37-1
37e législature,
1re session
(29 janvier 2001 - 16 septembre 2002)
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Délibérations du Comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 13 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 5 juin 2001 Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, à qui a été renvoyé le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, se réunit aujourd'hui à 9 h 31 pour étudier le projet de loi. Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil. [Traduction] Le président: Chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Le projet de loi porte sur le programme de péréquation du gouvernement fédéral. Il a été adopté à la Chambre des communes le 8 mai, en première lecture au Sénat le 9 mai, étudié en deuxième lecture les 15 et 29 mai, puis renvoyé à notre comité. Jeudi prochain, à 15 h 30, nous espérons accueillir le ministre des Finances, M. Martin, pour discuter du projet de loi. Nous recevons aujourd'hui des hauts fonctionnaires de son ministère, notamment Mme Susan Peterson, sous-ministre adjointe, Direction générale des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale. Elle est accompagnée de M. Frank Vermaeten, chef principal, Politique et opérations des programmes, Division des relations fédérales-provinciales, Direction générale des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale, et de M. Dominique LaSalle, chef, Planification stratégique, Division des relations fédérales-provinciales, Direction générale des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale. Je crois savoir que Mme Peterson souhaite faire une brève déclaration préliminaire, après quoi j'inviterai les sénateurs à poser leurs questions et à faire leurs observations au sujet du projet de loi. Mme Susan Peterson, sous-ministre adjointe, Direction générale des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale, ministère des Finances: Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invitée ici aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-18. Ma déclaration préliminaire sera brève afin que vous ayez le temps de me poser vos questions. Le projet de loi répond à l'engagement qu'a pris le premier ministre lors de la réunion des premiers ministres en septembre dernier, à savoir, éliminer le plafond imposé au Programme de péréquation pour l'exercice 1999-2000. [Français] Les membres du comité se rappelleront les ententes historiques conclues à cette réunion au sujet d'un plan visant à renouveler les soins de santé et à accroître le soutien au développement de la petite enfance. Pour appuyer ces ententes, le gouvernement fédéral investira 23,4 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Il s'agit du nouvel investissement le plus important jamais versé dans les domaines de la santé, des études supérieures et des services sociaux. La majeure partie de ce financement, soit 21,1 milliards de dollars, est fournie aux provinces et aux territoires par l'entremise de transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux faisant partie de l'un des trois grands programmes fédéraux de transfert. Les deux autres programmes regroupent la formule de financement des territoires et la péréquation. Le gouvernement fédéral transfère aujourd'hui quelque 40 milliards de dollars par année aux provinces et aux territoires par l'entremise de ces trois programmes. Le TCSPS appuie les soins de santé, les études postsecondaires, le développement de la petite enfance et d'autres programmes sociaux sous la forme de transferts en espèces et en points d'impôt, tandis que la formule de financement des territoires tient compte des coûts plus élevés des prestations de services publics dans le Nord. [Traduction] La péréquation, qui fait l'objet du projet de loi dont nous discutons aujourd'hui, prévoit des fonds pour permettre aux provinces moins bien nanties de fournir à leurs résidents des services sensiblement comparables à ceux des provinces plus riches, sans avoir à recourir à un taux d'imposition plus élevé que la moyenne. Parmi les transferts fédéraux, la péréquation a ceci d'unique qu'elle a été enchâssée dans la Constitution canadienne en 1982. Elle est également unique en ce sens qu'elle a été l'un des rares programmes qui n'ont pas été touchés quand le gouvernement fédéral a assaini les finances publiques au milieu des années 90. Les paiements de péréquation sont versés sans condition. Les provinces sont libres de dépenser ces fonds comme elles l'entendent. Au cours du dernier exercice, les sept provinces admissibles ont reçu des paiements totalisant 10,8 milliards de dollars. Depuis 1993, le Programme de péréquation a connu un taux de croissance de 33 p. 100, soit 2,7 milliards de dollars. Pendant la même période, les dépenses de programmes, autres que les transferts aux provinces et aux territoires, ont augmenté de 2,6 p. 100. Les plus récentes estimations rendues publiques en février indiquent que les paiements qui seront versés au cours du présent exercice dépasseront d'environ 1,8 milliard de dollars les estimations d'octobre dernier. Cela est attribuable en grande partie à la forte croissance économique observée en Ontario au cours des deux dernières années, et non à un faible rendement économique dans les provinces bénéficiaires dont les économies ont connu chaque année une amélioration. De la somme de 1,8 milliard de dollars, environ 1 milliard est versé maintenant. Le sort de l'autre tranche de 800 millions est fonction de l'adoption de ce projet de loi. [Français] La péréquation est constamment examinée par des fonctionnaires fédéraux et provinciaux qui veillent à ce que la capacité des provinces de produire des recettes soit mesurée aussi précisément que possible. Elle fait l'objet d'un renouvellement législatif tous les cinq ans, le plus récent ayant eu lieu en 1999. Des travaux sont en cours maintenant pour le renouvellement de 2004. Les paiements sont fondés sur une formule qui mesure la performance relative des économies provinciales. Cette formule est appliquée exactement de la même façon aux sept provinces qui reçoivent actuellement des paiements et elle est adaptée automatiquement en fonction de l'évolution de la conjoncture économique dans les provinces. [Traduction] Quand l'économie d'une province connaît un plus grand essor que celle d'autres provinces, les paiements de péréquation qui lui sont versés baissent automatiquement en vertu de la formule, pour tenir compte de la richesse accrue de cette province. En revanche, quand l'économie d'une province connaît un ralentissement par rapport aux autres, les paiements de péréquation qui lui sont versés augmentent automatiquement. De cette façon, le programme stabilise automatiquement les recettes des gouvernements provinciaux. Les provinces ne reçoivent pas toutes le même montant au titre