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POFO - Comité permanent

Pêches et océans


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches

Fascicule 13 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 20 novembre 2001

Le Comité sénatorial permanent des pêches se réunit aujourd'hui à 19 h 60 pour étudier des questions relatives à l'industrie des pêches.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, la séance est ouverte.

En juillet 2000, conformément au mandat du comité et à son désir de visiter les diverses régions du Canada, un groupe de travail s'est rendu au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest pour se renseigner sur les pêches dans ces régions. Les membres du comité étaient accompagnés de MM. Arthur Hanson et Geoffrey Holland qui venaient d'être nommés ambassadeurs des océans du Canada et auxquels le ministre Dhaliwal avait demandé de dresser une liste de candidats éventuels pour former son nouveau Conseil consultatif sur les océans.

M. Holland a été administrateur scientifique en chef au ministère des Pêches et des Océans (MPO) et il a été chef de la Commission océanographique internationale. M. Hanson est un scientifique principal et ex-président de l'Institut international du développement durable et a été directeur de la Faculté des ressources et des études environnementales de l'université Dalhousie.

Je souhaite la bienvenue à nos invités. Le moment est bien choisi car nous examinerons bientôt la question de l'habitat du poisson et de l'habitat en général. Les témoins d'aujourd'hui pourront peut-être nous parler des océans, ce qui sera utile pour nos futures études.

Monsieur Holland, pourriez-vous faire votre exposé, puis nous vous poserons des questions.

M. Geoffrey L. Holland, consultant, 2WE Associates Consulting Ltd.: C'est l'occasion pour moi de vous faire part des constatations que nous avons faites au cours de notre grande tournée à travers le Canada, pendant laquelle nous avons rendu visite à plus de 350 personnes pendant deux mois très mouvementés. Nous parlerons plus tard de quelques-uns des contacts que nous avons eus avec les Canadiens.

Je demanderai à M. Hanson de prendre la relève.

M. Arthur J. Hanson, Institut international du développement durable: Nous avions trois objectifs. Le premier était de trouver des candidats pour le Conseil consultatif des océans du ministre qui a maintenant été instauré. Nous avions le nom de près de 120 candidats et nous en avons choisis huit comme membres du conseil. Geoff et moi avons assumé d'office notre rôle d'ambassadeurs des océans du ministre.

Le deuxième objectif qui nous intéresse tout particulièrement en l'occurrence est que nous avons été mandatés pour obtenir les opinions des Canadiens sur divers secteurs touchant à l'utilisation et à la gestion des océans. Nous vous avons remis un exemplaire du rapport de 56 pages que nous avons préparé à la suite de ces consultations.

C'était fascinant et nous estimons être privilégiés d'avoir eu une telle occasion. Nous avons rencontré plus de 300 Canadiens. Les régions dans lesquelles nous sommes allés sont indiquées sur la carte qui est projetée sur le mur. Nous avons intitulé le présent exposé «D'un océan à l'autre en passant par le troisième» parce que nous sommes allés dans les trois principales régions situées en bordure des océans.

Nous avons constaté que, lorsqu'on consulte les Canadiens des diverses régions du pays, ils ont de nombreux points de vue différents et un millier d'histoires à raconter. Il serait impossible de les raconter toutes et je ne plaisante pas. En effet, les initiatives locales foisonnent et les objectifs varient d'une région à l'autre. Il est important d'en saisir quelques-unes. Les habitats et les circonstances économiques sont différents dans les trois régions que nous avons visitées.

Notre tournée avait également pour but de faire connaître la Loi sur les océans qui est entrée en vigueur au début de 1997. C'est une loi très spéciale et c'est la seule loi sur les océans à l'échelle mondiale. Les États-Unis ont élaboré dernièrement un nouveau projet de loi sur lequel vous auriez peut-être intérêt à vous renseigner. Ce projet de loi n'a pas encore dépassé les premières étapes. J'en reparlerai plus tard.

Comme vous pourrez le constater sur la carte, nous avons essayé de visiter la plupart des régions du pays. Nous présentons nos excuses aux habitants de la Saskatchewan parce que c'est la seule région où nous n'avons pas pu nous rendre. Nous sommes allés à Calgary pour obtenir des renseignements sur les questions pétrolières et gazières. J'habite au Manitoba et je ne cesse de rappeler que le Manitoba est également une des provinces maritimes parce qu'il est en bordure de la baie d'Hudson. Je veille toujours à ce qu'on ne l'oublie pas.

Nous avons examiné les diverses questions en fonction des cinq régions du MPO. Nous avons eu l'entière collaboration du personnel du ministère. Nous avons essayé de concentrer notre attention sur les régions où nous pensions pouvoir trouver des traces de planification et de gestion intégrées des océans. Nous avons parlé aux responsables de grands ports et de petits ports, à ceux du secteur pétrolier et gazier et à ceux du secteur de la pêche et de l'aquaculture. Nous avons aussi parlé à des personnes qui s'intéressent aux zones protégées, aux habitants de collectivités autochtones et d'autres collectivités côtières et nous avons essayé d'entamer un dialogue avec des représentants des secteurs de la haute technologie également.

Nous avons eu en outre la chance - que nous avons d'ailleurs fort appréciée - de vous accompagner lors de vos voyages dans l'Arctique. Je suis allé dans l'Arctique de l'Ouest et M. Holland est allé au Nunavut. C'était très intéressant.

Je voudrais faire quelques remarques à propos de notre rapport. Nous y avons présenté les opinions de plusieurs particuliers et de plusieurs groupes qui ne reflètent pas nécessairement nos opinions personnelles. Nous avons essayé de relater de façon assez fidèle les commentaires que nous avons entendus. Même si nous avons rencontré beaucoup de personnes, nous reconnaissons que n'avons probablement pas une perspective complète en ce qui concerne les océans.

Nous avons essayé autant que possible de ne pas parler uniquement à des «experts» en matière d'océans - des universitaires ou d'autres experts de ce genre - mais aussi à des personnes qui tirent leurs moyens de subsistance des océans, qui en vivent et qui peuvent généralement être considérées comme étant directement concernées par tout ce qui touche aux océans. Un Néo-Écossais qui travaille dans le secteur de la pêche nous avait fortement recommandé d'interroger ce genre de personnes.

Nos constatations couvrent plusieurs secteurs, mais le suivant, dont M. Holland parlera, concerne les connaissances qui sont absolument essentielles pour toute initiative liée à la gestion des océans.

M. Holland: Un message qui ressort clairement de ce que nous ont dit les représentants de tous les secteurs est le suivant: les connaissances et l'information sont indispensables pour une bonne gestion. En ce qui concerne les océans, le manque de connaissances et d'information est plus flagrant qu'en ce qui concerne la plupart des écosystèmes terrestres ou des situations de gestion. Les connaissances auxquelles nous faisons allusion ne sont pas uniquement celles qui viennent des laboratoires et des organismes gouvernementaux mais aussi celles qui émanent des milieux universitaires, et de l'industrie ainsi que le savoir ancestral des collectivités côtières et autochtones.

On pourrait dire que le Canada est le pays qui a le plus long littoral et, compte tenu de notre zone économique exclusive portée à 200 milles, notre zone maritime a presque la moitié de la superficie de notre compartiment continental. La seule possibilité d'accumuler toutes les connaissances et les informations nécessaires sur les océans dans le contexte national et sur les problèmes mondiaux qui ont une incidence sur nos zones côtières et océaniques consiste à coopérer avec toutes les sources de savoir canadiennes et internationales.

Nous devons apprendre à faire l'usage le plus efficace possible des moyens à notre disposition. Nous devons établir des priorités pour être en mesure de nous occuper d'abord des secteurs de notre zone côtière qui sont vulnérables et nécessitent une intervention immédiate. Nous devons prendre des décisions qui consistent à s'occuper plus tard des secteurs les moins vulnérables de notre milieu marin.

Un meilleur cadre de communication entre les diverses sources de savoir et les utilisateurs du savoir est nécessaire. Cela couvre un domaine très vaste et ce sera très coûteux; par conséquent, nous devons tirer le meilleur parti possible des moyens à notre disposition.

M. Hanson: La Loi sur les océans est fondée sur trois principes directeurs: gestion intégrée, développement durable et prévention. Nous aimerions au moins donner une idée des opinions que nous avons entendues sur les deux premiers et faire un bilan de la situation actuelle. Je ferai d'abord des commentaires sur la question de la gestion intégrée; ensuite, j'aborderai la question du développement durable avec M. Holland.

La gestion intégrée consiste à adopter une approche écologique ou une approche intersectorielle à l'égard des incidences d'un secteur sur l'autre. Ce n'est pas facile à réaliser dans la pratique et nos connaissances sont encore embryonnaires dans ce domaine. Nous avons découvert des cas intéressants. Sur la côte Ouest, à baie Clayoquot, plusieurs initiatives intéressantes sont en cours. Sur la côte Est, plusieurs activités entreprises au large de la plate-forme néo-écossaise sont liées aux divers problèmes entourant la mise en valeur pétrolière et gazière, aux diverses possibilités de poursuivre la pêche et à la nécessité d'établir des zones protégées. Le golfe du Saint-Laurent et le golfe du Maine sont d'autres cas intéressants. Dans le Nord, la nécessité d'une gestion intégrée est particulièrement marquée dans la mer de Beaufort, dans certaines régions du Nunavut et aussi, en cas de mise en valeur pétrolière et gazière, dans certaines régions de l'Arctique de l'Ouest.

Des expériences intéressantes sont en cours, mais il y a parfois des ratés. Une certaine confiance s'établit entre les personnes qui travaillent ensemble. En cas de ratés, la situation devient pénible parce que tous les intervenants renoncent à des intérêts personnels pour viser un bien commun supérieur. En cas de ratés, dus à des lacunes administratives ou à d'autres causes, on craint que tout l'édifice ne s'écroule. Les intervenants sont perturbés et on craint que le suivi gouvernemental ne soit souvent insuffisant, compte tenu des nouveaux besoins liés à la gestion intégrée.

Nous insistons sur le fait qu'il s'agit d'un message important. En matière de gestion intégrée, l'habitat devient un facteur important. Un habitat est l'espace océanique mais un autre habitat, soit la côte Ouest par exemple, inclut toute la région située entre le sommet de la montagne et l'océan. Il faut relier l'exploitation forestière, les pêches et les diverses autres activités.

La Loi sur les océans est la mesure habilitante. Il convient d'insister sur ce point. Elle devrait avoir une action catalytique sur l'approche axée sur la gestion intégrée. Pourtant, on commence seulement à comprendre comment l'utiliser de cette façon. La capacité de mobiliser les intervenants pour réaliser la gestion intégrée et la connaissance des méthodes à adopter pour ce faire sont encore à l'état embryonnaire. Toutefois, diverses expériences sont en cours.

Nous avons constaté que d'un bout à l'autre du pays, la population locale saisit des occasions sans attendre que le gouvernement prenne l'initiative, et c'est un facteur très important. Un bon exemple est ce qui s'est passé à baie Clayoquot où des affrontements directs entre les diverses parties ont eu lieu. Ces affrontements sont maintenant terminés parce que les parties ont appris à collaborer et parce qu'elles tiennent à créer des moyens de subsistance durables pour accroître la prospérité de la collectivité. Cette région a un potentiel intéressant.

La question qu'il convient toutefois de se poser est la suivante: le gouvernement et le secteur privé peuvent-ils faire un suivi assez efficace pour encourager les parties à exploiter cette occasion de créer des possibilités encore plus intéressantes?

Dans les trois régions côtières, on manifeste beaucoup de bonne volonté pour ce qui est d'explorer de nouvelles avenues. Cependant, le message que de nombreuses personnes nous ont chargé de transmettre est que les initiatives doivent atteindre l'étape de la mise en oeuvre sinon on perd confiance dans les approches intégrées. Le problème est que la plupart des initiatives en cours sont encore à un stade très expérimental et pourraient être considérées comme précaires.

