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NFFN - Comité permanent

Finances nationales


Délibérations du Comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 18 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 19 septembre 2001

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 17 h 47 pour examiner le rôle du gouvernement dans le financement des coûts d'entretien différé dans les établissements d'enseignement postsecondaire au Canada.

Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, c'est la deuxième fois que nous nous réunissons à la suite de l'ordre de renvoi qui nous a été envoyé par le Sénat nous invitant à étudier le rôle du gouvernement dans le financement des coûts d'entretien différé dans les établissements d'enseignement postsecondaire au Canada.

Permettez-moi tout d'abord de souhaiter la bienvenue au sénateur Wiebe, qui s'est joint à nous ce soir en remplacement du sénateur Banks.

Notre premier témoin est M. Cliff Inskip, de la Banque Canadienne Impériale de Commerce. M. Inskip a pris part active, pour le compte de la CIBC, à l'émission d'obligations par l'Université de Toronto plus tôt cette année. Je crois que nous vous avons fait parvenir une copie d'un article du National Post à ce sujet.

M. Inskip fera une déclaration préliminaire. Il utilisera un document qu'il a déjà préparé, dont vous avez reçu copie, mais il est en anglais seulement. C'est son droit en tant que citoyen de s'adresser au comité dans la langue officielle de son choix. Si vous souhaitez obtenir une copie de ce document pour vous en servir à titre d'aide-mémoire durant son exposé, on pourra vous en remettre une.

Bienvenue, monsieur Inskip. La parole est à vous.

M. Cliff Inskip, directeur principal, Marché des capitaux d'emprunt, Banque Canadienne Impériale de Commerce: Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée d'être ici aujourd'hui et je me réjouis à la perspective de discuter avec vous d'un sujet passionnant. J'ai préparé un bref exposé, mais je vais le parcourir rapidement afin d'avoir suffisamment de temps pour répondre à vos questions.

Le but de mes remarques initiales est de vous donner un aperçu de certains des enjeux clés associés au financement des universités au Canada, après quoi je vous parlerai brièvement de l'émission d'obligations pour une valeur de 160 millions de dollars par l'Université de Toronto, transaction à laquelle j'ai consacré plusieurs mois en tant que chef d'équipe.

Les universités se sont traditionnellement tournées vers les institutions bancaires pour des emprunts, et ce, pour deux raisons principales: la première étant le court intervalle entre l'encaisse et les dépenses requises, et la deuxième étant pour le financement de différents projets d'immobilisations. Les projets d'immobilisa tions consistaient généralement en des projets générateurs de recettes comme des résidences, des aires de stationnement, des restaurants et ainsi de suite.

Le marché canadien des capitaux d'emprunt regroupe notamment des investisseurs institutionnels, des compagnies d'assurance, des fonds de placement communs et des fonds de retraite. C'est un marché qui déborde du cadre des banques, et c'est pourquoi le financement des universités peut être perçu comme un créneau attrayant et viable. Comme je l'ai mentionné plus tôt, l'exemple de l'Université de Toronto marque la première fois dans l'histoire du Canada que l'on procède à une émission aussi importante d'obligations pour financer une université.

Je vous parlerai brièvement des opérations financières des universités et de certaines contraintes avec lesquelles elles doivent composer. Les universités disposent de différentes sources de revenus, dont vous connaissez très bien la plupart. Mentionnons par exemple les subventions, les frais d'utilisation, les dons et l'endettement. Dans la partie bleue au bas de la page, vous pouvez voir les coûts d'exploitation, les dépenses en immobilisa tions et les frais de service de la dette. La plupart des universités ont raisonnablement diversifié leurs sources de revenu, ce qui est pratique car si l'une des sources n'est pas disponible, d'autres pourraient l'être.

De nombreuses contraintes limitent la souplesse du finance ment des universités. D'une manière générale, les subventions d'exploitation suivent des formules différentes, selon la province. Parfois, un plafond est imposé; si le nombre d'inscriptions augmente, les subventions d'exploitation n'augmentent pas nécessairement. De même, les frais de scolarité sont généralement réglementés, d'où l'impossibilité de les majorer au-delà de la limite permise.

En outre, il existe de nombreuses restrictions sur la façon dont les fonds que l'on reçoit sont utilisés. Dans certaines provinces, les subventions provinciales ne peuvent servir à rembourser le principal de la dette ni à payer les intérêts s'il s'agit d'un projet d'immobilisations. En Ontario, une portion des frais de scolarité doit être consacrée à l'aide aux étudiants. Les subventions de recherche et les dotations sont assujetties à des conditions d'utilisation. C'est pourquoi les universités mettent généralement sur pied des fonds différents: fonds d'exploitation, fonds d'investissement, fonds pour activités auxiliaires et fonds affectés.

Comme son nom l'indique, le fonds d'exploitation sert à financer les activités d'exploitation normales de l'université. D'une manière générale, ce fonds est géré de façon à maintenir un équilibre budgétaire. À la suite des compressions budgétaires des années 90, les universités ont été obligées de réduire leurs dépenses d'exploitation ou de hausser les frais de scolarité.

Le deuxième fonds, c'est-à-dire le fonds d'investissement, sert à financer la construction de bâtiments pour des fins non scolaires. Il s'agit généralement de fonds alloués à un projet en particulier qui proviennent de subventions d'investissement du gouvernement ou de dons publics.

Le fonds pour services auxiliaires est consacré à toutes les choses qui ne sont pas de nature scolaire: résidences, aires de stationnement, librairies. Il est généralement administré selon une formule de recouvrement total des coûts. L'utilisateur assumant les coûts, il n'y a ni excédent budgétaire, ni déficit à long terme.

Enfin, les fonds affectés à des fins précises proviennent de différentes sources, notamment des dons, des subventions et des dotations. Ces fonds ne peuvent être utilisés que pour les fins préétablies.

Bref, les universités disposent de différentes sources de revenu, mais elles doivent composer avec de nombreuses contraintes sur la façon d'utiliser les fonds. De plus, leur capacité d'accroître leur financement est limitée, puisqu'elles doivent suivre des formules établies ou procéder à des collectes de fonds. Au cours des dernières années, on a beaucoup tablé sur les campagnes de financement pour compléter d'autres sources de fonds.

Les universités ont montré qu'elles étaient capables d'emprun ter tant auprès des banques que sur les marchés des capitaux d'emprunt. Or, les montants empruntés étaient généralement limités par la capacité de l'université de les rembourser. En d'autres mots, les universités ne pouvaient emprunter que ce que leurs sources de fonds leur permettaient de rembourser. Elles ne se tournaient pas vers les marchés des capitaux d'emprunt pour financer les coûts d'entretien différé, car elles ne disposaient pas de sources de remboursement précises qui leur permettraient de payer le service de la dette.

Je voudrais vous parler maintenant de la transaction menée par l'Université de Toronto. C'est une transaction de 160 millions de dollars. L'université a émis des obligations de 30 ans, ce qui signifie que l'intérêt ne s'applique que pour la période de 30 ans, après quoi elle doit rembourser la totalité de la dette en 2031. Le taux d'intérêt a été établi à 6,78 p. 100, payable deux fois par année.

Nous nous sommes mis en rapport avec des représentants de l'Université de Toronto - et tout cet exercice a pris six mois - et nous avons analysé différentes options. Nous avons envisagé, entre autres, le crédit bancaire. Nous avons également exploré le placement traditionnel auprès de sociétés privées, notamment des compagnies d'assurances, et nous avons considéré l'émission d'obligations publiques.

Voici en gros en quoi consistait cette transaction. L'émetteur, en l'occurrence l'Université de Toronto, a émis des obligations non garanties pour une valeur de 160 millions de dollars. Aucune garantie n'a été offerte. Le taux d'intérêt négocié était de 6,78 p. 100, soit 65 points de base ou 0,65 p. 100 au-dessus de l'obligation de référence de 30 ans émise par le gouvernement du Canada. Le remboursement ne porte que sur l'intérêt et se fait deux fois par année, la totalité du principal devant être payée à l'échéance. Les fonds devaient servir à financer des projets d'immobilisations, principalement pour la construction de rési dences, mais une petite portion de ce montant devait être utilisée pour construire des aires de stationnement et éventuellement des installations scolaires.

Les montants remboursés proviendraient des recettes tirées des activités auxiliaires associées à ces installations. Le rembourse ment est assumé à l'interne par les sections de l'université qui font usage de ces fonds. Si les fonds sont alloués à une résidence en particulier, les utilisateurs éventuels de cette résidence devront payer des frais, qui seront versés à la trésorerie centrale. La trésorerie centrale, quant à elle, utilise ces fonds pour payer l'intérêt et pour investir une portion du principal mis de côté, dont nous assurons la gestion, de sorte qu'à la fin de la période de 30 ans, l'université aura accumulé l'intégralité des 160 millions de dollars nécessaires pour rembourser le prêt.

