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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères

Fascicule 13 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 25 septembre 2001

Le Comité sénatorial des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 19 h 05 pour examiner, et pour en faire rapport, les faits nouveaux en matière de politique, de questions sociales, d'économie et de sécurité en Russie et en Ukraine, les politiques et les intérêts du Canada dans la région ainsi que d'autres sujets connexes.

Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je précise tout de suite qu'après cette réunion, nous avons une question importante à régler à huis clos. C'est la première fois que notre comité se réunit depuis l'ajournement d'été et je tiens à assurer mes collègues que nous avons beaucoup travaillé pendant l'été, mais c'est la première fois que nous nous retrouvons pour discuter ensemble.

Honorables sénateurs, nous poursuivons nos travaux sur la Russie et l'Ukraine, notre examen des faits nouveaux en matière de politique, de questions sociales, d'économie et de sécurité en Russie et en Ukraine, ainsi que des politiques et intérêts du Canada dans la région et d'autres sujets connexes.

Nos témoins aujourd'hui sont M. Lorne Cutler et M. Fergal O'Reilly, de la Société pour l'expansion des exportations, et M. Angus, de la Gendarmerie royale du Canada. Bienvenue.

M. Angus Smith, Gendarmerie royale du Canada: Monsieur le président, honorables sénateurs, comme vous l'imaginez, les deux dernières semaines ont été assez exceptionnelles pour nous à la GRC. Je viens moi-même de passer six nuits en service.

C'est pour moi un plaisir et un honneur d'être interrogé sur mes activités qui consistent en temps normal à m'occuper du crime organisé et de ce qu'il signifie non seulement pour mon organisation mais pour l'ensemble de la société.

La Russie et l'Europe de l'Est m'intéressent sur le plan professionnel et sont, je dois dire, une passion personnelle encore que pour l'instant, j'ai plus tendance à me concentrer sur des problèmes plus généraux et sur les nouveaux problèmes de crime organisé.

Je vais vous présenter ce soir un aperçu stratégique du crime organisé en Europe de l'Est et plus particulièrement en Russie, car c'est sur cette région que nous nous concentrons. Je vous parlerai de la situation en Russie et au Canada, et de certaines de nos réactions à cette situation, j'essaierai de mettre en évidence certaines caractéristiques particulières du crime organisé en Europe de l'Est et les défis que cela représente pour nous.

Je sais que nos préoccupations ne semblent pas peser très lourd face à ce qui s'est passé récemment aux États-Unis, mais néanmoins, le crime organisé peut infliger des dégâts très importants et très durables, et il demeure donc une priorité pour la GRC, même en cette époque de crise où la vigilance est renforcée.

Inutile de vous préciser que l'Europe de l'Est est immense. Chaque pays, non seulement la Russie et l'Ukraine, mais aussi la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie, connaissent de graves problèmes de criminalité interne. En général, étant donné notre orientation, quand nous parlons de «crime organisé en Europe de l'Est», nous parlons essentiellement du crime organisé en Russie.

Fait intéressant, dans bien des pays d'Europe de l'Est, ce sont les organisations de l'ex-Union soviétique qui dirigent ou qui contrôlent la pègre locale. C'est comme si la féodalité criminelle avait remplacé l'hégémonie politique de l'ère soviétique. Je l'ai constaté concrètement dans les hôtels luxueux de villes comme Prague et Bratislava, où l'on voit évoluer des individus russes entourés d'une clique de criminels locaux. C'est très intéressant.

Le phénomène n'est pas nouveau. Des groupes de criminels organisés et de bandits extrêmement bien organisés existent en Russie et dans le territoire de l'ex-Union soviétique depuis des siècles. Si vous êtes, comme je le suis, un passionné de littérature russe, vous n'avez qu'à lire La fille du capitaine de Pouchkine ou Les Cosaques de Tolstoï ou encore le Taras Bulba de Gogol pour en avoir la confirmation. En dépit de tous les discours politiques, ces groupes ont prospéré durant l'ère soviétique dans les domaines de la contrebande, de la spéculation sur les devises et du trafic de drogues. Dans certains cas, ils coexistaient de manière parfaitement harmonieuse avec les autorités centrales, surtout l'appareil de la sécurité interne, et les criminels ordinaires étaient souvent utilisés dans les goulags pour contrôler les condamnés politiques. Là encore, on en trouve un témoignage énorme et effroyablement détaillé dans la littérature avec l'oeuvre monu mentale de Soljenitsyne, L'archipel du goulag.

C'est en fait dans le cadre du régime pénal soviétique que s'est développé l'essentiel de ce qui constitue actuellement le crime organisé en Russie, avec les «voleurs dans la loi», les Avtoritety, et leurs codes de comportement extrêmement sophistiqués. L'histoire du goulag est fascinante et l'histoire de ses criminels constitue à certains égards une histoire secrète ou parallèle de l'Union soviétique.

Le goulag a souvent été déchiré par des combats sauvages entre diverses factions criminelles. Par exemple, la guerre dite des «Scabs» qui a fait rage pendant 10 ans au cours des années 40 et 50 s'est traduite par des milliers de morts.

Malgré cela, ces criminels se sont épanouis au cours de l'ère postsoviétique en achetant des entreprises d'État et divers actifs, souvent pour une bouchée de pain, lorsqu'on les a privatisés. Ils se sont alliés avec des personnages politiques clés et se sont implantés dans le secteur financier et bancaire. Si l'on peut qualifier le crime organisé de «forme absolue du libre marché», on peut dire que l'effondrement de la Russie a été lié au fait que lors de la désintégration du système soviétique, les criminels russes étaient parmi les rares qui savaient fonctionner dans un libre marché.

En fait, quand une société se désintègre, il y a toujours des éléments marginaux qui apparaissent pour combler le vide laissé par la disparition des structures politiques, économiques et sociales légitimes. C'est une leçon valable pour nous aussi.

À l'heure actuelle, des pans entiers de l'économie russe sont tombés en partie ou en totalité entre les mains du crime organisé. On estime que jusqu'à 40 p. 100 des entreprises privées et jusqu'à 85 p. 100 des banques commerciales sont contrôlées directement ou indirectement par la pègre. La «protection» et l'extorsion sont généralisées et même des entreprises propres ont du mal à fonctionner sans «couverture», c'est-à-dire sans être sous la protection d'un chef criminel ou sans faire l'objet d'un racket.