Dans le Sud, nous avons beaucoup de leçons à tirer des événements qui ont entouré le règlement des revendications territoriales dans le Nord. Dans le cas du Nunavut aussi bien que dans le cadre de règlements antérieurs, comme celui d'Inuvialuit, on sent qu'une force nouvelle se dégage. Sénateurs, je suis certain que vous avez ressenti cette force au cours de vos voyages dans cette région. Des principes dont on peut s'inspirer pour négocier en vue de la création d'organismes de gestion comme les commissions de pêche et de chasse, constituent une base solide.

La plupart de ces principes sont liés à l'habitat et à la gestion de ce que les habitants du Nord appellent «la terre» et que nous appelons «la terre et l'océan». Les habitants de cette région considèrent les terres gelées, les banquises et l'eau comme un tout. Elles font partie de la terre et de l'habitat qui est un facteur essentiel de leur bien-être.

Nous pensons qu'à mesure qu'on progresse, de nombreuses expériences intéressantes sont mises en place. Il faudrait les mettre en évidence et dans certains cas, les glorifier comme des histoires de réussites présentes ou potentielles.

Je cède la parole à M. Holland qui entamera notre petit exposé sur le développement durable.

M. Holland: Les océans seront sans aucun doute exploités davantage. Dans certains cas, on utilisera des modes d'exploitation traditionnels. Même dans le secteur pétrolier et gazier, la mise en valeur des ressources redevient plus traditionnelle qu'il y a 30 ans. Elle devient courante.

Les pêches ne disparaîtront jamais, du moins je l'espère, et l'aquaculture est un secteur en pleine expansion. On entreprend également de nouveaux types d'activités comme la fabrication de produits pharmaceutiques à base de produits de l'océan et la distillation de l'eau de mer pour produire de l'eau douce. Nous n'avons probablement aucune difficulté à nous approvisionner en eau douce au Canada mais au Moyen-Orient, plusieurs pays tirent plus de la moitié de leur eau d'alimentation de la mer, grâce à des usines de distillation.

Au Canada, nous développerons probablement davantage les ports et les transports côtiers, ce qui aura des incidences sur la zone côtière. Cependant, nous devons envisager cela dans une perspective durable. Quelques nouveaux types d'activités seront très controversées à cause de leurs incidences et des conflits qu'elles engendrent.

Sur la côte Ouest, un moratoire sur l'exploration pétrolière et gazière est en place depuis des années en raison de préoccupations liées à la pêche. Nous sommes convaincus qu'à cause du ralentissement économique, des pressions seront exercées pour que ce moratoire soit levé. Des rumeurs circulent sur les préoccupations des écologistes d'une part et sur les préoccupations économiques d'autre part. Des conflits surviennent même entre les deux secteurs qui exploitent les ressources biologiques, à savoir la pêche et l'aquaculture. On a également des inquiétudes au sujet du développement côtier et des incidences qu'il aura sur les mollusques et sur la salubrité des eaux côtières. L'expression «développement durable» est claire: il faut léguer aux générations futures un environnement et des ressources qui soient l'équivalent de ce qu'ils sont à l'heure actuelle.

Il y a également place pour la haute technologie dans les océans. À mesure que l'on entreprend de nouvelles activités dans les régions côtières et marines, il faudra faire appel à la technologie nécessaire. Il faudra avoir la capacité d'installer des câbles en fibres optiques pour relier les stations sous-marines de recherche. C'est une question qui est abordée dans le contexte du financement de l'innovation par le gouvernement. On pourrait par exemple surveiller la plaque tectonique au large de la côte Ouest.

L'écotourisme est une industrie florissante, qui est en plein essor dans plusieurs régions. L'observation des baleines est un exemple connu. Peut-on arriver à gérer l'environnement de façon à ce qu'il puisse supporter l'industrie écotouristique?

M. Hanson: Nous avons de vastes espaces libres. Il est intéressant d'examiner nos trois régions côtières en utilisant une méthode de superposition pour représenter les diverses activités. C'est la carte de la Nouvelle-Écosse qui est la plus frappante. En ayant recours à cette méthode, on verrait l'emplacement des concessions pétrolières, puis celui des câbles, puis celui des zones de pêche et enfin il faudrait essayer de trouver de la place pour les divers types de zones protégées qui sont nécessaires. On pourrait alors dire d'emblée que c'est impossible ou essayer de trouver une solution.

Dans tous ces cas, l'habitat est, bien entendu, concerné. D'une part, il convient de protéger l'habitat marin contre les sources de pollution marine mais, dans ce contexte, il faut également penser aux bassins hydrographiques et ne pas oublier que la pollution vient en grande partie de sources terrestres. La voie que nous devons emprunter est très tortueuse.

À la suite des contacts que nous avons eus avec un très grand nombre de personnes, nous avons l'impression que la situation s'aggravera probablement plus rapidement que prévu parce que les progrès sont tellement rapides dans la plupart de ces technologies que l'on n'arrive pas à s'y adapter assez rapidement du fait que cela nécessite notamment des changements institutionnels.

Il sera difficile d'exploiter à fond le potentiel du développement durable des océans. Il faudra instaurer un système de règlement des différends et un processus décisionnel beaucoup plus efficaces pour régler un large éventail de problèmes et concilier les intérêts des divers intervenants. C'est facile à dire mais c'est difficile à réaliser. Si nous n'apportons pas ces changements, les avantages socioéconomiques que l'on pourrait tirer de l'océan seront compromis à divers égards. Je suis certain que vous pouvez comprendre, étant donné les travaux que vous avez faits sur l'aquaculture, secteur qui fait actuellement l'objet d'une vive controverse.

Pour réaliser le développement durable, il sera nécessaire de mettre en place de nombreux mécanismes d'investissement. C'est ce que nous ont dit bien des personnes que nous avons rencontrées. On ne veut pas commettre les mêmes erreurs qu'autrefois dans le secteur des pêches. Les habitants de ces régions veulent de nouvelles approches qui, dans certains cas, font appel à une sorte de fiducie communautaire en matière de pêches, à un investissement dans les zones protégées ne venant pas nécessairement uniquement du gouvernement fédéral et, comme l'a signalé M. Holland, à un investissement dans la haute technologie, notamment dans les technologies utilisées à des fins durables comme celle des fibres optiques.

Il faudra régler également la question importante des droits et des responsabilités. C'est une question qui touche de près les Autochtones de la zone côtière. Elle est complexe. Nous avons également entendu parler de la nécessité d'améliorer le zonage de façon à ce que l'on ait une idée plus précise des endroits où l'on peut entreprendre certaines activités et de ceux où on ne le peut pas. C'est compliqué. Il est essentiel de trouver de meilleures solutions qu'autrefois.

Comment déterminer quelles connaissances seraient appropriées en matière de développement durable et qui devrait y avoir accès? Nous avons constaté qu'on ne sait même pas très bien en quoi consistent les indicateurs de développement durable. Pour ce qui est de l'accès à ces connaissances, on nous a dit que l'on n'a pas un accès total et facile aux connaissances disponibles qui sont nécessaires pour prendre des décisions. C'est compliqué en raison du nombre d'intervenants et de l'intervention de divers paliers de gouvernement. Les administrations municipales ont un grand besoin d'information, par exemple.

Je voudrais parler maintenant de la Loi sur les océans au sujet de laquelle plusieurs personnes ont manifesté de vives préoccupations. Elles la considèrent comme une source supplémentaire d'incertitude et de réglementation potentielle. À ce propos, je signale que j'ai lu le rapport du comité des pêches de la Chambre des communes qui vient de terminer une étude de cette loi. Une de ses conclusions est qu'elle devrait être assortie d'une réglementation plus élaborée. Pour ma part, je me demande bien pourquoi on adopte une mesure législative habilitante pour la faire ensuite plier sous le poids des règlements. Ce n'est pas la Loi sur les pêches, après tout. Il serait intéressant de savoir quel type d'initiatives il conviendrait de prendre en vertu de la Loi sur les océans, et dans quel ordre.

On craint notamment que, du fait qu'elle est axée sur les zones de protection marine, la Loi sur les océans n'interdise, dans certaines zones, diverses formes actuelles ou futures d'exploitation des océans. Nous avons également entendu des opinions diamétralement opposées à celle-ci. D'autres personnes considèrent en effet la Loi sur les océans comme un mécanisme permettant d'offrir de meilleures garanties que les activités entreprises sont durables, de limiter les sources de controverse et d'optimiser l'utilisation de l'océan.

Cependant, la plupart des Canadiens et des Canadiennes, y compris ceux et celles qui vivent dans les régions du pays situées à proximité des océans, ne comprennent pas très bien cette loi. Certaines personnes en ignorent pratiquement l'existence. De nombreux efforts ont été déployés pour élaborer divers aspects de la Loi sur les océans et pour l'agencer de façon à ce qu'elle ne soit pas utilisée pour porter préjudice au grand nombre d'utilisateurs actuels des océans.

M. Holland: Nous avons entendu de nombreux commentaires sur l'état de nos océans, non seulement au sujet de la pollution catastrophique due aux déversements de produits toxiques mais aussi au sujet de la pollution chronique due aux eaux vannes et au nettoyage de réservoirs industriels. Les commentaires portent sur les divers types de pollution. On nous a dit que les chalets situés autour des Îles-de-la-Madeleine polluaient les lagons parce qu'ils n'étaient pas équipés de systèmes septiques adéquats. À Victoria, on se demande constamment si le détroit Juan de Fuca a une dynamique et une capacité de mélange suffisantes pour absorber la pollution de la ville. Dans certaines zones comme la baie de Plaisance, c'est notamment le passage accru de pétroliers qui est une source de préoccupations.

Dans l'Arctique, Art et moi avons été impressionnés, pas par les risques de réchauffement planétaire et de changement climatique, mais par la visibilité de ces changements. À Iqaluit par exemple, on m'a dit qu'au cours des sept dernières années, il y avait eu cinq orages - quatre au cours des deux dernières années et trois au cours des deux dernières semaines de notre séjour dans la région. Les orages sont des phénomènes assez courants mais, dans des régions semi-arides comme l'Arctique, un orage pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur le pergélisol en raison de sa grande fragilité. Ce milieu n'est pas accoutumé aux orages.

Nous avons également entendu dire qu'il y avait moins de glace. À Ottawa on pense que c'est bien mais dans le Nord, la glace est un élément important du milieu et de la base écologique. Sans glace, les ours polaires ne survivraient pas en aussi grand nombre. La plupart des colonies de phoques mettent bas sur la glace. Est-ce que les phoques risquent de disparaître si la glace disparaissait? Les Inuits pourraient-ils continuer à chasser l'hiver si la couche de glace ne pouvait plus supporter leur poids? Le changement climatique dans l'Arctique sera un sujet de graves préoccupations au cours des 10 ou 15 prochaines années.

Personne n'ignore que les ressources halieutiques diminuent. Nous avons besoin de données adéquates sur les conditions environnementales pour modifier nos techniques de gestion et nos méthodes d'évaluation afin d'en tenir compte pour que nos prévisions soient fondées sur des données plus solides et plus plausibles.

Nous avons encore bien des connaissances à acquérir si nous voulons faire des rapports plus précis sur l'état des océans. Par exemple, dans bien des secteurs, nous ne savons même pas quelle est, à 100 mètres près, la symétrie de l'océan Arctique. Un hydrographe a dit que nous savions par contre où commence la face cachée de la lune à un mètre près.

Il est nécessaire d'établir un rapport national ministériel global sur l'état des océans sur le plan écologique, indiquant aussi comment utiliser la Loi sur les océans pour améliorer la situation ou pour enrichir nos connaissances dans ce domaine.

M. Hanson: Nous avons également entendu de nombreux commentaires concernant la sécurité, notamment sur la conception traditionnelle de la sécurité dans l'Arctique où actuellement les navires peuvent se déplacer sans devoir signaler leur itinéraire, ce qui est très frappant.

Des militaires et des membres de la Garde côtière nous ont parlé de l'apparition soudaine de navires dont la présence n'était nullement justifiée, tantôt un vieux bâtiment tout rouillé, tantôt un brise-glace russe transportant des touristes. Certains navires se rendent parfois dans des lieux sacrés ou dans des lieux archéologiques très importants étant donné qu'aucun règlement ne leur interdit l'accès à la zone côtière. C'est le genre de problème de sécurité qui se pose.

