Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 4 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 27 mars 2001
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi S-6, Loi visant à favoriser la prévention des conduites répréhensibles dans la fonction publique en établissant un cadre pour la sensibilisation aux pratiques conformes à l'éthique en milieu de travail, le traitement des allégations de conduite répréhensible et la protection des dénonciateurs, se réunit aujourd'hui à 9 h 33 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le Président: Le comité est saisi du projet de loi S-6, la Loi sur la dénonciation dans la fonction publique, un projet de loi d'initiative parlementaire inscrit au nom du sénateur Kinsella.
Des mesures semblables, sinon identiques, circulent depuis longtemps. Des projets de loi d'initiative parlementaire ont été présentés à la Chambre des communes au cours de la 34e, de la 35e et de la 36e législatures. En décembre 1999, le sénateur Kinsella a présenté son projet de loi S-13. Notre comité a tenu trois réunions et nous avons entendu 10 témoins au sujet de cette mesure. Malheureusement, ce projet de loi est mort au Feuilleton quand la dernière législature a été dissoute. Le projet de loi S-6 a été étudié en deuxième lecture au Sénat le 31 janvier dernier et il a été renvoyé à notre comité. Nous avons tenu une réunion le 27 février. On peut dire, je pense, qu'à cette réunion, nous espérions procéder à l'étude article par article de cette mesure. Une question juridique quant à savoir si on pouvait empêcher la personne dénoncée de connaître le nom de son dénonciateur nous a écartés de notre objectif.
Pour clarifier cette question, ainsi que d'autres questions juridiques, nous nous sommes adressés à la plus haute autorité. Nous recevons ici aujourd'hui pour en discuter le légiste du Sénat. Si nous passons à l'étude article par article, comme je l'espère, je crois que le sénateur Kinsella aura plusieurs amendements à nous proposer.
Sans plus attendre, je vais donner la parole à M. Mark Audcent, notre légiste, qui a un bref exposé à nous faire. Nous allons l'écouter attentivement, comme toujours.
M. Mark Audcent, légiste et conseiller parlementaire, Sénat du Canada: Honorables sénateurs, on m'a demandé de vous parler des dispositions du projet de loi S-6 concernant la confidentialité. Ce projet de loi a pour but d'établir un régime traitant des conduites répréhensibles dans la fonction publique. Lorsque des fonctionnaires constatent des abus dans leur milieu de travail, cela leur donne les moyens d'en informer l'autorité compétente. L'alinéa b) de l'article 2 qui énonce l'objet de la loi permet que ce renseignement soit communiqué «en toute confidentialité».
Au gouvernement, la transparence est généralement considérée comme une vertu. Pour cette raison, le projet de loi S-6 n'impose pas le secret ou la confidentialité. Toutefois, s'il n'était pas possible de faire une dénonciation de façon confidentielle, de nombreuses irrégularités resteraient non signalées même si c'est contraire à l'intérêt public. L'article 9 confère au dénonciateur le droit de demander que son identité reste confidentielle. L'emploi du mot «demander» signifie qu'il attend une réponse. En fait, l'article 10 précise que le commissaire de l'intérêt public donne au dénonciateur «sous réserve de la présente loi, l'assurance de l'anonymat».
Quand M. Marks, du Conseil du Trésor a comparu devant vous, il a fait valoir qu'il n'était pas possible de garantir que l'identité d'un dénonciateur resterait absolument confidentielle. Il a également souligné qu'à l'heure actuelle les employés devaient être clairement informés des limites de la confidentialité avant de divulguer des renseignements. Je suis d'accord quant au fait qu'il n'est pas possible de garantir une confidentialité absolue. Je conviens également que les employés doivent être clairement informés des limites de la confidentialité.
Examinons la façon dont le projet de loi S-6 aborde ces questions. Il n'y a aucune raison de supposer que la pratique actuelle, qui consiste à informer les dénonciateurs des limites de la confidentialité, changera à la suite du projet de loi S-6. Nous avons toutes les raisons de penser le contraire. Le simple bon sens permet de croire qu'un dénonciateur potentiel qui souhaite garder l'anonymat s'informera sur la procédure à suivre et la façon dont la confidentialité sera assurée. En fait, je suppose que cette personne pourrait consulter, par exemple, une brochure ou un site Web et demander des renseignements complémentaires au personnel de la Commission. Je m'attends à ce que, généralement, un cas fasse l'objet de discussions préalables.
Pour passer d'une demande de confidentialité à une garantie de confidentialité, il faut que les parties examinent les limitations inhérentes aux circonstances. Un commissaire peut avoir a préciser clairement au dénonciateur les limitations les plus évidentes de la confidentialité.
Dans certains cas, en raison des circonstances, la confidentialité peut être difficile, voire impossible. La loi impose également des limites. L'évolution du droit en ce qui concerne le secret professionnel entre l'avocat et son client ou la police et les informateurs montre que, dans certains cas, l'intérêt public exige que la confidentialité cède le pas devant l'intérêt public. Dans le projet de loi S-6, le paragraphe 5(1) assujettit le droit du commissaire de rendre les renseignements publics au droit à l'anonymat du dénonciateur. Les paragraphes 5(2), (3) et (4) accordent tous au commissaire le droit plus limité de divulguer des renseignements à des fins précises. Ces droits de divulgation plus limités ne sont pas assujettis au droit à l'anonymat du dénonciateur. Contrairement au paragraphe 5(1), les paragraphes 5(2) à (4) ne sont pas assujettis à l'article 10. Si nécessaire, selon les besoins et aux fins limitées énoncées dans ces paragraphes, le commissaire peut divulguer l'identité du dénonciateur.
Le paragraphe 5(2) permet au commissaire de divulguer des renseignements pour mener enquête et faire un rapport. Si les circonstances sont telles qu'il est nécessaire de divulguer, de façon limitée, l'identité du dénonciateur pour faciliter l'enquête, cette possibilité existe.
Le paragraphe 5(3) permet au commissaire de divulguer des renseignements dans le cadre des procédures intentées pour protéger l'intégrité de la loi et son application, par exemple dans les cas de parjure.
Le paragraphe 5(4) autorise le commissaire à divulguer des renseignements concernant une infraction au procureur général du Canada ou d'une province.
Le paragraphe 5(4) répond à la question du sénateur Banks. Ce dernier parlait d'une conduite répréhensible faisant l'objet d'allégations faites au commissaire et qui constitue également une infraction à la loi. Le sénateur Banks a parlé d'accusations criminelles à propos d'une infraction au Code criminel. Le commissaire reçoit une allégation. Après avoir déterminé qu'il existait des éléments de preuve quant à cette infraction, le commissaire voudra divulguer des renseignements au procureur général, y compris le nom du dénonciateur. Le paragraphe 5(4) lui permet de le faire.
