Délibérations du Comité sénatorial permanent
des affaires étrangères
Fascicule 7 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 25 avril 2001
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 16 h 10, afin d'examiner, pour en faire rapport, les faits nouveaux en matière de politique, de questions sociales, d'économie et de sécurité en Russie et en Ukraine, les politiques et les intérêts du Canada dans la région, ainsi que d'autres sujets connexes.
Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, la séance est ouverte. J'aimerais m'excuser auprès de nos deux témoins qui ont fait preuve de beaucoup de patience, puisqu'ils attendent depuis au moins 45 minutes que nous commencions.
M. Neil McIlveen, directeur de l'analyse et de lamodélisation, Ressources naturelles Canada: Monsieur le président, nous vous remercions de nous donner la possibilité de vous faire part de nos perspectives quant à la politique russe, tout en vous donnant un aperçu des conseils en matière de politique énergétique que nous avons donnés au fil des ans augouvernement central comme à certains des gouvernements régionaux.
Ce travail s'est fait essentiellement dans le cadre d'un projet initialement financé par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international en 1992, projet appelé Initiative de législation et de réglementation et que nous avons tous appelé «Initiative de gouvernement à gouvernement».
Nous avons pensé parler de ce projet et de son élargissement, car il représente le coeur ou l'essentiel du travail que nous avons accompli en Russie dans le domaine de l'énergie, notamment dans celui de la production pétrolière. Il permet de faire ressortir certaines des leçons que nous en avons tirées. Je ne me propose pas d'examiner le document en détail, mais vous souhaiterez peut-être vous y reporter pour suivre l'historique de cette initiative.
Cet exposé porte sur les années 1992 à 1996 au cours desquelles j'ai assuré la coordination de cette initiative.L'Institut canadien du droit des ressources l'a reprise et l'a considérablement élargie et approfondie depuis.
Cette initiative a été mise au point pendant les derniers stades de l'effondrement du régime soviétique. Le Canada, ainsi que plusieurs autres pays, désiraient vivement donner des conseils et apporter de l'aide à la Russie pour encourager le processus de réforme. Le ministre des Ressources naturelles de l'époque, l'honorable Jake Epp, a annoncé l'initiative à Moscouen 1992. On nous a demandé par la suite de nous rendre en Russie pour mieux cerner les conseils offerts par le Canada susceptibles d'intéresser les dirigeants russes.
C'est le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international qui, en 1993, a officiellement financé ce projet. Cette initiative s'expliquait par le fait que le secteur du pétrole et du gaz était essentiel au succès des réformes entreprises en Russie. Comme vous en avez probablement été informés, les exportations de pétrole et de gaz représentent une importante source de recettes en devises étrangères pour la Russie. Les chiffres varient, mais elles représentent près de 70 à 80 p. 100 du total des exportations de la Russie et sont essentielles, puisqu'elles fournissent les ressources nécessaires pour la réforme. Au plan de la paix sociale, il est évident que l'énergie et l'accès des Russes à l'énergie sont essentiels à ce processus.
Nous avons également pensé aux similitudes assez nombreuses entre les secteurs du pétrole et du gaz du Canada et de la Russie. Les deux pays sont des États fédéraux et, comme au Canada, les régions de Russie assurent le contrôle de leurs ressources naturelles, où au moins, le partagent avec le gouvernement central. La géologie est quelque peu semblable. La majeure partie des ressources pétrolières dans les deux pays sont classiques et souterraines; la plupart de notre technologie est exportable. Par ailleurs, la propriété des ressources en Russie revient à l'État, ce qui de nouveau représente une situation semblable à celle du Canada, tout en étant cependant très différente de celle des États-Unis.
Selon nous, cette aide du gouvernement pouvait avoir des incidences commerciales et représentait une forme discrète de promotion du commerce. Elle a également aidé les sociétés canadiennes à avoir accès aux décideurs russes.
Nous nous sommes aperçus très tôt que mon ministère, Ressources naturelles Canada, n'était pas l'unique gardien de la sagesse et nous avons pensé qu'il valait mieux regrouper lesavoir-faire de plusieurs organismes, tant du secteur privé que du secteur public, et de mettre l'accent sur l'un ou l'autre pour apporter notre aide en fonction de ce que les Russes souhaitaient.
Nous avons créé un premier partenariat auquel participaient à l'occasion Ressources naturelles Canada, Affaires indiennes et du Nord, l'Office national de l'énergie et le ministère des Finances et, du côté provincial, l'Alberta Energy Department, comme on l'appelait à l'époque. Ce ministère était l'un des premiers participants «privilégiés» tout comme l'Institut canadien du droit des ressources, à Calgary.
Au cours du projet, nous avons également sollicité la participation du secteur privé, comme Petro-Canada, ainsi que de plusieurs sociétés de conseils.
Le reste du document expose en détail les projets sur lesquels je ne vais pas trop m'attarder.
Nous avons essayé de déterminer les principaux secteurs sur lesquels les Russes souhaitaient mettre l'accent pour la réforme de leur gestion du pétrole et du gaz. Nous nous sommes entendus sur sept projets, avec leur accord. Ils nous ont demandé d'examiner l'une des premières versions de la loi russe sur le pétrole et le gaz, laquelle, je crois, a été finalement rejetée par la Douma.
Ils se sont intéressés à la gestion conjointe des ressources dans un État fédéral. Comme je l'ai dit plus tôt, en vertu de la loi russe sur le sous-sol, le gouvernement central et le gouvernement régional sont propriétaires conjoints des ressources. Parconséquent, ils sont fort intéressés par les systèmes que nous avons mis au point pour les relations fédérales-provinciales dans le domaine de l'énergie et, en particulier, par la façon dont fonctionne le système dans la zone au large des côtes de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse.
Ils se sont également intéressés aux systèmes financiers, aux régimes d'imposition, qu'il s'agisse des redevances ou des impôts sur les bénéfices. Ils se sont intéressés à la gestion des droits ainsi qu'à l'émission et à l'échange des licences de prospection. L'accent a également été mis sur les bonnes pratiques relatives aux gisements pétroliers. Lorsqu'on visitait un gisement pétrolier en Russie, on pouvait habituellement dire où se trouvaient les réseaux de collecte du pétrole au-dessus du sol. L'application de technologies et de règles appropriées relatives à la production sont toujours essentielles.
La Russie s'est également intéressée, surtout dans les régions du nord, au rôle des groupes autochtones dans la gestion des ressources. On retrouve plusieurs groupes autochtones le long de la côte nord de la Russie qui jouissent de droits en matière de ressources.
Enfin, ils se sont également intéressés à la privatisation.À l'époque, beaucoup de leurs sociétés étaient en plein processus de privatisation et ils s'intéressaient de près à l'expérience canadienne, notamment vis-à-vis de Petro-Canada.
Nos projets se sont articulés autour de ces thèmes. Il est difficile, compte tenu de la politique russe de l'époque, d'en connaître le succès; en effet, la situation se dégradait sur de nombreux plans.
