Délibérations du Comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 38 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 1er mai 2002
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 17 h 45 pour examiner le Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2003, soit le crédit 5 du Conseil du Trésor — Éventualités du gouvernement.
Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, la semaine dernière nous avons reçu la vérificatrice générale pour l'interroger au sujet d'un rapport qu'elle a déposé à la Chambre des communes, et ce soir, toujours dans le cadre de notre examen du Budget des dépenses, nous accueillons nos amis du Secrétariat du Conseil du Trésor.
Dans une semaine, le secrétaire sortant du Conseil du Trésor, M. Frank Clayton, comparaîtra devant le comité en compagnie de ses collaborateurs, qui vous sont bien connus.
Je crois savoir que M. Neville compte faire une déclaration liminaire.
M. Richard J. Neville, sous-contrôleur général, Direction de la fonction de contrôleur, Secrétariat du Conseil du Trésor: Monsieur le président, honorables sénateurs, merci pour l'occasion qui m'est donnée ce soir de participer à vos délibérations touchant le crédit 5, Conseil du Trésor, du Budget des dépenses.
En même temps, comme il s'agit d'un sujet d'actualité, j'aimerais réagir au récent rapport de la vérificatrice générale, et notamment ses notes de vérification au chapitre 8 touchant le recours au crédit 5 du Conseil du Trésor pour les éventualités du gouvernement.
Je suis accompagné de M. David Bickerton, directeur général, Division des opérations et prévisions des dépenses, qui vous a récemment rencontrés pour répondre à vos questions touchant le Budget principal des dépenses de 2002- 2003 et le projet de loi de crédits provisoires y afférents.
Comme j'ai eu l'occasion au fil des ans de témoigner devant le comité à plusieurs reprises, j'ai une bonne idée de la nature de vos intérêts et préoccupations concernant le recours au crédit 5 du Conseil du Trésor pour éventualités du gouvernement. Nous avons également pris bonne note de l'intérêt que portent les comités de la Chambre des communes à cette question.
Dans son récent rapport, la vérificatrice générale explique une série d'événements liés à des problèmes passés et présents découlant de l'utilisation du crédit 5 du Conseil du Trésor, et elle présente ses observations ainsi que celles de ses prédécesseurs. J'ai pensé qu'il serait utile de vous expliquer les divers éléments du libellé du crédit 5 du Conseil du Trésor, Éventualités du gouvernement. Cela pourrait contribuer à orienter la discussion et à expliquer ce que le Parlement a approuvé, à notre avis, en adoptant ce libellé.
Même si je vais me permettre de paraphraser la formulation actuelle, je compte en couvrir tous les éléments. Le libellé du crédit permet, sous réserve de l'approbation du Conseil du Trésor, de faire essentiellement deux choses: d'abord, de suppléer à d'autres crédits, de façon permanente, afin de combler un déficit au chapitre de la rémunération ou de répondre à d'autres besoins en fin d'année; et deuxièmement, de prévoir une autorisation de financement provisoire en cours d'exercice afin de couvrir diverses menues dépenses imprévues qui n'ont pas autrement été prévues.
Un troisième élément du crédit prévoit la remise de primes aux termes de la Loi sur les inventions des fonctionnaires. En vertu de ce mécanisme rarement utilisé, le gouvernement peut verser un montant à des fonctionnaires pour des inventions créées dans le cadre de leur emploi à la fonction publique et brevetées par le gouvernement.
Le libellé du crédit accorde également l'autorisation de réutiliser les sommes attribuées pour des besoins temporaires en veillant à ce que ce crédit soit remboursé au moyen d'autres crédits une fois que l'autorisation du Parlement est obtenue.
Même si cette explication peut sembler longue, elle est essentielle pour comprendre la façon dont ce crédit est utilisé par le gouvernement.
[Français]
Le recours à l'autorisation accordée aux termes du crédit 5 a toujours été plus restrictif que les utilisations autorisées par le Parlement. Le libellé du crédit est général de façon à permettre au gouvernement de faire face aux imprévus.
De nombreuses dépenses pourraient être imputées en permanence au crédit 5, mais le gouvernement l'utilise comme un mécanisme de financement temporaire qui permet de composer avec les problèmes urgents et imprévus que le gouvernement doit financer. La plupart des sommes portées à ce crédit de façon annuelle sont inutilisées à la fin de l'exercice. J'y reviendrai.
Le secrétariat du Conseil du Trésor a toujours pris en considération avec le plus grand sérieux les intérêts de toutes les parties et ce, dans tous ses secteurs de responsabilités. Comme par le passé, nous continuerons de nous attaquer aux problèmes et aux préoccupations soulevés.
Le crédit 5 du Conseil du Trésor a été créé à titre de mécanisme assez souple pour permettre de composer avec les rajustements à apporter aux dépenses publiques prévues pour l'exercice. Dans la majorité des cas, l'accès au crédit 5 a pour objet de prévoir un financement temporaire des demandes ministérielles afin de satisfaire aux besoins de trésorerie urgents. À ce titre, le crédit fait partie intégrante du processus parlementaire d'affectation de crédits.
[Traduction]
Le Conseil du Trésor et son Secrétariat respectent le processus parlementaire d'affectation de crédits et ils examinent chacun des cas pour lesquels des ministères demandent l'accès au crédit 5 du Conseil du Trésor. Certaines préoccupations ont déjà été exprimées au sujet de l'utilisation du crédit 5, et le Secrétariat du Conseil du Trésor y a toujours répondu.
L'accès au crédit 5 est rigoureusement contrôlé, surtout dans le cas de nouvelles subventions ou de l'augmentation de subventions déjà accordées. Ces demandes ne sont approuvées que dans des circonstances exceptionnelles, quand il est établi que le gouvernement doit prendre certaines mesures, comme dans le cas de la réaction à la crise au sein du secteur du transport aérien. Je parlerai plus longuement de ce cas dans un instant.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor applique des critères particuliers afin de juger de la validité de ces demandes. J'estime que le Secrétariat du Conseil du Trésor a géré ce fonds avec la rigueur et la diligence nécessaires, et qu'il a toujours obtenu l'autorisation du Conseil du Trésor pour les demandes d'accès au crédit 5 du Conseil du Trésor.
Même si elle recommande l'adoption de certaines mesures pour garantir l'utilisation appropriée du crédit 5 du Conseil du Trésor, la vérificatrice générale reconnaît que le Secrétariat du Conseil du Trésor a mis au point des critères visant à orienter les membres de son personnel. Ces critères, qui ont été expliqués dans un rapport remis au comité en 1989, ont évolué en fonction du contexte.
J'aimerais décrire les critères utilisés par le SCT pour évaluer les demandes d'accès au crédit 5. Ces critères sont présentés dans la pièce 8.5 du rapport d'avril 2002 de la vérificatrice générale.
D'abord, comme l'autorisation de faire des paiements sur le fonds des éventualités est précisée dans le texte du crédit 5, tous ces paiements doivent être pleinement conformes à ce texte (autrement dit, si de tels paiements sont nécessaires, il pourrait s'agir d'imputations légitimes au crédit 5).
Deuxièmement, en règle générale, on n'imputera pas de dépenses permanentes au crédit pour les besoins autres que les déficits au chapitre de la rémunération ou les primes accordées en vertu de la Loi sur les inventions des fonctionnaires. Toutes les autres avances imputées au crédit pour éventualités doivent être considérées comme des avances temporaires devant être couvertes par des postes inscrits au Budget supplémentaire des dépenses et être remboursées lorsque la loi de crédit y afférente est adoptée.
Troisièmement, lorsque ces avances sont demandées pour faire face à un besoin financier, le Conseil du Trésor doit s'assurer que le paiement en question s'inscrit dans le cadre du mandat du ministère et qu'il existe un besoin de liquidités légitime devant être comblé avant l'approbation du Budget supplémentaire des dépenses.
Quatrièmement, lorsqu'il effectue un transfert afin de fournir une autorisation de paiement, le Conseil du Trésor doit être convaincu qu'il existe une raison valable et suffisante pour laquelle le paiement doit être fait avant que l'on ait reçu l'approbation normale du Parlement. Si le paiement peut raisonnablement être différé jusqu'au dépôt du Budget supplémentaire des dépenses et si l'autorisation du Parlement peut être accordée au moyen d'une loi de crédits, le financement des éventualités ne devrait pas être assuré pour accorder cette autorisation.
En 1996, le Secrétariat du Conseil du Trésor a ajouté les lignes directrices suivantes, et il s'agit là, monsieur le président, de mon cinquième point: les fonds prévus au crédit 5 du Conseil du Trésor doivent être suffisants. Sixièmement, l'affectation de fonds ministériels prévus doit être insuffisante pour couvrir les besoins existants et financer la nouvelle initiative (à l'exception des postes de subventions) jusqu'à la fin de la période visée par le crédit. Septièmement, l'initiative en question doit être jugée suffisamment urgente pour justifier que la dépense soit engagée avant que le Parlement n'approuve le poste budgétaire en question dans une loi de crédits en bonne et due forme. Enfin, il doit exister un bénéficiaire valable et légalement constitué auquel la subvention sera versée.
[Français]
J'aimerais établir le contexte ayant entouré l'évolution du crédit pour éventualités du gouvernement. Ce crédit existe pratiquement depuis les débuts de la Confédération. De plus, il existe dans sa forme actuelle, à quelques légères modifications près, depuis le milieu des années 70.
D'abord et avant tout, je tiens à signaler qu'il y a des limites à ce qu'il est possible de faire. Même si le libellé du crédit est général, il convient de signaler que toutes les opérations sont assujetties à l'approbation du Conseil du Trésor. Toutes les demandes d'accès au crédit 5 du Conseil du Trésor sont fondées sur des présentations provenant des ministères qui ont été approuvées par les ministres.
Le secrétariat du Conseil du Trésor, en appliquant les critères que la vérificatrice générale explique en détails de son observation, évalue les demandes et fait des recommandations au Conseil du Trésor au titre de l'étude de cas individuels. C'est ce qui s'est produit dans les trois cas étudiés par la vérificatrice générale pour l'observation en question.
Les critères appliqués par le Secrétariat du Conseil du Trésor sont, en grande partie, les critères qui étaient inclus dans un rapport présenté au président de ce comité en 1989. Ces critères ont été expressément examinés et ils ont été approuvés par le Conseil du Trésor de l'époque.
D'autres critères ont été ajoutés au fil des ans, à mesure que les problèmes et les événements le justifiaient, et ils ont été soumis aux analystes du Secrétariat du Conseil du Trésor afin de les aider à évaluer les demandes des ministères.
[Traduction]
Je voudrais maintenant aborder un deuxième problème, probablement plus essentiel, soulevé par la vérificatrice générale, à savoir l'utilisation du crédit 5 du Conseil du Trésor pour autoriser le paiement des subventions avant l'autorisation du Parlement.
