Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 24 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 24 octobre 2001
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit ce jour à 17 h 47 pour examiner l'efficacité et les améliorations possibles de la politique actuelle de péréquation pour ce qui est de donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour leur permettre d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparable.
Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous nous réunissons à nouveau aujourd'hui pour discuter de péréquation avec deux témoins. Nous allons essayer de répartir la séance à peu près également entre les deux mais, comme toujours, je me laisserai guider par vos indications.
Notre premier témoin a beaucoup publié sur cette question et vous avez d'ailleurs certains de ses écrits dans votre dossier. Il s'agit de Ken Boessenkool, président de Sidicus Consulting Limited, une firme de consultance en politique économique et publique. M. Boessenkool a beaucoup publié sur des questions d'intérêt public, notamment sur les transferts fédéraux provinciaux, les régimes provinciaux de bien-être social, le traitement fiscal de la famille et la politique monétaire. Durant sa carrière, il a été conseiller politique du trésorier provincial de l'Alberta, analyste de politiques à l'Institut C.D. Howe, et conseiller en politique économique d'un parti d'opposition qui n'est pas désigné dans sa biographie mais dont je peux vous dire avec certitude qu'il constitue aujourd'hui l'opposition officielle à Ottawa. En mai de cette année, il a écrit un document intitulé «Taking off the shackles: Equalization and the Development of Non-renewable Resources in Atlantic Canada», qui a été publié par AIMS, le Atlantic Institute for Market Studies.
M. Boessenkool m'a dit en privé qu'il avait conseillé le gouvernement de l'Alberta sur sa mise en oeuvre du régime d'imposition à taux unique du revenu des particuliers, l'Alberta étant la première province à avoir mis en oeuvre un tel régime.
M. Boessenkool a donc fait une carrière extrêmement intéressante et il a publié des études fort stimulantes sur le sujet qui nous intéresse aujourd'hui. Je l'accueille avec grand plaisir et je lui donne la parole.
M. Ken Boessenkool, président de Sidicus Consulting Limited: Honorables sénateurs, j'ai beaucoup de choses à vous dire. Je crois que l'on vous a distribué un document intitulé «Ten Reasons to Remove Non-renewable Resources from Equalization». J'ai l'intention de vous exposer ces 10 raisons, en faisant de brèves remarques sur chacune d'elles. On m'a dit que vous préférez écouter d'abord ma déclaration liminaire puis me poser des questions.
Après 44 ans et 180 milliards de dollars de dépenses de péréquation, les provinces maritimes sont à peine plus capables aujourd'hui de répondre aux besoins de leurs citoyens avec leurs propres sources de recettes qu'en 1957, année de création du Programme de péréquation. En moyenne, près de 40 p. 100 des budgets provinciaux des quatre provinces des Maritimes proviennent de transferts fédéraux, une grosse partie sous forme de péréquation.
Cela dit, l'époque actuelle est la meilleure que l'on ait jamais connue pour que les provinces maritimes réduisent leur dépendance à l'égard des transferts fédéraux et deviennent maîtresses chez elles. En effet, l'économie de l'industrie naissante du pétrole et du gaz naturel de haute mer dans les provinces maritimes est particulièrement positive. On prévoit que Terre-Neuve produira d'ici à dans quelques années environ 40 p. 100 du pétrole conventionnel du Canada. Un gazoduc, et ce n'est peut-être que le premier, relie déjà la Nouvelle-Écosse à la Nouvelle-Angleterre. Il semble que l'on risque de découvrir des ressources pétrolières en haute mer et le long des côtes dans pratiquement chaque province de la région.
La mise en valeur des ressources naturelles, essentiellement pétrolières mais aussi minières, crée des conditions qui permettront peut-être bien à la région de connaître un taux de croissance économique largement supérieur à celui du reste du pays. Hélas, étant donné la manière dont les ressources naturelles sont traitées dans le Programme de péréquation, le potentiel de croissance et la concrétisation de ce potentiel sont deux choses très différentes pour la région de l'Atlantique.
Pour faire face à ce problème, j'ai récemment proposé dans l'étude mentionnée par le sénateur Murray que l'on retire complètement les ressources non renouvelables du Programme de péréquation. Cette position repose sur 10 raisons que je vais maintenant vous expliquer. Je vous assure que vous allez entendre une liste des 10 premières raisons que vous n'entendrez jamais chez Dave Letterman.
La première raison est que les recettes des ressources ne font qu'embrouiller le Programme de péréquation. Lors de sa création, en 1956, elles n'étaient pas incluses. C'est en 1962 qu'on a inclus la moitié des recettes issues des ressources. Pendant les 20 années suivantes, notamment pendant la crise de l'OPEP des années 70, Ottawa a manipulé à huit reprises le traitement des recettes des ressources dans le Programme de péréquation.
En 1982, dans le cadre du renouveau constitutionnel, Ottawa a adopté la norme actuelle des cinq provinces, excluant donc l'Alberta et, par conséquent, ses recettes issues des ressources, du calcul des paiements de péréquation. Il a aussi exclu les provinces maritimes.
Plus récemment, Ottawa a négocié des ententes bilatérales spéciales avec les provinces destinataires en manipulant à nouveau la formule des ressources pour essayer de réduire ses effets dissuasifs. Ottawa a créé certains transferts spéciaux en espèces pour un certain nombre de provinces des Maritimes, par exemple dans le cadre d'Hibernia et de divers fonds de développement, afin de compenser l'incidence de la baisse des paiements de péréquation suite à la hausse des redevances issues des ressources. En bref, les ressources naturelles n'ont jamais été une bonne composante du Programme de péréquation.
Deuxième raison: éliminer les ressources non renouvelables simplifierait considérablement le programme. Sur les 33 sources de recettes utilisées dans la formule de péréquation, 11 sont directement reliées aux ressources non renouvelables, et 10 au pétrole et au gaz naturel. Les catégories comprennent le nouveau pétrole, le vieux pétrole, le pétrole lourd, le pétrole de mine, le pétrole de troisième palier, le pétrole lourd de troisième palier et, au cas où on aurait oublié quelque chose, le pétrole autre, ainsi que deux catégories de pétrole et gaz naturel hauturiers et gaz naturel. La onzième catégorie s'intitule «recettes des autres ressources minières».
Éliminer ces sources de recettes de la formule simplifierait considérablement la péréquation et réduirait d'un tiers le nombre de sources de recettes fiscales de la formule.
Troisième raison: la présence des ressources non renouvelables dans la péréquation engendre des incitatifs pervers. La péréquation est destinée à fournir aux provinces moins nanties des fonds qui leur permettront d'avoir des recettes correspondant à un niveau commun ou standard. L'existence même du programme et les sommes d'argent que l'on y consacre démontrent que les Canadiens sont tout à fait prêts à partager les richesses avec les autres provinces. Malgré cela, les paiements de péréquation peuvent nuire aux meilleurs intérêts économiques des provinces lorsqu'ils punissent celles qui procèdent à une mise en valeur responsable de leurs ressources non renouvelables. À preuve, toute augmentation des recettes publiques issue de ces ressources est déduite des paiements de péréquation de la province dans une proportion pouvant atteindre 100 p. 100. En conséquence, les provinces destinataires sont fort peu incitées à réduire leur dépendance envers la péréquation au profit de l'exploitation de leurs ressources naturelles.
À une époque où la politique budgétaire tend à s'écarter des taux d'imposition marginaux élevés et du cercle vicieux de l'aide sociale, le traitement des ressources dans la péréquation est tout à fait bizarre. Ma proposition éliminerait cette anomalie. Elle écarterait le Programme de péréquation de l'équivalent de taux d'imposition marginaux élevés appliqués aux recettes des ressources provinciales non renouvelables et l'écarterait du cercle vicieux de l'aide sociale que cela engendre, notamment pour les provinces de l'Atlantique.
La quatrième raison est que la présence des ressources non renouvelables dans la formule cause des problèmes budgétaires à Ottawa. Dans un ouvrage qui a fait date, Social Canada in the Millennium, publié par l'Institut C.D. Howe, le professeur Tom Courchene montre que l'approche d'Ottawa à l'égard des ressources non renouvelables a toujours été d'essayer d'en minimiser le rôle. Le gouvernement fédéral a agi de cette manière parce que la volatilité des prix du pétrole et du gaz naturel a produit de très fortes fluctuations potentielles du coût du Programme de péréquation. Voilà pourquoi Ottawa exclut actuellement l'Alberta du calcul des droits à la péréquation. Toutefois, cela veut dire que le programme ne reflète pas la capacité budgétaire moyenne des 10 provinces mais de seulement cinq d'entre elles.
La cinquième raison pour laquelle il faut retirer les ressources non renouvelables de la péréquation est que leur présence dans la péréquation est peut-être anticonstitutionnelle. En vertu de la Charte, la propriété des ressources non renouvelables, et les pouvoirs législatifs correspondants, appartiennent exclusivement aux provinces. L'article 92A en particulier limite aux provinces le droit d'adopter des lois sur les ressources non renouvelables. Le paragraphe (4) de cet article attribue aux provinces le pouvoir de taxation directe des ressources non renouvelables.
L'article 125 renforce cette disposition en disposant que les terres appartenant à une province et contenant des ressources non renouvelables ne doivent pas être taxées.
J'ajouterai une réserve à cette remarque. Les ressources de haute mer sont traitées différemment. Juridiquement, elles appartiennent au gouvernement fédéral, pas aux provinces. Toutefois, j'avance dans mon étude qu'Ottawa a cédé la propriété de fait de ces ressources hauturières à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve en autorisant ces provinces à les taxer. Ainsi, les provinces possèdent ces ressources, pas en droit mais en fait, parce que le gouvernement fédéral les a autorisées à percevoir des redevances à leur égard.
En ce qui concerne les provinces et les ressources naturelles, Dan Usher souligne que la Constitution attribue aux provinces la propriété de l'arbre ainsi que le droit aux fruits. À mon sens, la compétence d'Ottawa est douteuse lorsqu'il s'agit de redistribuer ces ressources dans l'ensemble du pays par le truchement de la péréquation.
Sixième raison: la présence des ressources non renouvelables dans la péréquation n'a aucun sens sur le plan économique. Il existe à mon avis une bonne explication au fait que les ressources ne se sont jamais bien intégrées à la formule de péréquation. Du point de vue économique, les redevances provenant des ressources non renouvelables sont de nature foncièrement différente des autres types de recettes. Je vais vous en donner une illustration comptable. Prenez une boulangerie. Les recettes que le boulanger tire de son pain constituent son revenu et, au fond, les pertes et profits de la boulangerie. Elles figurent sur sa déclaration de revenu. Toutefois, s'il vend l'un de ses fours, le produit de cette vente n'apparaîtra pas sur sa déclaration de revenu. En effet, il ne s'agit pas d'un revenu mais du produit de la vente d'une immobilisation.
Les taxes perçues sur le revenu des particuliers et des entreprises, tout comme sur les ventes, sont similaires aux recettes produites par la vente du pain. Elles sont légitimement considérées comme un revenu servant à dispenser des services publics.
Les ressources non renouvelables sont tout à fait différentes. Comme je viens de l'indiquer, en vertu de la Constitution, elles appartiennent aux provinces. Lorsqu'elles sont vendues et qu'une province perçoit une redevance sur la vente, la seule chose qui a changé est que la province a maintenant une somme en espèces au lieu d'un bien liquide dans le sol.
Hélas, la péréquation ne fait aucune distinction entre le revenu et le produit de la vente d'une immobilisation. Elle traite les recettes des redevances de la même manière que les taxes sur le revenu des particuliers et des entreprises et sur les ventes. Les paiements de péréquation baissent en réponse aux changements des redevances, même si tout ce que la province a fait a été de convertir un bien physique, le pétrole et le gaz naturel du sous-sol, en un bien financier en le vendant pour obtenir des liquidités et en percevant une redevance sur cette vente.
