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POFO - Comité permanent

Pêches et océans


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches

Fascicule 17 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 16 avril 2002

Le Comité sénatorial permanent des pêches se réunit aujourd'hui à 19 heures pour étudier les questions relatives aux océans et aux pêches.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Ce soir, nous accueillons un nouveau membre du comité qui prendra la place du sénateur Watt. Je tiens donc à souhaiter la bienvenue au sénateur Baker, qui vient d'être appelé au Sénat cet après-midi.

Vous savez sans doute que le comité étudie depuis peu l'habitat du poisson au Canada, et il lui reste donc beaucoup de renseignements à obtenir.

Notre premier témoin ce soir est M. Mark Butler, coordonnateur aux affaires maritimes de l'Ecology Action Centre, qui a d'ailleurs déjà pris la parole devant notre comité auparavant. Le Centre dont il fait partie préconise la protection de l'environnement depuis le début des années 70 et est situé à Halifax. Il s'agit d'une ONG appuyée par ses membres, ses projets et des dons. Le Ecology Action Centre, ou le EAC compte un comité des questions maritimes et étudie des sujets tels que les aires marines protégées, les bio-envahisseurs marins, les espèces en péril et la pêche durable. Si je ne m'abuse, M. Butler a témoigné devant notre comité au moment où nous étions saisis de la question de la privatisation des quotas individuels transférables au Canada.

Notre second témoin est M. Derek Davis, président de la Marine Invertebrate Diversity Initiative Society, aussi connu sous le sigle MIDI. Le MIDI est constitué d'une base de données accessible sur le Web et conçu pour renseigner les gens et leur fournir des illustrations au sujet des invertébrés marins, vivant dans les eaux limitrophes du plateau continental de la Nouvelle-Écosse, la baie de Fundy et le golfe du Maine. L'organisme, qui est situé en Nouvelle- Écosse, est sans but lucratif.

Messieurs, la parole est à vous.

M. Mark Butler, coordonnateur, Questions maritimes, Ecology Action Centre: Je tiens d'abord à féliciter votre comité pour le rapport qu'il a produit au sujet de la privatisation et des quotas individuels transférables; c'est un des meilleurs à avoir abordé le sujet. Il a d'ailleurs influé sur la politique du ministère, car peu de temps après sa parution, ce dernier a amorcé son réexamen des politiques en tenant compte de certaines des recommandations qui figuraient dans le document. Espérons que votre nouvel exercice aura des résultats semblables. Encore une fois, je vous remercie.

J'aimerais vous faire visionner un vidéo pendant que je fais mon exposé.

Monsieur le président, vous avez décrit le Ecology Action Centre. Je précise que l'objet de notre comité au sein du Centre est de favoriser la conservation marine et une exploitation durable de ses richesses. Nous tenons compte à la fois de la nature et de l'être humain, et nous nous efforçons d'arriver au point d'équilibre entre les besoins des deux.

La première diapositive représente du corail appelé «bubblegum coral», et un poisson qui porte le nom de sébaste au supermarché. Ce corail vit à une profondeur de quelque 600 pieds et à des températures de 4 ou de 5 degrés Celsius. Ces images ont, bien entendu, été prises par un engin télécommandé. Ce spécimen précis est peut-être âgé de 100 ou même de 200 ans. Certains de ces coraux peuvent atteindre une hauteur de deux ou trois mètres. Une autre espèce qu'on trouve dans la même région s'appelle le maïs de mer.

Nous avons tourné entre 30 et 40 heures de pellicule, et si quelqu'un d'entre vous souhaite tout voir, il n'a qu'à m'en faire la demande. Beaucoup de gens ont peine à croire que de telles images ont été tournées dans des eaux canadiennes, car ils ne s'imaginaient pas que ce genre de vie pouvait survivre au fond des eaux profondes, noires et froides des côtes de la Nouvelle-Écosse, mais c'est pourtant vrai et ces coraux sont même très colorés.

J'aimerais maintenant vous montrer comment cette vidéo a été tournée. Cela s'est fait l'été dernier, grâce à un navire de recherche, qui comptait deux équipages de recherche en provenance de Dalhousie ainsi qu'un pêcheur local et des représentants du ministère des Pêches et des Océans. Elle est donc le fruit d'un effort conjoint.

Nous avons effectué une expédition avec ce navire équipé de matériel technologique dernier cri parce que des pêcheurs du sud de la Nouvelle-Écosse, et peut-être d'ailleurs aussi, ont commencé à dire aux gens du Ecology Action Centre ainsi qu'à certains scientifiques de l'université Dalhousie qu'il y avait des coraux au fond de nos eaux territoriales. Nous avons d'abord été incrédules; il ne pouvait certainement pas s'agir de coraux, ce devait être autre chose. Toutefois, progressivement, les gens se sont rendu compte qu'il y avait effectivement des coraux au fond de l'eau et que nous devrions peut-être en tenir compte davantage, et réfléchir aussi aux conséquences que pouvait avoir pour eux la détérioration de l'environnement.

Nous avons eu de la chance. Je connaissais moi-même certains de ces pêcheurs. Nous nous sommes adressés au Musée d'histoire naturelle de la Nouvelle-Écosse, où M. Davis a travaillé pendant 20 ans et on nous a accordé une petite bourse de recherche, qui nous a permis de consulter les pêcheurs et des scientifiques ainsi que de visiter les collections muséales. Nous nous sommes efforcés de recueillir tous les renseignements possibles sur le corail de mer profonde et en avons tiré ce rapport. Ce qu'il y a de bien et de fort dans ce document, c'est qu'il tient compte à la fois des sciences et de la connaissance directe que les pêcheurs ont de ces formes de corail, et donne donc une bonne idée d'ensemble du sujet.

Selon des scientifiques du ministère des Pêches et des Océans, les résultats de notre démarche montrent à quel point elle peut être utile. Il s'agit effectivement du meilleur texte apporté sur les formations de corail en eau profonde dans la région de l'Atlantique canadien. Une telle méthode, qui a conjugué les connaissances des pêcheurs et l'apport scientifique peut déboucher sur quelque chose de très utile. D'ailleurs les pêcheurs en savaient davantage sur la nature et la répartition de ces coraux de mer profonde que bon nombre de scientifiques.

Une fois le rapport publié, nous avons tenu quelques ateliers auxquels nous avons invité des pêcheurs représentant toutes les formes d'engins, des représentants des industries du pétrole et du gaz, des scientifiques et des écologistes afin de discuter de ces formations de corail ainsi que de la façon dont nous pouvions assurer leur protection. Nous avons donc essayé de voir ce qu'on savait sur le sujet et ce que d'autres pays faisaient pour protéger ces coraux, et nous nous sommes alors rendu compte qu'on faisait diverses choses dans bien des endroits, mais qu'il n'y avait pas de communication, qu'on travaillait de façon cloisonnée, sans communiquer avec les autres.

En 2001, certains d'entre nous, fort de l'aide du ministère des Pêches et des Océans, du Fonds mondial pour la nature et de l'université Dalhousie, ont tenu le premier colloque international sur les coraux en eau profonde, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Des scientifiques de 14 pays y ont assisté, ainsi qu'un assez fort contingent du bureau du ministère des Pêches et des Océans.

La rencontre a été très fructueuse, à la fois sur le plan scientifique, car les échanges y ont été de très bon niveau, et sur le plan écologique. En outre, elle a eu certaines ramifications, et non seulement au Canada mais dans le monde entier. Je crois que c'est à cause de ces pêcheurs qui nous ont d'abord dit avoir vu de tels coraux, que nous avons fait cette expédition sur le banc George à bord d'un navire de recherche l'été dernier, et que maintenant, à l'université Dalhousie et au ministère des Pêches et des Océans, des étudiants de deuxième et de troisième cycles effectuent d'autres recherches, et le reste. Le ministère des Pêches et des Océans a même fait venir un scientifique norvégien, parce que la Norvège a effectué beaucoup de recherche sur les coraux en eau profonde. Cet homme et sa femme travaillent donc maintenant à l'Institut océanographique de Bedford.

Quant au Ecology Action Centre, il s'est concentré sur d'autres sujets de recherche connexes. Nous avons donc étudié la faune, c'est-à-dire les invertébrés vivant dans la baie de Fundy. L'un des chercheurs que nous avons recrutés a peut-être même découvert une espèce tout à fait nouvelle d'éponge dans cette même baie. Ça me fait penser à une réflexion d'un scientifique de Terre-Neuve que certains d'entre vous connaissent peut-être, M. Fred Aldrich, qui enseignait à l'Université Memorial. Il a dit que nous connaissons mieux la face cachée de la lune que le fond des océans. Nous travaillons au large de la ville natale du sénateur Comeau, et nous allons peut-être découvrir de nouvelles espèces dont nous ne soupçonnions même pas l'existence.

Nous avons effectué une autre étude, dont je laisserai d'ailleurs quelques exemplaires auprès du comité afin que ses membres puissent la lire. Avant de la rédiger, nous nous sommes entretenu avec les pêcheurs au sujet de changements qu'ils avaient observés dans les fonds marins. Nous avons donc demandé aux palangriers, aux palangriers aux lignes dormantes, aux fileyeurs et aux pêcheurs sur petit chalutier ce qu'ils avaient remarqué, comme par exemple des animaux, ou des formations ou encore des collines au fond de l'océan qui avaient disparu. Encore une fois, les renseignements fournis par ces derniers nous ont beaucoup aidés à mieux comprendre l'océan.

J'aimerais vous montrer encore quelques diapositives, qui unissent la science et l'esthétique.

Voici une exposition que des pêcheurs et des écologistes du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse ont préparée pour la Société canadienne de l'habitat océanique. Ils ont donc monté une exposition en collaboration avec le Ecology Action Centre, à l'extérieur de la bibliothèque de Halifax. Vous pouvez voir M. Sanford Atwood, pêcheur d'expérience de l'île de Sable à la gauche sur la diapositive.

La diapositive suivante montre l'exposition en question. Les pêcheurs parlent d'arbres de corail et en fait, cela ressemble à une forêt en miniature. C'est vraiment très intéressant. La spécialité de Derek, ce sont les bigorneaux ou mollusques ou escargots. S'il devait faire une exposition devant la bibliothèque au centre-ville de Halifax, je ne sais pas combien de personnes s'arrêteraient; toutefois, lorsque vous avez ces grands coraux, cela fait toute la différence, cela donne vie au fond de l'océan.