Les prêts sont généralement assortis d'un contrat ou de restrictions. La seule restriction d'importance dans ce cas-ci consistait en une clause de nantissement négative, c'est-à-dire une clause stipulant que l'université n'allait pas fournir de garantie à d'autres prêteurs. Si ces prêteurs consentent des prêts non garantis, ils souhaitent évidemment que d'autres fassent de même pour que tous soient sur un pied d'égalité.

La cote de crédit obtenue était d'un cran supérieur à celle de la province de l'Ontario; Moody's lui a accordé un AA-2 et Standard & Poor's un AA-plus, qui sont des cotes de solvabilité extrêmement élevées.

Je vous ai fourni des exemples de critères et de facteurs qu'une agence de cotation prend en considération, notamment la situation financière, la demande, la situation générale et l'administration. Je me ferai un plaisir de répondre à des questions que vous aurez à ce sujet. Les agences de cotation ont effectué une analyse approfondie de tous ces facteurs pour établir une cote de crédit.

L'Université de Toronto est une université exceptionnelle. Nous avons souligné certains des principaux éléments et ceux qu'ont examinés les agences de cotation ainsi que les investisseurs, mais il était très facile pour un établissement comme l'Université de Toronto de s'adresser au marché obligataire vu sa solvabilité exceptionnelle.

Comment la souscription a-t-elle été reçue? Comme je l'ai dit, il s'agissait du premier financement par emprunt émis dans le public par une université sur le marché canadien. Des universités québécoises ont déjà lancé de petites souscriptions sur le marché du détail. Dans ces cas-là, le service de la dette est assuré par le gouvernement du Québec. La souscription de l'Université de Toronto a été extrêmement bien reçue par les investisseurs. Le nombre d'acheteurs a surpassé le nombre d'obligations émises. Le prix était très tendu. Il était de 65 points de base supérieur à l'obligation canadienne. Aucun autre émetteur nongouvernemental n'a obtenu un écart inférieur pour une obligation à échéance semblable, si bien que le prix était très tendu. Il y avait trois groupes d'acheteurs de taille semblable: les compagnies d'assurances, les gestionnaires de placements et les fonds de retraite.

En résumé, nous estimons que les universités canadiennes ont de bonnes chances de réunir des fonds sur les marchés d'emprunt de capitaux. L'Université de Toronto en a fait la preuve. Dans le Financial Post, Barry Critchley a dit en juillet que l'émission de l'Université de Toronto et, surtout, les effets qu'elle aura, a enthousiasmé les marchés.

Les investisseurs veulent diversifier leurs portefeuilles. Les universités sont perçues en général comme de bons risques de crédit et ils sont prêts à leur prêter.

Les principales questions pour les universités dans le cas d'une émission est de déterminer de quels fonds elles ont besoin et quelle sera la provenance du refinancement. Pour financer des équipements lourds, il faut en général une source de recettes supplémentaires qui permettra de rembourser la dette.

Dans le cas des conseils scolaires, ils ont réuni plus de un milliard de dollars ces deux dernières années. Il y a une formule de financement pour des écoles supplémentaires et une autre pour le renouvellement des installations qui exige une source de financement distincte qui doit être mise de côté dans un compte à part et ne servira qu'aux dépenses d'immobilisations désignées. Il est certain que cela allège le problème des frais d'entretien différé accumulés. La principale question pour l'université qui veut emprunter est de trouver une source de remboursement. S'il y en a une, elles n'auront pas de mal à avoir accès au marché.

Monsieur le président, voilà qui met fin à mon exposé.

Le président: Je vous remercie beaucoup et je vous remercie également de nous avoir donné un exemplaire de votre texte.

Avant de passer aux questions, je précise que si nous nous sommes lancés dans cet examen, c'est que le sénateur Moore se préoccupait de l'ampleur de l'entretien différé dans les universités canadiennes. J'espère ne pas me tromper, mais il semble que ces dernières années, les universités aux prises avec des difficultés financières ont laissé leurs installations fixes se détériorer au point où l'Association canadienne du personnel administratif universi taire a laissé entendre dans une étude que la facture pourrait s'élever à environ 3,6 milliards de dollars. J'imagine que le problème est indissociable de la question globale du financement des universités et c'est la raison pour laquelle nous tenions tant à vous entendre et sommes si heureux que vous nous ayez donné un exposé aussi circonstancié.

Le sénateur Moore: Merci, monsieur Inskip, d'être venu et de votre exposé. Ce qui nous a mis la puce à l'oreille, c'est l'article de journal du 16 mai, auquel le président a fait allusion.

Avez-vous participé à cette souscription dès le début?

M. Inskip: Oui.

Le sénateur Moore: Le fonds de dotation de l'Université de Toronto est considérable. C'est le plus gros au pays. Il dépasse un milliard de dollars, je crois.

Lorsque vous analysez la situation d'un emprunteur pour déterminer son attrait pour le marché, quel poids accordez-vous à la dotation? J'ai constaté avec intérêt qu'il n'y avait aucune garantie.

M. Inskip: Le fonds de dotation lui-même n'est pas un facteur important parce que son utilisation est limitée. En effet, beaucoup de restrictions pèsent sur la manière dont ces fonds peuvent être affectés. Le fonds de dotation est censé être permanent; il n'y a que le revenu de placement qui puisse être dépensé. On regarde donc la valeur du fonds. Dans le cas de l'Université de Toronto, il est d'environ 1,2 milliard de dollars, comme vous l'avez dit. Toutefois, ces fonds ne sont pas employés; ils sont placés et c'est le revenu de ces placements qui est dépensé. Il s'agit alors de déterminer comment il peut être dépensé.

L'existence de fonds à utilisation libre est attrayante pour l'investisseur. Les fonds à utilisation restreinte ont moins d'attrait. Les fonds à utilisation restreinte du fonds de dotation qui peuvent être dépensés - ce qui libère donc de l'argent du fonds d'exploitation - ont donc une valeur réelle.

Ce n'est qu'un des facteurs. Beaucoup d'autres universités au pays ont emprunté sur le marché bancaire. Beaucoup d'universités existent depuis plus longtemps, si bien que le fonds de dotation n'est qu'un facteur parmi d'autres.

À la page 13 de mon exposé, j'ai essayé de les énumérer. On y retrouve la flexibilité des recettes, ce qui va de la question de savoir si les frais de scolarité peuvent être augmentés ou s'ils sont plafonnés par réglementation du gouvernement, jusqu'à l'impor tance de la demande d'inscription. Si la demande baisse en général pour des raisons financières, dans quelle université les étudiants iront-ils? Parmi les autres facteurs figure également la capacité de mobiliser des fonds grâce aux dons. À l'autre extrême se situe la flexibilité des dépenses, ce qui comprend le pourcentage de professeurs qui ont leur permanence, si les dépenses peuvent être comprimées, et cetera. Il y a quantité de facteurs. Le fonds de dotation est l'un de ceux-là, mais il ne pèse pas énormément dans l'équation.

Le sénateur Moore: Vous avez dit qu'il n'y a pas de garantie. Qu'est-ce qui garantit juridiquement l'obligation de rembourser les fonds que vous avez souscrits sur le marché?

M. Inskip: Il y a un acte de fiducie entre l'université et le fiduciaire et ce dernier agit au nom de tous les obligataires. L'acte de fiducie n'est rien de plus qu'une convention de prêt, une reconnaissance de dette, une promesse de payer. On y trouve d'autres éléments, mais cela dit essentiellement que l'université emprunte un certain montant et promet de payer l'intérêt à un taux donné sur une base semestrielle et d'éteindre la dette à échéance.

Elle promet également d'éviter de faire certaines choses, et c'est ce que l'on appelle des clauses restrictives. Elle promet de ne pas accorder de garantie à d'autres prêteurs parce que ceux-ci auraient une garantie tandis que les autres n'en auraient pas. Il y a un certain nombre de circonstances où elle peut donner une garantie, mais elles sont limitées.

Le sénateur Moore: Est-ce que l'engagement de ne pas donner de garantie s'applique uniquement aux biens visés par cet emprunt ou est-ce que cela englobe tous les biens sur le campus?