Nous avons au moins préparé le terrain. Lors de l'implantation de ces projets et des allées et venues entre le Canada et la Russie, nous avons créé des liens étroits avec les hauts fonctionnaires du ministère russe de l'énergie ainsi qu'avec d'autres organismes responsables de la politique dans ce domaine. Comme je le disais plus tôt, l'ICDR a élargi et approfondi le projet. Après avoir entendu Mme Keeping, vous verrez que nous avons retenu quelques-uns des thèmes les plus généraux dont nous avons débattu avec les représentants russes et que nous avons mis l'accent sur des applications pratiques pour qu'ils puissent s'en servir dans leur système de gestion des ressources.
Le président: J'aimerais poser une question à propos de votre témoignage. Nous avons ici une carte. Si je comprends bien, la principale région russe productrice de pétrole et de gaz n'est pas une région très vaste le long de l'océan Arctique, c'est plutôt une péninsule, n'est-ce pas?
M. McIlveen: Non.
Le président: Pourriez-vous nous indiquer sur la carte la région dont nous parlons? Cela nous faciliterait les choses.
M. McIlveen: Il y a plusieurs régions productrices de pétrole en Russie. Ce pays occupe toujours le deuxième rang mondial des producteurs de pétrole. Les principales régions se trouvent du côté est de l'Oural. Je crois que près de 60 p. 100 du pétrole provient de cette région terrestre.
Le sénateur Bolduc: En Russie même, pas au Kazakhstan?
M. McIlveen: Le Kazakhstan se trouve ici. La région dont je parle s'étend vaguement autour de Chumen et au nord. Il y a d'autres régions. La production est assez importante dans l'ancienne région de Bogagrad.
Le sénateur Grafstein: Rien à l'ouest de l'Oural?
M. McIlveen: On retrouve certains gisements à l'est. D'après les Russes, le potentiel est énorme, mais aucune prospection n'a été faite. Ils savent qu'il y a du pétrole dans deux autres régions et il s'agit simplement de l'extraire.
Il y a aussi du pétrole marin dans cette région et du pétrole terrestre près d'Archangel. L'autre grande région pétrolière connue se trouve près de l'île Sakhaline. La dernière fois que j'ai vérifié, il y avait trois grands projets de prospection pétrolière dont l'importance était de près de deux ou trois fois celle d'Hibernia.
Le président: La production qui est destinée à l'Europe de l'Ouest provient-elle essentiellement de la région dont vous parlez?
M. McIlveen: Oui.
J'ai parlé du pétrole. Si je me souviens bien, il y a également du gaz dans la même région. Il y a aussi quelques grands champs de gaz que les Russes espèrent exploiter un peu plus à l'est de l'Oural, mais ils n'ont pas le système voulu en place.
Le sénateur Andreychuk: N'y a-t-il pas de prospection plus au nord?
M. McIlveen: Je crois que oui. Ils font de la prospection à Kamchatka.
Le sénateur Grafstein: Pourriez-vous nous montrer où se trouvent les pipelines? Il y en a un qui part de Bakou, en Azerbaïdjan, en Crimée. Y a-t-il des pipelines dans la région située à l'ouest de l'Oural?
M. McIlveen: Je ne pense pas qu'il y ait d'autres pipelines. Il y a peut-être de petites intersections, mais le réseau de pipelines est en fait assez bien développé dans cette région.
Le président: Ce réseau va-t-il jusqu'en Europe de l'Ouest?
M. McIlveen: Oui.
Le sénateur Grafstein: Où se trouve le principal gazoduc qui alimente l'Europe de l'Ouest?
M. Ilveen: Il y en a deux. Je n'en connais pas le tracé exact, mais l'un passe par la Hongrie.
Le sénateur Grafstein: Il serait utile de les indiquer sur la carte.
Le président: Je suis d'accord, monsieur le sénateur. Cela nous situerait davantage au plan géographique.
Mme Janet Keeping, directrice des programmes relatifs à la Russie, Institut canadien du droit des ressources, Université de Calgary: Je vais poursuivre chronologiquement sur la lancée de M. McIlveen et vous informer de ce qui a été fait à propos de l'élargissement de l'initiative de gouvernement à gouvernement. Je vais vous parler un peu du nouveau projet financé par l'ACDI, qui permet à notre institut de travailler avec le Southern Alberta Institute of Technology afin d'offrir des cours de perfectionne ment professionnel en Russie. Je poursuivrai ensuite en vous parlant des leçons que je pense nous avons apprises dans le cadre de notre travail sur ces projets et aussi un peu de l'orientation future que nous espérons, avant de passer à quelques conclusions.
Même s'il peut sembler que les projets qui nous ont occupés ont porté sur des questions techniques liées à la réglementation du pétrole et du gaz - ce qui est également vrai - le travail le plus valable, qui a commencé à influer les façons de penser des Russes ainsi que les institutions russes, se situe au niveau plus vaste des principes. Des problèmes techniques se posent et il se peut que quelque part dans le monde, des solutions techniques puissent être apportées à certains des problèmes, mais les Russes sont des gens très abstraits qui, en même temps, croient que tout est interrelié.
Même si notre travail peut sembler assez technique, nous travaillons également avec les Russes dans le domaine de la primauté du droit, de l'indépendance du pouvoir judiciaire et du renforcement de la société civile afin de protéger l'intérêt public, et cetera.
Même si la plupart de ce que vous lisez ou de ce que vous entendez aujourd'hui au sujet de la Russie est déprimant et décourageant, je crois qu'il y a largement place à l'optimisme.Je me suis rendue en Russie plus de 30 fois depuis la finde 1992. Grâce à ces voyages, je pense avoir acquis une compréhension de certains aspects de la vie russe et je crois que des progrès sont réalisés. L'image n'est pas uniformément sombre malgré le fait que je suis assez réaliste à propos des difficultés.
Notre institut a fait une demande de financement à l'ACDI en 1996 afin de poursuivre l'initiative de gouvernement àgouvernement. Nous avons signé des contrats avec l'ACDI pour la poursuite de ce travail en 1997 et 1998.
Nous avons continué à faire le même travail que celui que M. McIlveen vous a décrit. Nous avons été l'organisme principal, mais nous avons également sollicité la participation du secteur public. Nous avons continué à faire participer les agences gouvernementales - le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les gouvernements territoriaux. Nous avons continué à travailler, dans une certaine mesure, avec le secteur privé et avec les ONG.
Les quatre projets pour lesquels nous avons reçu dufinancement en vertu de ces deux contrats de l'ACDI ont été choisis en collaboration avec nos collègues russes, lesquels les jugeaient prioritaires. Le premier projet se rapportait à la façon dont la Russie classifie et évalue les réserves pétrolières et gazières. Au cours des négociations avec les sociétés russes, mais surtout avec les sociétés occidentales, le fait que l'on ne puisse pas comparer deux choses si différentes représentait la principale pierre d'achoppement. Il fallait harmoniser davantage le langage et les concepts relatifs à la quantité de pétrole ou de gaz susceptible de se trouver dans le sol. Sans cela, il n'était pas possible de parvenir à un accord sur le développement de ces ressources ou sur les niveaux d'imposition ou de redevances.
