mesure législative qui était en vigueur auparavant. Depuis le règlement de la revendication territoriale, nous sommes en quelque sorte dans une situation de vide juridique, de sorte que nous sommes impatients que ce projet de loi soit adopté.

Le sénateur Cochrane: Combien de sociétés ont été consultées au sujet de ce projet de loi? Combien de sociétés s'opposent à votre point de vue, ou encore s'interrogent-elles au sujet de ce projet de loi?

M. Vaydik: À ma connaissance, aucune société ne s'y oppose. Je dirais que pratiquement tous ceux à qui j'en ai parlé dans l'industrie l'appuient.

M. Hardin: Si vous me le permettez, j'ajouterais que 600 délégués sont venus à Yellowknife pour assister au Colloque sur les sciences de la terre, notre colloque annuel qui a eu lieu en novembre dernier. On m'avait demandé de faire un exposé sur ce projet de loi. Plus de 100 personnes étaient présentes et personne n'a exprimé de préoccupation au sujet du projet de loi. La seule observation qui ait été faite, c'est qu'il fallait que le projet de loi soit adopté.

Le sénateur Cochrane: Est-ce également le sentiment des citoyens locaux?

M. Vaydik: Nos représentants sont des gens du Nord, mais il y a également des gens qui prospectent dans le Nord sans nécessairement y vivre. Les petites sociétés de prospection ont tendance à être à proximité des marchés boursiers à Toronto et à Vancouver, là où il y a de l'argent. Je les rencontre à l'occasion lors de notre Colloque sur les sciences de la terre, lors de réunions ou de l'une ou l'autre exposition. Nous avons environ 600 membres. Je n'ai pas fait de sondage spécifique à ce sujet, mais je n'ai encore rencontré personne qui s'oppose au projet de loi.

Le président: Je vous remercie de votre comparution.

Nous avons maintenant l'honneur de recevoir le premier ministre du Nunavut, M. Paul Okalik. Bienvenue à notre comité. Vous pouvez prendre tout votre temps pour nous présenter votre exposé.

L'honorable Paul Okalik, premier ministre du gouvernement du Nunavut: Monsieur le président, cher compatriote Inuk du Nunavut, sénateur Adams, je vous remercie de me permettre de venir vous parler aujourd'hui de cet important projet de loi qui a une incidence sur la vie des résidents du Nunavut. Je crois comprendre que mes fonctionnaires ont déjà comparu devant votre comité, mais j'ai pensé que ce projet de loi justifiait ma comparution à titre d'ancien négociateur du texte de l'Accord sur les revendications territoriales et à titre de premier ministre du Nunavut. J'estime que le projet de loi comporte encore des lacunes qu'il faudrait combler. Je suis heureux que vous preniez le temps nécessaire pour examiner cet important projet de loi.

Il y a cinq questions que j'aimerais porter à votre attention aujourd'hui. À titre de chef du gouvernement, je m'intéresse personnellement à la question, ayant participé aux négociations et à l'élaboration du texte de ce qui devrait constituer la mesure législative de mise en oeuvre du traité.

Le premier point que j'aimerais aborder avec vous est ce qu'on appelle la clause de non-dérogation contenue dans le projet de loi actuel. Ayant examiné le texte, je considère cette disposition comme très offensante. À mon avis, on tente ainsi d'introduire une nouvelle notion dont je voudrais vous entretenir aujourd'hui: demander aux Inuits de tout donner, une notion qui risque de battre en brèche un traité moderne que nous avons pourtant négocié de bonne foi avec le gouvernement fédéral.

Les Inuits ont signé ce traité et renoncé à leur titre de propriété sur les terres et les eaux du territoire en échange de certains droits définis dans l'Accord. Cette clause pourrait affaiblir le traité car elle pourrait être utilisée pour justifier l'abrogation des droits inuits issus du traité et des dérogations à ces droits. Il s'agit à mon avis de la disposition la plus inadmissible du projet de loi.

J'estime que, si le gouvernement fédéral a l'intention de modifier l'accord, il devrait tout au moins respecter les dispositions qui permettent à toutes les parties ayant signé l'accord de s'entendre pour y apporter des amendements. Tenter de modifier unilatéralement le traité en le justifiant par le projet de loi est inacceptable sur le plan politique. Le gouvernement fédéral devrait être tenu de respecter, comme toute autre partie, et notamment le gouvernement du Nunavut, la formule d'amendement à laquelle tous ont donné leur accord. Je suis d'avis que cet article mérite d'être examiné de très près par votre comité.

Il y a également d'autres problèmes que nous avons relevés. D'abord, nous aimerions avoir une interprétation positive. Nous ne tentons pas de faire valoir des droits supplémentaires, mais nous voulons tout simplement quelque chose qui rappellera aux fonctionnaires, lorsqu'ils utiliseront le projet de loi pour faire leur travail, que ce projet de loi est l'un des nombreux instruments utilisés pour mettre en oeuvre l'Accord sur les revendications territoriales. Lorsqu'ils s'acquitteront de leurs responsabilités en ce qui concerne l'utilisation de l'eau, les fonctionnaires devront se reporter à l'Accord et tenir compte des droits prévus pour les Inuits et des limites imposées au gouvernement.

Troisièmement, mes fonctionnaires vous ont déjà expliqué que les Inuits, dans le cadre de l'Accord sur les revendications territoriales, ont acquis le droit exclusif d'utilisation des eaux qui coulent sur leurs terres. À mon avis, le terme «exclusif» doit avoir une signification. Notre intention était de pouvoir utiliser cette eau librement. Nous l'avons toujours utilisée librement avant l'Accord sur les revendications territoriales, et nous voulons continuer à pouvoir le faire. On tente encore une fois dans ce projet de loi d'imposer aux Inuits des droits concernant l'utilisation de ces eaux.

Je dois rassurer les fonctionnaires: les Inuits continueront à payer d'autres droits. Par ailleurs, le gouvernement a le droit de taxer les améliorations apportées aux terres qui appartiennent aux Inuits. Le fait qu'il ne peut percevoir des droits auprès des Inuits lorsque ces derniers utilisent les eaux à des fins commerciales ne prive absolument pas le gouvernement de son droit d'imposition. Les Inuits paient des impôts sur le revenu des particuliers et des entreprises. Comme je l'ai mentionné, l'Accord sur les revendications territoriales prévoit la perception de certaines taxes sur les terres appartenant à des Inuits lorsque des améliorations y sont apportées. À mon avis, l'expression «utilisation exclusive» que l'on trouve dans l'Accord sur les revendications territoriales interdit toute autre fiscalisation des entreprises sur les terres appartenant aux Inuits.

Mes fonctionnaires ont par ailleurs expliqué qu'avec la NTI, il devrait y avoir certaines contraintes imposées au ministre lorsque ce dernier examine par exemple une décision de l'Office des eaux. Lorsque nous avons négocié l'Accord sur les revendications territoriales, nous avons tenté d'imposer le plus de contraintes possible au pouvoir ministériel car nous voulions être entendus. Nous voulions que notre opinion prise sérieusement en compte et ne soit pas tout simplement laissée de côté par les fonctionnaires ou un ministre qui ne serait peut-être pas bien au courant du dossier.

L'Office a tenu des audiences auprès des résidants du Nunavut, et il a tenu compte des observations que ces derniers ont présentées. Nous aimerions que cela soit pris en compte sérieusement avant la cession des pouvoirs, et que cela ne soit pas tout simplement laissé de côté par le ministre à Ottawa. Nous aimerions que le projet de loi impose des contraintes supplémentaires au pouvoir ministériel. Nous ne disons pas que toutes les décisions prises par l'Office des eaux ne doivent pas faire l'objet d'un examen par le ministre, mais qu'il faut limiter davantage les pouvoirs du ministre.

Par exemple, même avec notre propre gouvernement, on craint des exportations massives d'eau. Nous ne voulons pas que cela vienne du Nunavut. Nous aimerions voir imposer des contraintes à l'Office des eaux afin qu'il ne puisse prendre une telle décision stratégique. Par ailleurs, nous voulons que l'opinion du Nunavut soit prise en compte dans les décisions du gouvernement.

Mes fonctionnaires ont par ailleurs mentionné que les dispositions du projet de loi concernent l'application et l'inspection sont insuffisants. Nous essayons de faire en sorte que ce soient les résidants du Nunavut qui puissent prendre les décisions qui les touchent.

Le texte actuel tel qu'il est proposé en ce qui a trait à l'inspection, par exemple, n'en tient pas compte. Le ministre est libre de nommer un inspecteur sans tenir compte des qualités ou du lieu de résidence de cette personne. Ces inspecteurs sont responsables de la gestion courante des eaux.

Nous aimerions que les gens dont le travail a quotidiennement des incidences sur la qualité de l'eau soient des résidants du Nunavut et qu'ils aient les qualifications professionnelles requises. Ces gens devront prendre des décisions en tenant compte de la réalité quotidienne des gens du Nunavut.

J'ai voulu être bref afin de vous permettre de poser des questions. Je n'ai pas préparé de texte, car je suis personnellement intéressé à ce dossier depuis un certain temps. Je serai très heureux de répondre à vos questions.

Encore une fois, merci de m'avoir permis de comparaître.

Le président: Merci. Je crois comprendre que vous avez plusieurs préoccupations importantes. Premièrement, vous ne voyez pas pourquoi la clause de non-dérogation a été modifiée. Deuxièmement, il ne devrait y avoir aucun droit frappant l'utilisation de l'eau sur les terres appartenant aux Inuits. Troisièmement, les droits de veto du ministre en ce qui a trait à l'utilisation des eaux locales devraient être réduits, mais ils pourraient intervenir dans les dossiers d'exportation d'eau. Vous avez par ailleurs soulevé certaines préoccupations quant au droit du ministre de nommer des inspecteurs.

Le sénateur Cochrane: Monsieur le premier ministre, je vous souhaite la bienvenue à notre comité. Vos paroles sont très profondes. Parlez-moi du processus de consultation qui a été mené auprès de votre peuple, de l'Office des eaux et d'autres intéressés en ce qui a trait au projet de loi C-33.

M. Okalik: J'ai travaillé en étroite collaboration avec toutes les parties pour élaborer ce projet de loi. Nous avons travaillé avec la NTI, l'organisation inuit pour le Nunavut, et avec l'Office des eaux. Par ailleurs, nous avons participé à toutes les initiatives entreprises depuis notre création dans le cadre du groupe de travail qui a examiné ce projet de loi. Nous avons fait part de nos préoccupations au gouvernement fédéral tout au long de ce processus. Nous avons suivi un processus de facilitation avec le gouvernement fédéral.

Nous avons participé de très près à tout le processus. Nous avons encore des inquiétudes. Je dois vous assurer qu'il serait facile d'y répondre. Elles sont raisonnables, et nous espérons que vous suivrez nos conseils et que vous en tiendrez compte sérieusement.

Le sénateur Cochrane: N'ont-elles pas été prises en compte lors de la rédaction du projet de loi? Par exemple, a-t-on pris en compte vos préoccupations concernant la clause de non dérogation et les droits frappant l'utilisation de l'eau?

M. Okalik: On en a tenu compte. On a répondu à bon nombre de nos préoccupations. Cependant, certains problèmes demeurent. Nous voulons que le premier projet de loi mettant en oeuvre l'Accord sur les revendications territoriales - presque 10 ans après sa signature - reflète vraiment l'intention initiale de la revendication.

