Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 37 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 23 avril 2002
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 9 h 35 pour examiner le Budget des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2003, notamment le crédit 5 du Conseil du Trésor pour éventualités du gouvernement.
Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Chers collègues, notre comité a entrepris de poursuivre plus en détail l'examen de quelques questions que nous avons soulevées dans certains de nos rapports présentés au Sénat sur le Budget des dépenses du gouvernement. L'une de ces questions porte sur le crédit 5 du Conseil du Trésor, que l'on appelle le crédit pour éventualités du gouvernement.
J'ajouterai qu'il y a une question connexe mais distincte, à savoir le financement et l'imputabilité de fondations autonomes mises sur pied pour atteindre les objectifs stratégiques du gouvernement. Bien qu'il y ait des liens et un certain recoupement entre ces deux questions, nous avons décidé de les traiter et de faire rapport à leur sujet séparément.
Aujourd'hui, si vous le voulez bien, honorables sénateurs, nous allons nous concentrer particulièrement sur l'étude du crédit 5 du Conseil du Trésor.
Vous souhaiterez peut-être soulever d'autres questions pour en discuter avec nos témoins. Si tel est le cas, je vous demande d'attendre au deuxième tour. Au premier tour, j'aimerais que nous nous concentrions uniquement sur le crédit 5 du Conseil du Trésor.
Honorables sénateurs, comme vous le savez, notre témoin est la vérificatrice générale du Canada. Je tiens à remercier Mme Fraser de s'être pliée à notre horaire, comme elle l'a fait. Pour venir nous rencontrer ce matin, elle a accepté de subir pas mal de dérangements, notamment l'obligation d'annuler des engagements à l'extérieur de la ville. Je tiens à lui faire part de notre appréciation pour sa gentillesse et sa grande compréhension.
Sans plus attendre, j'invite Mme Fraser à faire sa déclaration liminaire.
Mme Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada: Monsieur le président, je tiens à remercier le comité de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. C'est la première fois que je me présente devant vous. J'apprécie l'invitation et j'espère que nous aurons l'occasion de nous rencontrer à nouveau.
Je suis accompagnée aujourd'hui des deux directeurs principaux de notre bureau qui ont préparé cette observation de vérification sur le crédit pour éventualités du gouvernement, qui figure au chapitre 8 de notre rapport d'avril 2002. Anne-Marie Smith est avocate de nos Services juridiques, et John Hodgins est comptable agréé, responsable de notre vérification annuelle des Comptes publics du Canada.
Cette combinaison peut sembler étrange: une avocate et un comptable qui travaillent à une vérification, mais dans ce cas, cela est tout à fait logique. Le libellé des crédits et les mandats ministériels peuvent être complexes et légalistes et le transfert proprement dit des autorisations ainsi que le paiement des subventions peuvent être déroutants si l'on n'a pas de connaissances générales en comptabilité.
Cette observation de vérification est donc quelque peu technique, même si nous nous sommes donné beaucoup de mal pour la rédiger le plus simplement possible, parce que le principe de base à la source de nos préoccupations est aussi simple: les ministères doivent obtenir le consentement préalable du Parlement avant d'engager des dépenses.
Monsieur le président, lorsque nous avons préparé cette observation de vérification, nous savions très bien que le comité s'intéressait vivement à l'utilisation du crédit pour éventualités du gouvernement et qu'il prévoyait se pencher sur cette question et sur d'autres questions connexes dans un avenir rapproché. C'est pourquoi l'observation de vérification est un peu plus longue que les autres. Nous présentons l'historique du recours au crédit, y compris l'évolution de son libellé actuel, quelques-uns des commentaires formulés par le Bureau dans le passé et certaines décisions de la présidence de la Chambre à l'égard du crédit.
Nous résumons également certaines discussions du comité au sujet du crédit pour éventualités du gouvernement. Nous espérons que cela sera utile aux membres qui ne faisaient peut-être pas partie du comité lorsque cette question a été abordée.
Nous craignons que les dépenses faites par le gouvernement sous forme de subventions, en vertu de l'autorisation provisoire de dépenser conférée par le crédit pour éventualités du gouvernement, ne soient pas conformes à l'intention du Parlement.
[Français]
Monsieur le président, avant de poursuivre la discussion sur nos préoccupations, je crois qu'il serait utile d'expliquer de façon très simple comment le crédit fonctionne. Dans ce cas également, ce mode de fonctionnement ne s'applique qu'aux subventions.
Le libellé du crédit ministériel pour les subventions est très précis, il est intitulé: «Subventions inscrites au Budget des dépenses». Lorsqu'un événement nécessite le paiement de subventions et que le ministère n'a pas l'autorisation d'utiliser son crédit pour subventions et contributions afin d'engager des dépenses, il peut demander une autorisation par le processus des budgets supplémentaires des dépenses ou, si le paiement est urgent, il peut demander au Conseil du Trésor l'autorisation provisoire d'utiliser le crédit 5.
Lorsque le Secrétariat du Conseil du Trésor examine ce genre de demande, il s'appuie sur huit lignes directrices pour déterminer s'il doit soumettre la demande au Conseil du Trésor. Ces lignes directrices sont énumérées à la pièce 8.5 de l'observation de vérification.
Si le Conseil approuve la demande, on informe le ministère qu'on lui donne l'autorisation provisoire d'utiliser le crédit 5 pour effectuer le paiement. Le ministère verse alors les subventions en invoquant son propre crédit pour subventions et contributions comme source d'autorisation.
Normalement, dans le Budget supplémentaire des dépenses suivant, le Parlement autorise rétroactivement les subventions.
Dans ce contexte, monsieur le président, les préoccupations dont nous avons fait part dans l'observation de vérification se résument à deux choses.
Premièrement, le libellé du crédit pour éventualités du gouvernement a un sens extrêmement large, et les termes «diverses menues dépenses imprévues qui n'ont pas autrement été pourvues» n'ont été définis d'aucune façon par le Secrétariat du Conseil du Trésor. Ce libellé a donné au Secrétariat beaucoup de latitude au fil des ans pour interpréter l'autorisation de dépenser.
Je ne mets pas en question l'utilisation de ce crédit pour des menues dépenses imprévues du gouvernement ou des situations d'urgence pour lesquelles il n'existe aucune autre autorisation de dépenser. Comme il est mentionné dans l'observation de vérification, on ne peut pas s'attendre à ce que le gouvernement prévoie tous les types de dépenses qui peuvent être engagées au cours d'un exercice, et il doit donc disposer d'une certaine marge de manœuvre pour couvrir les dépenses imprévues. Toutefois, je crois qu'il est important que le Secrétariat du Conseil du Trésor clarifie l'expression «diverses menues dépenses et imprévues».
À mon avis, les subventions que nous avons vérifiées, pour lesquelles on a donné une autorisation provisoire de dépenser au moyen du crédit 5, n'étaient pas du tout ce qu'il convient d'appeler des «diverses menues dépenses imprévues».
Les subventions totalisant 50 millions de dollars pour l'appui technologique au développement durable avaient été prévues 13 mois avant leur paiement; la subvention de 12 millions de dollars pour Clayoquot Sound avait été prévue 14 mois avant son versement. De plus, les subventions de 95 millions de dollars à l'industrie aérienne, bien qu'imprévues, ne peuvent certainement pas être considérées comme «diverses et menues».
Les analystes du Secrétariat du Conseil du Trésor avec lesquels nous avons discuté au cours de la vérification avaient tous des points de vue différents sur ce que l'on entendait par diverses menues dépenses imprévues.
Monsieur le président, nous avons donc recommandé que le Parlement envisage d'examiner le libellé du crédit pour les éventualités du gouvernement pour faire en sorte que ce dernier l'utilise conformément aux désirs du Parlement, et que le Secrétariat du Conseil du Trésor donne suite à toutes les recommandations de ce comité et du Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes.
[Traduction]
Ma deuxième préoccupation est plus technique, soit la différence entre «autorisation de dépenser» et «autorisation législative». Si l'on prend, par exemple, les subventions pour l'appui technologique au développement durable, il est clair, à mon sens, qu'Environnement Canada et Ressources naturelles Canada avaient l'autorisation législative de conclure des ententes pour les subventions, mais avaient-ils vraiment l'autorisation de dépenser requise pour effectuer les paiements?