La diapositive suivante montre l'aménagement de l'habitat. C'est fait par un pêcheur de Sambro qui a pris certaines libertés avec les coraux des grands fonds en y ajoutant un peu de couleur.

La couleur sur la diapositive suivante est réelle — ici encore, il s'agit du corail-bulle que nous avons vu sur la vidéo. La couleur n'est pas artificielle. La forme est légèrement différente, à côté, mais le corail fait environ un mètre de haut et a environ 200 ou 250 ans. On arrive maintenant à déterminer l'âge parce qu'on en a trouvé sur la coque du Titanic et comme nous savons à quelle date le Titanic a coulé, nous pouvons juger du taux de croissance.

Le corail suivant est couvert d'une muqueuse et a de petites bosses comme des polypes. Le corail est un animal qui vit en colonies.

Voici une photographie par Derek Davis. On y voit un corail, de la même espèce, un corail couvert de polypes et un sans polypes. C'est encore la même espèce, mais c'est un corail vivant. Chaque polype ressemble à des Rice Krispies.

Ceci vient d'un pêcheur de Lockport, Wendell Williams.

Ceci est un corail de pierre, semblable au corail qui forme les récifs que vous trouvez dans les eaux tropicales. Il y a une merveilleuse vidéo de Norvège où il y a des récifs de corail incroyables d'environ 20, 30 mètres de haut et de 8 000 ans à la base sur plusieurs kilomètres de long, on dirait un récif tropical. Nous ne savons pas s'il y a des coraux semblables dans nos eaux, mais nous en avons trouvé des morceaux et donc c'est un mystère attrayant pour l'instant.

Ici nous avons une forme plus délicate.

Il y a d'autres espèces qui offrent de la structure et de la complexité. Les scientifiques parlent de la complexité de l'habitat du fond marin. Il peut s'agir de corail ou d'éponge ou d'autres éléments qui créent un lieu de sûreté, et cetera, ou il peut s'agir de formations géologiques, de buttes, de vallées ou de trous.

Voici un morceau de boue du banc George qui a durci; les trous ont été percés par des animaux marins.

Voici une éponge, un doigt noir.

Voici un lit de moules.

On peut voir ici que de nombreux coraux se trouvent le long des bancs, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve, dans les passages et vallées, y compris le passage de l'île de Sable qui se trouve au large de l'île de Sable qui est en attente d'une désignation comme zone marine protégée.

Nous savons que l'habitat du poisson a son importance en eau douce tout comme dans le cas des récifs de corail dans les zones tropicales, mais l'habitat du poisson est-il important à 50 pieds, à 100 pieds ou à 600 pieds de profondeur? Cette photo vient d'Irlande, mais on y voit le fond marin. Voici un autre aperçu, mais sans la complexité et après élimination de la plupart des animaux.

Ici encore, sur le banc George, il n'y a pas de corail, mais ce petit objet blanc léger est un bryozoaire, un animal colonial. Encore une fois, pour un animal qui cherche à se cacher, cet habitat-ci est plus attrayant évidemment que celui-là. C'est le même fond marin, mais ici, on a éliminé presque tous les animaux.

Les chercheurs parlent pour qualifier toute la vie du fond de «complexité structurelle». Lorsque l'on élimine cette complexité structurelle — peut-être en éliminant certains des blocs rocheux — alors on élimine les éponges et les coraux, et certaines des tranchées et formations faites par les vers, et cetera.

Permettez-moi de vous donner un exemple terrestre très simple. Si vous mettez un lapin sur un terrain de football et si vous relâchez des rapaces, des oiseaux de proie, le lapin ne peut se cacher nulle part. Si vous placez le lapin dans un champ où il y a des buissons de mûriers, des aulnes, le lapin échappera probablement aux prédateurs. Des chercheurs de la Nouvelle-Angleterre ont publié un document de recherche intéressant sur la survie des jeunes morues sur fond de sable, sur fond de gravier et sur fond très spongieux. Où ont-ils trouvé le taux le plus élevé de survie, et ce n'est pas surprenant? Là où le fond était très encombré.

Nous avons accordé beaucoup d'attention à la surpêche. Pour expliquer la disparition du poisson, nous avons beaucoup mis l'accent sur le changement climatique et les changements de la température des océans. Toutefois, nous n'avons peut-être pas accordé d'attention à l'incidence des prédateurs sur le jeune poisson. Or c'est un facteur énorme dans la survie ou l'augmentation de la pêche.

Le président: C'était excellent. Je suis persuadé que cela suscitera de nombreuses questions. Nous allons demander au professeur Davis de faire son exposé et ensuite nous passerons aux questions.

M. Derek Davis, président, Marine Invertebrate Diversity Initiative Society: Je vais faire brièvement cette introduction et vous montrer quelques diapositives pour illustrer ce que je veux dire. Quand on regarde un environnement marin, il est important de comprendre qu'il ne s'agit pas simplement d'un plan d'eau où il y a du poisson que l'on veut pêcher. Il s'agit en fait d'un écosystème complet qui doit bien fonctionner afin que le poisson soit productif, ce qui nous intéresse et a de l'importance pour nous.

Il nous faut comprendre comment les écosystèmes fonctionnent afin de gérer les différentes espèces de poisson et l'habitat dont il a été question. L'habitat est un aspect essentiel parce que cela donne au poisson des endroits où se cacher. C'est ce qui fournit toute la chaîne alimentaire pour que cela fonctionne.

La Marine Invertebrate Diversity Initiative, ou le projet MIDI, découle du travail du Comité sur les questions marines composé du même groupe de personnes. S'il vous arrive d'être à Halifax, assistez à l'une de ses réunions, vous trouverez très intéressante la grande variété d'âges et d'antécédents des participants. C'est un mélange intéressant.

Je me suis intéressé à la question quand j'étais au gouvernement provincial. Une année quelqu'un fait une suggestion, l'année suivante quelqu'un d'autre dit: «mettons ça par écrit» et l'année suivante — c'est lancé. Le Ecology Action Centre Marine Issues Committee fait très peur, parce que quelqu'un dit: «J'ai une bonne idée» et quelqu'un d'autre répond: «Je vais y travailler avec vous». À la prochaine réunion, un mois plus tard, ils annoncent: «Voici notre rapport». La rapidité du travail fait peur.

Vous pouvez voir en regardant le corail à quel point cela a été bénéfique, quand on songe qu'il a fallu moins de quatre ans pour passer d'une ignorance totale sur ce sujet à la tenue d'une conférence internationale. C'est une réalisation remarquable. Je ne pense pas que le gouvernement puisse procéder seul, bien que le gouvernement soit très présent, et c'est pourquoi la composante ONG est d'une très grande valeur.

Le Comité sur les questions marines a notamment pensé régler un problème lié à l'habitat et au fonctionnement de l'écosystème. Nous en savions très peu sur les invertébrés benthiques marins. Ces coraux sont des invertébrés et tout ce qui bouge sur les coraux l'est aussi. Nous avons décidé de mettre en commun ce que nous savions.

Quelques années plus tôt, nous avions lu un livre merveilleux intitulé Catalogue of the Marine Invertebrate of Eastern Canada, une liste publiée en 1901. Vers 1970, nous avions deux copies écornées de ce livre, l'une dans un musée et l'autre dans la bibliothèque provinciale. Ils étaient tellement endommagés que nous avons décidé qu'il fallait les réimprimer. Nous avons fait des recherches pour découvrir à qui appartenait le document, mais personne ne le savait. Toutefois, le Canada était certainement propriétaire du document. Des membres du Conseil consultatif de recherche sur les pêcheries et les océans de l'époque ont préparé cette édition pirate. Nous avons reproduit 100 exemplaires sur une des photocopieuses à l'Institut Bedford et les avons distribués à la ronde. Il y a environ 140 invertébrés marins dans ce livre.

Je veux vous montrer ces deux tableaux. Le premier a été publié dans un livre sur la vie dans la mer dans les années 70 par un biologiste danois très connu. Il a refait le travail fait à Kattegat au large du Danemark vers 1913. Ce tableau montre que pour chaque poisson pris, il faut une séquence d'invertébrés qui soutiennent ce poisson. En d'autres termes, qu'est-ce que ce poisson mange pendant son existence? Il a calculé que pour des prises de 6 000 tonnes de morue, 7 000 tonnes de hareng et 250 tonnes d'églefin, de toutes petites quantités, si l'on regarde ce qui se passe au fond, si l'on additionne ce qu'il appelle «des animaux inutiles», on arrive au chiffre de 5 millions de tonnes au fond. Il faut 5 millions de tonnes d'invertébrés inutiles pour produire ce poisson.

Je me suis amusé avec cette formule en regardant les données des années 70 tirées des dossiers de la CIPAN et j'ai calculé, un peu pince-sans-rire, ce qu'il aurait fallu sous forme d'invertébrés marins pour soutenir les prises de 1973. C'est le deuxième tableau, le suivant.

Cela a été fait très approximativement. Il faut comprendre que ce n'est pas quelque chose que je vais publier, parce que c'est trop spéculatif. Si on part d'une prise de morue de 808 000 tonnes, il y a de grandes différences évidemment dans la quantité des prises — jusqu'au bas ici pour déterminer le poids de tous les animaux inutiles nécessaires au fond, cela donne 105 millions de tonnes. Voilà la quantité d'animaux invertébrés nécessaire pour soutenir ce genre de prise.

Les espèces au haut sont celles qui nous intéressent du point de vue commercial. Il vous faut savoir quelque chose de ces animaux invertébrés. Le tableau précédent montrait le niveau de diversité.

Nous avons commencé à examiner le contenu scientifique ou technique de notre projet. Nous avons dû produire de l'information et la tenir à jour sur plus de 3 000 espèces d'animaux invertébrés. C'est ce que nous tentons de faire.

Nous savons que si nous nous adressions au gouvernement et qu'il fallait embaucher suffisamment de chercheurs pour produire ce catalogue, rien ne se ferait. La seule façon de réussir, c'est de faire participer de nombreuses personnes. Nous parlons de pêcheurs, de gens ordinaires, d'enseignants, d'étudiants qui travaillent sur les sondages et qui maintiennent l'information à jour.