Ma septième raison est que la formule de péréquation comptabilise deux fois la capacité budgétaire issue des ressources.
Un deuxième argument économique est que la rente, c'est-à-dire le profit économique pur de l'extraction des ressources naturelles, est à toutes fins utiles capitalisée dans d'autres prix de l'économie générale. À titre d'exemple, vous trouverez dans mon étude un graphique qui fait clairement ressortir ce phénomène. En Alberta, par exemple, le prix des maisons et les salaires suivent remarquablement bien l'évolution des prix du pétrole et du gaz naturel. Ces variations de prix des autres sources d'impôts, les salaires et les prix des maisons, par exemple, reflètent l'aptitude budgétaire additionnelle qui résulte de la découverte et de l'exploitation de ressources non renouvelables. Comme ces autres bases d'imposition que sont les salaires, par le truchement de l'impôt sur le revenu des particuliers, et le prix des maisons, par le truchement d'un facteur commun d'impôts fonciers, sont exclues de la formule de péréquation, les recettes issues des ressources naturelles n'ont pas besoin d'être incluses.
Les universitaires défendent l'argument de la capitalisation et le fait que les États-Unis n'ont pas d'équivalent au Programme de péréquation du Canada malgré de grosses variations dans la capacité budgétaire des États. La thèse qui domine aux États-Unis est que les différences de capacité budgétaire entre, disons, l'État de New York et le Mississippi, se reflètent ou, dans le jargon des économistes, sont «capitalisées» dans les différences de salaires et d'autres prix, par exemple des biens immobiliers. En conséquence, la péréquation est inutile.
Si le Mississippi perçoit moins d'impôts pour dispenser moins de services, il paie également des salaires plus bas pour dispenser ces services. Si l'État de New York perçoit plus de recettes de ses diverses assiettes fiscales, il doit aussi payer des salaires plus élevés pour dispenser ses services. Il y a donc déjà un redressement économique qui se fait.
Manifestement, le Canada n'est pas prêt à aller jusque-là puisque nous avons des dispositions sur la péréquation dans notre Constitution mais je tenais à soumettre cet exemple à votre réflexion.
Retirer les recettes des ressources non renouvelables permettrait au Programme de péréquation de refléter la capacité budgétaire de toutes les provinces plutôt que de cinq seulement, comme c'est le cas actuellement. Cela constitue ma huitième raison. Comme les ressources non renouvelables de l'Alberta ne produiraient plus de grosses fluctuations du coût du programme, l'Alberta pourrait réintégrer la formule, avec les provinces de l'Atlantique.
Une norme à 10 provinces serait donc plus conforme à l'intention de l'article 36 de la Constitution, l'article dit de péréquation, que la norme actuelle à cinq provinces.
Ma neuvième raison est que retirer les ressources non renouvelables se traduirait par des ajustements très petits pour les provinces destinataires. Si ma proposition avait existé en 1999-2000, quelles auraient été les conséquences pour les provinces destinataires? La présence des recettes du pétrole et du gaz naturel hauturiers de Terre-Neuve se serait traduite par une réduction de 6 $ de son transfert par habitant, par rapport au statu quo.
Les autres provinces des maritimes, ainsi que le Québec et le Manitoba, auraient enregistré une baisse de leurs paiements se situant entre 44 $ et 69 $ par habitant. Je précise que les droits à la péréquation sont calculés par habitant. Vous trouverez tous ces chiffres dans un tableau de mon document, y compris l'incidence totale en millions de dollars.
L'incidence la plus prononcée de ma proposition aurait été enregistrée par la Saskatchewan, où le paiement par habitant aurait plus que doublé suite à l'élimination des recettes issues du pétrole, du gaz naturel non renouvelable et de la potasse.
Si l'on compare ces réductions aux recettes provinciales totales, la réduction totale en espèces pour toutes les provinces aurait été minime, soit environ 1 p. 100 de leurs recettes totales.
Du point de vue d'Ottawa, le coût total du programme en vertu de ma proposition aurait baissé de 33 millions de dollars, ce qui est tout à fait minuscule pour un programme de 10,8 milliards.
Ces réductions sont-elles gérables? Les paiements de péréquation par habitant ont beaucoup fluctué au cours des 20 dernières années. La variation annuelle moyenne a été de plus de 75 $ par habitant à Terre-Neuve et au Nouveau-Brunswick, d'environ 60 $ au Manitoba et en Saskatchewan, et d'environ 30 $ au Québec. En conséquence, les variations historiques ont été tout à fait similaires à celles que j'envisage dans ma formule. En outre, ces réductions sont plus petites que les augmentations dont auraient bénéficié ces provinces au titre de la péréquation dans les années récentes, du fait d'une forte croissance économique en Ontario et de l'abolition par le ministre Martin du plafond de 10 milliards de dollars du Programme de péréquation.
Ma dernière raison est que, politiquement parlant, ce serait du gâteau.
Je vais conclure mon exposé en formulant quelques remarques sur les aspects politiques de la proposition.
Comme vous le savez, le Programme de péréquation fait l'objet d'une révision quinquennale, la prochaine étant prévue pour 2004 ou 2005, alors que toutes les provinces et Ottawa font le point sur le programme, s'entendent sur des modifications et les ratifient pour cinq années supplémentaires. Cela veut dire que proposer des modifications ne jouissant pas d'un large appui des provinces serait probablement un exercice totalement futile.
L'élimination des ressources non renouvelables du Programme de péréquation serait probablement appuyée aux deux extrémités du pays. Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse ont manifestement intérêt à détacher la péréquation de l'exploitation des ressources non renouvelables, étant donné que leur production de pétrole et de gaz naturel devrait augmenter progressivement dans les prochaines années.
À l'autre bout du pays, notamment en Alberta, on serait manifestement tout aussi intéressé par une proposition qui amènerait les provinces à disposer d'une plus grande autonomie quant à l'exploitation de leurs ressources naturelles. Voilà pourquoi nous avons récemment vu le premier ministre Hamm et le premier ministre Klein s'entendre comme larrons en foire à ce sujet. L'Ontario ne s'opposerait probablement pas à l'initiative, étant donné que son incidence serait pour elle minime, voire inexistante.
L'obstacle pourrait être plus difficile à franchir au Québec, au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard, provinces qui feraient face à de petites réductions de leurs paiements, avec la nouvelle formule, sans avoir la compensation de percevoir des taxes plus élevées sur les développements existants de ressources non renouvelables.
Examinez cependant l'attrait de quatre contrepoids. Premièrement, les changements ne représenteraient que 1 p. 100 des recettes provinciales. Deuxièmement, pour chaque province, sauf l'Île-du-Prince-Édouard, les paiements seraient quand même plus élevés que ceux qui ont été versés aussi récemment qu'il y a deux ans. Troisièmement, la réduction par rapport au statu quo serait plus faible que l'augmentation récente causée par l'abolition du plafond de 10 milliards de dollars. Quatrièmement, et c'est encore plus important pour les gens qui connaissent bien la situation du gaz naturel et des ressources dans les provinces de l'Atlantique, on admet généralement aujourd'hui que le bassin du Saint-Laurent est l'un des derniers bassins restants d'hydrocarbures en Amérique du Nord. Le Québec, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard font toutes des pieds et des mains pour négocier des accords hauturiers avec Ottawa au cas où l'on trouverait du pétrole et du gaz naturel dans leurs eaux.
Des forages côtiers se font actuellement au Nouveau-Brunswick. Toute la partie est du pays risque d'engranger d'importantes recettes du pétrole et du gaz naturel dans un avenir prévisible. Si ces quatre contrepoids ne sont pas suffisants, à mon avis Ottawa pourrait facilement offrir un mécanisme de transition, comme cela s'est souvent fait dans le passé, en garantissant des paiements à l'ancien niveau jusqu'à ce que la nouvelle formule les ait rattrapés, ce qui fait qu'aucune province n'y perdrait quoi que ce soit.
En conclusion, étant donné l'appui de l'Est et de l'Ouest et une résistance minime, voire nulle, du centre, Ottawa ne s'opposerait probablement pas à cette proposition qui ne signifierait pas grand-chose du point de vue des recettes globales du gouvernement fédéral. Le bilan fédéral continuerait d'être protégé contre les vicissitudes du prix des ressources non renouvelables, notamment du pétrole et du gaz naturel. La formule permettrait de simplifier considérablement le programme et produirait ce que j'appellerais un «truc du chapeau» intergouvernemental, chose rarissime dans le monde mystérieux des relations intergouvernementales au Canada.
Le sénateur Bolduc: Quel serait l'impact sur le gouvernement fédéral du retrait des ressources non renouvelables de la formule de péréquation?
M. Boessenkool: Le coût du programme baisserait de 33 millions de dollars.
Le sénateur Bolduc: Si cette proposition est dans l'intérêt de la plupart des provinces et du gouvernement fédéral, pourquoi n'a-t-elle pas encore été mise en oeuvre?
M. Boessenkool: Voulez-vous une réponse politique ou une réponse différente?
Le sénateur Bolduc: Les deux.
M. Boessenkool: Tout d'abord, une fois qu'on ouvre cette boîte de Pandore, c'est comme la Constitution. Quelqu'un fait une proposition raisonnable et, d'un seul coup, beaucoup de provinces nous arrivent avec des propositions qui le sont beaucoup moins. Je crois comprendre que le ministre Martin est très réticent à ouvrir une partie du programme au risque que tout le monde débarque avec ses petites revendications. Je crois que cela fait partie de l'explication.
Ce programme est tellement complexe qu'il est difficile d'en modifier un petit élément. Voilà pourquoi je pense qu'un comité comme le vôtre, agissant en commun avec les autres comités de la Chambre, pourrait présenter des arguments tout à fait convaincants en disant: Nous n'avons peut-être pas besoin de tout revoir mais, considérant ce qui se passe dans les provinces de l'Atlantique et considérant l'appui vigoureux du premier ministre Klein, il pourrait être tout à fait légitime de se pencher sur cet aspect particulier du Programme de péréquation afin de le régler d'une manière qui laisserait les provinces maritimes dans une meilleure situation.
Cela répond-il à votre question?
Le sénateur Bolduc: Oui. Je dois dire que j'ai toujours pensé que les biens de cette nature ne devraient pas faire partie de la péréquation. À mon avis, sur le plan économique, inclure des immobilisations n'a aucun sens.
Le président: J'espère que vous savez que le sénateur Bolduc a été formé à l'Université de Chicago.
M. Boessenkool: J'ai quelques amis qui ont aussi étudié là-bas. C'est une excellente université.
Je peux faire quelques remarques complémentaires sur chacun de ces points. L'idée que ces ressources constituent des immobilisations n'est pas une idée fumeuse d'économistes comme moi oeuvrant dans des centres d'études politiques. Si vous examinez ce que l'Alberta a fait de ses ressources naturelles pendant les 25 dernières années, vous y trouverez un exemple. L'Alberta Heritage Savings Trust Fund a été créé pour plusieurs raisons, l'une d'entre elles étant que les citoyens de l'Alberta ont compris que leurs richesses non renouvelables du sous-sol étaient des richesses qui devraient profiter aussi aux générations futures.
J'ai publié la semaine dernière une étude sur la situation budgétaire de l'Alberta dans laquelle je critiquais assez vivement le fait que, depuis deux ans, l'Alberta a commencé à dépenser trop de ses ressources non renouvelables. Il y a 20 ans, cet argent avait été placé dans le Heritage Fund. Depuis cinq ou six ans, la province s'en sert pour rembourser sa dette. Dans les deux cas, on a considéré les ressources non renouvelables comme un bien à long terme. En fait, c'est en Alberta que j'ai eu cette idée de proposition pour le Programme de péréquation.
Le sénateur Bolduc: L'exemple de l'Alberta fait partie de l'argument, mais son résultat constitue en fait l'élément essentiel. Ce qu'a fait l'Alberta a eu un effet économique pervers.