Le deuxième projet consistait à poursuivre le travail relatif aux licences, à l'émission des droits d'exploitation pétrolière et gazière et à la gestion de leur mode de faire-valoir. Nous avons analyser en profondeur la question suivante: «Serait-il avantageux pour la Russie de permettre aux sociétés de transférer leurs licences d'exploration pétrolière et gazière et, le cas échéant, pourquoi?» Vous ne le savez peut-être pas, mais au Canada, vendre une licence complète ou partielle représente une partie importante de la stratégie de financement et de la stratégie des entreprises du secteur pétrolier et gazier. C'est une stratégie cruciale, car elle représente le fondement des opérations de l'industrie au Canada.
Les Russes qui entendaient parler de cette stratégie voulaient en connaître tous les détails - comment elle fonctionne, comment les divers intérêts qui sont achetés et vendus sont protégés, et quelles institutions sont nécessaires pour assurer lefonctionnement d'un tel système. Nous avons examiné ces points de façon très approfondie.
Un des articles qui vous ont peut-être été distribués et qui est tiré de notre bulletin Resources portait sur la question de la cession des droits afférents aux hydrocarbures en Russie et du débat sur les changements législatifs. J'ai décrit les paramètres du débat et j'ai indiqué dans cet article ce que je vous ai dit il y a quelques instants: même s'il semble s'agir d'une simple question technique, il s'agit en fait de tout un ensemble de questions beaucoup plus vastes et plus largement applicables au sujet de la primauté du droit en Russie et de la nécessité d'un ordre judiciaire indépendant.
Nous avons ensuite examiné au cours de ces années comment intégrer les préoccupations environnementales ainsi que la protection des droits des peuples autochtones dans la gestion des ressources pétrolières et gazières.
Le quatrième projet a été appelé «évaluation des projets de coentreprises». Lorsque nous avons fait une demande de financement à l'ACDI en 1995 et 1996, les projets de coentreprises, tout comme les projets pétroliers et gaziers, entre une société russe et une société occidentale, allaient de mal en pis. La charge fiscale augmentait, le désespoir devenait la norme et les gens menaçaient de quitter la Russie pour de bon. Ce projet visait à élaborer objectivement les positions des coentreprises, à préciser les problèmes à résoudre et à proposer des améliorations.
On ne peut dire que cette étude traitait de nouveaux points, mais elle a semblé paraître plus objective que d'autres portant sur le même sujet et a donc été accueillie plus favorablement.
Je vais maintenant brièvement parler de certaines des leçons apprises au cours de ces années. La patience et le respect mutuel sont essentiels. La réforme qui fera de la Russie un pays où la société sera meilleure et plus avancée sera un long processus et exigera de la patience.
Même si cela semble ridicule, une connaissance de l'histoire, de la culture et de la langue russes s'avère utile. M. McIlveen et moi-même avons eu l'occasion de nous entretenir avec le président avant le début de la séance de cet après-midi. Je sais qu'il est tout à fait du même avis, mais il semble parfois que nous parlons seulement de questions techniques. Souvent, lesproblèmes qui surviennent ne sont pas clairs. On se demande quel est le problème. Le permis a été délivré, pourquoi ne peuvent-ils pas simplement vendre 50 p. 100? C'est un problème technique auquel nous proposerons donc des solutions techniques afin de pouvoir aller de l'avant. Pourquoi est-ce si difficile?
Même un petit tour d'horizon de l'histoire russe nous aide à comprendre pourquoi c'est si difficile et à quel point bon nombre de ces grands problèmes sont reliés.
Comme nous l'avons indiqué dès le début, il y a de nombreuses années, nous croyons, à l'instar de M. McIlveen et de ses collègues, que la population canadienne et le secteur des organismes sans but lucratif ont un important rôle à jouer, et cette conviction a été corroborée. Au fil des années, de nombreuses entreprises se sont succédé depuis que nous avons commencé à travailler à des projets en Russie.
Il faut une présence à long terme qui soit davantage compatible avec les objectifs et le fonctionnement du secteur des organismes sans but lucratif. Selon moi, les entreprises canadiennes ne possèdent ni la capacité ni la volonté de mener à bien les travaux de développement à long terme nécessaires dans ce domaine.
Nous avons appris notre troisième leçon presqueimmédiatement après avoir amorcé la réalisation de ces projets. La Russie, c'est bien plus que Moscou. La carte de ce pays en témoigne. Cependant, on dit qu'environ 70 à 75 p. 100 de l'aide monétaire extérieure destinée à la Russie au cours de la dernière décennie est allée à Moscou. Est-ce clair? Regardez la carte. La Russie est un grand territoire sur la planète.
Nous avons eu de la chance. Nos collègues du ministère de l'Énergie, qui était notre principal partenaire depuis le début, ont tenu dès le départ à écouter ce que les Russes avaient à dire. Nous étions d'avis que la coopération avec les Canadiens était essentielle, mais nous voulions qu'elle profite à l'ensemble de la Russie. C'est à cela que nous avons consacré la majeure partie de notre temps.
En préparant mon exposé d'aujourd'hui, j'ai tenté de dresser la liste des différents endroits où nous avons présenté des cours ou des séminaires. J'en ai compté 20. Si nous ajoutons ceux auxquels notre institut n'a pas participé, ce chiffre s'approcherait plutôtde 25.
Moscou et St-Pétersbourg sont différentes des autres villes russes. Ces autres villes constituent un autre monde bien plus difficile. Les attitudes et l'accessibilité aux services et à la presse étrangère sont différentes. À tout point de vue, c'est entièrement différent. C'est ce qui est à l'origine de l'opinion publique. L'élite se trouve à Moscou, mais la masse qui peut causer bien des ennuis et dont vous avez besoin si vous essayez d'établir des institutions démocratiques ne se trouve pas en majeure partie à Moscou.
Dans mon mémoire, j'ai parlé du lien qui existe entre l'établissement d'une économie de marché moderne et d'une société démocratique. Je crois que ces deux éléments vont de pair. Il existe de bons travaux d'universitaires sur ce sujet. De bons documents ont été rédigés sur cette question. Je crois que c'est vrai.
On présume souvent d'emblée qu'il s'agit de problèmes techniques auxquels s'appliquent des solutions techniques et qu'on peut facilement éviter la tâche compliquée qui consiste à rehausser la dignité humaine, mais je ne crois pas que ce soit possible. Ce n'est que lorsque la dignité des personnes qui ont énormément souffert sera entièrement respectée que nousobtiendrons les attitudes nécessaires à la modernisation.
Nous avons tiré une leçon importante, à savoir qu'il faut simplement aider les Russes à cerner les problèmes et à appliquer les principes. D'après notre expérience en tant que Canadiens et Occidentaux, ces principes devraient servir à résoudre des problèmes précis. Il faut laisser aux Russes le soin d'élaborer les solutions détaillées.
Il n'existe aucun raccourci qu'ils peuvent prendre pour développer leur capacité à analyser des politiques, à préparer des mesures législatives, etc. Nous ne pouvons que leur transmettre les éléments de base, qu'ils doivent ensuite appliquer à leur propre contexte.
Je dois dire que j'ai observé une grande amélioration de la capacité des bureaucrates russes à faire exactement cela,c'est-à-dire penser rapidement à la façon dont ils pourraient appliquer des conseils. En mars dernier, nous avons tenu un séminaire. Les participants m'ont demandé comment nous réglions différents problèmes. Ils comprenaient sur-le-champ et tentaient immédiatement de concevoir comment ilspourraient appliquer ces solutions dans leur pays, car elles ne fonctionneraient pas tout à fait de la même façon chez eux. Ils sont capables d'écouter les expériences d'autres pays et, après réflexion, en tenant compte de leur propre situation, de trouver des orientations possibles pour le futur.