de l'aide accordée par l'intermédiaire de la péréquation. En effet, elles n'ont pas toutes besoin de la même somme pour atteindre la norme commune. Par exemple, la Saskatchewan a besoin cette année de 230 $ par personne pour passer au niveau de la norme, tandis que Terre-Neuve a besoin de 2 000 $ par personne. En vertu du projet de loi C-18, un autre aspect de la péréquation qu'il convient de mentionner est le fait que les paiements sont assujettis à des dispositions tant de «seuil» que de «plafonnement». Le «plafond» protège le gouvernement fédéral contre d'importantes augmentations imprévues des paiements de péréquation. Une telle situation peut ainsi se produire quand l'Ontario connaît une croissance beaucoup plus rapide que presque tout le reste du pays. Le plafond fait en sorte que le programme puisse continuer de prendre de l'expansion d'année en année, mais à un rythme qui demeure viable. Par ailleurs, le «seuil» protège les gouvernements provinciaux contre des diminutions importantes et soudaines des paiements de péréquation qui surviendraient si la formule était appliquée à la lettre. Cette situation se présente par exemple lorsque les recettes provinciales fluctuent considérablement à cause de la volatilité de l'industrie pétrolière et gazière. En 1999, quand le programme a été renouvelé pour cinq ans, le plafond pour 1999-2000 a été fixé par la loi à 10 milliards de dollars. Nonobstant les dispositions prévues dans ce projet de loi, ce montant augmente au même rythme que le produit intérieur brut (PIB) pendant les quatre années qui suivent. D'après les prévisions de croissance du PIB exposées dans la Mise à jour économique du 17 mai 2001, le plafond atteindra 12,5 milliards de dollars lors de la cinquième année. Donc, il continue effectivement d'augmenter. Le projet de loi C-18 élimine le plafond de péréquation pour l'exercice 1999-2000 - et seulement pour cette année-là. Le coût définitif de l'abolition du plafond ne sera pas connu avant l'automne 2002, quand les dernières estimations seront rendues publiques, mais il est actuellement évalué à 792 millions de dollars. Cette somme sera répartie entre les sept provinces bénéficiaires selon le principe de l'attribution égale par habitant - environ 67 $ par habitant. En tout, Terre-Neuve recevra environ 36 millions de dollars, l'Île-du-Prince-Édouard, 10 millions, la Nouvelle-Écosse, 62 millions et le Nouveau-Brunswick, 52 millions. Le Québec recevra approximativement 489 millions de dollars; le Manitoba 76 millions et la Saskatchewan, 469 millions. Mes collègues et moi nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Le président: Merci, madame Peterson. Le sénateur Comeau: Vous avez dit que le programme a été renouvelé pour cinq ans en 1999 et que le plafond pour l'exercice 1999-2000 a été fixé par la loi à 10 milliards de dollars. Lors de révisions précédentes, il n'y avait pas de limite imposée la première année des programmes quinquennaux. Il n'y avait pas de limite quant à la croissance des cinq années suivantes, sauf pour la croissance du PIB lors de chacune des quatre années suivantes. D'après ce que je comprends, sans le plafond fixé par la loi à 10 milliards de dollars pour 1999-2000, les provinces auraient droit à 10,8 milliards de dollars. Ai-je raison de dire que cela vient retrancher environ 4 milliards de dollars des transferts prévus sur la période de cinq ans? Mme Peterson: Auparavant, la somme pour la première année du renouvellement du programme était fonction de la formule prévue au titre de la péréquation que la province recevait. Dans son rapport sur la péréquation, le vérificateur général a dit que cette formule exposait le gouvernement fédéral à de très grandes fluctuations dans ses paiements de péréquation. Par conséquent, lorsque nous avons renouvelé le Programme de péréquation cette fois-ci, après de longues discussions avec les provinces, à la fois pour nous assurer que le gouvernement fédéral ne s'exposait pas à la possibilité d'énormes augmentations dans la péréquation la première année de l'adoption de la loi, et pour donner aux provinces les assurances quant aux sommes qu'elles recevraient la première année, nous avons fixé le montant à 10 milliards de dollars. Ce plafond conférait deux avantages. Premièrement, il donnait suite aux observations du vérificateur général. Deuxièmement, il confère aux provinces un sentiment de stabilité. Elles savent combien elles obtiendront la première année. Auparavant, les estimations étaient révisées les années subséquentes, de sorte que les provinces ne savaient jamais exactement combien d'argent elles recevraient chaque année. Le sénateur Comeau: Ai-je raison de dire que les provinces bénéficiaires recevront 4 milliards de dollars de moins au cours de la période quinquennale? M. Frank Vermaeten, chef principal, Politique et opérations des programmes, Division des relations fédérales-provinciales, Direction générale des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale, ministère des Finances: Il est très difficile de prédire ce qu'il adviendra de la péréquation. Cela dépend de la croissance de chaque province, des mouvements de population, de l'ampleur des diminutions ou des augmentations d'impôt et du prix des ressources naturelles. On sait que la péréquation est difficile à prédire. Cependant, nous savons effectivement, en nous basant sur les projections actuelles, que le plafond sera porté à 12,5 milliards de dollars. Le programme pourra augmenter au rythme de l'augmentation du PIB. Le sénateur Comeau: On blâme les provinces bénéficiaires de ne pas offrir à leur personnel médical et à leurs enseignants les mêmes pourcentages d'augmentation de salaires qui sont accordés en Alberta et en Ontario. Les provinces bénéficiaires courent sérieusement le risque de perdre des infirmières et des enseignants au profit de provinces plus prospères. Si l'on continue de réduire le montant des transferts offerts à ces provinces, le risque augmente. J'ai lu dans la presse l'autre jour que les infirmières de la Nouvelle-Écosse demandent des salaires semblables à ceux qui sont offerts en Ontario et en Alberta. Je ne les blâme pas, parce qu'elles pourraient aller s'installer dans des provinces plus prospères et bénéficier de tels salaires. En adoptant une loi fixant à 10 milliards de dollars le plafond la première année, on réduit les transferts accordés aux provinces bénéficiaires. Dirons-nous aux infirmières que le gouvernement fédéral réduit les transferts aux provinces et qu'elles devront donc attendre le prochain calcul de transferts? Mme Peterson: Il est inexact de dire que le gouvernement fédéral est en voie de réduire les transferts aux provinces. Le plafond s'applique uniquement parce que la péréquation est trop en hausse. Si la péréquation n'augmentait pas plus rapidement que le taux de