M. Boessenkool: J'affirme dans mon étude que la manière dont les ressources renouvelables sont traitées dans la formule donne en fait aux provinces une incitation à dépenser l'argent le plus vite possible et à l'intégrer à leurs recettes annuelles car le gouvernement fédéral réduit leurs paiements de péréquation lorsque leurs redevances augmentent. Les provinces maritimes sont donc en fait incitées à ne pas traiter ces recettes comme des immobilisations à long terme, comme l'Alberta l'a fait en remboursant la dette et en créant le Heritage Fund. Comme ces recettes sont dans la formule, les provinces de l'Atlantique sont obligées de les intégrer à leurs recettes courantes, à moins qu'elles ne veuillent ajuster leurs dépenses. À mon sens, c'est un effet pervers.
Le sénateur Bolduc: Pour moi, c'est l'argument le plus convaincant.
M. Boessenkool: Brian Lee Crowley présente souvent un argument qui m'est difficile de formuler parce que je viens de l'Alberta. Il affirme que, lorsque l'Alberta a exploité ses ressources non renouvelables, le gouvernement fédéral ne lui a jamais retiré un dollar pour chaque dollar qu'elle en a tiré. Pourquoi devrait-il maintenant traiter différemment les provinces maritimes?
Le sénateur Bolduc: Le problème, c'est que les ressources des Maritimes sont des ressources fédérales.
M. Boessenkool: Certaines d'entre elles.
Le sénateur Bolduc: On les a considérées provinciales.
M. Boessenkool: Je reconnais qu'il s'agit là d'un obstacle pour ma proposition, étant donné que les ressources hauturières appartiennent juridiquement au gouvernement fédéral. Néanmoins, celui-ci les traite comme des ressources provinciales depuis le début. Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse perçoivent des redevances à leur sujet. J'en conclus qu'Ottawa les considère comme des ressources provinciales.
Après avoir discuté avec M. Crowley, au Atlantic Institute for Market Studies, j'ai réalisé qu'il y a aussi beaucoup d'activité sur terre. Par exemple, on pourrait également présenter cet argument pour Voisey's Bay.
Le sénateur Bolduc: Je suis surpris parce que le ministre des Finances du Nouveau-Brunswick dit qu'il est toujours contre, alors que le Nouveau-Brunswick sait parfaitement qu'on risque de découvrir des ressources dans le golfe du Saint-Laurent. Je ne comprends pas sa position.
M. Boessenkool: Je me souviens très bien de ses remarques, qui m'ont tout aussi surpris que vous, tout comme elles ont surpris le premier ministre de l'Alberta. Il venait de discuter avec le premier ministre Hamm et les deux s'étaient très bien entendus sur cette question, ce qui est tout à fait remarquable pour le Canada. Il est rare que l'Alberta et certaines provinces de l'Atlantique adoptent la même position sur ce type de question. J'ai donc été surpris de voir le premier ministre du Nouveau-Brunswick prendre une position tout à fait différente.
Le président: Je pense que vos remarques sur l'aspect politique de la proposition sont bonnes. Toutefois, quand j'ai discuté de cette question avec le ministre des Finances, Paul Martin, au printemps dernier, il s'est montré fort peu réceptif.
L'opinion des fonctionnaires est la suivante: pourquoi devrions-nous traiter ces recettes différemment? Les provinces ne les traitent pas différemment. On tourne en rond.
Pour empirer les choses, le premier ministre Harris a fait récemment des remarques relativement acerbes au sujet de la proposition du premier ministre Hamm. Je ne sais que conclure de tout cela.
Je suppose que le principe fondamental est que les paiements de péréquation de la province devraient diminuer à mesure que s'améliore sa situation budgétaire. D'un point de vue général, cela devrait être facile à faire accepter.
M. Boessenkool: J'affirme dans mon étude que l'exploitation des ressources non renouvelables en Alberta ou ailleurs est le principal moteur de croissance économique. M. Crowley a publié un article à ce sujet, peu après les remarques de M. Harris, en disant qu'il faut faire une distinction entre ce qui propulse la croissance économique et ce qui résulte de la croissance économique. Je n'ai pas de difficulté avec l'argument du premier ministre Harris s'il dit que, lorsque les recettes de l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés et des taxes de vente augmenteront de 100 p. 100, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, les paiements de péréquation de ces provinces devraient baisser. Il s'agira de recettes réelles, qu'elles pourront vraiment dépenser.
En revanche, une ressource non renouvelable représente un bien en capital, une immobilisation, pas un flux d'argent. Je ne pense pas qu'il soit légitime de ne pas permettre à une province d'exploiter ses propres ressources non naturelles. C'était précisément l'argument de M. Crowley en réponse à M. Harris.
Le président: Pensez-vous que nous devrions retourner à la norme des 10 provinces?
M. Boessenkool: Oui. Si l'on élimine les 11 assiettes fiscales provenant des ressources non renouvelables, on peut retourner à une norme de 10 provinces, ce qui évitera les énormes fluctuations de la formule, qui sont toutes provoquées par l'Alberta et par le prix des ressources naturelles. Les chiffres que je vous ai cités au sujet des effets du programme sont le fruit d'une formule à 10 provinces avec l'élimination des ressources non renouvelables. Tout cela est exposé en détail dans l'étude du Atlantic Institute for Market Studies, que l'on peut obtenir facilement par Internet et dont j'ai apporté avec moi quelques exemplaires pour les sénateurs que cela intéresse.
Le président: Juste pour rassurer un peu la trésorière provinciale de l'Île-du-Prince-Édouard, pensez-vous que l'on devrait donner l'assurance, avec votre proposition, que toute province qui se retrouve perdante au début bénéficierait d'une compensation de transition?
M. Boessenkool: Il y a plusieurs choses à prendre en compte à ce sujet. La première est que la petite réduction que provoquerait ma proposition sera bien inférieure aux récentes augmentations que vient d'enregistrer l'Île-du-Prince-Édouard. Plus important encore, au moment des modifications importantes apportées en 1967, en 1972 et en 1982, le gouvernement fédéral a dit aux provinces: Voici votre situation actuelle et, avec la nouvelle proposition, vous allez vous retrouver dans telle situation, avec un taux de croissance différent. Considérant votre situation actuelle, nous allons la protéger avec la nouvelle formule jusqu'à ce que celle-ci vous ait permis de combler l'écart. Ensuite, quand vous aurez atteint ce niveau, vous commencerez à remonter.
Ottawa a agi de cette manière à plusieurs reprises dans le passé. Il n'y a donc aucune raison pour qu'on ne calcule pas aujourd'hui les nouveaux droits à la péréquation en donnant l'assurance à la province qu'elle ne tombera pas en dessous de ce niveau où elle était il y a quelques années.
Ce qui est intéressant c'est que, avec la récession économique, nous risquons de constater une baisse notable des paiements de péréquation. Je n'ai pas calculé le nouveau chiffre avec les nouvelles prévisions économiques mais je ne suis pas loin de penser que, si l'on faisait les calculs, les chiffres seraient beaucoup plus favorables.
Le président: Nous demanderons à la trésorière de l'Île-du-Prince-Édouard, lorsqu'elle s'avancera à la table, si son ministère a fait des calculs en ce sens.
Le sénateur Stratton: Bien que je sois d'accord avec ce que vous dites, en principe, je pense qu'il serait merveilleux que tout le monde passe du positif au négatif.
Au Manitoba, nous avons une merveilleuse ressource renouvelable, l'énergie hydroélectrique, c'est-à-dire l'eau. Or, tout le monde affirme qu'exporter de l'eau serait une hérésie. Bien qu'aucune proposition n'ait encore été faite en ce sens, ça ne saurait tarder.
La politique étant l'art du possible, comment pourriez-vous faire accepter votre proposition par les provinces qui seraient touchées? Une perte de 4 $ par habitant n'est peut-être pas grand-chose mais, s'il s'agit de 40 $ par habitant, ce n'est pas négligeable pour des provinces qui sont déjà démunies. Il faudrait leur offrir quelque chose si vous voulez enlever les ressources renouvelables. Le sénateur Murray a parlé d'une période de transition. La meilleure réponse provinciale à cette idée serait la neutralité, sinon l'acceptation. Avez-vous des idées là-dessus?
M. Boessenkool: Je pense qu'il devrait y avoir un mécanisme de transition similaire à celui que je viens de décrire, où les niveaux actuels sont garantis. Dans mon étude, vous trouverez des chiffres pour 1998. Cette année-là, la plupart des provinces ont enregistré une augmentation, d'une année, de leurs paiements de péréquation, de l'ordre de 98 $ à 125 $ par habitant. Pourquoi? Est-ce que le coût de prestation de leurs services a augmenté? Non. Est-ce que les recettes ont baissé dans les Maritimes? Non. Que s'est-il donc passé? Il y a eu une expansion phénoménale en Ontario, ce qui a relevé la moyenne de tout le pays. D'un seul coup, les provinces de l'Atlantique ont touché une forte augmentation de leur péréquation.
D'après moi, si l'on accepte une augmentation, il faut aussi accepter une diminution. Si ma proposition signifie qu'au moins deux provinces, si ce n'est les quatre provinces maritimes, auront la possibilité de profiter à l'avenir de l'exploitation des ressources naturelles, pour se doter d'une économie du gaz naturel et du pétrole relativement similaire à celle de l'Alberta, pourquoi ne pas aller dans ce sens? Ne seriez-vous pas prêts à assumer une petite perte à court terme pour des gains importants à long terme, d'autant plus que vous avez bénéficié d'augmentations assez substantielles des paiements de péréquation ces dernières années?
Quand je travaillais pour le ministre des Finances de l'Alberta, nous avions discuté de péréquation. Dès qu'une province propose quelque chose qui entraîne une baisse des paiements, de qui que ce soit, c'est politiquement mortel. Il faut donc concevoir des mécanismes de transition. J'en propose un dans mon étude parce que j'étudie la politique depuis assez longtemps pour savoir que c'est nécessaire. Il y a beaucoup de gens brillants au ministère des Finances.
Considérant la coalition politique des provinces de l'Ouest et de l'Atlantique, qui possèdent toutes des ressources naturelles, à long terme, je ne vois pas pourquoi le gouvernement fédéral ne pourrait pas concocter un mécanisme de transition acceptable.
Le sénateur Bolduc: Je vous souhaite bonne chance.
Le sénateur Christensen: Nous parlions de ressources réelles mais il semble y avoir une certaine confusion entre les ressources non renouvelables et les ressources naturelles. L'eau et l'électricité sont des ressources renouvelables. Par contre, les ressources minières et les diamants sont des ressources non renouvelables, n'est-ce pas?
M. Boessenkool: Merci de cette précision. Dans mon rapport, je fais une distinction très claire entre les ressources renouvelables et non renouvelables.
Les ressources renouvelables ne seraient pas exclues. La formule tiendrait toujours compte des ressources de la forêt, d'Hydro-Québec, d'Hydro-Manitoba, qui sont toutes des ressources renouvelables.
Quand on parle d'une ressource renouvelable, il faut considérer qu'on parle d'un flux de recettes annuelles mesurables. C'est bien différent des ressources non renouvelables. Quand vous avez vendu un baril de pétrole, vous ne pouvez pas le remettre dans le sol. Quand vous avez coupé un arbre, vous pouvez en planter un autre. Merci de cette précision.
Le sénateur De Bané: Je voudrais avoir votre opinion sur la proposition suivante. La péréquation est mauvaise à long terme car, tout comme les transferts aux particuliers créent une dépendance, des transferts inconditionnels de deniers publics à une province créent aussi une dépendance. Donc, quelle que soit la formule, la péréquation peut avoir des effets pervers. Ne serait-il pas plus prometteur, bien que peut-être plus difficile, que le gouvernement fédéral, au lieu d'envoyer un chèque aux provinces, conçoive des politiques permettant à chaque province d'atteindre le maximum de son potentiel économique? C'est sans doute beaucoup plus difficile que de signer un chèque pour une province puis de concevoir des politiques qui ne tiennent pas compte de la problématique économique de chacune d'entre elles.
