37-1
37e législature,
1re session
(29 janvier 2001 - 16 septembre 2002)
Choisissez une session différente
Délibérations du Comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 9 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 15 mai 2001 Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi S-23, Loi modifiant la Loi sur les douanes et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 9 h 31, pour en faire l'examen. Le sénateur Lowell Murray. c.p., (président) occupe le fauteuil. [Traduction] Le président: Chers collègues, nous sommes de nouveau saisis du projet de loi d'initiative ministérielle S-23, Loi modifiant la Loi sur les douanes et d'autres lois en conséquence. Comme vous le savez, ce projet de loi a été présenté au Sénat. Nous avons récemment tenu deux réunions à ce sujet. Nous avons entendu les témoignages du ministre et de fonctionnaires de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Les premiers témoins que nous entendrons ce matin représentent l'Association du Barreau canadien. Plus tard, nous entendrons des témoins représentant l'Association canadienne des importateurs et des exportateurs ainsi que la Société canadienne des courtiers en douane. C'est avec plaisir que j'accueille, de l'Association du Barreau canadien, Mme Daphne E. Dumont, M. Benjamin J. Trister et Mme Tamra L. Thompson. La parole est à vous. [Français] Mme Daphne E. Dumont, présidente, Association du Barreau canadien: L'ABC est une organisation nationale qui regroupe plus de 37 000 membres de la profession juridique dans l'ensemble du Canada, soit les avocats et avocates, les notaires, les juges, les professeurs et les étudiants et étudiantes en droit. Nous sommes la voix de la profession juridique et parmi nos objectifs prioritaires, nous cherchons à améliorer le droit et l'administration de la justice. [Traduction] Nous sommes ici aujourd'hui parce que nous sommes très préoccupés par les dispositions du projet de loi S-23 qui visent à élargir considérablement les pouvoirs du gouvernement en ce qui concerne l'ouverture et l'examen du courrier. Plus précisément, nous nous inquiétons de l'érosion du droit des Canadiens à la vie privée et du secret professionnel de l'avocat. Comme vous le savez, en vertu des dispositions actuelles de la Loi sur les douanes, les agents peuvent ouvrir tout envoi d'origine étrangère, y compris les envois pesant plus de 30 grammes, et prélever des échantillons, s'ils soupçonnent pour des motifs raisonnables que le paquet contient des marchandises d'importation prohibée, contrôlée ou réglementée. Les envois de moins de 30 grammes ne peuvent être ouverts, quelle qu'en soit la raison, à moins que le destinataire y consente ou que l'agent obtienne un mandat. La présente enveloppe contient quelques feuilles de papier et pèse plus de 30 grammes. C'est un exemple d'envoi que les agents des douanes peuvent maintenir ouvrir quand il arrive au Canada. Les pouvoirs que détiennent actuellement les agents des douanes sur les marchandises exportées sont beaucoup plus limités. Ils peuvent ouvrir et examiner les marchandises exportées dans les mêmes conditions que les marchandises importées, mais à l'heure actuelle, ils ne peuvent ouvrir le courrier, quel qu'en soit le poids, sans mandat. L'Association du Barreau canadien estime que les pouvoirs des agents des douanes à cet égard sont déjà trop larges. Nous croyons également que les agents outrepassent leurs pouvoirs, déjà larges, quand ils ouvrent le courrier. Le projet de loi élargira encore davantage ces pouvoirs en appliquant aux marchandises exportées et au courrier à destination de l'étranger les mêmes pouvoirs que les agents détiennent actuellement sur les marchandises importées et le courrier qui arrive au Canada. Nous nous opposons à ces modifications pour deux raisons. Premièrement, elles accroîtraient grandement les pouvoirs des agents des douanes en matière d'examen et d'ouverture des envois internationaux, violant le droit des Canadiens à la vie privée. Deuxièmement, les nouvelles dispositions menacent gravement le principe du secret professionnel de l'avocat, principe nécessaire et depuis longtemps établi au Canada. Notre première objection repose sur la manière dont les agents des douanes exercent dans la réalité les pouvoirs qu'ils détiennent déjà. En effet, ils procèdent régulièrement à des vérifications au hasard d'envois d'origine étrangère pesant plus de 30 grammes - soit tout envoi plus gros que cette lettre - et ils en déclarent le contenu à d'autres ministères, y compris le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Cette pratique n'est légale que si leurs soupçons sont fondés sur des motifs raisonnables. Ouvrir des colis et du courrier au hasard présuppose en soi, du fait que c'est au hasard, que l'on n'a pas de motifs raisonnables d'avoir des soupçons. Dans ce contexte, nous exhortons le comité à faire preuve d'une extrême prudence pour ce qui est de renforcer les pouvoirs des agents des douanes de manière à leur permettre d'ouvrir le courrier qui quitte le Canada. Notre deuxième objection concerne le secret professionnel de l'avocat, qui est le privilège le plus important reconnu par les tribunaux. Je tiens à souligner que le secret professionnel de l'avocat n'appartient pas et ne profite pas à l'avocat. Nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour défendre les intérêts des avocats. Le secret professionnel qui lie l'avocat et son client appartient au client et existe pour la protection de ce dernier. Ce sont les droits du client qui seront violés lorsque son courrier à destination de l'étranger sera ouvert et fouillé au hasard en vertu de ces nouvelles dispositions. La garantie de protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives, qui est énoncée clairement à l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, protège le droit à la vie privée des citoyens canadiens et leurs attentes raisonnables en la matière. Nous reconnaissons que l'État est impérativement tenu de protéger ses frontières, mais nous croyons tout aussi fermement que l'existence de la relation entre l'avocat et ses clients déclenche l'application de la Charte et que toute perquisition et saisie de communications privilégiées constitue une violation de nos droits. Il existe quelques exceptions à la règle du secret professionnel, mais chacune est assortie de conditions extraordinairement strictes avant que l'on puisse passer outre au secret professionnel. L'ABC estime que les fouilles faites au hasard actuellement par les agents des douanes sont loin de tomber dans la catégorie de ces quelques exceptions. Les dispositions du projet de loi S-23, qui élargissent les pouvoirs en matière de fouille du courrier, ne répondent pas non plus à ces critères. C'est pourquoi nous sommes ici et que nous vous exhortons à modifier le projet de loi. [Français] Je demanderais à mon collègue, M. Benjamin Trister, de bien vouloir expliquer les conséquences de l'élargissement de ces pouvoirs. [Traduction] M. Benjamin J. Trister, vice-président, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du Barreau canadien: Honorables sénateurs, Mme Dumont a parlé du principe des motifs raisonnables et de la manière dont il est appliqué. Il est évident, selon nous, que les fouilles au hasard ne respectent pas le principe des motifs raisonnables. L'une des choses qui a poussé la Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté à intervenir dans ce dossier est le fait que le projet de loi C-11, que vous allez bientôt étudier, contient une disposition qui permet aux autorités d'exiger des immigrants qu'ils se soumettent à des interrogatoires. Le libellé de cet article est en gros le même que celui de l'article qui permet au gouvernement de fouiller le courrier. Nous craignons que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration ne veuille exposer les immigrants à des fouilles au hasard, tout comme les Douanes ouvrent le courrier. C'est un problème difficile. Si le gouvernement n'insiste pas pour que le principe des motifs raisonnables demeure un critère important, nos droits sont menacés alors que nous nous attendons à ce qu'ils soient respectés et défendus par notre gouvernement. Selon nous, les fouilles au hasard ne respectent pas ce critère, et le ministère, vu la manière dont il conduit ses activités actuellement, ne mérite pas qu'on lui accorde des pouvoirs