Pour répondre à cette question, nous avons examiné le libellé des crédits pour subventions et contributions des ministères. Dans les deux cas, le Parlement avait donné l'autorisation de dépenser pour les subventions inscrites au Budget des dépenses. Le montant des subventions était alors de 2,85 millions de dollars pour Environnement Canada et de 600 000 dollars pour Ressources naturelles Canada.
De plus, d'après notre interprétation des catégories de subventions décrites dans le Budget des dépenses pour les deux ministères, les subventions pour l'appui technologique au développement durable n'avaient pas été envisagées par le Parlement. Ainsi, à notre avis, les deux ministères n'avaient pas obtenu du Parlement l'autorisation de dépenser pour les subventions de 25 millions de dollars visant l'appui technologique au développement durable lorsque les paiements ont été effectués.
Monsieur le président, nous avons donc recommandé que le Secrétariat du Conseil du Trésor soumette au Conseil du Trésor une politique ou des lignes directrices officielles sur le recours au crédit pour éventualités du gouvernement dans le cas des subventions, pour faire en sorte que l'autorisation de dépenser soit obtenue avant que les paiements soient effectués. Nous recommandons également que toute dérogation à cette politique soit communiquée au Parlement dans le Budget supplémentaire des dépenses.
Dans sa réponse, le Secrétariat du Conseil du Trésor a mentionné qu'il réviserait les lignes directrices et qu'il les soumettrait à l'approbation des ministres du Conseil du Trésor. Il n'a pas précisé cependant si la révision porterait sur le recours au crédit pour les subventions. Vous voudrez peut-être demander aux représentants du Secrétariat de préciser leur position sur ce point. Expliqueront-ils ce qu'ils entendent par des dépenses «diverses, menues et imprévues»? Ont-ils l'intention de continuer à avoir recours au crédit 5 pour les subventions, même quand celles-ci n'ont pas été inscrites au Budget des dépenses dans les crédits ministériels connexes?
Vous voudrez peut-être aussi discuter avec eux des avantages d'inclure dans les lignes directrices l'obligation de communiquer au Parlement, dans le Budget supplémentaire des dépenses, toute exception à la politique ou aux lignes directrices révisées.
Monsieur le président, j'ai terminé ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous avez déjà répondu à plusieurs de mes questions dans votre déclaration, laquelle, à mon avis, a été directe et précise. Malheureusement, les réponses sont celles que je craignais obtenir. Je poursuivrai la discussion avec un représentant du Conseil du Trésor.
Au sujet de l'interprétation qu'il faut donner aux termes «diverses, menues et imprévues», on trouve dans notre cahier d'information le texte d'un échange sur la question intervenu en 1989 entre le sénateur Stewart et M. Darling. On y donne l'interprétation suivante, soit qu'il y a deux éléments, des dépenses mineures et des dépenses imprévues, peu importe leur taille. C'est ainsi qu'on les définissait alors.
Est-ce de cette façon que le Conseil du Trésor interprète les choses qui, sans se lire ainsi, sont interprétées au regard des dépenses imprévues, à savoir qu'il n'y a pas de limites, mais que des dépenses mineures ne sont rien d'autre que des dépenses mineures?
Mme Fraser: D'après ce que nous savons, le Secrétariat du Conseil du Trésor n'utilise aucune définition. Selon notre interprétation, il faut respecter les trois conditions. Si vous lisez le libellé, il n'y a pas de virgule entre les mots, et on emploie le mot «et» et non «ou». À notre avis, le Secrétariat devrait clarifier la façon dont il interprète cette phrase.
Le sénateur Lynch-Staunton: J'ai bien hâte au deuxième tour parce que je vais vous poser des questions sur la fondation, mais je vais respecter la directive de notre distingué président.
Le président: Nous allons discuter des fondations le mois prochain.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je croyais que vous aviez dit au deuxième tour.
Le président: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.
Le sénateur Lynch-Staunton: Eh bien, puisque la vérificatrice générale a effectivement parlé des fondations, pouvez- vous faire une exception?
Le président: Nous étudions actuellement cette question séparément.
Le sénateur Lynch-Staunton: Peut-être allez-vous revenir au comité.
Le président: Nous espérons accueillir à nouveau la vérificatrice générale.
Le sénateur Stratton: Bonne question.
Le président: Oui, nous sommes en train d'organiser cela.
Le sénateur Lynch-Staunton: Dans sa décision sur l'établissement des fonds pour la Fondation canadienne pour la technologie du développement durable dont il est question dans le Budget supplémentaire des dépenses (A), le président Milliken a déterminé que les fonds étaient mal présentés mais a donné au gouvernement la chance d'apporter la correction dans le Budget supplémentaire des dépenses. Le débat s'est poursuivi, comme vous vous en souviendrez, ensuite le Budget supplémentaire des dépenses a fait l'objet d'un vote sans correction. Les corrections ont été apportées dans le Budget supplémentaire des dépenses (B). Ai-je raison de dire que lorsque nous avons voté le Budget supplémentaire des dépenses (A), nous avons approuvé des crédits qui n'auraient pas dû s'y trouver?
Mme Fraser: Je vais demander à ma conseillère juridique de répondre à cette question.
Mme Anne-Marie Smith, directrice principale, Bureau du vérificateur général du Canada: Oui, essentiellement, c'est comme ça que ça se présentait la première fois. Il y avait description d'une subvention pour un fonds, mais la subvention a été versée à une fondation, à un organisme sans but lucratif. C'est parce qu'il y avait une différence dans la description que le président a rendu une décision, à savoir que l'autorisation pour utiliser les descriptions et les listes de subventions dans le Budget supplémentaire des dépenses ne suffisait pas pour rembourser les sommes affectées au crédit 5 du Conseil du Trésor.
Cependant, ce Budget supplémentaire des dépenses a poursuivi son chemin et dans le Budget supplémentaire des dépenses (B), il y a un autre poste qui, maintenant qu'il est approuvé, permettra de rembourser ou d'augmenter le crédit pour éventualités.
Le sénateur Lynch-Staunton: Oui, la correction a été apportée dans le Budget supplémentaire des dépenses (B), mais n'aurait-elle pas dû être apportée aussi dans le Budget supplémentaire des dépenses (A)?
À mon avis, lorsque nous avons voté le Budget supplémentaire des dépenses (A), nous n'avons pas tenu compte de la décision du président Milliken et nous sommes allés de l'avant; si j'en crois son avis, je conclus que nous n'aurions pas dû voter ces crédits. Peu importe qu'il s'agisse seulement d'une question de libellé, il aurait fallu apporter la correction avant de voter le Budget supplémentaire des dépenses (A). Le ministre du Conseil du Trésor a dit: «Oh, nous le ferons lors du Budget supplémentaire des dépenses (B)», et a tout simplement écarté la question, ce que j'ai trouvé assez cavalier de sa part.
Je ne veux pas que vous fassiez de commentaires sur mon énoncé politique, je veux que, en tant qu'avocate, vous appuyiez mon argument ou que vous disiez: «Non, c'est tout à fait correct, peut-être aurait-on dû le faire dans le Budget (A), mais c'est aussi correct de le faire dans le (B).»
Mme Smith: Le résultat, c'est que pour l'instant, des crédits de 150 millions de dollars ont été approuvés pour la technologie du développement durable.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est-à-dire 50 millions de dollars dans le Budget supplémentaire (A), et 100 millions dans le Budget supplémentaire (B), oui c'est bien cela, alors que l'autorisation initiale ne portait que sur 100 millions de dollars.
M. John Hodgins, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada: Monsieur le président, dans le Budget initial, une somme de 100 millions de dollars avait été votée pour la Fondation pour la technologie du développement durable; 50 millions de dollars lui avaient déjà été versés. En effet, il y avait donc 150 millions de dollars d'approuvés, mais le Conseil du Trésor a interdit au ministère de verser 50 millions de dollars sous forme de paiements. Même si l'autorisation parlementaire avait été donnée, le Conseil du Trésor a réagi en empêchant le ministère d'effectuer un versement de 50 millions de dollars.
Le sénateur Lynch-Staunton: Donc, le Conseil du Trésor approuve des paiements sans l'autorisation du Parlement et une fois que ce dernier a donné son autorisation, le Conseil du Trésor peut en faire fi.