Comme vous le savez, le Parlement ne traite des crédits que trois fois au cours de l'exercice. La première période de crédits prend fin le 3 juin. Le gouvernement déposera sous peu un projet de loi de crédits afin d'obtenir le reste des fonds prévus au Budget principal des dépenses de 2002-2003. La deuxième période prend fin le 10 décembre et elle prévoit habituellement les crédits du premier Budget supplémentaire des dépenses. La dernière période de crédits prend fin le 26 mars et vise le dernier Budget supplémentaire des dépenses et les crédits provisoires pour l'exercice à venir.
Même si le gouvernement a recours à un processus de planification rigoureux qui permet de veiller à ce que la majorité des nouveaux besoins en ressources soient inclus dans le Budget principal des dépenses pour une année donnée, ce processus n'est pas toujours pratique. Le Budget supplémentaire des dépenses a donc pour objet de prévoir des dépenses additionnelles pour financer de nouveaux programmes ou des révisions à des programmes existants, y compris des subventions et des contributions qui n'ont pas fait partie du processus de planification du Budget principal des dépenses ou qui surviennent trop tard pour y être incluses.
En se fondant sur les précédents établis au fil des ans, le gouvernement s'est prévalu à l'occasion de l'autorisation de dépenses que prévoit le texte du crédit pour autoriser de nouvelles subventions ou augmenter des subventions existantes. Les ministres peuvent demander une autorisation temporaire d'accès au crédit 5 quand des paiements sont urgents et ne peuvent attendre le Budget supplémentaire des dépenses suivant.
En conséquence, le Secrétariat du Conseil du Trésor applique les critères établis pour déterminer si le poste en question est justifié et s'il doit être payé de toute urgence. Le montant prévu au crédit 5 du Conseil du Trésor est limité et il est géré prudemment par le Secrétariat du Conseil du Trésor.
Dans le cas de présentations pour de nouvelles subventions ou pour augmenter des subventions existantes au-delà des montants précisés au Budget principal des dépenses, la pratique a toujours consisté à demander l'autorisation dans le Budget supplémentaire des dépenses suivant.
Par le passé, le vérificateur général a exprimé certaines préoccupations au sujet de l'utilisation du crédit 5, et a demandé que le gouvernement fournisse des renseignements additionnels concernant les paiements effectués avant que le Parlement ait étudié la demande. Afin de répondre à cette préoccupation, le gouvernement fournit désormais dans chaque Budget supplémentaire des dépenses une liste des montants avancés au titre du crédit 5. Les renvois inscrits pour chacun des ministères, y compris pour les subventions, précisent que les fonds proviennent du crédit 5. Cette pratique est observée depuis maintenant plus d'une vingtaine d'années.
Pour citer un des exemples étudiés par la vérificatrice générale au titre de son observation de vérification, une demande a été présentée par le ministre des Transports afin que le gouvernement vienne en aide au secteur du transport aérien pour compenser les pertes liées à la fermeture de l'espace aérien canadien par suite des attentats du 11 septembre. Cette tragédie était certainement imprévue. Compte tenu de l'inquiétude du gouvernement en ce qui a trait à la viabilité financière du secteur du transport aérien, une demande a été présentée et approuvée afin que les responsables de ce secteur puissent recevoir des paiements en espèces immédiats afin de couvrir leurs frais de fonctionnement permanents pour la période de six jours en septembre au cours de laquelle leurs rentrées de fonds ont été interrompues.
Comme l'a dit la vérificatrice générale dans sa note de vérification, le Secrétariat du Conseil du Trésor a examiné la demande en appliquant les critères établis et a recommandé l'accès au crédit 5 du Conseil du Trésor. Cette demande a été incluse dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) déposé au Parlement et adopté par le Sénat le 10 décembre 2001. Le fait que cette dépense ait été financée au moyen du crédit 5 a été signalé à la fois dans une note explicative figurant au début du Budget supplémentaire des dépenses (A) et dans la liste des postes budgétaires de Transports Canada. Ce n'est là qu'un exemple du genre d'examen qui se déroule dans le cadre de l'évaluation des demandes présentées par les ministères.
[Français]
Le Secrétariat du Conseil du Trésor a approuvé en tout des affectations de 750 millions de dollars au moyen du crédit 5, éventualités du gouvernement. Ce montant est temporairement affecté aux ministères en fonction d'autorisations particulières. Les demandes ne sont pas toutes approuvées. Les postes ainsi financés sont précisés séparément et inclus dans le Budget supplémentaire des dépenses suivant, qui doit être soumis au Parlement et approuvé par celui-ci. Une fois que le Budget supplémentaire des dépenses est approuvé, ces montants temporaires sont retournés au crédit 5 du Conseil du Trésor.
Je crois pouvoir affirmer sans me tromper que la plus grande partie des 750 millions de dollars de crédits annuels demeurent inutilisés à la fin de l'exercice. La seule affectation permanente payée au moyen du crédit 5 couvre l'insuffisance au titre de la feuille de paie et autres menues dépenses.
Pour l'exercice 2001-2002, on prévoit qu'environ 90 p.100 des crédits annuels de 750 millions de dollars demeureront inutilisés. Le plan financier du gouvernement tient compte de cette réalité.
[Traduction]
Enfin, même la vérificatrice générale insiste sur la nature particulière de ce crédit. Elle signale dans sa note que le libellé du crédit 5 reconnaît qu'il est impossible de prévoir une autorisation de dépenses particulière pour chaque type de dépense, et que le gouvernement a besoin d'une certaine marge de manoeuvre pour parer aux dépenses imprévues.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor accepte la recommandation de la vérificatrice générale, se penchera sur les critères qui servent à évaluer ce genre de demandes, et soumettra une politique aux ministres du Conseil du Trésor. Celle-ci sera communiquée à tous les services du Secrétariat du Conseil du Trésor de même qu'aux ministères et autres organismes, afin de faciliter la tâche à tout le monde.
Voilà qui conclut donc mes remarques liminaires. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions au sujet de l'utilisation du crédit 5 du Conseil du Trésor — Éventualités du gouvernement.
Le sénateur Lynch-Staunton: Pourriez-vous me dire quelle est la nature des relations entre le Secrétariat et le Conseil du Trésor?
M. Neville: Le Secrétariat constitue un comité du Cabinet distinct. Voilà qui est très important. Il s'agit d'un comité distinct du Cabinet composé de la présidente du Conseil du Trésor et de plus autres ministres, y compris le vice-premier ministre et le ministre des Finances, qui y siège à titre de membre d'office.
Les ministres du Conseil du Trésor sont chargés d'approuver les présentations au Conseil du Trésor avant qu'elles ne soient déposées sous diverses formes devant le Parlement et de l'administration générale des activités gouvernementales; par conséquent, que nous appelons à présent le conseil de gestion.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor est un service qui soutient les ministres du Conseil du Trésor et il est dirigé par un secrétaire et contrôleur général — c'est-à-dire que la même personne a ces deux titres. Il y a plusieurs directions et secteurs relevant du secrétaire et contrôleur général qui exécutent les diverses fonctions, entre autres, la fonction de gestion des ressources humaines pour l'ensemble du gouvernement du Canada, les fonctions d'un bureau principal de l'information, les secteurs de programmes qui reçoivent les diverses demandes des ministères, et les langues officielles, qui correspondent à un secteur distinct. Il regroupe donc de nombreux services différents, y compris notre direction. Il s'agit dans certains cas de centres de décision ayant une expertise particulière, ou encore de services opérationnels qui traitent les opérations exécutées au jour le jour par le Parlement.
Le sénateur Lynch-Staunton: Il est important de comprendre la distinction entre le Conseil du Trésor et le Secrétariat du Conseil du Trésor.
Vous avez dit dans vos remarques liminaires que le crédit 5 existe depuis la Confédération. Où peut-on le trouver? Est-il établi par une loi du Parlement?
M. Neville: Le crédit 5 se trouve sous la rubrique ministérielle du Conseil du Trésor. C'est un crédit comme n'importe quel autre crédit ministériel, qu'il s'agisse du crédit 1, du crédit 5 ou du crédit 10. Dans notre cas, le crédit 5 est un crédit distinct portant sur les éventualités du gouvernement.
Le sénateur Lynch-Staunton: Et le crédit 5 existe en vertu de quelle autorisation parlementaire?
M. Neville: En vertu d'une loi de crédits.
Le sénateur Lynch-Staunton: Est-ce que nous votons sur le crédit 5 chaque année?
M. Neville: Oui.
Le sénateur Lynch-Staunton: Quand la vérificatrice générale a comparu devant le comité — et vous avez lu le texte de son exposé — elle a dit quelque chose que je n'ai pas bien compris. Mme Fraser a déclaré que si le Conseil du Trésor — et ce, par rapport à un Budget supplémentaire des dépenses — avait eu recours au crédit 5 pour effectuer le paiement, il aurait été parfaitement dans son droit de procéder ainsi. Cependant, comme il s'agissait dans ce cas de suppléer à un crédit ministériel, le ministère doit nécessairement avoir l'autorisation de dépenses nécessaire et, dans certains cas, cette autorisation pourrait ne pas être claire. En vertu de quel pouvoir le Conseil du Trésor a-t-il le droit d'avancer directement les crédits, alors que s'il passe par le ministère, il doit appliquer certains critères?
M. Neville: Les critères établis exigent que le ministère qui présente la demande détienne déjà le pouvoir législatif d'effectuer le paiement en question, même si, de toute évidence, les fonds affectés au crédit en cause ne sont pas suffisants pour le faire. Ainsi le ministère demande d'avoir accès au crédit 5 du Conseil du Trésor.
Le sénateur Lynch-Staunton: Oui, je comprends tout cela, mais la vérificatrice générale a laissé entendre — quand nous avons parlé des 150 millions de dollars versés aux compagnies touchées par l'interruption du transport aérien après le 11 septembre — que si le Conseil du Trésor avait voulu effectuer ces paiements directement, il n'y aurait pas eu de problème.
M. Neville: La Loi sur l'aéronautique, en vertu de laquelle le ministère des Transports mène ses activités, autorise ce genre de paiements.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je préfère ne pas discuter de cela. Elle a dit que si le Conseil du Trésor avait effectué ce versement en ayant directement recours au crédit 5 du Conseil du Trésor, il aurait été parfaitement dans son droit de procéder ainsi. Il s'agit donc de savoir quelle autorisation parlementaire aurait permis au Conseil du Trésor, d'après elle, de virer les fonds directement.
M. Neville: Le libellé du crédit du ministère des Transports prévoit la possibilité d'effectuer de tels paiements. Dans le cas cité, les fonds disponibles n'étaient pas suffisants. De plus, aucun budget supplémentaire des dépenses n'était prévu à ce moment-là, et comme les paiements étaient urgents, on a eu recours au crédit 5. La procédure suivie était la suivante: d'abord, on a sollicité l'approbation des ministres du Conseil du Trésor pour recourir au crédit 5; l'utilisation du crédit 5 du Conseil du Trésor a été approuvée et le remboursement a été effectué par le biais du Budget supplémentaire des dépenses.