croissance de l'économie, le plafond ne serait jamais imposé. De fait, il ne l'a été que quatre fois auparavant. C'est seulement dans les cas où les transferts aux provinces augmentent rapidement que le plafond est imposé. Le sénateur Comeau: Vous avez mentionné que l'un des objectifs de ce plafond était de protéger le gouvernement fédéral contre de vastes fluctuations causées par les économies en pleine croissance de certaines provinces. Certains prétendent que les ressources pétrolières et gazières sont ce qui a amené le vérificateur général à proposer l'établissement d'un plafond. Mme Peterson: Il a proposé un plafond fixe. Le sénateur Comeau: Comme l'Alberta ne fait plus partie des calculs, pourquoi imposer un plafond? L'impact du gaz et du pétrole en Alberta n'est plus pris en compte dans le calcul. Donc, pourquoi avoir un plafond? Mme Peterson: Le plafond a été imposé pour s'assurer que le programme croît à un rythme que peut régulièrement soutenir le gouvernement fédéral. En général, les recettes fédérales augmentent au même rythme que celui de la croissance de l'économie dans son ensemble. Voilà pourquoi le plafond permet une croissance qui est conforme à celle de l'économie dans son ensemble. L'Ontario est une grande province qui fait partie de la norme et dont le poids pèse très lourd dans la balance. À l'occasion, la croissance enregistrée en Ontario dépasse celle de l'ensemble de l'économie canadienne. S'il n'y avait pas de plafond, cela ferait grimper les coûts de la péréquation au-delà du taux de croissance des recettes du gouvernement fédéral. À long terme, le gouvernement fédéral ne peut absolument pas continuer de verser les paiements pour des programmes dont la croissance est plus rapide que l'économie et ses propres recettes. C'est la référence. Même si l'Alberta n'est plus incluse dans la norme, si l'économie de l'Ontario croît beaucoup plus vite que celle du reste du pays, cela peut provoquer une progression de la péréquation plus rapide que la capacité du gouvernement fédéral de payer. Le sénateur Comeau: Même s'il n'y a pas de dispositions de récupération comme telles dans le projet de loi, le problème des provinces bénéficiaires qui accroissent leurs recettes afin de devenir prospères a été soulevé dans certains milieux. D'après ce que je comprends, tous les premiers ministres et les ministres des Finances du Canada acceptent de discuter de récupération. Les provinces bénéficiaires les plus favorisées actuellement seraient Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse. Compte tenu que certains ministres sont si empressés d'en discuter, et qu'il y a une telle volonté de la part de tous les premiers ministres de discuter de récupération, et compte tenu que vous faites partie de la Direction générale des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale, pourquoi n'adoptez-vous pas tout simplement cette disposition? Pourquoi ne pas discuter de cette disposition de récupération et envisager que ces provinces deviennent prospères? Mme Peterson: Vous pourriez peut-être poser la question au ministre des Finances lorsqu'il comparaîtra ici jeudi. Je sais que lors de ses récentes visites aux provinces, il a rencontré ses homologues et que la question de la récupération a effectivement été discutée. Cette question est essentielle. Premièrement, certains commentateurs et certains articles de journaux que j'ai lus proposent que Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse ne conservent pas leurs recettes tirées de l'exploitation pétrolière au large des côtes. Bien que la propriété de telles recettes soit discutable, le gouvernement fédéral a convenu que les provinces de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse pourraient percevoir les redevances qu'elles veulent sur ces recettes et que ces recettes leur appartiendront. Ainsi, le gouvernement fédéral ne retire pas lui-même les recettes tirées de l'exploitation pétrolière au large des côtes. Lorsque les recettes d'une province qui reçoit de la péréquation augmentent, pour quelque raison que ce soit, et pour que ce soit équitable pour toutes les provinces, ses paiements de péréquation diminuent. Effectivement, ils diminuent de 100 cents au dollar. C'est pour s'assurer que la péréquation est accordée à toutes les provinces par tête d'habitant et selon exactement la même norme. Si on ne tient pas compte que certaines provinces se débrouillent mieux, ces provinces auront un niveau de vie plus élevé que d'autres. Le sénateur Comeau: C'est là qu'est le noeud gordien du problème en ce qui concerne la récupération. C'est exactement le message que les provinces bénéficiaires essaient de faire passer au gouvernement fédéral. Il n'y a pas de mesure incitative. En fait, c'est le contraire, on n'encourage pas les provinces à exploiter les ressources au large des côtes durant l'étape de transition entre l'état de province bénéficiaire et de province contributrice, si le gouvernement fédéral dit: «Nous allons reprendre, dollar pour dollar, chaque dollar que vous gagnez.» Ces provinces sont dissuadées d'exploiter les ressources au large des côtes comme elles devraient le faire. En réalité, elles veulent être encouragées à se tenir debout et à devenir des provinces contributrices. Elles contribueraient alors selon ce que le gouvernement fédéral jugera équitable. Je sais que le régime était différent dans les années 50 et au début des années 60 au moment où l'Alberta exploitait ses ressources. En fait, le régime à ce moment-là permettait à l'Alberta d'utiliser ses recettes pour réinvestir dans d'autres secteurs. Ainsi, elle est devenue une province contributrice, et on l'en remercie. Il y a des provinces dans la région de l'Atlantique qui ont le potentiel pour devenir des provinces contributrices. On les empêche peut-être de le faire. Mme Peterson: C'est pour des motifs comme ceux que vous venez de si bien préciser que lorsque la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve prévoyaient l'exploitation des ressources au large des côtes, deux accords spéciaux ont été conclus, un pour chaque province. Ces accords portaient exactement sur cette question. Et durant une période de transition, on a calculé les recettes tirées de l'exploitation des ressources au large des côtes de façon progressive justement pour la raison dont vous avez parlé. De même, le gouvernement fédéral, dans le cadre de ces accords, a versé à ces deux provinces des crédits spéciaux au titre du développement économique. Des accords de transition ont été conclus. Par la suite, le gouvernement fédéral a mis en place le mécanisme bizarrement qualifié de «solution générique». Il s'agit du traitement spécial, si vous voulez, dont la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve profitent aujourd'hui en ce qui concerne l'exploitation de leurs ressources au large