Aujourd'hui, le crime organisé poursuit son expansion en Russie, peut-être plus vite que n'importe quel autre groupe de crime organisé au monde. Quand je vais en Europe, les policiers et les agents du renseignement de nombreux pays européens me disent régulièrement qu'ils n'avaient pas eu de problèmes de criminalité organisée graves jusqu'à l'effondrement de l'URSS.

Pour en revenir à l'actualité, dans la foulée de la catastrophe financière de 1998 en Russie, ces groupes ont poursuivi leur expansion à l'étranger et leurs intrusions dans d'autres pays. Ils mènent de façon plus agressive leurs recherches de nouveaux marchés et de nouveaux champs d'action.

Il y a actuellement trois grands groupes de criminels organisés russes en activité au Canada, dont un serait dirigé par un «voleur dans la loi». La plupart d'entre eux font partie intégrante de groupes plus importants basés en Russie ou dans d'autres régions de l'Europe orientale et centrale. La plupart d'entre eux sont extrêmement bien financés grâce à de vastes réserves communes de financement. Ils sont généralement implantés essentiellement à Toronto et dans le sud de l'Ontario, mais ils sont aussi actifs à Vancouver, à Montréal et dans les Maritimes. Cette activité dans les Maritimes est intéressante car il y a toute une tradition de présence russe dans la région. Des générations entières de Soviétiques y sont venues comme pêcheurs et ont souvent considéré des villes comme St. John's et Halifax comme leur deuxième domicile.

Ils se spécialisent notamment dans les fraudes commises par les employés, les fraudes à l'immigration et le vol et la contrebande d'automobiles. J'ai souvent vu, dans les rues de Prague et de Bratislava, des voitures qui avaient encore leur plaque d'immatri culation de l'Ontario et des collants du CAA sur le pare-chocs, des voitures qui venaient de débarquer.

Ils pratiquent de plus en plus des formes de fraude technologi que très sophistiquées en se servant de fausses cartes de crédit et de débit. En Europe de l'Ouest et en Amérique du Nord, il y a aussi la prostitution organisée et le trafic de femmes. Il est intéressant de constater que les femmes importées sur commande viennent de plus en plus d'Europe de l'Est - des filles russes, ukrainiennes et lithuaniennes - et qu'elles deviennent plus populaires à maints égards que les Thaïlandaises ou les Philippines. Mais c'est peut-être simplement une considération économique.

Ces individus utilisent de façon de plus en plus inquiétante la technologie. Il y a des groupes de pirates informatiques incroyablement doués en Russie et en Ukraine. Cette année, par exemple, les journaux ont relaté la façon dont des pirates informatiques russes sont entrés dans des sites de commerces et de transactions bancaires électroniques et ont téléchargé des informations sur les clients, notamment des données sur les cartes de crédit. Comme ces criminels organisés d'Europe de l'Est sont intéressés par la fraude et la criminalité financières, ils sont incités à faire appel de plus en plus à cette sous-culture du piratage informatique. C'est une culture qui prospère en Europe de l'Est et en Russie en particulier, car la qualité de l'enseignement technique dans cette région du monde est traditionnellement excellente. Il y a dans cette région de nombreux individus extrêmement talentueux à l'affût d'un emploi.

Pourquoi tout cela nous inquiète-t-il autant? Eh bien, parce que ces gens-là sont très forts pour s'infiltrer dans des structures économiques légitimes et les suborner. Contrairement aux autres groupes de criminels organisés du pays, ils semblent concentrer leurs ressources et leurs énergies vers des formes d'activités criminelles qui ne sont pas caractérisées comme «criminelles». Autrement dit, notre cible va être un courtier en produits, un chef d'entreprise pétrolière qui a une série de stations d'essence dans la région de Toronto ou un marchand d'or et de diamants bien connu. Je ne la porte pas aujourd'hui parce que j'ai une irritation, mais normalement j'ai une alliance russe. Tout le monde à Toronto a ce genre de bague qu'on achète à ces gens-là.

Ce n'est pas l'activité elle-même qui est criminelle, mais ce qu'elle permet, c'est-à-dire le blanchiment d'argent, la fraude, l'évasion fiscale, la contrebande de denrées, le vol, la mise en place de monopoles, et cetera. Ce qui les distingue, c'est que dans une grande mesure leur richesse provient du pillage à grande échelle de l'économie russe.

Le crime organisé est responsable d'une grande partie de la fuite des capitaux russes, que certains estiment à quelque 2 milliards de dollars par mois et, fait intéressant, cette évasion prend souvent la forme d'objets d'art et d'objets culturels. Non seulement on assiste à des problèmes de fuite des capitaux et à un problème de criminalité, mais aussi à la destruction du patrimoine russe.

C'est quelque chose qui m'intéresse personnellement. On voit proliférer des oeuvres d'art russes et des meubles d'église dans les magasins de Toronto, de Londres et de New York. Quand on interroge leurs propriétaires sur l'origine de ces oeuvres d'art, ils sont extrêmement peu loquaces.

Ces criminels ont aussi infligé des dégâts à l'économie canadienne, comme en témoigne l'affaire YBM Magnex. YBM Magnex est apparue à la Bourse de l'Alberta en 1995, et c'était officiellement un fournisseur d'équipement électronique indus triel. Cette société a eu d'extrêmement bons résultats à la Bourse de l'Alberta, elle est passée à la Bourse de Toronto en 1996 et en 1997, elle était cotée à l'indice TSE 300. En 1998, ses transactions ont été suspendues parce qu'elle n'avait pas présenté de vérification de ses états financiers, et on s'est rapidement rendu compte qu'il s'agissait d'une vaste fraude, qui allait même jusqu'aux simples photos des catalogues. Il est apparu que l'entreprise avait été mise sur pied par l'organisation de Semion Mogilevich pour dissimuler une affaire de blanchiment d'argent. Ce qui est grave, ce sont des investisseurs canadiens qui avaient pour 635 millions de dollars d'actions qui se sont retrouvés sans rien. C'est considérable.

La situation n'est toutefois pas dramatique. Du point de vue des enquêteurs, cette légitimation oblige ces criminels à exposer au grand jour une partie de leurs activités et, comme dans le cas de YBM Magnex, les expose à une certaine mesure de contrôle juridique et réglementaire qu'il est impossible d'exercer autre ment. Ils deviennent plus vulnérables aux enquêtes poussées sur les produits de la criminalité. Il n'y a pas d'arme magique contre le crime organisé, mais ces enquêtes sont tout de même très efficaces pour lutter contre ces criminels. Non seulement ils ont besoin d'argent pour fonctionner, mais c'est aussi leur objectif car ils sont fondamentalement motivés par l'appât du gain. Je pense qu'on n'oubliera jamais que ce qui a finalement mené Al Capone à Alcatraz, c'est une condamnation pour fraude fiscale, une forme de revenus tirés d'activités criminelles.