Pour le moment, un dénonciateur pourrait devenir un informateur de la police. Je crois que c'est au commissaire de l'intérêt public qu'il revient d'explorer cette possibilité avant que la question ne se pose vraiment. L'identité des informateurs de la police doit rester confidentielle. C'est une obligation à laquelle les juges sont tenus de se conformer. Sous réserve des exceptions prévues, le tribunal ne peut pas obliger à divulguer l'identité d'un informateur ou des renseignements qui révéleraient son identité.
La dernière observation de M. Marks à laquelle je dois répondre était que l'accusé a le droit de savoir qui est son accusateur et quelle est la nature de ses allégations. C'est certainement vrai, mais ce n'est pas l'identité de l'informateur que l'accusé pourra connaître. Il aura plutôt le droit de connaître l'identité du policier et la nature des accusations formulées par ce dernier. Même s'il n'a pas le statut d'un informateur de la police, le dénonciateur est une source d'information confidentielle. Dans l'intérêt public, d'autres personnes peuvent être informées de son identité, mais ce renseignement ne sera communiqué qu'à ceux qui doivent l'obtenir.
Après les restrictions prévues à l'article 5, je vais maintenant aborder d'autres restrictions concernant la confidentialité.
Le paragraphe 12(5) permet au commissaire d'informer une personne accusée par un dénonciateur, dans deux circonstances. C'est d'abord lorsque l'allégation viole le secret professionnel entre un avocat et son client. Deuxièmement, c'est dans les cas où le commissaire estime que la dénonciation n'a pas été faite de bonne foi et pour des motifs raisonnables.
Le secret professionnel entre l'avocat et son client est un principe d'une importance fondamentale pour l'administration de la justice. Il faut en effet que les gens puissent parler en toute franchise à leur avocat de façon à ce que ce dernier puisse défendre leurs intérêts. Néanmoins, malgré son importance, ce droit n'est pas absolu. Par exemple, il faut concilier le secret professionnel entre l'avocat et son client et le droit de se défendre. Le secret professionnel doit céder le pas devant le critère de l'innocence. Si le secret professionnel empêche un accusé d'établir son innocence, le droit de l'accusé de se défendre l'emporte. Le secret professionnel entre l'avocat et son client doit également céder le pas en cas de danger grave et imminent pour la santé et la sécurité du public. Le paragraphe 9(4) du projet de loi S-6 tient compte de cette exception.
Un peu plus loin, l'article 10 s'applique sous réserve de toute obligation légale imposée au commissaire par la présente loi ou toute autre loi en vigueur au Canada. Le paragraphe 20(1) s'applique sauf dans la mesure permise par la présente loi ou toute autre loi en vigueur au Canada. Ces dispositions montrent que le droit à l'anonymat que confère le projet de loi S-6 n'est pas absolu et se situe dans le contexte juridique plus large où des valeurs sociales concurrentes entrent en ligne de compte.
D'autres tribunaux qui ont le droit de le faire peuvent donc essayer d'obtenir l'identité de l'informateur pour répondre à un besoin précis. Le commissaire et les tribunaux devront déterminer si la loi exige que son identité soit divulguée. En supposant que c'est le cas, le commissaire s'assurera que l'identité du dénonciateur sera protégée et ne sera divulguée que si c'est nécessaire, pour les fins limitées que la loi autorise.
Ce principe général conduit à une particularité, soit l'interaction des dispositions du projet de loi S-6 concernant la confidentialité avec la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels. En général, si la Loi sur la dénonciation dans la fonction publique est adoptée, la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur l'accès à l'information devront être harmonisées en tant que lois du Parlement canadien ayant la même valeur.
Les tribunaux ont déclaré que la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels sont des lois complémentaires. Ils ont estimé que ces lois avaient pour but de permettre aux Canadiens d'obtenir des renseignements sur les activités du gouvernement sans que cela n'empiète indûment sur la vie privée des gens.
Les tribunaux ont également déclaré que l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels représentaient des politiques législatives concurrentes. Une façon de les concilier a été d'inclure dans les deux lois la même conception des renseignements personnels, telle qu'elle est définie dans la Loi sur la protection des renseignements personnels. Les renseignements personnels sont définis comme des renseignements sur une personne identifiable qui sont enregistrés sous une forme quelconque.
L'objectif général visé consiste à conférer aux gens un droit d'accès aux renseignements gouvernementaux en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et également un droit d'accès aux renseignements personnels les concernant en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Toutefois, la Loi sur l'accès à l'information limite l'accès aux renseignements gouvernementaux pour plusieurs raisons reliées à l'intérêt public. Par exemple, la sécurité nationale est une raison évidente. La Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels limitent toutes les deux l'accès aux renseignements personnels d'autrui sans le consentement de l'intéressé.
Le régime législatif général est assez simple, mais les lois sont très détaillés, très complexes et elles fourmillent d'exceptions. Comme vous le savez, elles ont donné naissance à toute une industrie et il y a maintenant des gens qui se spécialisent dans leur application.
Le projet de loi S-6 soulève plusieurs questions. Une personne qui pense avoir été accusée pourra-t-elle confirmer ses soupçons en faisant une demande d'accès à l'information? Une personne qui fait une dénonciation dans le cadre de cette loi aura-t-elle le droit de demander que cela reste confidentiel si quelqu'un d'autre demande accès à ce renseignement? Et le public ou les médias pourront-ils avoir accès aux enquêtes et aux rapports du commissaire?
Tel qu'il est formulé, le projet de loi S-6 énonce le but visé par le Parlement qui est de permettre de faire une dénonciation et de la recevoir en toute confidentialité. Cela figure dans le projet de loi. Ce dernier prévoit les exceptions dans lesquelles les renseignements peuvent être divulgués. S'étant prononcé sur la confidentialité, le projet de loi laisse à la Loi sur l'accès à l'information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels le soin de protéger cette confidentialité contre les demandes d'accès à l'information formulées en vertu de ces lois.
J'ai examiné, avec un juriste de l'extérieur, l'application potentielle de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, de même qu'une partie de la jurisprudence qui s'appliquerait au projet de loi S-6. Les dispositions de ces lois sont adéquates pour protéger pleinement la confidentialité qu'envisage le projet de loi S-6, mais elles permettraient également certaines divulgations. Cela dépend alors, dans une large mesure, de la personne qui, au sein de l'administration ou de la magistrature est appelée à interpréter et à concilier les intérêts concurrents. Je dois conclure que ce n'est pas parfaitement clair et que la place laissée à l'interprétation expose à un risque de divulgation.