M. Inskip: Si vous prêtez de l'argent pour un bien particulier et que vous prenez une garantie sur ce bien, alors il n'y aurait pas de sûreté négative. L'université pourrait faire ce qu'elle veut des autres biens parce que le prêteur a une garantie sur une résidence ou un autre immeuble, par exemple. Dans ce cas-ci, le prêteur a dit: «Voici de l'argent pour la résidence et le parc de stationnement», mais il n'a aucun droit sur ces recettes. Le prêteur dit donc qu'il veut prêter aux mêmes conditions que n'importe quel autre prêteur, c'est-à-dire sans garantie sur quelque bien que ce soit. Cela est plus facile pour la plupart des emprunteurs parce que cela signifie qu'ils n'ont pas à investir temps et argent pour hypothéquer un immeuble. Le prêteur n'a pas à se soucier d'avoir accès à l'immeuble, s'il doit en reprendre possession. Si l'immeuble se trouve au milieu du campus, il n'a pas non plus à se préoccuper de questions de lotissement. Tous ces problèmes sont évités si l'on fonctionne sans garantie.

Le sénateur Bolduc: Vous avez dit qu'une des sources secondaires de recettes pour le remboursement était les résidences et les stationnements. Y en a-t-il d'autres? Un aréna par exemple?

M. Inskip: C'est un emprunt sans garantie. L'université peut donc le rembourser à partir des sources qu'elle voudra, quelles qu'elles soient. Elle n'est pas obligée d'employer les recettes provenant des résidences ou des parcs de stationnement. Elle a l'intention de bâtir une résidence et d'exiger des frais. Ces frais seront versés au trésor de l'université. Elle pourra en faire ce qu'elle veut. Elle n'est pas tenue de se servir d'une source particulière de recettes pour rembourser ces obligations. En théorie, les obligataires qui ne seraient pas remboursés pourraient poursuivre l'université et exiger d'être payés à partir des ressources de l'université, quelles qu'elles soient. Toutefois, les obligataires n'ont aucun droit sur un bien en particulier ou une entrée de fonds donnée. N'importe qui d'autre pourrait accorder un prêt non garanti et aurait les mêmes droits aux recettes issues des biens bâtis grâce à ces fonds.

L'autre option serait d'accorder un prêt garanti - le prêteur prête l'argent, l'université bâtit une résidence et le prêteur a une garantie sur la résidence et les rentrées de fonds qui en découlent. Si les choses vont mal, en théorie, on pourrait prendre ces biens et ces rentrées de fonds pour rembourser l'emprunt. La complication ici, c'est qu'il faut prendre une hypothèque. C'est cher et cela entraîne d'autres difficultés. S'il n'est pas nécessaire de donner une garantie, du point de vue de l'émetteur, il est parfois plus facile de décider que tous les emprunts sont sans garantie.

La documentation est plus simple.

Le sénateur Bolduc: Comment le taux d'intérêt ici se compare-t-il à celui d'autres projets d'immobilisations?

M. Inskip: Le taux d'intérêt est de 6,78 p. 100.

Le sénateur Bolduc: Un taux fixe pour 30 ans?

M. Inskip: Oui. L'avantage d'un taux obligataire c'est d'avoir un coût fixe pour toute la durée. Quand l'université fixe ses frais de résidence, elle sait exactement quels seront ses coûts d'immobilisations. L'université a construit la résidence, sait ce qu'il en coûte et connaît son emprunt. Elle peut calculer pour les 30 prochaines années la fluctuation de ses coûts d'exploitation. Elle sait donc exactement quel est le coût de ses immobilisations.

Le sénateur Bolduc: C'est environ 65 points de base au-dessus de l'obligation de référence du gouvernement du Canada.

M. Inskip: C'est l'écart le plus mince sur le marché pour cette durée et pour un émetteur non gouvernemental. L'autre cas semblable, par exemple, c'est NAV Canada, pour un prix très semblable, et c'est un monopole qui dirige l'espace aérien. Dans le cas de l'ACFTA, c'était dans la tranche supérieure des 90 points de base. Ce taux était très alléchant. Aucun autre émetteur non gouvernemental n'a obtenu un écart aussi mince pour une échéance de 30 ans.

Le sénateur Bolduc: Ontario Hydro a-t-elle obtenu du financement sur 30 ans?

M. Inskip: Oui. La vieille dette d'Ontario Hydro, qui a été garantie par la province, avait bénéficié des taux de la province puisque c'est elle qui la garantissait. Dans le cas de Hydro One, par exemple, c'était plus élevé. C'était moins de 100 points de base, mais certainement plus que 65.

Le sénateur Bolduc: Ce n'est pas garanti par le gouverne ment?

M. Inskip: C'est juste.

Le sénateur Bolduc: Au Québec, si je me souviens bien, le gouvernement y est pour quelque chose.

M. Inskip: Je crois qu'au Québec le service de la dette est assuré par le gouvernement. Dans l'exemple que nous avons devant nous, il n'y a pas de garantie du gouvernement. Il est évident toutefois que le gouvernement siège au conseil d'adminis tration.

Le sénateur Bolduc: L'émission de l'Université de Toronto est donc une opération de marché libre.

M. Inskip: C'est une opération de financement autonome de l'Université de Toronto, sans garantie. Il n'y a pas de soutien gouvernemental sous forme de représentation au conseil, de subventions; c'est une obligation distincte qui n'engage que l'Université de Toronto sans garantie de la province.

Le président: Au Québec, c'est le gouvernement qui assure le service de la dette.

Le sénateur Bolduc: Je ne pense pas que le gouvernement du Québec ait le droit...

Le président: De faire cavalier seul. Pourquoi l'aurait-il?

M. Inskip: Il s'agit de la première obligation gouvernementale émise dans le public pour le compte d'une université. De nombreuses universités se sont adressées aux banques pour obtenir du financement pour des projets d'immobilisations. Il s'agissait peut-être de petits projets dont le financement était à court terme.

Le sénateur Bolduc: Vous dites qu'il est possible de diversifier le portefeuille. Pensez-vous que plusieurs universités au Canada pourraient le faire?

M. Inskip: Tout à fait.

Le sénateur Bolduc: Ce marché existe?

M. Inskip: Le marché existe. Des investisseurs veulent diversifier leurs portefeuilles. Nous avons discuté avec plusieurs universités canadiennes qui pensent qu'elles pourraient trouver les fonds voulus sur ce marché.

Le sénateur Bolduc: Je ne peux pas comprendre que ce soit le cas pour les résidences et les stationnements. Existe-t-il d'autres possibilités? Le domaine des sports fait peut-être exception à la règle.

M. Inskip: Notre tache est évidemment de trouver du crédit. Nous étudions toutes les façons de le faire et lorsqu'il y a un acheteur et un vendeur, nous les mettons en contact. Il est assez facile de s'adresser à une université qui veut emprunter de l'argent de la convaincre de produire un actif qui générera des fonds et prendre ensuite ces fonds pour assurer le service de la dette. Il s'agit d'une simple transaction commerciale. On peut songer aux résidences, aux stationnements, aux services d'alimen tation ainsi qu'aux librairies. Les subventions peuvent servir à financer la construction des immeubles universitaires.

En Ontario, par exemple, les universités ne peuvent pas utiliser leurs subventions d'exploitation pour rembourser leur dette. Elles ne peuvent pas puiser dans leurs subventions ni dans les fondations. Si elles ne trouvent pas une source de fonds pour rembourser leur dette, la situation devient difficile. Même si une université a de nombreux actifs, on ne voudrait pas qu'elle doive vendre des immeubles pour rembourser ses dettes. Les frais d'utilisation ou les subventions gouvernementales pourraient constituer une source de revenu.

J'ai mentionné que les conseils scolaires avaient obtenu un milliard de dollars. Les gouvernements ont créé deux types de subventions: l'une pour la construction de nouvelles écoles et l'autre pour la remise en état des installations existantes. Ces deux types de subventions doivent être versées dans un compte distinct. Les conseils scolaires ont recueilli plus de un milliard de dollars et recevront au cours des 25 prochaines années des subventions qui devront être versées dans des comptes distincts et qui pourront servir au remboursement de la dette. Les conseils scolaires n'imposent pas de frais d'utilisation, mais des fonds versés dans un compte distinct peuvent être affectés au service de la dette.

Le sénateur Bolduc: Je fais un don chaque année à l'Université Laval et je précise que cet argent doit aller à la bibliothèque. Comme beaucoup de gens font de même, l'universi té a créé des fondations spécialisées. Iriez-vous jusqu'à dire que ce serait une façon de financer une bibliothèque?

M. Inskip: Nous prenons en compte tout actif lorsqu'il existe une source de fonds qui peut servir au remboursement de la dette. Si une université s'adressait à nous et nous disait qu'elle a un fonds distinct ou une fondation qui pourrait servir à cette fin, nous étudierions l'aspect juridique de la question. Ces fonds peuvent-ils être affectés au remboursement de la dette? Nous serions heureux d'étudier cette possibilité si on pouvait nous indiquer la source des fonds.