Certains facteurs sont particuliers à cette forme de crime organisé et représentent pour nous de véritables défis. Dans sa manifestation nord-américaine, le crime organisé russe est né de toute pièce. Ces individus qui étaient des crapules invisibles de la pègre sont devenus de grands criminels internationaux en moins d'une décennie. Ils ont réussi à éviter une évolution classique que l'on constate dans le crime organisé - les Italiens ou les Asiatiques, ou encore les gangs de motards hors-la-loi - c'est-à-dire l'assimilation graduelle, l'insertion et l'évolution sur plusieurs générations. Les policiers ont donc dû s'adapter extrêmement vite à cette nouvelle situation. Nous n'avons pas eu la possibilité de les observer, de nous adapter à eux, de nous habituer à eux et d'évoluer parallèlement à eux.

À titre personnel, je dirais que dans le monde occidental on a souvent tendance à considérer les Européens de l'Est, et les Russes en particulier, comme des victimes. Je pense que c'est une erreur, car ce sont des gens qui se considèrent comme des survivants - des âmes qui ont figurativement et littéralement échappés au massacre. Quand on examine le crime organisé en Europe de l'Est et en Russie, il ne faut jamais oublier qu'il s'agit d'une société et d'individus qui ont survécu à Stalin, à Hitler et au goulag. Ils ont traversé des formes d'enfer que nous ne connaîtrons, si nous avons de la chance, que dans nos pires cauchemars.

Bien sûr, il s'agit de crime organisé, mais à certains égards, c'est presque une forme de survie culturelle. Quand on a survécu au siège de Leningrad, aux mines d'or de Kolyma, où les prisonniers politiques travaillaient dans des mines à ciel ouvert par 75 degrés sous zéro, on n'est pas spécialement impressionné par tout l'appareil de police et de maintien de la loi du Canada. C'est donc à nous d'imaginer des façons nouvelles de nous attaquer à ces individus.

Notre réaction prend essentiellement trois formes. Première ment, au niveau des enquêtes et des poursuites, nous avons mené à bien plusieurs enquêtes sur le crime organisé est-européen; en 1997, le projet OSADA a débouché sur l'expulsion vers la Russie d'un personnage bien connu de Toronto, Vyacheslav Sliva. Il avait été l'un des premiers représentants du crime organisé à arriver ici et il était étroitement associé, tant par son mariage que par ses liens professionnels, à Vyacheslav Ivankov, alias Yaponchik, qui a été la première grande tête de la criminalité post-soviétique aux États-Unis en tant que chef de la mafia de Brighton Beach. OSADA 2 a débouché sur l'arrestation du successeur de Sliva, Yuri Dinaburgski, et de plusieurs autres conspirateurs en Ontario, au Québec, aux États-Unis et dans plusieurs autres pays. Cette enquête nous a menés à travers le monde entier, en Russie, aux États-Unis, en Hollande, dans les Caraïbes, et cetera.

Le deuxième volet de notre action consiste à étendre nos connections. Compte tenu de mes intérêts personnels, je considère que ces deux derniers points sont à certains égards les plus importants. La GRC a un protocole d'entente avec le MVD, le ministère russe de l'Intérieur, depuis 1993. Nos relations portent surtout sur la formation, notamment notre programme de détachement d'observateurs internationaux qui permet à des policiers russes d'évoluer au sein de divisions de la GRC. Cela leur permet de se familiariser avec les tâches et responsabilités de la GRC et de comprendre le rôle de la police dans la société canadienne. Des cadres supérieurs de la police russe et de divers organismes d'application de la loi sont venus nous rendre visite et voir comment nous fonctionnions pendant des durées variables, soit grâce à un financement de la GRC, soit grâce à d'autres formes d'aide telle que la Fondation Eltsine.

Nous avons monté et nous continuons à monter de nombreux programmes de formation en Europe de l'Est et du Centre, notamment dans la Baltique, en République tchèque et en République slovaque, sous l'égide de l'ACDI. Ce n'est pas de la formation opérationnelle. On ne leur apprend pas à être des policiers en soi. Il s'agit plutôt d'une formation à la gestion, aux techniques d'éducation des adultes, à l'analyse du renseignement, à l'éthique, à des philosophies différentes des activités policières et cetera.

J'ai personnellement participé à plusieurs de ces initiatives en Europe de l'Est et en Amérique du Sud, une région dont il n'est pas question ici pour l'instant. Je peux vous dire qu'elles ont été un succès. L'une des choses les plus importantes dans ces initiatives, c'est que nous y incluons toujours une composante de formation pour permettre à ces personnes d'adapter la formation à leurs besoins et à leurs exigences au fur et à mesure de leur évolution. Nous commençons actuellement à mettre sur pied avec l'ACDI des programmes de formation pour l'Asie centrale, qui pourront éventuellement inclure aussi la Russie sur demande.

Le troisième volet de notre action concerne une de nos priorités stratégiques. Le maintien de la paix et la consolidation de la paix constituent une priorité stratégique à long terme de la GRC. Nous connaissons tous bien le rôle joué par la GRC à Haïti et dans les Balkans, mais la consolidation de la paix, pour insister sur ce qui est essentiel, inclut un ensemble d'initiatives qui vont bien au-delà de nos obligations auprès de l'ONU.

À mon avis, les projets de formation et de développement internationaux font partie intégrante du rôle de la GRC et du Canada dans l'édification d'institutions, notamment dans les démocraties naissantes, car il va de soi que l'une des caractéristi ques d'une société civile et ouverte, c'est une structure policière fonctionnelle, bien organisée et bien disciplinée à laquelle les citoyens accordent une confiance implicite. C'est la pierre angulaire d'une démocratie fonctionnelle.

Pour terminer, je dirais que la GRC, à mon avis, qui constitue, pour le meilleur comme pour le pire, un exemple pratique d'instance policière, tant au Canada qu'à l'étranger, a un rôle crucial à jouer à cet égard, de par les ressources et le savoir-faire qu'elle peut apporter, mais peut-être aussi, et surtout, de par sa capacité de donner l'exemple.