Le sénateur Lynch-Staunton: Si le ministère n'avait pas été autorisé à effectuer ce paiement, le Conseil du Trésor aurait-il été en mesure d'effectuer ce paiement?
M. David Bickerton, directeur exécutif, Division des opérations et prévisions des dépenses, Direction de la fonction de contrôleur, Secrétariat du Conseil du Trésor: Le sénateur nous demande si le paiement aurait pu être effectué en vertu du crédit 5 du Conseil du Trésor. Le libellé du crédit est très général, et donc, cela aurait été possible. Mais la pratique qu'observe le Conseil du Trésor jusqu'à présent — à quelques exceptions près — consiste à ne pas imputer de paiements permanents au crédit 5.
Dans ses remarques liminaires, M. Neville a fait allusion au genre d'incidents qui pourraient donner lieu à des imputations. C'est en raison du texte du crédit 5 que la vérificatrice générale a fait cette observation-là.
M. Neville: L'interprétation juridique retenue par la vérificatrice générale offre d'autres indications utiles, puisque selon cette dernière, le texte du crédit 5 permet des transferts permanents. Mais nous ne nous servons pas du crédit de cette façon.
Le sénateur Lynch-Staunton: La vérificatrice générale a également dit qu'il n'y avait aucune définition écrite de l'expression «diverses menues dépenses imprévues qui n'ont pas autrement été pourvues». Est-ce vrai? Cette expression est-elle définie par écrit quelque part?
M. Neville: Non, je ne crois pas qu'il existe une définition noir sur blanc, mais nous observons certaines pratiques que j'ai déjà décrites. Il faut se rappeler, cependant, qu'il y a un certain nombre d'options qui permettent au gouvernement de jouir d'un peu de souplesse, et il faut que cette souplesse existe. Il faut également tenir compte du montant affecté au crédit 5 du Conseil du Trésor. Le montant global du Budget principal des dépenses de 2002-2003 est d'environ 172 milliards de dollars, si bien que le crédit 5 du Conseil du Trésor, qui est de 750 millions de dollars, représente un peu moins que 0,5 p. 100 du Budget des dépenses global. Par rapport aux sommes budgétaires globales votées par le Parlement, qui sont de l'ordre de 50 milliards de dollars — le montant affecté au crédit 5 représente un peu moins de 1,5 p. 100. Dans ce contexte, on peut donc dire qu'il s'agit de sommes relativement peu importantes du point de vue du pourcentage du budget qu'elles représentent. Pour conserver cette marge de manoeuvre, nous préférons ne pas préciser le montant que nous pouvons dépenser sur une base quotidienne pour les diverses menues dépenses non pourvues.
Le sénateur Lynch-Staunton: J'évite généralement de contester les affirmations des fonctionnaires car je sais fort bien que leur responsabilité consiste à exécuter les politiques définies par leurs supérieurs élus. Je vais donc m'abstenir de tout commentaire sur votre dernière affirmation.
N'y a-t-il pas une contradiction entre des «diverses menues dépenses imprévues» et, à la même page, des dépenses urgentes et imprévues qui nécessitent l'octroi de crédits gouvernementaux? Il me semble que le crédit 5 doit servir davantage pour des dépenses «urgentes et imprévues» que pour «diverses menues dépenses imprévues» étant donné que cette expression est interprétée de façon libérale. J'aime bien les termes «urgent» et «imprévu». Par contre, je n'aime pas beaucoup l'interprétation qu'on donne à l'expression «diverses menues dépenses». Je trouve un peu exagéré, en regardant la Loi sur l'aéronautique, de penser que le Parlement, au moment où il a voté cette loi, envisageait que cette loi puisse permettre à un ministre d'assumer les dépenses liées aux suites d'une tragédie comme celle qui s'est produite.
M. Neville: Dans certains cas, c'est le terme «urgent» qui sera jugé le plus important; dans d'autres cas, ce sera plutôt la notion de «dépenses imprévues». Dans d'autres cas encore, c'est la notion de «diverses ou menues dépenses» qui sera jugée importante. Nous devons examiner le bien-fondé de chaque transaction, et c'est ça que nous faisons.
Le sénateur Lynch-Staunton: Oui, je constate que vous examinez chaque demande individuellement.
Le sénateur Banks: Quand j'ai vu ça pour la première fois — cela s'est produit il y a quelque temps dans un autre comité — j'étais vraiment indigné. Je pense que j'étais sans doute plus indigné que je l'aurais été si j'avais bien lu le texte. Je commence à comprendre qu'il faut le faire.
J'aimerais aborder la question du fondement juridique du crédit 5 du Conseil du Trésor. Pourriez-vous me dire si mon interprétation est la bonne ou non? Je lis ici dans le texte que «sous réserve de l'approbation du Conseil du Trésor, ce crédit peut permettre de suppléer à d'autres crédits en vue de combler un déficit au chapitre de la rémunération ou de répondre à d'autres besoins» — voilà donc la première catégorie d'activités pour laquelle on peut avoir recours au crédit 5 du Conseil du Trésor — et «de pourvoir à diverses menues dépenses imprévues». Je suis d'accord avec l'interprétation qui veut que cette expression «diverses menues dépenses imprévues» ne modifie en rien les mots «suppléer à d'autres crédits en vue de combler un déficit au chapitre de la rémunération et de répondre à d'autres besoins.»
Est-ce bien le sens de ces expressions à votre avis?
M. Neville: Du moment qu'on parle d'un déficit «au chapitre de la rémunération» la discussion prend une toute autre tournure.
Le sénateur Banks: Dans ce cas, parlons simplement d'«autres besoins».
M. Neville: Cela nous donne la latitude pour exécuter, en fin d'année, certaines transactions qui n'auraient pas pu autrement être réalisées par le gouvernement.
Le sénateur Banks: Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que l'expression «diverses menues dépenses imprévues» ne modifie en rien les «autres besoins» et ne s'y applique même pas?
M. Neville: Oui.
Le sénateur Banks: Vous avez dit que le Conseil du Trésor veut s'assurer, lorsqu'il est question de recourir au crédit 5, que la raison donnée pour l'utiliser est valable et suffisante — voilà un critère général qui s'appliquerait à toutes ces choses-là — et que si la dépense en question peut raisonnablement être reportée à plus tard, on ne devrait pas permettre le recours au crédit pour éventualités.
M. Neville: C'est exact.
Le sénateur Banks: Il y a aussi le cas de la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable, c'est-à-dire cette société à but non lucratif créée par quatre particuliers et qui a reçu des fonds importants. Je crois savoir que si cette somme lui a été versée, c'était pour éviter le problème de l'arrivée imminente de la fin de l'exercice financier, puisqu'il aurait fallu tout recommencer. S'agirait-il là d'une raison valable et suffisante?
M. Neville: Monsieur le président, je ne suis pas sûr de bien comprendre la question.
Le sénateur Banks: Supposons que mon budget prenne fin le 31 mars; si je n'ai pas tout dépensé, je n'ai pas le droit de reporter les fonds inutilisés à l'exercice suivant. C'est généralement le cas des budgets gouvernementaux. Le gouvernement avait un budget. Je pense que le gouvernement voulait s'assurer — et là il s'agit de pures conjectures — que certains des fonds inutilisés seraient comptabilisés dans la rubrique «Excédent», de façon à pouvoir servir, conformément à la loi, à réduire la dette à long terme. Afin de mettre de côté une partie de cet argent, qui aurait autrement été considéré un excédent, et pour assurer du financement à partir d'un budget existant, sans avoir à faire approuver de nouveau la dépense lors du prochain exercice financier, il a été décidé de mettre cet argent en circuit jusqu'à la fin de l'exercice financier. Je me demande si vous êtes d'accord pour dire que c'est cela qui explique ce transfert de quelque 50 millions de dollars?
M. Neville: Merci pour cet éclaircissement. Maintenant je suis tout à fait en mesure de vous répondre. Il y aura deux volets à ma réponse. D'abord, vous avez dit que les ministères n'ont pas le droit de reporter à l'exercice suivant des fonds votés dans le cadre de leur budget. Je me permets de préciser, cependant, que les ministères ont le droit de reporter sur un exercice ultérieur un maximum de 5 p. 100 du crédit prévu au titre des fonds de fonctionnement. Donc, les ministères ont une certaine latitude et peuvent reporter prospectivement une partie de leurs crédits.
Mais ce qui me semble plus important, c'est de répondre à votre question précise au sujet du Fonds d'appui technologique au développement durable: la réponse est non; ce n'est pas la raison du report prospectif. L'argent n'a pas été avancé à la fin de l'exercice; il a été avancé au début du prochain exercice financier mais a été imputé au budget de l'exercice précédent. Donc, les fonds n'ont pas été transférés pour la raison que vous avez évoquée.
Le sénateur Banks: Dans ce cas, quelle raison valable et suffisante justifiait, aux yeux du Conseil du Trésor, que cette dépense soit engagée avant que l'autorisation ait été donnée?
M. Neville: Il y avait eu un certain retard en ce qui concerne l'exécution du programme et le gouvernement de l'époque voulait s'assurer que les versements seraient faits aux récipiendaires. Il ne voulait pas attendre le prochain Budget supplémentaire des dépenses ou la prochaine période de crédits. Donc, en pareilles circonstances, la procédure à suivre consistait à recourir au crédit 5 du Conseil du Trésor. C'était une raison légitime.
Le sénateur Banks: Merci.
Le sénateur Cools: J'ai besoin d'éclaircissements, car il me semble qu'on emploie dans un même contexte différentes expressions; peut-être le sénateur Lynch-Staunton pourrait-il m'apporter un éclaircissement à cet égard parce que je ne comprends pas très bien. Au crédit 5 du Conseil du Trésor, si je ne m'abuse, il est question de «diverses menues dépenses imprévues» mais le terme «urgent» n'est utilisé nulle part.
Le président: Nous y reviendrons.
Le sénateur Cools: Ce terme «urgent» dont nous allons discuter un peu plus tard figure dans un article de la Loi sur la gestion des finances publiques qui touche les mandats spéciaux du gouverneur général. Le sénateur Lynch-Staunton parle constamment d'«urgence».
Le président: Peut-être, mais il s'agit de savoir si c'est pertinent ou non. Quand ce sera mon tour, je compte demander des éclaircissements au sujet du libellé du crédit. Si vous regardez dans le cahier d'information qu'on nous a fourni, vous verrez que la vérificatrice générale décrit l'évolution du texte du crédit 5. J'aurai donc des questions à poser aux témoins à ce sujet dans quelque temps.
Le sénateur Cools: J'étais un peu embrouillée à cause des diverses expressions utilisées. C'est tout.
Le président: La situation deviendra plus claire à mesure que nous poserons des questions aux témoins.