Je me demande si la péréquation, qui était une idée révolutionnaire en 1957, n'est pas devenue aujourd'hui un programme pervers, semblable aux transferts d'argent aux particuliers.
M. Boessenkool: De manière générale, j'estime que le but de la péréquation est de permettre aux provinces d'élaborer leurs propres politiques, de manière autonome. Voilà pourquoi nous avons un Programme de péréquation sans condition. Quand on a conçu le programme, on a négocié une entente politique avec les provinces pour leur permettre d'accroître leurs propres recettes et de concevoir leurs propres programmes, de façon à offrir quelque chose à celles qui ne le pouvaient pas. Dans le cadre de cette entente, on a admis qu'il y a des provinces plus faibles que d'autres qui, laissées à elles-mêmes, ne seraient pas capables d'offrir des services similaires à ceux de l'Alberta et de l'Ontario. On leur a donc offert des transferts inconditionnels afin que chacune puisse élaborer ses propres politiques, de manière plus décentralisée qu'on ne le voit dans beaucoup d'autres pays.
Si vous dites que la péréquation crée une dépendance, je dois convenir que c'est une thèse très sérieuse. Mon argument contre les ressources non renouvelables repose en partie sur cette thèse de dépendance, mais aussi sur d'autres arguments plus fondamentaux. Quand j'entends quelqu'un critiquer la «dépendance de la péréquation», je m'inquiète de la perte de cette chose extraordinaire que nous avons: un pays décentralisé. Or, si nous avons un pays décentralisé, c'est en partie parce que nous versons de l'argent à toutes les provinces pour qu'elles puissent gérer leurs propres services.
Deuxièmement, à l'Institut C.D. Howe, j'ai étudié l'évolution des transferts en espèces d'Ottawa aux diverses provinces et, surtout, les éléments composant ces transferts. Si l'on examine la quantité d'argent qui est versée aux provinces maritimes, au Québec, à la Saskatchewan, au Manitoba et à d'autres, cela ne représente qu'une très petite partie de tous les transferts interrégionaux au Canada. Du point de vue économique, s'il y a un transfert constant vers une province pendant une longue période, il est peu contestable que cela risque de causer beaucoup de distorsion. Le problème se pose lorsque les transferts fluctuent beaucoup, ce qui peut causer beaucoup de distorsion économique.
J'ai constaté que les transferts reliés à l'assurance-emploi, les transferts reliés aux divers programmes spéciaux à coûts partagés qu'Ottawa a négociés avec les provinces au cours des années, les transferts résultants d'ententes bilatérales entre Ottawa et certaines provinces, écrasent considérablement ceux du programme de péréquation pour ce qui est de l'aptitude à causer des distorsions économiques.
Quand on me demande si la péréquation peut avoir un effet dissuasif, c'est-à-dire si elle crée une dépendance dans les provinces de l'Atlantique, il m'est difficile de dire que non. Toutefois, ce phénomène doit être contrebalancé par cet avantage extraordinaire que nous avons au Canada d'avoir des provinces décentralisées.
En outre, pour autant qu'il y ait dépendance, le problème ne vient pas à mon avis de la péréquation. Il faudrait régler aussi l'assurance-chômage et toutes ces ententes ponctuelles qui sont négociées, ainsi que tous les programmes d'assurance non reliés à l'emploi et qui passent pour de l'assurance-emploi.
L'Institut C.D. Howe a récemment publié une étude montrant que seulement 40 p. 100 des dépenses du programme d'assurance-emploi bénéficient effectivement à des gens qui sont au chômage et qui réclament des prestations. Il faut ajouter à cela une foule d'autres programmes que paient Ottawa et dont le succès est particulièrement douteux, c'est le moins que l'on puisse dire.
Le président: Les transferts du Trésor fédéral aux particuliers comprennent l'assurance-emploi et la Sécurité de la vieillesse. Qu'en est-il de programmes reliés à la santé, à l'enseignement postsecondaire et à l'assistance sociale, qui ont tous plus ou moins été intégrés au TCSPS?
M. Boessenkool: J'ai rédigé en 1996 une étude pour l'Institut C.D. Howe sur l'injustice énorme qu'a été le remplacement du Régime d'assistance du Canada et du programme de financement des programmes établis par le TCSPS, étant donné que celui-ci conservait toutes les disparités des anciens programmes. Toutefois, au grand crédit du ministre Martin, nous nous sommes rapprochés pendant les six ou sept dernières années d'un programme plus égalisé de transferts par habitant avec le TCSPS.
Un programme comme la péréquation vise à redistribuer de la richesse. Je reviens à mon argument antérieur voulant que, si la péréquation doit servir explicitement à redistribuer, les programmes autres que la péréquation devraient traiter tous les Canadiens de la même manière, partout où ils se trouvent. Nous avons déjà un programme qui redistribue les richesses entre les provinces. En conséquence, le TCSPS devrait être un montant égal par habitant, avec des critères d'admissibilité égaux pour les programmes d'assurance-emploi du pays. Les budgets de la partie non-assurance de l'assurance-emploi devraient être répartis également dans tout le pays. J'estime que ces dépenses ne devraient pas être faites par le gouvernement fédéral mais par les gouvernements provinciaux, mais ce n'est pas le sujet du débat d'aujourd'hui.
Nous avons un programme de redistribution explicite et garanti par la Constitution, la péréquation. Toutefois, nous avons aussi d'autres programmes de «super-péréquation» qui causent beaucoup plus de problèmes que la péréquation.
Le président: Je suis d'accord avec vous. Je fais mon mea culpa: en termes de plafond sur le plafond. Je pourrais parler de tout cela en grand détail mais je ne le ferai pas.
Quoi qu'il en soit, lorsque le premier ministre de Terre-Neuve s'est adressé à nous, l'autre jour, il a dit s'être élevé contre l'évolution vers une formule plus axée sur des paiements par habitant, parce que cela avait défavorisé sa province. Il nous a indiqué que fournir des services à 600 000 personnes à Winnipeg c'est une chose, mais fournir les mêmes services à 600 000 personnes réparties sur un territoire aussi vaste que celui de Terre-Neuve et du Labrador, c'en est tout une autre, et que nos programmes de transfert ne peuvent donc être totalement fondés sur une sorte de formule mathématique.
M. Boessenkool: C'est l'argument classique des «besoins» de la péréquation et du TCSPS. Étant donné mon penchant pour la décentralisation, cette proposition m'inquiète. Cela voudrait dire en effet qu'on donne plus de latitude à Ottawa pour dire aux provinces comment gérer leurs affaires.
L'Australie nous offre un exemple de programme de péréquation fondé sur les besoins. Non seulement y a-t-il des différences dans la capacité budgétaire, mesurée par les recettes, mais il y en a aussi quant aux besoins, mesurés par les dépenses. À terme, le gouvernement fédéral de l'Australie a extrait plusieurs de ses programmes de sa formule de péréquation et a créé certains programmes bilatéraux par le truchement desquels il impose aux États la manière dont ils doivent gérer les programmes. À mon sens, cette formule nous serait préjudiciable.
Je suis sensible à l'idée d'un critère de besoin pour la péréquation ou le TPSCS, d'un point de vue théorique. Toutefois, le volet politique de la chose m'inquiète car je ne voudrais pas qu'Ottawa dise aux provinces comment gérer leurs affaires.
Le président: Il faudrait faire attention aux détails.
Le sénateur De Bané: À mon avis, monsieur Boessenkool, il serait largement préférable que le gouvernement fédéral tienne compte de la dimension géographique, ou spatiale, du système fédéral, au lieu de demander simplement au ministère des Finances de faire des calculs et d'envoyer des chèques aux provinces. Certes, c'est beaucoup plus facile mais nous en avons vu les conséquences. Elles ne sont pas encourageantes.
Incidemment, le Québec a mis sur pied un groupe de travail pour étudier cette question et il doit déposer son rapport d'ici un mois.
La péréquation a été intégrée à la Constitution en 1982 parce que c'est le prix que M. Trudeau a dû payer pour obtenir l'appui de certains premiers ministres provinciaux à son initiative constitutionnelle. Je crois que la péréquation serait un programme beaucoup plus prometteur à long terme si chaque ministère tenait compte des aspirations et du potentiel économique de chaque province.
Voici donc ma deuxième question: Devrions-nous inclure ou non les ressources naturelles, qu'elles soient renouvelables ou non renouvelables? Je pense que l'une des failles de notre Constitution est que les pères de la Confédération ont donné les ressources naturelles, renouvelables ou non, aux provinces.
Dans un pays, certaines personnes peuvent être plus riches que d'autres parce qu'elles sont plus dynamiques ou qu'elles travaillent plus. Au Québec, nous avons la région de la Beauce, qui est près de la frontière américaine, où l'on trouve les entrepreneurs les plus dynamiques de toute la province. Pourtant, ils n'ont pas de ressources. Ils vont aux États-Unis où ils coupent du bois qu'ils ramènent en Beauce pour fabriquer des meubles qu'ils exportent ensuite aux États-Unis. Le taux de chômage de la région est plus bas que la moyenne provinciale. À ma connaissance, cela provient du fait qu'ils travaillent plus fort.
Toutefois, il y a dans le même pays des gens qui sont plus riches que d'autres parce qu'ils ont la chance d'être assis sur telle ou telle richesse sans avoir rien fait pour l'avoir.
D'un point de vue politique, si vous deviez reformuler la Constitution, placeriez-vous les ressources naturelles dans le champ de compétence provincial ou fédéral? Croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait envoyer un chèque, que ce soit aux individus ou aux provinces? En bref, les ressources naturelles devraient-elles appartenir à la province ou à la nation?
M. Boessenkool: Nous avons une Constitution qui les attribue aux provinces. Devrait-on considérer que ce sont des ressources nationales plutôt que régionales? Nous avons fait au Canada un pacte politique extraordinaire, en tenant compte des différences de richesse et des différences d'objectif des diverses régions. Je pense que c'est un des facteurs de notre grandeur. Et cela s'applique également aux ressources.
Les provinces qui ont des ressources aujourd'hui ne les auront pas nécessairement demain. Au début des années 90, l'Alberta était le parent pauvre de la Confédération, et les provinces de l'Atlantique étaient les parents riches. Je viens d'achever une étude où je mets l'Alberta en garde contre le fait que ses ressources naturelles ne lui appartiennent pas seulement pour cette année mais aussi pour les générations futures. Qui peut dire si, dans 50 ans, les provinces maritimes n'auront pas repris le haut du pavé, surtout si l'Alberta gaspille ses ressources aujourd'hui?
Nous bénéficions d'une fédération dynamique. Si les ressources que nous possédons sont un moteur d'expansion économique générale, et si cela est pris en considération dans un programme de redistribution que nous appelons la péréquation, c'est nous tous qui en partageons les bienfaits, de manière légitime.
Je me méfie de l'idée que l'on pourrait vendre les ressources naturelles et dépenser tout l'argent aujourd'hui. Que cela se fasse à l'échelle nationale ou à l'échelle provinciale, le vrai problème est plutôt de savoir comment nous devrions traiter les ressources. Nous sommes toujours un pays qui est fortement tributaire de ses ressources. Nous devrions donc faire très attention aux incitatifs que nous donnons aux provinces d'exploiter leurs ressources et de dépenser les recettes correspondantes.
Je n'ai pas la conviction que la propriété provinciale ait rendu les choses pires que si l'on avait eu une propriété nationale. L'exploitation des ressources naturelles en Alberta signifie qu'il y a d'autres activités économiques en Alberta qui, si elles sont incluses dans un programme national de péréquation, se traduiront par un partage accru de bienfaits dans l'ensemble du pays.
