Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches
Fascicule 12 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 6 novembre 2001
Le Comité sénatorial permanent des pêches se réunit aujourd'hui à 19 h 10 pour étudier certaines questions relatives à l'industrie des pêches.
Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Ce soir, nous poursuivons notre examen des questions relatives à l'industrie des pêches. Les témoins que nous entendrons sont des représentants du ministère des Pêches et des Océans qui nous entretiendrons de la Révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique. Nous accueillons également un représentant du Groupe indépendant sur les critères d'accès.
Nous allons commencer par M. Paul Sprout, sous-ministre adjoint délégué par intérim, Gestion des pêches, que j'inviterai dans un moment à venir présenter ses collègues et à faire sa déclaration préliminaire. Après quoi, nous appellerons M. Arthur Kroeger, président du Groupe indépendant sur les critères d'accès qui viendra lui aussi présenter ses collègues et faire sa déclaration préliminaire.
Sans plus attendre, monsieur Sprout, voulez-vous commencer?
M. Paul Sprout, sous-ministre adjoint délégué par intérim, Gestion des pêches, ministère des Pêches et des Océans: J'aimerais tout d'abord vous présenter les deux collaboratrices qui m'accompagnent ce soir. Il s'agit de Catrina Tapley, directrice pour la Révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique, et de Michelle Doucet, directrice pour le Groupe indépendant sur les critères d'accès. Plus tard, M. Kroeger vous présentera un autre membre du groupe et fera un exposé.
Ce soir, je ferai un exposé à partir du dossier que vous devriez avoir en mains. Il s'intitule: «Établissement d'une meilleure pêche côtière dans l'Atlantique», et il a été préparé à l'intention des membres de ce comité.
À la page 1, vous trouverez un bref aperçu de ce que je veux vous présenter. J'ai l'intention de faire mes commentaires en trois volets. Tout d'abord, j'expliquerai en quoi consiste la Révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique. Ensuite, je parlerai du processus de consultation publique qui a eu lieu dans le cadre de la révision. Puis, je décrirai brièvement le Groupe indépendant sur les critères d'accès, et je récapitulerai en abordant les étapes à venir.
La deuxième diapositive explique en quoi consiste la Révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique. Premièrement, il s'agit d'un processus coopératif visant à établir une vision, des objectifs et une orientation pour la gestion des pêches de la côte atlantique.
Cette révision s'effectuera en deux phases. Nous sommes actuellement dans la première. Elle vise à répondre aux questions suivantes: qu'avons-nous l'intention de réaliser dans le domaine de la gestion des pêches à long terme? Quels sont nos objectifs? Quels sont nos principes? Quelle est notre orientation?
La phase deux pose la question suivante: «Étant donné l'orientation prise au cours de la phase un, comment allons-nous procéder pour la mise en oeuvre ou l'application?» La phase deux sert donc à préciser les stratégies et les politiques opérationnelles visant à mettre en oeuvre l'orientation prise au cours de l'étape un, celle dans laquelle nous nous trouvons encore actuellement.
Pourquoi réviser la politique? Parce que d'importants change ments sont survenus dans les pêches de l'Atlantique depuis la dernière révision complète. Au chapitre de la fluctuation des stocks, par exemple.
Nous sommes tous au courant de l'effondrement des stocks de morue du Nord survenu au début des années 90. Par ailleurs, on a assisté à un essor incroyable de la pêche des mollusques et des crustacés dans le Canada atlantique. Et la participation des Autochtones aux pêches de l'Atlantique a atteint des niveaux sans précédent.
Des changements importants ont été apportés à l'approche de la gestion des pêches. En effet, ces dernières dix années, nous avons assisté à l'introduction des quotas individuels dans un certain nombre de pêches de la côte atlantique.
Enfin, de nombreux utilisateurs de la ressource se sont ajoutés - aquaculture, écotourisme et pêche sportive. Toutes ces activités connaissent un essor qui ne se dément pas depuis quelques années.
Par ailleurs, le champ d'action du ministère s'est élargi. Avec l'adoption de la Loi sur les océans, le ministère se prépare à suivre des approches plus intégrées de la gestion des pêches et de l'utilisation des océans au sens large. En effet, l'utilisation des océans englobe non seulement la gestion des pêches, mais aussi d'autres usages.
Il nous faut également tenir compte de l'opinion publique. En effet, les gens se préoccupent de plus en plus de la gestion et de la protection de la ressource. Ils exigent la conservation de la ressource. Ils sont également en faveur d'une plus grande transparence dans la prise de décisions, d'une plus grande participation aux décisions et ils veulent aussi que l'on se fonde moins sur les experts pour prendre les décisions.
Enfin, nous devons tenir compte de l'avis d'autres institutions importantes, dont le vérificateur général et le comité des comptes publics. Ces deux institutions nous ont indiqué que nous devrions avoir une idée plus précise de notre orientation générale. Il nous faut un cadre stratégique.
Pour ce qui est du processus, nous avons amorcé la Révision de la politique sur les pêches en juin 1999. Au début, nous avons organisé des séances publiques dans plusieurs provinces, notam ment dans les Maritimes, au Québec, à Terre-Neuve et au Nunavut. Lors de chacune de ces réunions, nous avons demandé aux participants s'ils étaient intéressés à collaborer à une révision publique. Nous avons demandé aux personnes présentes leur opinion sur la marche à suivre et sur les questions ou les sujets qui devraient être abordés. Nous en avons conclu qu'il y avait un fort consensus en faveur de la tenue d'une révision de la politique, pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure, et pour d'autres raisons qui se sont ajoutées lors de ces réunions publiques.
Par ailleurs, les gens ont soulevé des questions et des préoccupations au sujet de la conservation marine. On s'est également interrogé au sujet de l'uniformité de la politique par rapport à la spécificité régionale.
Je vais vous expliquer ce que nous entendons par uniformité par rapport à la spécificité régionale. Lors de nos séances publiques, nous avons favorisé l'élaboration d'un cadre stratégi que assez large qui établisse des principes généraux pour la pêche de l'Atlantique. Par ailleurs, les gens ont demandé que l'on prenne en considération les particularités de chaque région, les caractéristiques culturelles, et ainsi de suite. L'enjeu de cette révision de la politique est justement de trouver un équilibre entre une approche uniforme et une certaine latitude.
Nous avons aussi entendu beaucoup de commentaires expri mant des inquiétudes au sujet de nos activités principales ou manifestant un appui à l'égard de ces activités, en particulier l'application et la science. Lors de toutes les séances publiques, des questions ont été posées au sujet de ces programmes.
Enfin, lors de toutes les réunions sans exception, les partici pants, et plus particulièrement les pêcheurs, ont mentionné l'équité et la transparence du processus de répartition des ressources au ministère, et leur rôle dans le processus.
Nous avons mis sur pied un conseil consultatif externe. Il s'agit d'un conseil formé des suspects habituels, c'est-à-dire les pêcheurs commerciaux et les transformateurs. Il comprend aussi des pêcheurs sportifs, des représentants des Premières nations, des groupes environnementaux, et d'autres intervenants, notamment les provinces. C'est un groupe très représentatif qui devait servir de baromètre pendant l'élaboration des versions préliminaires de notre document de travail.
Voici notre document de travail. Il vous a été distribué auparavant. Il s'intitule: «Opinions exprimées». Ce document définit la grande orientation que nous entendons prendre concernant les pêches de l'Atlantique. Il pose des questions sur les principes suggérés dans le document de travail. Il a été préparé par le ministère après les séances publiques. Nous avons demandé l'avis du conseil consultatif externe et, par la suite, nous avons distribué 15 000 exemplaires du document en question qui a servi de base aux discussions publiques.
Maintenant, regardons les deux prochaines diapositives qui résument le document de travail. En deux diapositives, je vais résumer 70 pages en anglais et plus ou moins 74 pages en français. Évidemment, c'est un résumé très succinct, mais il vous donnera une bonne idée de la grande orientation décrite dans le document.
Tout d'abord, la révision de la politique comporte trois objectifs principaux et quatre thèmes stratégiques viennent développer ces objectifs qui sont notamment: la conservation, la gestion ordonnée et la gouvernance concertée. Pour ce qui est de la conservation, il est clair qu'elle doit être la priorité.
Toutefois, on ne peut imposer la conservation en adoptant une approche descendante. Autrement dit, si l'on veut en arriver à une conservation vraiment efficace, le ministère devra travailler la main dans la main avec ses intervenants. Il faut faire participer plus activement les pêcheurs et les autres groupes pour atteindre cet objectif.
La gestion ordonnée est remise en cause lorsque l'on invoque l'instabilité du processus de répartition des ressources. C'est un secteur très problématique. Toutefois, nous devons faire des progrès à cet égard si nous voulons que la certitude fasse partie du processus des pêches. Nous proposons des mesures visant à introduire plus de stabilité et de certitude dans le processus de répartition des ressources.
Enfin, pour ce qui est de la gouvernance concertée, nous expliquons qu'il faut délaisser le modèle où la prise de décisions est pratiquement monopolisée par le ministère, pour un autre modèle laissant davantage de place à la concertation. Nous voulons abandonner une structure de type paternaliste où les décisions se prennent de façon unilatérale pour une structure plus participative. Voici nos trois objectifs.
Sur la page suivante, nous développons ces objectifs à l'aide de quatre thèmes stratégiques. Ces quatre thèmes stratégiques sont la conservation, la viabilité économique et sociale, l'accès et la répartition des ressources et la gouvernance.
Dans la section sur la conservation, nous donnons une définition. Cette définition fait état de composants ou d'éléments qui comprennent notamment la gestion de l'écosystème, l'établis sement d'une éthique de la conservation, un cadre réglementaire et l'adoption d'une approche prudente. Elle suggère également des moyens de faire participer plus activement les intervenants au processus de définition d'objectifs plus précis en matière de conservation.
Dans la section sur la viabilité économique et sociale, nous parlons du rôle des titulaires de permis et des flottilles. Nous suggérons qu'ils devraient disposer d'une plus grande latitude pour prendre des décisions concernant leurs objectifs sociaux et économiques, tout en respectant certaines limites. Une de ces limites serait justement la conservation. Une limite consisterait par exemple à ne pas prendre de décision risquant d'avoir une incidence négative sur d'autres intervenants à l'extérieur de sa propre zone de pêche. Nous abordons aussi le rôle du ministère des Pêches et des Océans qui devrait favoriser la mise en place de conditions permettant aux flottilles et aux titulaires de permis de prendre de bonnes décisions économiques et sociales concernant l'utilisation de la ressource.