On vous a remis un feuillet qui décrit le projet. Voici le livre que nous donnons aux gens pour qu'ils puissent ajouter de l'information dans le système.

Le projet se déroule depuis plus de deux ans. Nous avons inscrit 800 espèces dans le catalogue. Dix pour cent de ces espèces font l'objet de profils détaillés.

Je vais vous montrer de quoi a l'air un profil. Voici quelque chose que vous allez reconnaître, parce que c'est un corail. Il s'agit du prototype préparé par un musée. Nous avons maintenant fait la même chose pour plus de 80 espèces différentes. Dans la littérature, ces animaux portent de nombreux noms différents. C'est utile de savoir que vous travaillez bien avec le même animal. Il nous faut également connaître quelque chose sur le statut, s'il est commun. Nous voulons changer ce mot «statut» pour un autre, parce que c'est ce qu'utilise le «COSEPAC» dans sa description des espèces en péril. Nous voulons donner un statut aux espèces.

Le profil comprend une description approximative, la répartition, l'habitat, où se trouve l'espèce, une photo de l'animal et une carte de répartition. De l'autre côté de cette page, on trouve toutes les références. L'idée c'est de suivre cette formule.

Si quelqu'un veut se renseigner, il suffit de lire le profil ou le résumé. On peut ensuite passer directement à la littérature qui a servi à préparer le résumé. Cela ne signifie pas que le lecteur ne peut savoir que ce qui se trouve dans le livre.

Il y aura des mises à jour à mesure que des gens s'intéresseront à la question et entreprendront de nouvelles études.

Voici un autre exemple. Il y a une petite limace qui mesure environ un demi-pouce et qu'on trouve dans les marais salants. Si l'on examine tous les rapports sur cette limace, on constate qu'on n'en a pas trouvé dans la baie de Fundy. On se demande immédiatement si cette absence correspond à la réalité. Nous croyons que c'est le cas.

Nous examinons donc cette question dans le cadre d'un partenariat international avec certains scientifiques américains qui veulent prendre part au projet. Nous devons examiner cette distribution étrange. Si l'on veut examiner la question de la diversité, l'endroit idéal pour le faire est le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Il semble se passer toutes sortes que phénomènes étranges dans cette région.

Nous voulons poursuivre le projet et organiser des ateliers internationaux et nationaux. Nous voulons susciter de l'intérêt pour ces questions. Nous voulons examiner la diversité des espèces marines en commençant par ces invertébrés.

Les gens nous demandent pourquoi nous n'étudions pas aussi les algues marines. Nous répondons que les invertébrés nous donnent bien assez de mal sans cela. D'après nos évaluations, cela pourrait représenter quelque 3 500 espèces.

Comme l'a dit M. Butler, bon nombre de ces espèces ne sont pas décrites dans l'ouvrage. Nous ne voulons pas décrire toutes les espèces dans la base de données du MIDI, mais nous voudrions que quelqu'un s'en occupe. Le MIDI se base sur des dossiers publiés et accessibles. Nous ne voulons pas avoir des données que les gens ne pourront pas retrouver ailleurs. Les musées ont un rôle important à jouer à cet égard.

Il existe deux problèmes exceptionnels au Canada relativement à la gestion des pêches en fonction de l'écosystème. Nous devons tenir compte des caractéristiques biologiques de ces diverses espèces. Le premier problème, c'est que le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral n'aiment pas les musées d'histoire naturelle. Le musée de la Nouvelle-Écosse manque toujours de financement.

Nous avons eu une réunion des pêches à White Point Beach en Nouvelle-Écosse en février. Un représentant du Musée royal de la Colombie-Britannique a perdu son emploi pendant qu'il assistait à la réunion. À son retour, son emploi était disparu. C'était le dernier conservateur du musée. Il s'occupe maintenant de la programmation à l'intention du public à la galerie.

L'autre problème, c'est que même si on réussit à voir les collections des musées, il est difficile d'avoir accès à des taxonomistes.

Le MIDI attire l'attention sur les invertébrés et fournit certains renseignements de base, mais le principal objectif consiste à susciter davantage d'intérêt et d'étude. Nous espérons que d'autres se lanceront dans une étude systématique et que le gouvernement affectera davantage de ressources au musée. C'est ce que nous voulons.

Le président: Merci. Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Cook: Je ne sais pas par quoi commencer. Je vois que votre organisme a son siège social en Nouvelle- Écosse. Tous vos membres sont néo-écossais. Vous n'avez pas étendu votre champ d'action jusqu'à Terre-Neuve?

M. Davis: Pas vraiment. Nous avons surtout essayé de travailler avec un groupe local. La participation des scientifiques américains est la première participation réelle de gens de l'extérieur. Cela nous aide parce que nous avons pu obtenir un financement de la U.S. Fish and Wildlife Society grâce à la participation de ces scientifiques américains. Les gens nous connaissent dans la région de l'Atlantique, mais ils ne participent pas vraiment à nos projets.

Le sénateur Cook: Le corail est quelque chose de très joli. Quand j'étais enfant, cela m'arrivait d'en voir un morceau sur le pont d'un dragueur.

Avez-vous déterminé à quoi sert le corail? Quels sont les dommages causés par les dragueurs qui raclent le fond de l'océan? Je songe surtout aux pêcheurs de coquilles St-Jacques. Quelles sont les conséquences pour l'habitat?

Dans l'espace de quelques instants, j'ai cessé de penser au poisson qui sert à me nourrir et j'ai commencé à penser à ce qu'il faut pour nourrir le poisson qui nous nourrira plus tard. Vous me faites réfléchir à toutes sortes de choses.

Pour être plus précis, quelle est la place du corail relativement à l'habitat du poisson que nous mangeons? Quel est l'impact du corail sur le fond océanique et l'alimentation du poisson?

M. Davis: La fonction la plus importante du corail à part sa simple fonction biologique de base, c'est de fournir une structure à l'habitat. Si une structure physique pousse sur le fond de l'océan, d'autres espèces animales peuvent l'utiliser.

La comparaison que nous faisons, et ce n'est pas vraiment une comparaison appropriée pour ce qui est de la production organique, est la comparaison avec les forêts et les champs. Si l'on abat les arbres d'une forêt, comme on l'a fait pour pouvoir cultiver, et qu'on laisse ensuite la forêt repousser jusqu'à un peuplement vieux, on retrouvera diverses espèces d'animaux selon l'âge de la forêt.

L'un des problèmes qu'il y a à essayer de classifier les habitats marins du Canada, c'est qu'il est difficile d'aller plus loin qu'une description géologique du sable, des rochers, de la boue, et le reste pour passer à la définition d'association d'espèces. On ne peut pas le faire sans connaître les espèces en cause.

La structure de l'habitat créé par la corail est tout à fait particulière.

M. Butler: Il est bien évident que nos rôles se chevauchent. M. Davis fait partie de la Marine Invertebrate Diversity Initiative, une société distincte qui a été créée pour établir une base de données pour fournir plus de renseignements sur les invertébrés marins. De mon côté, je fais partie de l'Ecology Action Centre. Certains de nos membres, des pêcheurs et d'autres personnes, par exemple, habitent à Terre-Neuve, mais nous venons surtout de la Nouvelle-Écosse. Nous travaillons de concert avec des groupes de Terre-Neuve ou du Nouveau-Brunswick, et de plus en plus avec des groupes américains.

Pour ce qui est du rôle du corail, le fait est que nous ne connaissons pas vraiment la réponse à cette question. Nous connaissons très peu de choses sur ces organismes. Nous ne savons même pas combien il existe d'espèces. Nous ne savons pas où elles sont toutes. Nous ne savons pas non plus combien on perd de corail à cause du dragage. Cela pourrait faire l'objet d'un autre exposé.

Nous avons porté une cause devant les tribunaux à ce sujet parce que c'est une question extrêmement importante. Le dragage n'est peut-être pas la façon la plus intelligente de faire la pêche. Si l'on veut une pêche efficiente, il faut le minimum de gaspillage. Cela ne décrit pas nécessairement le dragage, même si l'on dit souvent que le dragage est efficient. On emploie souvent une analogie. Si on veut cueillir des champignons ou attraper des lapins, on pourrait survoler la forêt à quelque 600 ou 700 pieds d'altitude, s'assurer qu'on le fait par temps couvert, et ensuite traîner un râteau quelconque à travers la forêt dans l'espoir d'attraper quelques lapins et quelques champignons. On a déjà fait cette comparaison.

Il y a un autre type d'équipement venant de Terre-Neuve qu'on utilise depuis des centaines d'années. Je veux parler des lignes de fond. On ne peut l'utiliser que sur un fond dur. Le poisson ne mord pas pendant une certaine période au moment du frai. Les lignes de fond prennent le poisson mais causent moins de dommage à l'habitat. Nous voudrions pouvoir étudier cette méthode. Les lignes de fond risquent d'arracher le corail.

Quand on fait la pêche, c'est pour prendre et tuer du poisson. Cela a un certain impact, mais un impact moins grave. C'est ce que nous devrions favoriser.

On fait aussi la pêche à la coquille St-Jacques. On ne va pas envoyer des plongeurs sur le banc George en février ramasser les pétoncles à 100 pieds de profondeur. J'imagine qu'on en viendra à utiliser de la technologie au laser pour identifier les pétoncles, mais nous n'en sommes pas encore là. On en viendra sans doute à attribuer certains types de fond pour la pêche au pétoncle et ces fonds seront altérés de façon permanente. On en viendra à accepter une telle pêche après un débat public.

Le sénateur Cook: Pour désigner l'un des petits poissons qui se réfugie dans le corail, vous avez parlé de sébaste ou de perche de mer. Or, il a un autre nom. À Terre-Neuve, en anglais, on l'appelle le «bream».

Le sénateur Baker: J'ai remarqué que M. Davis affirme avoir fait des recherches dans les archives de la CIPAN, ce qui remonte à mon époque, c'est-à-dire il y a très longtemps. Bien sûr, c'était l'ancêtre de l'OPANO. Comme tout le monde le sait, l'OPANO comprend 17 pays qui se partagent les pêcheries au large de la côte est du Canada. Aucun autre pays au monde ne permet à 17 pays étrangers de pratiquer la pêche sur sa plate-forme continentale.