Ainsi, on n'a pas répondu à nos préoccupations autant que nous l'aurions voulu. Par exemple, il y a le problème de la clause de non-dérogation. Les fonctionnaires du gouvernement ont expliqué que cette clause avait déjà été adoptée deux fois, mais j'estime qu'on n'a pas tenu compte de ces préoccupations les deux premières fois.

Nous sommes les premiers à soulever la question. On a peut-être oublié d'en tenir compte. Nous voulions que la clause soit modifiée pour refléter l'usage courant en droit constitutionnel. Il faudrait reprendre le texte de la Charte, car il est question ici des droits constitutionnels des Inuits. Ce sont des droits issus de traité qui ont été signés par toutes les parties, et les Inuits ont échangé un titre non défini pour celui qui est défini dans les accords sur les revendications territoriales.

Je trouve vraiment offensant que nous devions encore aborder cette question aujourd'hui. J'aurais espéré qu'on eût répondu à ces préoccupations à une étape précédente. Nous vous demandons de bien vouloir modifier ce projet de loi qui ne répond pas à nos attentes.

Le sénateur Cochrane: Comme d'autres premiers ministres, vous voulez qu'il y ait des activités de mise en valeur dans votre région. Vous voulez que vos résidants aient un emploi. Vous voulez que l'industrie minière crée davantage d'emplois et améliore l'économie.

Que diriez-vous si ce projet de loi était adopté dans sa forme actuelle? L'industrie minière l'appuie, comme vous l'avez entendu ce matin. Elle estime avoir besoin de ce projet de loi pour pouvoir aller de l'avant. Elle a les ressources, mais elle estime être limitée parce la loi n'est pas encore adoptée.

Que diriez-vous à l'industrie, et que diriez-vous si ce projet de loi était adopté sans amendement?

M. Okalik: Ces questions me tiennent beaucoup à coeur. Nous avons survécu aux huit dernières années alors qu'il n'y avait pas de loi dans le domaine. Cela a été difficile pour toutes les parties. Il devrait y avoir davantage de certitude pour toutes les parties si on veut pouvoir aller de l'avant.

Or, avec cette clause de non-dérogation, on crée des incertitudes pour les Inuits. Il y aura des incertitudes concernant les droits constitutionnels qu'ils estimaient avoir avaient lorsqu'ils ont signé l'Accord sur les revendications territoriales. Ils ont renoncé à plus de 80 p. 100 des terres du territoire du Nunavut en échange de ces droits définis. Si ces droits sont contestés, il est peut-être préférable de laisser les choses en l'état.

Toutes les parties devraient être satisfaites de ce qui est présenté. Le projet de loi devrait être modifié. Comme tout le monde, j'encourage les activités minières, pétrolières et gazières dans le territoire. Ces activités vont se poursuivre, peu importe que ce projet de loi soit adopté ou non, car les activités minières sont les bienvenues chez nous.

Nous avons besoin des emplois et des revenus qu'apporte l'industrie minière. J'ai assisté à des conférences sur l'exploitation minière. Je les invite à venir investir dans notre territoire. Je continue à appuyer l'activité minière, peu importe qu'il y ait ou non une nouvelle loi. Cependant, le projet de loi devrait au moins tenter de répondre aux préoccupations de toutes les parties.

Le sénateur Christensen: J'aimerais que vous nous donniez davantage de détails sur plusieurs points. Vous avez mentionné que la clause de non-dérogation existait dans d'autres textes de loi. C'est une disposition courante qui est utilisée dans toutes les mesures législatives dont nous sommes saisis à l'heure actuelle lorsqu'il est question des Premières nations et des revendications territoriales des Premières nations.

Ces questions vous tiennent à coeur. L'article 3 stipule que: «Les dispositions de l'accord l'emportent sur les dispositions incompatibles de la présente loi.» On peut lire plus loin que les dispositions de la loi l'emportent sur les dispositionsincompatibles de toute autre loi fédérale, ce qui veut dire qu'elles accordent une protection inattaquable par d'autres lois. Enfin, en tout état de cause, le paragraphe 3(3) reflète l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il y a aussi la jurisprudence.

Pourriez-vous nous préciser un peu votre sentiment?

M. Okalik: Lorsque, dans certains cas, le texte n'est pas le même et qu'un tribunal est appelé à l'interpréter, on essaie d'expliquer pourquoi les deux versions sont différentes. Ce que nous voulons nous, c'est un texte utilisé dans la Charte, un texte qui protège sans ambiguïtés les droits constitutionnels des Inuits. Or, depuis deux ou trois ans, les fonctionnaires s'écartent de ce texte.

Ce que nous craignons le plus, lorsqu'un tribunal est saisi d'un contentieux comme celui-là et est appelé à trancher une question concernant les droits des Inuits - la question de l'eau par exemple - les juges lisent le texte et constatent que la disposition est différente de ce que dit la Charte et que, par conséquent, on n'avait pas l'intention de protéger ces droits, mais plutôt de justifier le fait que le gouvernement puisse passer outre les droits inuits contenus dans les accords de règlement des revendications territoriales. Voilà donc l'essentiel de notre crainte.

Le sénateur Christensen: Mais la disposition 3.3 ne renvoie-t-elle pas à l'article 35 de la Constitution, auquel cas cet article 35 qui servirait de balise?

M. Okalik: Peut-être, dans certains cas, mais il n'empêche que cette disposition est différente de ce qu'on trouve dans la Charte. La Charte est claire. Elle a été même transposée dans d'autres textes de loi jusqu'à il y a quelques années. Ainsi, la Loi sur les armes à feu reprend la phraséologie utilisée dans la Charte pour protéger les droits inuits. On ne procède plus de cette façon.

Il semble y avoir eu un oubli. Nous insistons pour qu'on continue à utiliser le texte de la Charte. Il s'agit ici de droits inuits qui ont été signés de bonne foi par toutes les parties. Ce que je crains le plus, c'est que le gouvernement utilise cela devant les tribunaux pour justifier une décision.

La cause Sparrow est un bon exemple de jurisprudence. Même si la Charte dit clairement que rien ne peut limiter les droits autochtones, le tribunal est quand même parvenu à justifier de le faire. Ce que nous craignons, c'est que même si nous avons un accord qui règle nos revendications territoriales, le texte a été modifié pour empêcher précisément toute dérogation aux droits autochtones parce qu'il s'écarte de ce qui avait été fait jusqu'à présent. Cela doit donc signifier autre chose.

Le sénateur Christensen: Vous préféreriez donc que l'article 35 de la Charte fasse partie du projet de loi?

M. Okalik: En effet, et ce ne serait pas la première fois qu'on procéderait ainsi: la Loi sur les armes à feu est très claire à ce sujet et elle reprend le même texte.

Le sénateur Christensen: Mais la disposition 3.1 ne vous rassure-t-elle pas suffisamment? Il est clair que s'il y a contradiction entre le projet de loi et l'accord qui règle les revendications territoriales, c'est l'accord qui fait foi.

M. Okalik: Non, c'est l'inverse. Nous préférerions que cette disposition disparaisse.

Le sénateur Christensen: Pourquoi l'inverse?

M. Okalik: Parce que ce n'est pas le même texte que celui de la Charte et d'autres lois encore. Par conséquent, cette disposition engendre une certaine incertitude et nous, ce qui nous rassurait, c'était justement le texte qu'on trouve dans la Charte parce que ce texte est destiné à protéger nos droits constitutionnels. Nous n'essayons pas de nous créer de nouveaux droits, nous voulons simplement préserver ces droits, du moins les quelques rares droits qui nous restent. C'est donc cela notre préoccupation.

Le sénateur Christensen: Pour ce qui est des frais, le paragraphe 77(5) dit bien que le montant des frais payables peut être fixé par voie de règlement. Ne pourrait-il donc pas y avoir un règlement disant essentiellement que, sur les terres inuits, aucun droit ne peut être exigé pour l'eau, et cela sans qu'il faille pour autant modifier la Loi?

M. Okalik: Nous avons essayé d'en discuter avec les fonctionnaires. Mes conseillers m'ont dit que si la loi est muette à ce sujet, c'est uniquement parce que le gouvernement a l'intention d'imposer ces droits aux Inuits. Pour moi, c'est quelque chose qui ne changera pas, et je préférerais régler le problème ici une fois pour toute.

Le sénateur Christensen: Ma dernière question concerne les pouvoirs du ministre, que je vous demanderais de préciser un peu. Si je ne me trompe pas, un amendement avait été soumis à l'autre chambre afin de limiter le délai de réponse accordé au ministre en le faisant passer à 45 jours.

En tant que représentant élu, doté d'un Office des eaux dont les membres sont nommés et dont vous êtes seul responsable, comment pensez-vous pouvoir surmonter cette difficulté? Évidemment, les élus sont responsables de tout ce qui se produit et ils en assument la responsabilité ultime, ce qui n'est pas le cas d'un office dont les membres sont nommés. Peut-être pourriez-vous nous donner quelques détails et nous indiquer les autres amendements que vous souhaitez voir apporter. Comme nous au Yukon, vous êtes un territoire et c'est le ministre qui y assume le pouvoir ultime dans ces domaines, sauf sur les terres qui relèvent de l'accord.

M. Okalik: Lorsque les parties ont signé ce traité, tous les signataires estimaient qu'il répondait bien à leurs préoccupations. On peut penser, d'après certaines formules du projet de loi, que l'Office des eaux est l'autorité exclusive en matière de gestion des eaux. En revanche, d'autres dispositions donnent une impression différente. L'incertitude persiste donc.

En vertu des limites imposées à l'Office de la faune, le ministre peut renverser une décision de celui-ci dans un délai de 30 ou de 60 jours, selon le sujet.

Le sénateur Christensen: Nous parlons de l'accord.

M. Okalik: Oui. J'essaie d'expliquer les limites inhérentes, dans l'accord sur les revendications territoriales, aux offices relevant de l'autorité ministérielle.

Si une décision du Conseil de gestion de la faune va à l'encontre d'un accord international, d'une entente multipartite, de la sécurité publique ou des principes de conservation, le ministre peut la renverser dans un délai de 30 à 60 jours. Voilà la limite.

Le sénateur Christensen: Vous aimeriez voir les mêmes limites dans projet de loi-ci.

M. Okalik: Oui. Si le conseil de gestion prend une décision, le ministre doit pouvoir la renverser en fonction de l'intérêt national ou régional.

Voilà le genre de limites qui, à mon avis, devraient permettre d'apaiser les préoccupations qui ont été exprimées. Comme je l'ai dit, l'Office des eaux est notre tribunal de première instance, c'est là où les gens du Nunavut peuvent s'exprimer. Nous ne voulons pas que leur avis soit écarté par un fonctionnaire d'Ottawa. Nous voulons au contraire qu'il soit considéré avec attention.

Les autres offices ont la possibilité de faire valoir leur opinion auprès du ministre. En définitive, c'est au ministre de décider de l'accepter ou de la rejeter.

Le sénateur Christensen: Est-ce que l'accord sur l'eau le stipule comme les autres accords?

M. Okalik: Non. On peut interpréter l'accord dans un sens ou dans l'autre. C'est soit l'Office des eaux, soit le ministre. On ne sait pas.

Le sénateur Christensen: Cette disposition de l'accord est également imprécise.