Le contexte russe est important. C'est la dernière leçon sur laquelle j'attire votre attention. Tous nos projets touchent à des questions de politique, de droit et de réglementation. Ils s'inscrivent dans une culture particulière. Nous pouvons parler de principes et expliquer la logique de l'expérience canadienne, mais les Russes doivent s'en inspirer pour formuler des solutions qui fonctionneront au sein de leur propre culture. Nous parlons de la Russie en particulier, mais je sais que vous ne vous limitez pas à ce pays.
J'espère que dans l'avenir, les projets entrepris par le Canada s'appuieront sur les assises qui ont été établies avec soin.M. McIlveen et moi-même avons parlé aujourd'hui de notre expérience et des projets auxquels nous avons participé, mais je sais qu'il existe bien d'autres projets entrepris par le Canada, dont, j'en suis sûr, vous entendez parler et qui donnent de bons résultats.
Diverses ONG au Canada, notamment des organismesautochtones, ont acquis une solide expérience de la Russie. Je sais que certains jeunes universitaires canadiens se spécialisent dans le développement de la Russie, notamment sur le plan économique. Ils possèdent une bonne formation, de l'énergie, et del'imagination. J'espère qu'ils auront l'occasion de travailler avec les Russes dans leur domaine d'intérêt.
J'espère que le Canada appuiera la formation et le renforce ment des capacités, car c'est ce qui à mes yeux est nécessaire au travail de développement à long terme. Je vous ai signalé que nous avons la chance d'obtenir le soutien de l'ACDI dans le cadre d'unesérie de cours de perfectionnement professionnel donnés en collaboration avec le Southern Alberta Institute of Technology. Nous venons tout juste d'amorcer ce projet, qui s'échelonnera sur quatre ans. Nous y mettons beaucoup d'efforts, mais le besoin est énorme.
M. McIlveen et moi-même avons beaucoup parlé de la nécessité d'aller au-delà des questions de production des ressources énergétiques en Russie. Nous voudrions nous attaquer à l'efficacité énergétique et peut-être à certains des grands dossiers environnementaux liés à l'énergie comme le changementclimatique. Nous savons tous que ces dernières semaines, les décisions prises par les Américains au sujet de l'Accord de Kyoto n'ont été d'aucun soutien. Je suppose qu'il existe maintenant un plus grand degré d'incertitude à propos de ce qui se passera, mais il y aura beaucoup de travail à faire avec les Russes si l'Accord de Kyoto est mis en oeuvre.
En terminant, je dirais qu'on peut apercevoir une lueur d'optimisme. Les Russes ont besoin de l'appui d'Occidentaux bien intentionnés et bien informés. Ce n'est que grâce à cet appui qu'ils pourront continuer de progresser. Des progrès ont été constatés. Les Russes ont apporté des changements substantiels d'ordre juridique. Ils ont fait des progrès au chapitre de la réforme de leur système judiciaire et du renforcement de la société civile.
Ces changements substantiels ont touché bien des éléments. L'un des changements les plus significatifs dans le secteur de l'énergie concerne les lois sur le partage de la production. Nous pourrions discuter davantage de ce sujet si le comité est intéressé. Les Russes ont également pris des mesures pour améliorer leur situation fiscale.
La réforme du système judiciaire est au coeur de toute réforme de la réglementation, et des progrès ont été réalisés sur ce plan. Il paraît que la Russie affectera davantage d'argent et de ressources dans le système judiciaire. Cela permettra aux juges d'acquérir l'indépendance nécessaire à un système judiciaire respectable. Les juges reçoivent des salaires misérables, à l'instar de presque tous les autres membres de la fonction publique à l'exception de l'élite. Cette situation est en train de changer. Les salaires des juges s'améliorent.
Le renforcement de la société civile est pour moi l'une des meilleures nouvelles. Nous avons commencé à travailler avec certaines ONG qui oeuvrent dans le domaine de l'environnement, et surtout avec une d'elles en particulier. L'engagement, le bon jugement de quelques-unes de ces ONG et, dans une certaine mesure, leur réussite nous portent à être optimistes. La protection des valeurs environnementales passe par une interventionjudicieuse et une bonne formation.
Au cours du processus, nous verrons apparaître les véritables valeurs de la société civile, la participation du public, le désir de participation du public, le partage de l'information et un plus grand accès à l'information. Bien des éléments sans lesquels un mouvement écologique ne peut réussir viennent aussi renforcer d'autres valeurs.
Le sénateur Grafstein: J'ai quelques brèves questions à poser avant d'entrer dans le vif des sujets que vous avez soulevés. Les ressources énergétiques relèvent-elles de la compétence du gouvernement fédéral ou des États/provinces? Existe-t-il des entités publiques fédérales et étatiques responsables du gaz et du pétrole?
Mme Keeping: L'exploitation à terre du pétrole et du gaz est une compétence partagée. L'exploitation en mer relève presque exclusivement de la compétence du gouvernement fédéral. Étant donné que la majeure partie de l'exploitation pétrolière et gazière en Russie s'effectue à terre, ce secteur d'activité constitue une compétence partagée. La répartition des pouvoirs entre ce qu'on appelle les «sujets de la fédération» et le gouvernement central ne s'effectue pas de la même façon qu'au Canada. Nous ne répartissons pas les pouvoirs tout à fait de la même manière, mais il s'agit quand même d'une compétence partagée. En cas de différend, ce sont les lois fédérales qui priment.
Le sénateur Grafstein: Les acteurs russes sont-ils maintenant tous la propriété de l'État, qu'ils soient fédéraux ou régionaux?
Mme Keeping: Parlez-vous des entreprises? Dans presque toutes les entreprises russes, le pourcentage de propriété d'État est encore élevé. Dans certains cas, ce pourcentage est considérable, mais la plupart des entreprises ont été privatisées.
Le sénateur Grafstein: Comment les gouvernementscontrôlent-ils les sociétés énergétiques? Est-ce par l'entremise de la propriété partagée, de réglementation ou du système fiscal?
Mme Keeping: Il existe un système d'appel d'offres en ce qui concerne la délivrance de permis, et on veut mettre en place un système similaire au nôtre selon lequel les ressources appartenant à l'État sont exploitées par le secteur privé.
Le sénateur Grafstein: Les ressources appartenant à l'État ont-elles la priorité en ce qui concerne notamment l'attribution de permis?
Mme Keeping: C'est l'État qui est propriétaire de l'ensemble du sous-sol, tandis qu'en Alberta, seulement 80 p. 100 du sous-sol appartient à l'État. Dans le nord du Canada, c'estpresque 100 p. 100. Il n'y a qu'une petite partie du sous-sol, du pétrole, du gaz et d'autres minéraux qui appartient aux peuples indigènes conformément à des accords sur des revendications territoriales.
En Russie, l'État est propriétaire de l'ensemble du sous-sol. Je ne crois pas que cela changera, mais cela ne fait pas beaucoup de différence, car en principe c'est aussi le modèle canadien.