Quant à la distinction entre le chalutier et le dragueur, si vous allez dans le nord-est de la Nouvelle-Écosse, et que vous leur dites que les chalutiers sont mauvais, ils vont vous regarder comme si vous étiez fou. Je félicite M. Butler parce qu'il est le seul qui a eu l'audace de poursuivre tout le monde au ministère des Pêches et des Océans. Il jouit d'une merveilleuse réputation auprès des pêcheurs. Les pêcheurs de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve et de toute la région atlantique le tiennent en haute estime.

Je voulais vous poser quelques questions. Premièrement, le Canada est le seul pays, le seul pays côtier au monde, que je sache, qui n'a pas ratifié le droit de la mer. Monsieur Davis, cela serait-il bénéfique au gouvernement du Canada si notre comité, ou tout autre comité sénatorial formulait une recommandation ferme au gouvernement du Canada de ratifier le droit de la mer?

Avez-vous entendu parler de la Commission des limites de plateau continental?

M. Davis: J'en ai entendu parler.

Le sénateur Baker: Quel lien avez-vous avec le Service hydrographique du Canada? Pouvez-vous s'il vous plaît répondre à ma question sur le droit de la mer et faire le lien, dans votre réponse, avec le Service hydrographique du Canada?

M. Davis: Personnellement, je crois que tous les pays devraient travailler de concert dans une communauté internationale. Lorsqu'on ne fait pas cela, on fait erreur. Cela empêche un pays d'affirmer son leadership. Si le Canada adhérait en bonne et due forme au droit de la mer, il pourrait être reconnu mondialement comme chef de file. Ceci bien entendu, comporte des responsabilités.

En ce qui concerne la définition des limites, l'un des documents qui nous sert de référence — je ne l'ai pas apporté avec moi parce qu'il est trop volumineux — s'intitule: «The Natural History of Nova Scotia». C'est un projet qui a été réalisé il y a plus de 20 ans par l'entremise du gouvernement de la Nouvelle-Écosse. À bien des égards, il fut réalisé en dépit du gouvernement de la Nouvelle-Écosse. Maintenant que je suis à la retraite, je peux me permettre de faire des remarques comme celle-là, dans la limite du raisonnable.

La première version de ce texte consistait en une analyse de tous les processus naturels, de géologie aux organismes vivants, concernant la masse continentale néo-écossaise. Au cours des années 70, nous avons reçu de l'argent pour une initiative de développement économique durable. C'était la deuxième subvention en importance dans l'histoire de la Nouvelle-Écosse. Notre objectif était de remanier le document de façon à y inclure toute la partie océanique qui intéresse les Néo-Écossais.

La Nouvelle-Écosse n'a aucun titre territorial en tant que tel parce qu'il s'agit d'une zone de ressort fédéral. On ne peut dresser l'inventaire des animaux, des plantes et des organismes des grandes profondeurs jusqu'à la ride médio- atlantique. Il faut se fixer une limite. Nous avons décidé qu'il serait logique d'inclure, dans le document, les zones jugées d'intérêt économique, si bien que le territoire choisi s'étend jusqu'aux limites minérales et à la limite des 200 milles fixée pour la pêche.

J'ai apporté une carte, si vous voulez regarder cela à l'échelle. Ce document a causé un choc aux autorités. Si l'on regarde la masse continentale de la Nouvelle-Écosse, au sujet de laquelle nous avions rédigé deux volumes au cours des dix années précédentes, nous l'avons élargie de façon à inclure tout ce territoire qui s'étend jusqu'aux limites minérales et aux limites de la ressource halieutique. Nous étions d'avis que, si les Néo-Écossais voulaient l'utiliser, l'exploiter, y participer, ils devaient connaître la zone.

Dans cet ouvrage, nous avons décrit tous les phénomènes qui se sont produits dans la zone. Nous avons divisé en zones tout le plateau continental. L'idée n'est pas révolutionnaire en soi; il s'agit tout simplement de rassembler ce qu'on savait déjà dans un seul ouvrage. Nous avons réussi à définir un plateau intérieur, central et extérieur, la pente et la plaine abyssale qui s'étend jusqu'à la pente. Il faut connaître le terrain. Il faut connaître l'environnement pour décrire la distribution des espèces.

Nous nous référons constamment à ce livre. Il nous donne un cadre à l'intérieur duquel nous pouvons décrire les espèces. Lorsqu'on affirme être les propriétaires de ce territoire, il faut le connaître et il faut pouvoir justifier de cette connaissance. Lorsque l'on met en question notre revendication territoriale, on peut toujours remettre aux gens une copie de cet ouvrage.

Le sénateur Baker: Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a déjà adopté une loi cadre régissant la prospection pétrolière. C'était peut-être la loi la plus audacieuse en la matière au Canada. On y stipule que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse étendrait sa zone de compétence aux limites de ce qui est exploitable. À l'époque, il était possible d'exploiter des ressources minérales au milieu de l'Océan atlantique. D'après les experts, les gouvernements de la Nouvelle-Écosse avaient étendu la portée de sa compétence jusqu'aux côtes de l'Afrique. Cela est vraiment enchâssé dans la loi. Maintenant je vois que vous avez dessiné cette carte. Vous avez dépassé la limite permise par le droit de la mer. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez fait cela? Ce qu'a fait le gouvernement de la Nouvelle-Écosse était déjà répréhensible. Vous repoussez les limites au-delà du plateau continental et au-delà de la pente. C'est là l'élément clé.

M. Davis: Par le passé, pour se débarrasser d'une épave, on pouvait la remorquer jusqu'à la pente continentale et la couler. Si l'on souhaitait se débarrasser de munitions, on pouvait toujours les transporter jusqu'au bord de la pente et les jeter par-dessus bord. Personne n'était responsable de ce territoire.

À venir jusqu'à maintenant, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse souhaitait vivement permettre aux pétrolières de forer en eau profonde. Il n'est pas rare de forer des puits de gaz naturel à 1 000 mètres de profondeur. Il y a un certain nombre d'années, d'après ce que je sais, le seul obstacle à ces activités était de nature technologique, et il y avait aussi la question de la conjoncture économique dans laquelle on souhaitait exploiter ces richesses. Quelques mois plus tard, on m'apprenait que les problèmes techniques avaient été réglés, et que ces pétrolières n'attendaient plus qu'un climat économique favorable. Lorsque le président américain affirme que son pays doit absolument avoir des sources d'énergie, peu importe d'où elles viennent, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse bondit de joie.

Je ne devrais pas critiquer leur façon de faire. Néanmoins, le débouché existe mais ne s'accompagne pas d'une responsabilité, et nous devons y réfléchir. Si l'on veut exploiter ces ressources, il faut exercer la responsabilité nécessaire, ce qui inclut des procédures d'évaluation environnementale en bonne et due forme, qui n'existent pas pour l'instant.

Les pétrolières avec qui je suis en communication disposent de toute l'information. L'institut Bedford n'a aucun renseignement à propos des espèces vivant au pied de la pente, mais la société PanCanadian dispose de cette information.

Le sénateur Baker: D'après le droit de la mer, il est possible de régir le sol et le sous-sol. Ainsi, si l'on étendait sa compétence jusqu'aux limites du plateau continental, il serait possible de contrôler le sol et le sous-sol, et leur destruction.

M. Butler est d'avis que, à l'heure actuelle, nous détenons le contrôle du sol et du sous-sol.

M. Butler: Je n'ai pas lu l'article de référence dans la Loi sur les océans, mais je crois que le texte en fait mention. Je l'étudierai demain.

M. Davis parlait d'étendre la recherche scientifique au-delà de la limite des 200 milles. Lorsque nous avons tenu le colloque sur les récifs coralliens, de nombreux savants européens y ont participé, dont l'Allemand André Freiwald, qui dirige le Atlantic Coral Ecosystem Study, projet multinational multidisciplinaire financé sur trois ans par le Fifth Framework Research Progam de l'Union européenne. Ils font des recherches au-delà de la limite des 200 milles parce qu'ils s'intéressent à ce qui se trouve là-bas.

Les Européens sont rusés. Je me trompe peut-être, mais c'est aussi une façon d'étendre son autorité.

Le sénateur Baker: M. Davis connaît la Commission des limites de plateau continental. Il faut ratifier le droit de la mer, il faut adhérer au traité, et ensuite, le pays comparaît devant la commission pour étendre sa compétence jusqu'à 350 milles ou au-delà, selon l'endroit où la pente se situe.

J'ai su que des membres du Service hydrographique du Canada, à Dartmouth, sont présentement en Uruguay, où ils aident ce pays à élargir son territoire.

Êtes-vous au courant?

M. Davis: Ils savent comment s'y prendre.

Le sénateur Baker: Je vous félicite de la façon dont vous présentez l'argument. Un grand nombre de pêcheurs ont fait état de la destruction massive des pêches de crevettes sur le bonnet flamant, sur tous les bancs au large de la côte est et dans la partie nord du Nunavut. Lorsque des navires chargés d'un lest de 30 tonnes draguent les fonds océaniques, ils détruisent assurément tout sur leur passage.

Nos ressources halieutiques se sont épuisées. Nos grands vaisseaux dragueurs sont entrés au port et s'y sont amarrés en 1992. Nous semblons aujourd'hui adopter à nouveau les mêmes technologies destructrices. Ce sont des organismes comme le vôtre qui avertissement le gouvernement du Canada que nous sommes engagés dans une voie très dangereuse.

M. Davis: Il est très important d'amorcer cette discussion avec un fond de connaissance solide. Il ne suffit pas de dire que l'on est contre le fait d'abattre les arbres ou de draguer les fonds océaniques simplement parce que cela nous déplaît. Il faut pouvoir invoquer les arguments scientifiques à l'appui, et il faut pouvoir se justifier lorsque l'on dénonce certaines pratiques.

Au cours des années 60 et 70, on se plaignait des dragueurs étrangers sur la plate-forme scotian et sur la pente, qui causaient des dommages à la pêche. Au cours de nos recherches sur les invertébrés benthiques, nous avons constaté que la plupart des ouvrages scientifiques publiés dans le monde sont rédigés en norvégien ou en russe. Il n'y en a pas un seul publié dans un journal canadien pour témoigner de la connaissance qu'ont les Canadiens de la faune du plateau et de la pente. Il nous incombe d'enrichir le débat.