Le président: Je crois que nous allons tous devoir sortir du papier et un crayon pour réinventer le pays. Toutefois, si nous nous y mettons, sachez qu'il y aura toute de suite quelqu'un qui dira que l'éducation devrait peut-être relever du gouvernement fédéral.
Il y a des années, le premier ministre Hatfield du Nouveau-Brunswick venait de faire un discours à l'Université Mount Allison, de Sackville. Un universitaire s'est levé et a fait une longue intervention pour dire que l'enseignement, en tout cas postsecondaire, devrait certainement être une responsabilité fédérale. D'après lui, Ottawa devrait en assumer le contrôle. Quelle a été la réaction du premier ministre? M. Hatfield a répondu: «Non.» L'universitaire a dit: «Pourquoi pas?» M. Hatfield a dit: «Je vais vous donner une raison. Si le gouvernement fédéral assumait le contrôle de l'enseignement postsecondaire, il n'y aurait qu'une université au Nouveau- Brunswick et ce ne serait pas Mount Allison.» Fin de la discussion.
Le sénateur Mahovlich: Je pense que l'eau est une ressource renouvelable. Êtes-vous d'accord?
M. Boessenkool: Oui.
Le sénateur Mahovlich: L'eau passe d'une province à l'autre. L'eau pourrait devenir un gros problème. Si l'on commence à enlever de l'eau du pays, que deviendra le poisson?
M. Boessenkool: Le gros avantage de l'eau, c'est que, si on la vend, elle revient sous forme de pluie.
Le sénateur Mahovlich: Je ne suis pas d'accord. Vous allez vous faire avoir avec ça.
M. Boessenkool: Vous sortez de mon champ de compétence.
Le sénateur Mahovlich: Pas du tout. Regardez le problème des inondations qu'il y a eu là-bas.
Le président: Je vous remercie pour un exposé très intéressant et fort stimulant. Nous avons beaucoup apprécié cette discussion.
J'aimerais que vous repreniez contact avec nous s'il y a des changements que vous souhaitez recommander au Programme de péréquation. J'ai constaté dans l'article que vous avez rédigé pour AIMS que vous y parlez de certaines des propositions du professeur Courchene. Il doit venir devant notre comité, tout comme Dan Usher, la semaine prochaine. S'il y a quoi que ce soit que vous voulez nous envoyer, soit dans les études que vous avez déjà publiées, soit au sujet d'autres changements que nous devrions d'après vous apporter au Programme de péréquation, nous, le Parlement et le pays, vous en serons très reconnaissants.
M. Boessenkool: Je vous encourage aussi à inviter M. Crowley, du Atlantic Institute for Market Studies.
Le président: Nous essayons de l'inviter.
Chers collègues, nous allons maintenant passer à madame la trésorière de l'Île-du-Prince-Édouard.
L'honorable Patricia Mella est députée de l'Île-du-Prince-Édouard depuis 1993. Elle a été chef de l'Opposition, c'est-à-dire du Parti progressiste-conservateur de la province; elle est trésorière provinciale, ministre responsable de la Commission de la fonction publique, de la Commission de contrôle des alcools, de l'Agence de prêt et de la Commission de la condition féminine depuis 1996. Elle est accompagnée de M. John Palmer, directeur des sciences économiques, des statistiques et des relations fiscales fédérales de l'Île-du-Prince-Édouard. Je leur souhaite la bienvenue en votre nom.
Les membres du comité ont reçu des exemplaires, en anglais et en français, de la déclaration de Mme Mella que j'invite donc maintenant à prendre la parole.
L'honorable Patricia Mella, trésorière provinciale, gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard: Monsieur le président, membres du comité, je suis très heureuse d'avoir le privilège et la chance de pouvoir m'adresser à vous, et je vous souhaite beaucoup de succès dans vos délibérations.
Comme le sénateur Mahovlich est ici, je dois dire que, quand je partais de chez-moi, j'expliquais à ma fille que j'allais m'adresser à un comité du Sénat dont Frank Mahovlich fait partie. Elle m'a dit: «Qui est Frank Mahovlich?»
Le sénateur Bolduc: Elle doit avoir moins de 30 ans. Elle est trop jeune pour savoir ça.
Mme Mella: Je lui ai expliqué que j'avais connu l'époque des six premières équipes et que je savais parfaitement qui est Frank Mahovlich. Je crois que votre préoccupation au sujet de l'eau, est plus reliée aux patinoires extérieures qu'à quoi que ce soit d'autre.
Le sénateur Mahovlich: C'est là que j'ai commencé ma carrière.
Mme Mella: Monsieur le président, je suis heureuse de pouvoir vous communiquer le point de vue de ma province sur le Programme de péréquation.
L'inclusion de ce programme dans la Constitution canadienne illustre bien sa très grande importance aux yeux de tous les Canadiens et Canadiennes. Trésorière provinciale depuis cinq ans, je suis la ministre des Finances ayant le plus d'ancienneté au pays et, pendant ces années, j'ai nourri des inquiétudes croissantes quant aux lacunes de ce système essentiel. Plus tôt cette année, le 26 avril plus exactement, mes collègues des provinces de l'Atlantique et moi-même nous sommes réunis pour nous prononcer, devant le Comité permanent des finances, sur le projet de loi C-18, un amendement à la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Cet amendement porte principalement sur la disposition plafond du Programme de péréquation, une source d'inquiétude constante pour les gouvernements provinciaux.
Mes commentaires de ce soir porteront sur un large éventail de questions liées au Programme de péréquation.
J'aimerais d'abord préciser que, en tant que trésorière provinciale, j'ai maintes fois exprimé au ministre des Finances les inquiétudes de mon gouvernement quant à divers aspects de ce programme en lui écrivant et en discutant avec lui, en privé ou lors des réunions fédérales-provinciales des ministres.
Mon gouvernement s'est d'ailleurs exprimé en faveur de ce programme aux réunions des ministres des Finances et des premiers ministres provinciaux et territoriaux, mon premier ministre ayant également, à plusieurs occasions, échangé par écrit avec son homologue fédéral à ce sujet. Les premiers ministres et les ministres des Finances se sont tous entendus sur la nécessité d'éliminer sur-le-champ la disposition plafond du Programme de péréquation, ainsi que sur le besoin de renforcer la formule actuelle. Pour y parvenir, il faudrait adopter la norme des dix provinces et la couverture complète des revenus, points qui ont d'ailleurs été repris par le ministre des Finances lors d'une réunion à Vancouver le 11 octobre dernier.
En dépit du besoin manifeste d'améliorer l'efficacité de ce programme, le gouvernement fédéral s'est jusqu'ici borné à défendre le statu quo. J'espère donc que ma présentation viendra clarifier de nombreux aspects de ce débat incessant.
Vous aurez probablement entendu divers points de vue quant aux supposés effets dissuasifs de la formule actuelle, à sa complexité injustifiée et à l'inéquité des sommes récupérées dans l'application de cette formule en ce qui a trait aux recettes d'exploitation de ressources uniques. Je reviendrai toutefois sur ces points un peu plus tard.
L'Île-du-Prince-Édouard a un intérêt direct et majeur à s'assurer que le Programme de péréquation est compris, accepté, équitablement réparti et adéquatement financé. Nous nous fions donc au gouvernement fédéral pour s'assurer que le programme répond bien à son objectif, tel qu'inscrit dans la Constitution. Bien que ce programme ne soit pas très bien compris, un grand nombre de Canadiens et de Canadiennes ne bénéficieraient pas de l'équilibre national relatif qu'ils connaissent actuellement en matière de services gouvernementaux et d'impôts s'il n'existait pas.
Ce programme est donc essentiel aux finances de mon gouvernement et continue d'être sa principale source de recettes. Par exemple, les recettes de l'Île-du-Prince-Édouard provenant de l'impôt sur le revenu des particuliers pour 1999-2000 totalisaient 161 millions de dollars, tandis que son paiement de péréquation s'établissait à 256 millions de dollars pour la même année.
Il va de soi que nous ne tirons aucun plaisir de notre dépendance actuelle au Programme de péréquation, mais nous sommes toutefois fiers de souligner que, au fil des ans, cette dépendance par rapport aux transferts du fédéral a diminué. Au début des années 80, la péréquation représentait 32 p. 100 de nos recettes; aujourd'hui, 28 p. 100. Notre économie connaissant une certaine croissance comparativement à celle des autres provinces, notre dépendance a diminué. L'an dernier, c'est à l'Île-du-Prince-Édouard que l'on a enregistré la plus forte croissance de l'emploi au pays.
J'aimerais maintenant traiter de la réponse du gouvernement fédéral aux inquiétudes provinciales.
Si l'on passe en revue les diverses réponses du gouvernement fédéral à nos demandes d'amélioration, elles semblent toutes se résumer au fait que ce programme fonctionne bien, qu'il n'a pas fait l'objet de compressions dans les années 90, contrairement aux autres programmes fédéraux, que les provinces ayant droit à un paiement de péréquation ont joui de sommes grandement supérieures ces dernières années et que l'équilibre entre les dispositions plafond et plancher, ainsi que la norme établie, sont des composantes nécessaires au maintien de ce programme.
Il est très inquiétant pour nous d'entendre les ministres fédéraux nous dire que le Programme de péréquation n'a jamais subi de compressions, contrairement aux autres programmes, et que cela a en quelque sorte permis aux gouvernements provinciaux d'en tirer un avantage spécial. Je pourrais d'ailleurs citer les commentaires récents du ministre Stéphane Dion à mon premier ministre à cet égard, ainsi que les commentaires formulés au Comité permanent des finances par des représentants fédéraux qui ont insisté sur la croissance de 33 p. 100 qu'a connue le programme depuis 1993, ce qui sous-entend sa grande générosité. Ces commentaires ne tiennent pas du tout compte de l'objectif fondamental du programme, de la nature automatique du versement des paiements de péréquation et de la grande amélioration des finances fédérales et provinciales ces dernières années.
Il est important de nous rappeler que nous avons besoin de ce programme pour fonctionner adéquatement, et ainsi permettre à chacun des gouvernements provinciaux d'offrir à ses habitants des services qui sont raisonnablement comparables sans recourir à une imposition exorbitante.
Ce programme vise à fournir des conditions équitables aux habitants et aux entreprises du Canada de façon à optimiser l'économie nationale. C'est une simple question d'équilibre entre les provinces. Si le programme ne répond pas à son objectif, ce sont le niveau d'éducation, les normes des soins de santé, la condition des routes et d'autres services provinciaux qui se détériorent, l'impôt qui doit augmenter et, au bout du compte, l'économie des provinces plus petites qui est pénalisée.
Nous sommes convaincus que le gouvernement fédéral perpétue le mythe voulant que les provinces plus pauvres aient été particulièrement choyées pour justifier la constante limitation des coûts de ce programme.
Je tiens à clarifier ceci: le Programme de péréquation n'a pas accordé de traitement de faveur aux provinces moins prospères durant les compressions des années 90. En fait, les paiements du programme ont surtout été en baisse durant cette décennie, alors que tous les ordres de gouvernement devaient s'accommoder de déficits et de recettes décroissantes.
Les Comptes publics du Canada indiquent que le fédéral a versé aux provinces en 1991-1992 quelque 9,9 milliards de dollars en paiements de péréquation, comparativement à 9,4 milliards en 1996-1997, et à encore moins entre ces deux exercices. Ce n'est qu'en 1997 que les transferts ont augmenté. Dans le cas de l'Île-du-Prince-Édouard, les recettes de péréquation ont atteint un niveau record en 1990-1991, avec 206 millions de dollars, puis ont chuté à aussi peu que 158 millions de dollars en 1993-1994, ne revenant à leur niveau antérieur qu'en 1997-1998. Les provinces bénéficiant de ces transferts ont elles aussi subi le contrecoup des compressions dans le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, ainsi que les conséquences des modifications apportées à l'assurance-emploi et des autres compressions dans les dépenses fédérales au cours de ces années.