Le sénateur Grafstein: Vous avez soulevé un point intéressant à propos de l'inefficacité liée à la délivrance des permis. Si quelqu'un désire obtenir un permis pour se lancer en affaires, doit-il s'adresser à Moscou ou à l'autorité régionale?
Mme Keeping: Il serait exact de dire que les droits sont accordés à l'extérieur de Moscou, mais la loi prévoit un système à deux étapes selon lequel l'administration, c'est-à-dire legouvernement, l'organe exécutif de la région, doit donner son accord, tout comme le ministère des Ressources naturelles. Bien d'autres agences donnent des conseils et des opinions et jouent un rôle dans la prise de décisions, mais c'est l'organisme régional concerné et le ministère qui doivent donner leur accord à la délivrance du permis.
Le sénateur Grafstein: Je vais passer à un autre sujet. Il ya 10 ans, un grand concours s'est tenu pour l'approvisionnement du nord de l'Europe en gaz naturel. À cette époque, le Canada, qui détenait d'énormes surplus et qui continue d'en avoir, n'avait pas participé. Si je ne m'abuse, notre capacité de transporter le gaz par voie maritime se serait avérée aussi rentable en termes de quantité, sinon plus, que d'effectuer le transport depuis la Russie. Avez-vous suivi l'évolution de ce projet pour voir ce quiest arrivé? Ce projet avait été organisé par un consortium international qui exploitait les ressources de gaz de la Russie, et le Canada a été perdant. Que s'est-il passé?
Mme Keeping: Je suis stupéfaite par l'idée que le gaz canadien aurait pu être concurrentiel. Je vous répondrai briève ment que je ne suis pas au courant.
M. McIlveen: Je me souviens un peu du projet. Je me rappelle que le coût à l'unité était très élevé. Le gaz devait être liquéfié, transporté et regazéifié par la suite. Cette procédé a toujours été coûteux, et, il y a une dizaine d'années, il était certes très coûteux.
Je ne sais pas ce qui est arrivé à ce projet. Je n'en ai pas beaucoup entendu parler ces dernières années.
Le sénateur Grafstein: Il serait utile, à titre de comparaison, de montrer comment les Américains et les Européens ont réalisé ensemble ce projet de grande envergure, alors que le Canada, qui possédait toute l'expertise et qui était le chef de file mondial dans le domaine des pipelines et de l'exportation, n'y participait pas. De nombreuses raisons ont été évoquées pour expliquer cette situation. Je n'en ai pas encore entendu une qui soit valable, mais peut-être est-ce le temps d'examiner cette question, monsieur le président.
Le sénateur Andreychuk: Pour revenir au sujet, je connais la situation de l'Ukraine mieux que celle de la Russie. Les Russes ont-ils des accords de partage de la production, un système de partage des profits et de la production avec des investisseurs non russes? Une loi en la matière existe-t-elle et fonctionne-t-elle? Concerne-t-elle seulement le pétrole et le gaz ou bien l'ensemble des ressources naturelles? Je sais qu'en Ukraine, le partage de la production semble convenir. Ce système s'inspirait de certains apports du Canada, mais il ne fonctionne pas aussi bien en ce qui concerne d'autres ressources minérales. Avez-vous descommentaires à formuler?
Mme Keeping: Je sais avec certitude que la loi russe ne s'applique pas seulement au pétrole et au gaz. Le Parlement russe doit adopter une liste et il doit approuver le recours au partage de la production pour chaque projet en particulier. La première liste de projets qui a été dressée conformément à la loi sur le partage de la production comportait certains projets d'exploitation de mines d'or ainsi que des projets d'exploitation pétrolière et gazière. En fait, seulement trois des sept ou huit premiers projets figurant sur la liste concernaient l'exploitation pétrolière et gazière. Certains projets d'exploitation pétrolière et gazière dans le cadre desquels il y a partage de la production sont en train d'être réalisés grâce à des investissements étrangers. Ils ne progressent pas très rapidement, et des problèmes surviennent, mais ils progressent.
Le sénateur Andreychuk: Pouvez-vous donner davantage de détails? Tous les projets doivent-ils encore être approuvés par le Parlement? Cette façon de procéder constituait une partie du problème politique dont vous avez parlé. Si les lois et les mécanismes judiciaires nécessaires existaient, cela garantirait une certaine protection, et le Parlement russe aurait moins à intervenir. Le problème existe-t-il toujours, ou a-t-on commencé à y remédier?
Mme Keeping: Je crois que le problème existe encore, mais il y a deux ou trois ans, la loi sur le partage de la production a été modifiée de sorte que les petits projets d'exploitation pétrolière et gazière - je ne sais pas s'il en va de même pour les projets d'exploitation d'autres minéraux - peuvent automatiquement être mis sur pied conformément à un accord de partage de la production si c'est ce que souhaitent les promoteurs ou les investisseurs, mais seulement si une certaine limite volumétrique n'est pas excédée. Je ne me souviens pas quelle est cette limite, mais le fait est que, en deçà d'une certaine limite, on ne se préoccupe pas des répercussions que peut entraîner sur le plan politique le fait de laisser les investisseurs négocier un accord de partage de la production. Par contre, les projets dans le cadre desquels cette limite sera dépassée doivent être inscrits sur la liste et une loi doit être adoptée pour approuver la liste.
M. McIlveen: Je crois qu'à l'heure actuelle trois accords de partage de la production sont plus ou moins en place. Je ne sais pas si beaucoup de travail a été fait à leur égard, mais les projets de l'île Sakhaline ont été acceptés en vertu de la loi sur le partage de la production.
Le sénateur Andreychuk: Je sais que de nombreuses sociétés pétrolières et gazières sont encore contrôlées par l'État,notamment Gazprom, et qu'elles prennent de l'expansion au-delà des frontières de la Russie. Elles investissent dans les pays voisins et dans certains cas, elles deviennent des multinationales.Que pensez-vous de cette situation? Est-elle bénéfique ou renforce-t-elle le contrôle que possède une poignée de personnes en Russie, comme c'est la tendance?
Mme Keeping: Nous pourrons revenir à Gazprom, qui est un cas très particulier, dans une minute. Lukoil est l'une des plus grandes sociétés pétrolières russes, et elle a récemment acheté quelques stations d'essence aux États-Unis. Je ne sais pas à quelle société appartiennent ces stations, mais il y en a un certain nombre. Il est intéressant de se pencher sur cette acquisition. Je crois que, tout compte fait, c'est probablement une bonne chose. Les autres tentatives de Lukoil en vue d'accroître sa respectabilité et sa présence sur le marché nord-américain ne peuvent avoir que des retombées favorables. Par exemple, le fait qu'une société pétrolière russe doive faire preuve de discipline afin d'être cotée sur le marché boursier nord-américain constitue une étape importante. Ce n'est pas parce qu'une société met de l'ordre dans ses affaires et qu'elle présente les documents requis à la Bourse de New York ou de Toronto que ses opérations se dérouleront de façon transparente chez elle, mais c'est un grand pas dans la bonne direction. Nous parlions de cela lors d'un séminaire, et je me suis dit que la première fois que les stations d'essence Lukoil seront boycottées aux États-Unis en raison d'une mesure prise par le gouvernement russe ou par Lukoil, cette société commencera à comprendre ce que signifie vraiment être un acteur sur la scène mondiale, c'est-à-dire devoir composer avec des avantages, des droits et des responsabilités.