des côtes. Plutôt que ces recettes accrues dans les coffres provinciaux privent ces provinces de leur part de la péréquation dollar pour dollar, la solution générique prévoit que la diminution sera seulement de 70 cents au dollar. Je dis «seulement 70 cents au dollar». Il y en a qui souhaiteraient que ce soit bien plus. Parlez-en aux provinces qui reçoivent de la péréquation et demandez-leur ce qu'elles pensent d'une province qui, disposant de recettes tirées de l'exploitation des ressources au large des côtes, ne voit sa péréquation diminuer que de 70 cents au dollar alors qu'elles-mêmes, bénéficiant d'autres influx économiques, sont pénalisées de 100 cents au dollar. Vous verriez l'image d'un angle différent. En fait, je suis certaine que vous pourrez constater comment d'autres provinces envisagent la question de la récupération. Le sénateur Comeau: Nous en aurons l'occasion. Certains députés libéraux provinciaux ont prétendu que le problème de la Nouvelle-Écosse n'est pas un problème de péréquation. À leur avis, le problème est la dette que la province a accumulée au cours des dernières années. Est-ce que votre direction du ministère des Finances est d'accord? Le gouvernement du Canada estime-t-il que le problème de la Nouvelle-Écosse est un problème de dette plutôt que ce qui pourrait être considéré comme un problème de péréquation? Mme Peterson: Le coût du service de la dette de la Nouvelle-Écosse est élevé. Cependant, le programme de péréquation aide chaque province à équilibrer son niveau de vie. Les provinces ont alors le choix de la façon de dépenser, du montant qu'elles dépensent et de l'amortissement de leur dette. Je n'ai vraiment rien à dire là-dessus. Le sénateur Bolduc: Le TCSPS et les programmes de péréquation s'élèvent à environ 34 milliards de dollars. Je crois que le total des transferts accordés aux provinces et territoires est de l'ordre de 40 milliards de dollars. Les 7 autres milliards consistent en subventions du gouvernement fédéral pour l'agriculture ou d'autres types de subventions. Mme Peterson: Lorsque nous donnons des chiffres sur les transferts aux provinces, nous incluons toujours la valeur des points d'impôt au titre du TCSPS. Dans les chiffres que vous venez de citer, il n'en est pas question. Lorsque je parle de transferts majeurs, il ne s'agit que du TCSPS, de la péréquation et du financement territorial, pas de l'agriculture ou d'autres choses. Le sénateur Bolduc: C'est ce que je voulais dire. Le total que vous citez se situe aux environs de 33 milliards de dollars. Je crois que le gouvernement fédéral donne environ 40 milliards de dollars aux gouvernements provinciaux. À quelles fins les 7 milliards qui restent sont-ils utilisés? Mme Peterson: Le total des transferts en espèces des trois types dont j'ai parlé est d'environ 30,4 milliards de dollars cette année. Le sénateur Bolduc: Une autre tranche de 7 milliards est transférée. Mme Peterson: Il y a une autre tranche de 1,8 milliard de dollars pour les petits transferts, mais cela n'atteint pas 40 milliards de dollars. C'est 44 milliards de dollars avec points d'impôt. Je n'arrive pas au chiffre de 40. Le sénateur Bolduc: Vous en avez parlé dans votre déclaration. Vous avez dit que le gouvernement fédéral transfère environ 40 milliards de dollars par année aux provinces et territoires. Mme Peterson: Incluant les points d'impôt. Le sénateur Bolduc: Pourquoi est-ce que la norme de base pour la comparaison dans le calcul des paiements de transfert n'inclut que cinq provinces? Pourquoi ne pas prendre les dix? Mme Peterson: Il y avait auparavant une norme de péréquation incluant les dix provinces. Mais en raison de la fluctuation des recettes en Alberta, la norme subissait de grands écarts. Les provinces veulent avoir une certaine stabilité dans leurs transferts. C'était parfait quand les recettes de l'Alberta augmentaient et que la péréquation suivait, mais le contraire était décevant. L'absence de stabilité que procurait cette norme incluant les dix provinces constituait un problème avec la présence de l'Alberta. L'autre problème, c'est qu'à la fin des années 70, parce que l'Alberta était incluse dans la norme et que les prix du pétrole étaient extrêmement élevés, l'Ontario était sur le point de devenir une province bénéficiaire de la péréquation. Elle ne le voulait pas. Sur le plan de l'économie canadienne, cela n'avait pas de sens. La façon de contourner l'extrême fluctuation des recettes en Alberta était de retirer l'Alberta de la norme. Ensuite, les autres provinces voulurent établir un équilibre et retirer de la norme certaines des provinces à revenus faibles. Les quatre provinces de l'Atlantique ont alors été retirées de la norme et on s'est retrouvés avec les cinq provinces du centre. C'est un équilibre qui s'est soldé par le fait que cinq provinces ont été retirées de la norme. Le sénateur Bolduc: C'est une bonne rationalisation. Pourquoi est-ce que la contribution au titre de l'impôt foncier est prise en compte dans l'établissement de la richesse relative? Parmi les 25 ou 30 types divers de recettes, vous incluez l'impôt foncier. Vous ne l'incluez pas au taux du marché, cependant. Mme Peterson: Trente-trois matières imposables différentes sont prises en compte dans le programme de péréquation pour nous assurer que nous mesurons la capacité relative des provinces à générer des recettes le plus équitablement possible. Cela doit être le plus exhaustif possible. Le sénateur Bolduc: C'est un impôt municipal. Mme Peterson: Nous incluons les taxes municipales dans la péréquation, tout comme les taxes provinciales. Les provinces pourraient décider s'il appartient aux municipalités ou à elles-mêmes de percevoir l'impôt foncier. Nous ne faisons aucune distinction. Là encore, au nom de l'exhaustivité et de l'équité, les impôts fonciers peuvent être perçus par l'un ou l'autre des paliers de gouvernement et utilisés à diverses fins. Pour être équitables, il faut en tenir compte. C'est au nom de l'exhaustivité et de l'équité que les impôts fonciers sont pris en compte. Le président: Nous avons entendu des sénateurs de la Nouvelle-Écosse et du Québec. Pour donner la chance à une autre province bénéficiaire, je vous présente le sénateur Doody qui était autrefois trésorier de Terre-Neuve. Le sénateur Doody: J'aimerais poser une question supplémentaire à celle du sénateur Comeau concernant la récupération. La discussion a porté sur les recettes provenant de l'exploitation des ressources au large des côtes. Certains diront que le gouvernement fédéral a été trop généreux en permettant aux provinces de prendre quoi que ce soit à cause de la décision de la Cour suprême, pour laquelle je n'ai aucune sympathie. Je pense que les ressources côtières, qui ont le même effet négatif sur les recettes d'une province, sont un problème plus important. À mon