M. Okalik: C'est pourquoi je sollicite vos conseils pour essayer de bien intégrer le reste de l'accord à la loi, de façon à ce que toutes les parties sachent exactement qui exerce les pouvoirs. Nous ne voulons pas qu'une décision judiciaire ultérieure puisse être interprétée dans un sens ou dans l'autre. Nous voulons des certitudes, quitte à trouver un compromis qui réponde aux préoccupations de toutes les parties.

Le sénateur Christensen: Il y a le Conseil de gestion de la faune. Quel est l'autre office?

M. Okalik: La Commission du Nunavut chargée de l'examen des répercussions.

Le sénateur Christensen: Est-ce qu'il s'agit d'organes consultatifs?

M. Okalik: En partie. Au Conseil de gestion de la faune, si les préoccupations du ministre ne répondent pas aux critères choisis, c'est la décision de l'Office des eaux qui prime.

Le président: Est-ce que vous êtes au courant des changements proposés par John Merritt, le légiste de la Nunavut Tunngavik Incorporated? Votre conseiller juridique a-t-il préparé le texte des changements que vous demanderez?

M. Okalik: Nous n'avons rédigé aucun texte concernant la préséance de l'autorité ministérielle. Pour les autres dispositions, les choses me semblent bien claires. Par exemple, dans le cas de la clause de non-dérogation, nous avons repris des formules qui apparaissent déjà dans d'autres lois fédérales comme la Loi sur les armes à feu, et la NTI a proposé une disposition sur l'interprétation positive que nous avons approuvée.

Le président: Nous avons vu les ébauches du bureau de la NTI à Ottawa.

Le sénateur Adams: Je remercie notre premier ministre du Nunavut de comparaître ce matin devant le comité. Je voudrais intervenir sur le projet de loi C-33 qui, je l'espère, va améliorer le sort des gens du Nunavut.

Depuis cinq ou six ans, l'Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest est régi par la loi émanant du projet de loi C-6. Pensez-vous que le projet de loi C-33 soit bien conforme à cette loi? Pensez-vous que le présent projet de loi doive s'écarter du projet de loi C-6, puisque l'Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest n'avait rien à voir avec les revendications territoriales?

Pensez-vous que le projet de loi C-33 devrait être différent parce que le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest ont des législations semblables sur les eaux, tandis que le Nunavut est différent, à cause du règlement de ses revendications territoriales? Le Nunavut compte 26 communautés et une population de 26 000 habitants. Le projet de loi devrait être un peu différent à cause de l'Accord de règlement des revendications territoriales. Je crois que cet accord comprend une disposition concernant les droits de chasse. Avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-68, nous avions les mêmes droits que tout autre citoyen canadien. Vous savez sans doute que le projet de loi C-33 va dans le même sens que le projet de loi C-68. Au moment où l'accord a été signé avec la NTI, il a été convenu d'accorder des droits différents aux communautés selon qu'elles se trouvaient au Nunavut ou dans le territoire. Maintenant, nous avons exactement les mêmes droits que le reste du Canada.

Nous nous préoccupons du projet de loi C-33. Nous le trouvons excessif, car c'est le ministre qui détient le pouvoir. Le premier ministre devrait en avoir un peu plus. Il vit sur place, tandis que le ministre habite Ottawa. Or, le ministre a plus de pouvoirs que le premier ministre.

J'aimerais en savoir davantage, car le gouvernement du Nunavut s'en préoccupe beaucoup. Je sais que le ministre sera ici dans une demi-heure. Peut-être pourrons-nous alors lui poser les questions qui nous préoccupent dans le contexte du projet de loi C-33.

M. Okalik: J'ai essayé d'exposer nos objections. Nous ne sommes pas opposés au projet de loi. Nous avons certaines objections auxquelles nous aimerions qu'on réponde avant que ce projet de loi ne soit adopté. Si on peut y répondre, nous aurons la certitude que tout le monde connaît les règles applicables.

À mon avis, si on met en oeuvre cette loi imparfaite, on va aggraver l'incertitude, et c'est ce que nous voulons éviter à tout prix.

Si on peut répondre à ces préoccupations mineures, les Inuits et l'industrie auront la certitude d'être sur un pied d'égalité. Pour l'instant, le projet de loi aggrave l'incertitude et n'est d'aucune utilité au Nunavut.

Nous aimerions accueillir davantage d'activités minières. Nous aimerions que les gens des compagnies minières connaissent les règles. Cependant, si ces règles sont faussées en faveur du gouvernement fédéral, les Inuits du Nunavut ne peuvent que s'en inquiéter.

Pour ce qui est des autres lois comme la Loi sur les armes à feu, je pense qu'elles ont été contestées devant les tribunaux parce que les préoccupations des Inuits n'avaient pas été prises en compte. Nous espérons qu'on parviendra à une solution. Mais voilà à quoi on aboutit lorsque les droits des Inuits ne sont pas respectés dans les lois. Nous espérons pouvoir trouver une solution à ces préoccupations grâce à votre comité.

Le sénateur Adams: La semaine dernière, d'autres témoins de la NTI et de l'Office des eaux nous ont dit qu'actuellement, les Territoires du Nord-Ouest appliquent la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest. Êtes-vous du même avis? Nous pourrions poursuivre nos travaux jusqu'à l'intersession d'été et retarder l'adoption du projet de loi. Il n'est pas impératif de l'adopter cette semaine. Est-ce que cela vous conviendrait, monsieur le premier ministre?

M. Okalik: Oui. Je peux me contenter de veiller à ce que les droits des Inuits, que j'ai aidé à négocier, ne seront pas supprimés. L'adoption de ce projet de loi soulèverait de graves préoccupations, pour moi en tant qu'Inuk, et pour notre territoire. Les Inuits ont ratifié l'accord en considérant que les droits qu'il leur conférait étaient protégés par la Constitution et ne pouvaient être supprimés par le gouvernement.

Tout cela est remis en cause par ce projet de loi, qui ne devrait donc pas être adopté. Voilà mon opinion. Avec de telles formules, je préférerais qu'il meure au Feuilleton plutôt que de le voir adopté. Si vous pouviez nous aider à supprimer la disposition litigieuse ou à rétablir la disposition précédente, cela nous serait très utile.

Le président: J'ai l'impression que vous préféreriez voir ce projet de loi mourir au Feuilleton plutôt que de le voir adopté sous sa forme actuelle. Bien souvent, au Sénat, nous voyons des intervenants dénoncer toutes les lacunes d'un projet de loi. Pourtant, si le Sénat amende un projet de loi la Chambre peut le refuser, et on en revient à la case départ. Le projet de loi n'est pas modifié et on se retrouve sans rien. Si vous dites que vous préféreriez le voir mourir au Feuilleton que le voir adopté tel quel. C'est bien cela?

M. Okalik: Je considère que les droits constitutionnels négociés par les Inuits ont préséance sur cette mesure législative.

Le président: Si on modifiait la clause de non-dérogation, vous pourriez peut-être vous accommoder des deux autres problèmes, car on pourrait toujours modifier la loi plus tard. Je ne suis pas juriste, mais je considère comme vous que lorsqu'on change quelque chose, il faut se demander pourquoi on le fait. Si après le changement, le sens de la loi est le même qu'avant, pourquoi a-t-on apporté ce changement? Voilà un bon argument.

Si la clause de non-dérogation était modifiée, est-ce que vous pourriez vous en accommoder? Je n'essaie pas de vous coincer, mais dans l'état actuel des choses, vous semblez préférer qu'on en revienne à la case départ et qu'on recommence tout.

M. Okalik: Oui, c'est ce que j'en pense. J'approuve également le point de vue de la NTI sur la question de la non-exclusivité en ce qui concerne l'eau. Pendant les négociations, j'ai parlé aux fonctionnaires de la clause d'extinction de l'accord sur les revendications territoriales qui invalide nos droits autochtones. Nous aurions préféré une formulation différente. Mais, les avocats du gouvernement ont dit qu'il fallait s'en tenir au texte actuel qu'on trouve déjà dans tous les traités et dans tous les accords sur des revendications territoriales car, si on le modifie, les tribunaux risquent d'en faire une mauvaise interprétation et de supprimer ainsi l'extinction.

J'ai remarqué que ce sont ces mêmes fonctionnaires qui préconisaient que pour plus de clarté, il fallait utiliser la même formulation dans tous les traités. Je prétends qu'il faut appliquer le même argument pour la protection des droits des Inuits, qui ont remplacé un titre non défini. C'est tout ce que je demande, et j'estime que c'est raisonnable. Si ce n'est pas ce qui figure dans la loi, il faut se débarrasser de la disposition contestée afin que les Inuits puissent toujours faire valoir que leurs droits demeurent protégés par la Constitution.

Le président: Le ministre sera ici dans un quart d'heure. Je vous demande de rester, car il sera intéressant d'écouter ses réponses. Nous essaierons de l'amener sur ce terrain pour qu'il vous réponde.

Le sénateur Kenny: J'invoque le règlement. Il serait intéressant d'entendre le premier ministre poser directement la question au ministre.

Le président: Voulez-vous que je demande au premier ministre de lui poser directement la question?

Le sénateur Kenny: J'aimerais bien savoir ce qu'ils ont à se dire.

Le président: Je ne suis pas sûr: je vais devoir vérifier si mon mandat de président me permet d'arbitrer un débat.

Le sénateur Kenny: Au besoin, je pourrais vous soumettre une motion.

Le président: Oui, si vous voulez.

Le sénateur Kenny: Je préférerais que nous nous mettions d'accord, mais s'il vous faut une motion, j'en présenterai volontiers une.

Le président: Je ne suis pas d'accord avec vous. Je pense que c'est aux membres du comité à poser des questions.

Le sénateur Kenny: Eh bien, je vous soumets ma motion.

Le président: Je mets donc en délibération une motion portant qu'après l'exposé du ministre, nous invitions le premier ministre à s'asseoir à la table et qu'il fasse alors partie du comité. Monsieur le premier ministre, cela veut dire que vous pouvez poser des questions. Par contre, vous ne pourrez pas voter.

Le sénateur Kenny: En vérité, j'invite simplement le premier ministre à s'avancer et à poser cette question au ministre lorsqu'il sera là, de façon qu'il puisse nous donner une précision sur ce point.

Le président: Il semble donc que cette motion vous confère un droit limité, monsieur le premier ministre. Vous n'êtes autorisé qu'à intervenir sur ce seul sujet. Vous pouvez donc vous installer à la table et poser des questions concernant la clause de non-dérogation. Nous vous imposons cette limite.

Je ne sais pas si nous établissons un précédent. Le greffier n'y voit pas de problème. Même s'il grisonne à peine, le sénateur Kenny est ici depuis plus longtemps que quiconque et il peut sans doute nous dire que la formule est acceptable. La présidence ne votera pas. Qui est pour?

Des voix: Oui.

Le président: Qui est contre?

Des voix: Non.

Le président: La motion est adoptée.

Le sénateur Adams: J'ai une autre question à poser. Dans le territoire du Nunavut... silence, s'il vous plaît. Mes voisins parlent trop fort.

Le président: Sénateur Kenny et sénateur Christensen, je n'ai pas ajourné la séance. Le sénateur Adams essaie de poser une question.