Mme Fraser: Je pense que nous pouvons tous en conclure qu'il eût été préférable que le Budget supplémentaire des dépenses (A) ait été correct dès le début.
Le sénateur Banks: Il y a quelques minutes, quelqu'un a mentionné une chose sur laquelle j'aimerais que vous fassiez des commentaires, et il s'agit du libellé que l'on trouve à la page 1-54 du crédit 5, lorsqu'on a parlé de virgules et de choses du genre. Je lis ici la phrase en anglais. Cela me semble assez peu restrictif. Il en va de même au numéro 1-7 de l'introduction à la partie II du Budget principal des dépenses où il est question d'un vote pour éventualités du gouvernement et où l'on dit:
Ce crédit augmente les crédits afin de fournir au gouvernement la souplesse nécessaire pour faire face à des dépenses imprévues jusqu'à l'obtention de l'approbation du Parlement.
Puis, dans l'introduction de ses lignes directrices, le Secrétariat du Conseil du Trésor dit ce qui suit au sujet des éventualités du gouvernement:
Sous réserve de l'approbation du Conseil du Trésor, pour augmenter les crédits servant à absorber les coûts salariaux et à assumer des dépenses diverses, mineures et imprévues.
En lisant l'anglais, je dirais qu'il s'agit de trois choses distinctes et que les autres exigences pourraient être n'importe quoi.
Le sénateur Stratton: Tout le budget.
Le sénateur Banks: Oui. En fait, lors de l'audience à laquelle le sénateur Lynch-Staunton a fait référence, le sénateur Stewart a demandé au Secrétaire du Conseil du Trésor de l'époque si, hypothétiquement, il était possible pour le gouvernement de simplement autoriser un crédit pour éventualités pour l'obtenir. Bien sûr, c'est une question purement hypothétique et personne n'a jamais prétendu que quelqu'un pourrait faire une chose pareille.
Que pensez-vous de ce que je viens dire? Quiconque exploite une entreprise sait qu'il n'est pas approprié d'agir ainsi sans éventualités; cela est impossible. Que pensez-vous du libellé... «sous réserve de l'approbation du Conseil du Trésor», le crédit pour éventualités peut être utilisé «pour augmenter les crédits servant à absorber les coûts salariaux et à assumer des dépenses diverses, mineures et imprévues».
Là où je veux en venir, c'est que nous accordons beaucoup d'attention aux termes «diverses, mineures et imprévues». Je ne fais pas simplement que lire ces mots en étant convaincu que le libellé actuel signifie que les termes «diverses, mineures et imprévues» s'appliquent à d'autres exigences, ce qui semble assez large comme interprétation.
Mme Fraser: D'après notre interprétation, ce crédit comporte deux éléments, l'un qui porte sur «l'ajout de crédits pour absorber les coûts salariaux et d'autres exigences», ce qui veut dire les dépenses de fonctionnement courantes et les dépenses normales pour lesquelles les ministères ont des autorisations au cours de l'année. Ce qui nous préoccupe ici, ce sont les subventions. Les subventions ne tombent pas dans la catégorie «autres crédits pour absorber les coûts salariaux et autres exigences». Nombre de ces subventions dont nous avons parlé spécifiquement n'étaient pas autorisées avant que le crédit 5 ne soit utilisé, donc, elles tombent dans la deuxième catégorie, qui est celle des «dépenses diverses, mineures et imprévues».
D'après notre interprétation, les trois conditions doivent s'appliquer et ce ne sont pas des «dépenses diverses, mineures ou imprévues». Ainsi, nous nous interrogeons quant à certaines des subventions qui ont été accordées en nous demandant si elles étaient véritablement imprévues et si elles sont réellement mineures; nous croyons également qu'il faudrait préciser davantage les types de paiements de subventions qui entrent dans cette catégorie.
Peut-être Mme Smith voudra-t-elle ajouter quelque chose.
Mme Smith: Je pense que la vérificatrice générale a expliqué la situation. À notre avis, le libellé du crédit comporte deux parties, et le problème, c'est la façon dont les fonds sont transférés. Le Conseil du Trésor transfère des fonds aux crédits ministériels, et c'est en fait le libellé du crédit ministériel que nous regardons de près afin de voir s'il comporte l'autorisation d'effectuer le paiement au moment où l'argent est de fait donné.
Il ne fait aucun doute, en ce qui a trait au deuxième volet du libellé du crédit, où il est question de sommes allouées pour des «dépenses diverses, mineures et imprévues», qu'il n'est aucunement question du libellé d'autres crédits ministériels et que, en fait, nous considérons cela comme distinct de la partie qui autorise d'autres crédits ministériels.
En théorie, si les fonds accordés à la fondation, par exemple, avaient été versés directement à la société bénéficiaire par le Conseil du Trésor à même ces crédits, nous n'aurions pas remis l'autorisation en question parce que, comme l'a fait remarquer le sénateur Banks, ce libellé est effectivement extrêmement vague. Il ne s'agit dans ce cas que d'effectuer une analyse pour voir s'il s'agit de dépenses mineures, diverses ou imprévues.
Mme Fraser: Nous convenons tout à fait que le gouvernement a effectivement besoin de certains crédits pour faire face à des dépenses imprévues. Il doit jouir de cette latitude, si vous voulez, parce que de toute évidence, vu la taille du budget, il n'est pas possible de prévoir avec certitude tout ce qui se produira durant une année.
Le sénateur Banks: Je sais que je pose une question de sémantique, mais elle a beaucoup à voir avec votre explication.
En ce qui concerne votre rapport, dois-je donc en déduire que les subventions ne font pas partie de ce que le libellé décrit comme des crédits pour assumer les coûts salariaux et autres exigences mais plutôt comme des dépenses diverses? Est-ce que j'ai raison de dire cela?
Mme Fraser: Les subventions pourraient être classées dans la première partie du texte s'il y avait un crédit ministériel spécifique à cette fin. Par exemple, en ce qui concerne le crédit sur le développement durable, un des ministères n'avait l'autorisation de dépenser que 600 000 dollars au titre des subventions alors qu'il a accordé une subvention de 25 millions de dollars, tandis que l'autre était autorisé à dépenser moins de 3 millions de dollars. Les ministères n'avaient aucune autorisation spécifique leur permettant de verser ces subventions. S'ils avaient eu l'autorisation de verser des subventions de 100 millions de dollars, par exemple, et qu'ils y avaient fait appel pour accorder ces subventions, à ce moment-là, l'argent serait venu s'ajouter aux crédits déjà existants.
Le sénateur Banks: Le crédit peut être utilisé pour des dépenses qui ne sont pas ensuite approuvées par le Parlement, auquel cas ces dépenses feraient toujours partie des crédits pour éventualités selon certaines notes que j'ai ici, n'est-ce pas?
Mme Smith: Je crois que seules les sommes supplémentaires accordées pour les salaires constitueront une charge permanente imputée au crédit 5.
Le sénateur Banks: J'ai une note qui dit le contraire. Je veux comprendre exactement ce dont nous parlons. Cette note dit que les principes à respecter dans les cas où les fonds d'urgence sont demandés pour effectuer un paiement sont en partie les suivants: d'abord, l'article doit correspondre au libellé du crédit pour éventualités, ensuite, il doit s'agir d'une dépense diverse, mineure et imprévue pour laquelle aucun crédit n'est prévu et qui pourrait légitimement constituer une charge permanente imputée au crédit pour éventualités si le Budget supplémentaire des dépenses n'est pas approuvé.
Est-ce exact?
Mme Fraser: Oui, c'est l'une des huit lignes directrices du Secrétariat du Conseil du Trésor.
Le sénateur Banks: En théorie, une dépense pourrait être engagée en vertu d'un crédit pour éventualités et demeurer comme telle et devenir un élément permanent du crédit pour éventualités et ne jamais être approuvée par le Parlement. Est-ce exact?
Mme Smith: Si l'on s'en remet à cette phrase «dépenses diverses, mineures et imprévues», oui.
Le sénateur Stratton: Ma question fait suite à celle du sénateur Banks. Faudrait-il resserrer la définition? Virtuellement, si on pense aux subventions, on pourrait l'appliquer à n'importe quoi; en théorie, elle permettrait d'approuver tout le budget si on voulait.