Dans l'affaire Dagg, en 1997, la Cour suprême du Canada a déclaré, à cinq juges contre quatre, que le registre d'un immeuble que les arrivants devaient signer pouvait être divulgué. Étonnamment, la majorité des juges ont considéré que, même si les renseignements recherchés répondaient à la définition générale des renseignements personnels donnée au début de la loi, ils étaient visés par une exception prévue un peu plus loin.
L'affaire Rubin c. Canada (ministre des Transports), baptisée couramment l'affaire Nationair a également été jugée en 1997. Une enquête avait été menée, en vertu de la Loi sur l'aéronautique, à la suite de l'écrasement d'un avion en Arabie saoudite et quelqu'un avait demandé le rapport de l'enquête de sécurité. L'article 7 de la Loi sur l'accès à l'information limite la divulgation de renseignements qui pourrait nuire à la tenue d'enquêtes y compris les renseignements qui révéleraient l'identité d'une source d'information confidentielle. La Cour d'appel fédérale a déclaré que l'alinéa 16(1)c) de la Loi sur l'accès à l'information, lu dans son contexte, s'applique aux renseignements dont la divulgation aurait des répercussions sur certaines enquêtes en cours ou sur le point d'être entreprises. Cette disposition ne s'applique pas aux enquêtes terminées. La Cour a également fait valoir que, si sa décision avait un effet dissuasif, le Parlement pourrait prévoir une protection à grande échelle de la confidentialité ou ajouter ces enquêtes aux exemptions prévues à l'article 24 de la Loi sur l'accès à l'information.
Honorables sénateurs, dans la mesure où le droit à la vie privée repose sur des attentes raisonnables, un dénonciateur qui demande l'anonymat s'attend à ce que ce droit soit respecté.
Les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels devraient respecter les intentions du Parlement et les attentes des dénonciateurs. Toutefois, étant donné la complexité technique de ces lois, le résultat ne peut pas être garanti. Vous devrez donc attendre de voir comment ce projet de loi, la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels interagissent en ce qui concerne la confidentialité ou resserrer immédiatement les dispositions du projet de loi.
On m'a demandé de préparer les textes d'amendements à vous soumettre et je vais vous en expliquer la teneur. Il y en a six. Cinq amendements portent sur la confidentialité et le sixième sur un autre sujet. Les amendements concernant la confidentialité modifient les articles 9, 14, 17 et 20 et l'autre amendement ajoute un nouvel article, l'article 23.
Monsieur le président, dois-je continuer?
Le Président: Si vous comptez décrire et expliquer les amendements proposés, je préférerais que vous attendiez qu'ils soient distribués au comité. Les membres du comité vont recevoir la copie des amendements et du projet de loi. Je vous arrête ici, monsieur Audcent, et je vais demander si l'on a des questions générales à vous poser.
Honorables sénateur, M. Audcent est notre conseiller juridique. Comme vous le savez, le Sénat n'obtient pas l'opinion du ministère de la Justice. Ce dernier conseille le gouvernement; c'est M. Audcent et ses collègues qui nous conseillent. Vous l'avez entendu.
Le sénateur Banks: Monsieur Audcent, dans le cas d'une dénonciation qui sera probablement réglée à l'interne par une sanction disciplinaire, une rétrogradation ou autre sanction et qui ne fera pas l'objet de poursuites au pénal et pour laquelle un policier n'interviendra pas, le commissaire aura-t-il le pouvoir discrétionnaire -- si c'est la bonne expression -- de révéler ou non l'identité du dénonciateur?
M. Audcent: Sénateur, je vous demanderais de vous reporter au paragraphe 14(2) du projet de loi, page 7. Disons que le commissaire a reçu une dénonciation, qu'il a déterminé qu'elle n'avait pas été faite de mauvaise foi et qu'effectivement il y avait lieu d'enquêter. Il ouvre une enquête aux termes du paragraphe (1). Puis, au paragraphe (2), on peut lire ceci:
Il n'est toutefois pas tenu d'établir un tel rapport s'il est convaincu, selon le cas:
a) que le fonctionnaire devrait épuiser les recours internes ou les procédures d'appel qui lui sont normalement ouverts.
Autrement dit, des mécanismes existent déjà pour les conflits de travail. La question pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon la procédure prévue par une loi en vigueur au Canada autre que ce projet de loi. L'intéressé devrait peut-être s'adresser à la Commission des droits de la personne ou à la police. La troisième exception concerne la période qui s'est écoulée.
Le Parlement a déjà prévu des recours dans d'autres domaines. Le commissaire va simplement examiner la question et dire: «Vous ne vous êtes pas adressé au bon endroit», le dénonciateur partira et les choses n'iront pas plus loin.
Le sénateur Banks: Si c'est du ressort du commissaire selon le projet de loi, le commissaire a-t-il entière discrétion pour divulguer à l'accusé l'identité du dénonciateur?
M. Audcent: Pour ce qui est de divulguer l'identité du dénonciateur à l'accusé, le paragraphe 12(5) prévoit ceci:
S'il conclut en vertu du paragraphe (1) que la dénonciation a été faite en violation du paragraphe 9(4) ou qu'elle n'a pas été faite de bonne foi et pour des motifs raisonnables, le commissaire peut en aviser la personne qui en fait l'objet et le ministre responsable du fonctionnaire qui en est l'auteur.
Supposons un instant que je sois un dénonciateur. Je viens voir le commissaire et je lui dis: «Pourriez-vous me garantir l'anonymat?» Le commissaire revient me dire: «J'ai examiné votre cas et je suis prêt à vous garantir l'anonymat.» Cette promesse sera sans doute faite par écrit, noir sur blanc. Néanmoins, le dénonciateur doit se rendre compte que si le commissaire trouve des preuves d'activité criminelle, il peut être tenu d'en faire rapport au procureur général.
Le dénonciateur a une garantie d'anonymat. Reportez-vous au paragraphe 12(5) qui prévoit des circonstances bien précises. Il y est dit notamment ceci: «S'il conclut en vertu du paragraphe (1) que la dénonciation a été faite en violation du paragraphe 9(4)», ce qui correspond au secret professionnel entre l'avocat et son client. C'est dans le cas d'un avocat qui, après avoir appris des renseignements qui lui ont été confiés à titre confidentiel, va voir le commissaire et trahit le secret professionnel. En tant qu'avocat, je peux vous dire qu'il serait terrible, selon moi, qu'un avocat trahisse le secret professionnel.
Par contre, si la dénonciation n'a pas été faite de bonne foi et pour des motifs raisonnables, le commissaire «peut» et non pas «doit» en aviser la personne qui en a fait l'objet. Ce n'est pas vraiment un accusé étant donné qu'il ne s'agit pas d'une procédure pénale, mais le commissaire peut aviser la personne qui a fait l'objet de la dénonciation et le ministre responsable du fonctionnaire qui en est l'auteur. Par conséquent, les circonstances dans lesquelles le projet de loi permet au commissaire d'informer l'accusé sont limitées.