Le sénateur Adams: Le territoire du Nunavut est encore bien jeune. L'Association minière nous a dit que les seuls que l'achat de terrains intéresse sont de Vancouver ou de Toronto. Est-ce que les compagnies minières qui s'installeront là-bas à l'avenir ne devraient pas établir un partenariat avec la collectivité ou les organismes locaux?

Monsieur le premier ministre, vous gouvernez le Nunavut depuis deux ans. Je crains que le développement du pays ne rapporte pas grand-chose aux habitants du Nunavut. Les compagnies minières qui s'y installent ne s'intéressent ni à la population locale ni à ses entreprises, pas plus que les compagnies pétrolières et gazières. Il serait bon d'envisager des avantages supplémentaires pour les communautés, de façon qu'un plus grand nombre d'habitants puissent se passer de l'assistance sociale.

M. Okalik: Malgré ses ressources limitées, notre gouvernement vient en aide aux prospecteurs, par exemple. Nous contribuons financièrement à leurs dépenses s'ils veulent prospecter au Nunavut. Nous essayons de faire notre part. Bien que nous n'ayons pas compétence sur le secteur minier, nous essayons d'en faire la promotion, car nous savons que toute activité qui crée de l'emploi sera utile à notre territoire, non seulement pour l'emploi, mais aussi pour la formation des Inuits et des communautés.

Ces dernières années, les activités de prospection ont connu une expansion considérable, ce qui nous semble très encourageant. Cependant, nous misons aussi sur l'exploitation minière. Nous voulons également que les compagnies minières se conforment à l'accord sur les revendications territoriales en matière de gestion des eaux et de respect de l'environnement. Nous apprécions les investissements effectués actuellement dans le secteur minier, et nous souhaitons qu'ils se poursuivent et qu'ils augmentent.

Le président: Merci, monsieur le premier ministre. Vous êtes peut-être arrivé après le témoignage de l'Association minière. J'ai demandé à ses représentants s'ils approuvaient cette loi ou s'ils voulaient revenir à la case départ, c'est-à-dire revenir en arrière, la nouvelle loi n'étant pas parfaite. Ils ont dit qu'ils préféraient la loi, malgré ses imperfections, à la situation antérieure - évidemment, il n'y avait rien. Ils semblent considérer la loi de façon positive, pas nécessairement pour la phase de prospection, mais du moins, pour la phase de l'exploitation minière.

Nous allons faire une pause de six à sept minutes. Je vous remercie, monsieur le premier ministre, d'être venu nous voir et j'espère que vous allez rester, car sinon, la motion du sénateur Kenny ne sera plus d'aucune utilité.

Le comité doit régler une petite question d'ordre administratif. Tout le monde a reçu un exemplaire de la lettre de l'honorable Jack Austin, président du Comité permanent des privilèges qui nous demande si nous souhaitons changer notre nom. On nous donne l'occasion de changer notre nom, si nous le souhaitons. Je pense que ça va.

Il s'agit de savoir si on veut changer le nom de notre comité. Certains comités ont changé de nom. Je crois que le sénateur Kenny a changé le nom de son comité.

Le président: Tout le monde en est satisfait, alors gardons le même nom.

Monsieur le ministre, une motion a été adoptée avant votre arrivée. Le Premier ministre du Nunavut se joindra à nous pour poser des questions au sujet de la clause de non-dérogation lorsque vous aurez terminé votre exposé.

L'honorable Robert D. Nault, c.p., député, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien: C'est assez inhabituel. Il peut venir me voir n'importe quand et me parler n'importe quand. Quoi qu'il en soit, nous répondrons aux questions sur la clause de non-dérogation en profondeur. S'il veut bien suivre de très près, nous expliquerons cette clause en détail et il pourrait comprendre exactement en quoi elle consiste. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire que vous adoptiez une motion pour que le premier ministre me pose des questions. Il peut me parler n'importe quel jour de la semaine. Il n'a qu'à me passer un coup de fil.

Le président: Mais il n'aurait pas alors un aussi charmant groupe de gens qui l'écoutent.

M. Nault: C'est vrai. Nous répondrons à cette question en détail. Je voudrais commencer immédiatement, car je copréside aujourd'hui une rencontre avec une délégation russe.

Monsieur le président, c'est ma première comparution devant votre comité. Je vous dis donc bonjour et je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Je suis ici avec quelques représentants du ministère pour répondre à vos questions au sujet du projet de loi C-33, la Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut de 2001. J'ai appris que vous aviez déjà reçu des témoignages de personnes éprouvant des inquiétudes à l'égard de certaines dispositions contenues dans ce projet de loi.

On m'a aussi fait part de ces inquiétudes, et je ferai de mon mieux pour répondre aujourd'hui à ces personnes. À mon avis, le projet de loi C-33 est un document législatif équilibré, responsable et rigoureux. C'est pourquoi je vous demande aujourd'hui votre appui. J'en aurai également grand besoin lorsque viendra le temps de la troisième lecture du Sénat.

Permettez-moi d'abord de vous dire de nouveau que nous avons élaboré ce projet dans le but premier de respecter une des obligations de la Couronne, telles qu'elles sont stipulées dans l'Accord sur le règlement des revendications territoriales du Nunavut. Nous avons travaillé sans relâche avec la Nunavut Tunngavik Incorporated et le gouvernement territorial pour forger une loi qui se conforme aux engagements pris dans le cadre des revendications territoriales, qui respecte les intérêts des Inuits ainsi que ceux des résidents et des entreprises non inuits du Nunavut, et qui protège l'environnement de l'Arctique.

Ce projet de loi accordera aux résidents du Nord les pouvoirs dont ils ont besoin. Il fera en sorte que les décisions puissent dorénavant être prises au Nunavut même et permettra d'ouvrir la voie à de nombreux débouchés économiques tant pour les résidents inuits que pour les résidents non inuits. Il ne s'agit pas de satisfaire certains bureaucrates d'Ottawa désireux de s'accaparer des pouvoirs, mais plutôt de déployer un effort sincère en vue de donner aux résidents de ce nouveau territoire les outils dont ils ont besoin pour gérer le développement durable sur toute l'étendue de leurs terres. Ce projet de loi, qui a pour but d'assurer une bonne administration publique, apportera, j'en suis convaincu de nombreux avantages au Nunavut au cours des années à venir.

Le comité se souvient sans doute, que dans le cadre l'Accord sur le règlement des revendications territoriales du Nunavut, le Canada a dû adopter des lois pour la constitution de divers conseils, commissions et tribunaux. Cinq ans ont passé depuis l'échéance de l'Accord, qui avait été fixée pour 1996, et nous en sommes encore aujourd'hui à tenter de mettre un terme aux travaux.

Notre gouvernement prend très au sérieux son devoir de respecter les engagements pris dans le cadre des revendications territoriales. Nous vous en avons donné la preuve à de nombreuses reprises. Nous sommes déterminés à respecter tous lesengagements qui ont été pris dans cet accord, y compris celui exigeant un fondement législatif au Conseil des eaux du Nunavut et au Tribunal des droits de surface du Nunavut.

Il est vrai que ces deux institutions ont déjà été fondées et accomplissent leurs tâches respectives. Cependant, l'Accord sur les revendications territoriales ne décrit pas suffisamment en détail les pouvoirs et les fonctions de ces deux institutions. De telles conditions ont généré un climat d'incertitude au Nunavut.

Cette situation ne peut pas durer encore cinq ans, pendant que nous tentons d'en arriver à un consensus sous tous les aspects, objectif qui semble irréalisable à ce moment-ci. Nous nous devons d'adopter une loi qui répond aux besoins de l'ensemble des intervenants, tout en étant accessible pour les résidents du Nord, les promoteurs, les gens du secteur de l'industrie ainsi que les prêteurs.

De plus, nous devons confirmer, au moyen d'une loi, la création du Conseil des eaux du Nunavut et du Tribunal des droits de surface du Nunavut en tant qu'institution gouvernementale publique.

Le projet de loi C-33 permettra de réaliser ces objectifs fondamentaux et même davantage. En effet, les dispositions du projet de loi dépassent largement le cadre de base établi dans l'Accord sur les revendications territoriales et établissent des régimes détaillés de gestion des eaux et des droits de surface au Nunavut. Un tel contexte permettra d'instaurer un climat de certitude pour les membres du Conseil et du Tribunal quant à leurs fonctions, à leur mandat et à leurs responsabilités. Il permettra également de créer un climat de certitude pour les promoteurs et les membres des collectivités puisqu'il favorisera la mise sur pied d'activités d'exploration et de développement économique dans tout le Nunavut.

Nous n'avons pas l'intention aujourd'hui même de proposer une approche nouvelle et radicale en matière de gestion des ressources. La première partie du projet de loi C-33 n'est que le reflet de la Loi sur les eaux du Yukon et de la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest. Une fois en vigueur, les Règlements sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest deviendront les règlements sur les eaux du Nunavut, et le Conseil des eaux du Nunavut possédera officiellement le pouvoir de délivrer les permis. Cette forme de conseil des eaux existe dans le Nord depuis 30 ans.

La deuxième partie du projet de loi C-33 reprend de nombreux éléments de la Loi sur l'office des droits de surface du Yukon et reflète diverses lois provinciales semblables, y compris la Petroleum and Natural Gas Act de la Colombie-Britannique, la Surface Rights de l'Alberta et la Surface Rights Acquisition and Compensation du Manitoba.

Honorables sénateurs, le projet de loi ne cache ni secret ni surprise. Comme je viens de le dire, il est le résultat des efforts sincères qui ont été déployés pour respecter les termes et l'esprit de l'Accord sur le règlement des revendications territoriales du Nunavut, tout en établissant un régime pertinent et efficace de gestion des ressources au Nunavut.

Malheureusement, ce n'est pas ainsi qu'on a décrit notre démarche. J'aimerais que l'on tienne un dialogue sain et ouvert au sujet de ce projet de loi et sur ce qu'il signifie pour le Nunavut. Toutefois, ce dialogue doit être fondé sur les faits. C'est dans cet esprit que j'aimerais utiliser le reste du temps qui m'est alloué pour rectifier quatre critiques particulières qui ont été adressées à l'égard du projet de loi C-33 et que je considère injustes et non motivées.

La première concerne l'allégation selon laquelle la clause de non-dérogation du projet de loi C-33 pourrait entraîner des conséquences cachées - ce qui signifie, de façon plus précise, que les droits ancestraux ou les droits issus des traités existants pourraient être restreints. Ce n'est tout simplement pas le cas. En fait, le libellé du projet de loi C-33 a été adopté par le ministère de la Justice de sorte qu'il respecte l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui vise à protéger les droits ancestraux et les droits issus des traités.

Nous n'avons pas l'intention d'augmenter ni de diminuer la protection offerte par l'article 35 - nous ne maintenons que le statu quo. Je peux vous assurer que ce projet de loi protège entièrement les droits des Inuits au Nunavut et des autres Autochtones. Les termes utilisés sont conformes aux pratiques en cours dans le cas d'autres lois fédérales; ils ne sont pas particuliers à ce projet de loi.

Le comité a également reçu des plaintes affirmant que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pourrait refuser la délivrance de permis d'utilisation des eaux ou retarder leur approbation. Notre gouvernement juge qu'il est important que les représentants élus soient responsables des décisions relatives aux permis d'utilisation des eaux les plus importants, qui pourraient avoir une incidence sur l'économie, l'environnement et le tissu social du Nunavut.