Le sénateur Banks: Ce n'est qu'en théorie.
Le sénateur Stratton: Pour donner au gouvernement la souplesse dont il a besoin, la définition doit-elle être resserrée ou modifiée et, le cas échéant, comment?
Mme Fraser: Nous avons recommandé de clarifier la définition; en outre, nous avons recommandé que le Secrétariat du Conseil du Trésor soumette au Conseil du Trésor une politique officielle qui renfermerait des lignes directrices sur l'utilisation du crédit. Plus particulièrement, comment définit-on une dépense «mineure»? Est-ce par rapport au crédit pour éventualités lui-même, lequel est de 750 millions de dollars? Est-ce par rapport aux crédits ministériels?
Je dois admettre que lorsque nous avons mené la vérification, les analystes du Conseil du Trésor eux-mêmes avaient une interprétation différente de ce que l'on entend par «mineure». À notre avis, il faut clarifier la manière dont on doit définir une dépense «mineure».
Le sénateur Stratton: À votre avis, est-ce possible? La définition de ce qui est mineur dépend de chacun. Je pourrais juger qu'il s'agit d'une dépense de 5 millions de dollars, alors que selon mon voisin, cela pourrait être 500 millions de dollars. Comment définissez-vous cela?
Mme Fraser: Je conviens qu'il pourrait y avoir diverses interprétations, et c'est la raison pour laquelle il faut préciser une interprétation qui soit claire pour tout le monde. Il doit y avoir une ligne directrice. Il pourrait s'agir d'un pourcentage du crédit total. Cela pourrait être établi en fonction des crédits ministériels. Il pourrait y avoir diverses lignes directrices. Cependant, je pense qu'il est important que les choses soient claires.
Le sénateur Stratton: Avez-vous proposé une façon de préciser cette définition ou si vous laissez ça entièrement aux mains de ces gens-là?
Mme Fraser: Nous en avons confié le soin au Secrétariat du Conseil du Trésor.
Le sénateur Stratton: Vous ne voulez pas vous aventurer là-dedans?
Mme Fraser: Non.
Le sénateur Tunney: Ma question comporte deux volets. Je la pose parce que je suis assez confus par les propos que j'ai entendus et par ce que j'ai lu depuis la publication de votre rapport.
J'aimerais vous demander ce que vous pensez d'un commentaire qu'a fait M. Paul Martin, notre ministre des Finances, qui a contredit une déclaration de votre rapport, à savoir qu'une fois les fonds accordés à une fondation, vous n'avez plus la possibilité de les vérifier. Il a contredit cela. Il a dit que la vérificatrice générale avait tort à cet égard.
Le président: Nous allons examiner cette question le mois prochain, sénateur, dans le cadre d'une étude spéciale. Aujourd'hui, c'est du crédit pour éventualités que nous voulons discuter.
Le sénateur Tunney: L'autre volet de ma question — vous ne voudrez peut-être pas répondre au premier — est le suivant: Si le gouvernement verse 150 millions de dollars à une fondation, comme nous savons qu'il a fait, ces 150 millions de dollars sont-ils défalqués de notre surplus?
Mme Fraser: La réponse à la deuxième question du sénateur est oui. Les énoncés du gouvernement sont en général basés sur une comptabilité d'exercice, de sorte que lorsque l'argent est transféré à l'extérieur du gouvernement et donné à l'une de ces fondations, la somme est inscrite comme dépense et vient réduire l'excédent pour l'année.
Le sénateur Tunney: J'aimerais simplement faire un commentaire ici. Je pense qu'il est ironique que notre ministre des Finances soit quelque peu gêné par les surplus. Je me demande si cela fait entre autres partie d'un plan visant à réduire certains de ces surplus. Vous n'avez pas besoin de faire de commentaires là-dessus, bien entendu.
Le président: Je pense que dans son rapport, la vérificatrice générale précise que les décisions ne doivent pas être prises en vue d'obtenir un résultat comptable particulier, mais doivent se fonder plutôt sur une politique sensée.
[Français]
Le sénateur Bolduc: J'ai lu vos commentaires dans votre document et les ai bien appréciés. J'ai également lu le cahier d'information que l'on nous a distribué.
Je suis ici depuis 1988. J'ai entendu les débats avec le sénateur Stewart sur toutes ces questions. J'en tire la conclusion suivante sur laquelle j'aimerais avoir votre opinion.
Historiquement, nous avons d'abord la Constitution. Jusqu'en 1960 les dépenses devaient toujours être autorisées par le Parlement. C'était l'exigence fondamentale. Auparavant, il fallait une dépense imprévue extraordinaire pour que l'on finisse par soit donner un mandat en l'absence du Parlement, lorsque le Parlement ne siège pas, ou un vote de contingence. Toutefois, il s'agissait vraiment de dépenses imprévues.
Depuis le régime de négociations collectives dans le secteur public en 1963-1964, le gouvernement s'est rendu compte qu'il ne pouvait pas mettre dans les estimations budgétaires les montants requis pour payer les augmentations de salaire qu'il avait l'intention de donner aux fonctionnaires, parce que cela signifierait qu'il envoyait le message au syndicat, «venez en chercher, il y en a pour 3 p. 100 ou 4 p. 100». Alors le gouvernement s'est dit — et de là l'expression, «la liste de paye» — que si on convient d'une convention collective, c'est l'équivalent d'un traité par le ministère des Affaires étrangères, ou d'un traité qui sera donc entériné par la suite au Parlement. Tous l'ont accepté, parce qu'il faut dans le fonds que le gouvernement ait ses cachettes lorsqu'il négocie, qu'il ait son secret. On comprends cela.
Depuis 20 ou 25 ans je constate une tendance à ajouter à cela toutes sortes de choses. Si bien qu'aujourd'hui, même avec les lignes directrices du Secrétariat du Conseil du Trésor — qui n'ont pas d'ailleurs été approuvées par le Conseil du Trésor à l'exception de quatre sur huit — le gouvernement peut dépenser n'importe quoi, à n'importe quel temps. C'est le point de vue que l'on a actuellement.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor — et je ne blâme pas les fonctionnaires pour autant, parce qu'ils sont sujets à des pressions — a tendance à trouver des trucs pour permettre que cela fonctionne. Nous avons, entre autres, l'exemple pour le fonds technologique.
Il est donc temps de redresser cette situation. Je crois que l'idée générale de votre proposition est qu'il faut rédiger de nouveau le libellé, le vote 5. Est-ce bien le cas?
Mme Fraser: Le sénateur connaît mieux l'histoire que moi et toute l'évolution de ce vote. Notre préoccupation est effectivement que le vote est utilisé pour plusieurs subventions. Est-ce vraiment ce que le Parlement avait prévu avec ce texte de loi? Soit que le texte de loi soit changé, ou qu'il y ait des directives plus claires pour bien définir comment il devrait être utilisé. Nous n'avons pas proposé un changement à la loi, mais plutôt des directives.
Le sénateur Bolduc: Et peut-être également un changement au libellé?
Mme Fraser: C'est aux parlementaires de décider si ce serait approprié ou non.
Le sénateur Bolduc: Je trouve que la tendance va aller en augmentant. Nous en sommes présentement à 750 millions de dollars. Cela représente 1 p. 100 ou 1.5 p. 100. Les gens disent qu'en Angleterre on a 1.8 p. 100, et en Australie on a 2 milliards. Je trouve que cela nous amène à l'équivalent de mettre un paquet de bonbons devant des enfants et de dire, si vous en voulez, vous pouvez en prendre, mais on vous recommande de ne pas en prendre. Mais voyons! On sait bien où cela va mener.
C'est mon point de vue, et j'aimerais savoir si vous êtes indifférente au fait que la loi devrait être changée ou que le libellé devrait être modifié si les parlementaires le jugent à propos.
Mme Fraser: Nous croyons que des directives plus claires et mieux connues de tous aideraient et seraient suffisantes.
[Traduction]
Le sénateur Cools: En ce qui concerne l'utilisation du crédit 5 pour éventualités et la définition de «dépenses diverses, mineures et imprévues», à votre avis, est-ce que des élections générales ou les perturbations qu'elles amènent au gouvernement pourraient être considérées comme un ensemble de circonstances imprévues?