Le sénateur Taylor: Je n'ai pas très bien compris quelles étaient les limites de la confidentialité. Le commissaire peut dire au dénonciateur, après avoir examiné la question, qu'il peut garder l'anonymat. Je n'ai pas compris tout ce que vous avez dit, mais j'ai l'impression que le commissaire pourrait changer d'avis en cours de route. Dans quelle mesure peut-on se fier à la promesse que le commissaire fait au dénonciateur si cela reste en dehors de la procédure pénale?
M. Audcent: Sénateur, je ne dirais pas que le commissaire peut changer d'avis. C'est une fausse impression. La confidentialité n'est jamais absolue. C'est ce qu'a déclaré aux membres du comité un représentant du Conseil du Trésor et j'ai dit que j'étais d'accord avec lui. Ce sont là des valeurs sociales concurrentes.
Prenons l'exemple de ce que j'appelle «les intérêts d'un innocent». La Charte nous garantit le droit à un procès équitable. S'il faut révéler l'identité de quelqu'un pour que vous ne soyez pas condamné, la Charte vous reconnaît ce droit. Il doit l'emporter sur le droit à la confidentialité. Vous ne vous attendriez à rien de moins, surtout si vous étiez l'accusé. Ces principes ne sont pas absolus. Il s'agit de valeurs sociales concurrentes.
Si vous revenez à la structure fondamentale du projet de loi, le dénonciateur demande l'anonymat et le commissaire le lui accorde. Cela vise à susciter un dialogue au cours duquel le commissaire explique au dénonciateur quelles sont les limites de la confidentialité étant donné qu'il y a des limites déjà inhérentes au système. Il y aura des valeurs sociales concurrentes et, par conséquent, le commissaire peut en avertir le dénonciateur. Oui, de façon générale, son anonymat sera respecté. Il faut que le dénonciateur sache que dans certaines circonstances, d'autres droits peuvent l'emporter sur les siens afin qu'il décide s'il peut se fier ou non à cette promesse.
Le projet de loi est structuré à peu près de la même façon que les autres dispositions. Il suscite un dialogue au sujet des limites de la confidentialité et du genre de confidentialité auquel le dénonciateur peut s'attendre.
Le sénateur Banks: Vous avez répondu à ma première question par l'affirmative, à savoir que le commissaire possède, dans une large mesure, des pouvoirs discrétionnaires en ce qui concerne la divulgation.
Pouvons-nous supposer que le commissaire va toujours expliquer que les garanties d'anonymat qu'il donne ont certaines limitations? Faudrait-il faire la lecture de ces limitations afin d'informer un dénonciateur potentiel qui serait trop naïf ou trop peu informé pour poser les bonnes questions ou s'adresser aux sources d'information à sa disposition? Pouvons-nous nous fier entièrement à la bonne volonté du commissaire pour être certains qu'un dénonciateur comprendra que l'anonymat qui lui est promis est soumis à certaines limitations?
M. Audcent: Honorables sénateurs, il y aurait de nombreuses façons de structurer une loi sur la protection des dénonciateurs. Chaque fois que vous décidez de formuler une proposition législative, vous optez pour certaines solutions. Pour ce qui est de la solution qui consiste à préciser dans la loi que vous demanderez l'anonymat et que vous recevrez des garanties à cet égard, celui qui vous donne ces garanties a bien entendu l'obligation de veiller à ce qu'elles soient respectées. Premièrement, le commissaire doit s'assurer que les garanties qu'il donne sont conformes à la loi et préciser quelles sont les obligations juridiques auxquelles il est lui-même assujetti. Deuxièmement, tout pouvoir discrétionnaire que le commissaire peut être appelé à exercer doit également être indiqué. Je pense que c'est là une solution raisonnablement évidente.
[Français]
Le sénateur Ferretti Barth: Vous avez parlé du commissaire et du fait qu'il encourage les dénonciateurs. Il y a une certaine limite à leur dénonciation. Elle peut couvrir la confidentialité, mais pas dans tous les cas. Est-ce que les dénonciateurs, avant de parler, savent qu'il y a des choses couvertes par le commissaire et d'autres non? N'allons-nous pas cacher l'effet de cette dénonciation? Vous parlez de clarté et de tranparence. À un certain moment, la personne qui veut faire une dénonciation se retirera peut-être ou ne sera plus sincère lorsqu'on lui aura expliqué le processus.
M. Audcent: Revenons à l'article 9, paragraphe (1) du projet de loi. Nous parlons du fonctionnaire qui veut présenter une dénonciation. Dans cet article, à l'alinéa a), il présente sa dénonciation et à l'alinéa b), il demande que la confidentialité de son identité soit assurée. Pour ce faire, il est clair que le dénonciateur a dû s'informer sur le processus avant de déposer sa dénonciation. Tout comme dans le cas d'une plainte au commissaire des droits de la personne, il faut d'abord s'informer sur la marche à suivre: où aller, quels sont les formulaires à compléter, et cetera. Il y aura peut-être un site web pour le commissaire ou encore un dépliant et dans ces mécanismes, le fonctionnaire apprendra comment procéder pour faire sa dénonciation.
C'est un geste important que de faire une dénonciation. Un fonctionnaire qui voudrait aller de l'avant demanderait probablement une réunion au préalable avec le commissaire ou avec son personnel afin d'être informé davantage. Je prévois une certaine discussion, ce n'est pas déposé sur un bout de papier. C'est un processus où les gens vont se parler tout comme cela se produit dans d'autres cas.
[Traduction]
Le sénateur Cools: Le témoin semble dire que la confidentialité et le secret professionnel sont des expressions interchangeables, mais ce n'est pas le cas. Les renseignements confidentiels sont rarement protégés par le secret professionnel et même le secret professionnel entre l'avocat et son client est quelque chose d'extrêmement limité.
Le témoin pourrait peut-être nous expliquer cela davantage. Je suis toujours inquiète lorsque le secret professionnel entre l'avocat et son client est enchâssé dans une loi; cela m'inquiète beaucoup. Quand nous essayons de protéger les fonctionnaires, il serait nettement préférable de compter sur la possibilité que les parlementaires ont de les protéger plutôt que sur cette vague notion du secret professionnel. Le témoin pourrait peut-être me dire ce qu'il en pense.
M. Audcent: Je conviens avec vous que le secret professionnel et la confidentialité ne sont pas nécessairement synonymes. Le projet de loi S-6 repose sur le concept de la confidentialité et non pas du secret professionnel. Il y est question du droit à la confidentialité et de la protection de l'anonymat. Il est dit dans ce projet de loi que le Parlement veut permettre à quelqu'un de faire une dénonciation à titre confidentiel. C'est donc de la confidentialité dont il est question ici.