M. Fergal O'Reilly, Société pour l'expansion des exporta tions: Je vais d'abord me présenter, puis vous donner un aperçu de la Société pour l'expansion des exportations (SEE). J'y travaille à titre d'analyste des risques politiques et je suis responsable de la Russie, de la Communauté des États indépen dants (CEI) et de l'Europe de l'Est. Mon rôle consiste à surveiller les événements politiques et réglementaires et leur incidence sur les entreprises canadiennes qui ont des investissements dans ces pays ou qui entretiennent des relations commerciales avec eux. Je vais vous expliquer davantage ce qu'on entend par risques politiques au sein de la SEE. Ce n'est pas ce qu'on serait porté à croire a priori.

Avant d'accorder une assurance risques politiques aux investis seurs canadiens, nous explorons trois axes principaux qui reflètent trois catégories de risques. La première catégorie concerne les transferts et la convertibilité, c'est-à-dire la capacité pour l'investisseur de convertir l'argent gagné sur place en monnaie forte et de le transférer à l'extérieur du pays vers une banque canadienne ou américaine, ou tout simplement à l'étranger.

Bien que ce risque soit tributaire dans une large mesure de facteurs macroéconomiques, il n'en demeure pas moins qu'il dépend grandement de l'attitude du gouvernement et de ses choix politiques. Ainsi, en Russie, le gouvernement exige que 50 p. 100 des bénéfices réalisés en monnaie forte sur des projets locaux soient reconvertis en roubles et injectés dans le système bancaire russe.

La deuxième catégorie de risques que nous analysons est le risque d'expropriation. Il s'agit non seulement de l'expropriation proprement dite, mais aussi du problème grandissant que nous constatons, celui de l'«expropriation rampante». Là, nous exami nons principalement toutes sortes d'actions ou d'inactions gouvernementales qui empiètent graduellement sur la capacité des auteurs d'un projet de réaliser des bénéfices et de rentabiliser leur investissement. Cela peut prendre différentes formes, de la révocation d'un permis d'exporter à des jugements de tribunaux partiaux, défavorables à l'étranger.

La troisième catégorie de risques est la violence politique, qui se passe de tout commentaire et qui couvre un vaste éventail d'événements. Les auteurs de projets peuvent perdre de l'argent si leurs avoirs sont endommagés ou s'ils ne peuvent plus être opérationnels en raison de violences prolongées.

Outre ces trois facteurs de risque, nous surveillons le niveau de stabilité générale du gouvernement, qui a une incidence sur sa capacité d'élaborer et de mettre en oeuvre des politiques qui, à leur tour, auront des conséquences pour les autres catégories de risques.

Après ce bref aperçu, je voudrais maintenant parler de la Russie. Je diviserai mon exposé en trois parties. Dans un premier temps, je résumerai le point de vue de la SEE sur les événements politiques survenus au cours des 18 derniers mois, soit depuis l'arrivée au pouvoir de Poutine et son élection comme président. Dans un deuxième temps, j'aimerais vous parler de la situation actuelle, c'est-à-dire 18 mois plus tard. Enfin, j'essaierai de nous projeter dans l'avenir pour voir ce qui se profile à l'horizon pour les intérêts des entreprises canadiennes.

Premièrement, il va sans dire que l'arrivée au pouvoir de Poutine s'est accompagnée d'un changement fondamental dans le paysage politique russe. L'année 2000, et la majeure partie de 2001, ont été marquées par le rétablissement du pouvoir de l'État en Russie. Durant les années Eltsine, la faiblesse du pouvoir central a permis à d'autres acteurs politiques de prendre l'initiative en Russie. On distingue trois principaux groupes d'acteurs. Évidemment, le premier est la Douma. Avant les élections parlementaires de 1999, qui ont vu la naissance du bloc Unité pro-Kremlin et pro-Poutine, la Douma constituait une force d'opposition au Kremlin. La majorité pro-Kremlin n'appuyait pas les politiques gouvernementales, et les nouvelles initiatives législatives s'enlisaient constamment dans des querelles partisa nes, ce qui s'est traduit par une impasse ou une paralysie législative.

Le deuxième groupe d'acteurs qui a gagné en influence, ce sont les autorités régionales. En effet, certaines régions s'étaient donné une autonomie considérable par rapport au pouvoir central, notamment sur les plans juridique, administratif et, surtout, financier. Par conséquent, le pays est devenu une véritable mosaïque bigarrée d'autorités, ce qui a rendu la vie particulière ment difficile aux investisseurs étrangers, car dans la plupart des cas, on ne savait tout simplement pas à qui on avait affaire ni à quel régime juridique on devait se conformer.

Le troisième et dernier groupe d'acteurs sur la scène politique, ce sont les oligarques, des personnes comme Berezovsky, qui se sont servis de leurs relations politiques pour gagner un avantage considérable dans le milieu des affaires, notamment vers la fin des années Eltsine, soit après sa réélection en 1996. L'influence de cette oligarchie sur l'action gouvernementale avait pris beaucoup d'ampleur.

À divers degrés, tous ces groupes et personnes avaient sapé la capacité du gouvernement d'imposer sa volonté et de réaliser ses objectifs politiques.

Le but de Poutine, et c'est là que nous avons parlé du rétablissement du pouvoir de l'État, a été de renverser cette tendance et de reprendre le pouvoir.

Après 18 mois de consolidation de pouvoir, qu'en est-il de la situation actuelle? La première chose qu'il convient de préciser est que le projet du rétablissement du pouvoir de l'État n'est pas encore terminé en Russie. Il reste encore beaucoup à faire. La douma prête désormais son appui, et un consensus grandissant semble se dessiner autour d'un bloc pro-Kremlin. Plus tôt cet été, l'opposition officielle s'est jointe à l'Unité pour former un bloc pro-Kremlin plus puissant. D'une manière générale, les commu nistes n'ont plus beaucoup de pouvoir au sein du gouvernement. Ils perdent constamment les votes et les débats.

Les autorités régionales alignent de plus en plus leurs lois sur celles du pouvoir central, et ce, grâce à une sorte de politique de la carotte et du bâton utilisée par le centre. Pour sa part, le pouvoir central a fait preuve d'une plus grande volonté et capacité d'imposer son bon vouloir aux régions éloignées, de punir celles qui ne se conforment pas à ses politiques et de récompenser celles qui le font.

Enfin, les oligarques ont eux-mêmes renoncé à toute ingérence, du moins ouverte, dans le processus politique.

Cependant, à certains égards, je crois que l'opposition au régime est tout simplement endormie. Je ne pense pas qu'elle ait baissé les bras pour autant. Cela est attribuable en grande partie à la popularité continue de Poutine. Tant que celui-ci sera populaire, il n'aura vraisemblablement pas à se préoccuper de l'opposition.