Nous n'avons pas renoncé à cette responsabilité au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest et nous n'avons pas l'intention de nous désister à l'égard du Nunavut. Comme c'est le cas dans les autres territoires et les autres provinces, le projet deloi C-33 garantit qu'un représentant élu sera le dernier responsable de la gestion d'une ressource naturelle importante. Naturellement, cette personne est le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Par ailleurs, le projet de loi C-33 a été la cible de certains, puisqu'il autorise la Couronne à percevoir des droits lorsque les ressources hydriques passent sur des terres dont les Inuits sont propriétaires. Je crois qu'on a mal interprété tant l'intention que les répercussions de cette disposition du projet de loi.

D'abord, nous ne mettons pas en cause le fait que les Inuits ont droit à une utilisation exclusive des cours d'eau qui traversent leurs terres. De plus, nous attendons avec impatience le moment où les Inuits percevront des recettes sur les activités tenues sur leurs terres, y compris l'utilisation des ressources hydriques, qui est un de leurs droits, comme le stipule l'Accord sur les revendications territoriales. Toutefois, je dois également préciser qu'il n'existe rien dans cet accord qui exempte un titulaire de permis inuit de payer des droits au gouvernement.

Quant à l'allégation selon laquelle nous soutirons des recettes aux Inuits, permettez-moi de dire que les recettes provenant de l'utilisation des eaux par les deux plus importants consommateurs d'eau au Nunavut, soit la mine Polaris et la mine Nanisivik, s'élèvent actuellement à moins de 25 $ par année pour chacune. Notre gouvernement a investi au Nunavut des millions de dollars des contribuables, et nous continuerons d'investir dans l'amélioration de l'infrastructure du territoire, dans ses ressources humaines et dans sa capacité de gouvernance puisqu'il s'agit-là de la chose à faire. L'idée que nous avons l'intention de soutirer d'énormes sommes d'argent de l'économie territoriale par l'intermédiaire des recettes tirées des permis d'utilisation des eaux est complètement irréaliste.

Enfin, je voudrais aborder la question de l'évacuation des eaux libres du Nunavut, que le projet de loi C-33 n'interdit pas précisément, comme le comité le sait.

Ma réponse comporte deux volets. D'abord, j'aimerais répéter que le but premier du projet de loi C-33 est de s'acquitter d'une obligation en vertu de l'accord sur le règlement des revendications territoriales du Nunavut. En d'autres mots, ce projet de loi n'a nullement pour objectif de retirer des eaux du Nunavut.

Cela étant dit, j'aimerais rappeler au comité que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien aura, en vertu du projet de loi C-33, le pouvoir d'approuver ou de refuser les permis importants d'utilisation des eaux au Nunavut. Ce pouvoir sera géré conformément à l'engagement de notre gouvernement d'interdire l'évacuation des eaux libres dans des régions qui relèvent de la compétence fédérale. Je peux vous assurer - comme je l'ai dit aux premiers ministres des trois territoires - que je n'approuverai aucun permis qui aura pour but d'évacuer des eaux du Nord.

Bien que le projet de loi C-33 n'ait pas pour objectif d'interdire l'évacuation des eaux libres, ce dernier point demeure quand même une question importante. J'aimerais vous informer que des représentants du ministère que je dirige ont eu des discussions préliminaires avec le gouvernement du Nunavut en ce qui a trait à la mise en 9uvre d'une stratégie fédérale qui interdirait l'évacuation des eaux libres. On a également tenu des discussions avec le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest. Il est essentiel que nous ayons, pour tout le Nord, une approche cohérente à cette question. Toute modification au projet de loi C-33 ne toucherait que le Nunavut, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon demeurant assujettis à différents régimes législatifs.

Pour conclure, mesdames et messieurs les sénateurs, j'aimerais dire une fois de plus que le Canada est fier de présenter aujourd'hui le projet de loi C-33. En respectant cette obligation qui découle d'une revendication territoriale, nous comblons une lacune législative et fournissons la certitude dont ont besoin le Conseil des eaux et le Tribunal des droits de surface, le public et les collectivités, ainsi que les entreprises et les prêteurs qui se préparent à investir au Nunavut.

Il est évident que certaines personnes ne sont pas d'accord avec tous les éléments contenus dans le projet de loi - ou même, disons-le, avec certains éléments qu'on n'y retrouve pas. Cependant, il nous faut aller de l'avant. Nous devons nous rappeler que ce projet de loi n'a pas été conçu dans le secret; il a fallu de nombreuses années pour le mettre au point. Nous avons procédé à des consultations longues et transparentes qui doivent, tôt ou tard, nous conduire à certaines décisions et à certaines actions. Notre gouvernement, à la suite de consultations, a pris sa décision, et ce, dans le meilleur intérêt des résidents du Nunavut et de tous les Canadiens et Canadiennes. Nous sommes maintenant prêts à agir. C'est pourquoi, aujourd'hui, je sollicite votre appui.

Je répondrai avec plaisir aux questions du comité.

Le sénateur Cochrane: Je suis heureuse que vous ayez répondu officiellement à bon nombre des préoccupations que nous avons entendues d'autres témoins. Je vous en remercie.

Si j'ai bien compris l'Association minière du Canada ce matin, ce projet de loi est la première d'une série de trois étapes. La deuxième étape concerne l'aménagement du territoire et la troisième l'impact social et économique. Quand pouvons-nous nous attendre à ce que ces deux prochaines étapes soient prises?

L'Accord sur les revendications territoriales a été ratifié en 1993. Pourquoi a-t-il fallu aussi longtemps pour présenter un projet de loi comme celui-ci? Quand pouvons-nous nous attendre à ce que l'on présente les projets de loi des deux prochaines étapes?

M. Nault: Je vais demander à un de mes hauts fonctionnaires de vous parler de l'échéancier pour les deux autres étapes afin de vous faire connaître le processus que nous suivons. Naturellement, nous avons l'intention de consulter le plus d'intervenants possibles et de tenter d'en arriver à un consensus avant de vous présenter un projet de loi. Je vais demander à M. Dunlop de vous expliquer en détail le processus que nous suivons.

M. Will Dunlop, directeur, Direction de la politique des ressources et des transferts, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: Honorables sénateurs, nous sommes en train d'élaborer les projets de loi pour tous les offices en même temps. On nous a demandé de nous concentrer sur l'Office des eaux et le Tribunal des droits de surface, et nous avons convenu de laisser de côté les projets de loi sur la Commission du Nunavut chargée de l'examen des répercussions et la Commission d'aménagement du Nunavut jusqu'à ce que nous ayons terminé celui-ci.

Nous n'allons pas diviser cela en deux projets de loi. Nous voulons présenter un seul projet de loi pour les deux commissions. Nous pensions que cela prendra sans doute trois ans.

Le sénateur Cochrane: Trois ans avant que les deux prochaines étapes soient ratifiées?

M. Dunlop: La prochaine étape. Nous espérons présenter un projet de loi sur l'évaluation socio-économique et environnementale du Yukon, ensuite il y aura le projet de loi sur les droits de surface des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. Nous travaillons sur les trois projets de loi.

Le sénateur Cochrane: Monsieur le ministre, parlons un peu de l'approbation des permis d'évacuation d'eau du Nord. Disons qu'il y ait remaniement ministériel - et il devrait y en avoir un sous peu, d'après ce que disent les médias - le projet de loi à l'étude dit-il clairement qu'aucun ministre n'a le droit d'approuver un permis d'évacuation d'eau dans le Nord?

Vous avez dit spécifiquement vous ne le feriez pas, mais qu'arriverait-il si un autre ministre prenait votre portefeuille? Ce ministre aurait-il le droit de faire ce qu'il veut?

M. Nault: Pas s'il veut rester longtemps au conseil des ministres, tout simplement parce que le gouvernement du Canada et notre premier ministre ont adopté la position selon laquelle il n'y aura aucune évacuation des eaux libres du Nord et des provinces, du moins sur les terres fédérales.

Tous les ministres responsables, c'est-à-dire les ministres des provinces et des territoires, y compris le ministre du Nunavut - se sont mis d'accord pour que les eaux libres ne puissent être transférées à l'extérieur de leur territoire.

Dans mes observations liminaires, j'ai dit qu'essentiellement, nous avons ce pouvoir à l'heure actuelle et d'autres ministres auront le même pouvoir. Cependant, je voudrais préciser qu'il est important de s'assurer de ne pas en faire un projet de loi sur les eaux libres, car ce n'est pas là notre intention. Il s'agit d'un processus pour accorder un permis et mettre en place un mécanisme d'observation. Je suis surpris que nous ne vous ayons pas remis la correspondance entre moi-même et les trois premiers ministres des territoires. J'ai demandé aux trois gouvernements de travailler avec le gouvernement fédéral et de présenter un projet de loi qui pourrait essentiellement uniformiser les droits partout dans les territoires en ce qui concerne les eaux libres.

Que je sois en poste ou non, la position du gouvernement, qui s'appuie sur le projet de loi dont nous sommes saisis, est qu'il n'y aura aucune évacuation d'eau libre à l'extérieur des territoires.

Le président: C'est peut-être un bon moment, monsieur le premier ministre, pour que vous posiez vos questions au ministre. Cela nous profitera à nous tous qui écoutons.

M. Okalik: Je dois préciser que je n'ai pas demandé à poser des questions. On me l'a proposé sous forme de motion. Je n'ai pas demandé à participer. J'explique tout simplement ce qui s'est produit.

Ma principale préoccupation concerne les dispositions de non-dérogation, comme je l'ai mentionné aux sénateurs. Cette disposition visait à protéger les droits des Inuits. Les principaux organismes qu'elle vise à protéger - les organismes inuits - s'opposent à cette disposition, car elle risque d'avoir un effet opposé. C'est une véritable préoccupation pour mongouvernement, et pour les Inuits du Nunavut qui ont ratifié l'accord. Nous croyons comprendre que les droits en question seraient protégés par la constitution. Cette disposition en particulier risque de remettre cela en question.

Seriez-vous prêt à éliminer cette disposition ou à la modifier conformément à ce qu'on retrouve dans la Charte ou dans la Loi sur les armes à feu, dont le libellé protège les droits autochtones et issus des traités?

M. Nault: Je répondrai à une partie de la question, et je demanderai à mes conseillers juridiques de vous expliquer la raison légale pour laquelle ce n'est pas un problème. On en a fait un problème, et je ne sais pas trop pourquoi.

Ce n'est pas une nouvelle disposition de non-dérogation. C'est la position et la politique du gouvernement depuis 1996. Le libellé de cette disposition a été changé dans un certain nombre de projets de loi. Ce que l'on craignait dans la version précédente, c'est que cela puisse être interprété comme accordant une plus grande protection aux droits autochtones et issus de traités que celle offerte par la constitution, et nous ne voulions rien de moins ni rien de plus. Nous voulions donc préciser qu'effectivement, cette disposition accordait la protection nécessaire.

Mesdames et messieurs les sénateurs, vous avez adopté des projets de loi depuis que ce changement a été apporté: la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du MacKenzie et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. On retrouve cette disposition également dans les projets de loi C-5, C-6, C-10 et C-39.

Le gouvernement n'a nullement l'intention de tenter, d'une façon ou d'une autre, de retirer des droits aux Inuits du Nunavut. Nous insérons cette disposition dans un certain nombre de projets de loi par souci d'uniformité. Nous nous sommes éloignés de la disposition de non-dérogation que l'on retrouve dans la Loi sur les armes à feu parce qu'elle ne répondait pas aux besoins précis auxquels elle devait répondre.