[Français]
Le sénateur Bolduc: C'est toujours un plaisir, monsieur Neville, de vous accueillir à notre comité parce que j'ai toujours trouvé que vous étiez un peu plus candide que vos prédécesseurs.
Je continue toujours sur la définition du crédit tel qu'il est et qui a donc force de loi. Historiquement, disons depuis 25 ans, n'a-t-on pas tendance à augmenter le nombre de circonstances qui permettent de donner des fonds pour des dépenses imprévues?
M. Neville: D'après mes connaissances et d'après les recherches qu'on a faites, selon mes collègues, ce n'est pas le cas.
[Traduction]
Le sénateur Bolduc: Je voudrais donc revenir sur vos lignes directrices. La troisième se lit ainsi:
[Français]
Lorsque ces avances sont demandées pour faire face à un besoin financier, le Conseil du Trésor doit s'assurer que le paiement s'inscrit dans le cadre du mandat du ministère et qu'il existe un besoin de trésorerie légitime devant être comblé avant l'approbation du Budget de dépenses supplémentaire.
[Traduction]
Puisque vous n'êtes plus secrétaire adjoint du Conseil du Trésor mais plutôt chargé de la fonction de contrôleur, peut-être avez-vous une attitude plus sereine à l'égard du bureau du Conseil du Trésor. Comment voyez-vous l'article que je viens de lire? Ne pensez-vous pas qu'au lieu de dire:
[Français]
[...] doit s'assurer que le paiement s'inscrit dans le cadre du mandat [...]
[Traduction]
nous devrions plutôt dire «est conforme au programme déjà établi par voie législative». Autrement dit, nous ferions mention de l'autorité législative qui sous-tend l'activité en question. Voilà le texte actuel:
[Français]
[...] le paiement s'inscrit dans le cadre du mandat [....]
[Traduction]
Ce libellé est très général. Voilà donc ma première question.
[Français]
M. Neville: Je ne suis pas un avocat, mais quand je lis le principe numéro 3, et même lorsque je regarde la traduction anglaise et qu'on dit:
[Traduction]
[...] s'inscrit dans le cadre du mandat du ministère.
[Français]
Cela me laisse croire que si le ministère n'a pas l'autorité juridique et parlementaire pour faire ce paiement, on ne devrait pas l'accepter comme étant une réclamation portant sur le crédit 5 du Conseil du Trésor.
[Traduction]
Le sénateur Bolduc: Donc, vous ne seriez pas en faveur d'un changement du genre que je viens de décrire pour cette ligne directrice?
[Français]
M. Neville: Je suis content que vous ayez soulevé la question. Je crois que j'ai bien énoncé dans mes remarques préliminaires que nous sommes d'accord avec la recommandation de la vérificatrice générale sur le fait que nous devrions regarder de plus près nos principes politiques. Nous avons convenu de dire d'une façon publique que nous sommes prêts à faire cette revue. Dans ce contexte, on irait par la suite au ministère du Conseil du Trésor pour approbation, selon les décisions et les recommandation qu'on peut y amener. Oui, on va faire une revue de chacun de ces principes et, par la suite, nous demanderons l'approbation du Conseil du Trésor.
[Traduction]
Le sénateur Bolduc: Voilà donc pour ma première question. La seconde concerne le texte du même paragraphe:
[Français]
[...] et qu'il existe un besoin de trésorerie légitime devant être comblé.
[Traduction]
Il me semble qu'il serait préférable de parler d'un besoin «urgent» parce que du moins pour la version française, qu'est-ce qui ne serait pas considéré comme «légitime» de nos jours? Le gouvernement dépense les deniers publics pour toutes sortes de choses.
[Français]
M. Neville: C'est un bon point. On va prendre cela en considération.
[Traduction]
Et dans la quatrième ligne directrice, on dit ceci:
[Français]
Lorsqu'il effectue un transfert afin de fournir une autorisation de paiement, le Conseil du Trésor doit être convaincu qu'il existe une raison valable et suffisante pour laquelle le paiement doit être fait [...]
[Traduction]
Ne pensez-vous pas qu'au lieu de parler d'une raison «valable et suffisante», ce qui est très vague, il serait préférable de dire:
[Français]
...une raison impérieuse, car le principe, c'est qu'il n'y en a pas de dépenses s'il n'y a pas une autorisation du Parlement. C'est le principe de base.
[Traduction]
Nous avons tendance à jouer tellement avec les mots qu'en fin de compte un homme n'est plus un homme. Le principe de base ici, c'est qu'aucune dépense ne doit être engagée sans être approuvée par le Parlement.
[Français]
M. Neville: On s'entend sur le principe. Il n'y a pas de questions à ce sujet.
[Traduction]
Le sénateur Bolduc: Si vous parliez de raison «impérieuse» plutôt que «valable et suffisante», à mon avis, ce serait une grande amélioration — même pour votre bureau.
[Français]
M. Neville: On va prendre cela en considération aussi.
Le sénateur Bolduc: J'aimerais continuer parce que c'est très important pour le contrôle parlementaire.
[Traduction]
Voilà donc les quatre lignes directrices qui ont été approuvées par les ministres. Il ne faut pas oublier que les ministres ne sont pas en conflit d'intérêts dans ce contexte-ci. Mais avant des élections, ils ont tendance à estimer telle dépense ou tel projet comme étant légitime. Nous jouons tous ce jeu-là et les fonctionnaires ont pour responsabilité de rappeler à leurs ministres qu'il faut voir les choses d'un oeil plus objectif et détaché. Voilà pourquoi les gouvernements ont tendance à faire des folies à la fin-juin et à la fin-décembre. C'est ce qu'on constate chaque année. Il en va de même pour un budget qui précède des élections.
J'insiste donc sur la nécessité d'examiner ça de très près. Vous savez que les critères fixés au départ n'étaient pas suffisants, et vous avez donc incorporé quatre autres lignes directrices: 5, 6, 7 et 8. Ce que vous avez préparé n'est pas mal, mais ces autres lignes directrices n'ont pas le même poids que le quatrième critère, étant donné que le Conseil du Trésor ne les a jamais officialisées.
[Français]
M. Neville: Les quatre autres sont plus axiomatiques que les quatre premiers.
[Traduction]
Le sénateur Bolduc: Même là, dans le libellé de la septième ligne directrice, vous dites:
[Français]
«Il doit exister un sentiment d'urgence [...]»
[Traduction]
Il me semble qu'il existe toujours un «sentiment d'urgence» cinq mois ou trois mois avant des élections. Pourquoi ne pas parler plutôt d'...
[Français]
«un sentiment d'urgence démontré.»
[Traduction]
Il faut que ce soit démontré, à mon avis. Notre rôle consiste en partie à travailler avec vous en vue d'améliorer les lignes directrices et les politiques administratives du gouvernement. Voilà pourquoi je vous fais cette proposition.
Enfin, pourquoi les quatre dernières lignes directrices ne devraient-elles pas aussi être approuvées par le Conseil du Trésor? Il est bon que les ministres s'imposent des limites de temps en temps, parce que les humains sont parfois bien faibles. C'est une bonne idée, quel que soit le parti. En fait, cela n'a rien à voir avec les partis politiques. Je parle plutôt du gouvernement.
[Français]
M. Neville: Nos intentions sont de faire une revue détaillée de chacun de ces principes. Je l'ai déjà soulevé. On doit aller au Conseil du Trésor pour l'approbation de tous les principes. C'est notre intention aujourd'hui même.
[Traduction]
Le sénateur Tunney: J'aimerais savoir si vous avez le pouvoir de contrôler le recours à l'autorisation de dépenses. Le Secrétariat vérifie-t-il les dépenses pour s'assurer qu'elles ont toutes été autorisées, et si elles n'ont pas été autorisées, a- t-il le pouvoir de les refuser? Est-ce le rôle du Secrétariat, et sinon, qui aurait le pouvoir de dire «non»?
M. Neville: Votre question m'amène à vous faire une réponse compliquée, sénateur Tunney. Peut-être pourrais-je commencer par indiquer que les ministres jouissent dans leur propre ministère d'autorisations de dépenses qui sont déléguées aux divers services ministériels en vue de garantir que les dépenses engagées sont appropriées. Dans un premier temps, il s'agit d'une responsabilité ministérielle.
Cependant, les ministres du Conseil du Trésor, ainsi que le Secrétariat du Conseil du Trésor, ont également la responsabilité de s'assurer qu'il existe des systèmes et contrôles adéquats, et qu'il y a surveillance active des dépenses afin de garantir que leurs responsabilités seront assumées. Ce travail se fait par l'entremise de rapports ministériels de vérifications internes et par d'autres moyens. Mais en fin de compte, ce sont les ministres du Conseil du Trésor qui ont des responsabilités à cet égard, et les autres ministres aussi.
Mais tout cela se fait dans le contexte général de l'autorisation parlementaire et il ne faut pas l'oublier. Je tiens à préciser, cependant, que chaque transaction approuvée par le biais du crédit 5 du Conseil du Trésor fait l'objet d'une procédure d'examen au sein du Secrétariat du Conseil du Trésor. Plusieurs personnes sont chargées d'évaluer les demandes ministérielles, du point de vue non seulement des programmes mais de la gestion et du contrôle financiers.
Le système est doté de freins et contrepoids qui permettent de protéger les intérêts du Parlement en garantissant le caractère approprié des dépenses engagées. Des contrôles s'exercent à de nombreux niveaux.
Le sénateur Tunney: Je vous ai demandé si quelqu'un a le pouvoir d'empêcher une dépense ou un transfert de fonds?
M. Neville: La réponse est oui, monsieur le président. Il existe un agent financier supérieur dans chaque ministère qui relève presque toujours, si je ne me trompe, du sous-ministre. Cette personne chapeaute un service dont les employés sont les seuls à être habilités à signer en vertu de divers articles de la Loi sur la gestion des finances publiques afin de garantir le caractère approprié des transactions.
Si la transaction d'un ministère ne semble pas être appropriée — et cela se produit de temps à autre — ce serait à l'agent à qui l'on a délégué le pouvoir de signature de dire «non», ou à l'agent financier supérieur du ministère de refuser d'autoriser la transaction en question.
Le sénateur Tunney: Voilà exactement la réponse que je voulais pour que la situation soit bien claire.
Le sénateur Stratton: Lorsque la vérificatrice générale prépare ses rapports, est-ce qu'elle vous consulte à ce sujet?
M. Neville: Vous me demandez si elle nous consulte?
Le sénateur Stratton: J'essaie de comprendre la nature des rapports entre son groupe et le vôtre.
M. Neville: Nous avons de bons rapports mais nous gardons une certaine distance. Mais nos relations s'améliorent.
Le sénateur Stratton: Je me serais attendu à ce que son rapport jette un froid entre vous.
M. Neville: Je peux vous dire, en toute sincérité, que nous entretenons d'excellents rapports professionnels. Je pense qu'elle serait d'accord là-dessus.