Le sénateur Phalen: Le sénateur Baker a parlé de dragueurs et de chalutiers. Lequel de ces deux types de navire cause le plus de tort à la vie marine?

M. Davis: Cela dépend de la terminologie qu'on emploie, mais on peut dire qu'un chalutier est un dragueur. En Amérique du Nord, on désigne les chalutiers par le vocable de dragueurs, et en Europe, on appelle les dragueurs «chalutiers». La confusion vient du fait que la pêche au chalut est traditionnellement une forme de pêche à la palangre.

Le président: L'épellation européenne est T-R-O-L-L-I-N-G.

M. Davis: En Grande-Bretagne, on parle de trawling avec un A-W-L, mais il s'agit bien de dragage, une technique destructrice.

Le sénateur Phalen: Laquelle des deux techniques engendre tous les problèmes au fond de l'océan?

M. Davis: Le dragage.

M. Butler: Outre le Canada atlantique, il n'y a pas beaucoup d'endroit où l'on utilise le terme dragage. Le mot lui- même est descriptif. Je sais qu'il y avait autrefois une association des dragueurs de la Nouvelle-Écosse. Il y a huit ans environ, ils ont changé leur nom et ils s'appellent maintenant la Nova Scotia Mobile Gear Fishermen's Association parce qu'ils ont cru que cela était plus favorable.

La National Academy of Sciences a publié un bon rapport. Aux États-Unis, le National Marine Fisheries Service, l'équivalent de notre MPO, a posé la question suivante à un organisme de recherche scientifique: «Pouvez-vous nous aider à nous orienter au sujet du dragage? Les écologistes nous attaquent de toutes parts, ainsi que certains pêcheurs. Quelles mesures devrions-nous prendre?» Voici la réponse qu'on leur a faite: «Il vous faut agir. Trêve d'atermoiement. Fini les délais. Identifiez les habitats à risque. Faites la promotion d'équipement de pêche moins destructeur.»

Le Conseil international pour l'exploration de la mer, dont le Canada est membre, a publié, en janvier 2000, un rapport semblable. Encore une fois, on constate que les organismes qui gèrent les pêches ont demandé conseil à des organismes de recherche scientifique pour des conseils.

Au cas où j'oublierais de le mentionner, il y a une thèse de maîtrise intéressante qui a été déposée à la Memorial University en mai 2001, intitulée: «The Impact of Mobile Fishing Gear on Benthic Habitat and the Implications for Fisheries Management.» L'auteur est en Barry McCallum, qui travaille aujourd'hui au MPO. Cette thèse renferme des renseignements très intéressants.

Le président: Sénateur Phalen, vous voudrez peut-être donner suite à cela lors de votre prochain tour.

Le sénateur Robertson: Votre travail va représenter une étude intéressante de l'habitat. C'est un bon point de départ.

Je me demande si la pêche à la drague a déjà fait l'objet d'une étude d'impact.

M. Davis: Dans notre région, non. En Europe, au cours des 10 ou 20 dernières années on a effectué des études de ce genre, en se penchant spécialement sur les modifications de comportement des poissons en réaction à la pêche à la drague, et ainsi de suite. Nous nous demandons pourquoi. Une étude d'impact est nécessaire lorsqu'on veut construire un kilomètre d'autoroute, mais elle n'est pas nécessaire lorsqu'il s'agit de traîner un filet sur un kilomètre au fond de la mer.

Nous ne sommes pas d'accord avec cette méthodologie. La méthodologie relative à l'évaluation environnementale sur terre et en eau douce, ainsi qu'en eau peu profonde, est assez bien structurée. Il y a de bons protocoles en place. Toutefois, il nous faut élaborer des protocoles si nous voulons être équitables envers l'industrie. On ne peut se contenter de leur dire: «Voici le problème, réglez-le.» Et si vous ne pouvez pas régler le problème selon la méthodologie que nous privilégions, vous n'avez pas la permission d'aller de l'avant. Il doit y avoir un protocole en place. Pour l'instant il n'y en a pas.

Le sénateur Robertson: Pouvons-nous élaborer de tels protocoles? À qui en revient la responsabilité?

M. Davis: Au MPO. Nous nous attardons à une très petite partie des côtes canadiennes. De notre point de vue, la tâche est énorme. Toutefois, du point de vue du gouvernement fédéral, il faut élaborer des protocoles ou des normes qui seront applicables dans les autres régions côtières ou maritimes canadiennes. Dans certains cas, il pourrait y avoir des différences régionales, mais il faut que les principes soient les mêmes au pays pour assurer l'équité. Il y a beaucoup de travail de base important à faire. Nous avons besoin de tels protocoles. Cela est fait de façon équitable, et les pêcheurs pourront agir de façon appropriée.

Le sénateur Robertson: Notre comité pourrait probablement faire pression auprès du ministère pour qu'il prenne l'initiative de ce projet. Comme vous le dites, rien n'a été fait et l'élaboration de telles normes pourrait être difficile, mais cela ne devrait pas nous empêcher d'agir.

M. Butler: Nous devrions emboîter le pas aux organisations de gestion des pêches américaines et européennes. Ce n'est pas que nous avons besoin de nouvelles études. Dans une étude américaine, on peut lire: «Nous n'avons pas besoin d'effectuer des recherches pendant encore trois ans avant d'agir.» C'est ce qu'ils ont dit aux gestionnaires de la pêche. Néanmoins, il nous faut faire des recherches ici au Canada, où nous n'avons jamais mené une étude objective, indépendante et rigoureuse du point de vue scientifique de l'impact du dragage au fond de l'océan. Il pourrait même s'agir de ce que le MPO appelle un PER ou processus d'évaluation régionale, c'est-à-dire le processus que l'on utilise pour d'autres types d'activités et pour les pêches.

Sous l'autorité du MPO, nos stocks de poisson se sont complètement épuisés. Nous avons vu les souffrances que cela a provoquées. Et pourtant, nous n'avons pas vraiment réglé le problème. La solution doit comprendre les pêcheurs, les défenseurs de l'environnement, voire peut-être un cultivateur de blé de la Saskatchewan. Le processus devrait être public et indépendant.

Le sénateur Robertson: Êtes-vous foncièrement contre la pêche à la drague, ou croyez-vous que cette pêche serait acceptable moyennant certaines restrictions?

M. Butler: Certains disent qu'on devrait l'interdire. Par exemple, le sénateur Comeau sait que nous n'allons pas interdire la pêche aux pétoncles, mais peut-être que nous pourrions pêcher plus intelligemment. Il faut tenir un débat qui nous permette de dire que, si nous continuons à pêcher les pétoncles, nous allons maintenir cette zone océanique dans un état perpétuellement dénaturé.

Il y a un travail intéressant qui s'effectue au Service hydrographique du Canada, à la Commission géologique du Canada (Atlantique) et à Clearwater. J'ai certaines réserves, toutefois, il y a là du travail intéressant et on utilise des technologies intéressantes pour réduire le recours au dragage et cibler plus efficacement les pétoncles.

Ce qui nous dérange au plus haut point c'est qu'il existe un autre type d'engin de pêche qui permet des captures de qualité tout en créant plus d'emplois, et pourtant ce matériel n'est pas reconnu officiellement. On explique toujours cela en disant que ce sont les pêcheurs qui se querellent pour les poissons ou les contingents. Commençons à tout le moins par reconnaître qu'il existe une autre technique de pêche qui fait moins de tort à l'écologie. C'est ce que nous souhaitons voir.

Le sénateur Robertson: Dans un article de journal, l'un de vos détracteurs affirme que vous exagérez lorsque vous dites que le Canada n'en fait pas assez pour protéger la faune marine des techniques de pêche destructrices. Ce qui appelle la question suivante: Quel pays a de meilleures pratiques, et en quoi sont-elles meilleures que celles du Canada?

M. Butler: À l'heure actuelle, un pêcheur peut traîner ses engins au fond de la mer où bon lui semble. Il n'y a aucune restriction en fonction du dommage que cela provoque au fond de la mer. Au début, par exemple, la partie occidentale du Grand Banc a été interdite d'accès aux dragueurs. Les dragueurs et les pêcheurs à la palangre pouvaient encore y pêcher. Toutefois, les dragueurs ont protesté à tel point que la zone a été interdite également aux pêcheurs à la palangre, de façon que les efforts de conservation nuisent également à tous.

Au Canada, notre méthode principale de gestion des pêches est l'établissement de contingents. Si les stocks sont appauvris, on réduit les contingents. Si les stocks ne se rétablissent toujours pas, on réduit les contingents à nouveau. Peut-être ne nous attardons-nous pas aux méthodes de pêches, aux zones exploitées et au moment choisi pour la pêche.

Les États-Unis mènent des études d'impact sur leur pêche. Ils commencent à désigner des habitats de poisson essentiels. Ils ont adopté la Magnuson-Stevens Fisheries Conservation and Management Act, loi visant à identifier les habitats essentiels. Évidemment, les Américains se rendent compte que tout le milieu marin constitue l'habitat essentiel des poissons. Toutefois, ils ont créé une nouvelle catégorie, dont le nom m'échappe. L'élément clé est l'habitat essentiel des poissons.

En Norvège, les pêcheurs ont annoncé aux chercheurs: «Il y a là des récifs coralliens précieux, et les dragueurs les détruisent. Pouvez-vous s'il vous plaît les étudier, et régler ce problème.» Ils ont tourné des images avant et après la pêche. On peut y voir un récif intact, s'élevant à 20 ou 30 mètres, riche en corail et en poisson, puis on peut voir les gravats, c'est-à-dire ce qui restent. Cela a été diffusé à la télévision norvégienne.

La Norvège est un pays marin. Je connais des gens qui sont allés là-bas en mission d'enquête et qui se disent abasourdis par le niveau de connaissance qu'ont les Norvégiens sur les pêches en général. Lorsque ces images ont été présentées à la télé, le public s'est mis en colère et a insisté pour que des mesures soient prises. Ils circonscrivent une zone de 1 000 kilomètres carrés pour la pêche à la drague, non pour la pêche à la palangre.