Le sénateur Bolduc: Comment se fait-il que ce soit en 2001 qu'on ait eu la brillante idée de recourir au marché des capitaux?

M. Inskip: Quelques raisons l'expliquent. Jusqu'ici, les universités n'ont pas eu besoin d'y recourir. Dans la plupart des cas, les gouvernements ont financé la construction des immeubles universitaires, ou ce financement était assuré par des subventions gouvernementales et des dons. Dans le passé, les universités ont eu à emprunter seulement pour financer des immeubles que les gouvernements ne finançaient pas comme les résidences. Si l'on construit une résidence à la fois, il n'est pas nécessaire d'emprunter trop d'argent. Si l'on veut emprunter 25 millions de dollars, on peut s'adresser à la banque. Si l'on veut un taux fixe, on peut s'adresser au marché du crédit croisé. Cette méthode de financement convenait compte tenu de la taille des transactions.

Lorsque les effectifs augmentent considérablement - en Ontario, on élimine la 13e année, ce qui signifie davantage d'étudiants pour les universités - les besoins en capitaux augmentent soudainement tout aussi considérablement.

Le sénateur Bolduc: Autrefois, c'est la SCHL qui finançait les résidences sur les campus universitaires.

M. Inskip: Oui, la SCHL en a financé beaucoup. Aux États-Unis, là où les besoins sont importants, on a recours depuis longtemps aux marchés de capitaux. Il y a une autre raison: Il y a dix ans, au Canada, le marché des sociétés n'était pas très développé. Le gouvernement a émis de nombreux titres de créance, comme nous le savons, et, comme les taux d'intérêt étaient élevés, il restait peu de place pour les autres émetteurs de titres de créance. Ce n'est que depuis cinq ou six ans que les conseils scolaires, les aéroports, les universités, les sociétés en général, sont présentes sur ce marché.

Le sénateur Bolduc: Le marché des obligations est à la baisse, également.

M. Inskip: Oui, les rendements ont diminué considérablement. Il y a cinq ans, vous pouviez envisager un rendement de près de 10 p. 100, alors qu'aujourd'hui, il est plutôt de 5 à 6 p. 100 pour des obligations de 10 à 30 ans.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Monsieur Inskip, après l'italien, le français est la langue dans laquelle je m'exprime le mieux, et ce, mieux qu'en anglais.

J'aimerais savoir depuis combien d'années l'Université de Toronto fait appel à vos services pour leurs prêts, c'est à dire depuis quand l'Université de Toronto requiert les services de la Banque Canadienne Impériale de Commerce?

Est-ce depuis longtemps ou seulement pendant la dernière année où l'on a commencé à demander des prêts de service public, en plus d'organiser une cueillette de fonds pour ainsi résoudre beaucoup de problèmes?

[Traduction]

M. Inskip: Je ne saurais vous dire. L'Université de Toronto fait ses affaires bancaires chez nous. Pour ce qui est de l'émission particulière d'obligations, le processus s'est amorcé avec une demande de propositions qui a été envoyée à différentes institutions financières pendant le 4e trimestre de 2000. Nous avons commencé les consultations en janvier 2001; nous avons alors discuté de ce qui était nécessaire pour l'émission d'obliga tions, des cotes de crédit, des documents juridiques, des clauses restrictives nécessaires avant de passer à l'émission comme telle. C'est au début de janvier de cette année qu'on nous a confié le mandat d'aider l'université dans ce dossier. C'est en juillet que l'université a émis ses obligations, soit environ six mois et demi plus tard.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: J'aimerais savoir à quelle problématique se confrontait l'Université de Toronto lorsqu'elle a formulé à la banque son besoin d'emprunter de l'argent parce qu'elle avait des choses très importantes à régler.

Pouvez-vous me dire ce que c'était? Étaient-ce les résidences, la manutention des infrastructures ou d'autres secteurs à l'univer sité? Quel était le principal problème de l'université pour qu'elle ait besoin d'un emprunt monétaire pour le régler?

[Traduction]

M. Inskip: Ça n'a pas vraiment été un problème, dans la mesure où l'entretien différé est un problème. À l'heure actuelle, l'université a des résidences pour environ 14 p. 100 de ses étudiants. Elle veut agrandir ses résidences à long terme pour pouvoir offrir un logement à 25 p. 100 de ses étudiants. Plus de la moitié de cet argent servira à la construction de nouvelles résidences. L'université souhaite accroître le nombre de logements offerts à ses étudiants, surtout avec l'élimination de la 13e année et en raison du fait que deux promotions arriveront à l'université la même année; mais même avec les effectifs actuels, l'université voulait agrandir ses résidences. Elle veut aussi construire un parc de stationnement et aurait aussi besoin d'augmenter légèrement le nombre de salles de classe. Mais sa motivation première était l'ajout de résidences.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Avez-vous commencé en l'en 2000 à offrir ce service à l'université? Est-ce que vous avez porté cela à la connaissance des autres universités du Canada qu'il était possible que vous puissiez les aider?

Vous savez, les universités au Québec vont très bien. Elles ont une façon de travailler qui leur permet d'avoir une certaine stabilité, même pour régler les problèmes d'infrastructure. Mais pour les autres universités qui ont besoin d'argent pour la recherche ou l'entretien de leurs établissements, avez-vous fait une campagne publicitaire afin de leur dire que vous pouviez leur donner un coup de main?

L'exemple de Toronto doit être très positif, et peut-être aurez-vous beaucoup d'universités qui feront appel à vos services. Vous pourrez alors réduire les taux d'intérêts!

[Traduction]

M. Inskip: Je suis heureux que vous défendiez nos intérêts. Nous avons rencontré les représentants de certaines universités de la côte Ouest, de la côte Est, du Québec et de l'Ontario. Toutefois, nous n'avons pas rencontré la majorité des universités.

Nous avons eu des rencontres avec des représentants de quelques universités. Ces rencontres prennent du temps, mais nous comptons avoir des entretiens avec des représentants de nombreuses universités canadiennes. Nous aimerions particulière ment avoir des discussions avec celles dont la taille est idéale pour le marché des obligations. Nous avons déjà dit à certaines d'entre elles que nous avions effectué cette transaction et que nous pourrions leur décrire cette expérience. Je suis allé dans plusieurs universités du pays et des exposés sont prévus dans plusieurs autres. Nous avons été dans une université du Québec et comptons en visiter d'autres aussi.

Le processus se poursuit. Cela s'est fait en juillet. Il y a eu interruption pendant l'été et le travail vient de reprendre. Les marchés sont un peu incertains à l'heure actuelle, mais nous poursuivrons nos entretiens avec les universités.

Le sénateur Stratton: En ce qui concerne le paiement des obligations, ces paiements se font à même les recettes générales même si elles proviennent des résidences et des frais de stationnement. L'université a-t-elle déterminé le versement des intérêts à partir du revenu découlant des résidences et des stationnements? Est-ce ainsi qu'on a déterminé le montant ou y a-t-on ajouté d'autres sources de revenu?

M. Inskip: Les fonds sont affectés aux usagers particuliers. En l'occurrence, l'Université de Toronto a décidé qu'elle offrirait une petite subvention pour un temps limité. En ce sens, j'ignore le montant exact. On a l'intention de subventionner le loyer des étudiants en résidence, dans une faible mesure et pour une période déterminée, en raison du coût élevé du logement.

Pour le reste, les coûts du financement seront assujettis au recouvrement des coûts. Par conséquent, à long terme, il y aura recouvrement total des coûts après une courte période de subventions.

Le sénateur Stratton: J'espère que l'augmentation des frais de résidence se fera graduellement et non pas brusquement.

Vous avez parlé d'une taille idéale pour le marché des obligations. Quelle taille idéale pour le marché des obligations?

M. Inskip: Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, on peut aborder le marché des obligations de deux façons. La première méthode, la méthode traditionnelle, est celle du placement privé. Vous vous adressez à des sociétés d'assurances pour négocier un taux fixe, à long terme avec les bailleurs de fonds. Cela se fait pour des sommes allant de 25 millions à 100 millions de dollars. Pour un investissement public, le montant est plutôt de 100 millions de dollars au minimum.

Par conséquent, sur les marchés de capitaux, ce sera au moins 25 millions de dollars; autrement, vous êtes sur le marché bancaire. Si la somme est inférieure à 100 millions de dollars, on fait un placement privé traditionnel avec des investisseurs individuels. S'il s'agit de plus de 100 millions de dollars, c'est un investissement public, pleinement négocié et souscrit par un syndicat de prise ferme.

Le sénateur Stratton: Un petit immeuble universitaire, une résidence et un stationnement, dans la plupart des cas, feraient l'objet d'un investissement privé?