Dans la section sur l'accès et la répartition des ressources, nous exposons en trois étapes comment nous entendons procéder pour instaurer un processus plus stable et plus prévisible. Nous décrivons le rôle du gouvernement et de l'industrie ainsi que les moyens que nous comptons prendre pour atteindre notre but.
Enfin, en ce qui concerne la question de la gouvernance, et cet aspect transparaît dans tous les thèmes, nous expliquons de façon plus précise comment nous entendons modifier notre approche actuelle pour une attitude favorisant la cogestion sur une grande échelle et pour le plus grand nombre de pêches possible, avec la réserve que nous devons mettre à contribution les capacités et les intérêts de l'industrie pour nous engager dans cette direction. Les signaux que nous recevons nous montrent que les intervenants désirent prendre une plus grande part dans les décisions et participer davantage aux résultats.
La septième diapositive aborde la question des consultations publiques. Comme je l'ai mentionné auparavant, nous avons terminé le document de travail en janvier dernier, puis nous l'avons publié. En avril, nous avons commencé à tenir les séances publiques. Il y en a eu 19 dans les Maritimes, au Québec, à Terre-Neuve et au Nunavut. Les réunions se sont déroulées suivant le format habituel. Nous commencions par décrire brièvement notre document de travail, un peu comme nous venons de le faire, puis ceux qui s'étaient inscrits à l'avance pouvaient présenter un exposé. Il y avait ensuite dix tables rondes sur chacun des thèmes stratégiques. À la fin de la journée, nous résumions les opinions qui avaient été exprimées. Ce mode de fonctionnement s'est répété lors des 19 séances publiques.
Quiconque le désirait pouvait participer aux réunions. Nous les avions publicisées largement, et nous avons constaté que l'éventail des participants et des organisations était très varié.
Nous avons aussi tenu des réunions bilatérales avec les provinces et les territoires. Nous avons eu des discussions avec des leaders d'opinion dans les organisations de l'industrie, dans les universités et ainsi de suite, sur le document de travail et nous avons pris bonne note de leurs idées et de leurs perspectives à ce sujet.
En avril et en mai derniers, nous avons commencé à analyser les 181 mémoires que nous avions reçus dans le cadre de la Révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique. En août, nous avons publié «Opinions exprimées». Il s'agit d'une synthèse des commentaires que nous avons entendus lors des séances qui se sont déroulées dans le Canada atlantique en avril et en mai derniers, et dont je viens de parler. Ce document a par la suite été distribué à tous les participants, à toutes les organisations de l'industrie qui s'étaient inscrites et à toutes les parties qui nous avaient exprimé leur intérêt.
J'aimerais vous entretenir un peu des opinions que nous avons entendues. Tout d'abord, nous avons senti qu'en règle générale les participants approuvaient tout à fait le processus. Ils appréciaient le fait d'avoir la possibilité de venir s'exprimer. Ils avaient en outre l'impression que l'exercice était ouvert et transparent et ils trouvaient que les gens du ministère étaient sincères et attentifs.
Nous avons senti que les participants approuvaient le document de travail. De façon générale, les gens ont dit qu'il était bien organisé, qu'il décrivait bien les enjeux et fournissait une bonne base de discussion. Les médias ont montré de l'intérêt pour les consultations publiques. Nous avons bénéficié d'une couverture médiatique lors de chaque réunion, et en règle générale, les articles étaient équilibrés.
Même si le processus de consultation publique a recueilli un large appui, il faut dire que nous avons entendu des notes discordantes sur un certain nombre de points. Par exemple, bon nombre de pêcheurs de la côte désiraient mettre l'accent sur la question des politiques relatives aux propriétaires-exploitants et à la séparation de la flottille. La politique sur les propriétaires-exploitants exige que les particuliers qui sont titulaires du permis soient les mêmes personnes qui utilisent le bateau. La politique sur la séparation de la flottille empêche les transformateurs de devenir titulaires de permis. Les deux politiques visent les navires mesurant moins de 65 pieds.
Même si on a noté des divergences sur certains points, il reste qu'il y a eu un large consensus sur d'autres. Par exemple, lorsqu'il a été question de l'accès et de la répartition des ressources, on a constaté un appui très marqué en faveur du passage à un système fondé sur les règles plus transparent. Les participants souhaitaient que le processus de prise de décisions soit clair.
Néanmoins, tous ne s'entendaient pas sur le rôle que devait jouer le ministère des Pêches et des Océans en ce qui a trait à la répartition des ressources commerciales. Le document de travail proposait un changement aux actuelles méthodes de fonctionne ment. Nous avions tenté de déterminer, alors que la part commerciale par secteur avait déjà été largement établie, si les répartitions devraient se faire en fonction de caractéristiques des navires, c'est-à-dire à engins fixes ou mobiles. Il ne s'agissait pas de décider si la part irait au secteur commercial, sportif ou aux groupes autochtones. Là n'était pas la question. Nous voulions essayer de déterminer si, à l'intérieur d'une part commerciale, la répartition des ressources pouvait se faire entre les navires à engins fixes ou mobiles.
Dans l'éventualité où il y aurait un litige entre les propriétaires de navires des deux types d'engins, pour ce qui est de l'orientation à long terme, dans notre document nous encoura gions l'industrie à essayer de résoudre ses différends. Nous ajoutions par ailleurs que, s'il était impossible de régler le conflit, il faudrait avoir recours à un processus indépendant qui pourrait prendre la forme d'une médiation, d'un arbitrage ou de n'importe quel processus reconnu par l'industrie pour résoudre l'impasse. Mais il n'incomberait pas au ministère des Pêches et des Océans de trancher le différend.
Les avis étaient partagés en ce qui concerne cette approche. De fait, deux écoles de pensée s'affrontaient. D'aucuns étaient d'avis qu'il était grand temps que le ministère cède du terrain, ils appréciaient cette orientation et l'appuyaient. D'autres en revan che affirmaient que ce mode de fonctionnement était voué à l'échec et qu'il incombait au ministère de régler les compromis qui découlaient nécessairement de ce type de décisions. Par conséquent, ils n'étaient pas en faveur d'un changement par rapport au statu quo.
La question d'une plus grande participation à la prise de décisions a aussi suscité un appui massif. Bien des groupes, sinon la plupart, désiraient y prendre une part plus active. Toutefois, les participants faisaient valoir que nous devions, en tant qu'industrie, nous doter des moyens nécessaires pour y arriver, c'est-à-dire que nous devions procéder lentement et graduellement à cette transition, au fur et à mesure que les personnes auraient acquis les habiletés et les capacités pour prendre ou assumer davantage de décisions dans certains domaines ou certaines fonctions.
À la page 10, nous énumérons quelques-unes des principales considérations avec lesquelles nous jonglons à la suite de ces consultations. Ces considérations s'expriment sous la forme de questions, mais elles traduisent bien dans quel sens vont nos réflexions alors que nous travaillons à la version finale du cadre stratégique.
Le volet socio-économique nous amène à nous interroger sur ce que nous comptons faire au sujet des divergences d'opinion en ce qui concerne les politiques visant le propriétaire-exploitant et la séparation des flottilles dont je viens de parler. Il y a des dissensions en ce qui concerne le rôle du gouvernement en matière d'accès et de répartition des ressources, et sur la réception que nous devrons donner aux avis que pourrait nous transmettre le Groupe indépendant sur les critères d'accès.
Il y a aussi des différends au sujet de la gouvernance. Comment permettre aux nombreux intervenants qui se sentent mis de côté dans le processus de s'exprimer? Comment donner la parole aux intervenants de l'aquaculture, de la pêche récréative et aux autres parties qui représentent de nouveaux intérêts et qui voudraient participer plus activement à la gestion des pêches qu'ils ne le font actuellement? Dans ce cas également, nous devons affronter le problème du renforcement des capacités.
Il nous reste aussi à trouver le moyen de valider les opinions que nous avons entendues et les commentaires qui nous ont été faits concernant les processus que nous avons suivis jusqu'à maintenant.
J'aimerais maintenant vous parler un peu du Groupe indépen dant sur les critères d'accès. M. Kroeger vous fera bientôt ses commentaires. À titre d'introduction, je voudrais mentionner qu'après la décision qui a été prise en 2000 concernant la crevette nordique, le ministre des Pêches et des Océans a résolu de former le Groupe indépendant sur les critères d'accès. La raison d'être de ce groupe était d'examiner les critères de décision en vue d'accorder un accès nouveau ou additionnel aux pêches commer ciales dont la valeur ou la quantité a augmenté considérablement.
Avant d'établir le mandat et la composition du groupe, nous avons consulté abondamment les provinces. Elles ont soulevé un certain nombre d'objections concernant la décision relative aux crevettes nordiques. Comme je viens de le mentionner, après avoir pris bonne note de ces objections, le ministre a formé le groupe. Nous avons donc consulté les provinces, puis nous nous sommes entendus sur le mandat et la composition.
Le groupe a pour mission d'élaborer les critères d'accès qui serviront à orienter les décisions. Il est également chargé de déterminer le classement ou la pondération relative de chaque critère ainsi que de donner son avis sur le processus de décision. Pour s'acquitter de ce mandat, il doit consulter les provinces et les territoires.
Le groupe n'a pas pour mandat d'examiner les décisions antérieures. Il doit plutôt se pencher sur les décisions qui seront rendues dans le futur et sur les fondements de ces décisions.
Le groupe est présidé par Arthur Kroeger, qui est avec nous ce soir, et formé de Martha Jackman, qui est également présente, de Gordon Munro, David Newhouse et Paul LeBlond.
L'existence des activités du Groupe indépendant sur les critères d'accès a été annoncée en juin dernier. Il a commencé en août ses consultations qui se sont déroulées en quatre séries. Il a tenu au moins 66 réunions, et probablement davantage, avec des organisations et des groupes variés. Par ailleurs, un questionnaire a été préparé et distribué à plus de 200 organisations qui ont été invitées à y répondre en vue d'aider le groupe à s'acquitter de son mandat. Le rapport devrait sortir un peu plus tard cet automne, et M. Kroeger voudra peut-être vous en parler.