Bien que le gouvernement fédéral affirme que le programme n'était pas clairement visé par les compressions imposées durant cette décennie, on doit reconnaître que la formule entraîne automatiquement des réductions de par sa nature. De plus, les démarches alors entamées par le gouvernement fédéral pour baisser le plafond de péréquation ont réduit les paiements de plus de 3 milliards de dollars au total. Plus récemment, ces paiements ont augmenté, mais cela est simplement dû à la formule, les calculs reflétant les recettes et responsabilités croissantes des gouvernements provinciaux.
Il est donc extrêmement décourageant d'entendre le ministre fédéral et ses collègues prétendre qu'ils ont en quelque sorte amélioré un programme dont ils ont, dans les faits, réduit l'à-propos en ajoutant de nouvelles contraintes à sa formule.
Il est aberrant de voir le ministre fédéral des Finances et ses collègues annoncer en grande pompe la récente hausse des paiements de péréquation comme si elle découlait de leur amélioration du programme après tant d'années de stagnation.
La croissance que nous avons récemment connue coïncide avec une croissance sans précédent de l'économie, ce qui a automatiquement augmenté les recettes provinciales et fédérales. Pour les Canadiens et Canadiennes, le Programme de péréquation est donc un fardeau fiscal qui s'allège graduellement. Au début des années 80, le gouvernement fédéral s'est engagé à consacrer environ 8 p. 100 de ses recettes à la péréquation. Aujourd'hui, cette proportion s'établit plutôt à 6 p. 100.
La péréquation n'a pas suivi la croissance de l'économie canadienne. Il y a 20 ans, elle équivalait à environ 1,30 p. 100 du PIB, comparativement à 1,04 p. 100 aujourd'hui. Et ces pourcentages déclinent depuis longtemps déjà.
Le gouvernement fédéral a réussi à amenuiser le rôle du programme au fil du temps, tout en faisant fi de nos demandes pour maintenir un programme qui réponde adéquatement à ses objectifs, tels qu'établis dans la Constitution. Le gouvernement fédéral en est peut-être venu à croire ses propos, se convainquant du même coup que le programme est plus qu'adéquat.
Pourtant, nous croyons que l'administration actuelle préfère exercer un contrôle serré sur les paiements du programme et restreindre autant que possible les subventions inconditionnelles aux provinces, nonobstant la raison d'être du programme. Le statu quo répond à cet objectif.
La norme des cinq provinces, adoptée au début des années 80, est au coeur de la formule actuelle. À cette époque, le gouvernement fédéral avait proposé une norme fondée sur la capacité financière de l'Ontario. Il s'inquiétait surtout de l'influence des recettes de l'Alberta tirées du pétrole et du gaz naturel sur les transferts. La retirer du calcul semblait donc nécessaire.
Depuis, les recettes relativement importantes que tirait l'Alberta de ses ressources naturelles se sont grandement accrues et l'écart entre l'état de ses finances et celles du reste du Canada s'est très accentué. Une norme axée sur une véritable moyenne de la capacité financière des provinces améliorerait sans contredit la comparaison. Nous croyons donc qu'il est nécessaire d'adopter la norme des dix provinces.
Pour ce qui est de l'éventail des recettes assujetties à la péréquation, la formule ne peut fournir le bon résultat que si elle tient compte de toutes les assiettes fiscales des provinces. Certaines provinces ont manifestement choisi de dépendre plus de certaines sources que d'autres. Ainsi, la formule doit englober l'intégralité des recettes. Il ne serait pas logique d'adopter la norme des dix provinces sans tenir compte de toutes les recettes. Lors du renouvellement du programme, le gouvernement fédéral a entamé des démarches pour restreindre l'éventail des recettes assujetties à la péréquation, ce qui a non seulement accentué l'écart financier entre les provinces, mais a également compliqué la formule.
Le plafond limite actuellement les droits de péréquation, tels que calculés par le ministre des Finances. Si les droits calculés sont supérieurs au plafond, ils sont réduits en conséquence, selon le nombre d'habitants.
Mes collègues des provinces de l'Atlantique et moi-même avons longuement débattu du projet de loi C-18 avec le ministre fédéral, lui expliquant qu'il vient contredire l'engagement pris en septembre 2000 par le premier ministre envers ses homologues provinciaux, c'est-à-dire permettre à la formule de croître au même rythme que le PIB. Ce projet de loi baisse également le plafond du programme comme jamais auparavant, et à une époque d'excédents budgétaires croissants. En étant réduit de plus d'un milliard de dollars par année, celui-ci risque beaucoup plus de constamment contrôler les transferts.
Bien que le ministre fédéral des Finances en nie la probabilité, ses estimations les plus récentes montrent que le plafond a affecté les transferts de 2000-2001, tout comme ceux de 1999-2000. Les ministres de l'Atlantique croient que, si le plafond n'est pas éliminé, on devrait au moins s'abstenir de l'abaisser d'un milliard de dollars.
Rien dans la Constitution ne stipule que certaines circonstances permettent de circonscrire le programme par l'imposition d'une limite monétaire artificielle. Le plafond vient contrecarrer avec efficacité l'atteinte des objectifs fondamentaux du programme. C'est pour cette raison qu'il est si fâcheux à nos yeux. Le plafond est essentiellement un ajout à la formule de base.
Le plancher et la règle spéciale quant aux recettes de l'exploitation des ressources uniques, la règle des 70-30 ou la solution générique, sont aussi des ajouts. Ils compliquent le programme et je suis persuadé qu'ils y jouent un rôle discutable. Ces ajouts donnent un avantage spécial aux provinces qui peuvent en bénéficier, souvent au détriment des provinces moins prospères.
Le ministre des Finances du Manitoba a souligné à plusieurs reprises qu'il est peu probable que le recours au plancher soit dû aux provinces qui n'ont pas de ressources naturelles importantes.
De plus, la règle des 70-30 est spécialement conçue pour les provinces qui jouissent de ressources naturelles uniques. Il n'est donc pas surprenant qu'un des principaux bénéficiaires de ces ajouts spéciaux à la formule de base ait jusqu'ici été la Saskatchewan. Si on la compare aux autres provinces admissibles aux paiements de péréquation, sa capacité fiscale est importante et sa part des paiements est instable étant donné la volatilité des recettes qu'elle tire de ses ressources naturelles.
Ces dispositions spéciales confèrent donc à l'une des provinces admissibles une capacité fiscale accrue et plus élevée que la norme des cinq provinces s'appliquant aux autres.
Par exemple, cela a eu pour effet en 2000-2001 d'accroître la capacité fiscale par habitant de la Saskatchewan à 6 405 $, tandis que celle de l'Île-du-Prince-Édouard, du Manitoba et du Québec était de 6 058 $. Donc, en contexte, les recettes supplémentaires de péréquation pour l'Île-du-Prince-Édouard auraient été de l'ordre de 48 millions de dollars, ce qui équivaut à ses recettes combinées des taxes sur l'essence et l'alcool.
Une conséquence moins évidente de l'utilisation de ces dispositions spéciales touche des provinces comme l'Île-du- Prince-Édouard, le Manitoba et le Québec, qui ne sont pas vraiment admissibles au plancher ou à la règle des 70-30. Non seulement leur capacité fiscale s'en trouve réduite, mais elles peuvent voir leurs paiements réduits selon le plafond établi.
Il ne s'agit pas d'une situation hypothétique. Les paiements de 2000-2001 montrent que le plancher de la Saskatchewan était de 270 millions de dollars, ce qui a entraîné l'application du plafond, donc la réduction des paiements aux provinces. Cela signifie que les provinces moins prospères doivent dans de tels cas compenser pour les autres.
La Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve reçoivent elles aussi des paiements de péréquation supérieurs à ceux consentis aux provinces sans ressources uniques en raison de la règle des 70-30 qui tient compte de leurs recettes de prospection en mer. Si les redevances qu'elles en tirent grimpent rapidement et deviennent très élevées, comme certains le prévoient, cette disposition pourrait augmenter leur capacité fiscale par habitant, celle-ci pouvant même dépasser dans certains cas celle de l'Ontario. Autrement dit, ces dispositions permettent à la péréquation d'augmenter substantiellement la capacité fiscale de ces provinces bénéficiant de redevances de prospection en mer, non seulement par rapport aux autres provinces qui bénéficient du programme, mais également au reste du pays. Cette situation est tout simplement inadmissible.
Nous trouvons que l'application de ces règles spéciales est à la fois bizarre et inéquitable, car elles constituent une sévère entorse au fondement même du programme, c'est-à-dire équilibrer la capacité fiscale de chaque province, et non la fausser. Nous croyons que les gouvernements qui souhaitent bénéficier d'un certain atténuement des fameuses sommes récupérées dans l'application de la formule devraient obtenir une compensation autre que celle du Programme de péréquation.
Si le gouvernement fédéral est déterminé à maintenir la disposition plafond, la règle spéciale des 70-30 et le plancher devraient être éliminés des calculs. Encore mieux, il faudrait que les trois dispositions spéciales, c'est-à-dire le plafond, la règle des 70-30 et le plancher, soient éliminées et que le gouvernement fédéral revienne aux objectifs de base du programme. Cela aiderait grandement à le rendre à la fois plus compréhensible et équitable.
J'aimerais maintenant traiter d'autres questions soulevées par le débat plus général.
D'abord, il y a une taxe sur la formule comme telle. Il semble qu'un nombre croissant de documents contribuent à la désinformation du public, laissant entendre que la formule actuelle alloue des droits de péréquation trop élevés aux provinces admissibles et que l'on devrait la délaisser au profit d'une formule macro fondée sur des critères économiques. D'autres affirment que le régime fiscal représentatif incite les provinces admissibles à freiner le développement économique et qu'il permet une superimposition. Plusieurs études menées par l'Institut C.D. Howe et l'Atlantic Institute for Market Studies sont souvent citées à cet égard.
Nous nous inquiétons de la trop grande importance accordée à l'opinion de ces instituts, car un corpus important de documents didactiques montre que le régime actuel donne théoriquement le bon résultat en estimant l'écart financier entre les provinces.
Pour ce faire, la formule mesure le manque à gagner estimatif de chaque province compte tenu des impositions actuellement en vigueur au Canada. Cela vise essentiellement à compenser directement pour l'incapacité de chaque province à faire croître ses recettes selon ce qui lui est accessible, en comparaison aux normes nationales. La capacité fiscale relative d'une province est donc implicitement déterminée par des pratiques fiscales canadiennes représentatives et les véritables recettes produites.
En revanche, une formule macro reposerait sur des critères économiques comme le PIB ou le revenu des particuliers, et serait distincte des pratiques d'imposition actuelles. Cette approche aurait entre autres pour conséquence de faire fi des choix faits par les gouvernements en matière de mesures d'imposition, comme l'impôt progressif, les exemptions de taxe de vente pour les Canadiens et Canadiennes plus pauvres et la gamme de crédits d'impôt permettant d'alléger le fardeau fiscal des gens à plus faible revenu. De plus, une telle approche minimise le rôle des recettes d'exploitation des ressources qui sont à la portée des provinces riches en ressources naturelles. S'éloigner d'un régime fiscal représentatif pénaliserait donc sévèrement les provinces moins prospères, surtout les provinces qui ont peu de ressources naturelles, comme l'Île-du-Prince-Édouard.
Ceux qui affirment que le régime fiscal représentatif est un facteur dissuasif dans le développement économique n'ont jamais pu fournir des preuves tangibles à cet effet. En fait, l'Île-du- Prince-Édouard consacre une part importante de son budget au développement économique.
Toutes les provinces mettent avant tout l'accent sur l'emploi et l'amélioration de la qualité de vie de leurs habitants. Il serait ainsi politiquement suicidaire d'axer nos efforts sur une dépendance accrue à nos paiements de péréquation en décourageant le progrès économique. Comme je l'ai souligné plus tôt, ce n'est pas par complaisance que nous dépendons de la péréquation. Je peux affirmer franchement que le régime fiscal représentatif ne nuit pas au développement économique.