supplémentaires à cet égard. J'ai été intrigué, lors d'une séance récente de votre comité, par une déclaration faite par un témoin qui, je pense, représentait le ministère. Il a dit qu'ils ne lisaient pas le courrier, un point c'est tout. Je peux vous dire que ce n'est pas le cas. Ce n'est évidemment pas le cas. Pour commencer, le ministère reconnaît communiquer le courrier aux ministères pertinents. De toute évidence, il ne peut le communiquer sans en avoir au préalable pris connaissance. Il ne peut savoir à qui l'envoyer que s'il l'a lu. Qui plus est, nous avons été témoins d'exemples choquants de l'ingérence de ce processus de fouille dans le système judiciaire. Dans un cas, le client de l'un de mes collègues, Dennis McCrae, de Vancouver, lui avait envoyé un affidavit qui devait être produit dans le cadre d'une action en justice. Il s'est trouvé que le paquet a été intercepté par le ministère. On a fait une copie de l'affidavit, qui a été versée au dossier de l'avocat représentant le gouvernement à l'audience avant même que l'avocat de la défense ne produise l'affidavit. Je prétends que cela constitue une violation flagrante et alarmante du secret professionnel de l'avocat, et ce, du fait des pratiques actuelles du gouvernement qui permettent la fouille du courrier en provenance de l'étranger. Un autre exemple concerne un revendicateur du statut de réfugié, qui était passager sur l'un des bateaux arrivés à Vancouver. On lui avait envoyé des éléments de preuve de Chine. Le paquet a été ouvert et détenu sans que son avocat en soit averti. Le revendicateur a dû participer à l'audition de sa cause sans le bénéfice de ces éléments de preuve; on lui a quand même reconnu le statut de réfugié. Ce sont là des exemples flagrants, bien que peu importants, du genre de problèmes qui se produisent lorsque le courrier est intercepté. En règle générale, les Canadiens s'attendent à ce que leur vie privée soit protégée. Je pense que la jurisprudence est claire à cet égard, c'est un droit qu'ont les Canadiens. Je puis vous dire que les pratiques actuelles seront sous peu le sujet d'une action visant à un jugement déclaratoire car nous avons l'intention de demander l'opinion des tribunaux sur la manière dont la loi est administrée. Dans ce contexte, nous avons trouvé alarmant que ce projet de loi soit présenté si peu de temps après le tollé déclenché par la découverte que le courrier arrivant au Canada était ouvert par les autorités. C'est un sujet qui nous préoccupe grandement. Je m'attends à ce que, si cette disposition est adoptée telle que libellée, elle fasse elle aussi l'objet d'actions en justice fondées sur la défense du droit à la vie privée et des droits reconnus par la Charte ainsi que du secret professionnel de l'avocat. Le président: Si je comprends bien, monsieur Trister, vous estimez que les pratiques actuelles - sans parler du projet de loi dont nous sommes saisis - contreviennent à la Charte? M. Trister: Oui, absolument. Le sénateur Banks: C'est précisément ma question. Je n'ai pas apporté le projet de loi, ce dont je m'excuse, mais je pense avoir raison de dire qu'il n'autorise personne à ouvrir le courrier au hasard. Ni la loi actuelle ni le projet de loi autorise quiconque à ouvrir le courrier au hasard. J'ai maintenant le document sous les yeux. Si je me souviens bien, le projet de loi n'autorise pas une telle chose. Le président: La disposition que l'ABC veut qu'on supprime est le paragraphe 59(4), à la page 64. Le sénateur Banks: Le paragraphe 59(4) se lit comme suit: Le paragraphe 99(1) de la même loi est modifié par adjonction, après la l'alinéa c), de ce qui suit: c.1) tant qu'il n'y a pas eu exportation [...] Je présume que le tout serait précédé du mot «peut». Le président: Le paragraphe 99(1) commence par «L'agent peut:» puis on passe à l'alinéa c). Le sénateur Banks: c.1) tant qu'il n'y a pas eu exportation, examiner les envois destinés à l'exportation et, sous réserve des autres dispositions du présent article, les ouvrir ou faire ouvrir s'il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu'ils contiennent des marchandises d'exportation prohibée, contrôlée ou réglementée en vertu de toute autre loi fédérale, ainsi que prélever des échantillons de leur contenu en quantités raisonnables; La présomption dans cet alinéa est qu'il y a des motifs raisonnables. Il semble que vous - et sans doute nous - ayons la conviction que, à l'heure actuelle, les agents contreviennent à cette disposition de la loi, et qu'ils risqueraient de le faire à l'avenir. La question dont nous sommes saisis est la loi, non pas de savoir si quelqu'un y contrevient. Selon moi, le paragraphe 59(4) n'autorise personne à ouvrir le courrier au hasard. Pourriez-vous me dire ce que vous pensez de mon point de vue, à savoir que le projet de loi est bon, mais que la pratique est mauvaise, et que nous devons trouver un moyen de régler la question de la pratique? Le projet de loi est bon en cela qu'il exige l'existence de motifs raisonnables pour ouvrir le courrier. Mme Dumont: Je laisserai la parole à M. Trister dans un instant, mais il me semble que, puisque la pratique est mauvaise, il est certainement dangereux d'accroître le nombre de cas auxquels la pratique pourrait s'étendre. L'Association du Barreau canadien préférerait que la pratique soit corrigée avant d'ajouter des cas auxquels elle pourrait s'étendre. Le sénateur Banks: C'est une question qui relève de l'administration de la loi et non de la loi elle-même. M. Trister: Nous prétendons que c'est une question qui relève de la loi. Le ministère a volontiers admis qu'il procède à des fouilles aux fins de renseignements, et ce, en fonction de facteurs aléatoires comme, par exemple, le pays d'origine. Il est important que le législateur envoie un message très clair au ministère lui signifiant qu'il désapprouve la manière dont il procède. Le législateur établit la loi, mais le ministère ne la respecte pas. On devrait lui dire que, tant qu'il ne rectifie pas les choses, le législateur ne lui accordera pas les pouvoirs supplémentaires qu'il réclame. Ce n'est là que l'un des aspects. Pour nous, il y a deux problèmes. Il y a le problème général de l'ouverture du courrier des particuliers. On peut prétendre que la pratique est acceptable s'il existe des motifs raisonnables de le faire. C'est un choix de principe qui revient au gouvernement. Toutefois, étant donné la récente décision de la Cour suprême dans l'affaire McClure, qui portait sur le du secret professionnel de l'avocat, nous prétendons que l'on doit appliquer un critère extrêmement strict, allant bien au-delà des motifs raisonnables, pour déterminer si l'on peut intercepter le courrier destiné à un avocat, ou le courrier entre un avocat et son client. Nous suggérons, dans une lettre que nous avons envoyée au président de votre comité que, au minimum, une modification devrait être apportée au projet de loi exemptant spécifiquement le courrier pouvant être identifié comme étant destiné à un avocat. Le sénateur Banks: Pour notre édification, quelle est la différence entre, d'une part, un envoi que j'importe ou que j'exporte et, d'autre part, un bien personnel que je porte dans ma poche? Quand je me présente à la frontière d'un nouveau pays, mes attentes en matière de respect de la vie privée sont moindres. Je m'attends à ce que quelqu'un puisse - peut-être au hasard, selon le pays dont on parle - vouloir examiner ce que je porte sur ma personne. Je peux toujours faire demi-tour et retourner là d'où je viens. Je ne suis pas obligé de me soumettre à une fouille. Dites-moi quelle est la différence entre les deux situations. M. Trister: Si vous parlez de ce que le gouvernement cherche quand quelqu'un entre dans un pays, vous parlez d'articles passibles de droit ou d'articles figurant sur une liste d'objets à importation restreinte. En général, les gens qui transportent des choses de ce genre se sentent coupables. Ils savent qu'ils vont être soumis à un examen, car c'est un fait établi. Je prétends que les Canadiens ont des attentes beaucoup plus élevées en ce qui concerne leur courrier. L'idée qui est à l'origine de ce pouvoir est que, si l'on peut sentir un objet dans un paquet, c'est sans doute quelque chose qui vaut la peine d'être fouillé. C'est un retour en arrière, nous revoilà au stage de 1984. Malgré ce que l'on nous a dit, l'État veut lire le courrier qui