Il a également souvent été question de ce que nous pourrions appeler la sécurité environnementale. On estime que la surveillance est insuffisante, en matière d'hygiène publique, pendant les périodes de fermeture de la pêche aux coquillages, décrétées non seulement à cause de la marée rouge mais aussi par les pêcheurs eux-mêmes parce que les prises ne sont plus suffisantes pour en tirer de quoi vivre.

Le président de ce comité devrait être au courant d'un autre problème qui est celui des collisions entre les baleines et les navires dans le golfe du Maine et dans la baie de Fundy. C'est un grave problème et nous estimons qu'il faudrait y trouver des solutions locales. Ce qui nous a le plus étonnés, c'est la crainte généralisée des déversements pétroliers. Des travailleurs du secteur du tourisme et des pêcheurs nous ont dit qu'ils craignaient fort perdre un jour leurs moyens de subsistance à cause d'un déversement de pétrole. Nous ignorons si ces craintes sont vraiment fondées, mais elles sont bien réelles.

Enfin, un sujet qui a été abordé très souvent - et sur lequel j'espère que vous poserez des questions - est celui des zones de protection marine. On estime que la délimitation de zones où le poisson serait protégé donne une protection accrue et est une source de régénération des stocks. Ce n'est un secret pour personne. Par rapport à nos zones terrestres, dont la protection reste malgré tout insuffisante, nous en sommes encore au même stade qu'au début du XXe siècle en ce qui concerne les aires marines nationales de protection.

Il est beaucoup question de créer des aires marines représentatives. Il en faudrait plus de 20 pour représenter toutes les zones marines du Canada. Ce sont les diverses raisons pour lesquelles nous voulons protéger des zones dont la protection est actuellement très insuffisante.

Je voudrais vous faire part de quelques-unes des conclusions que nous avons tirées. Une conclusion importante est que la terre et l'océan sont encore traités comme des entités de gestion distinctes. On commence seulement à prendre des initiatives visant à voir comment on pourrait faire le lien entre eux. En ce qui concerne le bassin du Mackenzie, le bassin du fleuve Fraser, la région du détroit de Georgia, les problèmes liés au golfe du Saint-Laurent et aux Grands Lacs, il faut déterminer quels sont leurs liens d'interdépendances et quels types de polluants y pénètrent.

Je voudrais citer un cas qui intéressera ceux et celles d'entre vous qui viennent du Manitoba. C'est une province qui n'est pas considérée comme une province côtière et pourtant, c'est bien le cas. Les eaux qui traversent les Prairies, notamment celles de la rivière Assiniboine et de plusieurs autres cours d'eau, viennent des Rocheuses. Les eaux de la rivière Rouge viennent en grande partie des États-Unis - 70 p. 100 des eaux de cette rivière - et la province est également arrosée par des eaux qui sont originaires du nord-ouest de l'Ontario. Toutes ces eaux sont de qualité variable au moment où elles se déversent dans le lac Winnipeg pour se jeter dans la baie d'Hudson.

Nous avons donc des obligations. D'ailleurs, le gouvernement fédéral a prévu pour la fin du mois la tenue, à Montréal, d'une conférence axée sur le «Programme d'action mondial sur les sources terrestres de pollution du milieu marin». Nous avons signé des ententes reconnaissant qu'il faut surveiller ce que nous déversons dans les océans. Savons-nous quelles substances s'infiltrent dans le bassin de ce lac par l'intermédiaire de tous ces cours d'eau? Quelle influence cela a-t-il sur l'écologie de la baie d'Hudson? Nous n'en avons pas la moindre idée. Nous avons beaucoup de connaissances à acquérir et nous devons trouver de nouveaux modes de réflexion face à la situation. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.

En fait, comme nous l'avons déjà signalé, l'investissement dans l'acquisition de connaissances sur les océans et dans la diffusion des connaissances acquises est actuellement insuffisant. Nous sommes toujours handicapés par une multitude de politiques fragmentées, non harmonisées et peu uniformes qui entravent actuellement la mise en valeur et l'exploitation durable des océans.

De nombreuses personnes nous ont également parlé de la nécessité d'adopter des méthodes axées sur la collaboration, d'adopter des méthodes de gestion communautaire globale et d'instituer des partenariats entre l'industrie, le gouvernement et la collectivité. En outre, de bons modèles d'étude sont en place, surtout dans le Nord, grâce aux ententes de règlement des revendications territoriales, et dans les autres régions où des efforts de gestion intégrée sont en cours.

Bref, on est en train d'identifier de nouvelles approches en matière d'investissement qui pourraient s'avérer efficaces à long terme.

M. Holland: La gestion des océans nécessite un budget consacré uniquement à cette fin mais probablement surtout des ressources humaines, et pas seulement des fonctionnaires. Il faut motiver les collectivités situées en bordure des océans. Les pouvoirs publics peuvent fournir les capitaux de démarrage et faciliter la tâche en mettant en place les structures nécessaires mais il faut motiver les collectivités concernées à assurer la gestion des océans.

L'observation et la recherche océaniques sont coûteuses et nous disposons d'une assiette fiscale restreinte. Dans ce domaine, la coopération internationale est nécessaire et nous devons tirer parti des diverses sources de données existantes, qu'il s'agisse du savoir ancestral, des connaissances livresques ou des données produites par les instituts de recherche.

Le Canada n'est pas en vase clos. Nous avons besoin de la collaboration des autres pays. Nous devons assumer nos obligations internationales, que ce soit à l'égard de l'Accord des Nations Unies sur les pêches qui vient d'entrer en vigueur ou de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, que le Canada devrait signer d'ici un an ou deux, ou encore des accords internationaux sur les ressources terrestres ou sur les polluants organiques persistants. Nous devons unir nos efforts à ceux de la communauté internationale.

La Loi sur les océans du Canada fait l'admiration de nombreux pays. Cependant, une très petite partie de cette loi seulement a été mise en oeuvre jusqu'à présent. Le président en a parlé tout à l'heure au cours de la conversation que nous avons eue avec lui. Nous avons encore du pain sur la planche en ce qui concerne la mise en oeuvre de la loi, mais elle est en place au moins. Cette étape-ci est cruciale parce qu'on se demande maintenant quand elle sera vraiment mise en oeuvre. Le Cabinet étudie actuellement un document à ce sujet. C'est le moment de voir ce que le gouvernement va décider.

L'utilisation et la gestion des océans deviendront plus complexes. C'est une tâche monumentale et ardue. Cependant, il faudra intégrer notre processus de gestion avant qu'il ne soit trop tard.

Il faudrait faire un rapport complet, précis et régulier sur l'état des océans. Nous pourrions alors servir de modèle à l'échelle internationale. Le rapport en question ne devrait pas porter uniquement sur l'environnement mais aussi sur la réaction aux facteurs socioéconomiques et aux autres facteurs qui influencent l'utilisation que nous faisons des océans. J'insiste sur le fait qu'il serait utile que le ministre soit chargé de présenter un rapport annuel sur l'état des océans à la Chambre des communes.

M. Hanson: Je voudrais faire une dernière observation. En ce qui concerne les océans situés en bordure du Canada, il faudra adopter des stratégies qui émanent de la base et prennent une envergure internationale. Les océans constituent un bien commun, mais les mesures qui sont prises pour les gérer et pour utiliser les habitats de façon judicieuse émanent toujours de la base; ce sont les activités sur le terrain qui importent. Voilà le défi qu'il nous faudra relever.

Sur le plan international, M. Holland et moi irons à Paris pour préparer le Sommet mondial sur le développement durable dans le cadre duquel une semaine de réunions sera consacrée à l'examen du rôle des océans, de leur gestion intégrée et des progrès réalisés jusqu'à présent à l'échelle mondiale à ce chapitre. Nous y participerons au début du mois prochain comme membres de la délégation canadienne. Nous parlerons des réalisations du Canada et des lacunes dans ce domaine. En septembre 2002, au Sommet mondial sur le développement durable, nous aurons l'occasion de remodeler les conceptions mondiales en ce qui concerne les océans. Étant donné l'étendue de nos espaces océaniques et les nombreuses initiatives intéressantes qui sont en cours, la difficulté pour le Canada sera de décider s'il sera un chef de file ou un suiveur dans le contexte des nombreuses initiatives qui sont prises à l'échelle locale, que ce soit au Nunavut ou à baie Clayoquot ou sur la plate-forme néo-écossaise ou encore dans une des autres belles régions océaniques de notre pays.

Nous sommes heureux d'avoir eu l'occasion de faire cet exposé et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président: Nous sommes très heureux que vous ayez répondu à notre invitation.

Avant de passer à la période des questions, je voudrais que vous éclaircissiez un point. Je crois que vous avez dit que le Canada était un cas spécial du fait que c'est le seul pays qui ait une loi sur les océans. Est-ce bien ce que vous avez dit?

M. Hanson: Ce n'est pas tout à fait exact. D'autres pays, comme les États-Unis, ont mis en place une loi considérée comme une loi sur les océans. En fait, les États-Unis ont institué une commission sur les océans chargée de faire enquête sur l'état des océans dans le pays et de déterminer quel usage il faudrait faire des océans. Nous sommes donc en avance sur eux en quelque sorte.

Plusieurs autres pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont mis en place des politiques. Lorsque deux pays de la taille de l'Australie et du Canada unissent leurs efforts, c'est excellent en ce qui concerne les océans. Les Australiens ont des politiques intéressantes mais ils souhaiteraient avoir une loi sur les océans. Le Canada, quant à lui, a une Loi sur les océans qui est intéressante mais il souhaiterait que des politiques soient en place. Les deux pays comparent beaucoup leurs diverses initiatives. Dans les pays d'Europe, il n'existe pas de loi sur les océans mais diverses lois qui essaient de régler les problèmes liés aux océans.

Il est important de mentionner également qu'une des plus importantes mesures législatives canadiennes s'inspire des recommandations qui ont été faites dans le cadre des conventions de Rio et d'Action 21, du Sommet de la terre de Rio, et tente de les mettre en oeuvre.

Le président: C'est un document cadre global. L'Oceans Act a été signé par l'ex-président Clinton en l'an 2000 mais c'est une loi d'une portée plus limitée que la nôtre, même si elle porte le même nom.

M. Hanson: Oui. Il est également important de mentionner que les États-Unis ont mis en place depuis longtemps des mesures législatives visant à régler certains des problèmes que nous essayons de résoudre dans notre Loi sur les océans. La Coastal Zone Management Act de 1972 est une loi américaine très prévoyante. À certains égards, elle va même plus loin que la nôtre.

Le sénateur Johnson: Je vous félicite pour votre nomination. Je connais bien les travaux de M. Hanson et j'ai appris beaucoup sur les travaux de M. Holland. C'est un excellent exposé. Vous y avez abordé de nombreux sujets de préoccupation.

C'est un travail évolutif et je crois que l'on a à peine gratté la surface. Ce n'est que la pointe de l'iceberg.

Vous avez fait allusion à la pollution d'origine terrestre, qui me préoccupe beaucoup. La pollution par les produits pharmaceutiques, par le pétrole et le gaz, par le passage des pétroliers ou par les matières animales atteint toujours l'océan car tous les lacs, fleuves, rivières et ruisseaux s'y déversent. Tout ce qui vient du ciel arrive dans l'eau. Dans le système intégré, complexe et fragile dans lequel nous vivons, c'est une lutte perpétuelle. Le lac Winnipeg - un océan des Prairies en quelque sorte - lutte pour sa survie également. Je vis en bordure de cet océan et je suis inquiète chaque fois que je me promène sur ses rives.

Le Nord n'est plus à l'état vierge non plus, malgré ce que croient la plupart des Canadiens. La vie aquatique est en danger et l'eau est le problème du siècle, à mon avis. À quoi serviront vos efforts? Nous sommes maintenant informés au sujet des problèmes, mais ne faudrait-il pas être plus radicaux dans nos actes, dans nos règlements et dans notre législation? Pourquoi attend-on aussi longtemps pour intervenir? Comme ambassadeurs des océans, insisterez-vous sur ce qu'il faut faire au sujet des habitats naturels qui ne peuvent être remplacés?