Ceci étant dit, Poutine est encore résolument engagé dans la voie du rétablissement du pouvoir de l'État. Il n'a pas encore renoncé à cet objectif.

Cette volonté trouve son expression dans les constantes manoeuvres pour voir qui est pour et qui est contre, et dans les changements d'alliance de la part des acteurs politiques indivi duels. Le premier ministre Kasyanov et le chef d'état-major Volochine, qui ont tous les deux de forts liens avec l'ancien régime et la famille Eltsine, et que l'on associe étroitement à l'oligarchie, semblent désormais adopter davantage une position pragmatique, s'alignant sur les politiques de Poutine et prenant soin de leurs intérêts.

Ces manoeuvres politiques constantes se font au détriment des progrès sur d'autres fronts, et ceux qui nous intéressent particulièrement sont le front économique et la réforme du marché. À ce chapitre, nous avons constaté relativement peu de progrès importants durant les 18 premiers mois.

Plusieurs facteurs exacerbent la situation. Tout d'abord, la prudence de Poutine. Celui-ci ne prend pas de décisions qui soient difficiles sur le plan politique. En effet, la plupart des batailles politiques qu'il a livrées ont été des batailles qu'il était sûr de pouvoir gagner. En d'autres mots, il se garde de gaspiller son capital politique sur ce genre d'aventures.

D'autre part, au sein même de l'équipe Poutine, il semble y avoir beaucoup de divergences quant à l'orientation à suivre. Dans le domaine économique, il existe différents centres de pouvoir. On ne sait pas tout à fait qui est responsable de l'élaboration des politiques économiques. En janvier de cette année, différents ministres ont fait des déclarations concernant le remboursement de la dette envers le Club de Paris. Dans un premier temps, un des ministres annonçait que son pays n'allait pas la rembourser. Quelques jours plus tard, un autre ministre annonçait le contraire. Au nombre de ces ministres figurent le premier ministre Kasyanov, le ministre des Finances Kudrin, le ministre de l'Économie Gref et le conseiller présidentiel Andrei Ilarionov. Ces responsables ont tous à un moment ou un autre fait des déclarations relatives à la politique économique. On ignore toujours ce qu'il en sera et à quelle déclaration accorder le plus de crédibilité.

Malgré son manque de progrès et son gradualisme, le gouvernement semble avoir centré davantage ses politiques au cours de la dernière année. En effet, nous avons constaté une cristallisation des priorités dans les domaines de l'économie et de la réforme du marché. Je citerai trois exemples qui ont pris une importance particulière. Tout d'abord, la réforme juridique qui englobe la formation et la réforme du pouvoir judiciaire, et la réforme législative, qui consiste à nettoyer le désordre législatif laissé par les régimes soviétiques et post-soviétiques.

Le deuxième élément de la réforme est la débureaucratisation, qui, comme son nom l'indique, consiste à réduire l'ingérence bureaucratique de l'État dans les affaires des entreprises.

Enfin, le dernier élément recensé est la réforme des monopoles naturels: production et transport du gaz, électricité, transport en commun et transport ferroviaire.

On a accordé la priorité à ces trois éléments de la réforme, car ils sont perçus comme des obstacles importants à la réforme des autres secteurs de l'économie. On estime que si l'on peut sortir de cette impasse, les autres éléments de la réforme suivront par voie de conséquence.

Voilà ce qu'il en est aujourd'hui. Je vais maintenant vous projeter dans l'avenir. On ne semble plus remettre en question l'attachement de Poutine à la réforme. Les préoccupations ont été apaisées. Poutine demeure résolu à réformer le système. Toute fois, et ceci est particulièrement important pour les intérêts canadiens en général et ceux des entreprises canadiennes en particulier, sa motivation n'est pas altruiste, et elle ne l'est surtout pas à l'égard des investisseurs étrangers. Je crois que l'investisse ment étranger continue d'être perçu, à bien des égards, comme un mal nécessaire, et on le traite souvent comme tel.

Au-delà de toutes ces considérations, certains obstacles majeurs à la réforme demeurent. D'une part, ceux qui ont un intérêt matériel, que ce soit les bureaucrates au sein des ministères ou les oligarques, essaieront toujours de faire ce qu'ils peuvent, et le font déjà, pour enliser les réformes ou les canaliser vers leurs propres fins. D'autre part, comme je l'ai dit tout à l'heure, le gouvernement se garde encore de prendre des décisions qui ne soient pas populaires sur le plan politique. En conséquence de la réforme des monopoles naturels, que j'ai évoquée, bien des Russes moyens seraient incapables de se permettre le strict nécessaire comme l'électricité, et cela serait terriblement impopu laire sur le plan politique.

La stabilité politique à long terme est garantie dans la mesure où Poutine a mis fin à la pourriture laissée par le régime Eltsine. Le gouvernement central semble avoir pris davantage le pays en main, et le risque d'un effondrement imminent semble avoir été évité.

Par ailleurs, les tendances antérieures ne sont pas irréversibles. Tout dépend en grande partie de la volonté de Poutine de poursuivre l'évolution des tendances. Quelqu'un a résumé la situation en disant: «Il y a beaucoup de mouvements, mais aucune avancée, jusqu'à présent.» Poutine n'a pas encore mis sur pied des institutions durables qui survivraient au-delà de sa présidence. Le temps est crucial. Il y a un risque réel que le gouvernement ne disposera pas du temps nécessaire pour mettre ces tendances en branle.

Je ne parle pas de la crise imminente de l'endettement, ni des problèmes d'infrastructure, qui se feront sentir en 2003, ni même du fait que les cours du pétrole maintiennent l'économie à flot. J'entends plutôt la popularité de Poutine. S'il ne réussit pas à répondre aux attentes très élevées de la population, sa popularité en sera érodée. Cette érosion entraînera une réaction en chaîne: les alliés de Poutine l'abandonneront, l'opposition se renforcera et ce sera soit un retour à la politique de la stagnation que nous avons constatée durant les années Eltsine ou la promotion d'une position plus autoritaire de la part du régime pour empêcher cette dégringolade de commencer. Voilà comment j'entrevois l'avenir, et je terminerai en explorant ce que cela signifie pour les entreprises canadiennes. Premièrement, s'agissant de la macro-stabilité, la situation actuelle est meilleure que ce qu'elle a été depuis longtemps. La Russie est entre les mains d'un dirigeant compétent qui jouit du soutien de la majorité au sein du Parlement et d'un niveau de popularité élevé. Ceci étant dit, les tendances actuelles ne sont pas irréversibles, et les choses pourraient toujours mal tourner.