Pour répondre à votre question sur les rapports, je voudrais vous expliquer le processus. D'abord, trois ou quatre fois par an nous organisons une réunion importante des hauts fonctionnaires du Bureau de la vérificatrice générale et du SCT. Nous faisons le point sur la situation et nous discutons d'un point de vue stratégique de ce qui est prévu au cours des prochains mois.
Lors de ces réunions, on nous dévoile les plans de la vérificatrice générale en ce qui concerne son rapport. Par exemple, nous sommes actuellement en mai 2002; vendredi prochain, on nous donnera un aperçu général des plans de la vérificatrice générale pour le rapport de juin 2003. Nous sommes déjà au courant des plans pour décembre 2002. Ils vont donc nous expliquer leurs intentions à l'égard des divers chapitres du rapport.
Vu nos diverses discussions, je serai déjà au courant de 90 p. 100 de ce qu'ils vont nous annoncer. Mais ils nous confirmeront le tout à l'occasion de cette réunion.
Ensuite le Bureau de la vérificatrice générale nous transmettra une lettre pour nous informer officiellement du contenu des chapitres qui figureront dans son rapport. Des lettres semblables seront ensuite acheminées aux ministères concernés pour les prévenir qu'une vérification sera bientôt effectuée. Il y a une procédure judiciaire à suivre. Le Bureau de la vérificatrice générale informe le ministère ainsi que le Secrétariat du Conseil du Trésor de ses projets.
La vérification est ensuite effectuée au ministère concerné ou au Secrétariat du Conseil du Trésor. Un premier jet est préparé et examiné par plusieurs responsables du Bureau de la vérificatrice générale. Dans certains cas, ils ont leur propre comité consultatif externe. On envoie ensuite une copie au ministère pour lui permettre de corriger des informations inexactes et faire des observations.
Par la suite, on fait parvenir un rapport plus officiel au sous-ministre adjoint ou au sous-ministre délégué et on demande au ministère ou au Secrétariat du Conseil du Trésor de faire connaître sa position officielle sur le rapport, après quoi un rapport final est transmis au sous-ministre pour validation. Ce rapport est signé par le sous-ministre et renvoyé au Bureau de la vérificatrice générale pour ensuite être imprimé.
Donc, il y a un processus officiel de consultation et de discussion avant la publication du rapport.
Le sénateur Stratton: Après la publication du rapport, y a-t-il un suivi? Qu'est-ce qui se passe?
M. Neville: Après la publication d'un rapport, le Bureau de la vérificatrice générale effectue régulièrement des vérifications de suivi. Il a été question de plusieurs d'entre elles dans le plus récent rapport; là ils examinent les plans d'action qui ont pu être élaborés par les ministères de même que le contenu de rapports de vérification antérieurs. Ensuite nous nous chargeons d'assurer de faire état des progrès réalisés.
Je suis content de pouvoir vous affirmer que dans le plus récent rapport, la vérificatrice générale indique que presque la totalité des travaux de vérification promis ont été réalisés. C'est une observation très constructive.
La vérificatrice générale nous a également informés qu'elle compte faire quelque chose qu'aucun autre vérificateur général ne fait depuis des années: dans un proche avenir, elle a l'intention de consacrer tout un rapport à des vérifications de suivi liées à des vérifications antérieures. Cela indique bien l'intention de l'actuelle vérificatrice générale de faire le suivi de vérifications antérieures pour s'assurer que les ministères font bien ce qu'ils ont promis de faire.
Le sénateur Stratton: La réaction du public face à cette expression «diverses menues dépenses imprévues», c'est que c'est une expression fourre-tout qui n'expliquerait rien. Le fait est qu'on pourrait l'appliquer à n'importe quoi, si on voulait — même aux choses les plus farfelues.
Pour le non-initié, il est très difficile, par rapport aux dépenses que vous devez examiner, de savoir en quoi peuvent consister des «diverses menues dépenses imprévues» lorsque le chiffre qui y est associé se monte à plusieurs centaines de millions de dollars. Pour moi cela pose un problème au niveau de la perception du public, et la vérificatrice générale semble être du même avis. Comptez-vous prendre des mesures pour régler ce problème?
M. Neville: C'est une bonne question, mais tout dépend de la transaction que nous sommes chargés d'examiner. Je peux comprendre que les gens, en voyant les montants inscrits à cette rubrique ne les considèrent pas comme correspondants à des dépenses ni «diverses», ni «menues», ni même «imprévues». Mais il faut examiner les faits de la situation telle qu'elle est décrite dans la présentation au Conseil du Trésor. Ils sont obligés de prendre une décision en fonction de la proposition qui est faite.
Nous allons examiner diverses options ayant pour objet de clarifier les choses tout en conservant la marge de manoeuvre du gouvernement. Si jamais le gouvernement avait besoin d'une somme importante à court préavis, je voudrais m'assurer que le gouvernement ait toute la latitude nécessaire pour obtenir la somme requise.
Le sénateur Stratton: Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il doit posséder cette marge de manoeuvre.
Le sénateur Cools: Je voudrais remercier les témoins pour leur présence. Étant donné qu'ils nous expliquent tous les éléments du processus et de son historique, je pensais qu'ils pourraient peut-être nous apporter quelques précisions, pour les fins du compte rendu, au sujet de leur propre rôle de façon à pouvoir compléter leurs réponses à diverses questions. Je dis «leur propre rôle», et là j'attire l'attention des honorables sénateurs sur le fait que M. Neville occupe le poste de sous-contrôleur général. Dans leur secteur, la fonction de contrôleur a un sens particulier.
Les témoins pourraient-ils donc prendre quelques minutes pour nous expliquer l'historique et le rôle du contrôleur général au Secrétariat du Conseil du Trésor de même que le processus de financement?
M. Neville: Monsieur le président, je ne sais pas de combien de temps nous disposons. C'est une question très épineuse qu'on vient de me poser. Je vais donc expliquer mes responsabilités et je demanderai ensuite à mon collègue, M. Bickerton, de vous expliquer les siennes.
Pour moi, le rôle du sous-contrôleur général consiste à soutenir le contrôleur général. Nous travaillons en étroite collaboration afin de nous assurer que les responsabilités du gouvernement du Canada en matière de gestion financière sont remplies dans l'ensemble des services gouvernementaux. Cela comprend tous les ministères et organismes, qui sont actuellement au nombre d'environ 103. Pour moi, les dépenses correspondent au montant figurant dans le budget — soit environ 173 milliards de dollars par an.
Nous élaborons des cadres et nous considérons la Loi sur la gestion des finances publiques comme étant le document juridique parlementaire qui permet de contrôler l'ensemble des dépenses du gouvernement, et d'appliquer les diverses politiques, lignes directrices et procédures qui permettront aux ministères de se conformer à ces politiques tout en assurant le bon déroulement des activités du gouvernement.
Dans une large mesure, cela suppose la collaboration avec les centres de décision qui sont spécialisés dans leurs divers domaines. Par exemple, un centre de décision peut être spécialisé dans la gestion financière, la sous-traitance, la vérification interne, l'évaluation ou les biens immobiliers, la gestion du matériel, etc. Nous essayons de nous assurer que chaque centre de décision élabore des politiques appropriées pour son secteur d'activité, et cela se fait en consultation avec les ministères, ces politiques devant être approuvées par les ministres du Conseil du Trésor.
Nous avons également un certain nombre de responsabilités qui sont ce que nous appelons des «responsabilités opérationnelles». Cela veut dire qu'au lieu d'avoir une orientation stratégique, elles sont directement liées aux opérations. Par exemple, nous sommes responsables du processus entourant les projets de loi de crédits. Vous ayant donné cette explication, je vais maintenant demander à M. Bickerton de vous décrire ses responsabilités.
M. Bickerton: Mon rôle consiste à soutenir le sous-contrôleur général. M. Neville a indiqué qu'il est chargé du processus entourant les crédits et de tous les documents y afférents. Voilà justement l'une des responsabilités qui ne sont attribuées. Je suis chargé de deux ou trois autres grandes activités. Par exemple, c'est à moi que revient la responsabilité de faire le suivi des approbations de dépenses faites par le gouvernement selon le cadre financier, et ce en prévision de la préparation des documents du Budget principal des dépenses. Je suis également responsable des documents touchant les plans et priorités et des lignes directrices qui sont élaborées pour accompagner ces documents, lesquels sont déposés devant le Parlement.
Je suis également chargé de préparer les conseils à donner aux directeurs et hauts fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor sur des questions liées à la gestion des dépenses et d'élaborer des politiques à cet égard, y compris de donner mon avis sur les recommandations à communiquer au sujet du crédit 5.
Le sénateur Cools: J'ajouterais ceci à votre explication, car je crois savoir, d'après ce que je sais de l'historique du Bureau du contrôleur général, que ce dernier a été créé en même temps ou peu de temps après la révision de la Loi sur le vérificateur général en 1977. Pourriez-vous nous parler un peu de cette évolution?
M. Neville: Le Bureau du contrôleur général et le Secrétariat du Conseil du Trésor, tels qu'ils existent actuellement, faisaient partie du ministère des Finances dans les années 60. Par la suite, cette fonction a été tout à fait retirée du ministère des Finances et prise en charge par ce qu'on a nommé le Secrétariat du Conseil du Trésor. Dans les années 70, par suite d'un rapport du vérificateur général qui critiquait la gestion financière telle qu'elle était pratiquée à l'époque, le gouvernement a pris la décision de retirer une composante du Secrétariat du Conseil du Trésor et de créer ce qu'on appelait alors le Bureau du contrôleur général. Il avait le même statut que le Secrétariat du Conseil du Trésor et les deux sous-ministres relevaient du président du Conseil du Trésor. Cette formule a été maintenue pendant une vingtaine d'années.
Pendant les années 80, il a été convenu que ce bureau réintégrerait le Secrétariat du Conseil du Trésor et que le Secrétariat du Conseil du Trésor assumerait également les responsabilités du Bureau du contrôleur général, si bien que ce service se nommerait désormais Secrétariat du Conseil du Trésor et Contrôleur général.
Depuis nous travaillons en tandem avec nos collègues du Secrétariat —c'est-à-dire les secteurs de programme et d'autres domaines, tels que la Direction du dirigeant principal de l'information, de même que la Direction du dirigeant principal de l'information sur les ressources humaines. Cette information vous semble-t-elle utile?
Le sénateur Cools: Oui, tout à fait. J'essayais de faire ressortir l'aspect historique et le fait que le gouvernement s'était préoccupé de la question des vérifications externes et internes. Peut-être pourrions-nous demander à notre attaché de recherche de nous retrouver ce rapport du vérificateur général, car je crois savoir combien sa fameuse déclaration selon laquelle le Parlement aurait perdu le contrôle des deniers publics. Si je ne me trompe pas, le vérificateur général à l'époque était M. MacDonnell. Il conviendrait donc de retrouver ce rapport et de l'examiner.