Voyez ce qui se passe au Belize et tout le raffut que l'on fait au sujet des forteresses et des tentatives de construire le barrage sur la rivière, un barrage qui détruira un habitat irremplaçable. On ne peut pas continuer à entreprendre des travaux de ce genre. Il doit bien y avoir un remède au manque d'initiatives efficaces. Nous pourrions certainement trouver une meilleure solution que celle-là et sauver cet habitat.

La situation est la même en ce qui concerne les océans. Je reconnais qu'une collaboration internationale est nécessaire. Les eaux mondiales appartiennent à tous les habitants de la planète. Serez-vous très militants? Êtes-vous décidés à vous faire entendre, puisque vous êtes nos ambassadeurs dans ce domaine? Quel genre de recommandations concrètes ferez-vous à notre gouvernement? Comment peut-on intégrer tous les modèles nécessaires pour nous éveiller, comme peuple et comme nation, aux problèmes qui se posent à l'échelle internationale et à l'échelle nationale?

Je crois qu'actuellement vous en avez le pouvoir et je sais que vous participez à de nombreuses conférences. Je place mes espoirs et ma confiance en vous parce que la situation est critique. Je voudrais savoir quelles initiatives vous promettrez de prendre. Est-ce que vous interdirez les remorqueurs comme on a dû le faire en Islande? Des initiatives aussi radicales que la limite des 200 milles sont nécessaires. Pouvez-vous répondre?

M. Holland: J'aimerais beaucoup pouvoir dire qu'une armure et un cheval blanc nous attendent à la sortie et promettre que nous volerons au secours de la planète. Cependant, notre nomination est encore toute récente. Nous sommes encore en train de voir avec le ministère comment il conçoit notre rôle d'ambassadeurs des océans et de lui expliquer ce que nous croyons être en mesure de faire. Nous ne sommes ambassadeurs des océans que depuis environ un an.

Nous avons certes fort apprécié notre première mission, qui était très chargée. Nous avons parlé à de nombreux Canadiens et nous pensons avoir ramené de nombreuses informations au ministère et au ministre, à tous les égards. Est-ce que nos compétences sont suffisamment exploitées? Non, je ne le pense pas. Est-ce notre faute ou celle du ministre? Je n'en sais trop rien.

Nous sommes très conscients de l'urgence de la situation. Nous nous intéressons à la question depuis longtemps et nous savons que c'est une tâche extrêmement complexe. On ne peut pas régler tous les problèmes concernant les océans du jour au lendemain. Il faudra une quinzaine d'années pour mettre au point un système de gestion intégrée des océans. J'espère que, dans un an, nous aurons l'occasion de revenir pour vous faire part des progrès réalisés.

Je passe maintenant la parole à M. Hanson. J'aimerais pouvoir prendre des engagements un peu plus fermes, mais nous en sommes encore au stade embryonnaire dans ce domaine.

M. Hanson: Je vous remercie pour ces propos, monsieur Holland. C'est une question très délicate car il faut faire la part entre la tendance à être parfois très alarmiste au sujet de ces problèmes et la nécessité de souligner dans quels secteurs de véritables progrès sont réalisés et d'encourager ces progrès. Les deux approches sont nécessaires. Il faut sensibiliser davantage tous les Canadiens aux problèmes qui se posent.

Par exemple, M. Paul Kennedy, animateur de l'émission IDEAS, du réseau anglais du Radio-Canada monte actuellement une série d'émissions. Nous avons dit en plaisantant qu'il devrait être le troisième ambassadeur des océans parce qu'il a parcouru tout le pays, armé des informations que nous et d'autres personnes lui ont données, pour monter une série d'émissions qui seront diffusées en décembre. Il y aura des scènes extrêmement intéressantes à voir. Il a fait son travail de façon extrêmement consciencieuse.

J'espère que la série d'émissions de M. Kennedy communiquera quelques-uns de ces messages urgents et nécessaires. Ce n'est pas la seule solution possible mais ces messages atteindront au moins quelques personnes influentes. Ces émissions seront reprises par les écoles et par les personnes qui se préoccupent de ces problèmes.

En ce qui concerne la pollution, si l'on veut déterminer quel est «l'état du monde» comme disent les meilleurs experts, je recommande la lecture d'un rapport pas très réjouissant intitulé «Une mer de troubles» publié par le Groupe mixte d'experts sur les aspects scientifiques de la pollution des mers.

D'une façon générale, le problème est que les participants au débat ont de nombreuses idées arrêtées en ce qui concerne les solutions à adopter. Une de nos tâches importantes dans le cadre de nos fonctions consiste à donner des éléments de réflexion et à faire voir les bons aspects des initiatives qui sont prises pour essayer de régler certains des problèmes très graves.

C'est ce que nous avons constaté au cours de nos déplacements et, dans certains cas, nous avons fait un suivi. Par exemple, j'ai passé une semaine à baie Clayoquot ce printemps pour suivre les améliorations. Ce n'est qu'un cas. Comment utiliser l'information recueillie sur baie Clayoquot pour qu'elle soit utile aux Néo-Écossais qui essaient de prendre des initiatives semblables, quoiqu'à une échelle différente, dans la baie de Fundy?

Nous envisageons la possibilité de jouer un rôle important qui aura un effet catalytique et qui contribuera à faire le lien entre divers éléments. Nous devrons rappeler sans cesse aux Canadiens ce qu'il faudra faire pour améliorer l'état des océans.

Le ministère des Pêches et des Océans a organisé une conférence en Colombie-Britannique dans le but de réunir des experts canadiens et étrangers pour examiner quelques aspects du problème. Nous insistons beaucoup sur certains thèmes, notamment sur le fait que si l'on ne fait pas un rapport sur l'état des océans et si l'on n'arrive pas à dire avec précision aux Canadiens quel est l'état, bon ou mauvais, de nos océans et de nos zones côtières, nous n'aurons aucune base de départ solide. On se contentera de comparer une assertion à une autre qui est totalement contradictoire. Ce sont les mêmes acteurs qui interviendront mais ils auront des perceptions différentes sur la gravité de la situation.

C'est une des initiatives à prendre immédiatement. Il ne faut pas attendre cinq ans. Il aurait même mieux valu commencer il y a cinq ans. C'est sans le moindre doute extrêmement important.

Les zones de protection marine apparaissent de plus en plus comme un domaine où il convient de faire très attention aux besoins véritables et aux mesures vraiment efficaces. Il faudrait que cela englobe non seulement les mesures prévues dans la Loi sur les océans mais aussi toutes les initiatives dont il est question en matière de protection de l'habitat. Les avis sont très partagés quant à l'opportunité d'y donner suite et dans quelle mesure. Nous espérons pouvoir jouer un rôle utile dans ces discussions.

Malgré tous les renseignements qui sont rendus publics par les divers médias, les législateurs et les experts de bien d'autres secteurs n'ont pas encore une idée assez précise du rôle capital que jouent les océans dans la vie courante. On discute de problèmes tels que le changement climatique mais on ne se rend pas vraiment compte à quel point notre vie est régie par tout ce qui touche aux océans.

Le sénateur Johnson: Vous venez de répondre à la question que je voulais poser avant de céder la place à quelqu'un d'autre.

Je voulais vous demander quelles constatations se dégagent des contacts que vous avez eus avec les Canadiens. Je crois que vous venez de répondre à cette question. Je me demande si les Canadiens mesurent toute la gravité des conséquences que cette situation peut avoir sur leur vie.

Je trouve que la situation dans ma province est déplorable. Il n'y a pas assez de lois ni de règlements et cela ne suffirait pas de toute façon pour résoudre le problème. Cependant, il faut inciter les citoyens à réfléchir aux conséquences qu'auront leurs actes au lieu d'essayer de réparer les dommages après coup. Pouvez-vous dire, à la suite des discussions que vous avez eues avec les Canadiens, dans quelle mesure ils sont conscients de la nécessité d'adopter une approche préventive?

M. Hanson: Il est difficile de généraliser.

Le sénateur Johnson: Pouvez-vous dire si le degré de conscience du problème est faible ou élevé?

M. Hanson: Cela dépend notamment de la région. Dans la région de l'Atlantique, par exemple, le niveau de sensibilisation est très élevé. On ne peut pas échapper aux océans parce qu'ils sont partout. Au Québec, de nombreuses personnes tournent le dos aux océans. Elles sont tournées vers la terre plutôt que vers la mer. En Colombie-Britannique, l'approche adoptée dans la zone côtière est très ciblée et souvent une source de controverse. Le degré de perception des océans est très élevé grâce à la présence des Autochtones qui ont des perceptions intéressantes et originales. C'est le cas dans tout le Nord; les habitants de cette région ont la même attitude à l'égard des océans qu'à l'égard de la terre et ils font partie intégrante de leur vie.

Il y a donc toutes sortes de perceptions; il y a aussi les perceptions des nombreuses personnes qui vivent en bordure des Grands Lacs et les considèrent comme une mer intérieure en quelque sorte. Cependant, les habitants de cette région n'ont pas tout à fait les mêmes perceptions que les Néo-Écossais. Ce qui est capital, c'est que les Canadiens reconnaissent que leur perception de l'océan n'est que partielle, qu'ils travaillent dans le secteur des pêches ou du tourisme ou dans quelque autre secteur. Il faut adopter une approche intégrée. C'est encore très difficile pour la plupart des personnes, peu importe où elles habitent.

De nombreux facteurs naturels, comme el niño, ont une influence sur l'environnement. Au Manitoba, si c'est une année d'el niño, l'hiver sera doux. Les habitants commencent à faire ce genre de rapport avec le changement climatique. Ils commencent à reconnaître que les océans jouent un rôle important dans leur vie. Ils n'en connaissent peut-être pas les raisons précises, mais d'une façon ou d'une autre, ils sont conscients des changements.

Lorsqu'on examine les océans et leur état de santé, il faut le faire dans le contexte des catastrophes - comme celui des inondations au Manitoba dans lesquelles les océans ont joué un rôle quasi certain. Les Canadiens acquièrent une connaissance surprenante de ce type d'activités par rapport à ce qu'il en était il y a cinq ans.

Le sénateur Watt: Je vous remercie pour les renseignements intéressants que vous avez donnés.

Je vous dirai d'abord d'où je viens et vous parlerai des personnes que je représente. Je suis de la baie d'Ungava et je représente les personnes qui vivent dans la région du détroit d'Hudson et de la baie d'Hudson. Lorsque vous dites «d'un océan à l'autre en passant par le troisième», je comprends pourquoi. Les problèmes environnementaux viennent de toutes les régions du Canada, surtout en ce qui concerne la chaîne alimentaire. Les habitants de l'Arctique ou du subarctique sont confrontés à bien d'autres problèmes.

Je ne poserai pas des questions sur tous les problèmes auxquels vous avez fait allusion aujourd'hui. Comme vous, j'ai essayé d'encourager les Canadiens de diverses façons à être un peu plus conscients des conséquences de leurs actes sur les océans, sur le changement climatique ou sur les moyens de subsistance des habitants du Nord.

J'ai essayé de le faire par l'intermédiaire de la Conférence circumpolaire et aussi par celui du Conseil de l'Arctique, qui représente les sept pays arctiques. Je suis certain que vous obtenez également beaucoup de renseignements de ces organismes.

D'innombrables recommandations fondées sur des données scientifiques et sur le savoir ancestral des habitants de la région ont été faites. Vous parlez d'initiatives qui constituent un point de départ. Eh bien voici ce que j'en pense.

C'est très bien que l'on vous ait nommés «ambassadeurs des océans». C'est un point de départ. Cependant, il ne faudrait pas en rester là. Si le gouvernement du Canada avait décidé d'instaurer une loi habilitante, ce serait encore mieux. Il comprend très bien l'utilité d'une loi habilitante. Le gouvernement présente des lois habilitantes parce qu'il cherche des solutions aux problèmes. C'est une opportunité pour nous que la Loi sur les océans soit décrite comme une loi habilitante. Ce n'est pas une solution à tous nos problèmes, mais c'est un point de départ.

On pourrait essayer de lui donner plus de mordant en l'envisageant dans la perspective que vous avez mentionnée, c'est-à-dire d'un océan à l'autre en passant par le troisième. Vous faites allusion à trois régions, je présume. La mission du comité n'est pas d'examiner l'ensemble des problèmes. Elle est d'examiner ceux qui ont trait aux ressources halieutiques et à l'habitat.