J'aimerais conclure sur les étapes qui restent. Comme je l'ai déjà mentionné, nous attendons que le Groupe indépendant sur les critères d'accès présente son rapport au ministre Dhaliwal. Par la suite, il y aura d'autres réunions du conseil consultatif externe et des provinces pour mettre la dernière main à la Révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique. Nous pensons que ces réunions auront lieu plus tard cet automne ou au début de l'hiver. Nous prévoyons mettre un point final au cadre stratégique au début de l'année prochaine, en février ou mars.
Nous passerons ensuite à la phase deux dont j'ai déjà parlé au début de mon exposé. Cette étape consistera à déterminer les modalités de la mise en oeuvre de l'orientation générale qui aura été définie au cours de la première étape. Autrement dit, comment concrétiser l'orientation sur laquelle nous nous serons entendus au cours de la phase un.
Le président: J'invite maintenant M. Kroeger qui, à ce qu'il me semble, fera un court exposé avant de permettre aux membres du comité de poser des questions.
M. Arthur Kroeger, président du Groupe indépendant sur les critères d'accès: Monsieur le président, je serai bref, parce que M. Sprout vous a déjà donné les grandes lignes du processus de la Révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique dont nous faisons partie. Il a également abordé notre mode de fonctionnement. Je poursuivrai en donnant un aperçu rapide de notre processus.
Je suis accompagné de la professeure Martha Jackman, qui est vice-doyenne à l'Université d'Ottawa. Elle se joindra à moi pour répondre à vos questions.
Le groupe comprend deux personnes-ressources qui connais sent très bien les pêches. Ce sont Paul Le Blond, anciennement du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques et Gordon Munro qui a déployé beaucoup d'efforts dans le domaine des pêches canadiennes ainsi que pour l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture.
Les trois autres membres du groupe sont des néophytes comme moi. Nous avons dû apprendre. Notre apprentissage a commencé à la fin de juin par plusieurs séances d'information que nous a données le ministère durant quelques jours. On nous a remis sept livres, qui mesuraient bien 18 pouces de hauteur. Nous avons beaucoup lu et tenu d'autres séances d'information en juillet. À la troisième semaine d'août, nous étions prêts, pensions-nous, à nous rendre sur le terrain. Nous avons commencé par Iqaluit, le 20 août 2001. Ensuite, nous sommes allés à Goose Bay, puis à St. John's et par la suite dans le Canada atlantique.
Comme l'a déjà expliqué M. Sprout, nous avons fait en tout quatre voyages au cours desquels nous avons tenu une série de réunions. En règle générale, nous rencontrions chaque groupe seulement une fois, mais dans le cas des gouvernements, des provinces et des territoires, nous nous sommes réunis deux fois, au début et à la fin.
Nous avons complété notre série de consultations, autour de 66 réunions, mais peut-être un peu plus, dans la ville de Québec, le 23 août 2001. Depuis lors, nous avons entrepris de dégager les conclusions des opinions qui se sont exprimées.
Évidemment, avec un sujet comme les pêches, inutile de vous dire que nous avons eu droit à un large éventail d'opinions, à beaucoup de conseils et à un tas de bonnes idées. Nous nous efforçons maintenant d'en extraire des conclusions, de les mettre par écrit et de présenter notre rapport au ministre. Ce genre de processus est toujours plus long que ce que l'on avait prévu au départ, mais je suis persuadé que nous pourrons remettre quelque chose au ministre Dhaliwal d'ici la fin de novembre 2001.
Le mandat qui nous a été confié nous force à nous concentrer sur la question de l'accès. Qui a accès aux pêches? Nous avons abordé notre travail en essayant de nous familiariser avec les pêches de l'Atlantique. Nous avons fait circuler les sept questions qui constituent la base de notre mandat et que nous reprendrons dans notre rapport. Les trois membres du groupe qui sont des nouveaux venus dans le domaine ont eu souvent le sentiment qu'ils avaient beaucoup à apprendre. Par conséquent, lors des discussions, nous encouragions les intervenants à s'exprimer librement sur les pêches de l'Atlantique - l'historique, le mode de fonctionnement, les problèmes et le rôle que leur organisation y joue.
Nous avons beaucoup appris, y compris sur la participation des groupes autochtones. Nous n'avons qu'un rôle limité, mais je vous signale que l'entrée des groupes autochtones dans les pêches commerciales représente une toute nouvelle étape très importante. Nous pensions que nous devions nous efforcer de bien compren dre la situation. À la fin, nous avons organisé des réunions avec sept groupes autochtones en plus de celles que nous avons tenues avec le gouvernement du Nunavut, qui est majoritairement autochtone.
Nous avons tous été impressionnés par la complexité de cette question. Il ne s'agit pas seulement d'une industrie. Les produits doivent être vendus sur le marché. Je pense que 80 p. 100 des captures sont exportées. Nous avons appris, enfin ceux d'entre nous qui ne le savaient pas déjà, que lorsque vous vous intéressez au Canada atlantique, vous devez connaître les collectivités, la sociologie, la biologie et toutes les interactions complexes qui les unissent. Dans notre rapport, nous essaierons d'en tenir compte, même si on nous demande de répondre à des questions très précises en fait.
Inutile de dire aux membres de ce comité que nous nous attaquons à un domaine où il n'y a pas de solutions simples, directes et faciles. S'il y en avait, on le saurait depuis longtemps déjà. La situation qui existe aujourd'hui dans les pêches est le résultat d'une évolution qui s'est faite graduellement.
Nous sommes impressionnés par les changements qui sont survenus plus ou moins au cours des dix dernières années. M. Sprout a fait allusion à une ouverture visant à amener l'industrie à prendre davantage de responsabilités. Cette nouvelle approche a eu quelque succès.
Dans d'autres secteurs, il y a encore beaucoup de problèmes. Nous sommes conscients que nous n'arriverons pas avec une solution magique ni une solution unique. Nous espérons seule ment pouvoir contribuer à l'amélioration constante qui s'est amorcée dans le secteur au cours de la dernière décennie et à la réussite de la Révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique. Toutefois, nous n'entretenons aucune illusion sur la possibilité de mettre sur le tapis une idée merveilleuse et entièrement nouvelle.
Le président: Nous sommes reconnaissants aux deux groupes d'avoir pris la peine de venir se joindre à nous ce soir pour nous aider à mieux comprendre l'exercice auquel vous vous êtes prêtés.
Le sénateur Watt: Premièrement, je veux vous féliciter d'avoir fait une tentative pour intégrer les groupes autochtones et les amener à participer à l'avenir de ce pays. Je tiens à dire que c'est du nouveau.
Je veux parler des possibilités de développement économique qui pourraient contribuer à endiguer les problèmes sociaux. Monsieur Kroeger, je pense que nous nous connaissons depuis quelques années. Vous étiez au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien à une certaine époque. Il s'agit donc d'un domaine que vous connaissez personnellement. Vous savez que les possibilités offertes dans le nord sont exactement les mêmes que dans le sud. Nous avons aussi parfois le sentiment que nos voisins nous envahissent en ce qui concerne l'accès que nous devrions avoir à nos ressources. Nous nous demandons si nous pourrons survivre à la fois économiquement et socialement.
Peu importe les efforts déployés, lorsque vous ne représentez qu'un petit groupe de personnes, vous n'arrivez pas à obtenir de l'attention. C'est la raison pour laquelle ce problème doit être constamment remis sur la table.
Il n'y a pas si longtemps, le Nunavut a contesté des décisions qu'avait prises le ministère des Pêches et des Océans antérieure ment. Je pense que tout récemment il a perdu sa cause devant les tribunaux. Il n'est pas certain que les préoccupations exprimées ont été analysées et traitées avec tout le sérieux qu'elles méritaient. Les contestataires demandaient qu'on leur accorde une part équitable des ressources disponibles dans la région, alors que des pêcheurs de diverses provenances y récoltent le poisson.
Ce problème ne va pas disparaître tout simplement parce qu'on le considère du nouveau point de vue selon lequel le gouverne ment du Nunavut doit être en mesure de générer ses propres revenus. On essaie de faire comprendre au gouvernement du sud pourquoi on voudrait que les quotas soient augmentés.
Je constate que vous avez eu une réunion avec le vice-président du développement économique de la Société Makivik. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de rencontrer aussi les autres groupes? Makivik est une organisation qui est associée de près à la pêche internationale de la crevette depuis des années, et j'ai été moi-même très heureux d'y participer dans les tout débuts.
Les aspects de la conservation des espèces ne sont pas l'apanage de ce ministère en particulier auquel vous avez eu affaire. Ce ministère s'occupe du développement seulement, pas tellement de la conservation et de la gestion. Il existe une autre organisation appelée Anguvijek. Cette organisation a été mise sur pied après la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et l'avènement de Makivik. Anguvijek est un groupe de gestion établi dès les tout débuts. Si je ne m'abuse, ce groupe relève aussi de la compétence du ministère des Pêches et des Océans? Est-ce exact?
M. Sprout: Vous avez raison.
Le sénateur Watt: Balooka est une région à laquelle s'est intéressé ce groupe particulier. Je crois me rappeler que l'automne dernier il y a eu une réunion avec les fonctionnaires de Pêches et Océans et qu'à cette occasion on devait utiliser des renseigne ments scientifiques recueillis par le ministère qui étaient en fait désuets. Les fonctionnaires essayaient de vendre l'idée qu'il ne devrait plus y avoir de chasse au béluga en se fondant sur ces données dépassées. Et même, ils envisageaient de mettre le béluga sur la liste des espèces menacées.
Mais avant de prendre cette décision, il est important de s'assurer que les renseignements scientifiques disponibles ne sont pas périmés. Dans le Nord, nous avons énormément besoin de travaux scientifiques. Il y a toujours des lacunes à ce sujet. Si le ministère des Pêches et des Océans veut obtenir des résultats chez nous, que ce soit dans la région subarctique ou de l'extrême-arcti que, il doit injecter de l'argent dans la recherche scientifique parce que c'est vraiment nécessaire.
Je veux m'assurer que l'on prend la chose au sérieux. Dans certaines circonstances, on retient l'information, et dans d'autres, elle est insuffisante. Par conséquent, les responsables politiques doivent prendre des décisions sans pouvoir s'appuyer complète ment sur des renseignements scientifiques. Ils ne devraient pas avoir à prendre leurs décisions ainsi.
L'information scientifique et le savoir traditionnel sont une seule et même chose, ils ne s'opposent pas. Il est également très important que les peuples autochtones participent au processus et qu'ils puissent s'exprimer sur les questions que vous avez soulevées aujourd'hui. Je ne serais pas le seul à l'apprécier, tous ceux qui vivent dans le Nord l'apprécieraient.