Deuxièmement, et c'est surtout vrai dans le secteur des ressources naturelles, le pouvoir oligarchique a encore une influence considérable. Beaucoup de ceux qui le détiennent usent encore de leurs appuis politiques pour infléchir la conduite des affaires à l'échelle nationale et locale. À mon avis, cela ne va pas changer du jour au lendemain, quoi que tente de faire le centre.

En terminant, bien des choses indiquent un engagement à l'égard de la réforme, mais le plus gros défi, surtout en ce qui concerne les nouvelles lois, est de faire en sorte que le régime législatif fonctionne sur le terrain de façon quotidienne. Deux grands problèmes se posent à cet égard. D'une part, un manque de capacité pour l'application des lois et d'autre part, l'ingérence politique, qui continue de saper la structure juridique.

M. Lorne Cutler, Société pour l'expansion des exportations: Je travaille aussi à la Société pour l'expansion des exportations. Je suis le gestionnaire régional pour la Russie. À ce titre, j'ai la responsabilité de recueillir l'opinion de mon collègue,M. O'Reilly, et de nos économistes, pour dresser un schéma de la façon dont nous pouvons faire des affaires en Russie, avec le concours de notre équipe commerciale, qui à son tour travaille avec les exportateurs et les investisseurs canadiens qui s'intéres sent à ce marché.

Autrement dit, à partir de la théorie et de la macro-analyse, je construis un schéma pratique. Pour un pays comme la Russie, cela suppose bien des défis et nous faisons face à un grand nombre d'enjeux.

Après la crise d'août 1998, nous avons marqué un temps d'arrêt dans nos transactions avec la Russie, à l'instar de la plupart des autres agences d'exportation et banques commercia les. Au cours de l'année dernière, la situation politique en Russie s'est améliorée de façon appréciable et le pays est redevenu stable. En même temps, la situation économique en Russie s'est aussi grandement améliorée. Cela est attribuable pour une petite part à la réforme économique accomplie en Russie, mais les prix élevés du pétrole et du gaz ont catalysé la situation. La Russie est un exportateur net de ressources naturelles et elle a profité énormément de la hausse des prix du pétrole, du gaz et des autres minéraux.

L'économie de la Russie s'améliorant, et au fur et d'autres agences et banques de crédit à l'exportation recommençant à s'intéresser au marché, les exportateurs canadiens ont fait de même. Sous la pression, la SEE a revu plus tôt cette année sa position afin de décider d'une éventuelle réouverture du marché, de dresser la liste des enjeux commerciaux dans ce pays et de voir comment nous pourrions réduire au minimum les risques nous tout en voulant aider les sociétés canadiennes.

Cet examen terminé, les crédits pour la Russie ont été avancés de nouveau, mais sur une base très limitée. S'il en est ainsi, c'est parce que nous estimons que sur les plans politique, économique et du crédit, le marché russe comporte encore des risques.

Nous avons recommencé à prêter au gouvernement russe. Au moment de la crise du mois d'août, le gouvernement russe a annoncé publiquement qu'il honorerait les créances étrangères contractées après le régime soviétique, mais qu'il n'en serait pas ainsi pour certaines dettes remontant à l'époque soviétique ou encore des dettes internes. Le gouvernement russe a tenu sa promesse à cet égard. Les créances post-soviétiques dues à la SEE sont en règle, et nous nous sentons à l'aise de nouveau dans nos relations avec le gouvernement russe.

Toutefois, le gouvernement russe désormais hésite à conclure des ententes de prêts avec les banques ou les agences de crédit à l'exportation et il limite ses emprunts. Son budget étant excédentaire, il peut se le permettre.

Nous avons analysé le secteur bancaire qui pour nous posait les problèmes et les défis les plus ardus. En règle générale, de nombreux secteurs ont été réformés depuis 1998, mais le secteur bancaire n'a pas été touché. Le gouvernement russe commence à peine à envisager une réforme dans ce secteur. De notre point de vue de prêteur, les banques russes présentent de graves problèmes. La plupart des créanciers internationaux ont essuyé leurs plus grosses pertes à l'occasion de prêts à des banques russes, ou en prêtant à l'interne au gouvernement russe - et non au chapitre des prêts internationaux.

Plusieurs problèmes perdurent dans le cas des banques. Comme je l'ai dit, nous nous inquiétons énormément du fait que l'on n'ait pas assaini le secteur bancaire. Si vous vous rappelez la situation au moment où ces banques se sont trouvées en défaut de paiement, vous savez que leurs problèmes découlaient de certains facteurs: l'effondrement de la devise russe; le gouvernement russe n'ayant pas honoré ses obligations du trésor - les marchés de devises étrangères insuffisamment protégées; de mauvaises décisions de crédit; et les fraudes et les vols commis par les propriétaires et les dirigeants de ces banques.

Certaines de ces questions ont été résolues. La dette publique et la spéculation sur les devises ne représentent pas vraiment un problème à l'heure actuelle en raison de la stabilité générale de l'économie russe. Toutefois, il faut encore régler les questions des mauvaises décisions en matière de crédit et de l'intégrité de la gestion.

Il faut aussi faire face au fait que le fouillis bancaire des années précédentes reste inchangé. Les banques et leurs propriétaires ont pu rouvrir, pratiquement au même endroit, sous un nouveau nom, leurs compagnies sans rembourser leurs dettes et en conservant leurs actifs. Ils sont à l'abri des créanciers.

Je ne peux vous parler de la propriété des banques russes. M. Smith a dit qu'il s'agissait de 85 p. 100, ce qui représente, je présume, la proportion selon le nombre de banques car, dans les faits, deux banques, la Sberbank et la Vneshtorgbank qui sont la propriété du gouvernement contrôlent environ 70 p. 100 des actifs bancaires en Russie. Il y a peut-être des problèmes, mais ces banques sont la propriété entière ou partielle du gouvernement.

Nous restons méfiants à l'égard des banques russes. Pour l'instant, nous ne faisons affaire qu'avec certaines banques d'État et celles détenues pour la plus grande part par des banques occidentales.

Il y a un autre important domaine où nous croyons pouvoir connaître du succès, soit les sociétés russes de premier ordre. Elles oeuvrent surtout dans le secteur des ressources. Il s'agit notamment de Lukoil et Gazprom et de certaines autres dont le nom nous est moins familier. Ces entreprises constituent pour nous de belles occasions mais aussi un défi. Dans l'ensemble, ce sont des sociétés riches, exemplaires, qui ont été extrêmement rentables ces dernières années en raison du prix des ressources. Elles ont aussi un chiffre d'affaires important dans les pays occidentaux, ce qui peut servir de garantie de prêts.