est ouvert par les autorités. Il relate des idées ou des aspects de la vie des particuliers qui ne présentent aucun intérêt légitime pour l'État. Ce dernier devra prendre connaissance d'une grande variété de renseignements personnels avant de pouvoir recueillir les quelques renseignements qui pourront être utiles au gouvernement. C'est un pouvoir excessif. Il cause des inconvénients à un trop grand nombre de personnes sans être d'un grand avantage pour le gouvernement. Les gens ont le droit de s'attendre à ce que ce qu'ils écrivent et envoient, si ce n'est pas passible de droit, restera entre eux et le destinataire. Le sénateur Banks: Si j'étais un criminel, je pourrais supposer que, bien que je ne puisse franchir la frontière avec un paquet illégal, je devrais pouvoir l'envoyer par la poste en toute impunité. Est-ce exact? M. Trister: Ça dépend de ce que c'est. Il existe différentes manières de déterminer ce que contient un colis, si on a des motifs raisonnables de le faire. La position de l'ABC concernant le secret professionnel de l'avocat ne s'applique pas qu'au courrier. Nous ne prenons pas la position que, même en la présence de motifs raisonnables, il n'est pas justifié d'ouvrir le courrier. Le ministre et les porte-parole du ministère ont admis à la Chambre et à la presse que la loi était administrée de telle manière par le gouvernement que le courrier était ouvert au hasard afin de recueillir des renseignements. Le sénateur Banks: Je conviens que c'est horrible. Toutefois, je ne pense pas que là soit la question. Le sénateur Stratton: Je soupçonne que les avocats du ministère ont prévenu que cette disposition serait contestée. Si tel est le cas, pourquoi la maintenir? Le ministère doit bien savoir qu'elle sera contestée. Quand vous avez appris que ce projet de loi allait être déposé au Parlement, vous avez sans doute pensé que c'était peut-être une mesure similaire à celles qui ont été prises en Europe. Quand on arrive en Union européenne par avion, on passe la douane une fois et ensuite on peut se déplacer dans toute l'Europe quasiment sans aucun autre contrôle. On peut aller en avion de Londres à Paris, ou à Bruxelles ou encore à Rome, sans avoir à passer la douane une nouvelle fois. Quand on étudie le projet de loi, on s'aperçoit que c'est exactement l'inverse de ce qui se passe en Union européenne, ou du moins de ce qui semble s'y passer. On entend dire que l'industrie réclame une plus grande ouverture des frontières et une plus grande liberté de circulation des marchandises, et ce, jusqu'au Mexique. Face à cette restriction, je suis complètement désarçonné et je me demande pourquoi le gouvernement insiste pour qu'il en soit ainsi, spécialement sachant que cette disposition sera contestée devant les tribunaux. Cela me laisse perplexe. Vous n'êtes sans doute pas le groupe à qui poser cette question, mais j'aimerais qu'on m'éclaire à ce sujet, si c'est possible. M. Trister: Premièrement, nous savons d'expérience que les ministères sont plus que disposés à aller de l'avant avec des mesures législatives dont ils savent pertinemment qu'elles seront contestées à certains égards. Ils attendent simplement que ça arrive. Nous avons relevé plusieurs cas précis où la nouvelle Loi sur l'immigration, proposée par le projet de loi C-11, violera la Charte. Nous avons dit au gouvernement de ne pas le faire car ça va nous donner du travail. Le gouvernement le fait quand même. Tant pis - nous nous reverrons devant les tribunaux. Le projet de loi S-23 est du même acabit. Notre gouvernement est très préoccupé par les questions de sécurité et les problèmes liés au crime organisé et autres. Notre pays est aux prises avec de nombreux défis modernes tout à fait légitimes. Le défi du législateur est de parvenir à un juste équilibre et de s'assurer que, lorsque les ministères menacent l'équilibre établi par le législateur, ils en sont tenus responsables. Il faut qu'ils sachent que les déclarations qu'ils font devant un comité, qui ne sont pas les mêmes que les déclarations qu'ils ont faites à la Chambre, seront contestées. Il faut qu'ils sachent qu'on ne leur donnera pas d'outils supplémentaires tant qu'ils n'utiliseront pas de manière responsable les outils qui leur ont été donnés. Le sénateur Finnerty: Comment déterminer ce qui constitue des motifs raisonnables pour ouvrir le courrier? Je considère qu'un agent des douanes est un professionnel quand il ouvre du courrier jugé confidentiel. J'ignore comment on pourrait déterminer ce que devraient être les lignes directrices concernant les motifs raisonnables. Mme Dumont: Notre préoccupation essentielle est qu'il suffira qu'un colis ou une enveloppe contienne clairement quelque chose pour qu'on ait des motifs raisonnables de l'ouvrir. Par exemple, une petite boîte carrée envoyée par la poste peut être un cadeau pour votre mère, mais ça pourrait aussi bien être quelque chose d'autre qui, une fois importé ici, pourrait être vendu illégalement, ou quelque chose de ce genre. Tant que le gouvernement admet ouvrir de simples envois contenant trois feuilles de papier, on peut être certain que ce n'est pas pour des motifs raisonnables. En général, quelques feuilles de papier dont on peut détecter la présence en passant le paquet aux rayons-X n'éveillent jamais - ou très, très rarement - le soupçon que le paquet puisse contenir une substance ou un objet dont l'importation est illégale. En ce qui concerne l'exportation, nous sommes réellement étonnés que des feuilles de papier exportées puissent intéresser la douane. Le sénateur Finnerty: Étant donné les milliers d'envois qui passent par la douane tous les jours, il est difficile de croire que les agents ouvrent des lettres de cette taille et les lisent. Je ne pense pas qu'ils aient la main-d'oeuvre ou le temps de le faire. M. Trister: Le commissaire à la protection de la vie privée a conseillé à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration d'obtenir un mandat avant d'ouvrir ces paquets. La ministre a répondu: «Nous en ouvrons tellement que si nous devions obtenir un mandat à chaque fois, nous serions immobilisés.» Clairement, de son propre aveu, un nombre important d'envois est ouvert. Mon courrier a été ouvert à maintes occasions. J'avais le plus gros cabinet d'avocats spécialisé dans l'immigration au Canada, mais je traitais avec des sociétés et je représentais des clients multinationaux. Mon courrier était ouvert car il s'agissait d'envois internationaux. Le dernier envoi qui a été ouvert était une enveloppe d'un service de messagerie. Le seul morceau de papier qui se trouvait dans cette enveloppe était un chèque de paiement de mes honoraires. J'ai fait une recherche, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, sur toutes les bases de données du gouvernement pour voir si mon nom y figurait. Je l'ai fait car je pensais que quelqu'un devait soupçonner qu'il existait des motifs raisonnables de croire que le courrier qui m'était destiné était problématique. Mon nom ne figurait sur aucune base de données. Dans ce cas, pourquoi a-t-on ouvert cette enveloppe? Ma seule explication est que le client était originaire du Liban. Je sais que le courrier qui vient de Hollande est ouvert, par exemple. Cela se fait en fonction du pays. Je le répète, le gouvernement reconnaît agir de la sorte pour recueillir des renseignements. Pour qu'il y ait motifs raisonnables, il faut des motifs un peu plus étoffés que cela. Bien que la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ait dit que le critère de l'existence de motifs raisonnables était appliqué de manière très stricte, il ne l'ait pas nécessairement. Elle a dit: «Nous n'ouvrons pas les paquets à moins de soupçonner qu'il y ait fraude.», ce qui n'est clairement pas le cas. D'après les comptes rendus de vos séances que j'ai lus, vous avez entendu des témoignages plus réalistes sur ce qu'est ce critère. Ce n'est pas un critère strict. On ne devrait pas permettre que l'ouverture du courrier se fasse au hasard. Le sénateur Banks: Ne soyons pas naïfs. Vous savez tous les deux parfaitement bien ce que pourrait contenir une enveloppe comme celle que vous nous avez montrée, madame Dumont. Certaines de ces choses pourraient être illicites. Il pourrait s'agir de micropuces ou de microfilms. Il pourrait s'agir de petites pastilles contenant Dieu sait quoi. Parfois la raison qui est donnée, et qui semble parfois