Ces gens n'ont pas toujours la possibilité d'exprimer ce qu'ils ressentent ou de donner leur avis avant que les politiciens ne prennent leurs décisions. Même si cette participation était minime, les groupes autochtones seraient sans doute très heureux d'être consultés.
J'aimerais poursuivre, monsieur le président, avec la question de l'habitat du poisson. Dans le sud du pays, nous avons réussi à détruire notre environnement. Nous nous préparons à faire la même chose dans l'Arctique. En tant que gouvernement fédéral, nous négligeons l'environnement, si vous voulez mon avis. L'environnement n'est peut-être pas de votre compétence exclusi ve, mais en tout cas vous avez le droit de faire des représentations auprès du ministère de l'Environnement et de Santé Canada.
Deux questions nous préoccupent vraiment dans le Nord, actuellement. La première, c'est que nous sommes en train de nous détruire nous-mêmes et que nous détruisons l'habitat du poisson avec nos déchets humains. Comme vous le savez, la population croît. Nous sommes plus nombreux que nous ne l'étions. Mais les déchets humains se répandent aussi.
Comme vous le savez, au printemps, toutes les terres de la région sont inondées. Les produits chimiques toxiques qui risquent d'avoir une incidence négative sur l'avenir du poisson s'immiscent partout. C'est désastreux.
La qualité de l'eau que nous consommons nous inquiète beaucoup. Par-dessus le marché, nous sommes aussi très inquiets des aliments que nous consommons dans la chaîne alimentaire. Voilà un autre facteur qui est une source de préoccupation pour mon peuple. Beaucoup de personnes meurent, et elles en ignorent la cause. Beaucoup souffrent d'un cancer de l'estomac, et elles en ignorent les raisons.
J'ai entrepris une recherche sur le sujet l'été dernier. Il est à espérer qu'elle donnera quelque chose.
Comme vous l'avez déjà dit, il n'y a pas de solution magique à tous nos problèmes. Il faudra du temps pour convaincre ceux qui prennent les décisions. J'espère que des mesures seront prises par la suite.
Je n'ai pas de question, je voulais seulement faire un commentaire.
M. Kroeger: Je constate que le sénateur Watt a fait une déclaration d'une assez vaste portée. Mais notre mandat est passablement restreint.
De fait, lorsque nous sommes allés à Iqaluit, nous avons eu la chance que notre première réunion se tienne avec quatre grandes organisations qui ont toutes un intérêt dans les pêches, y compris le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, le gouvernement, et une organisation de Baffin regroupant six collectivités cherchant à développer les pêches. Nous les avons tous rencontrés. Ces gens ont parlé d'une façon générale des pêches et de leurs perspectives d'avenir.
L'une des choses qui nous a le plus impressionnés au sujet des gens de Nunavut est le fait qu'ils ne s'adonnent à la pêche commerciale que depuis peu. Il est certain qu'ils pêchent depuis plus longtemps que nous ne pouvons l'imaginer. Mais, à titre de participants à la pêche commerciale, ce sont pratiquement de nouveaux venus.
L'une des remarques que l'on nous a faite, et qui rejoint les commentaires du sénateur Watt, est que la population croît rapidement et qu'elle est jeune. Les possibilités offertes à ces jeunes gens ne sont pas immenses. L'un des secteurs où il existe réellement un potentiel de croissance est celui des pêches. Je n'avais pas vraiment réalisé cela, même si comme l'a fait remarquer le sénateur Watt, j'avais déjà acquis une certaine expérience des Affaires du Nord il y a très longtemps. Il est vrai que je n'avais pas envisagé cet aspect des choses.
Si l'on pouvait obtenir un accroissement de la participation des populations du Nord dans les pêches, ce pourrait être intéressant pour les jeunes de là-bas. À l'heure actuelle, la part des résidents du Nunavut dans la pêche commerciale du Nord est très mince. Dans une pêche, elle est d'environ 27 p. 100.
Ailleurs, dans le Canada atlantique, nous avons beaucoup entendu parler de la contiguïté, mais la région de Nunavut ne possède pas la part à laquelle on pourrait s'attendre étant donné que les bassins hydrographiques sont immédiatement adjacents aux Territoires. Voilà un aspect sur lequel le ministre travaille. À mon avis, il devrait y avoir des progrès dans le futur. Nous avons réalisé à quel point il est important que les choses évoluent.
J'aimerais ajouter, étant donné que le sénateur Watt a abordé la question de la participation des peuples autochtones en général, que nous avons constaté dans les cinq provinces et les territoires que nous avons visités que l'idée de partager les parts de pêche avec les Autochtones est largement acceptée. À Terre-Neuve, le syndicat et tous les participants étaient en faveur de l'octroi d'un quota de pêche à la nation Innu du Labrador, qui n'en avait pas encore.
On semble reconnaître qu'il faudra partager davantage avec les peuples autochtones avec le temps. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de problèmes, d'obstacles et de ressentiment, mais l'attitude des gens traduit une acceptation du principe.
M. Sprout: Dans une certaine mesure, j'aimerais me faire l'écho des propos de M. Kroeger, tout en ajoutant ce qui suit. Le sénateur a soulevé la question du savoir traditionnel. Je suis d'accord avec lui.
Nous sommes aussi d'avis que le savoir traditionnel est pertinent et qu'il mérite que l'on s'y arrête. De fait, dans le document de travail, nous expliquons comment nous pouvons intégrer le savoir traditionnel ou les connaissances des pêcheurs au processus de décision d'une manière plus active que nous ne le faisons actuellement. Nous suggérons que c'est une approche à envisager et sur laquelle j'aimerais insister.
Il est vrai que les avenues de développement économique revêtent de l'importance pour le Nunavut. On a beaucoup insisté sur cet aspect au cours des discussions que nous avons eues avec les représentants et lors des séances publiques. C'est un élément que nous gardons à l'esprit, à savoir que dans cette région particulière, l'accès à l'économie et la possibilité d'obtenir des droits de pêchent revêtent une importance particulière, surtout au Nunavut. Je voulais m'assurer que le sénateur sache que nous avons pris bonne note de cette réalité.
Le sénateur Adams: Le 22 octobre 2001, vous avez rencontré le ministre du développement du Nunavut et ses collaborateurs. Avez-vous mentionné quoi que ce soit sur l'avenir du Nunavut et sur ses rapports avec le ministère des Pêches et des Océans dans le futur?
Je me rappelle qu'il y a deux ou trois ans, notre président était allé à Iqaluit et à Pangnirtung. Il avait rencontré environ 40 syndicats de pêcheurs entre Pangnirtung et Broughton Island. Ces pêcheurs s'inquiétaient du fait qu'ils avaient les quotas de pêche, mais qu'ils ne pouvaient pas pêcher le turbot en hiver et en été. Ils éprouvaient des difficultés avec la pêche en hiver.
Il arrive que la glace ne prenne pas complètement et que l'on n'ait pas accès aux eaux profondes. Il en résulte que certains quotas ne sont pas complètement utilisés et que des personnes peuvent récupérer ces quotas et les rapatrier dans le sud du pays. Avez-vous abordé cette question il y a deux ou trois semaines lorsque vous les avez rencontrés à Iqaluit?
M. Kroeger: Je ne pense pas que le sujet ait été abordé lors de notre réunion, sénateur. Il a été question dans les grandes lignes des changements qui s'en viennent et qui leur permettraient de participer plus généralement aux pêches, y compris à la pêche au flétan noir et à la crevette.
Il a bien été question de certains sujets précis, mais je ne me rappelle pas que l'on ait mentionné ce à quoi vient de faire allusion le sénateur Adams. En gardez-vous le souvenir, profes seure Jackman? Était-ce en relation avec l'omble?
Le sénateur Adams: Oui.
M. Kroeger: Il se peut qu'il y ait eu une allusion à ce sujet.
Le sénateur Adams: Je veux parler de la pêche à l'omble et au turbot en hiver.
Mme Martha Jackman, membre du conseil, Groupe indépendant sur les critères d'accès: Je ne me rappelle pas que l'on ait fait directement allusion à l'omble, mais il est certain que le gouvernement et le Tunngavik ont insisté pour nous signaler que le principe de contiguïté qui semble s'appliquer ailleurs est mis en vigueur avec moins d'empressement au Nunavut. Dans le cadre de nos recherches, nous avons noté les recommandations faites par le comité permanent en ce qui concerne l'accès aux nouvelles pêches au Nunavut. Dans le cas du Nunavut, les faits parlent d'eux-mêmes.
Le sénateur Adams: Dans certains restaurants réputés du sud du pays, on trouve que le poisson est très cher. Lorsque je suis allé au Yukon en mars dernier, il y avait une écloserie d'omble de l'Arctique. Je suis allé pour manger au restaurant. Lorsque la serveuse m'a dit qu'il y avait de l'omble frais au menu, je lui ai répondu que je savais d'où il provenait et que je préférais m'abstenir d'en manger. C'est vraiment différent. Je peux différencier les deux juste en y goûtant.
Il y a une écloserie d'omble à Pangnirtung. On essaie d'obtenir d'autres quotas. Les gens disent qu'il y a du poisson. Des représentants du ministère n'accordent qu'une certaine quantité de quotas et disent qu'il y a une limite aux prises que peut faire un seul pêcheur.
Il faudrait faire davantage de recherche. J'habite à Rankin Inlet. Il est difficile de pêcher l'omble à cet endroit. Il fut un temps où il avait une conserverie à Rankin. Mais elle a été fermée, nous l'utilisons surtout pour l'omble fumé et la viande de caribou.
Les pêcheurs du Nunavut ne peuvent compétitionner avec ceux du sud du pays en raison des frais d'expédition. Nous devons expédier nos produits par avion pour les amener jusque dans le sud. Certaines compagnies aériennes exigent trop cher par kilogramme pour transporter le fret du nord jusqu'au sud. Les propriétaires des restaurants veulent en commander, mais ils n'ont pas les moyens de le faire auprès des pêcheurs de la collectivité. Je ne sais pas comment les choses vont tourner. La situation est assez complexe.
Nous avons parlé de l'aquaculture. Est-ce que le ministère des Pêches et des Océans a des contacts avec des personnes qui veulent utiliser les algues à titre d'engrais? Comment cela fonctionne-t-il? Est-il nécessaire d'avoir un permis pour se lancer dans le commerce des algues?