Vous avez raison de dire que j'ai parlé de «secret professionnel». Je l'ai fait quand nous parlions des circonstances dans lesquelles le commissaire pouvait changer d'avis et dire: «Vous n'avez plus droit à l'anonymat, je vais en informer l'accusé». Nous pouvons le faire lorsqu'il y a eu violation du paragraphe 9(4). Si vous prenez le paragraphe 9(4), le titre inscrit en marge est «Secret professionnel de l'avocat». Le paragraphe 9(4) porte ce qui suit:
Le fonctionnaire ne peut, lorsqu'il fait une dénonciation conformément au paragraphe (1), violer une loi en vigueur au Canada ou une règle de droit protégeant les communications confidentielles entre un avocat et son client [...]
Autrement dit, ce projet de loi prévoit des restrictions. Un avocat qui reçoit des renseignements à titre confidentiel, en tant qu'avocat, ne peut pas être un dénonciateur. Si ce projet de loi s'appliquait au Parlement et si l'un de vous venait me voir pour me communiquer des renseignements, je ne pourrais pas vous dénoncer.
Le sénateur Cools: Voilà le problème.
M. Audcent: Nous disons simplement que le secret professionnel entre un avocat et son client est préservé. Il y a toutefois certaines exceptions et la principale se rapporte à la sécurité publique. Si l'avocat apprend que quelqu'un est sur le point de commettre un acte affreux qui mettrait en danger la vie et la sécurité d'un million de gens, bien entendu, aucun droit n'est absolu. Ni la confidentialité ni le secret professionnel n'est absolu. Par conséquent, il y a une exception dans le cas de la santé et de la sécurité publiques.
Normalement, les fonctionnaires peuvent être des dénonciateurs; les avocats ne peuvent pas faire une dénonciation à partir de renseignements qu'ils ont obtenus en tant qu'avocats. Ils peuvent le faire pour des renseignements qu'ils ont obtenus à titre d'administrateurs ou à d'autres titres, mais pour les renseignements qu'ils ont obtenus d'un client en tant qu'avocats.
Le sénateur Cools: Je vois de nombreuses objections à ce genre de dispositions, non seulement dans cette loi, mais dans n'importe quelle loi. Si un avocat compte sur le secret professionnel entre lui et son client, il doit pouvoir s'y fier. Il n'est pas nécessaire de l'inscrire dans la loi. Dans quel but le fait-on? Le secret professionnel de l'avocat existe dans la common law. Pourquoi l'inscrire dans une loi? Cela semble être intéressé.
Le sénateur Kinsella: Je suis content que Le sénateur Cools ait soulevé cette question. Voilà pourquoi nous voulions reculer d'un pas. Selon moi, notre objectif était d'avoir un projet de loi sur la dénonciation. La seule façon de procéder est de protéger la confidentialité. C'est notre point de départ. Des bonnes questions ont été soulevées lors de notre dernière réunion, y compris celle-ci.
Je dois dire que j'apprécie l'énorme travail accompli par le légiste, y compris le juriste de l'extérieur. Ce que le légiste a dit et les amendements que nous présenterons amélioreront ce projet de loi. On ne peut pas toujours employer le vocabulaire de tous les jours, mais les exceptions sont limitées. Le secret professionnel de l'avocat est limité et non pas absolu.
Le sénateur Cools: Je crois qu'il y a toutes sortes de façon de rédiger une loi. Ces mêmes objectifs peuvent être atteints sous toutes sortes d'angles différents. J'ai l'impression que si le Parlement veut assurer le bien-être des collectivités en permettant à un fonctionnaire de bien faire son travail et en protégeant les membres de la fonction publique, c'est là une excellent initiative. Toutefois, si le Parlement veut vraiment protéger ces personnes -- et comme nous sommes tous des parlementaires nous savons quel genre de révélations nous entendons -- il faut commencer par miser sur l'immunité parlementaire et placer ces personnes, d'une façon ou d'une autre, sous la protection du Parlement au lieu d'accorder l'immunité à des gens qui sont surtout des avocats. D'une façon ou d'une autre, cette protection s'étendra à l'intéressé. Nous savons, vous et moi, que dans la vraie vie, les choses ne fonctionnent pas ainsi. Nous savons parfaitement d'où viennent ces dispositions. J'aimerais beaucoup que les pouvoirs du Parlement soient renforcés.
Nous avons reçu des témoins qui subissaient des pressions de la part de leur ministère. L'un des effets positifs de l'initiative du sénateur Kinsella est qu'au moins, le Parlement a commencé à discuter de ce genre de problèmes.
À mon avis, chaque personne devrait savoir que, si elle fait une dénonciation, le Parlement la protégera et se montrera réceptif, contrairement à ce qui s'est passé ces dernières années.
Le Président: Vous modifiez vos arguments au fur et à mesure, sénateur Cools. Si j'ai bien compris, vous avez commencé par dire que si le secret professionnel de l'avocat existe déjà en common law, il n'est pas nécessaire de préciser dans la loi qu'il s'agit là d'une des exceptions prévues dans le projet de loi sur la dénonciation?
En deuxième lieu, vous sembler dire que l'immunité parlementaire devrait protéger les témoins qui comparaissent, par exemple, devant les comités parlementaires et, si je vous ai bien compris, que le secret professionnel de l'avocat n'aurait plus qu'une place secondaire et que nous aurions le droit et l'obligation, selon vous...
Le sénateur Cools: Je n'ai pas participé à la rédaction du projet de loi. On ne m'a pas permis de siéger au comité spécial qui enquêtait sur l'aéroport Pearson où l'on a caché de nombreux renseignements au comité en invoquant le secret professionnel entre l'avocat et son client et où de nombreux témoins ont essayé de nous faire croire que tout un ministère était protégé par ce secret professionnel. Je me souviens d'avoir lu une partie des témoignages. Je me demande pourquoi on a procédé ainsi. Cela m'amène à ma question suivante et peut-être pourrais-je poser d'un coup toutes mes questions.
Que devient le dénonciateur dans le bureau du commissaire? Qui le protège du commissaire? Comment fait-on? Si un dénonciateur signale une irrégularité ou un abus, qu'advient-il de lui face aux personnes à qui l'on confère ces pouvoirs, prétendument pour le protéger? Ce genre de situation peut se produire.
Je ne voulais pas vous poser des questions trop difficiles, monsieur Audcent.
M. Audcent: Sénateur, c'est ce qui rend la chose intéressante, n'est-ce pas?
Pour ce qui est de votre première intervention, je trouve frappant que nous ayons à nous demander à s'adresse le projet de loi. Nous disons que c'est aux fonctionnaires qui sont visés par cette mesure. Les fonctionnaires se demandent: Est-ce ou non une bonne chose pour nous? La dénonciation sera facilitée par la mise en place d'une infrastructure.