avis, le projet de Voisey's Bay serait probablement en cours si Terre-Neuve avait été suffisamment encouragée à conclure une entente avec les propriétaires. La perte de péréquation pourrait être de plus de 80 p. 100 des recettes qu'elle espère tirer de cette ressource. Ça ne vaut pratiquement pas la peine de se lancer dans un casse-tête politique qui consisterait à transmettre une ressource non raffinée à une société étrangère pour une pitance relative en faveur du Trésor. Ce n'est pas que le gouvernement fédéral retirerait les recettes du projet de Voisey's Bay, mais la diminution de la péréquation serait dramatique. Je pense que l'on pourrait plaider, au sens juridique, que les ressources au large des côtes sont du ressort fédéral, mais non pas les ressources côtières. Je suppose qu'il sera préférable d'aborder cette question lorsque le ministre sera là parce que c'est un enjeu qui est plus politique qu'administratif. Si le témoin ne souhaite pas faire de commentaires, je comprendrai, et on s'arrêtera là. Il me semble me souvenir qu'il y avait beaucoup moins de composantes dans les premières versions de la formule de péréquation. Je crois me rappeler qu'il y avait 14 composantes à un moment donné. Je crois qu'il y en a plus de 30 maintenant. Je ne m'attends pas à ce que vous les ayez toutes devant les yeux actuellement, mais j'aimerais voir quelles composantes ont été ajoutées à la formule. Il me semble qu'on a pratiquement tout mis là-dedans maintenant. Je n'arrive pas à penser aux 33 postes de recettes différentes que la province de Terre-Neuve perçoit. Mme Peterson: M. Vermaeten prépare une liste à votre intention. Il y a de nouvelles sources de recettes, comme les paris et les loteries-vidéo. Le sénateur Doody: Je crois que la formule a été basée non pas sur les recettes qui reviennent à une province, mais sur la capacité de la province de percevoir des recettes. La formule a été utilisée pour déterminer si la Nouvelle-Écosse ou Terre-Neuve, ou quiconque impose une taxe, tirait suffisamment de recettes d'une ressource donnée ou si elle avait été trop généreuse envers les citoyens. Mme Peterson: Vous avez raison. Le sénateur Doody: Pourriez-vous expliquer certains des éléments de base de cette formule ésotérique que l'on appelle la péréquation? Mme Peterson: Je vais expliquer le principe qui sous-tend le point que vous avez soulevé. Le programme de péréquation est conçu pour amener une province à un certain niveau en fonction des recettes qu'elle peut générer si elle applique un taux d'imposition moyen. Le sénateur Doody: Ce n'est pas une norme égale. C'est une norme raisonnablement comparable. Mme Peterson: Non, c'est une norme égale qui permet que des services de qualité raisonnablement comparable soient offerts dans tout le pays. C'est une norme absolument égale établie en fonction de chaque habitant. On ne tient pas uniquement compte de ce qu'une province perçoit en taxes ou de combien elle perçoit, parce que le programme de péréquation pénaliserait alors les provinces qui perçoivent des impôts élevés et récompenserait celles qui en perçoivent peu, et cela ne serait pas équitable. Si une province bénéficiaire de la péréquation exigeait des taux d'impôt personnel inférieurs à la moyenne, on ne voudrait pas que le programme de péréquation vienne compenser le reste. Cela ne serait pas juste. Le sénateur Bolduc: Vous supposez un taux d'imposition raisonnable de la part des provinces. Mme Peterson: Une moyenne. Le sénateur Doody: Est-ce que le ministère fédéral des Finances décide de ce qui est raisonnable? Mme Peterson: Non. Le sénateur Doody: Qui prend cette décision? Qu'advient-il si une province veut utiliser un allégement fiscal comme mesure incitative? Mme Peterson: C'est là que s'opère la magie du programme de péréquation. On ne pose aucun jugement de valeur comme ceux-là. Nous calculons ce que les provinces imposent effectivement et nous établissons une moyenne. C'est un fait objectif, vérifiable, que nous utilisons. On ne porte pas de jugements. Le sénateur Doody: La moyenne des cinq provinces? Mme Peterson: Non, de toutes les provinces. Le sénateur Doody: De toutes les dix provinces? Mme Peterson: Oui. La norme, c'est ce qui se passe dans le pays. Il n'y a pas de jugement là-dedans. Si une province bénéficiaire de la péréquation veut appliquer des taux d'imposition plus élevés que la moyenne, elle recevra quand même de la péréquation comme si elle avait imposé des taux moyens. Elle obtiendra de la péréquation, et un peu grâce à son taux d'imposition plus élevé; le contraire s'applique également. Le sénateur Doody: Si vous utilisez la moyenne à des fins de péréquation, en quoi le généreux régime fiscal de l'Alberta a-t-il des répercussions sur le régime beaucoup plus draconien d'une province comme Terre-Neuve? Mme Peterson: Tout cela entre dans le calcul de la moyenne, c'est ainsi que ça se passe. Le sénateur Doody: Il n'y a pas de taxe de vente provinciale en Alberta. Est-ce exact? Mme Peterson: C'est exact. Le sénateur Banks: Il n'y en a jamais eu et il n'y en aura jamais. Le sénateur Doody: Ça va peut-être apparaître dans le Livre rouge à un moment donné. On saura alors que les choses ont changé. Mme Peterson: Voulez-vous savoir ce que sont les 33 matières imposables? Le sénateur Doody: Vous n'avez pas besoin de les lire à haute voix. Mme Peterson: C'est ce que les provinces choisissent de taxer. Nous ne mesurons que cela. Le sénateur Doody: Ce n'est pas vraiment leur capacité, mais leur taux d'imposition effectif. M. Vermaeten: C'est leur capacité, basée sur ce qu'elles font en réalité. Par exemple, actuellement, ni la taxe sur les successions ni la taxe sur la richesse ne font partie des matières imposables parce que les provinces n'imposent pas cela. Si elles décidaient de le faire, à ce moment-là, cela deviendrait une matière additionnelle que nous devons ajouter. C'est fondé sur ce que les provinces imposent en réalité. Il y a différentes façons d'établir des catégories, mais on arrive à 33 taxes. Les taxes les plus importantes comme l'impôt sur le revenu personnel, l'impôt sur les sociétés, la taxe de vente et l'impôt foncier constituent une grande partie de ces éléments. Et il y a d'autres matières à taxation propres à certaines provinces et pas à d'autres. Par exemple, il existe maintenant 11 matières imposables pétrolières et gazières. Chacune tient compte des différents types de taxes parce que les provinces perçoivent des redevances différentes sur le pétrole usé, le pétrole neuf, le pétrole lourd, le pétrole exploité, le gaz naturel, et ainsi de suite. Il y a deux bases pour les ressources au large des côtes, quatre types différents de bases minières pour l'amiante, la potasse, les métaux et le charbon. Il y a 17 bases pour les ressources naturelles. De nouvelles bases incluent les paris et