Je voudrais faire une petite digression. Il y a longtemps qu'une telle initiative était nécessaire. Je ne sais pas exactement quel type de structure supplémentaire il faudrait mettre en place pour agir rapidement. Si l'on ne tient pas compte de l'atmosphère, on sous-estime les dommages qu'elle est susceptible de causer aux océans. L'atmosphère et l'océan doivent être reliés à toutes vos initiatives. Vous ne pouvez pas omettre d'en tenir compte parce que ce qui s'évapore dans l'air retombe dans l'eau. Tout le monde le sait.

Le gouvernement du Canada a atteint le stade des idées innovatrices. J'en ai une. Je ne suis pas certain que notre président sera convaincu qu'il faille l'inclure dans notre rapport. On prendra une décision plus tard à ce sujet. Cependant, messieurs Holland et Hanson, je suggère d'instituer trois comités législatifs. Quels pouvoirs auraient-ils? C'est une question qui serait réglée au niveau du Cabinet. Ils devraient avoir des pouvoirs suffisants pour permettre au gouvernement de faire des progrès dans ce domaine. Sinon, l'initiative serait vaine. On les entendrait sans les écouter.

Vous avez parlé dans votre exposé d'un mécanisme de règlement des différends. C'est ainsi que nous l'appellerons. Il faudrait peut-être qu'un tel mécanisme fasse partie intégrante de la création d'un comité législatif subdivisé en trois.

Il devrait être subdivisé en trois parce que nous sommes très en retard sur les événements. Nous réfléchissons. Nous sommes maintenant sur la bonne voie, d'après ce que vous avez dit. Il est grand temps. Cependant, nous sommes toujours très en retard étant donné que le changement climatique est déjà amorcé et que la chaîne alimentaire est atteinte. Les Canadiens ressentent déjà les répercussions de ces changements.

Des personnes meurent actuellement dans l'Arctique. Je ne sais pas si vous êtes au courant de la situation, mais c'est ainsi. Les habitants de l'Arctique sont au sommet de la chaîne alimentaire. Nous absorbons tout ce qui est mangé par toutes les espèces de la planète. Les espèces qui nous permettent de subsister et qui font partie de notre régime alimentaire ne sont pas surveillées.

Ce que je veux dire, c'est qu'il y a du pain sur la planche. Je suis heureux de constater que votre rapport indique que la situation est encourageante. J'attends cet instant depuis longtemps. Comme nous avons atteint cette étape, tentons au moins ensemble de huiler les rouages de l'appareil gouvernemental pour qu'il puisse se diriger dans la bonne voie. Il faudra aider le gouvernement. Le gouvernement du Canada a ses priorités. Il tient rarement compte de ce qui se passe dans le Nord, dans l'Arctique et dans les océans.

M. Holland: Je laisserai probablement cette tâche aux comités législatifs. Vous connaissez mieux que moi les rouages internes du gouvernement, sénateur.

Les trois océans ont des problèmes très particuliers. Par exemple, vous dites que les polluants organiques persistants causent d'énormes problèmes dans le Nord. En ce qui concerne la côte Est, elle est touchée par la crise de la morue. L'aquaculture et l'exploration et la mise en valeur pétrolières et gazières sont un cas très particulier. La côte Ouest est différente, tant du point de vue géographique que sur le plan socioéconomique. Il serait certainement bon d'envisager les problèmes qui pourraient être en tête de priorité pour chacun des trois océans. Je n'aborderai pas tout de suite la question de la «gérance».

Vous nous avez rappelé que nous risquions de ne pas tenir compte de l'atmosphère. On ne peut en effet espérer régler les problèmes climatiques et les problèmes des océans sans faire appel aux connaissances des experts en sciences atmosphériques et des modélisateurs en climatologie ni à celles des océanographes et des modélisateurs en océanographie.

Je tiens à vous faire part d'une petite information que vous n'avez peut-être pas entendue. Il semblerait qu'un nouveau El Niño soit en train de se former. Nous ne le saurons pas avant plusieurs mois, mais les scientifiques affirment qu'un nouveau El Niño se prépare dans le Pacifique et qu'il apportera des modifications à notre environnement.

Sur la scène internationale, nous collaborons avec l'Organisation météorologique mondiale. En fait, une nouvelle commission mixte composée d'océanographes de la Commission océanographique intergouvernementale et de l'Organisation météorologique mondiale a été créée pour assurer l'observation des océans et étudier les conditions météorologiques et climatiques marines. Un Canadien, Savi Narayanan, est coprésident de ce comité. Nos scientifiques sont bien représentés au sein de ce comité. J'espère que ce que l'on fait dans ce domaine est suffisant.

M. Hanson: Je voudrais mettre l'accent sur ce que vous avez dit sur l'Arctique en général. Nos connaissances datent effectivement. Nous avons négligé plusieurs aspects concernant la gestion. Nous aurons de nouveaux défis à surmonter; en effet, on craint maintenant que le passage du nord-ouest, en se libérant de plus en plus des banquises, ne devienne plus praticable pour les navires; ce changement soulèvera de graves problèmes de réglementation du transport dans cette zone. J'irais même jusqu'à dire que dans certaines régions de l'Arctique, on assiste à un bouleversement complet de l'environnement étant donné que le pergélisol commence à fondre.

À l'Institut international du développement durable (IIDD), on a collaboré pendant 18 mois avec les habitants de l'île Banks, jusqu'au début de l'année, pour connaître leurs perceptions exactes. On nous a ensuite montré des vidéocassettes indiquant les endroits où le pergélisol est en train de fondre. Des pans entiers de côte s'effondent dans l'océan. Si un tel changement s'étendait à tout l'Arctique, il s'ensuivrait des dommages écologiques sans précédent.

Nous devrons sensibiliser la population de la planète à ce problème parce que ce changement joue le même rôle que le canari des mines et qu'il sert d'avertissement précoce d'un changement climatique qui aurait des conséquences catastrophiques. Comme vous l'avez si bien mentionné, les habitants du Nord s'en aperçoivent depuis peu seulement.

C'est une question qui me préoccupe au plus haut point. Depuis deux ans, on prend conscience de la gravité du problème et de la nécessité de se constituer une banque de savoir et d'adopter des stratégies d'adaptation et d'atténuation des incidences.

Ce sera coûteux. Je crois que les organismes que vous avez mentionnés, comme le Conseil de l'Arctique, représentent de courageux efforts pour adopter une tactique coordonnée avec les pays qui sont nos voisins dans l'Arctique. Il faut poursuivre les efforts. Il s'agit d'organismes relativement jeunes qui n'ont pas encore eu le temps de faire leurs preuves et qui, il faut le reconnaître, ne sont pas très efficaces jusqu'à présent. J'espère que nous pourrons faire un suivi comme nous le faisons, par le biais de la Loi du Traité des eaux limitrophes internationales par exemple, en ce qui concerne nos relations bilatérales avec les États-Unis.

Il est nécessaire de créer un esprit de collaboration et une capacité de résolution des problèmes. Il faudra que les habitants de tout l'Arctique fassent connaître leurs opinions parce que la situation est problématique dans bien d'autres régions du monde également. Les pays en développement auraient plutôt tendance à considérer les ressources que l'on consacrera à la résolution des problèmes de l'Arctique comme un empiétement sur les ressources dont ils auraient besoin pour régler leurs propres problèmes. Le changement climatique est sur le point d'engendrer de très gros problèmes dans le Nord.

Le sénateur Watt: C'est un problème spécifique. La végétation est complètement déréglée. Actuellement, c'est beaucoup plus évident dans le subarctique que dans la région du Nunavut. Dans la région d'Inuvik, c'est perceptible parce que le climat est un peu plus chaud et que le pergélisol fond très rapidement. La base du pergélisol ne touche plus les racines des plantes et, par conséquent, leur croissance est déréglée.

En ce qui concerne l'importance que la communauté scientifique attache à ce problème, je voudrais faire une petite mise en garde. Pendant des années, j'ai tenté d'encourager la communauté scientifique à pousser la recherche dans certains domaines. Les scientifiques sont heureux de passer des contrats mais ceux-ci sont interminables. Les rapports sont toujours présentés de façon à ce qu'il soit nécessaire d'offrir un autre contrat.

M. Hanson: C'est effectivement un problème.

Le sénateur Phalen: Ma question porte sur les déversements d'hydrocarbures. Nous avons tous assisté horrifiés à ce genre de catastrophes et nous avons pu constater les dégâts qu'elles causent. Qui est responsable en cas de déversement d'hydrocarbures? Que se passe-t-il si on n'intervient pas assez rapidement? Quelles sont les pénalités éventuelles?

M. Holland: Sénateur, la Garde côtière est l'organisme gouvernemental d'intervention en cas de déversement d'hydrocarbures. Elle a mis en place un plan d'urgence pour toutes les zones marines du Canada dans cette éventualité. Du matériel du gouvernement est prêt à être expédié sur place mais le secteur privé est également prêt à intervenir avec son équipement.

Je n'essaierai pas de dire s'il y aurait assez de matériel dans le cas d'un déversement d'hydrocarbures de l'ampleur de celui du Valdez de la société Exxon, mais probablement pas. Cependant, aux termes d'un accord international dont le Canada est partie, tous les pays doivent répondre à l'appel d'un pays participant.

Pour obtenir une réponse plus précise, il faudrait poser la question à un représentant de la Garde côtière. Des plans d'intervention d'urgence ont été mis en place.

Je ne me souviens pas si j'ai répondu à tous les volets de votre question.

Le sénateur Phalen: Vous n'avez pas répondu à ma question sur les pénalités éventuelles.

M. Holland: Des pénalités sont prévues aux termes de la Loi sur les transports au Canada.

M. Hanson: Des pénalités sont également prévues aux termes de la Loi sur les pêches. Un des problèmes qui est souvent mentionné est qu'en cas de déversement d'hydrocarbures, on s'expose à des pénalités très strictes aux termes de la Loi sur les pêches mais les petites quantités d'huile qui proviennent régulièrement de la voirie sont en fait une cause majeure de pollution par les hydrocarbures.

On remarque les déversements importants mais en fait, la pollution cumulative causée par le ruissellement des eaux superficielles a, au total, des répercussions bien plus graves que les déversements d'hydrocarbures provenant des pétroliers. Sur la côte Est, un fonds d'urgence a été établi grâce aux taxes sur les pétroliers de passage dans la région. En cas de déversement, un montant considérable est disponible car il faut se mettre à nettoyer avant d'intenter des poursuites contre les coupables.

On a entendu des nouvelles très inquiétantes au sujet de la répartition de l'équipement. Il paraît que dans le bassin du Mackenzie par exemple, il n'est pas très bien placé. Il est situé à un endroit très éloigné des points où des déversements risquent de se produire. On se demande si on arriverait à l'acheminer assez rapidement pour que la Garde côtière puisse l'utiliser.

Au Québec, on nous a parlé d'un port où il y avait eu un déversement qui n'était pas extrêmement grave, mais les autorités portuaires estimaient que l'intervention n'avait pas été très efficace. D'après plusieurs personnes auxquelles nous avons parlé, il est fort douteux que l'on ait la capacité optimale d'intervention dans ces cas-là. Il s'agit de personnes engagées à fond dans l'action. Il ne s'agit pas d'écologistes émotifs mais de représentants des autorités portuaires et de personnes qui interviennent en cas de déversement d'hydrocarbures. Voilà les problèmes qui se posent, à mon sens.

Le sénateur Phalen: Nous avons également entendu parler de la présence de mercure et d'autres polluants dans le poisson. Sommes-nous sur le point d'atteindre un seuil critique en ce qui concerne les polluants ou l'avons-nous déjà dépassé? L'avons-nous atteint ou l'avons-nous dépassé?

M. Holland: Il n'y a pas de réponse à cette question, sénateur. Plusieurs régions sont très vulnérables et très polluées autour des Grands Lacs, mais on pourrait toujours boire l'eau du centre des Grands Lacs sans risque pour la santé. Tout dépend de l'endroit où l'on se trouve. Si l'on est à proximité d'une décharge de rejets industriels ou d'eaux vannes, il est possible que la pollution soit devenue chronique. Dans ce cas, on ferme la pêche aux coquillages, et cetera. Par contre, dans les régions de la côte où la densité de population est moins forte, il n'y a pas de problème.