À Rankin Inlet, nous avons plusieurs variétés d'algues. Chacune porte un nom différent en inuit. Certaines peuvent mesurer jusqu'à 20 pieds de longueur. Elles flottent sur la mer. Il y a des tonnes d'algues qui flottent dans la mer. Les gens se posent des questions sur cette possibilité d'utiliser les algues comme engrais ou à tout autre usage. Ces algues ne contiennent aucun produit chimique. Le sénateur Tunney qui se trouve à mes côtés est un agriculteur, peut-être voudra-t-il en acheter?
L'aquaculture est un sujet de discussion, mais je ne vois pas bien comment ce type d'entreprise peut être mis en relation avec les gens. Ces algues pourraient être emballées et expédiées vers le sud du pays. Je me demandais seulement comment on peut se lancer dans ce genre de commerce.
M. Sprout: En ce qui concerne plusieurs des points que vous mentionnez, j'aimerais confirmer que lors des séances publiques, des préoccupations ont été exprimées au sujet de navires en provenance du sud qui pêcheraient au large du détroit de Davis ou près du détroit de Davis et que ces pêcheurs récolteraient du poisson que bien des habitants du Nunavut préféreraient pêcher eux-mêmes. Ces questions ont été mises sur le tapis.
Et aussi, bien sûr, la question de la recherche sur l'omble a été soulevée. C'est un sujet d'inquiétude au Nunavut, et aussi dans les régions un peu plus au sud. On ressentait la même préoccupation pour qu'il s'effectue davantage de recherche sur l'omble en particulier, et on faisait valoir que cette recherche permettrait d'asseoir plus solidement la pêche et que l'on pourrait aussi ouvrir davantage de débouchés. Ces deux points ont fait l'objet de discussions.
Le ministère est intéressé à approfondir le sujet de l'aquacultu re. Nous pensons que si les conditions favorables sont réunies et moyennant la mise en place de certaines restrictions, l'aquaculture pourrait être développée d'une manière tout à fait respectueuse de l'environnement. Et de plus, elle pourrait fournir des emplois à l'échelle locale ainsi que des possibilités de développement économique.
Je ne peux pas vous parler avec précision des algues, mais je peux vous dire qu'à tout le moins sur le plan du concept, c'est quelque chose qui nous intéresse. Si les responsables du Nunavut ont des idées dans ce domaine, nous sommes prêts à les écouter.
Le sénateur Forrestall: Monsieur Kroeger, si vous pensez que vous êtes un néophyte, imaginez ce que je peux moi-même ressentir.
Deux aspects m'intéressent plus particulièrement. Mes collè gues m'ont déjà entendu parler de ma marotte, et je l'ai toujours, parce que jusqu'à maintenant personne n'a réussi à me convaincre que mes craintes n'étaient pas fondées. Donc, ces craintes visent la sécurité.
Avec le développement des pêches dans le Nord, on constate que les avantages qui en résultent se retrouvent entre les mains de ceux qui y habitent. Maintenant qu'elles deviennent de plus en plus lucratives et prometteuses, et que peut-être même on peut envisager d'en faire une carrière ou à tout le moins d'en tirer sa subsistance une partie de l'année, est-ce qu'en parallèle on constate un développement de la formation, de la sécurité et de la gestion des ressources? Est-ce que tous ces éléments sont liés à votre rôle qui consiste à déterminer qui peut pêcher et quel genre de pêche il peut faire?
A-t-on jamais abordé la question de la sécurité durant vos audiences?
M. Kroeger: La question de la sécurité a fait surface régulièrement. C'est un aspect qui est revenu dans les débats plus larges. Nous avons entendu parler d'inquiétudes au sujet de la sécurité des personnes, du fait que les pêcheurs sortaient dans des embarcations trop petites, qu'ils allaient trop loin au large et qu'ils mettaient leur sécurité en péril. Peut-être devrais-je demander à M. Sprout de nous parler des questions qui ont été soulevées au sujet de la sécurité et de la formation des intervenants dans le domaine des pêches.
M. Sprout: Sénateur, la question de la sécurité n'a pas été soulevée lors de la plupart des séances publiques que nous avons tenues. Toutefois, à Terre-Neuve en particulier, la sécurité a joué un rôle important. Les discussions tournaient autour de ce que vient de mentionner M. Kroeger. Ces dix dernières années, et surtout au cours des cinq dernières, nous avons constaté une énorme augmentation de la pêche au crabe à Terre-Neuve. Il existe un important contingent de navires côtiers, surtout de petites embarcations, qui sortent pour la pêche au crabe et on entend parler de problèmes de sécurité dans ce type de pêche. Les pêcheurs veulent en effet que le ministère assouplisse ses exigences relatives à la taille des navires.
Nous imposons des contraintes relatives à la taille des navires principalement pour des raisons de conservation. De toute évidence, les plus gros navires ont une plus grosse capacité de pêche, et de ce fait, ils capturent davantage de poisson. Nous entrons dans un cercle vicieux en ce qui concerne la conservation.
Nous allons devoir, toutefois, examiner les répercussions de la pêche à la fois sous l'angle de la sécurité et de la conservation parce que la situation est la suivante: les pêcheurs sortent dans de plus petits navires et vont pêcher plus loin au large et cette façon de faire entraîne des problèmes pour la sécurité et pour la conservation. Nous avons entrepris des discussions avec les pêcheurs afin de déterminer comment nous pourrions maintenir nos objectifs tout en assurant la conservation.
Mais, le ministère des Pêches et des Océans ne va pas y arriver tout seul parce que, comme vous l'avez si justement souligné, il y a des problèmes de formation et de capacités qui doivent être réglés si l'on veut améliorer la sécurité. La sécurité ne vise pas uniquement la taille du navire; elle concerne aussi votre façon de vous conduire, comment vous avez été formés ou instruits, les normes que vous appliquez à bord et votre attitude en général. Nous devons collaborer avec le ministère des Transports et, probablement avec d'autres ministères si nous voulons atteindre nos objectifs en matière de sécurité et de conservation.
Ces discussions viennent à peine de commencer entre les pêcheurs et nous. Nous avons également amorcé les pourparlers avec le ministère des Transports dans ce secteur. Nous n'en sommes qu'aux préliminaires, mais nous allons de l'avant afin de trouver un consensus sur les meilleurs moyens d'atteindre le double objectif que nous nous sommes fixé.
Le sénateur Forrestall: Je comprends. Peut-on en sentir les effets dans nos écoles de formation sur les pêches? Par exemple, à Sheet Harbour nous avons la chance d'avoir les deux plus magnifiques navires que j'ai jamais vus. Il y a deux semaines, le ministre Dhaliwal a inauguré les installations qui comprennent deux des plus beaux bateaux que j'ai vus de toute mon existence. Ce sont des embarcations de taille imposante, mais pas démesurément. Ma première impression a été d'espérer que les équipages soient bien formés, parce qu'il y a des équipements très fragiles à bord. Pour ma part, j'ai toujours pêché sur un vieux Cape Island de 22 pieds.
Je me demande si les jeunes pêcheurs commencent par le commencement, en ce qui a trait à la sécurité bien entendu, c'est-à-dire s'ils suivent des cours dans les établissements d'enseignement? Est-ce une exigence? Peut-être s'agit-il d'exiger un nouveau type de permis pour être capitaine. Étant donné notre culture et nos expériences, il n'est peut-être pas nécessaire de connaître la navigation par relevé terrestre. Les pêcheurs peuvent sans doute se débrouiller autrement.
Je me demande si les jeunes hommes et les jeunes femmes qui se présentent dans ces écoles pour obtenir des certificats d'aptitudes - sont désireux d'apprendre comment pêcher en toute sécurité? Est-ce ainsi que les choses se passent? Sinon, y a-t-il quelque chose à faire? S'agit-il d'un aspect auquel la présente révision devrait s'intéresser?
M. Sprout: Nous prenons des mesures en rapport avec cette question, et j'aimerais en mentionner quelques-unes en plus des commentaires que j'ai faits tout à l'heure.
Nous assistons à la professionnalisation dans le secteur des pêches. Il s'agit d'un processus grâce auquel même l'industrie doit tenir compte des normes qui sont requises à titre de groupe professionnel. Ces normes comprennent notamment la navigation et la sécurité en mer. Pour obtenir le titre de pêcheur licencié, il est nécessaire de suivre ces cours et de les réussir. Le rythme auquel nous progressons varie d'une province à l'autre. Les résultats sont particulièrement intéressants à Terre-Neuve où le syndicat lui-même a adopté une position très ferme en faveur de la professionnalisation. Le syndicat exige de ses membres qu'ils suivent ces cours - et surtout les nouveaux arrivants - afin qu'ils prennent connaissance des questions de sécurité ainsi que des aspects plus larges qu'implique la professionnalisation.
Par ailleurs, DRHC appuie aussi ce processus au moyen de projets de formation. Le ministère a participé au financement et il a fourni du soutien à cet égard. Il collabore avec les diverses organisations de l'industrie afin de faciliter l'atteinte de cet objectif.
Très récemment, dans le cadre de nos discussions avec les Premières nations qui sont de plus en plus partie prenante avec les pêches, nous avons établi un programme de mentorat. Ce programme de mentorat établi de concert avec les Autochtones et en collaboration avec des écoles de formation prévoit l'encadre ment par des non-Autochtones des membres des Premières nations qui font leurs débuts dans la pêche. Il comprend notamment des cours de navigation, de sécurité en mer, de maintenance et d'entretien de navires. Ainsi, les nouveaux venus dans les pêches peuvent acquérir un sentiment d'appartenance et exercer leur profession en toute sécurité et en favorisant la conservation.
Toutes ces mesures sont déjà en place, même si le rythme varie d'une province à l'autre. Toutefois, le programme est en vigueur et il suit les lignes que je viens de vous décrire.
Mme Catrina Tapley, directrice, Cadre politique national et RPPA, ministère des Pêches et des Océans: Lorsque nous avons mené nos consultations sur la Révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique, nous avons obtenu l'encouragement de certains membres de l'industrie qui nous disaient qu'ils croyaient qu'il était nécessaire d'améliorer les compétences en matière de gestion. Dans votre première question, vous avez mentionné la gestion des ressources. Est-ce que les intervenants ont dit qu'ils y étaient favorables? Il est certain que nous avons entendu, lors des 19 séances publiques, un certain nombre de groupes dire qu'ils seraient prêts à accepter davantage de responsabilités. Toutefois, ces groupes reconnaissaient aussi qu'ils devaient améliorer leurs compétences à cet égard, non seulement sur le plan de la sécurité, mais aussi de la gestion des ressources. Ces constatations nous ont donné une impression très favorable.