Mme Fraser: Je ne sais pas si je peux faire des commentaires là-dessus. Des mandats spéciaux sont accordés lorsque le Parlement est prorogé; c'est là un autre mécanisme dont dispose le gouvernement.
Mme Smith: Afin d'obtenir un mandat spécial, le gouvernement doit garantir qu'il n'y a pas d'autres crédits disponibles, de sorte que si des élections sont déclenchées, le premier recours qu'a le gouvernement pour accéder à des fonds serait le crédit pour éventualités.
M. Hodgins: Nous avons signalé dans la note de vérification qu'en 2000, l'utilisation du crédit pour éventualités était plus importante que la normale à cause du déclenchement d'élections fédérales.
Le sénateur Cools: Je me pose ces questions parce que les gouvernements doivent s'occuper de très nombreuses questions et réalités politiques. Je voulais assurer que ces questions soient considérées.
Cependant, les processus concernant le crédit 5 du Conseil du Trésor et les mandats spéciaux diffèrent. Je ne pense pas que nous devrions introduire ici la question des mandats spéciaux du Gouverneur général, peut-être plus tard.
Je vous ai entendu dire que le Conseil du Trésor a ses propres définitions quant à ce qui constitue une dépense diverse, mineure et imprévue. Je vous ai également entendu dire que vous avez une opinion tout à fait différente quant à la signification de ces termes, et que vous avez certaines opinions bien éclairées sur ce que ces mots devraient vouloir dire.
De toute évidence, vous avez une opinion différente, et je perçois un profond désaccord entre le Conseil du Trésor et vous sur la définition de ces termes. Dans quelle mesure votre désaccord avec le Conseil du Trésor est-il une question de politique, une question de fond et une question de vérification?
Mme Fraser: Comme vous le savez, ce n'est pas le rôle du vérificateur général de remettre les politiques en question, mais bien de s'interroger sur leur mise en œuvre et leur administration. Dans le cas qui nous intéresse, le Secrétariat du Conseil du Trésor n'a pas formulé de définition de dépenses mineures, imprévues et diverses, et c'est cette question que nous soulevons ici. Le SCT a classé certains de ces crédits de subventions dans la catégorie des dépenses mineures, diverses et imprévues. Selon notre définition, nous mettons cette façon de faire en doute. Le Secrétariat pourrait avoir, et à juste titre, une définition ou une interprétation qui diffère de la nôtre. Nous disons qu'il faut définir ce que c'est et bien sûr, en tant que vérificateurs, nous pourrions voir si les paiements effectués respectent la définition établie. Cependant, comme il n'y a pas de définition claire, il nous faut nous demander si, à notre avis, il s'agit ici de dépenses mineures, diverses et imprévues.
Le président: Quant à savoir comment et pourquoi certaines dépenses entrent dans ce crédit, je ne sais pas, madame la vérificatrice générale, si vous vous êtes intéressée à des cas spécifiques. Sinon, nous allons passer à autre chose et, de toute façon, je vais poser ces questions aux représentants du Conseil du Trésor lorsqu'ils comparaîtront devant notre comité.
À l'onglet 5 de leurs reliures de documentation, mes collègues trouveront des exemples d'éléments majeurs classés dans ce crédit et qui remontent jusqu'à 1996-1997. Par exemple, je vois sous ministère du Patrimoine canadien, 15 millions de dollars pour la création du Bureau d'information du Canada. Sous Conseil privé, je vois 10 millions de dollars pour l'établissement du Bureau du millénaire du Canada. Je ne peux pas croire qu'on n'avait pas prévu l'arrivée du nouveau millénaire.
Sous Commission de la capitale nationale, je vois 40 millions de dollars pour la revitalisation de la rue Sparks; sous Santé, Instituts de recherche en santé du Canada, des subventions pour des projets de recherche et autres, 67,8 millions de dollars; sous ministère des Travaux publics Canada, Bureau d'information, pour le soutien à une approche axée sur les citoyens en matière de communications gouvernementales, 23,6 millions de dollars.
Est-ce que vous avez examiné ces cas précis ou si nous devrions tout simplement passer à autre chose? D'après ce que je vois, j'aurais de la difficulté à justifier ces dépenses comme étant des dépenses mineures, diverses et je ne pourrais certainement pas les qualifier d'imprévues.
Mme Fraser: Nous n'avons pas examiné ces paiements en particulier. Nous avions effectivement quelques exemples qui ont été mentionnés dans notre observation de vérification, mais nous ne sommes pas remontés aussi loin.
Le président: Nous n'irons pas plus loin.
Sur une autre note, cependant, les honorables sénateurs trouveront à l'onglet 4 un document que le Conseil du Trésor a fourni au comité en 1989 lorsque le sénateur Stewart et ses collègues étudiaient la question avec acharnement. Au premier paragraphe de la page 3, que je trouve intrigant, on lit ceci:
En théorie, le Conseil du Trésor a tous les pouvoirs nécessaires pour utiliser le crédit pour éventualités selon les restrictions du libellé même du crédit, sans devoir demander d'autres autorisations du Parlement. Bien sûr, le Parlement serait informé de l'utilisation qui a été faite du crédit pour éventualités dans les comptes publics, mais toutes ces charges pourraient être imputées à titre de charges permanentes à ce crédit. Bien que plus loin, une autre section du crédit prévoie des autorisations pour réutiliser des sommes remboursées à même d'autres crédits, il n'y a aucune exigence relative au remboursement de ces sommes ou à l'inclusion des éléments crédités au Budget supplémentaire des dépenses. D'après l'avocat général intérimaire du Conseil du Trésor, dans une opinion donnée le 18 juillet 1978, «il serait encore tout à fait approprié en droit de rembourser l'argent, en ce qui a trait au libellé précédent du crédit, jusqu'à concurrence du montant voté. À ce moment-là, tout comme dans le cas de n'importe quel autre crédit, les fonds seraient épuisés et aucun autre paiement ne pourrait être fait, mais il ne serait pas nécessaire en loi de remplacer l'argent provenant du Budget supplémentaire des dépenses.»
Comme vous l'aurez remarqué, ce paragraphe comporte plusieurs énoncés, et il me semble que ce que dit ici le Conseil du Trésor, c'est ceci: «Vous pensez que nous excédons notre mandat. Au contraire, nous faisons preuve d'une certaine modération, compte tenu de la latitude que la loi nous donne.» Êtes-vous d'accord au sujet de ce qu'affirmait alors le Conseil du Trésor?
Mme Fraser: Oui, monsieur le président, nous sommes d'accord. J'attire votre attention sur une des lignes directrices du Secrétariat du Conseil du Trésor. Il s'agit de la deuxième qui dit ceci: «Règle générale, les charges permanentes ne seront pas imputées au crédit pour des exigences autres qu'un manque à gagner pour les salaires ou des récompenses accordées en vertu de la Loi de la fonction publique sur les inventions. Toutes les autres avances provenant du crédit pour éventualités doivent être considérées comme des avances temporaires...»
Par conséquent, la pratique générale veut qu'on n'impute pas de charges permanentes au crédit.
Le président: Cependant, sur le plan juridique, la situation est différente.
Mme Fraser: C'est exact.
Le président: Devrions-nous demander conseil pour voir s'il y aurait lieu de changer ou de resserrer la situation juridique?
Mme Fraser: C'est là une décision qu'il appartient aux parlementaires de prendre et sur laquelle la vérificatrice générale n'a pas à faire de commentaires.
Le sénateur Bolduc: Il s'agit de l'interprétation juridique du Conseil du Trésor. Ce n'est pas nécessairement la situation juridique.
Le président: Personne n'a contesté le Conseil jusqu'à maintenant.
Le sénateur Cools: J'aimerais soulever deux points, monsieur le président. Je pense que nous devrions également obtenir une mise à jour de cette opinion en particulier parce que celle de l'avocat général intérimaire du Conseil du Trésor que vous venez tout juste de lire date du 18 juillet 1978. Cela fait quand même bien longtemps. En outre, ce document est tiré d'une étude du comité sénatorial sur le crédit 5 du Conseil du Trésor qui a été menée aux environs de 1987 ou 1988. À cette époque-là, j'étais aussi membre du comité. Je pense que le comité bénéficierait grandement d'une mise à jour de cette opinion.