Le président: Nous ferons cela. Certains d'entre nous sont assez vieux pour nous en souvenir.
Avant de passer au deuxième tour des questions, je voudrais poser quelques questions d'éclaircissement à nos témoins.
Monsieur Neville et monsieur Bickerton, en 1989, le Conseil du Trésor a fourni à ce comité un tableau présentant l'historique du fonds pour éventualités. Je crois que vous avez ce document devant vous. En tout cas, il se trouve dans vos cahiers d'information et nous avons aussi donné des copies aux témoins. Il présentait un historique pour la période allant de l'exercice financier 1974-1975 à l'exercice financier 1987-1988. Il indiquait le montant prévu pour chaque crédit dans chacun de ces exercices financiers, et ensuite le crédit 5, en tant que pourcentage du Budget principal des dépenses. Il donnait ensuite les montants pour les affectations de fonds, la rémunération, les charges non salariales, et ensuite le total.
Serait-il possible de faire actualiser cet historique afin que les informations couvrent la période de l'exercice financier 1988-1989 au présent?
M. Neville: Souhaitez-vous l'avoir dans un délai précis? Cela va influencer notre réponse, à mon avis.
Le président: Ça représente un gros problème? Pourquoi cela vous pose-t-il problème?
M. Neville: Cela demande du temps et de l'effort, monsieur le président.
Le président: Je me demande s'il n'y aurait pas moyen de vous simplifier la tâche. Les chiffres qui m'intéressent — et là je ne parle que pour moi-même — sont ceux qui concernent les sommes rattachées aux crédits, information qu'on peut facilement obtenir, et ce qu'on appelle l'affectation de fonds pour les dépenses non salariales. Les affectations au titre de la rémunération ne semblent pas susciter de controverse. Ce sont plutôt les dépenses non salariales qui semblent être controversées.
Pour tout vous dire, j'ai rencontré certaines difficultés lorsque j'ai essayé d'obtenir cette information par la filière habituelle. Nos amis de la bibliothèque ont essayé de me préparer quelque chose et c'est là que j'ai découvert que le libellé avait changé. Au lieu de parler d'affectations de fonds au titre de «la rémunération» et des «dépenses non salariales», il était désormais question d'«affections permanentes» dans un cas et de «postes inscrits dans les prévisions budgétaires» dans l'autre cas.
Qu'est-ce que cela signifie? Ce changement de libellé a-t-il une signification? J'avoue que j'ai du mal à m'y retrouver.
M. Bickerton: Quelle est la deuxième affectation dont vous parlez?
Le président: Quand je n'ai pas pu obtenir cette information directement de vous, nos attachés de recherche à la bibliothèque ont préparé un tableau à mon intention. Il présente la somme prévue au crédit 5 du Conseil du Trésor, soit 750 millions de dollars pour l'exercice financier qui vient de se terminer. Dans votre tableau où il était question des affectations de fonds au titre de «la rémunération» et des «dépenses non salariales», on trouve désormais la rubrique «Affectations permanentes» et «Postes inscrits dans les prévisions budgétaires». Autrement dit, au lieu de dire «affectation au titre de la rémunération», on dit «affectations permanentes», et au lieu de parler de «dépenses non salariales», il est question de «postes inscrits dans les prévisions budgétaires». Vous, vous n'avez pas ça. J'essaie d'obtenir cette information pour pouvoir la distribuer aux honorables sénateurs.
Est-ce que cela vous poserait de gros problèmes si je vous demandais de nous fournir cette information de base qui permettrait d'actualiser ce tableau? Dans mon esprit, il s'agit d'information de base.
M. Bickerton: Nous en avons discuté avec les attachés de recherche pour essayer de bien les orienter. Nous n'avons pas de base de données qui nous permet simplement d'appuyer sur un bouton pour obtenir cette information. Il nous faudra donc revoir chaque budget supplémentaire des dépenses depuis 10 ou 12 ans pour l'obtenir. Comme vous l'a déjà dit M. Neville, cela demande du temps et de l'effort.
Par contre, je suis sûr à 95 p. 100 que le terme «affectations permanentes» désigne l'affectation au titre de la rémunération.
Le président: Et qu'en est-il des postes inscrits ailleurs? S'agit-il des dépenses non salariales?
M. Bickerton: Oui, cela désigne les dépenses non salariales.
Le président: Nous allons vous donner le tableau préparé par nos amis de la bibliothèque. Vos collaborateurs pourront l'examiner et nous faire savoir s'ils estiment que nos chiffres sont exacts ou non. Ils pourront comparer la méthodologie, etc. Il nous serait utile d'avoir cette information.
Ce qui m'intéresse — et cela me semble pertinent — quand vous regardez la somme affectée au crédit 5 dans votre tableau pour la période de 1974-1975 à 1987-1988 et que vous regardez ensuite les affectations proprement dites, vous constatez que pour tous les exercices financiers sauf un, les affectations sont considérablement plus importantes que le montant inscrit au titre du crédit. Nous croyons savoir que c'est parce qu'il s'agit d'un fonds renouvelable, pour ainsi dire. Par contre, cela donne une certaine indication de la fréquence ou de l'intensité du recours au crédit pour éventualités.
M. Bickerton: Nous allons examiner cette question. Par contre, pour ce qui est des dépenses non salariales, dans bien des cas — sans doute la grande majorité — il s'agit de financement provisoire assuré à des composantes opérationnelles des différents ministères. Il ne s'agit donc pas uniquement de subventions accordées récemment.
Le président: Je vous remercie pour cette précision. C'est très bien. Je suis content d'avoir pu obtenir cette information pour les fins du compte rendu.
Je voudrais maintenant revenir sur ce que disait le sénateur Cools concernant l'autorisation législative qui sous-tend tout cela et je pense que vous allez devoir nous réexpliquer la situation. Si je regarde le Budget principal des dépenses pour l'exercice financier qui vient de se terminer, à la rubrique «Conseil du Trésor, Sommaire du ministère, Crédit 5, Éventualités» le montant inscrit est de 750 millions de dollars. C'est le Parlement qui vote ce crédit. Où donc se trouvent ces«diverses menues dépenses imprévues»?
Le sénateur Bolduc: C'est dans le projet de loi, au début.
M. Neville: C'est au début de l'article touchant les affectations de fonds.
Le président: Dans l'introduction à la partie deux, à l'alinéa i), Crédit pour éventualités du gouvernement, on lit ceci:
Ce présent crédit complète d'autres affectations en vue d'assurer au gouvernement la latitude requise pour couvrir des dépenses imprévues en attendant d'obtenir l'approbation du Parlement et de supporter des dépenses additionnelles au titre de la rémunération, telles que les indemnités de départ et les prestations de maternité qui ne sont pas inscrites dans les prévisions budgétaires des ministères.
C'est du vent, tout ça, non? Ça n'a aucun fondement juridique, n'est-ce pas?
M. Neville: Je ne dirais pas que c'est du vent; je préfère le terme «information». Le texte juridique se trouve dans le projet de loi de crédits.
Le président: C'est là qu'il est question de «diverses menues dépenses imprévues». Si j'en parle, c'est parce que la vérificatrice générale a soulevé la question et là je ne comprenais plus. Si vous regardez l'onglet 12 du cahier d'information, à la page 27 de son rapport, vers le bas de la page, sous la rubrique «Historique du recours au crédit 5 du Conseil du Trésor pour les paiements de subventions», vous allez voir qu'elle dit que le libellé du crédit 5 du Conseil du Trésor a évolué. Ensuite elle fait l'historique du recours à ce crédit en commençant par l'exercice financier 1964- 1965, où je constate qu'il est question de «diverses menues dépenses imprévues», pour ensuite discuter de la situation en 1966-1967, et enfin elle aborde la question du Budget principal des dépenses de 2001-2002.
Donc, le fait est que cette description est sans importance, n'est-ce pas? Ce qui compte vraiment pour le Parlement, c'est le libellé du crédit dans le projet de loi. Vous avez dit que vous essayez de — non pas resserrer — mais de préciser et donc de clarifier la signification de l'expression «diverses menues dépenses imprévues». Avec l'aide du sénateur Bolduc, le comité pourra peut-être vous aider à accomplir ce travail.
M. Neville: Le sénateur Bolduc serait-il en conflit d'intérêts si on lui demandait d'agir à titre d'expert-conseil auprès de notre service?
Le président: Il travaille gratuitement.
Mais qu'en est-il du point soulevé par le sénateur Lynch-Staunton tout à l'heure et qui a également été mentionné par la vérificatrice générale? J'ai trouvé étonnant qu'elle le dise deux fois, en parlant de la Fondation. Selon elle, en théorie, si les fonds destinés à la fondation avaient été versés directement par le Conseil du Trésor à la société récipiendaire en utilisant ce crédit, il n'y aurait pas eu de problème d'autorisation car, comme l'expliquait le sénateur Banks, ce libellé est très général. Il s'agit simplement de savoir si cette dépense rentre dans la catégorie des «diverses menues dépenses imprévues». Je crois savoir que selon vous, vous auriez eu l'autorisation législative de faire vous- même le chèque, mais telle n'est pas votre pratique.
M. Neville: C'est exact.
Le président: Voilà une porte que nous voudrons peut-être essayer de fermer dans le cadre de notre travail. Nous ne voulons pas trop vous exposer à la tentation.
M. Neville: Je trouve intéressant que la vérificatrice générale vous ait dit ça et qu'elle soit d'avis que nous avons déjà cette autorisation.
Le président: Pourquoi trouvez-vous cela intéressant?
M. Neville: Normalement, le Bureau de la vérificatrice générale et la vérificatrice générale elle-même ne diraient pas que nous avons ce genre de pouvoir.
Le président: C'est pour ça que je vous dis que nous voudrons peut-être fermer la porte avant que quelque chose arrive à passer.
Le sénateur Cools: Pourrais-je savoir de quoi vous parlez?
Le président: Je regarde le texte de ses témoignages devant le comité la semaine dernière.
L'autre point au sujet duquel je voudrais vous interroger est également d'ordre juridique. Dans le mémoire que vous avez présenté devant le comité en 1989, vous avez dit ceci, et j'ai cité vos propos l'autre jour:
En théorie, le Conseil du Trésor est parfaitement habilité à recourir au crédit pour éventualités sous réserve des restrictions du libellé du crédit proprement dit, sans avoir à demander une autre autorisation du Parlement. Le Parlement serait évidemment informé du recours au crédit pour éventualités dans les Comptes publics, mais de telles imputations pourraient être inscrites à titre d'imputations permanentes au crédit. Bien qu'un autre article du crédit confère le pouvoir de réutiliser des sommes qui sont remboursées à partir d'autres affectations, il n'est pas obligatoire que de telles sommes soient remboursées ou que les dépenses ainsi financées soient inscrites au Budget supplémentaire des dépenses. L'opinion de l'avocat général par intérim du Conseil du Trésor le 18 juillet 1978 était que «[...] que le Conseil du Trésor aurait la compétence voulue selon la loi pour verser des sommes, en vertu du libellé précédent du crédit, correspondant au montant du crédit voté. À ce moment-là, comme ce serait le cas de tout autre crédit, l'affectation serait épuisée et plus aucun versement ne pourrait être fait, mais selon la loi, il ne serait pas nécessaire de remplacer ces fonds en les inscrivant au Budget supplémentaire des dépenses.»