Le sénateur Forrestall: Il vous reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Mais je vous félicite pour les moyens que vous prenez. J'espère qu'ils seront suffisants. Je regarde mes amis les sénateurs Adams et Watt de l'autre côté de la table, qui sont d'ardents défenseurs de l'expansion des pêches du Nord au profit des peuples autochtones. Je les observe depuis un certain nombre d'années. Lorsque je siégeais à la Chambre des communes, j'ai suivi certains débats qui s'y déroulaient sur cette question parce que nous nous sentions toujours concernés.
Je vous souhaite bonne chance et j'attends avec impatience de lire votre rapport, M. Kroeger et celui de vos collègues. J'espère seulement qu'il ne subira pas le même sort que notre accord national sur le commerce, au sujet duquel John Crosby se demandait qui aurait la patience d'en lire les 1500 pages. Il disait qu'il en était lui-même l'auteur, mais que l'on ne devait pas s'attendre à ce qu'il le lise - ou enfin quelque chose d'approchant.
J'aimerais faire une remarque en passant. Je trouve que, dans tout ceci, un ancien politicien, John Crosby, donne matière à penser. Je ne vous demanderai pas de répondre à mes observations. J'ai de l'admiration pour John Crosby et je m'insurge contre ceux qui possédaient les connaissances profes sionnelles nécessaires pour donner leur appui, mais qui n'ont pas montré suffisamment d'intérêt pour le faire, à tout le moins, pour le travail que vous faites. Et pourtant, ce travail devait être fait depuis belle lurette.
Le sénateur Tunney: J'en suis à ma toute première expérience au sein de ce comité. On ne m'y a nommé que tout récemment, mais je suis ravi d'être ici. Les travaux de notre comité figuraient parmi mes principaux sujets d'intérêt lorsque je suis entré au Sénat.
La pêche est une industrie fascinante. Il y a des années de cela, j'ai lu un livre intéressant que j'ai repris récemment. Il s'agit de Net Profits par Stephen Kimber. Ce livre décrit les hauts et les bas de l'industrie des pêches dans les années 70 et 80. C'est un livre tout à fait passionnant. Quelques-unes de mes questions sont directement inspirées de certains renseignements que j'ai glanés dans ce livre.
Je suis sérieusement préoccupé par la conservation, et cette préoccupation englobe la question des quotas de pêche pour certaines espèces. Je m'inquiète aussi au sujet de la pisciculture parce que, dans de nombreux articles que j'ai lus, il était question de poissons d'élevage s'étant échappés dans la nature et que ces évadés risquaient de nous causer du tort. En effet, ces poissons évadés peuvent être à l'origine de la dissémination de maladies dans des concentrations de population de poissons.
J'aimerais faire part de mes préoccupations à tous ceux qui sont ici présents, et en particulier à mes deux amis, le sénateur Adams et le sénateur Watt. Je voudrais que nous nous arrêtions tous à la question des volumes assortis aux quotas et à la possibilité, tout comme pour la pêche à la morue, qu'il y ait une surpêche et aussi que les nouvelles techniques permettent de capturer de plus gros volumes qu'auparavant.
Voulez-vous faire des commentaires au sujet des conventions internationales? Si le temps vous manque pour répondre à toutes mes questions, il y aura d'autres occasions. Ce sont là les sujets qui me tiennent le plus à coeur.
Le président: Ce sont de merveilleuses questions, sénateur Tunney. Je vois que vous cadrez très bien avec notre groupe. Bienvenue au sein de notre comité.
M. Kroeger: Pour ce qui est de la conservation, il existe un rapport étroit entre la manière dont on traite les droits d'accès lorsqu'une pêche devient plus abondante, ou encore lorsqu'elle augmente en valeur, et la forte pression qui s'exerce pour que l'on accepte davantage de pêcheurs qui pourront profiter des prix plus élevés. À moyen terme, il peut y avoir des répercussions sur la survie des stocks, ou du moins sur l'abondance des stocks. Nous avons tenu compte de cet aspect lors de nos séances. Cette question nous occupe toujours, en tant que groupe, et il nous reste à déterminer les conclusions de notre rapport.
M. Sprout: Sénateur, je retiens de vos commentaires que la conservation vous préoccupe, qu'elle devrait être une priorité et qu'elle devrait jouer un rôle important dans les décisions. J'aimerais renchérir par ceci: dans notre document de travail, nous proposons que le principe de base soit celui de la conservation de la ressource. La conservation devrait être la première priorité. Il est intéressant de noter que lors des séances publiques, tous sans exception étaient d'accord. Cette constatation sera clairement indiquée comme principe dans le document de travail, et elle fait l'objet d'un vaste consensus. Elle doit être mentionnée explicite ment dans le cadre stratégique final et rejoint donc largement la teneur de vos remarques et de vos observations.
Pour ce qui est de la pisciculture, vous venez de soulever un point important. Les poissons qui s'échappent des piscicultures et la transmission de maladie sont des problèmes que nous soumettent divers groupes, en Colombie-Britannique ou dans les Maritimes.
En tant que ministère, nous pensons qu'il est possible de gérer l'élevage de poissons d'une manière durable et respectueuse de la conservation, dans la mesure où l'on met en place des règles et des restrictions strictes. Ce qui pourrait nous inquiéter, ce serait plutôt la dérogation à ces règles et à ces restrictions. Ceci étant dit, nous reconnaissons que cela représente un problème pour certains groupes. Nous avons bien entendu les intervenants lors des séances publiques de la Révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique, et en particulier dans les Maritimes, nous faire part de leurs inquiétudes au sujet de l'élevage de poissons. Pour notre part, nous sommes davantage préoccupés de la mise en application et du respect des règles. Nous reconnaissons que ces règles doivent être respectées. Toutefois, nous pensons que si, effectivement, elles sont respectées et que si des restrictions appropriées sont mises en place et que l'on s'y conforme, les recherches scientifiques nous montrent que l'élevage de poissons peut être effectué de façon durable.
Quant aux nouvelles techniques de pêche et aux répercussions sur les quotas de pêche, je suis d'accord avec vous. Nous sommes persuadés que pour réussir la conservation, nous devons nous appuyer sur de solides bases scientifiques, de bonnes pratiques de gestion des pêches, et finalement, sur une approche de la conservation qui reçoit l'assentiment et l'appui des intervenants, des titulaires de permis et des pêcheurs. Le document de travail a véritablement pour objectif d'invoquer des arguments pour faire valoir que nous voulons que les pêcheurs participent aux décisions, ou du moins au processus d'une manière plus active. Nous pensons qu'ainsi, ils en accepteront plus facilement les conséquences.
Quant aux diverses techniques de pêche, nous avons signalé entre autres dans le document que nous devons examiner de plus près, à l'avenir, la capacité de pêche associée aux diverses techniques ainsi que l'impact que ces techniques et ces méthodes de travail auront sur le poisson et son habitat. De plus en plus, dans le futur, nous devons passer à ce que nous avons décrit comme une approche fondée sur l'écosystème. Autrement dit, il nous faut adopter une approche plus englobante qui ne se limite pas exclusivement à la gestion d'une espèce unique, mais qui considère plutôt les aspects beaucoup larges d'un écosystème, ce qui sous-entend que l'on doive examiner la technique de pêche, les engins, les répercussions et l'impact.
Sur la question des conventions internationales, il est vrai que les stocks du Canada migrent très peu dans les eaux extra-territo riales pour être récoltés par des pays étrangers. La plupart des solutions que nous avons envisagées dans la révision de la politique visent le Canada et ses pêches intérieures, mais pas exclusivement. La situation se présente notamment à Terre-Neuve - mais pas seulement à Terre-Neuve - où des populations chevauchantes sont récoltées par des pays étrangers. C'est un problème important et on nous a présenté un certain nombre de demandes visant à déterminer si les arrangements actuels ne pourraient pas être modifiés de manière à garantir une meilleure conservation et un partage plus équitable de la ressource. Ce sont là des questions que nous avons portées à l'attention des responsables des services internationaux du ministère. Ces conventions, arrangements et ententes font l'objet d'un examen et seront révisés éventuellement.
Mme Jackman: Sénateur, l'une des personnalités les plus intéressantes qu'il m'a été donné d'entendre est Tom Rideout, qui est le directeur exécutif de l'Association aquacole du Canada. Peut-être que les membres du comité aimeraient lui parler.
Le président: Nous l'avons entendu comme témoin à deux ou trois reprises dans le passé.
À la page 10 de vos diapositives, intitulée «Principales questions à examiner», et sous la rubrique «Questions relatives à la gouvernance», je note cette question: comment donnons-nous la parole à d'autres intervenants, notamment l'aquaculture, la pêche sportive, les collectivités, dans le processus de gestion des pêches. Un des éléments qui m'a frappé dans cette énumération est celui des collectivités. En effet, il me semble que ce groupe est souvent négligé dans la plupart des décisions que prend le ministère des Pêches et des Océans. J'aime me référer à eux sous l'appellation de collectivités côtières, c'est-à-dire des groupes de personnes qui dépendent des ressources de la pêche depuis des centaines d'années, ayant développé leurs collectivités autour des ressources de la pêche et le style de vie qui va avec.
Voici un exemple de ce qui peut arriver lorsque le gouverne ment s'ingère et agit comme un ingénieur social sur le mode de vie qui s'est développé dans ces collectivités et dans leur entourage. Je fais allusion à une entreprise, corrigez-moi si je me trompe, qui porte le nom de DB Kenny et qui se trouve dans les îles au large du comté de Digby. Il semble qu'avec les années, cette entreprise ait accumulé passablement de quotas de pêche qu'elle aurait rachetés de pêcheurs. On a réussi à constituer une société de pêche d'une certaine envergure en amassant les quotas qui avaient appartenu à tout un groupe de pêcheurs. La compagnie s'est donc constituée à partir du regroupement de tous ces permis. Il y a environ un an, le ministère des Pêches et des Océans a acheté ces quotas. Est-ce exact? Vous devriez être au courant, monsieur Sprout.
M. Sprout: Je ne connais pas les détails. Il y a actuellement un programme volontaire de retrait de permis dans le Canada atlantique. Nous rachetons ces permis. Il se peut que nous ayons acheté des permis qui avaient été accumulés par cette société, mais je ne peux pas vous en dire plus.