La complexité de la formule est une autre source d'inquiétude. Tout le monde souhaite une formule simple. En fait, le coeur de la formule actuelle est simple. Il estime les recettes que l'assiette fiscale de chaque province produira, selon des estimateurs normalisés et un impôt moyen provincial, il compare ces données à ce qui pourrait être produit si la norme des cinq provinces, quant à sa capacité à générer des recettes, était applicable à chacune. Les paiements de péréquation constituent la somme de ces écarts pour toutes les assiettes fiscales. Bref, il s'agit d'un simple exercice d'addition et de soustraction.
La complexité du programme réside d'abord dans le nombre important d'estimateurs qui se sont ajoutés au fil du temps, puis dans les manipulations statistiques qui sont nécessaires à l'identification standardisée de bases du revenu et les ajouts dont nous avons discuté plus tôt.
Compte tenu de l'immensité de la tâche à accomplir, il n'est pas réaliste de croire que le programme pourrait être très simple, bien que l'élimination des ajouts contribuerait à le simplifier. Les décisions du gouvernement fédéral quant à l'introduction de modifications à la formule lors du dernier renouvellement ont également compliqué les choses.
Chaque année, trois paiements peuvent changer, ce qui entraîne à la fois une plus grande complexité et des conséquences majeures sur la planification budgétaire. Cela a en outre causé une hausse importante des recettes en période faste et une baisse tout aussi marquée en période creuse. Je ne connais toutefois aucune solution facile ou acceptable à ce problème. Certains suggèrent qu'une approche macro simplifierait le programme, mais une étude plus approfondie montre que cela le compliquerait davantage.
Nous croyons que le régime fiscal représentatif doit être retenu, puisqu'il fournit la structure de base nécessaire à l'évaluation de l'écart financier. Bon nombre des anomalies découlant du programme actuel sont dues aux ajouts et non à la formule comme telle.
En résumé, le Programme de péréquation est un élément essentiel des finances publiques du Canada. Son rôle capital est de permettre à l'ensemble des provinces d'offrir à tous leurs habitants et entreprises des services publics sensiblement comparables à des niveaux de taxation sensiblement comparables.
Le programme est un élément de moins en moins important dans les priorités budgétaires du gouvernement fédéral et sa valeur absolue suit automatiquement les fluctuations des conditions économiques. Jusqu'à maintenant, il n'a pas été un fardeau pour les finances nationales.
Les dernières améliorations apportées par le gouvernement fédéral au Programme de péréquation remontent à de nombreuses années. On a plutôt entrepris de réduire à cinq le nombre de provinces de la norme établie et de baisser graduellement le plafond. Les récentes déclarations du gouvernement fédéral selon lesquelles les provinces admissibles aux transferts ont en quelque sorte bénéficié d'un traitement de faveur ne sont pas seulement trompeuses, elles insultent des provinces comme l'Île-du-Prince-Édouard qui doivent lutter pour préserver leurs services avec des ressources insuffisantes.
Le régime fiscal représentatif est à la base de la formule actuelle. Il est possible de démontrer que cette formule fournit les bons résultats quand il s'agit de rectifier les écarts financiers entre les provinces. Selon les études théoriques et pratiques, il faut rejeter les formules macro plus simples qui sont suggérées comme une option améliorée. Les inquiétudes quant aux effets dissuasifs présumés du régime fiscal représentatif ne sont pas fondées. Encore ici, les affirmations voulant qu'une approche macro puisse améliorer la situation ne sont pas acceptables.
La disposition plafond vient directement contrecarrer les objectifs fondamentaux du programme. La récente décision du gouvernement fédéral d'abaisser le plafond à un niveau encore jamais vu lui est encore plus nuisible. Ce plafond doit être éliminé.
Les ajouts à la formule de base ont rendu le programme complexe. Ces ajouts ont fait dévier le programme de son objectif ultime, contribuant à l'inéquité des calculs. Pour ce qui est de l'utilisation d'un plafond, les résultats obtenus sont encore moins appropriés. L'élimination de la règle des 70-30 et de la disposition plancher devrait être sérieusement envisagée.
La norme actuellement en vigueur creuse le fossé entre l'Alberta et les autres provinces. La norme des dix provinces permettrait à la formule de réduire plus adéquatement les écarts financiers. Finalement, le programme ne peut fonctionner qu'avec une couverture complète des revenus.
Le président: Considérant ce que nous avons entendu ce soir et votre expérience des fluctuations importantes des paiements de péréquation, pensez-vous qu'il serait dangereux d'éliminer le plancher? Qui sait quand vous pourriez en avoir besoin?
Mme Mella: Les chances que les recettes de l'Île-du-Prince-Édouard deviennent tellement élevées que nous serons touchés par le plancher sont extrêmement minces. Je crois que nous devrions éliminer le plancher, le plafond et la norme des cinq provinces. À l'heure actuelle, le plancher profite à la Saskatchewan. Cette province ne recevrait pas les paiements de péréquation qu'elle reçoit actuellement s'il n'y avait pas de plancher.
Les paiements de péréquation ont énormément fluctué au cours des années et nous savons que cela résulte du fait que la formule dépend de la santé économique du pays. Tout comme le gouvernement fédéral, il est crucial que nous puissions prévoir les périodes de récession. Dans ces périodes, on constatera probablement un ralentissement des recettes que nous tirons de la péréquation.
Le président: Quand avez-vous déposé votre dernier budget?
Mme Mella: En avril dernier.
Le président: La situation a peut-être changé depuis lors.
Mme Mella: Elle a changé.
Le président: Votre ministère est-il en train de réviser ses chiffres? Le gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, a déclaré aujourd'hui que l'économie sera anémique jusqu'à la fin de l'année. Vous allez donc devoir réviser vos prévisions à la baisse, à moins de jouer avec les chiffres, ce qui s'est déjà vu de la part de certains ministres des Finances. Je sais que vous ne le faites pas mais d'autres le font. Vous allez donc devoir abaisser vos prévisions quant aux paiements de péréquation, n'est-ce pas?
Mme Mella: C'est exact, nous l'avons déjà fait.
Le président: Avez-vous une idée de l'ampleur de la réduction?
Mme Mella: La baisse des paiements de péréquation est d'environ 30 millions de dollars.
Le président: Vous allez donc probablement recevoir 30 millions de dollars de moins que vous ne l'aviez prévu en avril dernier.
M. John Palmer, directeur des sciences économiques, des statistiques et des relations fiscales fédérales, gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard: L'effet du plancher est qu'il agit sur les paiements entre les années. Dans la période actuelle, on constate que les paiements ont changé par rapport aux années antérieures. Sur plusieurs années, les paiements montent et baissent en même temps. Le plancher ne touche une province que si les paiements montent dans une et baissent dans l'autre. Si tous les paiements montent et baissent, le plancher ne marche pas. Il offre simplement une protection contre une forte baisse d'une année à l'autre. C'est ce que nous avons constaté ces dernières semaines. Lorsque les droits au paiement ont changé, ils ont changé pendant plusieurs années de suite.
Avec le plancher, il faut qu'il y ait une baisse considérable d'une année à l'autre pour qu'il ne s'applique pas. La formule a été modifiée lors du dernier renouvellement. C'est très grave quand on atteint le plancher.
Le président: Allez-vous recevoir 30 millions de dollars de moins que vous ne le pensiez, en paiements de péréquation, parce que l'économie est moins vigoureuse que prévu?
Mme Mella: C'est à peu près ça.
M. Palmer: Ça comprend les changements de plusieurs années. C'était mon argument.
Le président: Bien sûr. Oui.
Mme Mella: Il y a des redressements pour les années antérieures.
Le président: Je comprends.
Mme Mella: Le résultat final, c'est que nous aurons environ 30 millions de dollars de moins que ce que nous avions prévu dans le budget.
Le président: Les redressements pour les années antérieures sont particulièrement appréciés quand ils se font à notre avantage.
Mme Mella: J'ai fait cette semaine un discours expliquant clairement la situation à la population. Nous avons maintenant les résultats du deuxième trimestre. J'ai dit que l'effet conjugué du déclin économique, des redressements des années antérieures, que personne d'autre que nous ne comprend, je suppose, et des événements du 11 septembre est que les paiements de péréquation pour cet exercice budgétaire seront réduits d'environ 30 millions de dollars. Nous allons essayer de trouver d'autres sources de financement à notre retour.
Le sénateur Bolduc: Pensez-vous que l'élimination du plancher serait injuste pour la Saskatchewan, car elle pourrait enregistrer une baisse brutale des prix dans l'agriculture? La Saskatchewan est probablement plus sensible que toute autre province à la conjoncture internationale dans l'agriculture.
Mme Mella: C'est un sujet particulièrement délicat dans ma province. L'an dernier, nous avons subi le contre-coup du chancre de la pomme de terre.
Le sénateur Bolduc: Ce n'est pas la même chose.
Mme Mella: Proportionnellement, si. L'agriculture est notre plus grosse source de recettes. Pas en termes de dollars quittant la province mais, proportionnellement, l'agriculture est le plus gros secteur industriel de la province.
Le sénateur Bolduc: Je sais que vous avez eu certaines difficultés avec les États-Unis mais ça c'est en fin de compte limité à un conflit de trois mois qui s'est réglé. Ce n'est pas le cas en Saskatchewan.
Le président: Le problème de la Saskatchewan est que les cours du blé sont fixés à l'échelle mondiale.
Le sénateur Bolduc: Ne serait-il donc pas injuste d'éliminer le plancher?
Mme Mella: Je ne le pense pas.
Le sénateur Bolduc: Même pour la Saskatchewan?
Mme Mella: Même pour la Saskatchewan. Nous subissons aussi de très sérieuses fluctuations des cours de toutes sortes de denrées, parfois pendant deux ans, parfois pendant cinq ans et parfois pendant trois mois.
Le sénateur Bolduc: Même si vous êtes une petite province, vous avez quand même le programme de stabilisation. Vous avez une industrie touristique très importante, dans votre province. Vous avez une bonne économie agricole. En Saskatchewan, c'est une économie agricole différente.
Mme Mella: Écoutez, je ne suis pas ici pour prendre position contre la Saskatchewan.
Le président: Si je me souviens bien, votre premier ministre est originaire de cette province.
Mme Mella: En effet, et nous en sommes fiers.
Beaucoup de gens ne comprennent pas vraiment que la péréquation n'est pas une question de développement économique mais de disparités budgétaires.
La péréquation a été intégrée à la Constitution pour veiller à ce qu'une personne de Summerside, à l'Île-du-Prince-Édouard, bénéficie d'une éducation comparable et de soins de santé comparables à ceux d'une personne de Toronto ou de Regina. Il ne s'agit pas de veiller à ce que la personne de l'Île-du-Prince-Édouard trouve un emploi. Il ne s'agit pas de nous aider à lancer des initiatives de développement économique. Il s'agit de veiller à ce que tous les Canadiens bénéficient de services fondamentaux comparables. Si tel n'était pas le cas, tout le monde déménagerait à Toronto ou en Alberta, ou là où il y a du travail.
Les gens qui partiraient seraient ceux qui n'ont pas fait d'études. Ce que nous faisons, à l'Île-du-Prince-Édouard, c'est que nous passons 21 ans à donner une éducation études à nos jeunes, après quoi ils s'en vont dans d'autres provinces pour y être productifs pendant 25 ans, puis, comme ils aiment beaucoup leur province d'origine, ils reviennent pendant les 20 dernières années de leur vie. Donc, la province les a chez elle au début, quand ils coûtent cher, et à la fin, quand ils approchent de la mort, et ils coûtent également cher, et les autres provinces les ont pendant la période intermédiaire.
Le sénateur Bolduc: Ce que vous dites est relativement injuste. Si la qualité de vie dans votre province n'était pas si élevée, ces gens ne reviendraient pas. En fait, c'est une question de distribution.