Les océans n'ont pas de frontières, mais en ce qui concerne la dispersion de la pollution, ce sont seulement certains types de polluants comme les métaux lourds et les produits organiques persistants qui ont une aire de distribution illimitée. Même ces matières se diluent à mesure qu'elles s'éloignent de la source, sauf dans le cas de l'Arctique où les polluants organiques persistants ne se diluent pas à cause du froid. En ce qui concerne les polluants volatils, ils ont tendance à se déposer et pas à s'accumuler dans les tissus adipeux des animaux.

D'une façon générale, la pollution est réduite par dilution. Ce n'est pas une raison pour ne pas s'en préoccuper parce que les endroits où la pollution a tendance à être présente sont les régions côtières, là où la productivité, le nombre de pêches et le nombre d'habitants sont les plus élevés.

Il n'y a pas de réponse succincte à votre question mais, si vous me la posez, comme scientifique, je suis préoccupé de voir que la situation globale ne s'améliore pas. Je voudrais que l'on essaie de régler le problème en intervenant notamment au niveau des sources terrestres de pollution.

M. Hanson: Les bélugas du golfe du Saint-Laurent sont dans une situation critique. Nous avons des preuves qu'ils portent une charge polluante. Dans certaines régions de la côte néo-écossaise où sont situées de petites localités qui déversent les eaux usées domestiques dans l'océan, on ne peut pas pratiquer l'aquaculture et on ne peut pas récolter les coquillages à cause des niveaux de pollution. La situation est critique. Comme l'a mentionné M. Holland, dans le Nord, des polluants organiques persistants arrivent dans l'Arctique par la voie aérienne après avoir parcouru, dans certains cas, plusieurs milliers de milles. Ces polluants ne sont pas produits du tout dans l'Arctique. Lorsqu'on en retrouve jusque dans le lait maternel, cela signifie que la situation est très grave. Nous avons investi 50 millions de dollars dans les étangs bitumeux de Sydney, sans issue en vue. La situation est critique.

Je pourrais citer bien d'autres exemples. Le tout est de savoir si la situation s'aggrave ou s'améliore. C'est la grosse question. Il existe en outre d'autres formes de pollution dont il y a lieu de se préoccuper également.

Un des gros problèmes actuels sont les espèces envahissantes qui s'établissent dans les zones côtières où elles ont été amenées par les navires. De nombreuses espèces marines, qui s'adaptent à l'eau douce des Grands Lacs, ont causé des dommages pour plusieurs centaines de millions de dollars au Canada et pour des milliards de dollars aux États-Unis. Cette menace s'aggrave en raison de l'accroissement des échanges commerciaux et du transport des marchandises dans le pays. Des insectes en provenance d'Europe qui sont arrivés à Halifax dans les conteneurs des navires, s'attaquent aux forêts d'épicéas, les mettant ainsi en péril. Voilà les menaces dont il faut se préoccuper, qui sont liées en quelque sorte aux océans et qui entraînent une pollution directe, en apparence du moins.

Le sénateur Phalen: Si l'on bloquait complètement l'arrivée aux Grands Lacs, combien de temps faudrait-il pour les assainir?

M. Hanson: Cela dépendrait du polluant. On a réalisé des merveilles il y a une vingtaine d'années lorsqu'il s'est agi de débarrasser le lac Erie et le lac Ontario du phosphore. On a enfin trouvé un moyen de lutte efficace contre certains des pires composés chlorés, les polluants les plus complexes.

Le sénateur Phalen: Y est-on arrivé sans couper l'arrivée d'eau?

M. Hanson: Il s'agit essentiellement de couper l'arrivée de polluants. Dans certains cas, on passe par la chaîne alimentaire ou on a recours à un autre subterfuge pour ralentir l'apport de polluants.

Il y a toutefois des changements d'attitude qui sont encourageants. D'une façon générale, je ne pense pas qu'il faille paniquer et croire que les océans sont dans un état tellement catastrophique que la situation est irrémédiable. Il faut s'attaquer aux problèmes de pollution comme ceux qui déciment les populations de baleines blanches dans le bassin du Saint-Laurent. Elles jouent un rôle comparable à celui des canaris dans les mines. Elles indiquent que le système a subi un certain déséquilibre.

Voilà la façon dont j'aime envisager la pollution. Il faut tenter de détecter les signes avant-coureurs et de régler les problèmes. Ce faisant, on améliore généralement la santé de l'écosystème.

M. Holland: Les Grands Lacs se nettoieraient en une période de cinq à sept ans si l'on empêchait l'arrivée d'un polluant. C'est le temps qu'il faudrait pour qu'ils se nettoient. Le délai varierait selon le lac. En ce qui concerne les océans, il n'y a pas de temps de vidange. Ils sont en fin de parcours. Les seuls moyens de les débarrasser des polluants sont par absorption par les poissons, par absorption par l'écosystème et par décantation au fond de l'océan où ils sont ensevelis sous les sédiments. Cela pourrait prendre des millénaires.

Le sénateur Mahovlich: Quelqu'un a parlé d'usines de distillation au Moyen-Orient. La technique de la distillation des eaux marines s'est-elle améliorée? Je sais qu'à l'île de Saint-Thomas, on manquait d'eau pour les terrains de golf. Il était question d'installer une usine de distillation, mais le coût était trop élevé et le projet n'a pu être réalisé. Vous avez parlé d'usines de distillation ou de quelque chose de semblable.

M. Holland: C'est une question d'échelle. Les usines de distillation du Moyen-Orient distillent des milliards de gallons d'eau; c'est pourquoi elles sont rentables. Vous parlez de petites installations locales qui ne justifient pas les dépenses nécessaires.

Le sénateur Mahovlich: Les usines de distillation du Moyen-Orient produisent-elles de l'eau libre?

M. Holland: Oui. Dans certains cas, la moitié de l'eau utilisée dans les divers pays vient de la mer. Pendant la guerre du Koweit, une des principales préoccupations de plusieurs pays situés en bordure de la mer était que le pétrole provenant des puits en feu se déverse dans la mer, ce qui leur aurait fait perdre la moitié de leurs réserves d'eau. La situation était très préoccupante à cet égard.

Le sénateur Mahovlich: Vous avez parlé de villes situées le long de la côte de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse où des polluants entrent dans l'océan. Et New York? Où les déchets de la ville sont-ils déversés? C'est un problème de plus grande envergure. En effet, cette ville compte une dizaine de millions d'habitants.

M. Hanson: Devinez où on se débarrassait des ordures de cette ville? Elles étaient transportées au large par des barges pour être déversées dans l'océan.

Le sénateur Mahovlich: Est-ce que cela se fait encore?

M. Hanson: Je pense que cela ne se fait plus. Il y a encore des rumeurs étranges qui circulent au sujet de barges qui se dirigeraient vers le large en pleine nuit. Des progrès remarquables ont été réalisés. On n'a aucune excuse de ne pas faire de progrès dans ce domaine. Les solutions sont coûteuses, mais cela dépend du type d'investissement que l'on veut faire. Il est inexcusable de déverser des quantités invraisemblables d'ordures ménagères ou des déchets solides dans les océans.

Par contre, il faut étudier intelligemment la question pour faire des investissements judicieux. On ne veut pas faire des dépenses astronomiques. Chose surprenante, ce sont parfois les petites localités qui sont la source de problèmes. Il est parfois préférable de fermer l'usine locale de transformation du poisson pour que l'eau reste assez bonne pour l'aquaculture et pour le tourisme. Dans plusieurs cas, un niveau raisonnable de pollution domestique dans l'eau ne cause pas trop de dommages grâce à la capacité d'assimilation de l'océan. Il faut étudier chaque cas en particulier.

L'exemple actuel le plus connu au Canada est celui de la ville de Victoria, qui déverse sa pollution dans l'océan au grand dam de ses voisins américains. J'en ai parlé à des collègues océanographes. On peut comparer l'océan à une grosse mélangeuse et les ordures ménagères contribuent à enrichir les eaux. Ce n'est peut-être pas aussi grave que dans d'autres endroits où l'on tient à ce que l'océan soit propre, comme à Vancouver, où les espaces aquatiques fermés sont beaucoup plus vastes.

Si le fait que nous déversons nos détritus dans des eaux qui communiquent avec les leurs dérange à ce point les Américains, il faudrait peut-être y réfléchir sérieusement. Il faut étudier chaque cas en particulier.

Je tiens à signaler que l'on ne se préoccupe pas suffisamment des petites localités. La présence de vaches à proximité de cours d'eau qui peuvent se déverser dans l'océan est préoccupante et on n'y porte généralement aucune attention.

M. Holland: Ce n'est pas une question de technologie. Nous sommes en mesure de transformer nos eaux usées en eau potable. C'est un problème de coût. Victoria pourrait se doter d'installations de traitement tertiaire pour tous ces déchets, mais cela coûterait des milliards de dollars rien que pour cette ville. La ville de New York déversait à une certaine époque ses eaux usées dans la baie de New York. Il existe un congrès international qu'on appelait initialement le «London Dumping Convention». On a jugé que le terme «Dumping» était à bannir et on l'appelle maintenant le Congrès de Londres de 1972. J'en étais le président à l'époque où on a cessé de déverser les eaux usées et les déchets industriels directement dans l'océan. C'est dans le cadre de ce congrès que cela a été interdit. Cette interdiction porte malheureusement sur le déversement direct dans l'océan et pas sur le déversement par conduite. Ce problème pourrait être réglé dans le cadre de la lutte contre les sources de pollution terrestre. Nous établissons des mesures de contrôle plus strictes.

Le sénateur Mahovlich: En Ontario, on a créé le parc marin national Fathom Five dans la péninsule Bruce. Ce parc marin contient une vingtaine d'épaves de navire qui attirent environ 8 000 plongeurs par an. Existe-t-il d'autres parcs sous-marins au Canada?

M. Holland: Il y en a beaucoup. Sur la côte Ouest, il y en a 112. Deux ou trois navires de guerre ont été coulés pour les plongeurs. Comme l'a mentionné M. Hanson, les parcs sous-marins contiennent des épaves de navires et des sites archéologiques ainsi que de nombreux sites naturels.

M. Hanson: D'une façon générale, on trouve que la protection laisse à désirer dans bien des régions. Certains lieux ont une vocation très précise. En Colombie-Britannique par exemple, la plupart des petits sites sont des endroits où l'on peut amarrer des bateaux. Cela se limite pratiquement à cela. En ce qui concerne les vrais sites sous-marins, les parcs de plongée sont un bel exemple de sites protégés dans un but très précis. Des bancs de coraux ont été découverts au large de la côte est du Canada. Ils étaient déjà connus mais ils sont maintenant reconnus. Ce sont ces zones qui sont endommagées par les activités de pêche au chalut. L'étendue de ces bancs de coraux est surprenante, ainsi que leur potentiel comme zone de reproduction. On commence seulement à chercher des solutions pour les protéger.

On se demande si certaines zones ne devraient pas être transformées en parcs marins - une des propositions faites dans le cadre du projet de loi C-10, qui serait administré par Parcs Canada - ou des zones de protection marine aux termes des dispositions de la Loi sur les océans. En outre, il existe une troisième catégorie de zone côtière protégée par le Service canadien de la faune qui relève d'Environnement Canada; il s'agit de zones qui constituent un habitat propice pour les oiseaux ou qui présentent d'autres intérêts.

Il existe donc divers types de zones protégées. Il faut déterminer comme il convient de les gérer. Il faut comprendre pourquoi ces zones sont créées. Dans de nombreux cas, les opinions sont partagées à ce sujet compte tenu du rôle des pêches dans les zones de protection marine et dans leur voisinage. Le parc marin Fathom Five est un bel exemple d'initiative qui peut avoir des retombées économiques avantageuses et permettre d'apprécier l'eau propre. Ces zones attirent incontestablement des touristes.

Le sénateur Mahovlich: Vous avez fait allusion aux collisions entre les navires et les baleines. Sont-elles fréquentes et quelles mesures préventives prend-on à cet égard?