Voilà ce que vous avez dit en 1989. J'aimerais donc vous demander si telle est toujours l'opinion des avocats du Conseil du Trésor.
M. Neville: Oui, absolument, monsieur le président.
Le président: Nous voudrons peut-être aussi nous pencher sur cette question.
Le sénateur Bolduc: J'ai d'autres questions à poser à ce sujet. Est-ce la raison pour laquelle les lignes directrices du Conseil du Trésor précisent que:
[Français]
«Il doit exister un bénéficiaire valable et légalement constitué auquel la subvention doit être versée.»
[Traduction]
S'il est vrai que vous avez le droit de faire ça, vous devriez ajouter ceci:
[Français]
« [...] conformément aux règles de subvention. »
[Traduction]
Autrement, c'est:
[Français]
...la porte ouverte.
[Traduction]
M. Neville: Monsieur le président, je vois ce que vous voulez dire.
Le président: L'autre point qu'a soulevé la vérificatrice générale lorsqu'elle a comparu — et d'autres honorables sénateurs en auront peut-être parlé — concernait les subventions pour lesquelles les prévisions budgétaires du ministère concerné ne prévoient aucun crédit. Elle a dit qu'elle ne contestait pas le droit des ministères des Ressources naturelles et de l'Environnement de traiter les fonds touchant le développement durable. Cependant, elle disait qu'aucun crédit ne les autorise à verser les sommes qu'ils ont versées.
Devrions-nous attendre d'avoir l'occasion de poser la question directement au secrétaire? Là nous citerons des exemples précis.
M. Neville: C'est comme vous voulez. Voulez-vous que je réponde?
Le président: Oui, s'il vous plaît.
M. Neville: À mon avis, le libellé du crédit est approprié. Nous avons eu cette discussion à maintes reprises et nous sommes convaincus que nous avions déjà l'autorisation voulue.
Le sénateur Lynch-Staunton: J'ai trois petites questions à poser, dont une qui fait suite aux remarques du sénateur Murray, à savoir que la vérificatrice générale a fait une distinction entre l'autorisation de dépenses et l'autorisation législative. Vous avez lu le texte de son exposé et donc, vous savez de quoi je parle. Elle a insisté sur le fait que dans le cas du fonds de développement durable, l'autorisation législative existait, mais non pas l'autorisation de dépenses; et si cette autorisation de dépenses existe, d'après vous, où est-elle explicitée?
M. Neville: Dans le Budget supplémentaire des dépenses (B), nous avons corrigé cette lacune, et le Parlement et le Sénat l'ont approuvé; par conséquent, toutes les autorisations nécessaires sont maintenant votées.
Le sénateur Lynch-Staunton: Donc, vous n'êtes pas d'accord avec elle quand elle dit: D'après nous, les 25 millions de dollars de subventions versés par les deux ministères au titre de l'appui technologique au développement durable ne reposaient pas sur une autorisation de dépenses votée par le Parlement au moment où les versements ont été faits?
M. Neville: Nous ne sommes pas d'accord avec le Bureau de la vérificatrice générale.
Le sénateur Lynch-Staunton: L'affirmation de la vérificatrice générale est tout de même assez sérieuse. Je ne choisis pas de camp. Je veux simplement tirer les choses au clair. Si elle se trompe, eh bien elle se trompe; mais il faudra que vous le prouviez.
M. Neville: Nous l'avons affirmé précédemment.
Le sénateur Lynch-Staunton: Cette autorisation de dépenses où est-elle explicitée?
Le sénateur Cools: Monsieur le président, le sénateur Lynch-Staunton est en train de lire quelque chose. Peut-on savoir de quoi il s'agit?
Le sénateur Lynch-Staunton: Je lis le compte rendu de notre réunion avec la vérificatrice générale, et plus précisément, le texte de son exposé.
Le sénateur Cools: Certains d'entre nous n'avons peut-être pas bien saisi. Quelle est donc la différence entre l'autorisation de dépenses et l'autorisation législative?
Le sénateur Lynch-Staunton: Selon la vérificatrice générale, Environnement Canada et Ressources naturelles avaient l'autorisation législative de conclure des accords financiers mais n'avaient pas l'autorisation de dépenses nécessaire pour engager les dépenses en question. Seul le Parlement peut accorder l'autorisation de dépenses.
Le sénateur Cools: Il me semble que l'autorisation législative émane également du Parlement.
Le sénateur Lynch-Staunton: Posez-vous une question complémentaire ou souhaitez-vous vous substituer aux témoins? Je suis en train de poser des questions à M. Neville et à M. Bickerton.
Le sénateur Cools: J'essayais d'obtenir des précisions du président.
Le sénateur Lynch-Staunton: Pourriez-vous attendre que j'ai fini? Ensuite, vous pourrez demander des éclaircissements.
Le sénateur Cools: Dans ce cas, je vais invoquer le Règlement.
Le sénateur Lynch-Staunton: Mais moi je n'invoque pas le Règlement.
Le sénateur Cools: C'est moi qui l'ai invoqué. Monsieur le président, pour les fins du compte rendu et du débat, j'aimerais qu'on nous explique la différence entre l'autorisation législative et l'autorisation de dépenses.
Le président: Je ne peux pas vous aider pour le moment, sénateur, mais je vais faire un peu de recherche. Entre- temps, le sénateur Lynch-Staunton pourra finir de poser ses questions aux témoins.
Le sénateur Lynch-Staunton: J'ai utilisé le mot «urgent» et j'espère que vous l'inclurez dans votre texte, monsieur Neville, si vous comptez reformuler le libellé de l'article dont émane cette autorisation et où il est question de «diverses menues dépenses imprévues». Dès le départ, l'intention était de permettre d'engager des dépenses urgentes et imprévues. À mon avis on ne parle plus de «menues dépenses»; qui peut me définir ce terme?
Ma dernière question est d'ordre plutôt hypothétique. Que se passerait-il — et est-ce que cela s'est déjà produit — si le Budget supplémentaire des dépenses était rejeté par le Parlement? Par exemple, un projet de loi de crédits ne serait pas adopté. Que se produirait-il à ce moment-là?
M. Neville: Nous avons déjà eu cette discussion-là. Votre question est hypothétique.
Le sénateur Lynch-Staunton: Donc, cela ne s'est jamais produit?
M. Neville: Non, cela ne s'est jamais produit. Et nous prions pour que cela n'arrive jamais. Ce serait sans précédent.
Le sénateur Lynch-Staunton: Sans précédent, vous dites?
Le président: Le rejet d'un projet de loi de crédits est une question qui engage la confiance.
M. Neville: C'est un vote de censure et le gouvernement tombe. Le processus n'est pas tout à fait celui que vous avez décrit, à savoir que le projet de loi de crédits n'est pas voté et que la vie continue comme si de rien n'était. Quand cela se produit, il y a autre chose qui vient combler le vide.
Le sénateur Lynch-Staunton: Et si les paiements ont tous été faits?
M. Neville: Il faudrait sans doute recouvrer ces sommes puisqu'elles n'auraient pas été à proprement parler autorisées par le Parlement.
Le sénateur Lynch-Staunton: J'ai une question à poser sur les fondations, mais vous allez peut-être me dire que ma question est irrecevable.
Le président: En effet. Le témoin reviendra.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ce sont d'excellents témoins, monsieur le président, et je veux les remercier d'avoir accepté de revenir. Merci beaucoup pour ce franc échange de vues.
Le sénateur Banks: Je m'associe tout à fait aux propos du chef de l'opposition. Monsieur Neville et monsieur Bickerton, je voudrais que tous les témoins qui comparaissent devant le comité possèdent des connaissances aussi approfondies et soient aussi experts et francs en répondant à nos questions. C'est un grand plaisir de vous recevoir.
Je voudrais revenir sur la question dont on vient de discuter.
Ai-je raison de supposer que l'autorisation législative de faire les versements à l'entreprise privée existait parce que a) le gouvernement avait conclu une entente avec l'entreprise privée et, b) le crédit 5 pour éventualités était disponible et que le gouvernement a le droit d'utiliser ces crédits? Est-ce la source de l'autorisation législative dont on parle?
M. Bickerton: Je vais profiter de cette réponse pour répondre également aux questions antérieures du sénateur Lynch-Staunton qui sont restées sans réponse.
L'autorisation législative de faire les versements relatifs au développement durable dont il est question ce soir émane des lois régissant les ministères de l'Énergie, des Ressources naturelles et de l'Environnement. Si je ne m'abuse, l'une des lois concernées serait la Loi sur l'efficacité énergétique et les énergies de remplacement, mais il faudrait que je cherche les références exactes. Je pense qu'on en a discuté tout à l'heure.
Le crédit 5 accorde l'autorisation de verser certaines sommes d'argent de même que l'autorisation législative requise à cette fin en attendant l'adoption du Budget supplémentaire des dépenses. Cela rejoint la question posée par le sénateur Lynch-Staunton.
Monsieur le président, vous citiez un extrait du rapport de 1989, à la page 3. Mais un passage qui se trouve deux paragraphes plus loin va au coeur de la question dont nous débattons actuellement. Si vous me permettez, j'aimerais citer ce passage:
Il y a essentiellement deux situations qui amènent un ministère à demander à recourir au crédit pour éventualités au moment même où il reçoit l'approbation d'inscrire un poste au Budget supplémentaire des dépenses. La première surviendrait lorsqu'un ministère aurait besoin de liquidités avant l'approbation du Budget supplémentaire des dépenses et que l'affectation de fonds ministériels applicable n'aurait pas un solde suffisant pour permettre d'engager la dépense prévue.
L'autre situation concernerait un ministère qui n'aurait pas une autorisation suffisante pour faire un versement précis — autorisation qui pourrait lui être conférée par le biais d'une Loi de crédits — et qu'il serait nécessaire de faire ce versement avant l'adoption de la Loi de crédits. Dans ces deux cas, le Conseil du Trésor peut autoriser l'accès au crédit pour éventualités en attendant l'adoption de la Loi de crédits.
Voilà le principe qui nous guide depuis lors et nous nous appuyons justement sur les informations que nous avons recueillies au moment de répondre aux interrogations du comité en 1989.
Le sénateur Banks: Cela veut donc dire que le Conseil du Trésor suppose que le Parlement adoptera le projet de loi. C'est bien ça?