raisonnable, est précisément l'origine de l'envoi. M. Trister: Parlons du courrier destiné à l'étranger. Si la contrebande nous inquiète, ne devrions-nous pas être heureux que ce genre de chose quitte le pays? Le sénateur Banks: Pas nécessairement. Le sénateur Stratton: J'étais pris par d'autres réunions la semaine dernière et j'ai raté l'exposé du gouvernement. Si effectivement c'est ce qui se passe, on devrait nous dire quel est le taux de succès. Nous a-t-on dit combien d'envois en provenance du Liban, de l'Iran, de l'Iraq ou d'ailleurs avaient été ouverts? Il doit y avoir une justification à cela. Le gouvernement doit pouvoir dire que le courrier en provenance du Liban, par exemple, pose un problème, quel est le problème et quel est le taux de succès. Est-ce qu'on nous l'a dit? Le sénateur Banks: Je ne pense pas qu'on nous ait donné des chiffres. Mme Dumont: Pour faire suite à la remarque du sénateur Banks, il faut se souvenir que, pour trouver du papier buvard imprégné d'une substance illégale, il se peut qu'on ait à ouvrir des centaines de milliers de lettres privilégiées, d'une pureté absolue, échangées entre avocats et clients ou entre mères et fils. Il me semble que, en l'occurrence, la transgression par rapport à ce à quoi s'attendent les Canadiens, à savoir que le gouvernement n'ouvrira pas leur courrier personnel, est massive. La plupart des gens qui essaient d'importer quelque chose d'illicite ne recevront probablement pas cette chose dans une minuscule enveloppe. Le courrier qui est envoyé dans de telles enveloppes consiste en général en communications privées et innocentes, dont nous avons très fortement le droit et le besoin de penser qu'elles sont privilégiées, particulièrement lorsqu'il s'agit de communications entre les avocats et leurs clients. On risque autre chose quand on dit que les lettres destinées à un avocat peuvent être ouvertes. Les avocats ont des normes d'éthique très strictes. Si quelqu'un était assez bête pour m'envoyer quelque chose de ce genre, je peux vous assurer que ça ne serait pas revendu dans la rue. Il est insensé de croire que le courrier entre les clients et leurs avocats pourrait contenir ce genre de chose. M. Trister: Pour revenir sur la remarque que j'ai faite à moitié en plaisantant, le fait est qu'il existe différentes raisons de principe pour fouiller les paquets en provenance de l'étranger. Ça peut-être pour s'assurer que les droits exigibles sont bien payés ou pour protéger la population contre des agents biologiques qui pourraient leur faire du tort. C'est normal. Toutefois, ce sont d'autres considérations d'ordre public qui entrent en jeu quand on fouille le courrier à destination de l'étranger. Franchement, nous avons du mal à savoir quel est l'objectif de l'État en la matière. Nous avons entendu parler de différentes choses. Nous avons entendu dire que c'était peut-être parce que les pays auxquels le courrier est destiné ne sont pas équipés pour fouiller le courrier qui leur arrive et que par conséquent nous le ferions à leur place. Je maintiens que si nous invoquons l'argument de la sécurité à propos du courrier destiné à l'étranger, il n'en faudrait pas beaucoup pour dire que nous allons aussi fouiller le courrier en provenance de l'étranger ou même le courrier interne. Quelle serait la différence en ce qui concerne les objectifs de principe? C'est introduire dans la Loi sur les douanes une mesure de sécurité publique qui n'a réellement rien à voir avec les douanes. C'est pousser les choses trop loin. Le sénateur Banks: C'est vrai. La différence serait qu'il est peu probable que quelqu'un expédierait par la poste, Shawinigan à Winnipeg, des passeports volés de Shawinigan à Winnipeg. Il est plus probable que ces passeports seraient envoyés à l'étranger. M. Trister: Il est encore plus probable que des passeports volés ne soient même pas fabriqués ici. Il est plus probable qu'ils soient fabriqués par des faussaires à l'étranger. Je doute qu'il existe un seul objectif de principe, quant bien même le gouvernement se donnerait la peine d'en énoncer un, qui justifierait le genre d'intrusion dans la vie privée auquel le gouvernement se livre et se propose de se livrer à l'avenir. Le président: Le paragraphe 59(4) est celui que vous voulez qu'on supprime. Vous ne semblez pas avoir la même objection à l'égard du paragraphe 59(2), qui porte sur le courrier d'origine étrangère. M. Trister: C'est que le paragraphe 59(2) n'est pas un ajout. C'est simplement une correction du libellé de l'article en vigueur actuellement, que nous attaquerons d'ailleurs devant les tribunaux. Ne vous gênez pas pour éliminer aussi cette disposition. Mme Dumont: C'est vraiment au sujet du courrier à destination de l'étranger que nous sommes ici. Le président: Moi qui ne suis pas spécialiste de la question, je vois que la distinction qui est faite par la loi concerne le courrier contenant des marchandises interdites ou autres. Est-ce que cette distinction est importante en ce qui concerne l'application de la loi? M. Trister: Une limite de 30 grammes n'implique pas nécessairement la présence de marchandises. Trente grammes est à peu près ce que pèse une enveloppe en carton de FedEx contenant un seul chèque de paiement de mes honoraires. Comment peut-on considérer qu'il s'agit de marchandises, je l'ignore. Le président: J'aurais pensé qu'il existait divers dispositifs de détection et autres appareils perfectionnés permettant de savoir s'il y avait autre chose que votre chèque dans cette enveloppe. M. Trister: Je soupçonne que les inspecteurs savent qu'il n'y a rien d'autre dans l'enveloppe qu'un morceau de papier et qu'ils veulent voir ce qu'il y a sur ce papier. Les déclarations faites par la ministre au comité et à la Chambre selon lesquelles ses agents ne lisent pas le courrier sont risibles. Le sénateur Cools: Le témoin ne cesse de faire référence à une déclaration de la ministre. Peut-être pourrait-il nous dire où cette déclaration a été faite et dans quelles circonstances. M. Trister: La ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a fait cette déclaration à la Chambre en réponse à une question. Je pense que c'était pendant la Période des questions. Le sénateur Cools: Savez-vous à quelle date? M. Trister: Elle l'a dit également dans une lettre au commissaire à la protection de la vie privée. Le sénateur Cools: Si vous avez cette lettre, peut-être pourrions-nous la voir. M. Trister: Nous pouvons la remettre au comité. Le sénateur Cools: Savez-vous quand la ministre a fait cette déclaration à la Chambre? M. Trister: C'était en mars. Le président: N'a-t-on pas dit au comité hier que le courrier n'était pas lu? Je ne sais pas si c'était la ministre ou un fonctionnaire qui l'a dit. M. Trister: Oui. Je pense que c'était M. Lefebvre. Le sénateur Cools: M. Lefebvre a effectivement dit quelque chose de ce genre. M. Trister: J'aimerais savoir comment des affidavits se retrouvent dans les dossiers du gouvernement et j'aimerais savoir comment les inspecteurs savent à quel ministère envoyer les documents. Le sénateur Tunney: Monsieur Trister, supposons un instant que vous ne soyez pas avocat. Vous êtes juriste et vous n'avez pas de client. On vous a confié la responsabilité d'élaborer un projet de loi qui améliorerait notre sécurité et qui permettrait de s'attaquer de manière plus efficace à la criminalité. Vous êtes personnellement entièrement responsable de réécrire la loi. J'aimerais savoir comment vous la rédigeriez, étant donné le mandat qui vous a été donné de réduire ou de réprimer efficacement les actes criminels commis en se servant du courrier. M. Trister: Il faut espérer que le rédacteur du projet de loi serait avocat et que, en le rédigeant, il serait conscient des obligations créées par la Charte, par exemple. Peut-être est-ce que j'interprète mal votre question, mais j'ai presque l'impression que vous me demandez ce que je ferais si la sécurité était mon seul objectif. Je puis vous dire que la sécurité ne pourrait être mon seul objectif. Le sénateur Tunney: Je suis d'accord avec vous. M. Trister: Je rédigerais le projet de loi comme nous l'avons suggéré. Si les motifs raisonnables étaient réellement des motifs raisonnables, je pourrais l'accepter. Notre objection est que nous ne voulons pas que vous donniez plus de pouvoir aux agents parce que, à l'heure actuelle, ils procèdent à des fouilles illégales. Là