M. Holland: Une espèce de baleine en particulier, la baleine franche, dort en surface. Cette espèce est très menacée et la perte d'un seul ou de deux individus a des conséquences graves sur la population de baleines franches. C'est un des problèmes prioritaires auxquels les experts en mammifères marins essaient de trouver des solutions. J'ignore quelle autre solution on pourrait trouver que celle qui consiste à avertir les capitaines de navire et à leur demander d'être sur leurs gardes dans les zones où des baleines franches sont susceptibles de se trouver.

M. Hanson: J'ai eu l'occasion d'examiner ce problème d'assez près au cours de nos tournées. C'est fascinant parce que nous aurons peut-être une solution efficace d'ici quatre ou cinq ans. Nous possédons les moyens technologiques nécessaires pour suivre les mouvements des navires et des baleines, pas au pouce près, mais ils peuvent être localisés de façon assez précise. Une des solutions est assez simple. Si on détecte des baleines à un endroit, il suffit d'avertir les navires de modifier leur route. On ne le faisait pas auparavant et pourtant, c'était aussi simple que cela. Maintenant, étant donné que le problème a suscité suffisamment d'attention, les autorités portuaires de Saint John, au Nouveau-Brunswick, et les Américains adoptent cette méthode.

Une enseignante de la Nouvelle-Écosse qui habite à proximité de la localité du sénateur Comeau fait divers rapports sur les activités des navires qui sont une source de problèmes pour les baleines. Des baleines se laissent prendre régulièrement dans des filets de pêche, ce qui a des conséquences très graves. Lorsque j'étais dans cette région, elle m'a dit ceci: «Imaginez un pêcheur de la baie de Fundy qui voit disparaître son moyen de subsistance et qui est accusé, sur les chaînes de télévision nationales ou internationales, d'être un tueur de baleines alors qu'il a perdu un filet très coûteux. Il ne tient pas à ce que ce genre d'accident se produise.»

Diverses techniques ont été mises au point au Canada par John Lien et d'autres experts de l'Université Memorial de Terre-Neuve pour aider les personnes concernées, empêcher les baleines de paniquer et tenter de régler le problème. La solution idéale est toutefois d'éviter les collisions.

Il est possible de régler de façon efficace les problèmes de collision entre les baleines et les navires mais il faudra la participation de tous les intervenants. La participation du gouvernement sera nécessaire et il faudra établir un système international de surveillance. Cette enseignante de la Nouvelle-Écosse m'a dit qu'elle reçoit toutes les semaines des appels de journalistes étrangers pour lui demander des nouvelles des baleines de la baie de Fundy. Telle est la situation.

J'espère que l'on découvrira d'autres méthodes permettant de faire de la prévention efficace. Cela n'est pas nécessairement très coûteux. Il suffit d'intervenir de façon intelligente.

Le sénateur Jaffer: Je suis de la Colombie-Britannique et vos commentaires m'intéressent. Je suis d'autant plus d'accord que nous avons le privilège d'être en contact avec les cultures autochtones, ce qui enrichit notre culture, surtout en ce qui concerne les problèmes liés au milieu aquatique.

Deux de vos commentaires m'ont particulièrement intéressée parce qu'il s'agit d'une région que je connais bien. Vous avez fait allusion plusieurs fois à ce qui se passe à baie Clayoquot. Je voudrais que vous communiquiez les renseignements que vous avez à ce sujet.

Ma deuxième question porte sur un sujet qui me préoccupe et qui concerne la région de Sechelt. Il s'agit du problème de la pollution causée par les élevages aquicoles. Est-ce que l'aquaculture détruit les stocks de poissons sauvages?

M. Hanson: Je suis né moi-même en Colombie-Britannique et j'y ai passé de nombreuses années. J'ai d'ailleurs fait des études en science halieutique à l'Université de la Colombie-Britannique. C'est une région qui occupe toujours une place importante dans ma vie.

Le cas de la baie Clayoquot est un cas intéressant parce que le conflit qui avait éclaté à ce sujet avait pour ainsi dire dégénéré en une véritable bataille rangée entre les parties. Les protagonistes comprennent beaucoup mieux les liens entre les problèmes maintenant qu'il y a quelques années. Ils surmontent leurs différends et essaient de trouver une solution. Ils tentent d'adopter une approche adaptative aux problèmes. Cela signifie essentiellement que l'on apprend par la pratique. Cela consiste à reconnaître que même si l'on ne possède pas toutes les données nécessaires, il faut aller de l'avant. Il faut chercher une approche qui permette de maintenir diverses activités économiques, qu'il s'agisse d'écotourisme, d'exploitation forestière ou de pêche.

Les parties s'efforcent de mettre sur pied une série de mécanismes qui seront efficaces. S'ils s'avèrent inefficaces, ils pourront tirer les leçons qui s'imposent de l'expérience et essayer une autre solution. On expérimente beaucoup à baie Clayoquot.

En outre, les peuples autochtones rappellent constamment qu'ils ont une vue à long terme, qu'ils sont établis dans la région depuis longtemps et qu'ils y resteront pour toujours. C'est le point de départ. Les autres parties commencent à tirer des enseignements de ce point de vue.

Les exploitations forestières s'inspirent maintenant des principes autochtones et font eux-mêmes des partenariats avec les Autochtones pour adapter leur approche en matière d'exploitation. Dans le secteur de la pêche, on saisit une occasion. Les problèmes ne sont pas trop nombreux. Je ne voudrais pas paraître trop optimiste mais des représentants du secteur de la pêche au crabe m'ont dit qu'ils voulaient examiner certaines possibilités. Ils ne tiennent pas à être traités comme il y a quelques années et à obtenir leur permis dans les conditions habituelles. Ils veulent faire de l'expérimentation et apprendre quelle quantité de crabes il faudrait pêcher et quelle quantité il faudrait laisser à l'eau. On pourrait documenter diverses possibilités dans ce domaine.

Les intéressés signalent en outre qu'ils ont besoin d'aide pour pouvoir arriver à leurs fins et je dirais qu'ils en ont reçu beaucoup. On se demande toutefois si cette aide sera stable et durable. Il faut établir de nouveaux types d'institutions. On a mis en place par exemple dans le cadre de la réserve pour la biosphère un fonds de fiducie qui finance diverses activités et les études scientifiques menées par des personnes de la région. On est en train d'établir des commissions de gestion dans le but de faire des intervenants de la région les principaux gestionnaires des ressources régionales.

Clayoquot qui était le théâtre de violents affrontements est devenue une expérience de gestion intégrée porteuse d'espoir. C'est un lieu extrêmement important pour la Colombie-Britannique parce que tous les pays ont les yeux tournés sur baie Clayoquot. Si l'expérience est concluante, cette région sera probablement considérée comme une région où l'on est efficace, ce qui aurait des incidences sur les échanges commerciaux et diverses autres retombées. C'est une des raisons pour lesquelles les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral sont très disposés à y faire des investissements.

C'est, à mon avis, un cas important.

Le sénateur Jaffer: Pas plus tard que la semaine dernière, j'ai vu dans The Globe and Mail un article où il était question de la région. Il y était question des Autochtones établis à proximité de Tofino. On se demandait s'ils pourraient continuer à vivre comme autrefois des produits de l'océan. L'article donnait l'impression que leurs jours étaient comptés sur ces îles. Je ne l'ai peut-être pas interprété correctement. Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet?

M. Hanson: Je pense que de nombreux problèmes se posent dans cette région mais je ne crois pas que les jours de ces Autochtones soient comptés. J'en serais surpris. Ce n'est certainement pas ce qu'ont laissé entendre ceux que j'ai rencontrés ni d'autres personnes qui collaborent avec les habitants de la région.

D'autre part, je ne pense pas qu'il faille fermer les yeux devant la pauvreté dans laquelle vivent ces Autochtones et devant les nombreuses difficultés qu'ils ont à subvenir à leurs besoins. Cette situation est notamment due à ce qui s'est passé au cours des 50 dernières années. On ne peut pas résoudre du jour au lendemain des problèmes qui se sont développés sur une période de 50 ou de 100 ans. C'est certain.

Une autre des leçons que j'ai apprises grâce au cas de baie Clayoquot et à d'autres expériences de gestion intégrée est que si l'on établit un programme ambitieux, il est voué presqu'à coup sûr à l'échec. Si l'on apprend à collaborer et que l'on adopte par étapes des approches qui permettent d'améliorer petit à petit la situation, on apprend à se faire confiance. On apprend à mieux connaître l'écosystème et tout le potentiel qu'il offre, qui est énorme dans cette région. On peut donc espérer que l'on adoptera les méthodes nécessaires pour assurer la protection des océans.

Il faut multiplier les expériences de ce genre - qui devraient se compter non pas par dizaines mais par centaines - dans les régions du Canada situées en bordure des océans.

M. Holland: Je pense que vous parliez d'élevage aquicole de poisson et non de coquillages, sénateur. Dans ce type d'aquaculture, la densité est très élevée dans un espace restreint. C'est ce qui cause des problèmes de pollution dus notamment aux quantités de détritus rejetés par les poissons et à divers autres facteurs. Cette pollution atteint la zone benthique et la zone voisine et elle engendre des problèmes environnementaux pour les poissons sauvages. Ce type d'élevage engendre également un problème de raréfaction de l'oxygène.

Un des problèmes qui suscitent le plus de controverse est probablement celui des poissons qui s'échappent des élevages. Ce sont des espèces non indigènes qui ont été modifiées génétiquement ou importées, comme le saumon de l'Atlantique. Une certaine quantité de poissons s'échappent des élevages. On a rapporté à plusieurs reprises la présence du saumon de l'Atlantique d'élevage dans l'océan. On craint que sa reproduction n'entraîne la disparition du saumon indigène.

Un des problèmes est causé par l'introduction de maladies en raison de la promiscuité. Un autre problème est engendré par l'utilisation d'antibiotiques et de produits pharmaceutiques dans les élevages aquicoles. Comme vous êtes de la région, sénateur, vous avez probablement vu chez plusieurs marchands de poisson une pancarte portant la mention suivante: «Achetez notre poisson - le poisson sauvage ne mange pas de médicaments». De nombreuses personnes refusent de manger du poisson d'élevage en raison de la forte présence d'antibiotiques dans leur chair, mais c'est une question de préférence.

Enfin, la concurrence pour l'espace est un problème dans plusieurs régions où des ports de plaisance ont été aménagés et où l'espace est limité à cause d'autres activités maritimes. L'octroi de permis pour l'élevage aquicole peut engendrer des problèmes.

Voilà quels sont, en gros, les problèmes qui se posent. Étant donné que vous ne disposez pas du temps nécessaire, je ne passerai pas en revue diverses solutions possibles. L'aquaculture pose donc également des problèmes, mais ce sont les problèmes environnementaux qui sont mentionnés le plus souvent.

M. Hanson: Le rapport sur l'aquaculture dans les régions côtières de l'Atlantique et du Pacifique qui a été préparé pour votre comité contient d'excellentes recommandations. Je voudrais que l'on maintienne l'apport économique que représente l'aquaculture pour ces deux régions côtières et je pense qu'il faut trouver des solutions à ces problèmes.

Une des recommandations de ce rapport que je trouve intéressante est qu'il faut éviter d'installer ce genre d'établissements dans des régions où la population y est hostile. Sechelt est un excellent exemple. Par contre, dans le nord de la Colombie-Britannique, la population souhaite que l'on octroie ce genre de permis et qu'une région comme celle de Prince Rupert, où la situation de l'emploi est très précaire, profite de ces occasions économiques. Même en ce qui concerne des régions comme celle-là, il faudrait revoir la façon dont ces modèles sont mis en oeuvre.

Le sénateur Tunney: Je suis très préoccupé au sujet de la disparition visible de certaines espèces de poisson. Dans ma région, qui est celle située entre Kingston et Toronto, en bordure du lac Ontario, soit dans la baie de Quinte, le doré a pratiquement disparu. On ignore pour quelles raisons. Les pêcheurs commerciaux et les pêcheurs sportifs demandent au ministère d'interdire complètement la capture de doré dans cette région. Autrefois, le doré y était abondant.