Le président: Nous allons demander aux représentants, lorsqu'ils comparaîtront, si cette opinion tient toujours, à leur avis.
Le sénateur Cools: Je sais que lors de leur comparution devant notre comité, les gens du Conseil du Trésor ont répété à maintes reprises qu'ils sont très restreints et modérés et que chaque fois qu'ils utilisent effectivement le crédit 5, ils s'assurent d'y donner un suivi en incluant les éléments en cause dans le Budget des dépenses suivant, ce qui diffère légèrement de ce qui a été dit ici. Nous prenons bonne note du point soulevé et nous devrions l'examiner avec un certain sérieux. La première chose à faire, c'est de nous assurer de porter cette question à leur attention.
Le sénateur Lynch-Staunton: Lorsque nous étudiions le Budget supplémentaire des dépenses (B), quelqu'un a demandé de quelle autorisation le ministre des Transports s'était prévalu pour permettre le versement de 160 millions de dollars d'aide aux sociétés aériennes et à d'autres membres de l'industrie directement touchés par la tragédie du 11 septembre. On nous a renvoyés au paragraphe 4.2(1) de la Loi sur l'aéronautique selon lequel le ministre peut «offrir son concours, financier ou autre, aux personnes et aux administrations ou organismes dans les domaines liés à l'aéronautique».
Je trouve que c'est un peu tiré par les cheveux. Peut-être avez-vous déjà répondu à ma question lorsque le président vous a demandé si vous aviez eu l'occasion d'examiner certaines subventions spécifiques, mais celle-ci étant plus récente, si vous ne l'avez pas fait, le ferez-vous? Je doute que le Parlement à l'époque ait pu prévoir une autorisation pour un événement comme celui que nous avons connu il y a six ou sept mois, et certes, ce n'était pas une dépense mineure, peu importe la définition qu'on donne à ce terme — imprévue, certes — mais l'autorisation existait-elle?
Mme Fraser: Au meilleur de ma connaissance, je dois dire que nous n'avons pas examiné le crédit particulier utilisé par Transports Canada pour payer ces sommes. Cependant, nous allons vérifier ce programme dans le cadre de notre vérification normale des Comptes publics du Canada.
J'ajouterais seulement que cela nous amène à la question que nous soulevons. Si le Conseil du Trésor avait versé cet argent directement à même le crédit 5, il aurait eu l'autorisation de le faire, mais parce qu'il vient ajouter à un crédit ministériel, alors à ce moment-là, le ministère doit avoir l'autorisation de dépenser et dans certains cas, on peut se demander si le ministère a cette autorisation. Je sais qu'il s'agit ici d'une petite différence technique, mais nous croyons qu'il est important d'examiner cette question aussi.
Le sénateur Lynch-Staunton: M. Cappe, lorsqu'il a comparu devant le comité en 1993, alors qu'il se trouvait au Conseil du Trésor, a dit que les exigences normales du crédit 5 correspondaient à environ 1 p. 100 du total des crédits. Comme l'a fait remarquer le sénateur Bolduc, ce pourcentage a augmenté beaucoup plus rapidement que les crédits au cours des dernières années. Le chiffre que j'ai pour l'an dernier, c'est 1,43 p. 100; cette année, il est de 1,33 p. 100.
Y a-t-il un engagement quelconque à l'égard de ce 1 p. 100, ou ce pourcentage devrait-il se situer à 1 p. 100? Ou encore, le gouvernement, comme il semble le faire, devrait-il l'augmenter puisqu'il s'en remet de plus en plus au crédit 5?
Mme Fraser: Nous n'avons pas examiné cette question, et nous n'avons pas non plus de commentaires à faire sur la somme qu'il devrait y avoir dans le crédit pour éventualités du gouvernement.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est une chose dont nous pourrons discuter avec les représentants du Conseil du Trésor.
[Français]
Le sénateur Bolduc: Autrement dit, il y a un mandat d'un ministère d'un côté, et vous avez l'autorisation législative pour un programme de l'autre côté. Si le programme est établi par la législation, les crédits destinés à le mettre en œuvre doivent alors permettre l'allocation des subventions.
Dans ce cadre, est-ce que le crédit 5 peut autoriser une dépense avant le vote du crédit destiné à financer le programme? C'est là le fond de ma question.
[Traduction]
Mme Fraser: C'est exactement le problème que nous soulevions en ce qui a trait à la différence entre le pouvoir de dépenser et le pouvoir législatif. Si le Conseil du Trésor avait payé les subventions à même le crédit 5, il aurait eu le pouvoir de dépenser. En réalité, il transfère des fonds pour les ajouter aux crédits ministériels et, dans le cas des subventions, le pouvoir de dépenser se limite aux subventions inscrites au Budget. Toutefois, dans les cas que nous avons examinés, on ne retrouvait dans le Budget aucune mention spécifique du genre de subvention pour laquelle l'argent était dépensé. Nous nous sommes demandé si les ministères avaient vraiment le pouvoir de dépenser même s'ils avaient le pouvoir législatif. C'est évidemment une question un peu technique.
Le sénateur Banks: Je vais vous poser une de ces merveilleuses questions hypothétiques. Comme vous l'avez entendu tout à l'heure, je ne suis pas convaincu que l'expression «diverses, mineures et imprévues» (je ne devrais même pas vous poser cette question) s'applique à la rubrique «autres exigences», et j'aimerais poursuivre cette discussion pour déterminer si j'ai tort.
En ce qui concerne la question sur les lignes aériennes soulevée par le sénateur Lynch-Staunton, par exemple, certains diront que le gouvernement devrait fonctionner comme une entreprise, mais le gouvernement n'est pas une entreprise. Vous avez dit que nous devrions circonscrire la définition du terme «dépenses imprévues» et établir une limite. Je comprends que cela serait très utile pour les comptables — sauf le respect que je leur dois — et pour bien d'autres aussi. Le fonctionnement d'un gouvernement ne peut pas toujours s'incliner à ce qu'il y a de plus simple.
Avez vous considéré le côté pratique de la restriction des dépenses imprévues lorsque le gouvernement doit, après tout, gouverner? Je ne parle pas ici des subventions au titre du développement durable et si, à titre d'exemple, on admet qu'il y a un pouvoir ministériel de dépenser 152 millions de dollars dans le cas des lignes aériennes, personne n'aurait pu prévoir les événements qui se sont déroulés. Si ces événements s'étaient passés ici, les coûts auraient pu atteindre 152 milliards de dollars.
Il est impossible de faire les mêmes prévisions prudentes au sujet des dépenses imprévues que le ferait un entrepreneur lorsqu'il construit un édifice. Il peut décider qu'un taux pour éventualités de 10 p. 100 à telle rubrique est acceptable, 15 p. 100 à telle autre, et ainsi de suite pour n'importe quelle entreprise. Êtes-vous certaine qu'une politique de restriction des dépenses imprévues est une solution pratique lorsqu'on parle d'affaires gouvernementales?
Mme Fraser: Je suis d'accord avec vous, sénateur, qu'il est impossible de prédire toutes les dépenses. Le gouvernement se doit de garder une marge de manœuvre et il est important qu'il dispose d'un crédit pour éventualités comme celui-ci.
Nous nous préoccupons particulièrement des subventions. Les crédits salariaux et les autres exigences sont déjà établis et l'octroi de suppléments à ce titre est chose normale, si l'on peut dire. Et je crois que c'est bon. Ce qui nous inquiète ici, ce sont les subventions non prévues dans le cadre des autres crédits ou qui sont imprévues dans les autres crédits. Nous croyons que les directives devraient être plus claires en ce qui a trait à leur acceptabilité et à la définition de «dépenses mineures» dans ces cas.
Nous reconnaissons qu'il peut y avoir des situations qui ne se conforment pas aux normes définies. On ne peut pas toujours avoir affaire à des situations simples qui tombent dans le cadre des règles que souhaitent les comptables. Nous suggérons plutôt une clarification des lignes directrices et, si une exception s'impose, que celle-ci puisse être portée à l'attention du Parlement avec les explications à l'appui. Nous convenons, cependant, qu'il y aura certainement des cas qui seront complètement à l'extérieur des balises établies.