Le sénateur Bolduc: Cette société est-elle également présente en Europe de l'Ouest?
Mme Keeping: Je ne sais pas. Je n'ai rien entendu à ce sujet.
M. McIlveen: La deuxième partie de la question portait sur Gazprom. Il s'agit d'un cas relativement spécial. Cette société est en train de devenir internationale, mais parallèlement, legouvernement russe a choisi de la laisser détenir unquasi-monopole en Russie, tant dans le domaine de la production que de la consommation. Il existe de nombreuses raisons à cela, et je ne suis pas certain que je veux en avancer, mais c'est certes un problème.
Quand on parle de l'industrie pétrolière en Alberta, on parle en fait de l'industrie pétrolière et gazière. Les sociétés pétrolières sont des sociétés gazières. Il est impossible pour une entreprise étrangère, ou d'après ce que je comprends, même pour une autre société russe, d'investir dans les ressources gazières.
C'est un problème. Je ne sais pas si le gouvernement russe discute sérieusement de ce qu'il doit faire à propos de Gazprom.
Mme Keeping: Je crois comprendre qu'un affrontement entre le gouvernement russe et Gazprom est peut-être imminent. J'ai lu récemment que des réunions d'actionnaires se tiendront bientôt. Cela est lié aux enjeux fascinants et importants concernant la régie des sociétés en Russie.
Gazprom est une société tellement particulière qu'il ne faudrait pas tirer de conclusion générale à partir de sa situation, mais il convient de signaler que la Fédération de Russie détientenviron 43 p. 100 des actions de Gazprom, et pourtant elle semble n'exercer aucun contrôle sur cette société. Je crois que maintenant il vaut mieux considérer que le gouvernement n'a plus de contrôle, même s'il détient un pourcentage élevé des actions. Par exemple, le gouvernement russe est incapable d'obtenir de Gazprom les paiements d'impôts et le compte exact des volumes de gaz vendu.
On a entendu parler d'une filiale récemment créée qui semble détourner une partie de la production de Gazprom dont on ne fait pas état correctement.
Le sénateur Andreychuk: Vous ne tirez pas la même conclusion que d'autres personnes, à savoir que le nouveau président Poutine a exercé de l'influence auprès de Gazprom, qui s'est tournée vers ses voisins. Je suis au courant de certaines des acquisitions et des ententes conclues en Ukraine par exemple. Je crois que certains pensent que cela s'est fait par suite de l'autorisation ou d'une directive de M. Poutine, mais vous semblez dire qu'il s'agit d'une initiative de Gazprom.
Mme Keeping: Je ne crois pas que cette question n'a qu'une seule facette. Bien des choses différentes se passent. Je sais que le gouvernement russe ne contrôle pas Gazprom, car, si c'était le cas, il ne l'affronterait pas aussi publiquement à propos de ces questions d'importance considérable, notamment les recettes fiscales.
ITERA est une entité qui est née de nulle part et qui détient d'énormes réserves de gaz. Parallèlement, la production de Gazprom a diminué d'une quantité relativement proportionnelle. Je crois que ITERA a ses bureaux en Floride. C'est un mystère. Le gouvernement russe ne peut pas vouloir ça. Je peux me tromper. Cela ne signifie pas que M. Poutine n'a pas exercé d'influence sur certaines choses qui ont été faites.
Le sénateur Corbin: J'apprécie que certaines notions aient été expliquées au comité. Comme je ne suis ni économiste ni avocat, je ne vais pas contester ou critiquer les économistes, les avocats ou les universitaires. Je suis un homme simple.
Des voix: Oh, oh!
Le sénateur Corbin: Je représentais des gens ordinaires à la Chambre des communes, et j'espère bien les servir au Sénat également. J'ai aimé les observations de Mme Keeping sur la nécessité de comprendre davantage l'histoire et la culture de la Russie. Je dois admettre que la langue dépasse mes capacités. J'ai lu et relu toutes les nouvelles d'Anton Tchekhov. Elles m'en ont beaucoup appris au sujet de la mentalité russe prépondérante. Ces écrits datent du siècle dernier, et je crois que cette mentalité prévaut toujours aujourd'hui ailleurs qu'à Moscou, comme vous le dites.
Monsieur le président, j'ai une plainte à formuler à propos de la façon dont le comité accomplit son travail. La Russiecompte 11 ou 12 fuseaux horaires, et pourtant nous lançons des noms de régions, de tribus et de cultures. Nous n'avons pas fait nos devoirs.
Nous devons faire comparaître devant le comité un géographe, un sociologue et un anthropologue. Nous devons comprendre davantage la Russie. Nous avons tous lu des articles dans divers magazines, notamment The Economist, mais cela ne constitue pas une éducation en soi. Nous devons retourner sur les bancs d'école pour qu'on nous enseigne certaines vérités fondamentales à propos de la Russie.
Mme Keeping a raison de dire qu'il faut absolument comprendre l'histoire et la nature profonde des Russes si nous voulons faire des affaires ou maintenir une relation valable à long terme avec eux.
Vous avez utilisé le terme «société civile». Ce terme fait l'objet de débats à l'heure actuelle au Sénat et dans d'autres enceintes. Comment comprenez-vous ce concept? Je croyais que je faisais partie depuis toujours de la société civile. Je ne crois pas qu'il existe des masses impures ou pures qui ne méritent pas le titre de «société civile». Que signifie pour vous ce terme quand vous l'employez dans le contexte dans lequel vous l'avez utilisé?
Mme Keeping: J'utilise le terme «société civile» avec une certaine inquiétude. J'y ai pensé quand je l'ai utilisé aujourd'hui, car j'ai mis du temps à l'employer dans ma propre analyse, mais je crois que je sais ce que je dis quand je l'utilise.
Une société civile est axée sur l'intérêt public et non pas contrôlée par l'État. Elle n'est pas non plus une institution du gouvernement. Qu'est-ce que j'inclurais dans une société civile? Une partie des institutions émergentes de la société civile en Russie sont des ONG qui oeuvrent dans le domaine de l'environnement. J'inclurais toute organisation russe établie par des citoyens et axée sur l'intérêt public. De telles organisations n'existaient pas, car tout devait être approuvé par le Parti et presque tout appartenait à l'État.
Il n'y avait pas de place pour les organismes indépendants voués à l'intérêt public. On est en train d'en mettre sur pied en Russie. On ne peut s'attendre à ce que des organismes démocratiques fonctionnent sans que ce genre de société se développe. Elle est en train de se développer en Russie à partir de rien, presque rien.
Le sénateur Corbin: Appliqueriez-vous ce même terme au Canada?
Mme Keeping: Oui, mais bien des organismes de ce genre ont été créés ici - des organismes communautaires, des associations de parents et professeurs.
Le sénateur Corbin: Je ne comprends pas. Peut-être que la société civile est absente en Russie en raison de la domination exercée par le Parti au fil des ans et, avant cela, par les tsars. Cependant si nous ne faisons pas partie de la société civile au Canada, ce n'est que pendant de brèves périodes. Même les politiciens entrent et sortent de votre prétendue «société civile».