Ma question corollaire concernait le cas précis dont nous sommes saisis. Ce qui était au départ le projet de loi C-46 avant la dissolution de la législature précédente — et je vois que M. Neville a parfaitement raison; le premier paiement a été fait huit jours après le début du nouvel exercice financier. Le nouveau projet de loi n'avait pas encore été adopté, mais l'argent a été versé à l'entreprise privée. Que serait-il arrivé si le projet de loi C-4 n'avait pas été adopté et s'il n'y avait donc pas eu d'appui technologique au développement durable? Je suppose qu'il aurait fallu recouvrer cette somme.
M. Neville: Je vais répondre à vos deux questions en même temps. Le sénateur Lynch-Staunton a soulevé la question de savoir ce qui se produirait si le Parlement n'approuvait pas le Budget supplémentaire des dépenses. Nous avons parlé d'un vote de censure, et c'est toujours une possibilité. De plus, selon le conseiller juridique du Bureau de la vérificatrice générale, nous avons l'autorisation, en vertu du crédit 5 du Conseil du Trésor, de permettre que certains versements soient permanents. Nous n'avons jamais fait cela, et telle n'est pas notre pratique, mais s'il fallait le faire pour une raison bien précise, nous pourrions déterminer que le paiement demandé était approprié en vertu du crédit 5 du Conseil du Trésor, et ce, sur une base permanente.
Le sénateur Banks: Malgré le fait que le Parlement pourrait rejeter par la suite le projet de loi prévoyant l'affectation en vertu de laquelle la dépense devait être engagée?
M. Neville: Vous me posez la question, et c'est une question légitime. Le pouvoir que nous détenons en vertu de l'actuel crédit 5 du Conseil du Trésor vous permettrait de faire ça, comme vous le savez.
Le président: Je pense que vous avez raison, si vous parlez bien de l'affaire à laquelle je songe.
M. Neville: Mais telle n'est pas notre pratique.
Le président: Oui, j'en suis conscient, mais le comité voudra peut-être se pencher sur la question de savoir s'il convient ou non que vous déteniez ce pouvoir.
M. Neville: Je tenais à apporter cette précision parce que je voudrais que cette information soit consignée dans le compte rendu, afin de tirer au clair la question posée précédemment ainsi que la réponse qui a été donnée.
Le président: Pour revenir sur le point soulevé par M. Bickerton, à savoir dans quelles circonstances un ministère peut demander à recourir au crédit pour éventualités, etc. L'autre situation dont il a été question concerne le cas où le ministère n'aurait pas une autorisation suffisante pour effectuer un paiement spécifique, mais pourrait obtenir cette autorisation par l'entremise d'une loi de crédit, et qu'il serait nécessaire d'effectuer ce paiement avant l'adoption du projet de loi de crédit. Telle est votre interprétation de l'autorisation législative que vous confère le crédit 5 du Conseil du Trésor, n'est-ce pas?
M. Bickerton: Oui, c'est exact.
Le président: Ne faites-vous pas la même distinction que font la vérificatrice générale et — comme elle nous l'a fait remarquer — le Président de la Chambre des communes, entre l'autorisation législative et l'autorisation de dépenses?
M. Bickerton: Pour le moment, disons que nous ne sommes pas d'accord avec la vérificatrice générale.
Le président: Donc, vous ne faites pas la même distinction qu'elle?
M. Bickerton: Dans ce cas précis, nous ne faisons pas une telle distinction. Nous avons toutefois l'autorisation provisoire d'effectuer de tels paiements, à condition que certains critères soient satisfaits, et comme vous le constatez, on précise de quoi il s'agit un peu plus loin sur la page: «... en attendant l'adoption dans les plus brefs délais d'une loi de crédits».
Le président: Si je vous comprends bien, et si je comprends bien son interprétation de cette procédure, il suffit dans un cas comme celui-ci qu'un ministère ait un mandat général prévu par la loi — que ce soit les ministères des Affaires étrangères, de l'Environnement ou des Ressources naturelles — pour avoir recours à une telle procédure. Il n'est donc pas nécessaire qu'il existe un crédit particulier autorisant un paiement au titre du développement durable; pourvu que les critères établis par le Conseil du Trésor soient satisfaits, c'est légitime.
M. Bickerton: Et pourvu que le ministère ait un mandat légal permettant d'effectuer ce genre de paiement ou d'exécuter ce type de programme. C'est ça la nature de l'autorisation.
Le président: Donc, vous êtes vraiment en désaccord avec la vérificatrice générale, et peut-être aussi avec le Président de la Chambre des communes et le Parlement en général.
Le sénateur Lynch-Staunton: Dans le cas du Fonds d'appui technologique au développement durable, pourquoi ce paiement était-il urgent? L'autre jour, nous avons reçu un communiqué de presse des deux ministres concernés nous informant qu'un directeur avait enfin été nommé — et ce, bon nombre de mois après le transfert des crédits. Donc, qu'est-ce qu'il y avait d'urgent?
M. Neville: Nous croyons savoir que les ministères et les ministres, qui ont signé les présentations individuelles au Conseil du Trésor, ont insisté sur la nécessité de lancer le programme étant donné qu'on commençait un nouvel exercice financier. Il y avait eu certains retards, dont nous avons discuté à plusieurs reprises autour de cette table, si bien qu'il était jugé impératif de mettre le programme en place et donc de prévoir le financement nécessaire.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le financement a été prévu, mais on n'a toujours pas commencé à appliquer le programme. Pourquoi ne pas transférer les fonds sur une période de trois ou quatre ans? Dans le cas du fonds d'aide à l'innovation, c'est seulement au dernier Budget supplémentaire des dépenses qu'on a effectué le transfert d'un milliard de dollars.
M. Neville: Évidemment, on ne se trompe jamais quand on fait une analyse a posteriori. Disons qu'à l'époque, les ministres individuels estimaient que les fonds devaient être débloqués immédiatement.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ces questions devraient donc être adressées à quelqu'un d'autre. Merci, monsieur Neville.
Le sénateur Banks: Je voudrais être sûr de bien comprendre les conditions entourant ces divers scénarios — et je sais très bien qu'il s'agit de cas hypothétiques. Nous parlons donc d'une situation où deux ministères différents auraient versé 50 millions de dollars en tout à une société privée à but non lucratif qui avait conclu une entente avec le gouvernement sur l'utilisation des crédits en question. Cependant, il n'est précisé nulle part que lorsque cette société cesse d'exister, l'argent sera remboursé au gouvernement. La loi ne dit pas ça, et donc je suppose que l'entente non plus n'a pas dû contenir une telle condition. Mais mes suppositions sont peut-être exagérées.
Toujours sur la question de ces cas hypothétiques, si le projet de loi C-4 n'avait pas été adopté, et la fondation qui a remplacé la société à but non lucratif, qui depuis toujours était obligée d'adopter le statut de fondation, n'avait jamais existé, comment ferions-nous pour recouvrer les 50 millions de dollars?
M. Neville: Vous me posez une question hypothétique, et nous avons déjà discuté de ce scénario. Cependant, étant donné notre secteur d'activité, nous trouvons toujours stimulant de tenir ce genre de discussion. Nous aurions été obligés de recouvrer l'argent en question. C'est ce que nous avions compris à l'époque.
Le sénateur Banks: Est-ce que l'entente conclue avec la société concernée nous donnait ce recours?
M. Neville: À mon avis, il faudrait examiner le libellé exact de l'entente, pour savoir si ce recours nous était disponible ou non.
Le sénateur Lynch-Staunton: Avec bon nombre de ces fondations, quand il y a liquidation, au lieu d'être renvoyé au gouvernement, l'argent est souvent réparti proportionnellement à ceux qui ont reçu des subventions.
M. Neville: Il existe bon nombre de fondations, et en ce qui concerne les ententes, il y a autant de variations que de fondations. Disons que c'est ainsi que nous menons ce genre d'opérations depuis plusieurs années. Au cours des derniers mois, nous avons fait preuve de beaucoup plus de diligence pour ce qui est de notre façon de traiter les ententes conclues avec chacune des nouvelles fondations. Je ne crois pas me tromper en vous disant qu'il y a eu des améliorations importantes au niveau des contrôles et du cadre de responsabilisation touchant ces ententes individuelles.
Le président: Monsieur Neville, dans votre déclaration liminaire, vous dites ceci en décrivant la procédure:
Toutes les demandes d'accès au crédit 5 du Conseil du Trésor sont fondées sur des présentations provenant des ministères qui ont été approuvées par les ministres. Le Secrétariat du Conseil du Trésor, en appliquant les critères que la vérificatrice générale explique en détail dans son observation, évalue les demandes et fait les recommandations au Conseil du Trésor au titre de l'étude de cas individuels. C'est ce qui s'est produit dans les trois cas étudiés par la vérificatrice générale pour l'observation en question.
Pourquoi nous dites-vous cela? Devrais-je vous demander si, dans les trois cas, le Secrétariat avait recommandé que le crédit soit utilisé pour les fins proposées par le ministre?
M. Neville: En toute justice, cela prouve plutôt que nous avions fait notre propre analyse avant que la vérificatrice générale procède à sa vérification, et elle a confirmé que l'approche que nous avons adoptée dans les circonstances était appropriée. Par conséquent, il n'y a pas eu d'observations négatives à propos de ces trois transactions par suite de la vérification.
M. Bickerton: Je me permets aussi de préciser que dans les notes de la vérificatrice générale, elle indique que dans les trois cas, l'ensemble des critères ont été appliqués pendant le processus d'examen.
Le président: Peut-être, mais elle estime néanmoins que tout ce processus doit être considérablement resserré.
M. Neville: Mais dans aucun des trois cas en question n'a-t-elle constaté un écart par rapport aux principes et lignes directrices que nous avons établis.
Le président: C'est vrai, mais elle soulève certaines questions concernant la clarté de ces principes et lignes directrices, du crédit proprement dit et de l'utilisation qui est faite du crédit dans ces cas-là.
M. Neville: Je suis d'accord.
Le président: Je cherchais à comprendre en quoi les observations que vous faites dans ce paragraphe sont pertinentes.
Le sénateur Banks: Je ne veux pas accuser la vérificatrice générale d'avoir fait des erreurs, mais vous avez dit plus tôt que la seule question qui reste à être réglée est celle de savoir si les paiements rentraient dans la catégorie des «diverses menues dépenses imprévues». À mon avis, si la vérificatrice générale est d'avis — et je ne prétends pas que ce soit le cas — que cette expression s'applique également «aux autres besoins», elle se trompe, parce que ces dernières ne comprennent pas ces autres besoins selon le libellé actuel. À mon avis, le bout de phrase «et autres besoins» qui englobe bon nombre de ces choses-là, n'est aucunement visé ou modifié par l'expression «diverses menues dépenses imprévues».
Le président: Mais la question que nous nous posons est de savoir si cela devrait être le cas.
Monsieur Neville et monsieur Bickerton, merci beaucoup. Comme d'habitude, nous avons passé une soirée très intéressante.
La séance est levée.