les billets de loterie. Pratiquement tout est inclus, y compris les primes d'assurance, les taxes sur le tabac, sur le diesel, sur l'essence et l'immatriculation des véhicules. On en arrive rapidement à 33, et cela va changer avec le temps au fur et à mesure que les provinces adopteront des pratiques fiscales différentes. Le sénateur Bolduc: Comment calculez-vous le poids relatif de chacune? M. Vermaeten: Par les recettes. Les paiements de base au titre de la péréquation refléteront les grandes matières imposables, comme l'impôt sur le revenu personnel, la taxe de vente et la taxe foncière, qui composent certainement les deux tiers des éléments. Le sénateur Bolduc: Le poids relatif est différent pour chaque province. Par exemple, je suppose que la Saskatchewan n'a pas le même poids relatif que les diverses taxes de l'Ontario. M. Vermaeten: C'est exact. Nous mesurons la capacité de chacune indépendamment. Par exemple, en ce qui concerne le pétrole et le gaz, nous estimons que les provinces peuvent percevoir 100 $, qui est la moyenne nationale par habitant, et ensuite nous examinons chaque province. De toute évidence, une province comme la Saskatchewan peut percevoir beaucoup plus de 100 $ - peu importe le chiffre, 1 500 $ par habitant - donc on en tient compte, alors qu'une province comme l'Île-du-Prince-Édouard n'a pas de recettes pétrolières et gazières, et sa capacité sera évaluée à zéro. Le sénateur Doody: Mais toutes les provinces n'ont pas les 33 matières imposables, cependant? M. Vermaeten: Nous mesurons la capacité de toutes les matières imposables, mais pour nombre d'entre elles, c'est zéro. Il n'y a pas d'amiante dans toutes les provinces. La même chose pour la taxe de vente. Nous mesurons toujours leur capacité. Lorsque nous mesurons la capacité d'imposer une taxe de vente en Alberta, nous déterminons combien elle pourrait percevoir si elle exigeait le taux d'imposition moyen à l'échelle nationale. Cela est toujours fondé sur les pratiques fiscales moyennes. Nous mesurons chaque matière imposable. Le sénateur Doody: Dans ce cas-là, vous portez un jugement de valeur. Pour les fins de votre calcul, vous décidez combien l'Alberta pourrait percevoir si elle imposait une taxe de vente. M. Vermaeten: On utilise une formule. Ce ne sont pas les fonctionnaires qui portent des jugements de valeur. Nous discutons de la façon de mesurer cette capacité avec les provinces. Statistique Canada fournit les données sur les ventes et il s'agit simplement de prendre ces chiffres et de calculer, disons, 7 p. 100, ce qui pourrait donner un certain montant. Le sénateur Doody: Vous pouvez bien dire ce que vous voulez, mais il n'en demeure pas moins que vous imaginez quand même que l'Alberta pourrait percevoir un certain montant en taxe de vente si elle appliquait une telle taxe. M. Vermaeten: Nous utilisons le terme «simuler» plutôt que «imaginer». Nous simulons un taux national moyen de taxe déterminé, c'est-à-dire la moyenne simple de toutes les provinces. Si le taux moyen national de taxe est de 7 p. 100, nous calculons ce que l'Alberta pourrait percevoir, ou la Saskatchewan, peu importe leur taux réel. Il en va de même pour toutes les provinces. Nous prenons un taux uniforme et nous évaluons, si l'impôt était perçu à un certain montant, combien elle pourrait percevoir. Nous nous basons sur les données de Statistique Canada. Le sénateur Bolduc: On dit que l'économie souterraine constitue 15 p. 100 de l'économie canadienne. Croyez-vous que cela existe dans toutes les provinces? En tenez-vous compte? Nous savons que cela existe. Que faites-vous à ce sujet-là? M. Vermaeten: Nous ne travaillons qu'avec les données fournies par Statistique Canada. Mme Peterson: Je reçois des délégations de divers pays qui veulent connaître le fonctionnement du programme de péréquation. Un programme de péréquation ne peut exister sans l'appui de statistiques rigoureuses auxquelles adhèrent toutes les parties. Ce n'est ni la fantaisie ni l'imagination qui alimente les données de la péréquation. Et Statistique Canada est respectée non seulement par toutes les provinces, mais dans le monde entier. Elle produit les données sur lesquelles les calculs sont basés. Nous calculons les moyennes grâce à ses données, nous connaissons les ventes grâce à ses données. Statistique Canada nous permet d'exploiter un programme sophistiqué comme le programme de péréquation au Canada. Il est très complexe et détaillé, et tous ces efforts ont pour but d'être équitables et objectifs. Le sénateur Stratton: Combien de gens comprennent la péréquation au Canada? Est-ce qu'il y en a d'autres que vous trois qui comprenez cela? Je blague, bien sûr. Mme Peterson: Je pense que beaucoup de gens en comprennent le principe. C'est un programme très respecté. Mais lorsqu'on arrive aux 33 matières imposables et à leur intrication, il y a à cette extrémité de la table deux personnes qui comprennent, pas trois. Nous travaillons en toute transparence. Le programme approche les 11 milliards de dollars, et les provinces sont impliquées à toutes les étapes, les yeux littéralement rivés sur le programme parce que la péréquation est essentielle pour elles sur le plan financier. Nous travaillons vraiment en transparence. Les provinces ont leurs experts, nous avons les nôtres. Le sénateur Stratton: Il y a beaucoup d'experts qui font des prévisions quant aux économies de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve. Avez-vous comme politique de faire des prévisions pour évaluer les divers scénarios? Tenez-vous compte des variations? Mme Peterson: C'est surtout le secteur privé qui utilise la boule de cristal. Deux fois par année, nous évaluons le contenu de la péréquation. Les prévisions budgétaires sont présentées deux fois par année, et ça change tout le temps. Le sénateur Stratton: Quelle est l'étendue de vos prévisions? Une année sur l'autre? Cinq ans, deux ans? M. Vermaeten: Le règlement stipule les modalités de nos prévisions officielles. Les prévisions officielles se font habituellement à la fin du renouvellement de la loi quinquennale. Dans ce cas-ci, ce serait à la fin de 2003-2004. Cela se fait selon une méthodologie précise mise au point avec les provinces. Cela n'inclut pas nécessairement toute l'information et ça n'autorise pas non plus à faire des simulations. Nous faisons des scénarios et nous essayons de prévoir ce qui pourrait arriver. On sait que la péréquation est difficile à évaluer, malgré nos efforts conjugués avec les provinces. Ça fait longtemps que nous travaillons là-dessus avec les provinces. Tellement de facteurs changent. Si je pouvais prévoir le prix du pétrole, je ne serais pas ici, et ce n'est qu'un des facteurs en jeu. Le sénateur Stratton: Justement, souhaitons que l'une des initiatives stratégiques du gouvernement fédéral ou d'un autre gouvernement soit de