Les fonctionnaires voudront d'abord savoir que s'il y a une nouvelle loi assez complexe, ils ont intérêt à consulter un avocat. D'autre part, s'il faut qu'ils consultent un avocat, ils doivent être certains que ce dernier ne courra pas voir le commissaire. C'est tout ce que fait l'article 4. Il s'applique à la fonction publique. C'est un paragraphe pour les avocats. Les avocats de la fonction publique ne peuvent pas faire une dénonciation à partir de renseignements qu'ils obtiennent à titre confidentiel. Pourquoi? Parce qu'il faut que tout le monde puisse avoir accès à leurs conseils. C'est leur raison d'être. J'insiste là-dessus. Toutefois, il y a une exception et vous l'avez juste devant vos yeux. Si la santé ou la sécurité publique sont en jeu, rien ne va plus, car la santé publique doit être protégée.
Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, sénateur, qui concernait l'immunité parlementaire, je ne pense pas qu'elle entre en jeu dans le cadre de ce projet de loi, car il s'agit de choses qui se passent au gouvernement et non pas au Sénat ou à la Chambre des communes.
Le sénateur Cools: S'il y avait dans le projet de loi un article indiquant que certaines de ces activités devraient être examinées par le Parlement, nous pourrions trouver un moyen de faire intervenir l'immunité parlementaire en procédant à un examen annuel ou à un examen en comité.
J'ai lu beaucoup trop de mesures législatives se rapportant aux divers commissaires et tribunaux et la façon dont ils ont été mis en place. Si vous lisiez les anciens débats, vous découvririez qu'ils ont été créés dans un but bien précis. Mais ils finissent par poursuivre un autre objectif. Je pense par exemple au Conseil de la magistrature qui a été constitué dans un but entièrement différent de sa mission actuelle.
J'aime beaucoup voir les lois dire que le Parlement doit avoir un droit de regard. Cela me rassure énormément.
Le sénateur Kinsella: J'ai une petite observation à formuler. Le sénateur Finestone, qui a coparrainé le projet de loi, a parlé, à la dernière réunion, de faire réexaminer cette loi. C'est un des amendements que nous proposerons. Nous proposerons de réexaminer la loi au bout de trois ans. Si cet article pose des problèmes, on pourra alors y remédier.
Deuxièmement, chaque année, le commissaire doit faire rapport au Parlement par l'entremise de la Commission de la fonction publique, si bien que le Parlement a un droit de regard.
Le sénateur Bolduc: Sénateur Cools, M. Audcent nous a fait un exposé de 20 minutes. La réponse à certaines de vos questions a été donnée au début de sa présentation.
Je voudrais obtenir ce document, si possible. Pourrions-nous obtenir le texte de votre exposé? Je ne l'a pas reçu. Il était assez dense. Nous l'avons entendu, mais nous n'en avions pas le texte. J'ai davantage de difficulté à comprendre quand c'est en anglais. Il y a d'une part ce que vous avez dit, et d'autre part les efforts que nous déployons pour permettre aux fonctionnaires de dénoncer les irrégularités qu'ils constatent au-dessus d'eux, surtout de la part de leur sous-ministre ou sous-ministre adjoint. Il s'agit des hauts fonctionnaires dont nous parlons et des employés qui constatent des irrégularités. Nous voulons protéger ces personnes.
Les droits de l'accusé sont bien protégés dans notre droit pénal. Il y a une procédure équitable. Autrement, il serait facile d'envoyer à la Commission de la fonction publique une lettre disant que Untel a fait ceci ou cela. Cela ne suffit pas. Il faut des preuves et l'intéressé doit être protégé. L'équilibre à assurer est assez bien représenté dans le projet de loi. Certains amendements y seront peut-être apportés, mais le paragraphe 4(9) indique la procédure à suivre. L'exposé de M. Audcent était beaucoup plus détaillé.
Le Président: Passons-nous à l'étude article par article du projet de loi? Je vais demander au sénateur Kinsella de distribuer les amendements qu'il veut proposer aux membres du comité, s'il ne l'a pas déjà fait, afin que nous les ayons sous les yeux.
Le sénateur Tunney: Qu'en est-il des tiers utilisés, dans certains cas, comme informateurs, autrement dit, quand quelqu'un utilise un tiers comme informateur dans l'espoir de protéger son identité? Si quelqu'un procède ainsi, le commissaire remonte-t-il jusqu'au véritable dénonciateur pour déterminer s'il y a lieu ou non de divulguer son identité?
M. Audcent: Oui. La portée de ce projet de loi n'est pas suffisamment vaste pour tenir compte de la situation dont vous parlez. L'article 9 précise qu'un fonctionnaire qui a des motifs raisonnables de croire qu'une autre personne a commis ou s'apprête à commettre un acte fautif peut présenter une dénonciation écrite au commissaire. Pour permettre au commissaire de répondre à cette dénonciation, autrement dit de mettre en place le processus qu'envisage ce projet de loi, il ne faut pas que ce soit un tiers qui fait la dénonciation.
Le Président: Vous avez les propositions d'amendements sous les yeux. Qui va proposer ces amendements, le sénateur Kinsella ou le sénateur Stratton?
Je vais les examiner avec vous. La plupart d'entre vous ont l'habitude d'étudier un projet de loi article par article. Normalement, le titre et l'article 20 sont réservés et nous commençons par l'article 2.
Le comité est-il d'accord pour passer à l'étude article par article du projet de loi S-6?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
Le titre est-il réservé?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 1 est-il réservé?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 2 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 3 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 4 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 5 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 6 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
Si vous avez des questions ou des observations à formuler sur l'un de ces articles, c'est maintenant que vous devez le faire.
L'article 7 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 8 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 9 est-il adopté?
Le sénateur Stratton: Il y a un amendement à l'article 9. Je propose:
Que le projet de loi S-6 soit modifié, à l'article 9, à la page 5, par adjonction, après la ligne 25, de ce qui suit:
(5) Le fonctionnaire peut renoncer par écrit à tout moment à la demande faite en vertu de l'alinéa 1b) ainsi qu'au droit à l'anonymat qui en résulte, le cas échéant.
(6) Si le commissaire n'est pas disposé à donner l'assurance d'anonymat à la suite de la demande faite en vertu de l'alinéa 1b), il peut rejeter la dénonciation et clore le dossier de l'affaire.
Le Président: Avez-vous une observation à nous faire à ce sujet, monsieur Audcent?