Je voudrais également que vous disiez si vous pensez que la disparition de la morue de Terre-Neuve est due à la pêche au chalut. Est-ce qu'il existe des preuves que c'est la pêche au chalut qui a causé la disparition de cette espèce en ramassant toute la morue et en rejetant toutes les prises indésirables à l'eau? Est-ce la perturbation du fond marin qui a causé la disparition de la morue?

J'apprécierais que vous répondiez brièvement à cette question.

M. Hanson: Je serais très surpris que nous arrivions à répondre brièvement à cette question.

Les Grands Lacs sont très connus dans les milieux internationaux de la pêche pour la dynamique des pêches en raison de l'introduction de diverses espèces, de la disparition d'autres espèces et des changements environnementaux. Je ne suis pas en mesure de donner une réponse en ce qui concerne le cas précis du doré.

Si cela vous intéresse, je pourrais trouver des documents très intéressants sur la dynamique des pêches où sont indiquées certaines des raisons pour lesquelles plusieurs espèces ont disparu. C'est une histoire étonnante. C'est un cas pratiquement unique à l'échelle mondiale. Ces changements considérables de la composition de la vie aquatique sont documentés.

En ce qui concerne la morue en particulier, j'admets que l'on ne connaît pas les causes exactes de sa disparition. Diverses explications scientifiques ont été avancées. D'après certains experts, elle serait due à une évolution de l'environnement alors que d'après d'autres, elle serait due à divers aspects de la gestion. Deux explications sont toutefois évidentes et relativement irréfutables. La première est que l'on pêchait cette espèce de façon beaucoup trop intensive. La deuxième est que, comme vous l'avez mentionné, sénateur, lorsqu'on ramasse tout et que l'on capture également les espèces qui servent de nourriture à la morue, notamment le capelan, ce genre de situation n'a rien d'étonnant.

Enfin, ce n'est que depuis peu que l'on élabore de façon relativement sensée une approche axée sur l'écosystème qui nous permettrait d'obtenir des données plus précises. J'ignore si les causes exactes de la disparition de la morue seront connues un jour. Je rappelle que plusieurs ouvrages très intéressants portant sur la question ont été publiés.

Ce qui est étonnant, c'est que l'on semble répéter les mêmes erreurs dans les secteurs de la pêche de la crevette et de la pêche du crabe, dont les stocks sont encore abondants. Les conclusions du dernier rapport du Bureau du vérificateur général sur les pêches de l'Atlantique, et plus particulièrement du rapport sur la pêche des crustacés et coquillages, sont très préoccupantes car elles révèlent des tendances analogues en ce qui concerne nos pratiques de gestion. Je vous recommande la lecture de ces rapports si vous êtes préoccupé au sujet de la situation de la pêche sur la côte Est après la disparition de la morue.

Le sénateur Cook: Vous avez donné beaucoup d'informations. En cette fin de soirée, ma tête est surchargée d'informations. Vous êtes les ambassadeurs des océans. Dans votre énoncé d'objectif, vous dites que vous allez à la recherche de Canadiens pour former un conseil consultatif sur les océans du ministre. Je voudrais savoir si cette mission a été accomplie.

Je voudrais savoir quelle suite on donnera à vos conclusions. Vous avez parlé de gestion intégrée à propos de l'habitat, qui sera l'objet de notre prochaine étude. Je vois toutes ces conclusions formidables. Je me demande ce qu'on en fera lorsqu'on les aura assimilées et qui sera chargé de surveiller leur mise en oeuvre ou qui appuiera l'enveloppe?

M. Holland: J'ai le plaisir d'annoncer que le Conseil consultatif sur les océans du ministre a été institué il y a un an, au mois de septembre. Une tournée du Canada a permis de récolter 120 candidatures que nous avons analysées selon des critères très stricts parce que nous voulions choisir les Canadiens les plus représentatifs et les plus compétents du secteur des océans. Nous avons remis une liste de 20 noms au ministre qui a choisi neuf membres. Le conseil s'est réuni pour la première fois cette année, en janvier. Il y a eu un arrêt à cause des élections. Il s'est réuni quatre fois jusqu'à présent.

Le conseil est un groupe indépendant et joue un rôle consultatif auprès du ministre. Les ambassadeurs des océans sont membres d'office de ce conseil. Nous avons donc participé activement à ses activités et nous espérons avoir facilité ses réunions et ses délibérations. Comme ambassadeurs des océans, nous présentons également des rapports au ministre.

Les constatations que vous voyez ici sont tirées du rapport verbal et écrit présenté au ministre Dhaliwal par les deux ambassadeurs des océans.

M. Hanson: John Lien, de Terre-Neuve, préside actuellement le conseil. Vous pourriez peut-être vous adresser à lui pour obtenir de plus amples renseignements sur le Conseil consultatif sur les océans du ministre.

Que fera-t-on de nos conclusions? Nous aimerions qu'elles aient la plus grande diffusion possible. Nous sommes actuellement en contact avec divers groupes qui diffusent certains de nos messages. Nous présentons parfois nos messages sous diverses formes, selon le type d'auditoire auquel nous avons affaire.

Une des constatations importantes que nous avons faites au cours des entretiens préparatoires à la formation d'un conseil consultatif ministériel que nous avons eus cet été-là est que les auditoires sont très différents. Comme l'a fait remarquer le sénateur Johnson, les Canadiens doivent entendre parler de ces problèmes. Ils ne concernent pas uniquement le ministère des Pêches et des Océans. En fait, les responsabilités gouvernementales en ce qui concerne les océans sont réparties entre 23 ministères et organismes, rien qu'au palier fédéral, ce qui est énorme. Une stratégie canadienne des océans, aux termes de la Loi sur les océans, est censée permettre de surmonter cet obstacle. Nous n'avons pas encore fait suffisamment d'efforts pour établir des contacts avec d'autres ministères que le ministère des Pêches et des Océans. Il nous reste encore du pain sur la planche dans ce domaine.

Au cours de l'été, j'ai contribué à faciliter, à mettre en évidence et à exprimer aux réunions des points de vue concernant divers ministères. C'était à bien des égards une expérience intéressante et révélatrice que d'observer les diverses perceptions sur les questions importantes et sur la nécessité de coordonner les activités, par exemple.

La supervision de la mise en oeuvre est une question d'une importance capitale. Je ne pourrais pas lui rendre justice en quelques mots. Je vous recommande donc, à vous et à d'autres comités parlementaires, d'examiner cette question.

Le président: Je ne peux pas laisser passer cette occasion, sachant que nous recevrons d'ici quelques semaines un projet de loi sur la conversation marine, visant à créer des aires marines de conservation. Il s'agit d'un projet de loi proposé par Parcs Canada qui créera environ 28 zones représentatives des océans.

Nous avons pour la plupart donné beaucoup d'appui à la Loi sur les océans. J'étais un de ses supporters enthousiastes. Nous lui avons donné notre appui parce que nous savions que le ministère des Pêches et des Océans, par l'intermédiaire du ministre, avait déjà les contacts nécessaires pour dialoguer avec les collectivités côtières des diverses régions du Canada. Il y a maintenant un nouvel intervenant dans ce domaine où les responsabilités étaient partagées entre Environnement Canada et le MPO. Il s'agit de Parcs Canada. L'arrivée de ce nouvel intervenant créera de la confusion, une certaine appréhension et peut-être des tensions dans les collectivités côtières quand Parcs Canada entamera ses consultations.

Vous savez très bien que les habitants de ces collectivités sont souvent consultés. Ce nouveau groupe d'intervenants dans le secteur des océans sera autorité à consulter la population en ce qui concerne les zones marines de conservation.

Savez-vous ce qui s'est passé? Pourquoi le projet de loi sur la conservation marine n'a-t-il pas été présenté par ceux et celles qui planifient et étudient ce genre de question avant de présenter un projet de loi? Que s'est-il passé? Pourquoi cette question n'a-t-elle pas été réglée dans le cadre de la Loi sur les océans?

M. Hanson: En premier lieu, je signale qu'un bon réseau de zones protégées est nécessaire. C'est probablement le point de départ de toute discussion.

Dans les milieux canadiens de la conservation, on souhaite ardemment que l'on prenne, en ce qui concerne les océans, des mesures analogues à celles qui ont déjà été prises en ce qui concerne les zones terrestres. On souhaite vivement créer des zones représentatives qui protègent efficacement le milieu et reconnaissent certaines des caractéristiques uniques que présentent divers types d'écosystèmes.

C'est notamment pour ces raisons qu'a été présenté le projet de loi C-10 en question, monsieur le président.

J'ai plusieurs préoccupations à ce sujet. Premièrement, la population a l'impression générale que l'on pas encore fait suffisamment d'efforts pour créer des zones de protection marine aux termes de la Loi sur les océans. Les personnes que nous avons consultées cet été nous l'ont dit clairement. La question suscite des appréhensions également. Par contre, il y a des histoires de réussites. D'une façon générale, que ce soit quantitativement ou qualitativement, les initiatives n'ont pas été suffisantes.

Le Service canadien de la faune, qui administre des zones protégées, a beaucoup d'expérience dans ce domaine. C'est donc une bonne base de départ. Il ne faut nier en aucun cas les progrès réalisés grâce à Environnement Canada jusqu'à présent. Ce genre d'initiative remonte à des années et elles sont antérieures à la Loi sur les océans.

Est-ce que cela créera de la confusion au sein des collectivités côtières? Cela créera-t-il de la concurrence? Faut-il créer des zones de protection marine ou des parcs marins? Qui est à même de faire le meilleur travail? Cela pourrait poser des problèmes dans certaines régions. S'agira-t-il de vraie coopération ou cela engendrera-t-il des rivalités administratives? Comment gérera-t-on la concurrence pour des ressources limitées? Faut-il éparpiller nos efforts ou les concentrer et les cibler?

Je n'essaierai pas de répondre à ces questions. C'est le genre de questions que le comité pourrait se poser en examinant le projet de loi C-10.

En outre, dans certains milieux, on a laissé entendre clairement que si ces trois approches étaient adoptées en matière de zones de protection marine, il faudrait établir un mécanisme interministériel de coordination et de reddition des comptes très élaboré. En ce qui concerne les zones terrestres protégées, qui se comptent par milliers au Canada, les provinces jouent un rôle très important, surtout sur la côte Ouest. La province de la Colombie-Britannique a plus de 100 zones désignées où une certaine protection marine est assurée. La collaboration avec les provinces et avec les peuples autochtones est importante.

Dans le projet de loi C-10, il est indiqué qu'il s'agit d'un mécanisme conçu pour administrer officiellement des parcs nationaux désignés et qu'un réseau de parcs nationaux ne peut être complet sans une certaine protection marine. Quand je parle de parcs nationaux, il s'agit de zones faisant l'objet d'un certain type de désignation, peut-être comme celle des îles de la Reine-Charlotte, qui est actuellement une réserve aux fins de création d'un parc. Sur le plan technique, on a peut-être de bonnes raisons de penser que le projet de loi C-10 est une bonne initiative. Je crois qu'il faut tenir compte de ces aspects techniques également.

J'ai quelque appréhension à l'égard de tout nouveau système s'il n'est pas visible qu'il sera financé de façon raisonnable et bien coordonnée. Il devrait en outre être facile d'expliquer aux Canadiens et aux étrangers pourquoi nous adoptons cette approche.

Enfin, j'estime que, peu importe ce que deviendra le projet de loi C-10, ce serait une grave erreur de ne pas faire des efforts beaucoup plus assidus au cours des prochaines années pour créer les zones de protection marine prévues dans la Loi sur les océans.

Le président: C'est sur cette note que nous clorons la séance. Je m'excuse après de mes collègues, car la séance a duré un peu plus longtemps que prévu. J'apprécie votre patience. Je pense que c'est en raison de l'intérêt suscité par les témoins.

Nous avons fort apprécié le temps que vous nous avez consacré ce soir.

Je signale à mes collègues que je distribuerai cette semaine un résumé des témoignages que nous avons entendus au cours de nos voyages dans le Nord et à l'intérieur du pays. Nous espérons l'avoir d'ici jeudi pour pouvoir en discuter à la séance de mardi prochain. Le résumé des témoignages que nous distribuerons est un document confidentiel.

La séance est levée.


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