est le problème. Par ailleurs, nous modifierions la disposition en cause de manière à protéger le secret professionnel de l'avocat. Si la loi ne le fait pas, la Cour suprême ne peut le faire. Nous finirions par atteindre nos objectifs communs en apportant ces changements et en obligeant le ministère à respecter les normes. Il est malheureux que ce soit là nous, les avocats, de le faire, mais cela fait partie de notre sort dans la vie. Le sénateur Cools: C'est un fardeau lourd et pénible. Le président: Pour ce qui est d'être plus prudent, ou peut-être plus explicite quant à ce qui constitue des motifs raisonnables, comment procéderiez-vous? Pensez-vous que les agents devraient être obligés d'obtenir des mandats de perquisition, ou plutôt que nous pourrions en quelque sorte définir par voie de règlement ce qui constitue des motifs raisonnables? M. Trister: En tant qu'avocats, nous savons que les tribunaux comprennent ce que sont des motifs raisonnables, ils y sont sensibles; ils les définissent de manière assez souple en fonction du contexte et des intérêts en jeu. Ce n'est pas que le libellé soit fautif. C'est plutôt que, clairement, la pratique du gouvernement de procéder à des fouilles au hasard se justifie par des motifs qui sont tout sauf raisonnables. S'il faut définir cette expression, on pourrait dire, par exemple, qu'on ne peut procéder sans mandat à des fouilles dans le but de recueillir des renseignements. Tout dépend de ce qu'on veut protéger. Je suppose que ce qui va arriver avec la loi actuelle est que les tribunaux vont nous donner leur opinion. Ils énonceront le critère lorsque nous leur demanderons un jugement déclaratoire. Et nous invoquerons divers aspects de la Charte pour les pousser à resserrer le critère. Le gouvernement devra alors s'y conformer. Le président: Là-dessus, je donne la parole au sénateur Cools, qui a une opinion très arrêtée sur le sujet de l'activisme judiciaire. Le sénateur Cools: Merci, monsieur le président. Quelle introduction! D'après ce que je comprends, vous demandez en gros au comité de supprimer une disposition ou, en l'absence du désir ou de la volonté de la supprimer, de lui substituer la disposition que vous recommandez. Laissez-moi vous dire que de nombreux témoins se présentent devant nous avec des dispositions déjà rédigées qu'ils recommandent, mais que ce qu'ils recommandent doit être rédigé par nos rédacteurs pour être ensuite soumis au processus auquel tout le monde ici, le Sénat dans son ensemble, doit participer. Ce n'est pas aussi simple que cela. Voilà pour commencer. Cela paraît simple, mais cela ne l'est pas. Votre recommandation me préoccupe à bien des égards. J'ai plusieurs questions importantes. Je dois vous dire que, de prime abord, je ne suis pas disposée à appuyer votre recommandation. Toutefois, je suis prête à être ouverte. Mes collègues pourront vous dire à quel point j'ai l'esprit ouvert et à quel point je suis coopérative. Le président: Ce n'est pas nécessairement la même chose. Le sénateur Cools: Vous avez dit des choses extrêmement intéressantes au sujet du secret professionnel de l'avocat. Selon moi, le mémoire que vous avez soumis par écrit met sur un pied d'égalité le droit à la vie privée, la confidentialité et le privilège du secret professionnel de l'avocat. Il me semble que vous, ou d'autres ici, vous demandiez ce qui constitue des motifs raisonnables. La vraie question est: Qu'entend-on vraiment par privilège du secret professionnel de l'avocat? Le privilège du secret professionnel de l'avocat est le plus étroit de tous les privilèges. Votre document le décrit comme étant le plus important des privilèges reconnus par les tribunaux. Je conteste cette affirmation, car selon moi, c'est un privilège extrêmement étroit. Le secret professionnel de l'avocat est quelque chose d'entièrement différent du droit à la vie privée ou de la confidentialité. Vous pouvez avoir une conversation avec une personne et vous engagez à ce qu'elle demeure confidentielle, ce qui ne veut pas dire que le secret professionnel de l'avocat s'y appliquera. Ce privilège ne lui sera pas accordé. Le privilège est une question entièrement différente de celle de la protection des renseignements privés ou juste du caractère confidentiel de ces derniers. Je comprends que beaucoup d'avocats aient intérêt à avoir une définition aussi large que possible du secret professionnel de l'avocat et à ce qu'elle s'applique le plus largement possible. Toutefois, de tous les privilèges que nous ayons, les privilèges de Sa Majesté - ce sont en fait les prérogatives de Sa Majesté, qui sont confiées à d'autres - le privilège du secret professionnel de l'avocat est le plus étroit. Il est plus étroit que les privilèges des juges et l'immunité des juges. Pour commencer, c'est un privilège restreint. Ce n'est même pas un privilège absolu. Vous parlez à quelqu'un qui a étudié la question en long et en large. Le compte rendu ne peut faire état des expressions faciales de Mme Dumont. De nombreuses questions se posent. Je pensais que vous essayiez de me convaincre d'appuyer votre proposition. La véritable question est celle-ci: Pourquoi mettez-vous sur un pied d'égalité les notions de protection de la vie privée et de confidentialité et la question de privilège? Il existe de nombreuses relations qui sont de caractère privé, par exemple celles qui existent entre un docteur et ses malades. Aucunes ne sont privilégiées. Le secret professionnel de l'avocat existe dans l'intérêt de la justice. Quand on invoque le secret professionnel de l'avocat pour aller à l'encontre de la raison pour laquelle il a été établi, soit rendre la justice, on crée un très grave problème d'ordre public. Je me demande si vous pouvez faire la lumière sur ces questions. Mme Dumont: Votre première question est: pourquoi mettons-nous sur un pied d'égalité le secret professionnel de l'avocat et la protection de la vie privée? Le sénateur Cools: Tout ce qui est privé n'est pas assujetti au secret professionnel de l'avocat. Tout ce qui est confidentiel n'est pas assujetti au secret professionnel de l'avocat. Si je vous demandais, en votre qualité de juriste, de me donner des conseils financiers, cela ne relèverait aucunement du secret professionnel de l'avocat. L'information serait confidentielle, mais elle ne serait pas protégée par le secret professionnel de l'avocat. C'est la deuxième fois en quelques semaines que la question du secret professionnel de l'avocat est soulevée. Peut-être devrions-nous à un moment donné entreprendre une étude plus étoffée et plus approfondie de ce qui constitue le secret professionnel de l'avocat car je pense qu'une certaine confusion règne autour de la table. Tous les renseignements privés échangés entre avocats et clients ne sont pas assujettis au secret professionnel de l'avocat, pas plus que tous les renseignements confidentiels. Mme Dumont: Ce qui nous préoccupe aujourd'hui est le fait qu'un client qui écrit à son avocat s'attend raisonnablement à ce que personne d'autre n'ouvrira son courrier et ne le lira. Les gens écrivent à leur avocat, comme vous l'avez dit, afin d'obtenir justice dans le cadre d'un procès ou pour proposer l'achat d'un terrain ou quelque chose du genre. S'ils le font de leur résidence d'été en Floride ou de chez leur fille à Buffalo, dans l'État de New York, nous estimons que la loi actuelle permettrait aux agents des douanes qui procèdent à des fouilles au hasard d'ouvrir cette lettre dont ils s'attendent, premièrement, à ce qu'elle ne soit pas ouverte et, deuxièmement, à ce que l'avocat la garde secrète quand elle lui parviendra. C'est ça qui nous préoccupe. Nous pensons que les attentes des citoyens, les attentes des personnes qui envoient du courrier, sont que leur courrier ne sera pas lu et cela suffit à justifier notre argument selon lequel cette disposition devrait être supprimée. Les fouilles qui se font au hasard touchent la correspondance des avocats. L'expéditeur a des attentes encore plus élevée, il est convaincu que la correspondance entre lui et son avocat demeurera secrète. Comme vous le dites si justement, on ne peut pas administrer la justice sans que les gens aient l'assurance que leurs avocats peuvent discuter de choses avec eux sans que tout le monde soit au courant de ce qu'ils ont dit. Le sénateur Cools: Ce que vous venez de décrire est le droit à la protection de la vie