Le sénateur Banks: Les directives pourraient prescrire un plafond imposé pour les dépenses imprévues. Il advient ensuite une dépense au-delà de ce montant, par exemple une prorogation, le 11 septembre ou tout autre événement, alors qu'il serait impossible d'obtenir une approbation parlementaire au moment critique. Qu'arriverait-il si le gouvernement du Canada devait faire face à une dépense urgente immédiate?
Supposons qu'une limite de 2 p. 100 est imposée pour les dépenses imprévues dans le cadre du Budget principal des dépenses. Une situation comme celle du 11 septembre (Dieu nous en protège) ou toute autre date se présente et le gouvernement doit engager une dépense de 15 milliards de dollars, donc au-delà des 2 p. 100, sans pouvoir recourir à l'approbation du Parlement. Il faut que le gouvernement dispose d'un moyen de faire cette dépense. Sinon, le plafond des dépenses imprévues obligerait le gouvernement à réagir de la façon suivante: «Nous ne pouvons pas donner suite à votre requête parce que nous ne disposons pas de l'approbation parlementaire. Nous avons atteint le plafond des crédits pour éventualités.» Poussé à l'extrême, cela reviendrait à dire ceci: «Nous regrettons que votre maison soit en flammes, mais nous ne pouvons rien faire pour vous aider.»
Mme Fraser: Je vais demander à Mme Smith de commenter, mais les crédits pour éventualités sont déjà limités à 750 millions de dollars. Le gouvernement n'a pas l'autorisation d'en dépenser plus.
Mme Smith: C'est exact. Le gouvernement peut dépenser jusqu'à concurrence de 750 millions de dollars, mais jusqu'à ce que les budgets supplémentaires soient adoptés et remboursés...
Le président: Le fait que ce soit un fonds renouvelable et que le crédit est renfloué pose un problème. Nous avons ici un document daté de 1989 qui présente les données de 1974-1975 à 1987-1988. Dans les deux dernières années en cause, le niveau du crédit, qui était à 0,95 p. 100 du Budget principal des dépenses, était de 360 millions de dollars tandis que les allocations se chiffraient à 593 millions de dollars. À chaque année entre 1974-1975 et 1987-1988, les allocations dépassaient considérablement le taux réel du crédit, et ce, à cause des renflouements.
Le sénateur Bolduc: Nous devons faire la distinction ici entre les crédits pour éventualités et les budgets supplémentaires. Bien sûr, lorsqu'on prépare le budget à l'automne en prévision du mois de février suivant, les propositions des divers ministères sont analysées. Nous savons que lorsque le budget est arrêté, disons le 15 décembre, le processus se poursuit pour les dépenses à venir. Nous n'en discutons pas parce que c'est le cours normal des choses. Le Parlement ne siège pas.
Le problème qui se pose, c'est que nous dépensons de l'argent sans l'approbation du Parlement ou nous utilisons une interprétation si large du crédit 5 que nous pouvons faire à notre guise, et cela n'est pas acceptable. C'est mon avis.
Le sénateur Mahovlich: Je ne sais pas si ma question doit plutôt être adressée à votre conseillère juridique. Quelles modifications recommanderiez-vous à la phrase «dépenses diverses, mineures et imprévues»? Que recommanderiez- vous au gouvernement ou pensez-vous qu'il ne vous appartient pas de faire de telles recommandations?
Mme Fraser: Nous ne proposons pas que la loi elle-même soit changée. Nous suggérons plutôt une clarification des lignes directrices du Secrétariat du Conseil du Trésor. Lors de la vérification, chacun des analystes avait un point de vue différent sur ce que cela voulait dire; nous croyons donc qu'il devrait y avoir des directives normalisées d'interprétation à la disposition des analystes pour, ainsi dire, les aider à faire cette interprétation.
Le sénateur Mahovlich: Est-il possible que certaines subventions soient octroyées à titre de prêts? Par exemple, si les lignes aériennes arrivent à renverser la situation, seraient-elles appelées à remettre les 150 millions de dollars? Est-ce déjà arrivé?
Mme Fraser: Le programme en vertu duquel on a accordé une subvention aux lignes aériennes n'est pas un prêt. Le but était de les indemniser pour certaines dépenses engagées et pertes subies pendant la période de fermeture de l'espace aérien. Ce n'est pas un prêt remboursable.
Le sénateur Cools: Je disais justement à mon ami le sénateur Mahovlich que le mot «subvention» avait une signification particulière au Parlement. C'est un cadeau assorti de conditions.
Le sénateur Tunney: Vous savez sans doute que le gouvernement a semblé généreux envers Air Canada dans l'attribution d'une subvention à la suite du 11 septembre. Les journaux d'hier, je crois, rapportent que le gouvernement exigerait maintenant le retour d'une bonne portion de cette subvention. Toutefois, il est très difficile d'estimer ou de prévoir bien des choses. Rappelons-nous la crise du verglas alors qu'on a eu besoin d'une aide immédiate de la part des gouvernements. Rappelons-nous également la sécheresse de l'été dernier qui a donné un coup terrible aux agriculteurs, particulièrement ceux des Prairies, lesquels avaient un grand besoin d'aide financière avant même que le gouvernement puisse faire les allocations nécessaires. Pensez-vous qu'on devrait permettre des exceptions à la règle pour aller au-delà de ce qui est considéré comme dépenses imprévues et mineures ou au-delà de ce qu'on perçoit comme «mineur»?
Mme Fraser: Nous sommes bien au courant du cas des lignes aériennes. Comme vous le savez, on nous a demandé d'examiner la requête d'Air Canada et l'interprétation de certaines règles faite par Transports Canada à ce propos. C'était un programme très particulier qui a permis le remboursement de certaines dépenses par le gouvernement. Dans cette situation particulière, parce que le besoin d'argent était urgent, le ministère a d'abord versé sur-le-champ une portion des réclamations; il a ensuite effectué les vérifications et a fait les débours finaux aux requérants. Dans le cas d'Air Canada, la somme initiale déboursée était au-delà du montant payable; je présume que c'est une situation hautement inhabituelle. Je crois que dans la majorité des autres cas, on a dû faire un paiement supplémentaire final. Cela m'apparaît comme la manière appropriée de gérer une telle situation. On doit pouvoir faire le débours rapidement.
En ce qui concerne le crédit pour éventualités, tel que déjà mentionné, le montant total est de 750 millions de dollars. Nous demandons des directives en ce qui concerne chaque subvention, c'est-à-dire le montant approprié, ce qui est une «dépense mineure» et comment définir ce dernier terme dans le présent contexte.
Le sénateur Tunney: Songeriez-vous à limiter le montant total des dépenses ou chaque dépense individuelle? Avez- vous une préférence à ce sujet?
Mme Fraser: Parce que le total du crédit est de 750 millions de dollars, il y déjà une limite aux dépenses qui peuvent être engagées sans approbation supplémentaire du Parlement pour renflouer les crédits. Nous demandons des directives dans la définition du terme «dépenses diverses et mineures» surtout en ce qui a trait aux subventions.
Le président: La question technique que vous soulevez, si je la comprends bien, est que dans certains cas, si le Conseil du Trésor émet un chèque et fait un paiement, ce serait acceptable. Toutefois, si le Conseil du Trésor avance des fonds à un ministère qui n'a pas le pouvoir de dépenser dans une situation donnée, cela entraînerait un problème. C'est peut- être une question technique à poser au Parlement.
Par contre, j'hésite à encourager la pratique que vous suggérez, c'est-à-dire que le Conseil du Trésor se mette à faire des chèques directement aux ministères. Il me semble que cette pratique embrouillerait la question de la responsabilité de ceux-ci. Le Conseil du Trésor est un comité qui relève du Cabinet. Au moins, lorsque l'argent passe par le ministère, le ministre en question devient responsable des fonds et peut être tenu d'en rendre compte.
Ce genre de débours direct me préoccupera jusqu'à ce que les directives et le processus soient considérablement resserrés.
Avez-vous des commentaires à ce propos?
Mme Smith: Non.
Le président: Est-ce que la question du processus de débours est importante pour vous?