Je veux, par ailleurs, mentionner quelques points essentiels qu'il faut reconnaître.

Il y a, entre autres, l'accord sur le Nunavut comme tel, qui, plus précisément, aux paragraphes 2.12.2 et 40.1.2, concrétise et confirme les paragraphes 4.1 et 6.1 de la Loi sur le Nunavut et le paragraphe 3.1 du projet de loi à l'étude. Ce sont vraiment les articles importants qui traitent de la protection des droits inuits dans le cadre de l'accord territorial. La disposition denon-dérogation, comme nous l'avons dit et comme le ministre de la justice le dirait, est essentiellement une mise en garde pour dire aux gens que les Inuits ont des droits. Ce n'est pas une disposition interprétative, c'est ce que les gens doivent essayer decomprendre.

Que cette disposition soit là ou non, cela n'a aucune conséquence sur les droits des Inuits, car ces droits se trouvent déjà dans la revendication territoriale. L'Accord de revendications territoriales a préséance, dans certains domaines, sur ce projet de loi en particulier.

Je suis un peu surpris que nous ayons un tel débat alors qu'en fait, cette disposition de non-dérogation se trouve pratiquement dans tous les projets de loi dont vous avez été saisis concernant les peuples autochtones depuis 1996. Personne ne s'en est plaint auparavant et personne n'a laissé entendre ce qu'on laisse entendre aujourd'hui ou lors des séances précédentes. J'aimerais savoir pourquoi le premier ministre et ses conseillers interprètent cette disposition de cette façon.

Je vais demander à M. Ricard de vous donner une explication, de vous signaler quelques points importants, pour ceux qui veulent parler surtout de l'aspect juridique de cette question.

Enfin, monsieur le président, cette disposition de non-dérogation en particulier se retrouvera dans d'autres projets de loi dont vous serez saisis. Par exemple, vous examinerez bientôt la Loi sur le Yukon. Vous remarquerez peut-être qu'il y a une disposition de non-dérogation dans ce projet de loi qui est identique à celle-ci. Je n'ai pas entendu les mêmes plaintes du gouvernement du Yukon ou des Autochtones à cet égard. C'est unique à cette situation en particulier et je me demande quelle en est la raison. Je n'en parlerai pas davantage aujourd'hui. M. Ricard fera quelques observations, ensuite je conclurai en vous parlant d'une autre question dont vous voudrez peut-être tenir compte en ce qui a trait à la disposition de non-dérogation.

Le président: Avant de donner la parole à M. Ricard, vous demandez d'où vient cette préoccupation. Des fonctionnaires du ministère ont comparu devant le Comité des affaires autochtones de la Chambre des communes il y a quelques temps. Le comité a soulevé la question et les fonctionnaires ont laissé entendre que le libellé qui était proposé limiterait la suprématie du Parlement. Le nouveau libellé est censé faire en sorte que le Parlement ait la suprématie. Un groupe minoritaire doit craindre la suprématie du Parlement, particulièrement si ce dernier s'empresse d'empiéter sur les droits des minorités.

Les fonctionnaires de votre ministère ont dit que cela assurerait la suprématie du Parlement. Est-ce une bonne idée?

M. Nault: C'est une bonne idée, étant donné que nous sommes élus par le peuple pour légiférer.

Le président: Le fait d'être élus par le peuple n'est cependant pas une excuse pour empiéter sur les droits des gens.

M. Daniel Ricard, avocat-conseil général, Services juridiques, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: Honorables sénateurs, le ministre a répondu à la question, donc je limiterai mes observations à deux points.

D'abord, je veux réitérer le fait que le paragraphe 3.3 du projet de loi est une disposition déclaratoire. En d'autres termes, ce n'est pas une disposition qui crée un droit fondamental ou une obligation, mais qui vise plutôt en général à interpréter le projet de loi.

Comme le ministre l'a dit, c'est une disposition que l'on retrouve dans des mesures législatives qui ont été adoptées précédemment et qui se retrouvera également dans des projets de loi à venir.

Deuxièmement, en 1996, dans le cadre du projet de loi sur les armes à feu, il y avait une disposition différente qui correspondait davantage à l'article 25 de la Charte. L'article 25 de la Charte tente de concilier d'une part les droits collectifs aux termes de l'article 35 - qu'il s'agisse de droits ancestraux ou de droits issus de traités - et, d'autre part, les dispositions de la Charte qui protègent les droits individuels. L'article 25 tente de concilier ces deux séries de droits. En 1996, dans le contexte du projet de loi sur les armes à feu, on a inclus un libellé dans ce sens.

Par la suite, après examen, on a pensé que le libellé modifiait peut-être ce qui était prévu à l'article 35. Par conséquent, on a affiné le libellé pour obtenir celui que nous avons à l'heure actuelle. Par conséquent, l'intention n'a jamais changé. Que l'on parle de la disposition sur les armes à feu ou de la disposition actuelle, l'intention n'a pas changé.

Seul le libellé a changé, et au cours des cinq dernières années, nous l'avons maintenu, car il reflète clairement l'intention du Parlement.

M. Nault: La dernière question que je voudrais aborder, monsieur le président, concerne l'alinéa 40.1.2b) de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, qui dit que rien dans aucune loi de mise en 9uvre des dispositions de l'accord ne peut «abroger» leurs droits ancestraux ou issus de traités ou y «déroger». Cela empêcherait d'exercer tout pouvoir prévu dans le projet de loi aux termes d'une disposition de mise en oeuvre de l'accord qui ne correspondrait pas à leurs droits. Cette disposition améliore la protection de leurs droits ancestraux et issus de traités qui est garantie par la Loi constitutionnelle de 1982.

Monsieur le président, à mon avis, cela et le paragraphe 3.1 du projet de loi à l'étude réaffirment les droits des Inuits et des peuples autochtones. Ce n'est pas l'intention de la disposition de non-dérogation de réduire ces droits - nous ne pourrions pas le faire si nous en avions l'intention.

M. Okalik: Je me rappelle avoir eu un débat semblable lorsque j'ai négocié l'Accord sur les revendications territoriales. Nous voulions introduire un libellé différent pour ce qui est de l'extinction des droits ancestraux, et utiliser un libellé différent du libellé standard. Les fonctionnaires nous ont dit que nous ne pouvions pas utiliser un libellé différent de celui qui avait été adopté dans des traités précédents, car un tribunal pourrait interpréter cela différemment relativement à l'extinction des droits autochtones. Par conséquent, nous avons dû adopter la norme du gouvernement.

Les Inuits demandent la même chose - que la disposition standard de la Charte soit utilisée afin de s'assurer que leurs droits ne sont pas abrogés et qu'on n'y déroge pas. En l'absence d'un tel libellé, il faut alors éliminer cette disposition entièrement. C'est bien de rassurer les Inuits et de leur expliquer que cette disposition se retrouve dans d'autres lois. Cependant, les Inuits estiment que, dans leur cas, c'est davantage une épée qu'un bouclier pour ce qui est de protéger leurs droits. Pourquoi ne pas tout simplement l'éliminer ou adopter la disposition standard que l'on retrouve dans la Charte et dans la Loi sur les armes à feu? C'est tout ce que je demande.

Le président: Vous vous reportez au paragraphe 40.1, et mon attaché de recherche, qui s'assure que je suis toujours vigilant, me signale que ce paragraphe dit: «pour tous les peuples autochtones autres que les Inuits»; en d'autres termes, cela ne s'applique pas aux Inuits.

M. Okalik: Je suis désolé, mais cet article a été négocié avec d'autres groupes autochtones. Il a été abordé en pensant à d'autres groupes autochtones, mais pas en ce qui concerne les Inuits. C'était les Inuits qui interagissaient avec d'autres groupes autochtones où il y avait chevauchement des terres visées par les revendications territoriales. C'est pourquoi on l'a inclus. C'est différent, mais c'est ce que d'autres groupes autochtones voulaient. Nous demandons que la norme nationale soit utilisée.

Le président: Par conséquent, monsieur le ministre, cet article n'appuie pas votre argument selon lequel cette nouvelle disposition de non-dérogation est préférable à l'ancienne ou supérieure à la Charte des droits.

M. Nault: C'est la norme gouvernementale, voilà tout. Nous avons inclus cette disposition de non-dérogation dans le projet de loi et c'est important parce que cela inclut les Inuits du Nord du Québec et les Dene du Manitoba et de la Saskatchewan qui sont également touchés par ce projet de loi à cause de leurs droits ancestraux - le premier ministre est au courant de tout cela.

L'article 3(1) prévoit déjà la mise en oeuvre fidèle de l'Accord du Nunavut. On y stipule:

Les dispositions de l'Accord l'emportent sur les dispositions incompatibles de la présente loi.

L'accord sur les revendications territoriales porte expressément sur les droits des Inuits. Je ne sais vraiment pas comment être plus clair sauf pour dire que vous voyez là des difficultés qui n'existent pas à notre avis.

La question de l'article de non-dérogation vise essentiellement à attirer l'attention sur le fait que l'article 35 de la Charte protège les droits des Inuits et des peuples autochtones.

Le président: Le ministre affirme que l'article 3 n'abroge pas ces droits ou n'y déroge pas, et que les accords sur les revendications territoriales ont préséance tel que prévu à l'article 3(2). Premier ministre Okalik, est-ce que cela vous rassure de voir que l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut l'emporte sur les dispositions incompatibles de la présente loi?

M. Okalik: On peut éprouver une certaine confiance, mais lorsque l'on regarde la jurisprudence, on constate qu'il y a eu des cas où les droits des Autochtones ont été annulés par des mesures gouvernementales.

Par exemple, dans l'affaire Sparrow, la Cour suprême a déclaré qu'un nouveau projet de loi pouvait dans certains cas primer sur les droits des Autochtones comme dans le cas de la Loi sur les droits d'utilisation de l'eau. Si un article prévoit qu'il peut être justifié d'annuler nos droits issus des traités alors que la clause de non-dérogation diffère de la disposition habituelle, cela pourrait porter un tribunal à croire que cette dérogation est justifiée.

Voilà ce qui nous préoccupe. Si vous ne reprenez pas le libellé habituel utilisé dans la Charte, par exemple, pour protéger les droits des Inuits dans le cadre des revendications territoriales, cela pourrait pousser les tribunaux à annuler ces droits issus de traités que les Inuits ont signés de bonne foi.

J'espère que votre comité pourra examiner cet aspect. Je ne veux pas abuser de votre temps et je crois que le ministre est ici pour comparaître devant vous et non pas devant moi. Voilà la position de notre gouvernement. Je vous demande simplement d'examiner la question.

Le président: En fait, vous n'avez pas pris de temps. Vos questions sont plus succinctes et plus pointues que celles qu'auraient posées les honorables sénateurs.

Le sénateur Adams: J'ai quelques questions pour le ministre. Est-ce que l'on trouve dans les autres provinces le même genre d'office des eaux? Je pense que d'autres provinces disent depuis longtemps qu'elles ont une culture différente. Peut-être les Inuits demandent-ils une formule un peu différente plutôt que de reprendre à leur compte la formule utilisée dans d'autres provinces.