privée, et non le secret professionnel de l'avocat. Tout échange entre un avocat et son client n'est pas assujetti à ce privilège. Les membres du comité devraient essayer de saisir le fait que ce que le témoin vient juste de décrire est la protection des renseignements privés et non le secret professionnel de l'avocat. M. Trister: Avec tout le respect que je vous dois, madame le sénateur, je pense que vous constaterez que, dans l'arrêt McClure, la Cour suprême a donné une importance plus grande au secret professionnel de l'avocat, ou du moins a reconnu le rôle important qu'il joue. Le secret professionnel protège toute communication entre un avocat et son client dans le cadre d'une affaire. Il est plus large que vous ne le pensez. Si nous discutons d'un match de baseball, bien sûr le secret professionnel ne s'applique pas. Toutefois, si nous discutons le sujet d'une affaire, le secret professionnel s'applique. J'aimerais également lire un court passage de la décision de la Cour suprême dans laquelle il est dit ceci du privilège du secret professionnel de l'avocat: Le secret professionnel de l'avocat commande en soi une place exceptionnelle dans le système juridique. Les rapports importants qui existent entre un client et son avocat ne se limitent pas aux parties et font partie intégrante des rouages du système juridique lui-même. Les rapports entre un avocat et son client font partie de ce système et n'y sont pas subordonnés. La protection à première vue des communications entre l'avocat et son client est fondée sur le fait que les rapports et les communications entre l'avocat et son client sont essentiels au bon fonctionnement du système juridique. Je ne sais pas si vous étiez ici, madame le sénateur, lorsque j'ai parlé d'un affidavit qui avait été envoyé à un avocat, copié par les douanes et donné au ministère et à l'avocat du ministère, et qui avait été versé au dossier de l'avocat avant qu'il ne soit présenté à titre de preuve. Voilà ce qui se passe. Même d'après votre propre définition, le secret professionnel s'applique dans ce cas-ci. C'est quelque chose qui jetterait l'opprobre sur l'administration de la justice. Le sénateur Cools: Le privilège qui protège les déclarations sous serment n'est pas le secret professionnel de l'avocat. C'est un autre privilège qui protège les déclarations sous serment. Ce n'est pas le secret professionnel de l'avocat. Mme Dumont: C'est inexact. Le sénateur Cools: Il y a deux sortes de privilèges qui entrent en jeu ici. Les tribunaux eux-mêmes protègent les déclarations sous serment. Le fait qu'elle vous ait été envoyée relève d'un autre privilège. Il y en a deux. Il y a au moins deux privilèges en jeu ici. Ne vous y méprenez pas. Je ne suis pas en faveur du fait qu'un ministère ou des agents des douanes puissent agir de manière irresponsable. Il me semble que vos arguments sont solides en ce qui concerne la protection de la vie privée. Il n'y a aucun doute à ce sujet. Mais je pense que pour les questions relatives au privilège, vos arguments sont quelque peu plus faibles. M. Trister: Nous nous permettons de vous dire que, du point de vue juridique, nous estimons que nos arguments sont extrêmement solides sur cette question. Le sénateur Cools: Vous devez être clairs également. Le secret professionnel de l'avocat est déjà protégé. Le simple fait que vous citiez ces jugements prouve déjà qu'il est protégé. Mme Dumont: La protection existe si le gouvernement dit à ses fonctionnaires: «N'interceptez pas cette communication.» La protection n'a de valeur que si elle est appliquée. Les lettres adressées aux avocats doivent être exclues et ne pas être lues. La protection n'a aucune valeur si ce n'est qu'une idée. Elle doit être imposée aux gens qui risquent de lire mon courrier ou le courrier que vous m'envoyez. L'Association du Barreau canadien ne trouve pas rassurant de se faire dire que le secret professionnel de l'avocat est déjà protégé. Nous sommes venus ici pour vous dire qu'il ne sera pas protégé si cette disposition est maintenue. Le président: Merci à vous deux d'être venus. Nous avons deux témoins de plus, honorables sénateurs. Je rappelle aux membres du comité que j'ai l'intention de tenir une réunion à huis clos immédiatement après que nous ayons entendu nos prochains témoins, afin de discuter de la suite de nos travaux. Je demanderais maintenant aux représentants de l'Association canadienne des importateurs et exportateurs et de la Société canadienne des courtiers en douanes de venir à la table. Ces deux organisations ont accepté de comparaître ensemble. Leurs représentants feront chacun une brève déclaration liminaire. Je donne d'abord la parole à M. Armstrong. M. Bob Armstrong, président, Association canadienne des importateurs et des exportateurs: Honorables sénateurs, je vous sais gré de cette occasion qui a été donnée à l'Association canadienne des importateurs et des exportateurs de comparaître devant vous ce matin pour commenter une importante mesure législative, le projet de loi S-23. Je suis accompagné de M. Worley, membre très actif de notre association. Il est directeur des services à la clientèle de Merisel Canada, qui est un gros importateur de logiciels et de matériel informatique. Notre association accorde son appui de principe aux initiatives prises par l'Agence canadienne des douanes et du revenu du Canada en vue moderniser la Loi sur les douanes et de réaligner les procédures sur les réalités commerciales d'aujourd'hui. Au cours des dernières années, notre association a travaillé en étroite coopération avec l'agence et son prédécesseur, Revenu Canada, et ce, de façon encore plus intense depuis le lancement par le ministre Dhaliwal du schéma directeur des douanes. Il y a un an, à notre conférence du printemps, le ministre Cauchon a lancé le plan d'action de l'agence en ce qui concerne les douanes. Nous avons participé à d'interminables discussions et à un long processus consultatif. Nous avons présenté de nombreux mémoires à l'agence, exposant le point de vue de nos membres d'un bout à l'autre du Canada. Nous représentons quelque 650 entreprises. Certaines comptent parmi les plus gros importateurs de ce pays tels que les gros vendeurs au détail de matériel électronique et automobile, mais plus de 50 p. 100 de nos membres sont des PME. Nous appuyons les efforts de l'agence qui visent à simplifier le mouvement des marchandises et ce que nous appelons le commerce et les déplacements légitimes ainsi que ceux qui aident les entreprises canadiennes à devenir plus concurrentielles. Le Canada est en train de mettre en place des programmes de niveau international en matière de contrôle douanier, qui protègent également le Canada et les Canadiens contre les pratiques commerciales illégales et illégitimes. Bien que nous soyons très favorables aux concepts du plan d'action, notre association a des réserves et des préoccupations au sujet de la mise en oeuvre de programmes tels que le Régime de sanctions administratives pécuniaires, ou RSAP, et le Programme d'autocotisation des douanes, ou PAD. Nous sommes bien sûr tout à fait en faveur des efforts déployés par l'agence pour améliorer l'observation des règles, et ce, afin d'uniformiser les règles du jeu pour les importateurs et les exportateurs. Il est important d'avoir un système qui traite tout le monde de la même manière d'un bout à l'autre du Canada. Nous sommes également en faveur du fait que le RSAP est un pas dans la bonne direction. À l'heure actuelle, le système est très archaïque et peut aboutir à des saisies pour une simple erreur ou infraction administratives. Une entreprise peut voir ses camions et sa marchandise saisis à la suite d'une simple erreur administrative. Son usine pourrait même être fermée. À cet égard, le nouveau système est une amélioration. Ce qui nous préoccupe beaucoup cependant est la mise en oeuvre du programme puisque le règlement détaillé qui le régira ne fait pas partie du projet de loi S-23 et qu'il est encore à l'état d'ébauche. Par ailleurs une autre de nos grosses préoccupations vient du fait que, lorsque l'agence a demandé au Conseil du Trésor un financement de 122 millions de dollars pour mettre en oeuvre les programmes qui nous sont destinés, elle a reçu 35 millions de dollars de moins que ce qu'il lui fallait. Notre préoccupation, honorables sénateurs, est que l'agence doit recevoir les fonds nécessaires pour