M. Inskip: Oui. Nous avons amorcé des discussions avec deux ou trois universités dont les besoins sont inférieurs à 100 millions de dollars. Dans de telles circonstances, on aborde le marché différemment. Dans bien des cas, nous nous adressons aux mêmes investisseurs, mais certains sont différents. On ne s'adresse pas aux sociétés de fonds communs de placement ou à d'autres qui veulent davantage de liquidités. Le processus est différent, mais l'acte de fiducie et d'autres aspects sont semblables.

Le sénateur Stratton: Le taux est-il plus élevé pour cette raison?

M. Inskip: Le taux est plus élevé en raison de l'absence de liquidités. Les liquidités représentent la capacité de revente. Lorsque les investisseurs s'inquiètent et veulent voir leurs fonds communs de placement, ils doivent être en mesure de vendre ce qu'ils ont dans leur portefeuille. Si la liquidité est moindre, il y a alors une prime de risque.

Le sénateur Stratton: De combien?

M. Inskip: Ça dépend des circonstances. La société d'assuran ces exige habituellement 25 p. 100. Nous pouvons parfois réduire ce pourcentage, en fonction de l'émetteur. Si la structure est lourde, la prime est plus importante.

Le sénateur Bolduc: Lorsqu'il s'agit d'un placement privé, vous pouvez agir comme souscripteur principal et revendre à vos amis, je suppose?

M. Inskip: Il y a parfois un investisseur principal avec lequel nous faisons le gros des négociations, mais, habituellement, s'il s'agit d'un placement privé de 50 millions de dollars, nous négocions avec l'université. Il nous arrive d'obtenir pour l'université une cote de crédit. Nous rédigeons l'offre de souscription, nous réglons les détails, nous faisons la présentation, avec des représentants de l'université, à une douzaine d'investis seurs. Chacun d'entre eux exprime alors son intérêt. Nous comptabilisons tout cela et nous nous occupons de la documenta tion. Il s'agit parfois de trois ou quatre sociétés d'assurances, et ce n'est alors pas comme avec une banque où la banque souscrit la totalité pour ensuite revendre à la pièce. Sur le marché des investissements privés, on tente habituellement d'obtenir d'abord un seul placement.

Le sénateur Tunney: Peut-on imaginer qu'une université puisse être mise sous séquestre si, par exemple, elle se trouvait en défaut de paiement d'intérêts? Peut-on imaginer qu'une université fasse faillite? J'aimerais savoir ce que vous feriez si elle se trouvait en graves difficultés financières.

Cela ne se produira certainement pas, mais supposons que la situation soit comme en 1929 et que l'économie sombre dans la dépression. Bien sûr, il y aurait des milliers d'autres institutions dans les mêmes difficultés financières, mais si vous considérez cela comme un risque, quelle couverture avez-vous? Je ne vous ai pas encore entendu dire s'il y avait véritablement un risque.

M. Inskip: À mon avis, le risque est partout. Certains sont énormes et d'autres minimes. Dans le cas de l'Université de Toronto, sa cote de solvabilité est un cran plus haut que celle de la province de l'Ontario. Pourtant, celle-ci a un pouvoir d'imposition illimité. Mais l'université, pour sa part, a des actifs dont la valeur assurée représente 4,8 milliards de dollars; en effet, elle est propriétaire de beaucoup de terrains dans le centre-ville de Toronto et a un fonds de dotation de 1,2 milliard de dollars. Autrement dit, elle a des actifs élevés et ses services sont à forte demande. Par conséquent, le risque existe en théorie, mais il est infime. C'est l'avis des investisseurs, d'ailleurs. Ils disent que la marge d'intérêt qu'ils demanderont est extrêmement faible. À l'Université de Toronto, la vente a été très rapide et la sur-souscription très élevée.

Si l'on regarde les universités un peu partout au Canada, il y en a certaines qui sont dans des endroits moins intéressants. Or, si l'Université de Toronto avait quelques difficultés, les terrains dont elle est propriétaire demeureraient néanmoins très intéressants comme éléments d'actifs et offriraient plusieurs possibilités. Par contre, d'autres universités situées dans de petites villes offrent moins de possibilités: en effet, si les terrains n'étaient pas utilisés par l'université, je ne suis pas sûr qu'ils pourraient être utilisés à d'autres fins, ce qui augmente le risque.

Ce qui intéresse les investisseurs, c'est de savoir lesquelles d'entre les universités d'une province sont les universités de prestige. Ils considèrent qu'aucun gouvernement provincial ne laisserait sa meilleure université en difficulté, ce qui explique que le cas des grandes universités soit assez simple.

C'est lorsqu'une province compte quatre, cinq ou six universi tés, dont certaines sont assez petites, que cela peut devenir risqué advenant une dépression: cela augmenterait le risque et on pourrait se demander si la province a vraiment besoin des cinq universités. Dans ces circonstances, les investisseurs et les preneurs fermes s'attendraient sans doute à ce qu'il y ait consolidation. C'est ce qui s'est passé dans le secteur hospitalier: il y a eu fusion de nombreux hôpitaux. On a réduit le nombre d'installations, et les nouvelles entités fusionnées ont assumé les responsabilités. Y a-t-il véritablement risque? Oui. Puis-je imaginer qu'une université puisse faire faillite? C'est difficile à imaginer. Le plus probable, c'est qu'il y ait une restructuration qui réduise le nombre d'universités ou qui impose une fusion, tout en maintenant plusieurs campus.

Le sénateur Tunney: Je n'ai peut-être pas bien expliqué ce qui me préoccupe. Si l'on retombait dans une dépression, comme en 1929, l'université ne fermerait pas ses portes, mais il faudrait peut-être réduire considérablement les frais de scolarité, les inscriptions diminueraient aussi sans doute, et une bonne partie des activités qui maintiennent l'université viable disparaîtraient probablement aussi. Et je ne vous ai pas parlé des difficultés à rembourser le capital, et encore moins les intérêts. On pourrait sans doute songer à un report.

J'admire la rapidité avec laquelle vous avez réussi à colliger tout cela. Vous avez parlé de la fin de 2000, et on n'a toujours pas atteint la fin de 2001 que la transaction est déjà conclue.

M. Inskip: Il nous a fallu six mois. Nous avons démarré le 6 janvier et avons terminé en juillet. Nous aurions peut-être pu faire un peu plus rapidement, un ou deux mois plus vite, mais nous voulions étudier toutes les options. Si nous avions su quelle option choisirait l'université, nous aurions pu faire plus vite.

En trois mois, nous aurions pu offrir un placement privé ou des obligations à de nouveaux émetteurs. L'analyse doit être faite chaque fois qu'une université ou un émetteur envisage cette solution plutôt que de passer par la voie des obligations, d'un accord fiscal ou de la titrisation. Voilà pourquoi six mois est un délai raisonnable.

Le sénateur Tunney: J'aime le taux d'intérêt. Je suis exploitant agricole, et je sais que je ne pourrais pas obtenir ce genre de taux, et je ne pourrais probablement pas non plus faire approuver un prêt aussi rapidement que vous, mais ma banque n'est pas la Banque Canadienne Impériale de Commerce.

Le président: Même si le sénateur ne fait pas affaire avec cette banque, j'espère que vous aurez apprécié cet échange en préparation de la prochaine assemblée générale des actionnaires.

Le sénateur Wiebe: À l'instar du sénateur Stratton, je ne suis ni banquier, ni émetteur d'obligations, je vous prierais donc de bien vouloir m'expliquer quelles sont les garanties. Vous avez dit que les recettes qui serviraient à payer les intérêts proviendraient des résidences, du terrain de stationnement ou d'une autre source de revenu, et un certain pourcentage de cet argent serait mis de côté chaque année pour rembourser le capital, pour rembourser ces 160 millions de dollars dans 30 ans.

Qu'est-ce qui garantit que l'université va bien honorer son engagement de rembourser le principal? Vous avez dit que l'université pouvait investir cette somme. Voulez-vous dire investir dans un autre immeuble et d'une autre façon afin d'en retirer des revenus? Quelles garanties puis-je avoir moi, qui détiens une obligation, que ces 160 millions de dollars existeront toujours dans 30 ans?

M. Inskip: Je vais vous donner une réponse sur un plan général, puis je vais passer au cas d'espèce de l'Université de Toronto.

Dans certains cas, il existe un fonds d'amortissement officielle ment constitué. Par exemple, les conseils scolaires ont fait des émissions d'obligations et, en vertu de la Loi sur l'éducation de l'Ontario, ils sont obligés soit de rembourser un pourcentage du principal chaque année, un peu comme une hypothèque, soit de mettre l'équivalent de côté dans un fonds d'amortissement officiellement constitué. La loi prescrit que ce fonds doit faire l'objet d'une vérification. Souvent, les conseils scolaires ont des administrateurs qui se chargent de gérer ce genre de fonds. Il existe donc un fonds d'amortissement officiel qui est l'une des conditions imposées par la loi pour les actes fiduciaires, et, si les dispositions nécessaires ne sont pas prises, il y a infraction à la loi, de sorte que les créanciers obligataires peuvent fort bien décider qu'ils veulent récupérer immédiatement leur argent et intenter des poursuites.