Vous avez mentionné que le Nunavut aura certainement un avenir. Si le projet de loi C-33 est adopté, y aura-t-il des négociations entre Ottawa et le Nunavut, à l'avenir, pour régler la question des eaux aux termes du projet de loi C-33?

M. Nault: Il ne faut pas oublier que la politique gouvernementale est claire. Notre intention c'est de transmettre le plus près possible de la population les pouvoirs de régie, avec le temps. Vous allez examiner des projets de loi très importants sur la dévolution d'activités semblables dans le cas du Yukon, et ce très bientôt, je l'espère. Nous avons également l'intention de commencer à négocier officiellement avec les Territoires du Nord-Ouest pour nous entendre sur une loi semblable à celle-ci sur le Yukon afin de remettre certains pouvoirs aux Territoires du Nord-Ouest au cours des prochaines années.

Nous avons également l'intention - et nous avons entamé certaines discussions préliminaires - d'examiner la dévolution avec le gouvernement et les autorités du Nunavut. Honnêtement, chaque région en est à un stade différent de développement. Il faut bien comprendre que le Nunavut est un nouveau territoire. Il doit d'abord étoffer sa capacité, et avec le temps, j'espère que nous pourrons lui abandonner les responsabilités ministérielles prévues dans ce projet de loi ainsi que le rôle que nous jouons sur ce territoire. C'est notre objectif ultime. Il ne s'agit là que d'une première phase dans le transfert des responsabilités. Pour le moment, on peut dire que nous n'en sommes pas encore du tout là, comme pour le Yukon.

Le sénateur Adams: Je crois que la NTI se préoccupait aussi des TNO et des revendications territoriales, probablement des 350 000 kilomètres carrés dont il est question dans le projet de loi. Dans la revendication territoriale du Nunavut, vous conservez vos pouvoirs en matière de permis ou parlez-vous de permis à l'extérieur des zones touchées par les revendications territoriales?

M. Nault: Il y a différentes catégories de permis. Dans la majorité des cas, le ministre ne s'occupe pas du tout des permis. C'est dans la catégorie plus importante des grandes initiatives où, en vertu de la loi, on demande spécifiquement que le ministre intervienne pour protéger les intérêts de la région dans son ensemble. Je ne m'occupe certainement pas d'autoriser les permis aux particuliers ou aux entrepreneurs du secteur privé qui en demandent dans une région touchée par les revendications territoriales.

Deuxièmement, l'objectif de l'Office des eaux - et notre objectif - est que ceux qui travaillent à l'Office soient des gens du territoire qui comprennent la situation. L'objectif de ce projet de loi - qui est très important et dont nous n'avons pas discuté aujourd'hui - est de clarifier les rôles et les responsabilités des membres de l'Office.

Un des problèmes que nous avons au Nunavut aujourd'hui est qu'il règne une grande confusion quant à ce que peut ou ne peut pas faire l'Office. À diverses reprises, très franchement, il a probablement dépassé son mandat. Cela ne peut pas continuer. Le problème, c'est que les choses ne sont pas claires parce qu'il n'y avait pas de loi pour en préciser le mandat.

Cela permettre que l'on cesse de s'inquiéter que des ministres comme moi interviennent dans ce qui devrait être des affaires territoriales alors qu'en fait, je n'interviendrais normalement pas dans ces cas particuliers.

Enfin, je ne sais pas si votre recherchiste vous a remis ces renseignements, mais nous serions prêts à le faire. Les recettes du gouvernement canadien sur l'émission de permis et les droits sont tellement minuscules que je ne comprends même pas pourquoi il en a jamais été question. L'objectif n'est pas pour nous de faire payer des droits à la population inuite. Il s'agit simplement que le gouvernement puisse trouver le moyen de couvrir ses frais d'administration. C'est la seule raison de tout ce système d'émission de permis, d'après ce que je sais, parce que nous devons également nous assurer qu'ils sont respectés.

Le sénateur Adams: Entre-temps, j'ai pensé à quelque chose d'un peu différent. Vous avez parlé d'autres provinces. Là où nous vivons, nous n'avons pas accès aux retombées économiques des mines, du pétrole et du gaz. Si un autre pays veut notre eau et si un jour la population du Nunavut et le gouvernement constatent que nous n'avons pas de ressources économiques, quelles sont nos options? Il y a des gens qui vivent là comme assistés sociaux et si un autre pays voudrait que nous ayons un genre d'économie, que pouvons-nous faire? À l'heure actuelle, les gens achètent de l'eau en bouteille. Pourquoi achetons-nous de l'eau en bouteille, pourquoi le payons-nous aussi cher que du Coke et du Pepsi, etc. à la coop, dans les magasins du nord?

Au Yukon, ils ont des forêts. Quand on pense à l'avenir du Nunavut, il ne faut pas oublier que le gouvernement canadien a refusé il y a quelques années à Terre-Neuve d'essayer de vendre de l'eau aux États-Unis. Si le gouvernement canadien continue à déclarer que la population ne peut pas toucher à l'eau, quel est l'avenir de cette population?

M. Nault: Êtes-vous en train de dire que du fait de ce projet de loi, un entrepreneur au Nunavut ne pourrait pas se lancer dans le commerce de l'eau en bouteille?

Sénateur Adams: Non, ce n'est pas ce que je dis. Tout le monde peut le faire. La seule chose, à l'heure actuelle, c'est que si nous voulons construire un pipeline quelque part et vendre l'eau ou si nous voulons commencer à traîner des icebergs ailleurs, pour gagner de l'argent pour l'avenir de notre population, ce n'est pas possible.

À l'heure actuelle, au Nunavut, il est très difficile de trouver un emploi, même dans les compagnies minières parce que notre peuple n'est pas qualifié, n'a pas fait les études voulues et que les compagnies minières embauchent d'autres gens. Le projet de loi pourrait indiquer que ceux qui comparaissent devant l'Office de l'eau pour demander un permis devraient dire combien d'employés ils embaucheront sur place.

M. Nault: Je crois que je comprends le problème.

Le président: Est-ce tout, sénateur Adams?

Le sénateur Adams: Je pense que oui. Le ministre n'a pu me répondre.

M. Nault: Je crois que le sénateur dit que l'Office de l'eau et le système d'émissions de permis devraient donner aux résidents du Nunavut la possibilité de bâtir leur économie. Ce n'est pas là l'objet du projet de loi. Il est évident qu'une bonne réglementation aidera à créer une économie, mais l'objectif est de veiller à ce que les permis d'eau soient délivrés de façon constante et que cela protège l'environnement et les besoins des populations locales et qu'ainsi, à long terme, cela protège aussi les possibilités qu'offrira l'économie.

Toutefois, si vous voulez dire que nous devrions utiliser ceci directement pour embaucher des résidents du Nunavut, je ne pense pas que ce soit l'intention du projet de loi.

Le sénateur Christensen: Là encore, nous reviendrons peut-être sur certaines des choses que nous avons déjà examinées parce que c'est très important.

Tous nos témoins du Nunavut étaient d'accord, à l'exception des compagnies minières qui, évidemment, veulent certaines assurances pour obtenir leur permis et leur appui financier. Je pense qu'il serait très difficile d'obtenir un accord direct plutôt que de procéder par voie législative. C'est ce que leurs financiers doivent avoir pour avancer. Il est évident que les permis d'eau sont importants pour le développement de cette industrie.

Je reviendrai à la disposition de non-dérogation. Je crois que vous avez dit qu'on l'utilise depuis 1996. C'est bien cela? Avant cela, dans le libellé, c'est bien l'article 25 de la Charte que l'on utilisait?

M. Nault: Oui.

Le sénateur Christensen: Vous avez dit que l'article 25 pourrait peut-être donner des droits déjà acquis aux termes de l'article 35. Est-ce bien cela aussi?

M. Nault: L'intention du ministère de la Justice était de clarifier la différence entre l'intention de l'article 25 et celle de l'article 35 de la Charte. Il s'agit d'articles différents. Je vais vous lire l'article 25. Il s'agit des dispositions générales:

Le fait que la présente Charte garantit certains droits et libertés ne porte pas atteinte aux droits ou libertés - ancestraux, issus de traité ou autres - des peuples autochtones du Canada, notamment

a) aux droits ou libertés reconnus par la proclamation royale du 7 octobre 1763;

b) aux droits ou libertés existants issus d'accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d'être ainsi acquis.

Cela évidemment ne va pas expliquer l'article 35.

Le sénateur Christensen: À votre avis, cela n'inclut pas tout. Peut-être que l'on omet quelque chose alors que lorsque l'on se contente de citer l'article 35, cela englobe tout. C'est bien cela?

M. Nault: C'est cela.

Le sénateur Christensen: Je veux bien, mais je ne suis pas avocat et c'est peut-être plus simple ainsi.

La non-dérogation, c'est mot à mot, dans le projet de loi C-39 que nous allons recevoir mais je crois aussi que certains de nos témoins vont également le contester alors soyez prêts.

Les droits payés pour l'utilisation des eaux sont fixés et le projet de loi stipule que l'on peut prendre des règlements pour les fixer. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'on exigerait des droits, que par voie de réglementation, on pourrait créer certaines exceptions portant sur certaines utilisations sur lesquelles on ne paierait pas de droits, ou que certains groupes n'auraient pas forcément à en payer, des municipalités, ou autres. Est-ce vrai que cela peut être fixé par règlement? Cela ne veut pas nécessairement dire qu'il faille payer des droits?

M. Nault: C'est exact. Dans de nombreux cas, l'eau serait utilisée à des fins personnelles ou collectives, comme l'arrosage d'une patinoire de hockey. Nous ne percevrions évidemment pas de droits là-dessus, mais il s'agit d'une utilisation des eaux. L'idée des droits vise l'utilisation des eaux à des fins commerciales. C'est l'objectif de l'exercice de réglementation.

Je voudrais encore préciser quelque chose. Je suis un peu surpris, car si vous acceptez ce que j'ai dit tout l'heure au sénateur Adams, à savoir que l'objectif du gouvernement canadien est de transférer ces pouvoirs aux habitants du Nord, finalement, la détermination des droits et l'émission de permis relèveront du gouvernement du Nunavut.

Si nous faisions cela tout de suite, il deviendrait extrêmement difficile au gouvernement du Nunavut de couvrir ces coûts administratifs par l'émission de permis et l'imposition de droits. Je suis surpris que l'on puisse s'y opposer parce que les gouvernements évidemment, doivent trouver un moyen de couvrir leurs frais. C'est pourquoi je trouve surprenant que le gouvernement ou la NTI y voit une objection.

Le sénateur Christensen: Il y a un troisième point qui a été soulevé par toutes les parties. On semble très inquiet de toutes ces questions. Dans certains cas, on se demande d'où cela vient.

Dans l'accord - d'après ce que nous ont dit les témoins - ni le Conseil de gestion de la faune, qui est un conseil quasi consultatif je suppose parce qu'il est similaire à d'autres, ni la Commission d'établissement du Nunavut qui examinerait et s'occuperait de la mise en oeuvre n'entendraient de témoins et ne s'occuperaient de l'émission des permis ou d'autre chose. Ils disent aussi que dans l'article sur les ressources en eau et le Tribunal des droits de surface ce n'est pas aussi clair que dans les deux autres. C'est la raison pour laquelle on met en oeuvre ce projet de loi.

Pourriez-vous peut-être nous parler de ces trois offices ou commissions et du tribunal, des différences qui règnent entre eux et de la raison pour laquelle c'est clair dans un cas et pas dans l'autre?