prendre les mesures pour que chaque province devienne autonome d'une façon ou d'une autre. On voit que ça s'en vient en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve, surtout avec le pétrole. Est-ce véritablement ce qui se produit ou si ce sont simplement des rumeurs? On a l'impression que c'est vrai. Il nous reste à espérer que les gouvernements unissent leurs efforts pour que la péréquation soit un jour un reliquat du passé, ou qu'elle décroisse progressivement dans chaque province. Mme Peterson: Si vous jetez un regard sur les 20 dernières années, vous constaterez qu'il y a moins de disparités entre les provinces. Moins, mais il y en a encore. M. Vermaeten: Les disparités ont été réduites. Comme nous avons une norme mobile, elle n'est pas absolue. Nous prévoyons qu'un certain nombre de provinces, cinq, sept ou huit, recevront toujours de la péréquation parce que les efforts tendent à ce que les provinces puissent offrir des services comparables. Nous voulons que les provinces se tirent bien d'affaire, et nous ne percevons pas la péréquation comme un obstacle au développement. Nous ne prétendons pas viser une date où la péréquation prendra fin. Dans nos pourparlers avec les provinces, ces dernières sont très favorables à la péréquation. Ça facilite leur développement économique. Les provinces ont la capacité d'offrir de bons systèmes d'éducation, de formation et de soins de santé, ce qui accentue le rythme de leur croissance. Le sénateur Stratton: La seule raison de mon intervention, c'est que si vous essayez d'élever la norme de certaines provinces et qu'elles passent du pire au mieux, à ce moment-là les contribuables qui les supportent apprécieront que leur fardeau diminue. L'atteinte de cet objectif soulagerait tout le monde. Le président: Mme Peterson a souligné la grande valeur que revêt le programme de péréquation pour les provinces. Dans une vie antérieure, j'ai été conseiller, fonctionnaire, très politisé de surcroît, dans un gouvernement provincial, au Nouveau-Brunswick. À l'occasion, j'accompagnais le ministre des Finances et les fonctionnaires à New York, ou ailleurs où nous allions lancer une émission d'obligations. Nous avons participé consciencieusement à des réunions avec les maisons obligataires et les futurs acheteurs institutionnels de nos obligations. Le sénateur Doody a aussi beaucoup d'expérience en tant qu'ancien trésorier provincial. L'une des questions que nous posaient souvent les acheteurs éventuels concernait le programme fédéral de péréquation. Ils y attachaient une certaine importance parce qu'il leur permettait de juger de notre solvabilité. Ils nous interrogeaient sur ce programme fédéral et sur sa pérennité, faisant remarquer que c'était simplement une mesure législative fédérale. Je crois que la modification constitutionnelle de 1982 a été bénéfique aux provinces. Elles peuvent maintenant rassurer les acheteurs potentiels de leurs obligations parce que le gouvernement fédéral a enchâssé la péréquation plus fermement que dans une simple loi. Madame Peterson, je voulais vous interroger sur le plancher. Quelle est la formule? Nous savons comment le plafond fonctionne, mais pas le plancher. Mme Peterson: Le plancher protège les provinces dont les recettes pourraient augmenter soudainement d'une année à l'autre, habituellement contre une source de recettes volatile comme les ressources naturelles. Si cela se produit, et que la péréquation retranche dollar pour dollar, le plancher permet une certaine transition. Si d'une année à l'autre, une province bénéficie d'une prospérité temporaire et risque d'être pénalisée par une forte chute de la péréquation, le plancher amortirait alors la chute à un niveau acceptable. C'est simplement une mesure de transition pour une année. Le président: Lorsque vous avez comparu devant le comité de la Chambre des communes, j'ai noté qu'on vous a demandé si la Colombie-Britannique ne serait pas sur le point de devenir une province bénéficiaire de la péréquation. Je ne veux pas me faire le rabat-joie pour le premier ministre désigné M. Campbell, il est assermenté cet après-midi, mais pourriez-vous faire des commentaires là-dessus? Mme Peterson: La Colombie-Britannique se dirige vers le statut de province bénéficiaire, à 300 millions de dollars près. Nous allons attendre et voir ce qui se passera. Le président: Quelle est l'importance de ces 300 millions de dollars, madame Peterson? M. Vermaeten: Si on regarde la capacité de cette province de percevoir des recettes, elle est à un niveau qui se situe à 300 millions de dollars au-dessus de la norme des cinq provinces, à 300 millions de dollars de la limite où elle recevrait de la péréquation. Si ces recettes devaient diminuer de façon significative par rapport aux autres provinces, la Colombie-Britannique aurait droit à la péréquation. Le président: Simple curiosité, madame Peterson, connaissez-vous d'autres fédérations qui ont des programmes semblables à notre programme de péréquation? Mme Peterson: Pour des raisons historiques et constitutionnelles, il y a des variations entre les pays. Rien n'est exactement semblable à la péréquation. Cependant, chaque pays a ses propres façons de s'assurer que les régions moins bien nanties obtiennent une certaine forme d'aide qui est redistribuée par le gouvernement central. M. Vermaeten: L'Australie est probablement le pays le plus souvent examiné, en ce sens qu'il offre une mesure assez exhaustive et équitable de la capacité. Son système est semblable au nôtre à cet égard. L'Allemagne a un système très complet de péréquation en vertu duquel elle partage les recettes qui sont perçues. On trouve ailleurs d'autres formes de péréquation. Les États-Unis ont leurs méthodes pour distribuer les subventions. Ce n'est pas un système formel de péréquation, mais ils tiennent compte des programmes, de la mesure de la capacité, et distribuent leurs subventions en fonction de cela. Ce n'est certainement pas un système aussi exhaustif que le nôtre. [Français] Le sénateur Ferretti Barth: Quelles sont les principales raisons qui motivent le gouvernement dans sa décision d'éliminer le plafond de la péréquation? Une fois l'élimination du plafond réalisée, les provinces auront-elles une bonne marge de man9uvre quant à l'utilisation de ces fonds provenant du gouvernement fédéral? [Traduction] Mme Peterson: Il n'y a absolument aucune condition rattachée aux paiements de péréquation versés aux provinces. Selon la Constitution, la péréquation a pour objet de permettre certainement aux provinces d'offrir des services publics de qualité raisonnablement comparable. Mais le Canada est une fédération très adulte, une fédération très décentralisée, et les provinces utilisent l'argent selon leurs propres priorités, leurs propres jugements. Le plafond a été supprimé pour 1999-2000 parce que le premier