Dans le cas de l'Université de Toronto, la loi n'exige pas de fonds d'amortissement. Bon nombre de compagnies qui font des émissions obligataires ne sont pas tenues par la loi de constituer un fonds d'amortissement et il faut donc faire confiance à la direction de la compagnie, à la prudence financière des administrateurs, pour que cet argent soit mis de côté. Dans le cas de l'Université de Toronto, cette dernière a fait part de ses intentions dans son document, mais la loi n'exige nullement d'elle qu'elle mette de côté un montant déterminé à une date déterminée. Si vous êtes créancier obligataire, vous vous fiez à la qualité de la gestion, à la bonne solvabilité et à la promesse de remboursement.

Le sénateur Wiebe: L'université va-t-elle signaler chaque année le taux de rendement qu'elle a obtenu comme preuve de sa prudence financière? Si on doit découvrir dans 28 ans que, deux années plus tard, l'université ne pourra pas rembourser cet argent - aura-t-on certaines indications, d'une année à l'autre, qui puissent nous rassurer?

M. Inskip: L'université publie un rapport annuel, qui fait l'objet d'une vérification, de la même façon qu'un fonds de dotation. Elle dispose de 1,2 milliard de dollars. Un cabinet privé gère ce portefeuille. J'ignore ce qui figurera l'an prochain dans son rapport annuel au sujet des sommes qui auront été mises de côté, je ne sais pas si cela sera expressément mentionné. Ce sera probablement, au mieux, une note succincte.

Si vous y réfléchissez un peu, cette somme de 160 millions de dollars ne représente pas grand-chose par rapport à l'ensemble de ses activités. Aucun gestionnaire financier avisé ne vous dira qu'il a des actifs assurés à hauteur de 4,8 milliards de dollars. Cela, c'est uniquement les immobilisations, mais il y a également un fonds de dotation. Pour ce qui est des activités d'ensemble de l'établissement, 160 millions de dollars ne représentent qu'un faible pourcentage. Aucun gestionnaire financier avisé, et encore moins un conseil d'administration composé pour un tiers de gens nommés par le gouvernement, d'anciens de l'université et d'autres personnes encore, ne va vouloir compromettre la crédibilité d'un établissement comme celui-là alors que la somme ne représente qu'un faible pourcentage de son budget total. Au bout du compte, si l'établissement ne rembourse pas, les investisseurs pourront toujours le poursuivre. Mais personne ne souhaite qu'il y ait cessation de paiement. L'établissement fera tout ce qu'il pourra, tout comme n'importe quel autre emprunteur, pour honorer ses engagements, pour produire les rapports exigés et, de toute évidence aussi, au bout du compte rembourser tout le capital emprunté.

Au bout du compte, le créancier obligataire doit évaluer le risque. S'il n'existe pas de fonds officiel, le créancier obligataire doit déterminer quel risque il est prêt à courir, s'il est prêt à acheter l'obligation et à quel prix. C'est un risque qu'il doit évaluer. Dans le cas d'un emprunteur qui a une cote de crédit plus faible, les créanciers obligataires voudront peut-être un fonds d'amortissement officiel ou voudront obtenir le remboursement chaque année.

Le sénateur Wiebe: Ces obligations ont été mises en vente le 1er juillet. Ont-elles toutes été vendues?

M. Inskip: Elles ont été vendues le même jour. Tout a été vendu le même jour.

Le sénateur Mahovlich: L'Université de Toronto existe depuis 1827, environ. Combien d'étudiants fréquentent cette université à l'heure actuelle?

M. Inskip: L'université compte 55 000 étudiants.

Le sénateur Mahovlich: Il doit y avoir des centaines de milliers d'anciens étudiants.

M. Inskip: Je ne sais pas combien il y en a, mais ils sont très nombreux.

Le sénateur Mahovlich: Ne vont-ils pas acheter ces obliga tions? S'ils sont aussi âgés que le sénateur Wiebe, ils ne seront plus là dans 30 ans.

Le sénateur Wiebe: Je vais vous surprendre, sénateur Mahovlich.

M. Inskip: Nous encourageons l'université à envoyer de la publicité à ses anciens et à leur dire que, au lieu de se faire payer les intérêts, ils pourraient les redonner à l'université. À ce moment-là, ils n'ont pas besoin de payer quoi que ce soit.

Techniquement, il s'agissait d'une émission à diffusion restreinte. Il y a toutes sortes de lois sur les valeurs. Les obligations publiques peuvent être vendues au détail, mais il faut à ce moment-là que l'université présente toutes sortes de rapports. Nous avons recommandé à l'université de procéder autrement et elle a donc émis plutôt des obligations à diffusion restreinte, ce qui veut dire que le montant d'achat minimal était de 150 000 $. À peu près toutes ces obligations ont donc été vendues au détail plutôt qu'aux anciens. Si un ancien voulait acheter pour plus de 150 000 $ d'obligations, il aurait pu le faire.

Le sénateur Mahovlich: Cela me paraît beaucoup, mais c'est peu pour vous. Puis-je vous demander quel a été le montant de votre commission pour cette transaction?

M. Inskip: C'est un petit pourcentage du salaire annuel moyen d'un joueur de hockey.

Le président: J'imagine que c'est un renseignement déjà connu, monsieur Inskip. En plus de cette dette, quel est le fardeau total de la dette de l'Université de Toronto?

M. Inskip: Je vais répondre à cette question et aussi à la question du sénateur Mahovlich puisque ce renseignement est déjà connu. Les souscripteurs ont obtenu des honoraires de sept dixièmes de 1 p. 100 qui ont été répartis entre les souscripteurs.

La deuxième question portait sur la dette de l'Université de Toronto. À l'heure actuelle, cette dette est d'environ 60 millions de dollars, plus les 160 millions de dollars que l'université vient d'emprunter.

Le président: Comme vous le savez, nous avons l'habitude dans le secteur parlementaire de calculer la dette comme pourcentage soit du PIB, soit des recettes gouvernementales ou autre chose. Compte tenu de l'actif de l'Université de Toronto que vous avez déjà mentionné, une dette d'environ 220 millions de dollars dont la très grande partie a une très longue échéance ne représente pas un fardeau énorme, n'est-ce pas?

M. Inskip: En effet et cela explique en partie la cote de crédit élevée de l'université. Les agences qui établissent la cote de crédit voient ce que représente le service de la dette par rapport aux recettes d'exploitation. En principe, l'université voudrait emprun ter 300 millions de dollars, soit 160 millions immédiatement et, si elle en a besoin, un montant qui relèverait le montant total à 300 millions de dollars. À ce moment-là, le service de la dette comme pourcentage des recettes d'exploitation annuelles serait d'environ 3 p. 100, ce qui est encore très faible.

Le président: Les agences Standard & Poor's et Moody ont-elles établi une cote pour l'Université de Toronto relativement à cette émission d'obligations ou bien établissent-elles régulière ment la cote de crédit des universités?

M. Inskip: Elles peuvent faire l'un ou l'autre. Elles peuvent établir ce qu'on appelle une cote de crédit de l'émetteur. Si une université téléphone et demande une cote de crédit générale, elle peut en obtenir une. L'Université de Toronto pour sa part a deux cotes de crédit, une cote générale d'émetteur et une cote pour l'obligation en question. Les deux cotes sont identiques. Elles le sont parce que l'obligation est une obligation générale sans garantie et n'est pas limitée aux recettes produites par les loyers des résidences ou les inscriptions. Il s'agit d'une obligation générale de toute l'université et il n'y a pas un seul garant. S'il y avait un autre prêteur ayant une garantie pour tout l'actif, la cote de l'obligation pourrait être plus faible. Ce n'est pas le cas et les cotes de crédit de l'université et de l'obligation sont donc identiques.

Le président: Savez-vous combien d'autres universités ont une cote de crédit?

M. Inskip: Au Canada, l'Université de Toronto a deux cotes; l'Université de la Colombie-Britannique a reçu une cote de Moody et l'Université Brock a reçu une cote de Standard & Poor's. Il n'y a pas d'autres cotes publiques.

Le président: Vous nous avez dit que vous avez communiqué avec un certain nombre d'universités au sujet de la possibilité d'autres émissions d'obligations du même genre. Vous nous avez dit que vous n'avez pas rencontré de représentants de la plupart des universités du Canada, mais j'imagine que vous avez examiné la situation de pas mal d'universités sur le plan de leur taille, de leur capacité financière, de leur site, et le reste.