Ce sont les récifs les plus spectaculaires qui soient. La Norvège a toujours eu des règlements régissant la zone côtière: on a le droit d'y pratiquer la pêche à la palangre; la pêche au filet maillant; et la pêche à la palangre ligne dormante. Les pêcheurs connaissent le zonage. Il y a là une longue tradition.

Le président: Je suis sûr que les honorables sénateurs aimeraient voir cette bande vidéo. Nous vous serions reconnaissants de la mettre à notre disposition. Elle serait déposée comme pièce de témoignage.

Le sénateur Phalen: À la question du sénateur Robertson, vous avez répondu qu'il y a une zone de la Nouvelle- Écosse où l'on pourrait poursuivre la pêche aux pétoncles et la drague se poursuivrait exclusivement dans cette zone. La population se maintiendrait-elle? Les pétoncles se reproduiraient-ils? La vie disparaîtrait-elle de ses fonds marins?

M. Davis: On arrête la pêche à la drague dans les régions où il n'y a presque plus de pétoncles. Il y a un principe agricole bien connu et utilisé depuis des années qui consiste à laisser une région en jachère. Le champ est labouré, on y sème des grains et on laisse le champ se renouveler de lui-même.

Des études biologiques récentes à l'aide de radars à faisceaux multiples indiquent que les pétoncles se reproduisent et grossissent dans de bons secteurs, mais aussi que les jeunes s'établissent dans d'autres secteurs où il y a différents types d'organismes au fond de l'océan. Ils aiment se fixer sur les colonies d'hydraires, de petits animaux qui peuplent le fond marin. Le pétoncle, lorsqu'il est jeune, diffère non seulement par sa taille mais aussi par la façon dont il se comporte et vit. Il aime se fixer aux objets du fond par des filaments. Le pétoncle jeune ressemble davantage à une moule. Puis il se détache et se déplace pour aller ailleurs.

Il existe des zones destinées au rétablissement d'un stock. Les pêcheurs qui font de la pêche traditionnelle le savent. S'ils travaillent dans une zone et ne trouvent pas de pétoncle, ils vont ailleurs.

Nous avons fait une étude exhaustive en collaboration avec le MPO au large de Digby sur les différents stades de croissance d'animaux marins et de zones où la pêche a été pratiquée et de zones où elle ne l'a pas été. La différence est assez importante. Une zone laissée en jachère peut se rétablir. Elle devient un endroit où les jeunes pétoncles, entre autres, s'établissent. Quelques années plus tard, si vous y retournez vous y trouverez des pétoncles.

Si cette technique est bien utilisée et bien administrée par les pêcheurs, ils pourront maintenir le stock de façon durable.

Le sénateur Tunney: Je voulais demander aux témoins si les experts savent avec certitude ce qui a causé la disparition de la morue. Par ailleurs, avez-vous une liste des espèces de poisson en voie de disparition?

M. Davis: Je peux peut-être répondre à la question sur les espèces de poisson en voie de disparition.

Il existe à Environnement Canada une organisation qui s'appelle COSEPAC, c'est-à-dire le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ce comité a commencé par s'occuper des oiseaux et des mammifères. Il en est maintenant arrivé aux animaux inférieurs et s'intéresse désormais aux espèces de poisson.

Le Centre Référence Atlantique, situé au Centre des sciences de la mer Huntsman, à St. Andrews au Nouveau- Brunswick, vient de terminer une étude sur la diversité des espèces de poisson dans les eaux de l'Atlantique. Il en a recensé 300 espèces. Ces espèces peuvent maintenant être catégorisées en fonction de leur répartition. Le centre peut produire des cartes de répartition de ces poissons de manière à déterminer la situation de chacune de ces espèces.

Dans la région atlantique du Canada, nous devons faire la distinction entre différents phénomènes. Un phénomène que l'on constate en Nouvelle-Écosse, c'est la présence de poissons tropicaux. Cela peut paraître étrange, mais dans certaines baies de la côte sud, les poissons des Antilles sont tout aussi courants que les poissons locaux. La cause en est un phénomène océanographique qui est attribuable au Gulf Stream. Ce n'est pas une histoire de newfi. Ce n'est pas un bobard.

Les poissons bons nageurs arrivent comme alevins. Lorsque le temps refroidit, l'automne et l'hiver, les alevins qui ne peuvent pas s'en aller meurent ou ralentissent et sont mangés par des prédateurs. Les espèces actives vont ailleurs. Le thon va à la recherche d'eau plus chaude.

Lorsqu'il existe une liste de 350 espèces, nous devons être prudents. Nous ne devrions pas dire que parce qu'une espèce a été repérée deux fois, elle est par conséquent rare et devrait être protégée.

Nous tenons compte des espèces indigènes, des poissons qui vivent ici toute l'année. Nous sommes arrivés à un stade au Centre Référence Atlantique où nous travaillons en collaboration avec le Centre de données sur la conservation, qui se trouve aussi au Nouveau-Brunswick, pour être en mesure de dire qu'il s'agit des espèces importantes. Leur statut sera évalué par le COSEPAC qui formulera alors une recommandation en ce qui concerne leur protection. C'est le mécanisme qui est prévu.

M. Butler: Si vous examinez certains dossiers du MPO, il y a un moment en 1995, je crois, où on a fait preuve d'une certaine ouverture et a publié certains rapports des techniciens de port. Il s'agit de personnes sur les quais qui écoutent ce que les pêcheurs ont à dire. Il y avait des histoires horribles de prises de 500 000 livres de poisson et de débarquements de 300 000 livres. Cela n'a jamais été pris en compte dans les évaluations scientifiques.

Lorsqu'a débuté le changement environnemental, les stocks se sont effondrés et tout cela a été attribué au refroidissement de l'eau — c'était la réponse fournie par le MPO. Il est possible que le changement des températures de l'eau ait joué un rôle dans le recrutement à la pêche. Je suppose que nous signalons en partie aujourd'hui, en partie, que la disparition ou le changement d'habitat a joué un rôle. À Terre-Neuve et dans l'ouest de la Nouvelle-Écosse, j'ignore quels étaient les quotas dans les années 70 et 80, mais il y en avait 50 000 tonnes et aujourd'hui il n'y a plus rien. Certains disent aussi que les phoques font obstacle au rétablissement des stocks. C'est peut-être un facteur mais on n'en est pas sûr.

On s'occupe très mal de cette question. Je voulais simplement dire un mot à propos de l'extinction. Il est possible que la morue ne disparaisse jamais, mais si vous allez à n'importe quel petit port en Nouvelle-Écosse et que vous parlez à un ancien à propos de l'endroit où il avait l'habitude de pêcher la morue, l'aiglefin ou la limande, il vous dira: «Juste à un mille de la terre ferme dans l'estuaire qui se trouve là-bas.» Maintenant, c'est chose du passé. Dans la baie de Fundy au large du Maine, des spécialistes ont dressé la carte de l'endroit où l'on trouvait il y a 100 ans les frayères de morue. La morue n'y fraie plus aujourd'hui. À mon avis, la principale cause est la méthode de dragage utilisée où on cible des bancs de poisson.

Le sénateur Tunney: Je crois comprendre, d'après ce que j'entends, que la cause en est encore relativement imprécise. Ma théorie c'est que s'il n'y avait pas eu de dragage, nous n'aurions pas constaté une diminution de la population de morue.

M. Davis: ... de toutes les espèces.

M. Butler: Un historien pourra vous indiquer la quantité de poisson débarqué à Terre-Neuve dans les années 1800 ou au début des années 1900, et il s'agissait de grandes quantités. Pourtant, on n'a pas été témoin du genre de catastrophe que l'on constate aujourd'hui.

Le sénateur Mahovlich: Est-ce que tous les coraux portent un nom maintenant? Ont-ils été tous découverts ou y en a- t-il qui n'ont pas encore été découverts?

M. Davis: Lorsque nous avons fait notre première enquête et rédigé notre rapport, nous avons examiné la documentation et constaté que 20 espèces de coraux avaient été recensées dans les zones extracôtières, particulièrement au large de la Nouvelle-Écosse et de la Nouvelle-Angleterre, mais surtout au large de la Nouvelle-Écosse. Pas plus tard que l'année dernière, deux autres étudiants qui travaillaient à ces projets ont fait tout le tour de la pente continentale de Terre-Neuve jusqu'à la pente du Labrador et jusqu'à l'extrémité nord du Labrador et on commençait à trouver pas simplement de nouvelles populations mais aussi des espèces qui n'avaient jamais été recensées auparavant.

Le problème qui se pose, surtout en raison de la pénurie de taxinomistes, c'est que nous ne pouvons pas être sûrs que les espèces que nous recueillons ici sont les mêmes que celles décrites provenant d'autres endroits. Nous les examinons de façon logique en fonction de leur forme de croissance. Même s'il peut y en avoir deux qui sont assez similaires, mais qui pourraient représenter deux espèces différentes, pour l'instant on peut en fait les conserver et s'en occuper en tant que forme unique, en sachant qu'un jour quelqu'un examinera de plus près ces organismes et déterminera s'ils représentent plus d'une espèce.

Le sénateur Mahovlich: M. Butler a parlé de bigorneau. Est-ce le nom que l'on a donné à une espèce de corail?

M. Davis: Ce bigorneau est une espèce d'escargot comestible. Il y a différentes histoires qui s'y rattachent. En fait, nous en avons un spécimen ici pour vous; vous verrez qu'une huître s'y est fixée. Je vais le faire circuler. C'est sur les bancs de bigorneau que s'établissent les huîtres.

Cet animal est bien connu aux alentours de la Nouvelle-Écosse, dans le golfe du Saint-Laurent et jusqu'à la côte de la Nouvelle-Angleterre. On croit qu'il provient d'Europe et a été introduit ici dans les années 1800. Son histoire est très intéressante. Plus précisément, il a été introduit à Pictou et est probablement arrivé avec le bateau Hector. Sa présence a été recensée la première fois dans le port de Pictou en 1865, mais aussi sur des plages qui remontent à 3 000 ans. Il s'agit d'une espèce européenne qui a été introduite ici. Nous ouvrons un tout nouveau chapitre de notre compréhension de la situation dans cette région.