Ne sommes-nous pas tous, en tant que Canadiens, membres de la société civile? Nous sommes une grande démocratie. Pourquoi ferions-nous ce genre de distinction?
Mme Keeping: Pourquoi l'appliquer à nous?
Le sénateur Corbin: Je ne pense pas que cela s'applique au Canada.
Mme Keeping: Ce n'est pas un domaine dans lequel je me suis spécialisée ou auquel j'ai beaucoup réfléchi, mais on dit qu'en Amérique du Nord - et la plupart des commentaires portent sur les États-Unis - les institutions de la société civile sedétériorent. Les gens s'occupent moins de la société civile.
Un Américain, Putnam, a écrit un livre intitulé: Bowling Alone. Je ne l'ai pas lu; par contre, j'ai lu Making Democracy Work, qui à mon avis est un livre formidable.
Le sénateur Corbin: Je vais en rester là.
Le président: Je dois admettre que je ne sais pas ce que cela veut dire non plus, si bien que la conversation m'a intéressée. C'est le plus récent cliché sur le point d'être à la mode. J'aimerais indiquer que nous avons des questions importantes à débattre à la fin de cette séance; l'une d'elles se rapporte à l'observation ou à la question du sénateur Corbin au sujet des experts russes et de ce qu'on pourrait apprendre à leur sujet. Il n'a pas été aussi facile de trouver cette information qu'on pourrait le croire.
Nous avons une séance lundi, qui va durer toute la journée et au cours de laquelle nous recevrons de nombreux témoins. Nous avons tous été d'accord, si vous vous souvenez bien, de tenir une séance d'une journée complète et elle aura lieu lundi. Je vous dirais qui y assistera à la fin de cette séance.
Le sénateur Austin: J'espère que vous n'avez pas traité de ce point avant mon arrivée. J'ai dû participer à la séance d'un autre comité, mais je suis venu le plus rapidement possible.
J'aimerais vous demander de nous parler de la mentalité de l'investisseur international qui veut investir dans le secteur des ressources en Russie et en Ukraine. Ma question porte sur la sécurité de l'investissement.
Nous n'avons pas conclu d'accord sur la protection des investissements étrangers avec la Russie ou l'Ukraine. Il s'agit d'un accord standard entre le Canada et ses partenairescommerciaux. La Russie n'est pas membre de quelqueorganisation internationale que ce soit et n'a donc pasd'obligations multilatérales à l'égard des investisseurs. Par conséquent, un investisseur dans ce secteur doit rechercher une entreprise particulière, j'imagine, et négocier avec elle ou avec un intermédiaire.
Qu'examinerait cet investisseur? Il examinerait les actifs contrôlés par la société, leur gestion, les gestionnaires ainsi que les sanctions.
Gazprom est une entité qu'il est difficile de comprendre. Je sais que des étrangers y ont investi, mais c'est dans le domaine des médias. C'est un peu déroutant pour les investisseurs, car cette société commence à utiliser son capital de façon inattendue et cela modifie le taux de rendement qui pourrait être espéré.
Vous avez dit plus tôt, madame Keeping, que vous aviez des soupçons quant à l'influence du gouvernement russe sur Gazprom. Je soupçonne le contraire, lorsque je vois cette société faire un investissement comme celui-ci. Actuellement, Gazprom fait figure d'empire féodal économique.
Cette société négocie avec le gouvernement russe, car si elle refusait de remplir ses fonctions économiques, il n'y aurait pas d'économie en Russie. Elle a des sanctions, tout comme le gouvernement. Les deux négocient les impôts et les recettes, et cetera. C'est une lutte de pouvoir entre les deux.
Gazprom a plusieurs entités qui volent son gaz au moment de son transport vers les marchés officiels. La société enregistre des pertes qui ne peuvent pas être clairement calculées. Elle dépose ses actifs et ses recettes, comme vous en avez fait mention, en Floride et dans d'autres comptes d'autres compétences. Cela fait maintenant l'objet d'un examen de la part des grandes institutions internationales de prêt. J'en arrive maintenant à une question simple, mais l'introduction aura été longue.
Si vous n'êtes pas d'accord avec ce que je viens de dire, j'aimerais bien le savoir. Le reste de la question porte sur les normes de responsabilité - la responsabilité à l'égard de ses investisseurs et obligataires étrangers; la façon dont vous utilisez le mot «régie»; la façon dont cette société est responsable à l'égard de ses soi-disant «actionnaires»; et enfin, comment la gestion se perpétue elle-même et perpétue sa culture. Je sais que vous ne disposez que de 10 minutes pour répondre à cette question alors qu'il faudrait y consacrer deux heures, mais pourriez-vous réagir face aux faits? Êtes-vous d'accord avec ma description des faits? Comment, d'après vous, un investisseur international réagirait-il à ces faits?
Mme Keeping: Bien des choses ont été écrites et dites à propos de Gazprom. Il s'agit d'une méga-société dont les actifs sont considérables. Elle représente un cas particulier, à cause de son importance pour l'économie russe. Pour ce qui est de vos questions générales sur la régie de la société et la sécuritédes investisseurs, il faut bien sûr s'attarder sur les sociétés occidentales qui investissent et font des affaires en Russie. Ce sont les grandes questions.
Il est parfaitement évident que la situation est sombre pour beaucoup de raisons. Notre concept de la société, avec des actionnaires dont les droits sont exécutoires devant les tribunaux, est pratiquement étranger aux Russes; ils commencent à peine à le comprendre. Les anecdotes sont amusantes, mais la situation est catastrophique.
Par exemple, des actionnaires minoritaires ne peuvent pas participer aux réunions des actionnaires, tandis que d'autres demandent des ordonnances aux tribunaux. Dans un casparticulier, un tribunal s'est prononcé contre les actionnaires pour des raisons complètement fallacieuses et insondables. Dans une autre affaire, les actionnaires ont obtenu l'ordonnance qu'ils souhaitaient et pourtant, ils n'ont toujours pas pu participer aux réunions. Pourquoi? C'est parce qu'il est inutile de prêter attention à une ordonnance judiciaire en Russie.
Les problèmes de l'appareil judiciaire en Russie sont multiples, mais ils se résument à la non-application des décisions judiciaires. Même s'il s'agit de décisions raisonnables, souvent, elles ne sont pas appliquées. Plus le contexte est controversé - l'intérêt des investisseurs étrangers - plus les décisions risquent d'être bizarres, car les gens ne veulent pas y donner suite. Il n'y a aucun consensus au sujet de leur valeur, mais bien sûr je ne vous dis rien de ce que vous ne savez déjà.
La situation est difficile et nous avons vu certaines sociétés canadiennes en faire les frais. J'ai passé des heures déchirantes dans les bureaux de Black Sea, société qui était toujours en place même si elle venait juste de perdre sa licence. J'ai soulevé cette question auprès des fonctionnaires russes. Je pourrais vous donner leurs raisons, mais le fait est qu'ils ne perçoivent tout simplement pas les questions et ne comprennent pas la loi de la même façon que nous. Tant que les investisseurs n'auront pas plus de sécurité, il y aura très peu d'investissements occidentaux en Russie. Il ne s'agit pas de petites questions techniques que l'on pourrait résoudre ici ou là, mais plutôt de questions majeures relatives au respect de la primauté du droit et des mécanismes d'application.