M. Inskip: Je dois admettre que nous nous sommes concentrés sur les grandes universités et celles que nous jugions avoir les besoins les plus pressants par opposition aux universités plus petites. Nous avons cependant parlé à quelques-unes de ces petites universités.

Le président: D'après vous, combien de ces universités obtiendraient le même genre de cote que l'Université de Toronto?

M. Inskip: La cote de l'Université Brock est A faible. Les cotes sont de A faible, A moyen, A élevé, double A faible, double A moyen et double A élevé. L'Université de Toronto a reçu une cote double A élevé d'une agence et double A moyen d'une autre. L'Université de la Colombie-Britannique a une cote double A faible, c'est-à-dire six échelons plus bas. L'Université Brock est relativement plus petite. L'Université de la Colombie-Britannique est la plus importante en Colombie-Britannique et l'une des plus grandes du pays. On peut donc probablement dire que la plupart des universités obtiendraient une cote dans la catégorie A.

Le président: Voulez-vous dire la plupart de celles avec qui vous avez communiqué?

M. Inskip: Certaines font partie de la catégoriedouble A, comme l'Université de la Colombie-Britannique, l'Université de Toronto et quelques autres et il y a ensuite une grande majorité des universités dans la catégorie A. Toutes ces cotes sont considérées comme acceptables pour le marché. Ce sont de bonnes cotes d'investissement. Ces cotes appellent des prix différents, mais ce sont quand même de bonnes cotes.

Le sénateur Bolduc: Voulez-vous dire qu'il y a un écart de 25 points de base ou est-ce davantage?

M. Inskip: Non, les 25 points de base représentent la prime pour une émission à diffusion restreinte plutôt qu'une émission publique.

Pour déterminer l'écart, on doit voir l'université et la provenance du financement. En Ontario, les investisseurs voient quel est l'écart pour l'Ontario. S'il s'agit d'une université dans une autre province, l'investisseur voit quel est l'écart pour la province en question et l'écart approprié pour l'université compte tenu de sa cote de crédit et les autres écarts offerts sur le marché à ce moment-là. Les écarts changent constamment.

Le sénateur Bolduc: C'est un peu comme les conseils scolaires.

M. Inskip: Les conseils scolaires fonctionnent différemment parce que, en Ontario, par exemple, les conseils scolaires sont tous régis par la même loi. Ils sont régis par la Loi sur l'éducation. Alors que les universités ont chacune leur propre loi. Les conseils scolaires ont tous la même formule de financement. Ils ne se font pas concurrence. Les universités se font concurrence. Les conseils scolaires ont des cotes de crédit semblables.

Le sénateur Bolduc: Il y a les impôts municipaux.

M. Inskip: En Ontario, cela n'existe plus. Les conseils scolaires ont des cotes semblables et les écarts de crédit sont donc relativement semblables pour les émissions d'obligations de même taille. Si vous faites une émission importante, l'écart sera plus petit que pour une petite émission, comme pour les universités.

Le président: Pour revenir à la question qui préoccupe le sénateur Moore, vous dites que les universités ont besoin d'une source de recettes supplémentaire pour rembourser les emprunts supplémentaires si elles veulent financer des travaux d'entretien différé accumulé. Je pense que vous en avez dit un mot plus tôt, mais je voudrais plus de détails.

M. Inskip: Lorsque je parlais plus tôt de l'administration universitaire, j'ai mentionné quatre fonds. Le fonds d'exploitation sert à financer l'administration quotidienne. Il a ses sources de recettes à lui. Il s'agit des subventions de fonctionnement, des frais de scolarité, et cetera. Sa gestion vise normalement le seuil de rentabilité, et l'on se donne beaucoup de mal pour y arriver. Il y a ensuite le compte de capitaux propres, où la gestion se fait normalement projet par projet. L'université reçoit des fonds du gouvernement ainsi que des dons, et de là, elle se dote d'un édifice. Les résidences et les terrains de stationnement constituent les services complémentaires. Ils fonctionnent normalement selon la formule de recouvrement complet mais en visant le seuil de rentabilité. Vous avez enfin les fonds déterminés, qui sont constitués des fondations et des dons, et ces fonds ne peuvent servir qu'à des fins précises. Quand on passe en revue chacun de ces comptes et qu'on voit d'où vient l'argent, comment on l'emploie, on se rend compte qu'il n'y a pas d'autres sources financières. On ne peut qu'augmenter ces fonds. Si l'on va aux sources, par exemple les subventions gouvernementales au titre des immobilisations, si on les augmente, on se retrouve avec une source différentielle qui peut être utilisée, mais les gouvernements peuvent l'interdire.

Les subventions à la recherche et les contrats sont réservés à des fins précises, on ne peut donc pas s'en servir. Dans de nombreux cas, les frais de scolarité et les droits sont régis par le gouvernement. Certaines universités pourraient en théorie, en s'appuyant sur leur réputation, augmenter leurs frais de scolarité sans perdre d'étudiants. D'autres ne le pourraient pas. La plupart des frais de scolarité sont régis par le gouvernement, mais pas tous; si l'université les hausse au-dessus du niveau réglementaire, le gouvernement réduit ses subventions, si bien qu'il n'y a pas de nouvelles recettes. On ne peut donc pas trouver d'argent de ce côté.

Les revenus provenant des placements peuvent être consacrés à un usage particulier, et tout est fonction des actifs qui vous apporteront un revenu. Les ventes et les services complémentaires sont concentrés autour des terrains de stationnement, des résidences et du reste. La seule façon de gagner de l'argent de ce côté, c'est d'exiger plus qu'il n'en coûte et de se servir de l'excédent pour subventionner l'immeuble, mais la plupart des universités ont pour philosophie de ne pas pratiquer l'interfinan cement des services.

Il y a ensuite les dons. Normalement, les donateurs précisent l'usage qui doit être fait de leurs dons, si bien qu'on ne peut pas se servir de cet argent pour restaurer des immeubles.

Aucune de ces sources, donc, ne peut servir à l'amortissement.

Le président: Vous ne nous incitez pas à penser qu'une émission d'obligations servirait à résoudre le problème que mentionnait le sénateur Moore.

M. Inskip: Une émission d'obligations n'est rien de plus qu'un instrument financier servant à combler des écarts dans le temps. Si je veux obtenir une hypothèque sur ma maison, la banque me prêtera de l'argent aujourd'hui en s'attendant à ce que je gagne assez d'argent au cours des 25 prochaines années pour la rembourser. On comble en fait un écart dans le temps. Lorsqu'il s'agit d'entretien différé, l'essentiel est de savoir si vous pouvez identifier une source de recettes qui vous permettra de rembourser plus tard ce que vous pouvez emprunter aujourd'hui. Il ne doit pas y avoir de problème de ce côté, ou vous pouvez vous servir de l'argent que vous avez aujourd'hui. Si cette source était constituée de dons ou de subventions gouvernementales, vous pourriez attendre de recevoir l'argent pour l'utiliser. Si cette source n'existe pas, mais vous promettez de la trouver au cours des 25 prochaines années, comme les conseils scolaires l'ont fait, dans un scénario comme celui-là, vous pouvez emprunter.

Le président: Vous, la Banque Canadienne Impériale de Commerce et, j'imagine, d'autres institutions financières, vous apprêtez à occuper ce terrain-là. Il est évident pour vous qu'il existe un besoin et un marché?

Vous avez analysé le financement et l'administration de nos universités. N'hésitez pas à nous dire ce que vous en pensez. En particulier, je me demande ce que vous pensez du cadre réglementaire dans le contexte de la conditionnalité dont vous parliez plus tôt, où les gouvernements exigent qu'un certain pourcentage des frais de scolarité soit consacré à un usage précis. Jugez-vous sage que l'on impose de telles contraintes à la gestion budgétaire des universités?

M. Inskip: À mon avis, non. J'imagine que la situation varie d'une province à l'autre. Je comprends bien pourquoi on impose certaines limites. Les gouvernements veulent s'assurer que l'argent est bien employé. Si l'objectif de l'université consiste à éduquer les étudiants, on veut s'assurer que l'argent sert bel et bien à ça. Les conseils scolaires ont de l'argent pour les classes, de l'argent pour bâtir de nouvelles installations et de l'argent pour les réparations et l'entretien. Cela marche bien parce que l'institution prêteuse sait qu'il existe des restrictions. Un conseil scolaire insolvable ne peut pas prendre tout l'argent qu'il y a dans l'enveloppe des immobilisations pour accorder à ses employés une augmentation de salaire de 15 p. 100.