M. Audcent: Honorables sénateurs, ces amendements visent à préciser ce qui est implicite selon moi; cela permet simplement au lecteur de l'avoir sous les yeux. Pour ce qui est du paragraphe (5), si vous avez demandé l'anonymat ou si vous l'avez demandé au départ parce que vous aviez des craintes et que vous décidez plus tard de faire cette dénonciation publiquement, cette disposition vous confère le droit de renoncer à l'anonymat.
Pour ce qui est du paragraphe (6), il comble également une lacune. C'est la réaction à laquelle on peut s'attendre. Nous parlons de circonstances dans lesquelles le commissaire garantit l'anonymat. Bien entendu, on doit se demander ce qui se passera s'il ne peut pas ou ne doit pas garantir cet anonymat. Cela indique expressément ce qui arrivera, autrement dit que le commissaire pourra rejeter la demande et ne donner aucune suite à la dénonciation.
Le sénateur Banks: Le paragraphe 9(4) prévoit que, dans certaines circonstances, par exemple au nom de la santé publique ou de la sécurité publique, le secret professionnel pourrait être violé. N'est-ce pas contraire à la common law ou à la Charte? Cela ne va-t-il pas nous causer des difficultés? Si un avocat du gouvernement fait une dénonciation parce qu'il estime que c'est une question de sécurité ou de santé publique, cet avocat est-il dans son droit?
M. Audcent: Le principe du secret professionnel entre l'avocat et son client fait l'objet de certaines exceptions. Je vous ai parlé du critère de l'innocence à savoir qu'une personne a le droit de se défendre si elle est accusée et que les renseignements lui permettant d'établir son innocence doivent être divulgués. Un autre exemple, que la Cour suprême du Canada a confirmé l'année dernière, en 1999, est celui de la santé et de la sécurité publiques. En cas de menaces imminentes et graves pour la santé et la sécurité publiques, l'avocat n'est plus tenu au secret professionnel.
Cette disposition vise à faire de deux choses l'une. Ou bien nous codifions l'exception se rapportant à la santé et à la sécurité publique ou bien nous prévoyons les cas limites où une menace qu'une personne juge imminente ne le sera pas aux yeux d'une autre personne. Nous accordons une certaine protection à l'intéressé en disant: «Si vous aviez des motifs raisonnables de croire la santé et la sécurité publiques menacées, vous serez protégé, vous pouvez faire une dénonciation.»
Le sénateur Banks: Ce que vous venez de dire nous rassure en ce sens que la Cour suprême a établi qu'en pareil cas le secret professionnel pouvait être enfreint impunément.
Le Président: Honorable sénateurs, vous avez sous les yeux l'amendement proposé à l'article 9.
Il est proposé par l'honorable sénateur Stratton -- me dispensez-vous de lire la motion?
Des voix: D'accord.
Le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 10 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 11 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 12 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 13 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 14 est-il adopté?
Le sénateur Stratton: Je propose:
Que le projet de loi S-6 soit modifié, à l'article 14, à la page 7, par substitution, à la ligne 31, de ce qui suit:
(4) Les renseignements liés à une enquête sont confidentiels et ne peuvent être communiqués qu'en conformité avec la présente loi.
(5) Le commissaire envoie, en temps opportun dans.
En fait, le paragraphe (4) devient le paragraphe (5).
Le Président: Monsieur Audcent, avez-vous quelques mots d'explication à nous fournir?
M. Audcent: Honorables sénateurs, au cours de votre dernière réunion, vous avez soulevé la question de la confidentialité. Cette question vous préoccupait suffisamment pour que vous me demandiez de venir vous en parler aujourd'hui. Bien entendu, nous avons examiné le projet de loi attentivement, du point de vue de la confidentialité.
Cette disposition stipule que, lorsque le commissaire mène une enquête au cours de laquelle des renseignements sont recueillis verbalement et par écrit, ces renseignements devront rester confidentiels et ne pourront être communiqués qu'en conformité avec les dispositions du projet de loi qui permettent de le faire et que vous jugez raisonnables. Là encore, vous réduisez les possibilités de divulgation.
Vous avez besoin de cet amendement si vous comptez adopter un autre amendement qui va être proposé. Les deux sont reliés.
Le sénateur Banks: Peut-être devrions-nous examiner cet amendement maintenant.
Le Président: Voulez-vous nous préciser quel est ce lien?
M. Audcent: Il y a deux amendements qui se rapportent au nouvel article 23. Prenez celui qui s'intitule «Modification corrélative». Cela ajoute un nouvel article au projet de loi. Cet article modifie la Loi sur l'accès à l'information, plus particulièrement l'annexe II de la loi en ajoutant: «Loi sur la dénonciation dans la fonction publique, article 10, paragraphe 14(4) et article 20».
Cet amendement codifie votre intention de ne pas permettre que les renseignements confidentiels et le nom du dénonciateur soient divulgués aux termes de la Loi sur l'accès à l'information. Cela codifie le résultat que vous désiriez.
Le sénateur Banks: J'aime beaucoup le mot «doit».
Le Président: C'est très catégorique, n'est-ce pas.
Il est proposé par le sénateur Stratton que le projet de loi S-6 soit modifié, à l'article 14 -- me dispensez-vous de lire la motion?
Des voix: D'accord.
Le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter ladite motion?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 14 modifié est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 15 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Des voix: Adopté.
Le sénateur Kinsella: Je ne sais pas trop si vous avez proposé que l'article 9 modifié soit adopté.
Le Président: Vous avez raison. Je ne l'ai pas fait alors que je l'aurais dû. J'espérais que vous ne vous en étiez pas aperçu.
Le sénateur Kinsella: C'est la prérogative de la présidence.
Le Président: L'article 9 modifié est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
Il a reçu une formation en théologie à Rome. Ils ne laissent passer aucun détail.
L'article 16 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 17 est-il adopté?
Le sénateur Stratton: Je propose que le projet de loi S-6 soit modifié, à l'article 17, à la page 8, par substitution, aux lignes 28 et 29, de ce qui suit: «c) le nombre de dénonciations rejetées en vertu des articles 9 et 12;». Nous ajoutons «9».
Le Président: Oui. C'est une amendement qui découle de l'amendement précédent. Avez-vous autre chose à ajouter?
M. Audcent: Le rapport est présenté au Parlement, pour le sénateur Cools.
Le Président: Sénateurs, le sénateur Stratton a proposé que le projet de loi S-6 -- me dispensez-vous de lire la motion?
Des voix: Oui.
Le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter ladite motion?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 17 modifié est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 18 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 19 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 20 est-il adopté?