ministre en a décidé ainsi lors de la réunion des premiers ministres où beaucoup d'autres questions ont été discutées. Des décisions d'accroître les transferts aux provinces par le biais du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux ont été prises à cette réunion. La décision concernant la péréquation consistait à supprimer le plafond pour un an. Le sénateur Comeau: Vous avez fait référence à l'exigence constitutionnelle, à savoir qu'on doit offrir des niveaux raisonnablement comparables de services publics à des niveaux raisonnablement comparables d'imposition. Est-ce que le gouvernement vous a donné une définition de ce concept afin que vous puissiez traduire concrètement ce qui est raisonnable? Mme Peterson: Pour votre information, la norme des cinq provinces est la définition de «raisonnable». Autrement dit, l'objectif du programme de péréquation tel que conçu est de faire en sorte que chaque province ait la possibilité d'offrir des services de qualité raisonnablement comparable et les recettes nécessaires. Comme je viens de le préciser, le gouvernement fédéral ne vérifie pas la redistribution des fonds, mais il s'assure que les provinces ont la possibilité d'offrir des services de qualité raisonnablement comparable. Quant à la définition de «capacité financière raisonnablement comparable», c'est encore la norme des cinq provinces. Le sénateur Comeau: J'ai passé près d'un hôpital où je demeure dans l'ouest de la Nouvelle-Écosse il y a quelques semaines et j'ai vu une affiche en face de ce qui est maintenant davantage un centre de santé à cause des compressions du TCSPS des dernières années. Cette affiche disait: «Médecins de garde en fin de semaine». Ce centre de santé prend soin d'un grand nombre de personnes qui viennent de diverses régions. Je me suis demandé combien de personnes dans le Centre du Canada ou dans d'autres régions apprécieraient que leur hôpital affiche: «Médecins de garde en fin de semaine». Cela m'a consterné de voir où nous menaient les compressions dans les provinces bénéficiaires. D'après ce que je comprends, ces provinces prévoient une croissance négative au cours des cinq prochaines années. Autrement dit, la population est vieillissante et dépend d'hôpitaux qui peuvent ou non avoir des médecins de garde le week-end. Entre-temps, nous envoyons nos gens les plus instruits, les plus brillants dans les provinces plus prospères parce que nous ne pouvons nous permettre de les garder chez nous. Je suppose que ma question s'adresserait davantage au ministre, mais est-ce que vous pourriez y répondre? Mme Peterson: Dès que les finances du Canada ont été redressées, le gouvernement fédéral a accru les transferts aux provinces dans le cadre du TCSPS. En fait, dans le budget 1999-2000, et à la suite de l'entente conclue à la réunion des premiers ministres en septembre dernier, des ressources additionnelles de 35 milliards de dollars sur cinq ans ont été transférées aux provinces dans le cadre du TCSPS. De même, durant la période de restrictions, j'ai bien dit que la péréquation n'avait jamais été touchée. Elle a continué d'augmenter. Le gouvernement fédéral accorde une grande priorité à l'augmentation des transferts aux provinces, et s'est exécuté. C'est en vertu de la maturité de notre fédération que le gouvernement fédéral ne dicte pas aux provinces la façon de dépenser cet argent. Le sénateur Comeau: Est-ce que ces 35 milliards de dollars que le gouvernement fédéral a insufflés dans le TCSPS ont permis de ramener le programme aux niveaux de 1992-1993? Mme Peterson: Oui. Les provinces ne sont pas d'accord et disent que ces niveaux seront atteints l'an prochain seulement parce qu'elles ne tiennent pas compte de la valeur des points d'impôt. Le sénateur Comeau: Au cours de l'exercice 2002-2003, reviendrons-nous aux niveaux où nous étions en 1992-1993? Mme Peterson: En ce qui ne concerne que la partie encaisse, en 2002-2003 les niveaux de transferts augmenteront et vont légèrement dépasser les niveaux où ils étaient avant. Si on ajoute l'augmentation de la valeur des points d'impôt, les niveaux ont déjà dépassé les niveaux précédents. Le sénateur Comeau: Pendant une période de 10 ans, les provinces ont dû absorber un manque à gagner ou une croissance dans les coûts pour assurer la prestation de programmes durant la période de restrictions fédérales, n'est-ce pas? Mme Peterson: C'est exact, sauf pour la péréquation qui a continué d'augmenter durant cette période. Le président: Ce sont là des questions que nous aborderons avec le ministre jeudi après-midi. La sénatrice Cools: Je pensais à l'énormité de ces programmes et de ces normes. Le calcul de la formule doit nécessiter un bon nombre d'équations. D'après ce que je comprends, vous employez des modèles de simulation pour en arriver à ces chiffres. Dans votre déclaration, vous donnez l'exemple de la Saskatchewan où les paiements de péréquation sont à peu près de 230 $ par personne et d'environ 2 000 $ par personne à Terre-Neuve. Ma question n'est peut-être pas pertinente, mais si on compare le chiffre de la Saskatchewan de 230 $ et celui de Terre-Neuve qui est de 2 000 $, je suis curieuse de connaître le fardeau fiscal des particuliers dans ces deux provinces. Quel est le taux de taxation moyen pour les particuliers à Terre-Neuve et en Saskatchewan si on utilise votre formule pour calculer toutes les taxes? Mme Peterson: La norme de péréquation en fonction de chaque habitant stipule que chaque province doit avoir des recettes égales à environ 6 000 $ par personne. Le chiffre de 230 $ par personne que le gouvernement de la Saskatchewan reçoit équivaut à 6 000 $ et les 2 000 $ que touche le gouvernement de Terre-Neuve arrive au même. Il y a un écart plus grand à combler à Terre-Neuve. Terre-Neuve ne peut pas percevoir autant de recettes par habitant que la Saskatchewan. Nous examinons la taille du manque à gagner, et à Terre-Neuve, c'est plus élevé. Ça prend donc 2 000 $ pour le combler. En Saskatchewan, c'est moindre, donc ça prend seulement 230 $ par habitant pour y arriver. C'est ce qui explique les 2 000 $ et les 230 $. Le président: Permettez-moi de remercier notre témoin d'être venue ce matin. Comme toujours, nous avons eu un échange stimulant et informatif qui soutiendra notre discussion avec le ministre jeudi. Vous l'accompagnerez peut-être à ce moment-là. De toute façon, merci beaucoup d'être venue témoigner aujourd'hui. Chers collègues, demain à 17 h 45, notre témoin sera le secrétaire d'État aux Finances, M. Peterson, qui comparaîtra au sujet du projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi d'exécution du budget de 1997 et la Loi sur la gestion des finances publiques. Jeudi à 15 h 30, avec la permission du Sénat, nous entendrons l'honorable Paul Martin qui comparaîtra au sujet du projet de loi C-18. La séance est levée.