Lorsque vous avez 3 000 animaux, non seulement voulez-vous connaître précisément le nom de chacun d'entre eux, mais vous voulez aussi examiner leur ADN, par exemple. Le MPO s'intéresse de près à déterminer l'ADN de toutes ces espèces. C'est une vaste entreprise mais chaque espèce présente toutes sortes de caractéristiques complexes, que ce soit sur le plan de la reproduction, de l'alimentation, de son introduction, de sa disparition, et cetera. Chaque espèce possède sa propre série de caractéristiques. Nous aimerions, avec le temps, rassembler toutes ces caractéristiques.

Le sénateur Adams: Nous sommes tous au courant de la pisciculture et de la mytiliculture ou élevage des moules. Est-il difficile de cultiver les pétoncles? Doit-on les élever dans le fond de la mer? Les moules sont cultivées en rangée. Qu'est-est-il de l'élevage des pétoncles?

M. Davis: L'aquaculture de différentes espèces nécessite des techniques différentes. L'élevage des pétoncles n'est pas aussi facile que celui des moules et des huîtres, mais certains s'y sont essayés.

Le sénateur Adams: Est-ce qu'ils vivent surtout aux alentours de bancs de coraux ou peut-on les élever sur un fond marin à surface plus lisse?

M. Davis: Habituellement, la superficie est beaucoup plus plate et beaucoup moins profonde, c'est-à-dire une vingtaine de mètres de profondeur ou un peu plus. Le fond marin est habituellement un fond sablonneux ou de gravier.

Le sénateur Adams: Les éleveurs de pétoncles voient-ils leur récolte diminuer? Combien de temps faut-il pour qu'un pétoncle atteigne une taille où il peut être vendu?

M. Davis: Ils vivent jusqu'à 20 ans. C'est très intéressant lorsque des gens trouvent de nouveaux bancs de pétoncles qui peuvent être exploités. On le constate nettement au supermarché car tout à coup les pétoncles vendus sont très gros.

J'aimerais vous raconter une petite anecdote, si vous me le permettez. Dans les années 70, je travaillais sur le navire de recherche EE Prince. L'équipage avait convenu que tout le poisson, une fois qu'il était compté, devenait la propriété de l'équipage et que je pouvais avoir les invertébrés. Au nord de l'île de Sable, nous avons découvert d'incroyables pétoncles. J'ai décoquillé des pétoncles pendant des heures. Ils étaient très gros, d'où le nom de pétoncle géant qui leur a été donné. C'est l'un des plus gros pétoncles qui existent.

En fait, par la suite, on a épuisé ces importantes populations. Tant que les pétoncles sont viables sur le plan commercial, les éleveurs récolteront les petits, bien qu'ils pourraient atteindre une taille beaucoup plus grande s'ils n'étaient pas pêchés.

Le sénateur Adams: Entre-temps, est-ce une bonne chose d'ajouter du poisson aux coraux pour accroître la fécondation des oeufs? Est-ce bien le cas?

M. Davis: Les modes de reproduction varient, mais la plupart des invertébrés produisent leurs larves dans le plancton. La fécondation est externe, et les oeufs se développent dans le plancton et finissent par s'établir au fond de l'océan dans un habitat qui leur convient. Ils sont donc répartis sur une grande étendue et des millions de larves sont produites. Par conséquent il est relativement facile de coloniser à nouveau un habitat qui est convenable. Si on ne touche pas à un secteur, qu'il s'agisse de coraux, de pétoncles ou quelle que soit l'association des espèces, ils se rétabliront rapidement en raison du nombre important de larves.

Le sénateur Adams: J'écoutais une station de radio locale de Rankin Inlet, la CBC, et j'ai appris qu'en Islande on a inventé un ordinateur avec lequel on peut aller à la pêche. En avez-vous entendu parler? Cette personne est allée à l'île de Baffin pour le mettre l'essai. S'il attrapait un poisson, il pouvait en attraper un autre à chaque fois, mais personne ne sait combien de temps la pile va durer. Avez-vous entendu parler de cela?

M. Butler: Je n'en ai pas entendu parler. Il est préférable de ne pas dépendre d'une pile.

Le sénateur Cook: Il s'agit plutôt d'une observation. Je suis en train de lire votre diagramme qui indique la chaîne alimentaire de certaines espèces. Il y a une morue qui se nourrit de crabes et d'escargots, et un églefin. Je connais la différence entre une morue et un églefin; cependant, lorsque vous les cuisinez la différence est imperceptible. Pourtant, leur nourriture est tout à fait différente.

M. Davis: Je ne me fierais pas trop à ces diagrammes. Je ne pense pas que l'oursin soit très bon à manger, même pour un poisson, mais essentiellement certains animaux se nourrissent de différentes choses à différentes étapes de leur vie. Lorsque la morue est plus jeune, elle se nourrit surtout de plus petits poissons. Ce sont les adultes qui se nourrissent d'invertébrés.

Le sénateur Cook: Lorsqu'ils sont adultes, la différence n'est pas énorme, n'est-ce pas?

M. Davis: Cela dépend de leurs migrations et de leur comportement adulte, s'ils se nourrissent surtout dans le bas ou dans le haut de la colonne d'eau. Cela varie. Oui.

Le sénateur Robertson: Ce sera intéressant. À l'échelle internationale, nous avons eu de mauvaises expériences avec certains stocks de poisson qui ont été dévastés. Le problème que nous avons eu au Canada au cours des dernières années est toujours très clair dans notre mémoire. Lors d'une autre séance ce matin, on a demandé comment il fallait s'y prendre pour que le gouvernement donne suite à nos recommandations et à notre rapport. Comment faire pour qu'ils écoutent ce que nous avons à dire, et ce que nos témoins ont à dire?

Je me rappelle que cet argument a épuisé le sénateur Marshall qui a tenté de faire en sorte que le gouvernement écoute et réagisse. Je ne sais pas pourquoi, dans les régions où la pêche est si importante, nous ne sommes pas chef de file dans le domaine de la protection de l'habitat.

Auriez-vous, messieurs, des recommandations à faire quant à la façon dont nous pourrions faire bouger un peu les choses?

M. Davis: À notre avis, à bien des égards, il faut mettre le gouvernement dans la gêne pour qu'il fasse son travail. Nous savons qu'il y a des considérations importantes et des priorités. S'il y a une question qui doit être examinés et dont il faut s'occuper, il ne faut pas lâcher. On ne peut pas tout simplement dire qu'on a essayé et qu'on a échoué. Il faut travailler sans relâche.

Au Comité des questions marines, bon nombre de nos membres sont de jeunes étudiants qui ont 30 ou 40 ans devant eux pour harceler le gouvernement jusqu'à ce qu'il fasse quelque chose. Nous y travaillons sans relâche. Nous attirons constamment l'attention du public. Nous avons constaté que la collaboration était très importante. Le fait que nous travaillons en collaboration avec le gouvernement est sans doute plus bénéfique que si on le poursuivait, bien que M. Butler et moi-même ne soyons pas d'accord là-dessus. C'est pourquoi MIDI est une organisation distincte. Ils nous ont mis à la porte.

Il y a différentes façons de s'y prendre: la collaboration, le partage, la participation à l'expérience. Cependant, pour MIDI et EAC, l'important c'est d'informer le public afin qu'il soit au courant des enjeux.

En ce qui a trait aux questions environnementales en général, l'Ecology Action Centre a eu beaucoup de succès. C'est un organisme qui existe depuis 30 ans et qui a beaucoup de succès. Une bonne partie de son succès est attribuable au fait qu'il éduque ses membres et les gens avec qui il traite en ce qui concerne les questions environnementales. Nous devons éduquer le public sur la vie marine, sur l'importance de tout cela pour nous, et sur les responsabilités que le gouvernement devrait prendre. Le public est alors suffisamment informé pour poser les bonnes questions, pas où cela blesse le député local. Il pose des questions éclairées au sujet de ce que le parti fait relativement à certains problèmes.

M. Butler: Il faut regarder à qui profite le statut quo. On peut regarder à qui profite la situation actuelle. C'est peut- être avantageux pour certains, mais ça ne l'est pas pour beaucoup de gens.

Le MPO n'est pas un organisme homogène. Je crois que le problème se situe en grande partie au niveau de la direction de la gestion des pêches. Il n'est pas facile de gérer les pêches, et les gens qui connaissent les pêches le savent. Depuis l'effondrement des stocks, on n'a jamais fait un examen honnête et ouvert pour déterminer ce qui n'a pas marché et comment nous pouvons corriger la situation, sans blâmer qui que ce soit.

Nous étions peut-être chef de file il y a 15 ans dans le domaine des pêches ou de l'océanographie, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. On nous a dépassés. Lorsque les États-Unis décident de faire quelque chose, ils le font habituellement. Ils demandent à la National Academy of Sciences de leur donner une réponse, et c'est ce que fait l'Académie. Ils ont leurs propres problèmes, et nous avons une avance à certains égards, mais pour des choses très importantes, nous avons du retard. Nous avons décidé de nous adresser aux tribunaux. Il n'y a pas de solution unique.

Ce qui est frustrant, c'est de ne pas être écouté. On a vu le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques dire au MPO et au ministre de faire certaines choses, mais qui sont restées lettre morte. Lorsque l'Académie nationale des sciences se prononce sur la question des engins et affirme que l'affaire est close et qu'il faut agir, le représentant à qui elle s'adresse ne réfute rien des arguments scientifiques.

Le sénateur Baker: Le Service hydrographique du Canada demande 30 millions de dollars pour finir de cartographier le lit marin, à l'extérieur de la zone dont vous parlez. Est-ce très important?

M. Davis: Très. Ainsi, pour ce qui est des travaux que nous effectuons sur les invertébrés, on est en droit de se demander quoi faire de tous ces chiffres sur les invertébrés marins. On publie les données. Toutefois, s'il était possible d'illustrer cette information sous forme de carte, cela serait beaucoup plus révélateur pour bien de gens qui pourraient voir où se trouvent les espèces. Or, sans une carte du fond océanique, c'est impossible.

Dans la mesure où on peut colliger les données, les cartes doivent être détaillées pour bien des espèces parce que nous voulons être en mesure de démontrer que la population change au fil du temps. Lorsque l'on parle des espèces, deux facteurs sont importants, soit le changement dans l'espace et le changement dans le temps de la population. Voilà ce qu'on veut savoir au sujet des poissons. Or, c'est tout à fait possible de le déterminer, grâce aux merveilleux logiciels qui permettent de voir où se trouve le poisson à différents moments de l'année, notamment.