Le président: Je peux me tromper au sujet de cette entreprise en particulier, mais il reste que vous procédez actuellement au rachat des permis d'une entité qui a amassé tous les permis individuels qui avaient été délivrés dans de petits villages afin d'aider ces collectivités à en tirer leur subsistance. Vous débarquez dans cette région, vous achetez ces quotas accumulés et vous vous tournez ensuite vers les groupes autochtones pour les leur offrir afin de respecter la décision Marshall, si je comprends bien, afin d'accroître la participation des groupes autochtones dans la pêche commerciale, conformément à la décision de la Cour suprême. Rappelez-vous que, pendant tout ce temps, la pêche est pleinement exploitée, et qu'il n'y a aucune possibilité de créer de nouveaux permis. Chaque permis qui est offert doit provenir d'une source existante.
Si j'ai bien compris, le MPO a racheté de la société de pêche DB Kenny une ressource qui appartenait au public, la compagnie s'est ensuite tournée vers les groupes autochtones et leur a offert de leur verser des redevances pour pouvoir en retour bénéficier de ces quotas de pêche. Les redevances sont versées aux groupes autochtones parce qu'ils ne se prévalent pas de leurs quotas de pêche.
Je pressens que nous allons assister à des aller-retour de transactions autour de cette ressource qui est censée être le moyen de subsistance de collectivités côtières qui, soudainement, s'aperçoivent qu'elles n'ont plus accès aux quotas de pêche. Ces quotas appartiennent maintenant à DB Kenny, et l'entreprise s'efforce d'en tirer un bénéfice. Ce bénéfice doit servir à verser des redevances aux collectivités autochtones. Les pêcheurs qui, auparavant, pouvaient récolter leur quota de poisson de leur propre chef sont désormais les employés d'un système que vous avez mis en place. J'ai mentionné il y a quelques minutes le fait que vous agissez comme un ingénieur social et, au bout du compte, qui se soucie du poisson?
Aucun de ces groupes, qui s'efforcent de tirer leur subsistance du poisson, n'a réellement d'intérêt pour la ressource. Le pêcheur n'y accorde aucun intérêt parce qu'il ne croit plus en l'avenir des pêches. Peut-être que DB Kenny n'a pas d'intérêt non plus; peut-être que c'est une autre entreprise qui obtient les redevances ou qui en tire un bénéfice. Les Autochtones, qui ne pêchent pas le poisson pour lequel ils ont des permis de pêche, n'ont aucun intérêt dans la ressource eux non plus. Et pourtant, nous parlons de conservation.
Je me réfère à ce document, que dans votre rapport vous intitulez «Opinions exprimées». En 1998, ce même comité a présenté un rapport sur la privatisation des quotas transférables et sur la répartition des ressources aux entreprises, et ainsi de suite. Le ministère a réagi à notre rapport en disant qu'il nous reviendrait sur la question. Et de fait, il a dit en substance que le MPO se prononcerait publiquement sur le rôle des quotas individuels dès que la révision de la politique sur les pêches serait achevée.
C'est la promesse qui a été faite à notre comité sur la question de la privatisation. Dans le document de politique que vous avez publié et qui s'intitule: «La gestion des pêches sur la côte Atlantique du Canada», vous ne faites même pas allusion à la «privatisation» ou aux «quotas transférables» ou à quoi que ce soit d'approchant. Il s'agissait pourtant de l'un des principaux problèmes sur lesquels notre comité s'était penché et auquel il avait consacré énormément de temps et d'énergie. Nous lui accordions beaucoup d'importance. Je pense que vous ne le mentionnez même pas dans votre document de travail.
Et de fait, si j'en juge par certains commentaires que j'ai lus dans «Opinions exprimées», des témoins ont dit que vous ne vouliez pas en parler. Le Sénat a déclaré que le MPO est peut-être en train de saper le processus en faisant savoir qu'il ne veut pas aborder certaines questions. En effet, toute la crédibilité du processus sera minée si le MPO laisse entendre qu'il ne veut pas discuter de certains points. Il doit y avoir un débat de fond en comble sur les quotas individuels transférables ou QIT. Mais il semble que le MPO ne voulait pas en entendre parler. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
M. Sprout: Je répondrai d'abord à vos remarques sur les répercussions du programme de retrait des permis et sur les redevances sur les pêches, et ainsi de suite, et j'essaierai d'ouvrir un peu les perspectives sur cette question afin d'en faciliter la compréhension.
Vous avez parlé du retrait des permis et de son incidence sur les collectivités et cette question est importante. J'aimerais élaborer en vous faisant part de ce qui suit: L'arrêt Marshall indiquait que les bénéficiaires des Premières nations avaient la possibilité de tirer leur subsistance des pêches. Et cette possibilité est devenue une responsabilité du gouvernement, en l'occurrence du ministère des Pêches et des Océans, qui s'est vu confier l'élaboration et la mise en oeuvre d'un mécanisme visant à appliquer cette décision. Nous avons tout d'abord commencé par consulter les Premières nations et les non-Autochtones.
Le président: Il serait préférable de réserver cette discussion pour une future séance. Si nous nous engageons sur ce terrain, nous risquons d'y passer la soirée parce que ce sera l'occasion de soulever tout un éventail de problèmes. Nous pourrions tenir une réunion plus tard sur cette question. Contentons-nous de dire que je comprends que le MPO a sa propre interprétation de ce que la Cour suprême a décidé et que vous prenez des mesures pour appliquer la décision Marshall. Je veux revenir à la collectivité à proprement parler.
M. Sprout: Je ne faisais que répondre à vos observations préliminaires. Sur la question de la privatisation, nous exprimons clairement dans notre document que les pêches sont toujours une ressource en copropriété et que, comme je l'ai réitéré dans mes remarques lors des séances publiques, nous avons véritablement ouvert la discussion avec quiconque désirait venir participer à ces réunions. Tous ceux qui ont voulu faire un exposé ont pu le faire. Lors de la discussion en table ronde, toutes les questions ayant été mises sur le tapis ont pu être débattues. Je me rappelle très bien avoir tenu des séances qui ont duré parfois jusqu'à dix à douze heures, et avoir entendu des centaines de questions, et je ne me rappelle aucune occasion où une question qui aurait pu être posée ne l'aurait pas été. Dans la mesure de nos possibilités, nous nous sommes efforcés de répondre à ces questions. Plus particulière ment, en ce qui concerne la privatisation et les QIT, nous avons adopté pour ligne de conduite, comme l'explique notre document de travail, que nous voulions que les flottilles et les titulaires de permis essaient de déterminer, moyennant certaines limites, le type de régimes de pêche dont ils voudraient se doter. Plutôt que de laisser le ministère des Pêches et des Océans décréter que ce régime devrait être une pêche compétitive ou une pêche fondée sur les quotas individuels, ou tout autre type de pêche, nous avons suggéré qu'ils avaient peut-être de meilleures idées que les nôtres. Nous voulions seulement nous assurer que peu importe ce qu'ils suggéreraient, ces modalités reposeraient sur la conservation et n'auraient pas d'incidence négative sur les parties extérieures à leur propre flottille ou région. Nous voulions aussi nous assurer que ces modalités tiendraient compte de l'ensemble des limites que nous avons décrites dans notre document. Nous n'avions aucunement l'intention de court-circuiter les discussions sur la privatisation. Chaque fois que le sujet a été mis sur le tapis, nous avons pris part au débat, et de fait, nous avons encouragé la discussion sur n'importe lequel de ces concepts.
Le but du document de travail n'était pas de décréter qu'il s'agissait de la voie à adopter, mais plutôt de dire que nous croyons qu'en principe il faut que les flottilles et les titulaires de permis se voient accorder plus de capacité et de latitude pour prendre leurs décisions. Cependant, ils doivent comprendre que la prise de décisions comporte des responsabilités qui visent notamment la conservation, le respect des autres parties, et cetera.
Voilà le niveau de discussion que nous avons favorisé dans notre document. Maintenant, il est clair que nous avons débattu de la privatisation. Certains particuliers, des groupes et des organisa tions s'intéressent à la privatisation, aux QI et à d'autres aspects des choses. En revanche, d'autres organisations ne s'y intéressent pas du tout et ont une toute autre approche de la question. Nous nous efforçons d'établir un consensus autour de l'idée générale voulant que les flottilles et les titulaires de permis disposent de la latitude nécessaire pour prendre des décisions malgré certaines limites à respecter.
Je suis d'avis que ces séances publiques ont permis et encouragé de type de débat et de discussion.
Mme Tapley: Pour ce qui est des limites, en plus de celle que Paul a mentionnée, et qui joue un rôle clé dans votre rapport aussi, il y a la question de la concentration des permis. Voilà une des restrictions que nous avons certainement abordée dans notre document de travail et qui a fait des vagues lors des séances publiques.
Le président: Le sujet de la concentration a-t-il été soulevé dans votre document?
M. Sprout: Nous voulions éviter, même en donnant aux flottilles une plus grande latitude lors de la prise de décisions, que le résultat soit une trop forte concentration des permis. Je voulais revenir sur la discussion autour de la décision Marshall, sénateur, parce que je voulais aborder ce point, c'est-à-dire que dans l'arrêt Marshall, l'un des aspects qui nous inquiétait était justement la concentration, aussi nous avons mis en place des mécanismes visant à tenir compte de ce problème particulier. Dans le document de travail, nous donnons précisément la liste des limites à respecter, et la concentration en fait partie parce que nous craignons qu'elle puisse devenir une conséquence d'une plus grande latitude dans la prise de décisions. Voilà un bon exemple d'un facteur qui risquerait de restreindre la latitude ou la prise de décisions.
Le président: Permettez-moi de revenir à mon préambule et à la question des collectivités côtières, avez-vous pris des mesures quelconques pour obtenir la participation des gens qui vivent dans ces collectivités? Je ne pense pas directement aux pêcheurs, parce que ces gens ont un intérêt direct dans les résultats de vos décisions ou de vos actions. Non, je pense plutôt à la collectivité qui s'est développée à partir de quotas particuliers. D'une façon générale, j'ai constaté que le MPO avait fait peu d'efforts pour inclure les collectivités. Vous pouvez toujours faire valoir que vous avez transmis des invitations, et que personne n'est venu. Mais, en réalité, on n'est jamais allé chercher ces gens. Je ne comprends pas pourquoi le MPO ne voudrait pas les voir prendre part aux discussions, parce qu'ils doivent vivre avec les décisions que vous prenez.