De plus en plus, la transparence financière de ces entreprises s'accroît. La plupart des grandes sociétés russes de premier ordre produisent dorénavant des états financiers conformes aux normes comptables internationales ou aux principes comptables générale ment reconnus. J'ai découvert ces deux ou trois derniers mois que les compagnies dont les actions ne sont pas cotées en bourse ne reconnaissent pas nécessairement qu'elles produisent ce genre d'états financiers, mais lorsqu'elles souhaitent faire affaire avec des banques occidentales, elles les peuvent les produire sans peine. Nous n'avons plus à nous contenter des normes comptables russes. Les entreprises autres que celles qui sont au haut du panier présentent une transparence comptable extrêmement limitée en Russie, ce qui nous limite.

Il faudra encore régler la question de la régie des sociétés. Nous avons tous lu des articles sur les sociétés étrangères qui ont eu beaucoup de mal dans leurs transactions avec les compagnies russes, mais après avoir passé en revue ce qui s'était produit, nous avons conclu que les exportateurs qui tentent de vendre à ces compagnies sont traités différemment de ceux qui veulent y investir, que ce soit comme actionnaires minoritaires par le biais de la bourse ou comme partenaires directs dans le cadre d'une coentreprise. Un peu plus tard, je vous dirai ce qui explique cette différence à mon avis; il est certain que nous avons constaté son existence.

Depuis quelques années, des sociétés canadiennes, européennes et américaines vendent à ces sociétés de premier ordre en exigeant souvent d'être payées d'avance. De plus en plus, les organismes de crédit à l'exportation réapparaissent sur le marché et redeviennent une source de financement, mais bien des entrepri ses ont aussi réussi à ce chapitre. Les exportations canadiennes vers la Russie augmentent de façon importante cette année et les deux secteurs où la croissance est la plus rapide sont ceux de l'équipement gazier et pétrolier et de l'équipement minier.

Les compagnies avec lesquelles nous faisons affaire sont pour la plupart, mais pas toutes, cotées en bourse. La plupart ont été fondées ou sont contrôlées par un oligarque. En général, il y a un oligarque quelque part dans les coulisses. Il est parfois difficile pour nous de déterminer si ces entreprises font l'objet d'influen ces de la part du crime organisé. Lorsque nous nous penchons sur des sociétés russes, nous tentons de faire la distinction entre les oligarques qui dirigent des entreprises légitimes de façon peut-être illégitime - qui rognent sur les coûts, qui cherchent à profiter du trafic d'influences, qui mettent à profit leurs liens politiques et autres - et les véritables intérêts criminels. Nous savons que toutes ces entreprises sont nouvelles. Les antécédents sont parfois un peu louches, et nous devons tenter de voir jusqu'à quel point les entreprises ont tourné le dos à ces antécédents. C'est parfois difficile.

J'ai fait mention de la différence entre le traitement des exportateurs et des investisseurs. La SEE, par le biais de ses programmes, appuie autant les exportateurs que les investisseurs canadiens. De plus en plus, nous envisageons la Russie comme constituant deux marchés différents. Nous avons peu de réserve à accorder des prêts à nos exportateurs, quand les circonstances s'y prêtent; nos exportateurs se feront rembourser et, à notre tour, nous le serons. Toutefois, nous ne considérons pas les investisse ments du même oeil.

Jusqu'à présent, d'après notre expérience et celle d'autres entreprises de l'extérieur du Canada, ce n'est pas facile en Russie, surtout dans le secteur des ressources. Les investisseurs canadiens ont surtout mis l'accent, en Russie, sur les secteurs du pétrole et du gaz et des mines. Dans l'ensemble, à une ou deux exceptions près, les sociétés visées ont connu des difficultés.

Le principal problème des investisseurs est celui de l'expropria tion larvée. La conversion et le rapatriement des gains ne constituent plus un problème depuis que les marchés des devises fonctionnent bien en Russie. La Banque centrale de Russie a des réserves de devises étrangères de 37 milliards de dollars. Les investisseurs n'ont donc pas de mal à sortir leur argent. C'est plutôt l'expropriation qui pose un problème.

De plus en plus, on estime que, lorsqu'on investit en Russie, on doit le faire seul, dans une nouvelle entreprise et non pas se joindre à une coentreprise. Outre les difficultés qu'on connaît parfois avec les divers gouvernements en Russie et les investis seurs étrangers, si vous avez des partenaires, il est fort probable qu'ils vous pousseront à partir pour assumer eux-mêmes votre investissement.

Nous avons tenté de comprendre pourquoi. Nous avons quelques pistes d'explication. Ainsi, la nature du contrat en Russie doit être bien claire. Pour les exportateurs, le contrat est bien défini. Vous payez pour des biens, nous vous livrons ces biens. Cela met fin à la transaction. Pour les prêteurs, c'est aussi bien défini. Nous leur fournissons des fonds qu'ils doivent rembourser sur un certain nombre d'années à un certain taux d'intérêt. C'est clair. Une fois que le prêt est remboursé, il est remboursé.

Pour les investisseurs, la situation est différente. Vous arrivez comme investisseur avec un premier montant d'argent, mais une fois cela fait, vos droits de propriété sur cet investissement ont une durée indéfinie, jusqu'à ce que vous choisissiez d'y mettre fin. Il se peut que vous ne fassiez pas d'autre investissement, mais vous êtes néanmoins propriétaire d'une part de l'entreprise et avez droit à votre juste part des profits, profits qui vont peut-être bien au-delà de ce que vous avez investi. C'est un concept qu'il est difficile à comprendre en Russie. J'ignore si c'est attribuable à la culture ou à l'héritage communiste, mais cela semble être un problème. Pourtant, je suis convaincu que ce n'est pas un problème pour nos exportateurs ni même pour nous comme prêteurs.

Lorsque nous abordons ce marché, nous tentons d'aider les exportateurs du mieux que nous le pouvons tout en tenant compte des risques auxquels nous ferons face comme prêteurs; lorsqu'il s'agit d'investir, nous examinons attentivement les risques d'une affaire particulière tout en tenant compte des risques existants dans les diverses régions et divers secteurs de l'économie.