Le président: Madame la ministre, ai-je raison de penser que l'Île-du-Prince-Édouard n'approuve pas les efforts de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve pour faire retirer les ressources non renouvelables de la formule?
Mme Mella: Absolument pas. Si la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve veulent négocier avec Ottawa pour obtenir une forme de compensation afin de pouvoir consacrer l'argent de leurs ressources à des projets de développement économique ou à autre chose, tant mieux pour elles. Toutefois, le principe même de la péréquation est que, si vous pouvez engendrer vos propres revenus, vous ne pouvez pas avoir les deux. Si vous pouvez générer vos propres recettes, à l'intérieur de votre province, vous perdez un dollar de péréquation pour chaque dollar de recettes supplémentaire. C'est ça, la péréquation.
À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons une industrie non négligeable de l'aérospatiale. Pour chaque dollar que nous rapporte cette industrie, nous perdons un dollar complet de péréquation. Quand on gagne un dollar, on perd un dollar.
C'est ça, la péréquation. Si vos propres recettes augmentent, vous perdez de la péréquation et vous devenez moins tributaire du programme. Vous avancez vers l'autosuffisance. C'est exactement ce qui arrive à l'Île-du-Prince-Édouard, contrairement à ce que pensent les gens qui disent que c'est un facteur de dissuasion. Quel gouvernement ayant un minimum de bon sens entraverait l'expansion de sa propre économie de façon à pouvoir toucher un chèque de péréquation d'Ottawa? Je n'ai encore rencontré personne qui soit aussi retors. Il est évident que nous essayons tous d'assurer l'expansion économique de notre province. Ce qui est bon pour la Nouvelle-Écosse est bon pour nous, et vice versa. Nous essayons tous de développer nos économies et la péréquation n'est pas une question de développement économique.
M. Sean Murphy, le député de la moitié de ma région, préside actuellement une initiative économique pour la région de l'Atlantique. Je crains que quelqu'un n'arrive et dise: ce serait excellent pour remplacer la péréquation. Si tel était le cas, cela montrerait qu'on ne comprend pas le programme de péréquation.
Le but de la péréquation est d'assurer que tous les Canadiens ont accès à des services essentiels relativement similaires. C'est de veiller à ce que l'âge de mortalité moyen d'une province ne soit pas 60 ans si la moyenne du pays est 80 ans. Ce n'est pas une question de développement économique. Beaucoup de gens se trompent à ce sujet.
Le président: À cet égard, l'argument du sénateur Bolduc est valide. La qualité de vie s'est améliorée considérablement, et pas seulement à l'Île-du-Prince-Édouard. Peut-être qu'elle n'avait pas besoin de s'améliorer beaucoup dans votre province, où elle a toujours été excellente. Quoi qu'il en soit, dans d'autres régions des Maritimes, le Programme de péréquation et d'autres programmes de stabilisation ont eu un effet bénéfique sur la qualité de vie.
Mme Mella: Vous parlez de la péréquation?
Le président: Je parle de la péréquation et des autres programmes fédéraux.
Mme Mella: C'est incontestable. C'est pourquoi nous tenons à ce que la formule ne change pas.
Le président: Il n'y a cependant aucune région des Maritimes où l'espérance de vie ne soit que de 60 ans, par exemple.
Mme Mella: Non, c'était juste un exemple que je voulais donner. Si l'accès aux services de santé, par exemple, se situe à un certain niveau dans l'ensemble du pays, il n'y a aucune raison qu'il soit inférieur à l'Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve ou au Manitoba. Ce devrait être comparable partout.
Le président: Adopterez-vous la même position de principe au sujet des recettes issues des ressources non renouvelables si, comme on le prévoit, vous commencez à engranger beaucoup d'argent grâce aux hydrocarbures du bassin du Saint-Laurent?
Je vais vous lire quelques phrases de l'étude de M. Boessenkool, que j'ai lues l'autre jour à votre ami M. Peter Mesheau, du Nouveau-Brunswick:
Comme je l'ai déjà indiqué, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et certaines parties du Québec se situent dans le bassin du Saint-Laurent qui, selon certains experts, offre un gros potentiel en hydrocarbures. Ces provinces essaient déjà d'obtenir des régimes de péréquation hauturiers comme ceux de Terre-Neuve et de la Nouvelle- Écosse. Ma proposition, qui consisterait à retirer des ressources non renouvelables, leur garantirait automatique ment une meilleure situation.
Exprimeriez-vous la même position de principe si vous commenciez à gagner beaucoup d'argent?
Mme Mella: Je ne sais pas d'où vous tirez cette information. Je n'ai jamais entendu mon premier ministre ni aucun membre de mon gouvernement adopter cette position, et je ne l'ai jamais exprimée non plus. Nous faisons actuellement des forages sur terre.
La réalité, c'est que 100 p. 100 des redevances de ces ressources appartiennent aux provinces. En conséquence, on parle alors de 130 p. 100, pas de 30.
Mon argument serait toujours que, si nous avons la chance de découvrir du gaz naturel, du pétrole ou quoi que ce soit d'autre qui constitue une ressource naturelle lucrative, le bon sens impose que, si nous pouvons tirer des recettes de nos propres ressources, nous n'y avons pas droit deux fois.
C'est ça, la péréquation. Si nous pouvons négocier une entente avec le gouvernement fédéral pour répartir l'argent provenant des ressources, nous pourrions le faire. Chaque province peut négocier. Dans mon esprit, cependant, ce serait contraire à la péréquation qui repose sur un principe d'équité budgétaire.
Certes, on peut dire que le pétrole ou le gaz naturel s'épuiseront dans un certain temps, ce qui n'est pas la même chose des pommes de terre. À l'heure actuelle, nous avons 110 000 acres de pommes de terre, ce qui est probablement excessif. Nous n'avons que 300 000 acres de terres arables. En outre, la culture des pommes de terre exige une rotation de trois ans. Nous ne savons donc pas s'il s'agit ou non d'une ressource renouvelable. Elle n'est renouvelable que si la terre est bien gérée.
C'est la même chose pour le poisson. Est-ce une ressource renouvelable? Ça ne l'est pas si on parle de la morue ou d'autres espèces. Qui sait quelles ressources sont renouvelables. Personne ne peut le prédire. Une fois qu'on entame ce type de discussion théorique, on peut dire un peu n'importe quoi sur la péréquation.
Le sénateur De Bané: Avez-vous bien dit, madame, que la péréquation n'a rien à voir avec le développement économique mais tout à voir avec aider les gens à obtenir des services publics fondamentaux? C'est pour cette raison qu'André Raynault, ex-président du Conseil économique du Canada, avait publié une étude dont la thèse principale était que la péréquation a un effet pervers en créant une dépendance.
Toutefois, je ne pense pas que tout le monde soit d'accord avec ça.
Pourriez-vous nous dire quelle est la taille de l'économie de l'Île-du-Prince-Édouard?
Mme Mella: C'est 3 milliards de dollars.
Le président: C'est le PIB.
Le sénateur De Bané: Et quel est le budget provincial?
Mme Mella: C'est 880 millions de dollars.
Le sénateur De Bané: À votre avis, quel est le total global approximatif du gouvernement fédéral à l'Île-du-Prince-Édouard?
Mme Mella: Vous parlez du total des transferts?
Le sénateur De Bané: Oui. Qu'il s'agisse de l'assurance-emploi, des salaires des fonctionnaires au ministère des Anciens combattants, et cetera. Je parle de tous les transferts du gouvernement fédéral dans la province.
Mme Mella: Je ne connais pas vraiment la réponse à cette question. Je sais que nous recevons des paiements de péréquation et le TCSPS, mais je ne sais pas quel revenu nous tirons des fonctionnaires fédéraux.
Le sénateur De Bané: On ne peut pas inclure ça dans la péréquation sinon c'est comptabilisé deux fois.
Mon estimation est que le secteur public, c'est-à-dire le gouvernement provincial et les dépenses fédérales à l'Île-du-Prince-Édouard, dépasse probablement 50 p. 100 de la taille et de l'économie de la province. Êtes-vous d'accord avec cela?
M. Palmer: Je ne pense pas.
Mme Mella: Non. Ça dépasse probablement 38 p. 100 ou 35 p. 100.
Le sénateur De Bané: Le budget provincial représente un tiers de la province. Huit cent quatre-vingt millions de dollars, c'est à peu près le tiers d'une économie de 3 milliards. Ce chiffre représente les dépenses publiques du gouvernement provincial. Je suis donc prêt à dire que si l'on y ajoute les dépenses fédérales dans la province, on atteint un secteur public qui n'est pas loin de 50 p. 100.
Si j'examine les différentes divisions du recensement de l'Île-du-Prince-Édouard, par rapport à celles du Cap-Breton ou de Terre-Neuve, la plupart des divisions de recensement de Terre-Neuve, malgré les réductions substantielles que vous avez correctement identifiées, le revenu par habitant dans les différentes divisions du recensement de l'Île-du-Prince-Édouard reste supérieur à ce qu'il y a au Cap-Breton, dans la plupart des divisions du recensement de Terre-Neuve, sur la côte nord du Bas-Saint-Laurent, et cetera.
Il n'était pas surprenant, quand votre gouvernement et le gouvernement fédéral ont proposé de construire un pont entre votre province et le Nouveau-Brunswick, qu'une minorité substantielle s'y soit opposée. Est-ce que tout le monde veut un pont pour permettre aux gens de l'Île-du-Prince-Édouard de faire partie de l'Amérique du Nord? Beaucoup de gens ont répondu non en disant que cela menacerait leur mode de vie et nuirait à leur qualité de vie. Cela allait directement à l'encontre du développement économique.
Je dois reconnaître que ça m'a beaucoup troublé.
Mme Mella: Les chiffres ne sont pas exacts. La première difficulté fut de convaincre les gens que c'était techniquement possible. Beaucoup de gens pensaient que ce n'était pas réalisable à cause des marées, de la profondeur, du poisson, des glaces et d'autres facteurs. Ils pensaient que ce serait beaucoup plus compliqué que de construire un pont sur terre. Toutefois, une fois qu'ils ont réalisé que c'était techniquement possible, le pourcentage de partisans a atteint près de 75 p. 100.
Chaque province a ses écolos qui préféreraient ne pas avoir à penser à la croissance économique. Ils préfèrent garder les choses telles qu'elles sont. Pour ma part, j'en sais assez pour savoir que le bon vieux temps n'avait rien d'idéal. Je pense que la vie est bien plus agréable aujourd'hui qu'à l'époque de ma mère, et je n'ai aucun désir de retourner au bon vieux temps. Toutefois, il y avait de bonnes choses dans le bon vieux temps que certaines personnes aimeraient préserver. Il y a des gens qui préféreraient qu'il n'y ait pas de circulation automobile ou de restaurants à hamburgers. Ce sont des gens qui préfèrent le chant des oiseaux au bruit des camions. Il y a dans chaque province une partie de la population qui refuse le changement mais, dans l'ensemble, je ne pense pas que nos îliens soient différents des autres.
Le président: Refusez-vous toujours d'importer de l'énergie nucléaire du Nouveau-Brunswick?
Mme Mella: Non.
Le président: C'était le cas, autrefois.
Le sénateur Bolduc: Je pense que nous avons compris.
Le président: Si personne d'autre n'a de questions à poser, je remercie la ministre et M. Palmer d'être venus ce soir. La séance a été extrêmement intéressante. Nous avons maintenant entendu des représentants de trois gouvernements des provinces de l'Atlantique et nous accueillerons en temps voulu des représentants de la Nouvelle-Écosse puis, je crois, du Manitoba.
Mme Mella: Est-ce que nous vous avons tous communiqué le même message?
Le président: Non, pas tout à fait.
Le sénateur Bolduc: C'est ça notre problème.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
La séance est levée.