Je remarque aussi que vous ne vous êtes pas donné la peine de définir le mot «conservation» - un terme qui revient pourtant très souvent. C'est l'un de ces mots un peu flous que l'on entend à toutes les sauces. Mais qu'entend-on par «conservation»? La conservation est le résultat d'autre chose. Vous devriez définir ce que vous voulez dire.
Quant à l'expression «séparation de la flottille», on l'a toujours expliquée en disant que cela consiste à empêcher une usine de transformation d'obtenir un permis. Toutefois, à mon avis, cela revient à dire que les pêcheurs peuvent obtenir un permis de transformation, donc il n'est pas véritablement question de séparation de la flottille; il s'agit plutôt d'un moyen d'empêcher les transformateurs de participer à la pêche, sans pour autant empêcher les pêcheurs de se lancer dans la transformation. Je trouve fascinant qu'en 2001, on ne se soit pas encore penché sérieusement sur cette question.
Ma dernière observation porte sur la question des partenariats. Dans votre rapport, vous faites allusion à une législation, ou à l'éventualité de l'adoption d'une nouvelle législation ou d'un cadre réglementaire pour les partenariats. S'agit-il d'un projet qui reste encore à définir? Si vous vous en souvenez, je pense que Donald Savoie avait donné un bon coup de semonce, il y a deux ou trois ans, à un ministre en l'enjoignant de mettre la pédale douce pour un temps en attendant que la question des partenariats soit mieux comprise et définie. Dans notre rapport, nous avions aussi fait quelques allusions à cette question.
Je vous ai lancé plusieurs questions, et si vous n'avez pas le temps de répondre à tout ce soir, nous pouvons nous revoir dans le futur.
M. Sprout: Ce sont des questions pertinentes, et j'aimerais y répondre.
En ce qui concerne les collectivités, je vous fais remarquer que dans «Opinions exprimées», le résumé des 19 séances publiques montre que les collectivités étaient présentes à chacune de ces réunions. Par exemple, à Terre-Neuve, des associations municipa les ont assisté à chaque réunion. Ces associations ont présenté des exposés et ont par la suite déposé des mémoires pour la Révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique.
Lors des autres séances publiques, nous avons obtenu une participation du même genre. Je dirais que les opinions les plus marquées en provenance des intervenants externes ont été exprimées par les collectivités. De fait, l'un des points que nous reconnaissons de façon explicite dans notre cadre stratégique est qu'il est nécessaire d'inclure le rôle des collectivités. Nous sommes persuadés que les collectivités ont un rôle à jouer, et nous avons cherché à obtenir leur participation à ce processus public; nous l'avons encouragé et nous réfléchissons sérieusement aux moyens d'en tenir compte dans notre cadre stratégique final.
Il ne fait aucun doute qu'elles ont un rôle à jouer, la question est de savoir comment l'articuler de la manière la plus efficace.
Nous sommes aussi d'accord avec vous sur la question de la conservation, que nous définissons dans le document. Nous appliquons cette définition de quatre manières. Nous parlons de l'approche prudente, de la gestion de l'écosystème, de l'établisse ment d'une éthique de la conservation et d'un cadre réglementai re. Nous pensons que le concept de la conservation est très complexe, aussi nous élaborons sur ce que nous entendons par là.
Nous mentionnons aussi la prochaine étape de la définition opérationnelle de la conservation, qui se fera probablement espèce par espèce. De fait, nous sommes tout à fait d'accord avec l'idée que vous venez d'exprimer, c'est-à-dire que ce point a besoin d'éclaircissements. Nous avons pris les devants dans le document de travail en tentant de préciser cette notion.
Quant aux partenariats, Donald Savoie avait dit qu'il fallait d'abord préciser les problèmes de l'accès et de la répartition. Il avait déclaré que si la question des partenariats était aussi épineuse, c'était parce qu'il subsistait une part d'incertitude relativement à l'accès et à la répartition. Nous avons pris cela très au sérieux. Nous avons amorcé la réflexion sur les moyens que nous pourrions prendre pour aborder les problèmes liés à l'accès et à la répartition des ressources ainsi que les principes sous-jacents.
Dans le document, nous avons indiqué que bien entendu nous travaillons sur le cadre législatif et réglementaire et qu'il se peut que nous devions apporter des changements dans le futur afin de tenir compte des nouvelles orientations qui pourraient être prises. Toutefois, cette situation ne devrait pas nous empêcher de discuter à fond à cette étape-ci, et nous le disons aussi dans notre document.
Le président: Je pense que le sénateur Watt a une dernière question qui pourrait résumer la discussion.
Mme Tapley: Puis-je ajouter quelque chose sur la question de la séparation des flottilles. Cette question a continuellement refait surface lors des séances publiques et a été l'un des sujets les plus controversés des deux côtés. Les pêcheurs côtiers se sont présentés lors de chaque audience afin de venir parler du principe du propriétaire-exploitant et de la séparation de la flottille, et de faire connaître leur point de vue. En revanche, les autres parties ont présenté des exposés très bien étayés et réfléchis - notamment des compagnies de transformation qui se plaignaient du fait qu'elles ne pouvaient pas compter sur un approvisionne ment stable de poissons. Nous avons débattu de cette question en long et en large. Le document a par ailleurs provoqué une discussion sans fin sur cette question. C'est sans aucun doute l'un des principaux enjeux que nous devons affronter.
Le sénateur Watt: Étant donné l'intérêt exprimé par les régions du sud du Canada en ce qui concerne l'élevage de poissons afin de combler une éventuelle pénurie des stocks de l'Arctique, ou ailleurs, le MPO dispose-t-il d'une politique à cet égard? Par exemple, existe-t-il une politique sur l'extraction d'oeufs de poissons de l'Arctique en vue de les déposer ailleurs? Et si cela existe, comment les choses se passent-elles et dans quelles circonstances?
M. Sprout: Oui. Nous avons une politique en matière d'aquaculture qui restreint les mouvements des oeufs de poissons d'un bassin hydrographique à un autre - et d'un stock à un autre, pour des considérations d'ordre génétique, ainsi que de maladies. Nous en avons parlé au début de la soirée. Cette politique décrit les conditions dans lesquelles ce type de transfert peut se faire et indique dans quel cas il peut y avoir des considérations liées à la génétique et aux maladies.
Le sénateur Watt: Est-ce que ces transferts ont lieu?
M. Sprout: Oui, il y en a eu. Comme je l'ai dit, rien n'empêche ces transferts de se produire, rien ne précise les modalités, les lieux, les stocks visés, et cetera. Ces transferts ont eu lieu à certains endroits en Colombie-Britannique, de façon assez répandue. Il y a eu d'autres exemples dans les Maritimes dont nous avons eu connaissance aussi. Ces transferts ne visent pas seulement les poissons, mais parfois les mollusques et les crustacés en font aussi l'objet. Par ailleurs, nous disposons de règles scientifiques conçues pour tenir compte des problèmes de génétique et de maladies associés à ce genre de transferts.
Le sénateur Watt: Est-ce que l'omble de l'Arctique est visé?
M. Sprout: Il existe des dispositions générales sur les mouvements de chaque espèce. Je suppose que l'omble de l'Arctique est aussi visé.
Le sénateur Watt: Êtes-vous en train de nous dire que l'on pourrait transporter l'omble de l'Arctique jusqu'en Floride, par exemple?
M. Sprout: Certaines dispositions précisent comment on peut procéder au transfert d'oeufs de poisson d'un endroit à un autre. Ces dispositions sont conçues pour prévenir les maladies et les autres inconvénients qui pourraient survenir. Dans certains cas, il existe des mesures préventives. Par exemple, il est interdit d'exporter des oeufs vivants à moins que ces derniers n'aient subi un processus de présélection. Dans d'autres cas, il est tout simplement exclu de les exporter. Des dispositions visent certaines espèces données.
Le sénateur Watt: Cette politique existe-t-elle à votre ministère? Pouvons-nous en obtenir copie?
M. Sprout: Certainement.
Le sénateur Watt: Un petit groupe de personnes s'efforcent d'innover pour trouver des solutions dans l'éventualité où des espèces de poissons disparaîtraient dans certaines régions. Nous avons entrepris un projet pilote dans ma petite collectivité de Kuujjuaq, une société de biens immobiliers. Je me demande si ces groupes ont participé aux discussions que vous avez eues avec diverses collectivités?
M. Sprout: Je n'en suis pas certain. La question des transferts n'a pas été soulevée lors des séances publiques, ni dans le contexte de la révision de la politique. Je ne sais pas si elle est survenue dans les discussions du Groupe indépendant sur les critères d'accès. Pour le moment, je ne peux rien en dire.
Le sénateur Watt: Si une idée novatrice prenait naissance dans le Nord en vue d'accroître les stocks autant que possible et de les implanter dans un lac ou une rivière, est-ce que le MPO serait intéressé à fournir du financement pour les aspects scientifiques?
M. Sprout: Ce financement relèverait d'un autre groupe que le nôtre. Il faudrait que nous les dirigions vers ce groupe. Comme vous le savez, il faudrait traiter avec le conseil dans le cas du Nunavut, qui assumerait probablement cette responsabilité.
Le sénateur Watt: Je ne parle pas du Nunavut, mais du Nunavik.
M. Sprout: Nous devrions examiner ces projets avec notre groupe scientifique. Je pourrais le mettre en rapport avec le groupe qui s'intéresse à cette question.
Le sénateur Watt: Vous avez mentionné auparavant les besoins en matière de formation pour devenir pleinement qualifiés et pour obtenir la reconnaissance professionnelle. J'ai connu des gens qui avaient reçu de la formation. Nous participons à la pêche internationale à la crevette depuis pas mal d'années maintenant. Vous avez aussi mentionné la formation des groupes des Premières nations et que la sécurité et la conservation figureraient parmi les premières priorités. Ce programme inclut-il les Inuits?
M. Sprout: Je voulais parler d'un programme dans les Maritimes qui vise les bénéficiaires de la décision Marshall.
Le président: Je tiens à remercier tous les témoins qui sont avec nous ici ce soir. Une tâche importante vous attend et nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez consacré pour nous informer sur cet important sujet.
Nous aimerions vous revoir dans le futur afin d'en apprendre davantage au sujet de vos études et de vos rapports, monsieur Sprout et monsieur Kroeger.
M. Kroeger: Nous sommes obligés, bien entendu, de remettre d'abord notre rapport au ministre. Dès qu'il aura été rendu public, nous reviendrons avec plaisir.
La séance est levée.