Du point de vue du détenteur de l'obligation, les restrictions constituent définitivement une bonne chose, et c'est probablement aussi l'avis du public, mais je ne peux pas vous dire si les restrictions existantes sont les mieux indiquées ou non.

Le sénateur Moore: Monsieur Inskip, en réponse aux questions du sénateur Stratton au sujet des taux d'intérêt qui seraient payables et du type de financement qui serait disponible, vous avez dit que la somme minimale indiquée serait probable ment de 100 millions de dollars si l'on voulait procéder à une émission publique d'obligations comme celle que votre entreprise a faite. Si c'est moins que cela, vous pensez qu'un placement privé serait préférable, avec au moins 25 points de base de plus?

M. Inskip: Les écarts qu'il y aurait au Canada refléteraient le risque au niveau du crédit, des liquidités et de la taille de l'émission. Dans le cas de l'Université de Toronto, l'écart serait d'environ 65 points de base. Pour une autre université, l'écart serait peut-être de 100 points, pour une émission de taille semblable. Si cette université est moins bien cotée, l'écart sera de 100 points de base, et si elle ne veut que 25 millions de dollars, il faudra ajouter 25 points pour tenir compte du fait qu'il s'agit d'obligations non échangeables, qui sont difficiles à vendre et que l'on vendra à des universités choisies. Dans de tels cas, l'écart pourrait être de 125 points.

Tout dépend de l'écart de crédit qu'on fixerait pour l'université qui émettrait des obligations importantes et échangeables, et des frais s'ajouteraient pour une émission plus petite.

Le sénateur Moore: Pour 25 à 100 points, on effectuerait un prêt bancaire normal?

M. Inskip: À la page 1, j'explique les trois. Un prêt bancaire pourrait être une option. J'ai mentionné qu'entre 25 et 100 millions de dollars, on pourrait procéder par voie de placement privé. Les courtiers en valeurs mobilières n'appliquent pas tous les mêmes critères relativement à la taille. Un courtier en valeurs mobilières pourrait vous dire que si c'est moins de 50 millions de dollars, ça n'en vaut pas la peine.

Le sénateur Moore: Quel taux d'intérêt exigerait-on pour une opération pareille?

M. Inskip: Tout dépend de l'émetteur et des garanties qui existent. L'Université de Toronto est à 65. C'est le plus bas qu'on peut obtenir pour n'importe quelle université canadienne. Après ça, ça monte. Une émission sur 10 ans est différente d'une émission sur 30 ans. Il y a de nombreuses variables.

Le sénateur Moore: Et ce serait sûrement beaucoup plus cher.

M. Inskip: Je ne sais pas si ce serait beaucoup plus cher. Si, de manière générale, on demande entre 7 et 8 p. 100, est-ce que c'est bien cher? Je ne sais pas. Il ne fait aucun doute que toute émission d'obligations universitaires au Canada porterait un taux d'intérêt supérieur à celui qu'offrirait l'Université de Toronto.

Le sénateur Moore: Pour ce qui est du financement de l'entretien différé cumulatif, vous avez dit que le marché obligataire ne s'intéresserait pas à une chose pareille. Pourquoi en est-il ainsi? Si vous dirigez une université qui a besoin de 50 millions de dollars, où allez-vous trouver cet argent, compte tenu de ce que vous nous avez dit au sujet des paramètres et des considérations qui interviennent?

M. Inskip: Le marché obligataire ne serait pas le seul à manquer d'intérêt. Toute institution prêteuse, qu'il s'agisse d'une banque ou d'une autre institution, voudra savoir comment on va la rembourser. S'il s'agit de l'amortissement, l'emprunt n'est pas une solution magique. Emprunter de l'argent pour réparer un immeuble ne vous rapportera pas de recettes supplémentaires parce que vous n'avez fait que maintenir votre actif dans l'état où il devrait être. Vos recettes sont exactement les mêmes qu'avant, à la différence que vous avez maintenant une dette. Vous allez devoir vous demander: «Comment vais-je repayer cela?»

Il y a deux possibilités. La première, c'est de trouver de nouvelles recettes. J'examinerais toutes mes sources de recettes. J'exercerais des pressions auprès des gouvernements pour obtenir plus d'argent.

Idéalement, on demanderait au gouvernement de financer cela à 100 p. 100; on pourrait aussi proposer un fonds de contrepartie où le gouvernement contribuerait 1 $ pour chaque dollar recueilli. Cela pourrait se faire en partie par la collecte de fonds et en partie par des économies du côté des coûts d'exploitation. En réalité, puisque le financement a baissé de façon générale au cours des années 90. Tout le monde a cherché toutes les réductions possibles. On est déjà passé par là. Il faudrait unir des dons à des subventions du gouvernement. Mais c'est difficile à vendre. Tout le monde aime couper des rubans. On n'aime pas financer l'entretien différé.

Certaines personnes font des dons sans restriction. Les dons sans restriction, associés à des subventions du gouvernement, pourraient constituer une solution.

Le sénateur Moore: Vous avez employé le mot«gouvernement» plusieurs fois dans votre réponse. On n'émettra pas un chèque de 3,6 milliards de dollars, mais on pourrait peut-être créer des allégements fiscaux pour encourager des dons. C'est un problème énorme. Je suis de la Nouvelle-Écosse. Je connais les universités de la Nouvelle-Écosse et dans les autres provinces de l'Atlantique. Je connais la situation, car j'ai lu le rapport mentionné par notre président. Certaines universités au Québec et en Ontario ont besoin de centaines de millions de dollars. On dit qu'il faut un milliard de dollars tout de suite, apparemment pour des choses qui auraient dû être faites hier. Je vois mal comment on y arrivera.

Je fais partie du conseil d'administration de l'Université St. Mary, et nous traitons de tous les problèmes que vous avez soulevés. Comment peut-on faire face à ces situations? Les universités ont subi des compressions. Les exigences des étudiants ont augmenté. Les fonds prévus pour la recherche n'aident pas à construire de nouvelles installations.

Le comité cherche des éléments de solutions, afin de pouvoir faire des recommandations au gouvernement.

M. Inskip: Malheureusement, le marché des obligations ne nous offre pas d'éléments de solutions. Au lieu d'offrir un chèque de 3,6 milliards de dollars, vous pourriez dire: «Je vais émettre une série de chèques pour de plus petits montants pour permettre au marché des obligations de prêter de l'argent.» Vous donnez un chèque cette année, l'année prochaine et l'année d'après; les montants sont donc plus petits. La seule différence, c'est qu'on ne donne pas tout l'argent au même moment. Une solution serait de réduire le montant du chèque pour une année donnée. Cependant, cela ne réduit pas le montant global. En fait, le montant finirait peut-être par être encore plus élevé, en raison des intérêts qui s'accumulent avec le temps.

On pourrait espérer travailler en collaboration avec l'université. Je dis toujours à mon fils: «Si tu fais ceci, je ferai cela.» Pour les universités, le plus simple, c'est de demander au gouvernement de leur donner tout l'argent dont elles ont besoin. En fait, elles ont sans doute besoin de beaucoup d'argent et leur capacité d'y contribuer est probablement limitée, mais on pourrait peut-être trouver une façon d'associer les subventions à des activités de financement.

Le sénateur Moore: Il faut quand même trouver la source de remboursement.

M. Inskip: Absolument. Le marché des obligations ne fait que fournir des fonds selon un échéancier. Si vous avez besoin de l'argent maintenant et que vous voulez rembourser la dette l'année prochaine, ça va, mais il faut pouvoir indiquer la source du remboursement.

Le président: Lorsque vous avez visité des universités, avez-vous été témoin ou entendu parler de cas graves d'entretien différé accumulé?

M. Inskip: Ce n'était pas évident, mais si j'avais cherché un peu j'aurais peut-être trouvé de tels cas. Plusieurs universités m'ont effectivement dit que le montant cumulé des amortisse ments atteignait les centaines de millions de dollars et que cela les inquiétait. Elles se trouvent dans l'impossibilité d'emprunter de l'argent parce qu'elles ne pourraient pas rembourser la dette. Comme vous le savez tous, c'est un problème pour les universités. Nous n'avons fait que reconnaître qu'il s'agit d'une préoccupation de la part des universités.

Le président: Croyez-vous qu'il s'agit d'un problème de gestion au sein des universités?

M. Inskip: En ce qui concerne l'amortissement cumulé...

Le président: Oui.

M. Inskip: Je ne pourrais vous répondre.

Le président: Nous savons tous que les universités ont subi des contraintes financières sévères depuis plusieurs années.

Nous allons avoir l'occasion d'en parler avec elles.

J'aimerais remercier M. Inskip d'avoir témoigné ici ce soir.

La séance est levée.


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