Le président: J'ai lu dans le Financial Times de la fin de semaine que cette société approche le billion de dollars, si bien que l'on peut en imaginer la puissance.
M. McIlveen: Ce que dit le sénateur Austin au sujet de l'importance et de l'intransigeance de Gazprom est exact. Il y a quelque chose de féodal dans tout cela. Gazprom offredes services politiques utiles, comme quelqu'un l'a déjà dit, lorsqu'elle fournit du gaz à l'Ukraine. Il y a un prix à payer: c'est la liberté dont elle jouit et qui fait qu'elle peut fonctionner sans avoir à se soucier de payer des impôts au gouvernement. Ce n'est pas une réponse, mais c'est ce qui explique sa grandeintransigeance. Gazprom offre des services très utiles augouvernement central.
Le sénateur Austin: Quelle devrait être la politique adoptée par la communauté économique occidentale, par opposition aux gouvernements nationaux? Je veux parler d'une influence que l'on pourrait obtenir sur une entité aussi vaste et puissante que Gazprom. Si cette société voulait investir à l'Ouest, elle pourrait le faire facilement, compte tenu de ses rentrées d'argent. Elle pourrait devenir un investisseur important dans d'autres parties du monde. Les investisseurs occidentaux ne devraient-ils pas mettre au point un code de conduite afin de fixer les paramètres relatifs à l'entrée sur notre territoire commercial? Êtes-vous au courant de discussions à ce sujet?
Mme Keeping: Si elle veut investir en Allemagne, en France ou ici, elle va le faire, vu qu'elle contrôle ces institutions. Tant que vous avez des actifs que vous contrôlez, vous pouvez investir. C'était le différend avec Aéroflot et l'hôtel - l'avion a été saisi à Montréal.
Le sénateur Austin: Ils seront prisonniers dans leur propre sphère économique et à l'intérieur de leurs frontières. Je ne veux pas dire que les gouvernements devraient fixer ces règles. L'industrie pétrolière est un petit groupe d'entités très puissantes; si elles veulent investir en Russie et que Gazprom veut investir dans le reste du monde, il me semble que vous seriez bien placés pour donner des conseils juridiques à cet égard. Merci beaucoup.
Mme Keeping: J'ajouterais, pour ceux qui s'intéressent à la question du gaz, notamment le transport du gaz, que TransCanada Pipelines entretient des relations constantes avec la Russie. J'imagine que la meilleure information sur le gaz naturel au Canada, sur le transport du gaz naturel en Russie au moins, serait donnée par TransCanada Pipelines.
Le sénateur De Bané: Madame Keeping, en tant que directrice des Programmes relatifs à la Russie de l'Institut du droit des ressources à l'Université de Calgary, vous avez considérablement voyagé en Russie. Vous avez souligné aujourd'hui qu'il est important de comprendre les valeurs, la culture et l'histoire de la Russie si nous souhaitons instaurer un dialogue conséquent avec les Russes, ou développer des politiques susceptibles de réussir, etc.
Pourriez-vous brièvement nous donner quelques exemples des valeurs qui sont essentielles si l'on veut comprendre la Russie? J'imagine que votre réponse risque d'être longue, mais j'aimerais savoir si vous pouviez nous indiquer pourquoi vous avez souligné ce point.
Mme Keeping: C'est une bonne question, mais il est difficile d'y répondre. Par exemple, il n'y a pas de tradition en matière de primauté du droit - pas de tradition relative à l'importance de la personne.
Par opposition, l'accent est mis sur le collectif, la survie et la force du groupe. Il m'est difficile de présenter ces choses de façon non péjorative. J'admets qu'elles ne paraissent pas très objectives.
Il suffit simplement de penser aux pertes de vies humaines en Russie. Au cours du dernier siècle par exemple, elles n'ont pas toutes été attribuables à l'État soviétique bien sûr, mais il reste que l'État a été responsable d'un nombre considérable de pertes de vies humaines.
J'ai lu un article de John Ralston Saul l'année dernière où il indique que d'après ses calculs, le gouvernement canadien est responsable de 150 morts depuis la Confédération. Bien sûr, nous avons envoyé des gens à la guerre qui ne sont jamais revenus, mais c'était différent. Il voulait parler du résultat de rébellion et d'actes de violence encouragés par l'État. Disons 150. C'était moins que 200, si je me souviens bien. Pensez aux millions de ceux qui sont morts en Russie à cause de la famine, de la collectivisation, des répressions politiques, etc. Il s'agit de millions et de millions de personnes.
Un charmant jeune homme russe travaille sur nos projets. Il est diplômé de la faculté de droit de l'Université de Calgary. Il m'a dit: «Pourquoi faire tant d'histoires à propos d'éventuelsproblèmes environnementaux causés par les réacteurs atomiques canadiens? Après tout, si quelque chose tourne mal, seules quelques personnes en subiront les conséquences.» Je lui ai répondu: «Il s'agit toutefois de personnes. Nous ne voudrions pas autoriser la construction d'installations électriques qui pourraient entraîner la mort de quelques douzaines de personnes.» C'est notre attitude et il est regrettable de voir que la Russie a manifesté un tel dédain face à la vie humaine.
Il s'agit d'un point de vue très différent de la dignité de la personne. Bien sûr, vous et moi pouvons rencontrer beaucoup de Russes qui ont conscience de leur valeur et de leur dignité, mais ils savent que l'État ne les voit pas sous cet angle. Un de mes meilleurs amis russes disait: «Je croirais que les choses ont changé dans ce pays que lorsque l'État sera là pour servir les intérêts du peuple et non le contraire.»
Je pourrais en parler beaucoup plus longtemps, mais c'est toujours comme cela que je le résume. Le rapport entre la société civile et l'État est renversé, ce qui a de graves répercussions.
Le sénateur Grafstein: Étant donné que le pouvoir judiciaire local ne fonctionne pas et que les décisions ne sont pas exécutoires, etc., avez-vous envisagé d'aider les investisseurs canadiens, les investisseurs internationaux, à obtenir une certaine sécurité grâce à un mécanisme de règlement des différends d'État à État et non par l'entremise de l'appareil judiciaire local? Avez-vous envisagé, par exemple, que le gouvernement canadien conclut un accord commercial avec la Russie prévoyant une médiation privée et, au cas où la médiation arriverait à une certaine conclusion, que cette conclusion soit appliquée d'État à État?
Mme Keeping: Je dois vous donner une réponse quelque peu «ambiguë». Conclure des accords commerciaux comme celui-ci ne fait pas partie de notre mandat, mais des Canadiens travaillent sur des questions commerciales avec les Russes depuis des années déjà. Ainsi, la société d'avocats McLeod Dixon a dirigé des projets financés par l'ACDI pour aider le gouvernement russe à accéder à l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce. Il y a donc des Canadiens qui ont peut-être travaillé dans ce domaine.
Le président: Merci à tous les deux. Nous allons maintenant poursuivre à huis clos pendant quelques instants.
La séance se poursuit à huis clos.