Le sénateur Stratton: Je propose que le projet de loi S-6 soit modifié à l'article 20, à la page 10, par substitution, aux lignes 27 à 32, de ce qui suit:
20. (1) Sauf dans la mesure permise par la présente Loi ou par toute autre loi en vigueur au Canada, nul ne peut communiquer à autrui le nom d'un fonctionnaire ayant présenté une dénonciation et demandé la confidentialité de son identité en vertu du paragraphe 9(1), ou tout autre renseignement dont la communication dévoile l'identité de celui-ci, y compris l'existence ou la nature de la dénonciation, sans avoir obtenu son consentement au préalable.
Le Président: Monsieur Audcent, pourquoi cet amendement est-il nécessaire?
M. Audcent: Honorables sénateurs, comme vous vous en souviendrez, quand vous avez modifié l'article 9, vous avez inclus une disposition autorisant expressément l'employé à renoncer à l'anonymat. Vous ne voulez pas nécessairement que la confidentialité soit maintenue éternellement. Tel qu'il est libellé actuellement, l'article 20 n'indique pas que quelqu'un peut divulguer votre identité avec votre consentement. Il est évident qu'il ne s'agirait pas d'une infraction, mais comme nous apportons des précisions et permettons à l'employé de renoncer à l'anonymat, il faut apporter un amendement correspondant à la disposition concernant l'infraction en disant que si l'employé donne son consentement, il n'y a pas d'infraction. Tel est le but premier de cet amendement.
J'ai profité de cette révision pour remanier légèrement le libellé de cet article afin de mieux protéger l'identité de l'employé. Cet amendement vise toutefois avant tout à contrebalancer les mots «sans le consentement de l'employé» en disant qu'il n'y a évidemment pas d'infraction si vous le faites avec le consentement de l'employé.
Le Président: Le sénateur Stratton propose que le projet de loi S-6 soit modifié à l'article 20, à la page 10, par substitution, aux lignes 27 à 32, de ce qui suit -- me dispensez-vous de lire la motion?
Des voix: D'accord.
Le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter ladite motion?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 20 modifié est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 21 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
L'article 22 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Monsieur Audcent, pour ce qui est du nouvel article 23 que je vais demander au sénateur Stratton de proposer dans un instant, quel est l'amendement qui arrive en premier?
M. Audcent: Honorables sénateurs, en tant que rédacteurs, nous ne pouvons pas supposer qu'un amendement sera adopté ou non et c'est pourquoi nous travaillons toujours à partir du projet de loi existant.
Le Président: Quelle délicatesse!
Le sénateur Stratton: Je propose que le projet de loi S-6 soit modifié -- Je vais commencer par le deuxième amendement portant sur l'article 23 -- à la page 11, par adjonction, après la ligne 17, de ce qui suit:
Modification corrélative
Loi sur l'accès à l'information
23. L'annexe II de la Loi sur l'accès à l'information est modifiée par adjonction, selon l'ordre alphabétique, de ce qui suit:
Loi sur la dénonciation dans la fonction publique
article 10, paragraphe 14(4) et article 20.
Le Président: Vous avez commencé par cet amendement, sénateur Stratton. Je dois préciser que, lorsque le projet de loi sera réimprimé, il arrivera en dernier. Ce sera à la fin.
Le sénateur Stratton: Entendu.
Le Président: L'amendement précédent apparaîtra en premier. Je ne pense pas que cela pose de problème.
Le sénateur Kinsella: L'art de la rédaction exige que cet amendement arrive en dernier.
Le Président: D'accord, très bien. Le sénateur Stratton a proposé que le projet de loi S-6 soit modifié, à la page 11, par adjonction après la ligne 17, de ce qui suit -- me dispensez-vous de lire la motion?
Des voix: D'accord.
Le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter ladite motion?
Des voix: D'accord.
Le Président: Adopté.
Le sénateur Stratton: Je propose que le projet de loi S-6 soit modifié, à la page 11, par adjonction, après la ligne 17, de ce qui suit:
Examen
23. (1) À l'expiration du délai de trois ans suivant l'entrée en vigueur de la présente loi, celle-ci est soumise à l'examen d'un comité soit du Sénat, soit de la Chambre des communes, soit mixte constitué ou désigné pour étudier son application.
(2) Le comité présente son rapport dans l'année suivant le début de l'examen prévu au paragraphe (1) ou dans le délai supérieur autorisé par le Sénat, la Chambre des communes ou les deux Chambres du Parlement, selon le cas.
Le Président: C'est ce que le sénateur Finestone a suggéré. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
M. Audcent: Honorables sénateurs, le Parlement a un rôle à jouer dans le cadre de ce projet de loi en ce sens qu'il peut recevoir des rapports aux termes de l'article 16. Il reçoit les rapports annuels prévus à l'article 17 et il peut recevoir une autre série de rapports en vertu du paragraphe 17(2). Le sénateur Finestone a toutefois laissé entendre qu'elle jugeait souhaitable de prévoir un examen parlementaire. J'ai reçu instruction de préparer un amendement en ce sens; cet amendement prévoit donc que le Parlement réexaminera ce projet de loi.
Le Président: Cela fera plaisir au sénateur Cools. Avez-vous autre chose à dire?
Le sénateur Stratton a proposé que le projet de S-6 soit modifié, à la page 11, par adjonction, après la ligne 17, de ce qui suit -- me dispensez-vous de lire la motion?
Des voix: D'accord.
Le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Bolduc: Y a-t-il un amendement à l'article 16 ou à l'article 17?
Le Président: À l'article 17.
Le sénateur Bolduc: Je ne l'ai pas vu.
Le Président: Honorables sénateurs, le nouvel article 23 est-il adopté? Est-ce le bon numéro?
Le sénateur Kinsella: Je crois que ce dernier amendement devient l'article 23, et l'autre article devient l'article 24.
M. Audcent: C'est exact, sénateur.
Le Président: Honorables sénateurs, le nouvel article 24 est-il adopté?
Le sénateur Banks: Nous votons maintenant sur l'article 23 et nous avons voté tout à l'heure sur l'article 24, n'est-ce pas?
Le Président: Nous n'avons pas voté. Excusez-moi, nous l'avons fait. La modification corrélative devient l'article 24 et l'article 23 se compose du paragraphe 23(1) et 23(2) intitulés «Examen». Ces deux articles ont été adoptés.
Honorable sénateurs, le titre est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le Président: Honorables sénateurs, dois-je faire rapport de ce projet de loi, tel que modifié, au Sénat?
Des voix: D'accord.
Le Président: Merci, honorables sénateurs. J'adresse mes félicitations au sénateur Kinsella, au sénateur Finestone et aux autres. Je vais faire rapport de ce projet de loi dans un jour ou deux, après quoi ce sera à vous de jouer.
Notre réunion de demain soir avec le vérificateur général aura lieu à 17 h 45 dans la pièce 505. Cela devrait être une réunion intéressante.
La séance est levée.