qu'elle puisse financer les systèmes dont elle a besoin, ainsi que la formation et la promotion de son personnel, de manière à ce qu'elle puisse atteindre les objectifs requis par les entreprises et les voyageurs. Je vais brièvement décrire quelques-unes de nos préoccupations. Nous avons l'impression que le Régime de sanctions administratives pécuniaires est de nature punitive et plutôt que corrective. Il reste encore de nombreuses inconnues dont l'interprétation de l'expression «motifs raisonnables de croire». Le régime est organisé de telle manière que les importateurs sont d'abord pénalisés et doivent ensuite chercher à obtenir réparation; il n'y a pas toujours de correspondance avec les autres lois. Il y a des inégalités dans les propositions que nous avons vues jusqu'à maintenant, et nous n'avons pas encore pu mettre la main sur un plan de fonctionnement afin d'évaluer l'impact réel qu'aura le RSAP. Il y a eu beaucoup de discussions, tout est encore à l'état d'ébauche et nous ne savons donc pas encore à quoi nous en tenir exactement. M. Worley participe aux délibérations du groupe de travail sur le RSAP. Nous n'avons pas encore de réponses à toutes nos questions et préoccupations, mais nous y travaillons avec les cadres supérieurs de l'Agence des douanes et nous espérons bien obtenir les réponses que nous cherchons. Le Programme d'autocotisation des douanes et la Restructuration de la filière des transporteurs sont l'avenir des programmes douaniers. Les importateurs seront soumis soit au PAD soit à la restructuration de la filière des transporteurs. Il n'y a rien entre les deux. Il y a des entreprises qui, à l'heure actuelle, ne seraient admissibles ni à l'un ni à l'autre de ces deux programmes, elles ont donc des préoccupations auxquelles nous nous efforçons de répondre. Parfois, nous avons l'impression que l'agence aurait besoin d'être confrontée avec la réalité afin de savoir comment gérer les nombreuses exceptions et quoi faire avec les entreprises qui ne sont pas admissibles à ces nouveaux programmes. Il faudra peut-être prendre des mesures intérimaires, ce qui ne figure pas dans les suppositions du gouvernement. Certaines entreprises ont encore beaucoup à faire avant d'être en mesure d'échanger des données par voie électronique. Pour être honnête, cela provient de notre chaîne d'approvisionnement internationale. Ça serait bien si nous vivions dans un monde où, lorsque quelque chose est expédié du sud des États-Unis, la documentation serait entièrement transmise par voie électronique, à partir de l'exportateur jusqu'à l'importateur, en passant par le transporteur et le courtier en douanes. Malheureusement nous sommes loin d'être parvenus à ce stade. Comme je le disais, nous appuyons le RSAP en principe. Ce régime est préférable au système de saisie, mais il nous reste encore du travail à faire avec l'agence à cet égard. En ce qui concerne le PAD, sept des entreprises membres de notre association en sont actuellement à la phase 1. Elles la trouvent quelque peu bureaucratique. Elles ont des préoccupations. Nous y travaillons avec l'agence. Nous pensons qu'elle devra faire preuve d'un peu plus de souplesse en ce qui concerne les modalités d'inscription au PAD. Ce qui était au début un processus simple est devenu très frustrant pour les quelques gros importateurs qui en sont à la première phase. Nous avons l'intention de continuer à exprimer haut et fort nos préoccupations et nous nous attendons à ce que les autorités douanières nous écoutent, réagissent et s'adaptent en conséquence. Ce que le monde des affaires canadien attend avant tout d'un plan d'action des douanes est exactitude, simplicité, rentabilité. Nous estimons que, à la longue, nous atteindrons ces objectifs mais, malheureusement, étant donné le manque de financement, cela risque de prendre plus longtemps que l'agence ne le pense. C'est notre autre message. Nous espérons qu'à l'avenir le gouvernement du Canada financera correctement son agence des douanes de manière à ce qu'elle puisse donner le plus haut rendement possible. Le président: Je vous remercie monsieur Armstrong. J'en conclus que vous ne recommandez aucun amendement au projet de loi. M. Armstrong: Non, monsieur le président. M. Tom Mountain, président, Société canadienne des courtiers en douane: Honorables sénateurs, je suis président du conseil d'administration de la Société canadienne des courtiers en douane. Je suis accompagné aujourd'hui de Carol West, notre présidente nationale. Je suis vice-président directeur de PBB Global Logistics, entreprise fondée à Fort Erie, en Ontario, il y a quelques 54 ans et qui aujourd'hui a plus de 70 bureaux au Canada et aux États-Unis. J'ai la chance d'avoir été toute ma carrière au service de PBB. Nous avons beaucoup évolué depuis l'époque des machines à écrire et des documents sur papier. Si jamais j'ai l'impression de perdre de vue les besoins de mes clients ou les nombreux défis qui se présentent à Douanes Canada, je n'ai qu'à regarder par la fenêtre de mon bureau la circulation sur le Peace Bridge qui relie Buffalo à Fort Erie. La Société canadienne des courtiers en douane, fondée en 1921, compte quelque 200 membres dans les petites et les grandes villes du Canada. Collectivement, nous employons plus de 6 000 personnes et, bien que la majorité des emplois soient situés dans les grands centres urbains, nous sommes fréquemment un employeur important dans des villes de moins de 10 000 habitants. Les courtiers en douane sont agréés conformément aux dispositions de la Loi sur les douanes et sont légalement mandatés par les importateurs pour agir en leur nom. Nous vous savons gré de cette occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Votre travail est d'une importance vitale pour nous et nous espérons que nos commentaires vous aideront dans l'étude de cette importante mesure législative. La première chose que vous devriez savoir à notre sujet est qu'il n'y a pas un seul aspect de nos activités qui ne soit pas touché par la Loi sur les douanes et son règlement. Par ailleurs, les activités que nous poursuivons, dans le cadre de mesures législatives telle que celle-ci, ont une incidence sur la viabilité commerciale de nos clients, les importateurs et les exportateurs canadiens. Au fur et à mesure qu'augmentent les échanges à l'échelle mondiale, l'importance des courtiers en douane pour les entreprises canadiennes augmente également. Nous jouons un rôle essentiel en facilitant la circulation des marchandises conformément aux exigences de plus en plus complexes et en évolution rapide de la réglementation du commerce international. Nous nous acquittons de cette tâche pour le compte de la vaste majorité des entreprises canadiennes. Depuis la mise en place du système des douanes pour le secteur commercial, il y a plus de 10 ans, nous nous sommes faits les ardents défenseurs de la modernisation du processus douanier, particulièrement en ce qui concerne le commerce électronique. Nous avons investi des millions de dollars dans la technologie et l'automatisation, investissement qui a profité non seulement à nos clients, mais également à l'ADRC. Tout comme les courtiers en douane fournissent un service spécialisé et rentable aux entreprises canadiennes afin de renforcer leur position concurrentielle sur le marché international, nous estimons que le projet de loi S-23, qui vise à mettre en oeuvre le Régime de sanctions administratives pécuniaires et le Programme d'autocotisation des douanes, renforcera également la capacité des entreprises canadiennes de relever la concurrence sur le marché international. Pour cette raison, nous appuyons cette mesure législative. Nous vous savons gré de cette occasion qui nous a été donnée de formuler des remarques plus précises sur ces initiatives. La mise en oeuvre du PAD constitue un élément clé de la stratégie des Douanes pour l'avenir. Nous comprenons pourquoi elle représente une priorité pour l'ADRC et certains des plus gros importateurs canadiens. En fait nous travaillons actuellement avec nos importateurs afin de gérer leurs besoins dans le cadre du PAD, et d'y répondre, redéfinissant notre relation avec eux au fur et à mesure que nous progressons. Toutefois, si la cible fixée pour le PAD est d'un millier d'importateurs, cela laisse encore plus de 140 000 importateurs, dont la plupart présentent aussi peu de risque que les clients du