Mais pour y parvenir, il faut avoir une carte de référence. C'est ce que reconnaît le gouvernement canadien dans son programme «Géo Connexion», qui est assez méconnu du public. Il s'agit d'un programme de 50 millions de dollars échelonné sur plusieurs années qui doit servir à colliger toutes les données cartographiques permettant d'exprimer sur des cartes l'information concernant le Canada. Il ne sert à rien, en effet, de dire que l'on a des bigorneaux. Le programme permettra de déterminer la latitude et la longitude de l'endroit d'où provient le bigorneau et, si possible la date à laquelle le bigorneau a été pêché et d'autres coordonnées. Tout cela devient très utile sur une carte. Au fur et à mesure que ces façons de traiter les données d'une façon géographique se généralisent — et les ordinateurs le permettent— la carte de référence devient un besoin essentiel.

Le sénateur Baker: Prenons un banc de maquereaux. Il existe aujourd'hui une technologie qui permet d'utiliser des sondes, comme on le fait en Norvège, en Suède et dans une certaine mesure au Canada, pour ne pêcher que les maquereaux qui sont au fond du banc. L'ordinateur permet d'ajuster le filet de façon qu'il ne pêche que les poissons du fond. C'est une technique de gestion de pêche très poussée.

Or vous, vous vous inquiétez — comme tous les Canadiens devraient aussi s'en inquiéter — de la destruction complète de l'environnement marin et du lit de l'océan. Cette destruction est généralement associée à l'utilisation des deux gros panneaux que draguent les chalutiers. Il y a actuellement environ 40 de ces bateaux qui draguent leurs panneaux en causant un remous qui parcourt le filet comme un tourbillon. Toute la poussière, et bien d'autres choses encore, est soulevée du fond de l'océan et s'écoule jusqu'au fond du filet où se trouvent des grilles qui permettent de séparer les autres types de poisson.

Vous rendez-vous compte? Nous avons fait des progrès au point d'être capables de séparer les poissons, mais pas au point où nous puissions pêcher les crevettes, de même que tous les autres poissons plats qui se trouvent au fond de l'océan sans traîner de grands panneaux d'acier pesant chacun 30 tonnes qui saccagent le fond de l'océan.

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi nous ne réussissions pas à faire autrement? Cet engin était utilisé il y a de cela 50 ans. La ligne descend jusqu'au fond de l'océan où se trouvent les poissons, puis ces panneaux d'acier gigantesque draguent le fond de l'océan en traînant un filet en forme de cône qui ramasse tout et détruit tout. Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi la technologie actuelle ne nous permettait pas de nous débarrasser de ces panneaux qui traînent des filets? Avez-vous déjà fait des lectures là-dessus? Y a-t-il quelqu'un dans le monde qui ait trouvé une solution au problème?

M. Davis: Cela fait des années que l'on étudie les techniques d'engins de pêche. D'ailleurs, je suis tombé sur une étude historique de la pêche en Écosse il y a de cela quelque temps, étude que j'ai remise à M. Butler. Il s'agissait d'une plainte entendue par le Comité écossais des pêches vers 1876 selon laquelle les chaluts de fond détruisaient les zones de frai du hareng. En fait, cette technique de chalutage par le fond a été inventée par les Hollandais. Vous voyez que cela fait 150 ans ou plus que l'on pêche de cette façon. Toutes les innovations technologiques sont soumises aux gains économiques, dès que le bateau de pêche va en mer. Ce qui compte, c'est la production par heure-personne et les bénéfices.

Le sénateur Baker: Comment feriez-vous pour ajuster le filet? La corde va ici, et il y a d'énormes poids qui gardent le filet au fond de l'océan. Si l'on peut ajuster le filet de sorte que cette partie-ci ne traîne pas au fond de l'océan, pourquoi ne pourrait-on pas le remonter un tout petit peu plus pour qu'il ne drague pas le plancher de l'océan?

M. Davis: Notre solution est simple: cessons d'utiliser cette méthode mais utilisons plutôt les palangres. C'est une méthode très simple que nous connaissons depuis des années.

Le sénateur Baker: C'est intéressant.

Le président: Monsieur Butler, nous parlions vous et moi de la Loi sur les océans avant la réunion, et je mentionnais tout le potentiel que présentait cette loi, si elle était appliquée comme il faut. J'ai déjà dit officiellement à quel point j'appuyais la Loi sur les océans.

Je sais que votre groupe est établi dans les zones de protection marine, qui constituent l'un des grands instruments de la Loi sur les océans. La Parlement est actuellement saisi d'un projet de loi portant sur les aires de conservation marine et devant financer la création de divers parcs. Même si nous songeons à financer des parcs marins, nous ne semblons pas être encore pleinement sensibles au potentiel que représentent les zones de protection marine.

Vous a-t-on demandé de comparaître à un comité parlementaire pour dire ce que vous pensiez de ce projet de loi? Si je vous en parle, c'est qu'il serait gênant que le MPO — ministère qui n'a pas d'antécédents institutionnels, de connaissance ni de contacts, ou si peu, avec les milieux de la pêche — soit celui chargé de mettre en oeuvre les parcs marins, alors qu'il n'arrive pas à créer des zones prévues de protection marine. Vous êtes-vous déjà posé la question?

M. Butler: Nous avons comparu au Comité permanent des pêches de la Chambre des communes pour parler de la lenteur de la mise en oeuvre de la Loi sur les océans, malgré la rapidité avec laquelle se développait le secteur du gaz et du pétrole et malgré d'autres activités aussi. La Loi sur les océans a été adoptée en 1997, et depuis, il n'y a pas eu grand- chose: on a vu beaucoup d'études et de discussions à l'interne, mais peu d'action.

Pour ce qui est des zones de protection marine, nous ne sommes pas sur la même longueur d'ondes que certains de nos collègues dans le milieu de la conservation. À notre avis, les zones de protection marine ont un rôle à jouer, puisqu'elles offrent plus de souplesse que les aires de conservation marine qui relèveraient, pour leur part, du ministère du Patrimoine. Une zone de protection marine ne protégera qu'environ 10 à 15 p. 100 de l'océan.

Comme le disait un de mes amis pêcheurs, ce ne sont pas des zones de protection marine que nous voulons, c'est la protection de toutes les zones marines. En créant une zone de protection marine, vous ne protégez que 10 p. 100 de l'océan. Je présume que si vous en créez une, c'est pour protéger cette zone de quelque menace, comme, par exemple, de certains types de pêche. Ce faisant, toutefois, vous ne ferez que déplacer cette pêche.

Où se déplacera cette pêche? Elle ira ailleurs et ira faire ses dommages ailleurs. C'est un peu comme ce qui se passe au Costa Rica, où 13 à 14 p. 100 de l'océan est protégé, ce qui ravit tout le monde. C'est vrai que ce que l'on y voit est remarquable, et que si l'on n'avait pas agi ainsi, les pertes auraient été énormes. Toutefois, lorsque vous survolez le Costa Rica, vous voyez des cercles de vert dans l'océan au-delà desquels il n'y a pas grand-chose. Dans l'océan, les poissons et l'eau se déplacent.

Il faut protéger l'océan de façon beaucoup plus intégrée. C'est bien beau d'affirmer qu'on a créé un océan sauvage et protégé une magnifique zone de corail où s'ébattent des baleines. Cela donne l'impression que tout est beau dans le meilleur des mondes, alors que 90 p. 100 de l'océan reste attaqué. Et peut-être n'avons-nous pas non plus réglé le problème du dragage.

Dans la Loi sur les océans, on trouve une clause sur la gestion intégrée, en vertu de laquelle il est possible de limiter les activités dans de grandes zones comme la partie orientale de la plate-forme Scotian. Voilà le genre de mesures qui nous intéressent plus.

Le sénateur Adams: Actuellement, je siège au comité qui étudie le projet de loi C-10 sur les parcs marins et qui entendra des témoins, le comité de l'énergie. Il est déjà prévu que nous entendrons des représentants de Parcs Canada au sujet du projet de loi C-10.

M. Butler: Je voudrais ajouter une chose. M. Davis est un taxinomiste, c'est-à-dire qu'il identifie des espèces et s'y connaît en invertébrés marins. Or, tout ce domaine était négligé dans les années 70 et 80. C'était la biologie moléculaire, la génétique, le modelage des écosystèmes par calcul intégral qui étaient à la mode. Or, nous venons soudainement de découvrir que nous n'avons pas les compétences voulues pour identifier les espèces existantes. Or, quand on ne connaît pas une espèce, on ne connaît pas grand-chose d'autre. Ce qui est prometteur, c'est que beaucoup de jeunes se sont tournés à nouveau vers notre domaine depuis quelques années.

Il nous faudrait rouvrir ce secteur fondamental de la science. Votre comité voudra peut-être appuyer cette recommandation.

Le président: Au besoin, nous vous demanderons des précisions.

Honorables sénateurs, acceptez-vous que les documents présentés ce soir par les témoins soient annexés en pièces jointes?

Des voix: D'accord.

Le président: J'ai une dernière chose à demander à nos témoins. Notre comité est intéressé par les succès dont les nouvelles ne font pas état. Nous aimerions pouvoir publier sur notre site Web ou montrer dans notre information des cas de réussite. Ce que nous a dit M. Davis au sujet de ce vieux document qui a été copié, voilà une histoire de réussite, tout comme l'est aussi le catalogage qui aurait dû être fait par le MPO et non pas par les ONG.

Mais je comprends que vous ayez pris les devants, puisque le ministère n'agissait pas. Donc, voilà le genre de réussite que nous aimerions publier sur notre site Web, puis éventuellement dans notre rapport. Si vous en avez d'autres, veuillez nous les faire parvenir.

La soirée fut intéressante. Nous avions prévu finir vers 8 h 30, mais comme vous le constatez, nous avons largement débordé de notre cadre horaire, ce qui prouve que vous avez intéressé les membres du comité. Nous avons été intéressés par ce que nous avons entendu et vous remercions du temps que vous nous avez consacré.

Merci aussi d'avoir partagé vos connaissances et votre passion.

La séance est levée.


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