Mme Fraser: Nous avons soulevé la question des subventions soi-disant imprévues. Si on prend l'exemple des subventions pour le développement durable, le ministère avait un budget de subventions de 600 000 dollars, mais a effectivement accordé une subvention de 25 millions de dollars. Ceci nous amène à nous demander de quel pouvoir disposait le ministère pour dépenser cette somme. Nous soulevons la question dans ce contexte spécifique. J'espère bien que ces opérations sont rares et exceptionnelles, mais il est utile de ramener ces cas anormaux devant le Parlement.
Le sénateur Cools: J'aimerais poursuivre la question du sénateur Banks et la réponse de la vérificatrice générale au sujet de la limite du crédit pour éventualités qui est fixée à 750 millions de dollars. Je crois également que cette limite est déterminée à partir du pourcentage d'un total. Il me semble que ce total est de 1,4 p. 100 ou 1,3 p. 100, ou un chiffre semblable, du Budget principal des dépenses. C'est un sujet qu'il nous faudra revoir. Je me trompe peut-être sur les pourcentages, mais je suis certaine en ce qui concerne les 750 millions de dollars. Toutefois, il faut savoir comment ce montant est déterminé parce qu'il est important de bien comprendre le processus.
J'aimerais éclaircir l'objet de mon intervention au sujet des désaccords sur les questions de fond. Ma préoccupation est que l'outil de vérification est parmi les plus puissants et aux yeux du public, le mot «vérification» revêt souvent toutes sortes de connotations négatives de corruption, d'escroquerie, de probité et ainsi de suite. C'est un outil si puissant que nous, les membres du comité, devons l'utiliser avec soin et être sensibles à son effet pour éviter de donner naissance à des perceptions négatives alors qu'en réalité nous désirons trouver de meilleures méthodes de gouverner.
Je tenais à apporter cette précision car les manchettes annonçant le dépôt de votre rapport il y a quelques jours m'ont terrifiée. L'une d'elles disait même 7 milliards de dollars perdus ou quelque chose du genre. Vous n'en êtes pas responsable, mais je tenais à rappeler le contexte dans lequel nous travaillons. Chacun souhaite accomplir son travail au meilleur de ses habiletés et nous désirons que le Conseil du Trésor, le Parlement et notre comité en fassent autant.
C'est une question d'équilibre de responsabilités très difficile à atteindre. En ce qui concerne les principes, nous équilibrons d'une part ce que nous appelions anciennement les «initiatives financières de la Couronne», c'est-à-dire ce que le gouvernement, le roi, pouvait dépenser. D'autre part, ces dépenses sont contrebalancées par le phénomène du contrôle parlementaire des fonds publics et par le mandat ministériel. Je voulais faire ces précisions pour éviter toute confusion.
Le sénateur Banks: Le sénateur Cools, entre autres, a soulevé la question de la limite imposée au crédit pour éventualités. N'est-ce pas un montant fixé arbitrairement par le Parlement? C'est-à-dire que, théoriquement, le Parlement pourrait modifier soit à la hausse, soit à la baisse le pourcentage de son Budget principal des dépenses au titre des éventualités. Ai-je raison? Ce n'est jamais pareil.
Mme Fraser: C'est exact. Je ne suis pas au courant de la façon dont le montant est fixé. Toutefois, vous avez raison, sénateur, le Parlement peut décider d'augmenter ou de réduire le montant de ce crédit.
Je suis parfaitement d'accord avec le sénateur Cools en ce qui concerne l'effet de la vérification qui, de par sa nature, a tendance à être axée sur les éléments à améliorer. Dans le domaine public, ces éléments revêtent souvent un caractère sensationnel et les perceptions sont souvent plus négatives que positives. Il est donc important que nos rapports soient équilibrés et indiquent où les bonnes pratiques existent.
Le sénateur Cools: Je suis consciente de cela.
Mme Fraser: J'apprécie votre intérêt à ce sujet.
Le sénateur Cools: La divergence d'opinions est bonne. Je crois qu'on doit exprimer ses opinions et que celles-ci doivent être encouragées et acceptées. Je voulais simplement préciser l'origine de la divergence d'opinions.
Le président: Avant que vous ne partiez, madame Fraser, j'aimerais vous donner l'occasion de commenter, si vous le désirez, les remarques du professeur Donald Savoie sur vous, c'est-à-dire votre service, et sur nous. En ce qui concerne votre service, il dit:
Trop de gens oublient que le bureau de la vérificatrice générale est un piège des chiffres et qu'on ne doit pas prendre ses recommandations sur les politiques gouvernementales au pied de la lettre.
Plus loin, M. Savoie dit ceci:
Tout le monde présume que le bureau du vérificateur général ou de la vérificatrice générale est vertueux. C'est l'hypothèse de départ. Souvent par contre, (les rapports de vérification) sont peu judicieux et manquent de professionnalisme.
Paroles encore plus sérieuses, il dit ceci: «le Parlement n'est plus en mesure de jouer son rôle», soit celui de responsabiliser le gouvernement, dont parlait le sénateur Cools. De plus, il dit:
«La question fondamentale est la suivante: La vérificatrice générale ne devrait-elle pas établir le bien-fondé d'une pratique où tout doit faire l'objet d'une approbation et être imputable? Nous dépensons environ 160 milliards de dollars par année. Qui peut prétendre que le Parlement tient chacun responsable (des sommes octroyées)? Qui essaie-t-on de berner ici? Cela était peut-être efficace il y a 100 ans alors que le gouvernement était petit, abordable et compris.»
Ajoutant à son argument que la majorité des questions «ne sont pas du ressort du Parlement», il dit: «Le Parlement a été conçu à une époque où les choses étaient simples et contrôlables. C'est l'époque où le Parlement et le gouvernement travaillaient bien ensemble.»
Le sénateur Cools: Qui est l'auteur de cet article?
Le président: L'auteur est un journaliste qui citait le professeur Donald Savoie. L'article a été publié dans l'édition du 22 avril du journal The Hill Times.
Mme Fraser: Je pourrais faire plusieurs commentaires au sujet de cet article. J'invite d'ailleurs tous les sénateurs à lire dans la même édition un éditorial qui prend la position opposée. Je ne m'oppose pas à ce qu'on critique mon bureau. Cela fait partie de notre objectif d'amélioration.
Par contre, je m'oppose à ce qu'on nous accuse de «manque de professionnalisme». Avant d'entamer une vérification, nous nous entendons avec le ministère intéressé sur les critères à favoriser. Nous examinons toutes nos constatations de pair avec ces ministères. Nous examinons également avec eux le ton de notre rapport. J'ose dire que, dans 90 p. 100 des cas, les ministères endossent les résultats de nos vérifications.
Le professeur Savoie ne nous a pas consultés avant de faire ses commentaires.
Le sénateur Cools: Si la vérificatrice générale désire faire de plus amples commentaires, je crois que nous devrions lui en donner l'occasion. Je n'avais pas lu l'article.
Le président: Elle reviendra à une prochaine séance.
Le sénateur Cools: Je lirai certainement l'article. Pour l'information des honorables sénateurs, on doit préciser que le bureau de la vérificatrice générale travaille toujours en consultation avec le Conseil du Trésor et que cet état de choses n'est pas toujours connu ni compris de bien des gens. D'après ce que j'ai compris, il y a constamment des échanges d'informations, des réunions et un dialogue.
Le sénateur Doody: Est-ce que le bureau de la vérificatrice générale a eu l'occasion de comparer le crédit 5 pour éventualités canadien aux crédits pour éventualités dans d'autres États? L'Australie ou le Royaume-Uni aurait sûrement recours aux crédits pour éventualités de temps à autre. Savez-vous si leur utilisation de tels crédits serait différente de la nôtre?
Mme Fraser: Nous n'avions pas effectué ce genre de recherche au moment de cette vérification.
Le sénateur Bolduc: Pensez-vous publier un tel document comparatif d'ici quelques années?
Mme Fraser: Peut-être. Je ne voudrais pas m'engager à livrer un produit spécifique, mais il serait peut-être intéressant de consulter ce genre d'information à l'avenir.
Le sénateur Bolduc: Ce serait une merveilleuse occasion pour un de vos cadres de se rendre en Australie au mois de février.
Le président: Nous remercions les témoins. Comme d'habitude, cette séance a été des plus instructives et intéressantes.
La séance est levée.