PAD, même si leurs systèmes administratifs ne sont pas aussi perfectionnés que ceux qu'il faut avoir pour être admissible au PAD. Il faut faire quelque chose pour eux. Malheureusement, la priorité accordée au PAD et à cette mesure législative a eu pour conséquence que beaucoup d'autres dossiers sont au point mort depuis quatre ou cinq ans. Au début, c'était à cause du processus de consultation relatif au Schéma directeur des douanes, puis en raison des priorités en préparation pour l'an 2000 et maintenant à cause du PAD et du RSAP. L'une de nos priorités pendant les consultations sur le Schéma directeur était le secteur du commerce électronique pour lequel nous prônions des améliorations dont l'accès plus large au processus de dédouanement par voie électronique, la mise en oeuvre d'un guichet électronique unique, et le rajustement de l'échange de données informatisées, mesures qui auraient des avantages pour tout le monde. Aucune de ces mesures n'a reçu la priorité qu'elle mérite. Nous osons espérer que, lors de l'évaluation du PAD, qui aura lieu au cours des deux prochaines années afin de sonder les possibilités d'élargir le programme, nous aurons l'occasion d'examiner les processus du PAD pour voir s'il ne serait pas possible d'offrir certains d'entre eux aux PME à titre d'option séparée. Nous espérons également que l'agence obtiendra un financement suffisant pour appuyer d'importantes initiatives en plus du PAD, dont les plus essentielles concernent le commerce électronique. Nous avons toujours appuyé l'élaboration par l'ADRC d'un régime d'observation efficace car nous estimons qu'un tel régime est la seule façon d'assurer l'équité des processus dans le domaine des douanes. L'observation des exigences concernant la production de rapports commerciaux est devenue une chose très complexe et la décision d'un importateur ou d'un exportateur d'investir dans les connaissances, les compétences et la technologie afin d'assurer l'observation est une décision d'affaires fondamentale. Un tel investissement peut revenir très cher, en temps et en ressources. Si les concurrents peuvent passer outre aux règles ou si la non-observation est simplement vue comme une manière rentable de faire des affaires, on se retrouve devant des situations injustes. Nous considérons que l'élaboration et la mise en oeuvre du RSAP constituent la pierre angulaire d'un cadre d'observation efficace. Il reste encore du travail à faire. Nous devons prendre connaissance immédiatement du règlement proposé. Nous avons besoin de mieux comprendre les modifications des systèmes qui serviront à surveiller les infractions et le rendement. Nous devons explorer les options administratives qui permettront d'épargner des difficultés, surtout aux petites entreprises, dont le versement d'un cautionnement de garantie au lieu du paiement pur et simple d'une pénalité lorsque celle-ci fera l'objet d'un appel. Nous devons participer à l'élaboration d'une stratégie de communication qui informera pleinement les gens d'affaires de leurs droits et de leurs obligations dans le cadre du RSAP. Nous devons recevoir des assurances plus fermes que les pouvoirs discrétionnaires, accordés par cette mesure législative aux agents régionaux et locaux, ne donneront pas lieu à un manque d'uniformité dans l'imposition de pénalités ou dans les décisions d'annuler les droits et les obligations. Bien que M. Lefebvre vous ait dit la semaine dernière que les courtiers en douane jouaient le rôle de contrôleurs de l'uniformité des décisions des agents de douane, c'est une responsabilité que nous préférerions ne pas avoir à assumer. Nous aimerions examiner le plan de formation des agents, formation, selon nous, doit être vaste et permanente. Je vous remercie encore, monsieur le président et honorables sénateurs, de cette occasion qui nous a été donnée de commenter ces initiatives. Le président: Je vous sais gré d'avoir soulevé ce point. C'est une remarque que nous entendons trop souvent au sujet des mesures législatives, à savoir que le projet de loi est bien mais qu'on attend de voir le règlement pour savoir exactement comment le système va fonctionner. Le ministre a comparu devant nous la semaine dernière et ses fonctionnaires peu après. On leur a posé beaucoup de questions sur le règlement qui s'en vient. Avez-vous eu l'occasion d'étudier le compte rendu de ces réunions? M. Mountain: Oui. Le président: Vous pensez qu'il reste encore beaucoup de questions sans réponse. Pensez-vous obtenir la réponse à vos questions avant que le règlement ne soit promulgué? M. Mountain: Nous pouvons obtenir la réponse à certaines de nos questions, mais pour la majorité nous devons examiner le projet du règlement. Le président: Vous savez qu'il y aura prépublication avant la promulgation et un processus consultatif auquel vous participerez, je suppose. M. Mountain: Oui nous y participerons. Le président: Est-ce que ce processus répond à vos besoins et à vos attentes? M. Mountain: Oui. Le président: Pensez-vous que vous aurez suffisamment l'occasion de commenter le projet du règlement dans le cadre de ce processus? M. Mountain: Oui. Le président: Il me semble que tous les témoins ont été on ne peut plus clairs. Le sénateur Banks: Est-ce qu'il y en a un parmi vous qui aurait des questions sur le bien-fondé du processus d'examen et de fouilles qui vise les marchandises dont vous vous occupez? M. Armstrong: Je ne suis pas avocat, mais pour ce qui est du système actuel par opposition à ce qui est proposé, les conditions dans lesquelles se feraient les fouilles seraient légèrement différentes de ce que nous connaissons. Le sénateur Banks: Je ne veux pas parler des conditions qui se trouvent dans le projet de loi. M. Armstrong: Nos membres n'ont pas de préoccupation à cet égard. Le sénateur Stratton: Par ailleurs, en ce qui concerne une plus grande ouverture des frontières et une plus grande liberté de mouvement particulièrement pour les marchandises transportées par camion, par train ou autres, est-ce que ce projet de loi vous aide de quelque manière que ce soit? M. Armstrong: Oui. Le sénateur Stratton: Est-ce qu'il a éliminé un nombre considérable de tracasseries administratives pour vous? M. Armstrong: Oui, dans une certaine mesure. Pour la plupart, les mécanismes de recours prévus dans le système actuel fonctionnent très bien tels qu'ils sont. Avec la restructuration de la filière des transporteurs, qui commencera en 2003, il faudra changer le processus. À l'origine, nous avions conçu une initiative en conjonction avec les manufacturiers et les exportateurs canadiens. Nous proposions que le dédouanement se fasse en fonction du profil de l'importateur et que le paiement se fasse le mois suivant en fonction des pièces commerciales. Ce à quoi nous aimerions finalement arriver, c'est que la première étape du traitement des importations se fasse à partir du système administratif de l'entreprise, ce qui n'est pas différent de ce qui se passe maintenant. Nos membres prélèveraient les charges sociales au nom du gouvernement fédéral - par exemple, la TPS - et les lui remettraient à la fin du mois. Ce à quoi vise le système est qu'un jour, l'Agence des douanes et du revenu du Canada puisse fonctionner comme une seule entité. Elle continuerait à procéder à ses inspections à la frontière, mais à partir du système commercial d'une entreprise; nous espérons qu'un jour nous aurons affaire à une seule équipe de vérification placée sous le contrôle de l'agence, qui englobera les douanes, l'impôt sur le revenu des sociétés et la taxe sur les biens et services. Cela constituerait un système beaucoup plus rentable pour nous et pour le gouvernement. À l'heure actuelle, nous pouvons recevoir la visite d'un vérificateur pour la taxe sur les biens et services, d'un autre vérificateur pour l'établissement des prix de cession interne, d'encore un autre vérificateur pour l'impôt sur le revenu et de divers autres vérificateurs des douanes dans le cadre de l'ALENA ou autres. Nous croyons que, lorsque le système sera entièrement opérationnel - ce qui va prendre du temps - nous aurons un système nettement supérieur. Il va y avoir d'énormes défis à relever en cours de route et des bosses à aplanir. Le président: S'il n'y a pas d'autres questions, je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui. Je vous remercie de votre coopération. La séance se poursuit à huis clos.