M. Nault: Je vais vous l'expliquer comme je le comprends. La difficulté, pour le moment, c'est que nous avons des témoins qui viennent dire que bien qu'ils ont participé aux négociations, ils ont interprété les choses d'une certaine façon. Je n'étais pas moi-même à la table de négociations, si bien que je suis un peu désavantagé par rapport à eux.

Il y a des termes importants dans la revendication à propos de ces commissions parce qu'elles n'existaient pas au Nunavut à l'époque. Comme nous avions déjà un Office des eaux dans la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, nous avions beaucoup d'expérience. Comme on me l'a expliqué, on ne dit pas grand-chose là-dessus parce que l'on pensait que l'on utilise l'office qui existe déjà. Nous avions acquis 30 ans d'expérience avec les membres de cet office, la réglementation et les décisions relatives à l'émission de permis.

Sinon, pourquoi cela n'a-t-il pas été poursuivi plus à fond? Je me poserais la question en tant qu'ancien négociateur ayant participé à un certain nombre de tables de négociations. J'aurais fouillé cela. Cela n'a pas été fouillé parce que l'on a eu une bonne expérience de la question dans les 30 dernières années.

On dit que nous essayons de réinterpréter les choses. Nous utilisons simplement des lois qui existent ailleurs afin de clarifier les rôles et les obligations et de continuer, dans une certaine mesure, à maintenir le statu quo qui existe depuis 30 ans dans les territoires au nord du 60e. Nous voulons éliminer le problème que nous connaissons actuellement où les membres de l'Office profitent que rien n'est précisé dans la loi pour définir eux-mêmes leurs rôles et responsabilités.

Le sénateur Christensen: Nous avons élu, le ministre, qui est responsable d'un office dont les nombres sont nommés. Je suppose que ce serait la même chose au Nunavut et au Yukon. Lorsque les pouvoirs seront transférés, seront-ils transférés aux élus du Nunavut?

M. Nault: C'est un principe clé des gouvernements démocratiques, parlementaires auxquels nous sommes habitués. Les ministres sont responsables de l'application de la loi et de leurs décisions.

Là encore, j'ai posé cette question parce que je ne sais pas exactement comment cela va marcher. Si le ministre des Affaires indiennes et du Nord, à ce moment de l'histoire du Nunavut, n'a pas la responsabilité, il ne peut être tenu responsable. Qui va payer, si ce n'est pas le ministre des Affaires indiennes et du Nord, si quelque chose se passe mal du point de vue de l'environnement? Le gouvernement du Nunavut est-il prêt à assumer ce rôle? Est-ce que la NTI est prête à le faire?

Il serait intéressant que vous leur posiez cette question. Je suis tenu de rendre des comptes en cas de problème. Lorsque nous transférerons ces pouvoirs, le gouvernement du Yukon sera responsable au Yukon des questions d'environnement et des questions touchant à la réglementation et à l'émission de permis. Je ne comprends absolument pas pourquoi l'on voudrait retirer le rôle et les responsabilités du ministre des Affaires indiennes et du Nord de ce projet de loi. Je ne comprends pas du tout.

Je serais ravi, si je suis encore député dans 10 ans - ce que j'espère bien - et ministre responsable, et je le préconiserais, que le gouvernement du Nunavut ait le contrôle total en la matière. Toutefois, pour le moment, je ne pense pas que ce serait un bon argument à présenter sachant que nous n'en sommes pas encore là dans le transfert des pouvoirs.

Le sénateur Christensen: Vous avez soulevé un point important quant à la responsabilité. Les permis d'utilisation des eaux sont accordés aux entreprises minières. Les permis sont accordés. Il faut des pouvoirs pour fermer les mines et retirer ces permis. C'est une bonne chose.

M. Nault: Une dernière chose à ce sujet. Si l'on ne clarifiait pas les responsabilités des membres de l'office et du ministre, je ne crois pas que l'on pourrait trouver quelqu'un de bien pour siéger à cet office. Il faut penser aux aspects juridiques. En fin de compte, je suis responsable des actes de l'Office aux termes des dispositions de ce projet de loi. C'est normal. Je ne m'en défends pas. Je pense que c'est de la bonne politique et de la bonne administration, monsieur le président.

Le sénateur Banks: Je suis membre de notre comité qui examine un projet de loi avec une disposition de non-dérogation. Je sais qu'on a beaucoup discuté de cette question. Voulez-vous nous reparler de cela? Je ne me souviens pas en quelle année le changement a été fait.

M. Nault: En 1996.

Le sénateur Banks: En 1996. Il y a plusieurs projets de loi, dont certains sont devant nous et certains ont été examinés dernièrement qui contiennent une disposition de non-dérogation. Chaque fois que je demande pourquoi on a modifié le régime qui existait avant 1996, je reçois des réponses que je comprends de façon différente, n'étant pas avocat moi-même.

Je suppose que c'est par souci de clarté qu'on propose un nouveau libellé de la disposition de non-dérogation, qui limite l'application de l'article 35 de la Charte des droits et libertés.

Si j'ai raison - et je vous demande de me corriger sinon - en quoi consistent les limites du libellé de la disposition de non-dérogation par rapport à celles qui existaient avant 1996.

M. Nault: Je reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure. L'intention c'est d'être clair. On ne cherche pas à changer les droits des Autochtones - les Inuits ou les autres à l'extérieur du Nunavut qui sont visés par ce projet de loi. L'intention de la disposition, c'est de faire ressortir la protection des droits prévus à l'article 35.

Je me demande quelle serait la réaction si on supprimait carrément cette disposition de tous les projets de loi. Je pense que beaucoup d'Autochtones insisteraient pour la garder. Je suis étonné de constater que quelques groupes ont demandé que la disposition soit modifiée ou supprimée. D'après moi, elle existe parce que, depuis de nombreuses années, on nous demande de faire ressortir l'article 35 pour qu'il n'y ait pas de confusion avec l'article 25 de la Charte.

C'était l'intention de la modification effectuée en 1996. Nous avons adopté plusieurs projets de loi depuis. Il n'y a pas eu de contestation devant les tribunaux pour dire que cette modification a changé ou a diminué les droits des Autochtones de quelque façon que ce soit. Jusqu'à ce que quelqu'un prouve au gouvernement que c'est bel et bien le résultat de cette modification, nous continuerons de prétendre qu'il s'agit d'une précision. La véritable question concernant les droits des Inuits se trouve dans la revendication elle-même.

C'est le message que j'essaie de vous transmettre ce matin. Avec ou sans cette disposition, c'est le libellé de la revendication qui est important et qu'il faut retenir. Cela est réitéré à l'article 3.1 du projet de loi.

Il y a quelque chose que je voulais dire lorsque le premier ministre a déclaré qu'on pourrait faire adopter d'autres projets de loi. L'article 3.1 précise clairement que: «Les dispositions de l'Accord l'emportent sur les dispositions incompatibles de la présente loi.»

L'article 3.2 prévoit que: «Les dispositions de la présente loi l'emportent sur les dispositions incompatibles de toute autre loi fédérale avec...». Je ne pourrais donc pas faire adopter un autre projet de loi, comme le premier ministre l'a proposé tout à l'heure.

Nous sommes allés plus loin avec la disposition de non-dérogation pour assurer la protection des droits des Inuits. Nous ne cherchons pas à diminuer ces droits.

Le sénateur Banks: La disposition de non-dérogation d'avant 1996 vous plairait-elle moins que ce qui est prévu dans le projet de loi?

M. Nault: Elle nous plairait moins, parce que nous jugeons qu'elle est moins claire. Par conséquent, les tribunaux pourraient l'interpréter autrement. Le but de la modification faite en 1996 était de nous assurer que les tribunaux ne pourraient pas donner à cette disposition une interprétation autre que celle qu'on visait.

Le sénateur Adams: Le projet de loi prévoit où sera situé l'Office des eaux et le Tribunal des droits de surface. Vous avez mentionné une collectivité précise. Même si elle est très agréable, je ne suis pas convaincu qu'elle soit le bon endroit. Si quelqu'un de l'Office des eaux demande de changer de collectivité, envisagerez-vous une telle possibilité?

M. Nault: Vous parlez du siège social?

Le sénateur Adams: Oui.

M. Nault: Ce que vous dites est intéressant. Nous avons proposé une collectivité. L'Office nous est revenu pour en proposer une autre. Nous avons accepté sa suggestion et maintenant il y a un problème. D'un côté, vous me dites que je dois permettre à l'Office de faire son travail. C'est ce que j'ai fait et maintenant on me critique parce que je lui ai permis de choisir où sera situé son siège social. J'ai du mal à concilier les deux discussions.

Pour ce qui est de l'octroi de permis, il est toujours nécessaire d'avoir une adresse domiciliaire. On utilise beaucoup le courrier recommandé et les télécopies. Pour des raisons juridiques, il faut avoir un siège social. Nous avons choisi Gjoa Haven. On peut dire que le gouvernement fédéral paye toutes les dépenses de fonctionnement de l'Office. Nous nous réservons le droit de déménager si nous estimions que ce serait raisonnable.

J'essayais de tenir compte d'un intérêt local et d'un besoin local. Si vous, le premier ministre ou quelqu'un d'autre propose qu'on déménage le siège social, je serais prêt à envisager une telle possibilité. La question n'est pas primordiale. Il n'est pas nécessaire de modifier le projet de loi pour le faire. Il est possible d'avoir une adresse domiciliaire et de continuer d'avoir d'autres bureaux ailleurs au pays, et ce serait le cas de toute façon, sénateur Adams. C'est tout ce que je peux vous dire à ce sujet.

Le sénateur Adams: Nous avons déjà examiné le projet de loi C-68. À l'époque, Nunavut voulait avoir le contrôle des droits de chasse, plutôt que de les faire réglementer par le gouvernement du Canada. À l'époque, nous négociions avec Allan Rock, et au moment où le projet de loi allait être adopté, il a dit, «Nous sommes tous des Canadiens.»

J'espère que le projet de loi C-33 va encourager le développement de notre communauté, car beaucoup d'Inuits étaient fâchés à cause du projet de loi C-68. Nous savons que les Canadiens qui habitent Vancouver, Toronto et Montréal sont des gens comme nous, même si nous vivons dans des petites collectivités, des ressources que nous donnent nos terres. J'espère que le projet de loi C-33 ne crée pas de problèmes pour ce qui est du règlement des revendications territoriales.

M. Nault: J'espère que certains témoins n'ont pas compris que nous cherchons à traiter les collectivités et la population de Nunavut différemment des autres Autochtones du Canada, soit dans les Territoires du Nord-Ouest soit au Yukon.

Je vous dis clairement, monsieur le sénateur, que lorsque nous commencerons à négocier avec Nunavut au sujet de la dévolution, l'intention, comme c'est le cas avec le Yukon, sera d'améliorer la gouvernance, et de s'en servir pour renforcer l'économie. C'est notre seul objectif. Le projet de loi est un outil de gouvernance. Il ne cherche pas à diminuer les droits de qui que ce soit. Il cherche à administrer un domaine de politique publique qui est important pour tous les Canadiens, c'est-à-dire les eaux.

Le président: Je remercie les honorables sénateurs, M. Nault et les fonctionnaires d'être venus nous parler.

La séance est levée.


Haut de page