En terminant, je dirai qu'avant la crise, la Russie était le marché le plus intéressant pour les sociétés canadiennes, autant à titre d'investisseur que d'exportateur. Cela semble être encore le cas. La SEE s'intéresse beaucoup à l'Europe centrale, mais ses activités commerciales sur ces marchés restent limitées. Le nombre d'entreprises canadiennes qui s'intéressent au marché russe continue d'augmenter et, à mesure que la situation politique et économique de la Russie s'améliore, je m'attends à ce que cet intérêt continue de croître.

Nous assistons aussi à des investissements dans l'infrastructure russe de la part de sociétés russes de premier ordre; cela suscite des occasions accrues pour les exportateurs canadiens qui vendent des biens à ces entreprises.

Le sénateur Graham: Je m'adresse d'abord à M. Smith. Vous avez utilisé une expression que je trouve assez intéressante, nommément «consolidation de la paix». On entend souvent parler dans notre pays de «maintien de la paix» et parfois de «rétablissement de la paix», mais rarement de «consolidation de la paix». Pourriez-vous nous expliquer ce que signifie cette expression?

M. Smith: L'une de nos grandes priorités stratégiques, c'est le maintien de la paix. Après réflexion, nous avons ajouté à cela la consolidation de la paix. Ce que nous voulons dire par là, c'est la paix dans son sens le plus large. Cela vise toute une gamme d'initiatives en ce qui concerne la GRC, car nous avons un rôle à jouer, qui est défini par notre propre rôle à titre de service de police, à savoir d'établir des institutions et de renforcer les institutions dans les pays émergents, en particulier dans les nouvelles démocraties, où qu'elles se trouvent, que ce soit en Europe orientale, en Europe centrale, en Amérique du Sud ou, de plus en plus, en Afrique.

Nous considérons qu'il s'agit là d'un rôle essentiel parce que la GRC est évidemment de plus ne plus présente sur la scène internationale. Nos interventions ne visent pas seulement le maintien de la paix, qui décrit une situation où l'on intervient pour tenter de s'interposer entre deux parties en guerre, mais c'est une tentative de faire en sorte que les bases et l'infrastructure soient mises en place pour que la situation ne dégénère pas au point où l'on soit obligé d'intervenir pour maintenir la paix.

Le sénateur Graham: Je pense que la GRC a joué un rôle très louable dans ces entreprises et j'ai eu l'occasion d'en être le témoin sur place.

Monsieur O'Reilly, pourriez-vous nous décrire les relations entre M. Poutine et M. Eltsine, ou la famille Eltsine, les partisans et les fidèles de Eltsine?

M. O'Reilly: Cette situation a déjà évolué depuis le début du règne de M. Poutine. Au début, Poutine était considéré comme un autre produit de l'appareil mis en place par Eltsine. Il est arrivé au pouvoir, a été nommé premier ministre au moment où plusieurs premiers ministres venaient de se succéder rapidement. On pensait que cet inconnu de Saint-Pétersbourg ne ferait pas long feu lui non plus. On a beaucoup dit que Poutine aurait garanti à Eltsine l'immunité contre toute poursuite en retour de sa démission. Essentiellement, la démission de Eltsine au moment où la popularité de Poutine était à son apogée à cause du conflit en Tchétchénie a garanti l'élection de ce dernier. Il ne pouvait pas perdre à ce moment-là.

La situation a évolué. La «famille» de Eltsine englobe plus que la famille immédiate. Il y a la fille de Eltsine, mais quand on parle de la famille de Eltsine, on englobe toute une coterie, une série de conseillers et de copains de Eltsine au Kremlin, et non pas seulement sa famille immédiate. Il a été démontré depuis environ un an que Poutine a pris ses distances par rapport à cette structure familiale et qu'il a, à bien des égards, pris l'offensive contre les éléments clés de la famille. Je pense que s'il traite de cette manière les gens et les membres de la «famille», entendue au sens oligarchique, c'est plutôt pour éviter que ces groupes viennent s'ingérer dans le processus politique, et non pas parce qu'il est animé d'un désir sincère de faire un nettoyage dans le monde des affaires et de la politique en Russie.

Tout cela vise à consolider son pouvoir. Si Eltsine entre en conflit avec Poutine à l'avenir, je pense qu'il sera brutalement écarté exactement de la même manière. Il serait sacrifié, au besoin, pour garantir la popularité future de M. Poutine. Actuellement, je n'envisage pas que cela va nécessairement se produire. Il n'y a pas une volonté générale de punir Eltsine pour ses crimes passés ou quoi que ce soit du genre, mais si cela devait arriver à l'avenir, je n'ai aucun doute que Poutine s'en prendrait à son ancien maître.

Le sénateur Graham: Je crois que M. O'Reilly et M. Cutler ont été plus optimistes que d'autres témoins que nous avons entendus cette année, en particulier au sujet de l'économie et de la stabilité générale en Russie. M. Cutler a utilisé l'expression «stabilité globale de l'économie russe». Je ne pense pas que l'un ou l'autre des témoins que nous avons entendus au printemps aurait utilisé ces termes. Vous avez évoqué la possibilité d'accorder une ligne de crédit. Depuis quand vous sentez-vous enclin à rouvrir ces lignes de crédit?

M. Cutler: Bon nombre des exportateurs qui me sollicitent me trouvent trop peu optimiste. Nous avons commencé à revoir notre position sur la Russie à la fin de l'année dernière. En mars 2001, nous avons soumis cette politique à notre haute direction. Les facteurs qui nous inspirent confiance sont d'ordre macroéconomi que avant tout. Le pays affiche un important excédent commer cial. Les réserves de devises étrangères augmentaient considéra blement. Au début de l'an 2000, elles se chiffraient à 10 milliards de dollars. À l'heure actuelle, elles sont de l'ordre de 37 milliards de dollars. Le gouvernement russe présentait un budget équilibré et se retrouvait en situation d'excédent budgétaire après le service de la dette.

Pour les prochaines années, on entrevoit toujours des problè mes possibles en 2003, car il y aura alors une échéance de dette à franchir. Mais d'après ce que nous voyons, le gouvernement russe semble reconnaître cet obstacle à terme et discute de solutions possibles. Plus tôt cette année, il y a eu un débat au sein du gouvernement russe sur la question de savoir s'il valait mieux payer la dette cette année ou en obtenir le rééchelonnement auprès du Club de Paris. Nous avons constaté avec satisfaction que, en bout de ligne, ce sont les tenants du remboursement de la dette et non ceux du rééchelonnement qui ont eu le dessus. Si nous pouvons affirmer que l'économie dans son ensemble prend du mieux, c'est d'abord à cause de cela, mais nous reconnaissons que les progrès économiques de la Russie se fondent en bonne partie sur les prix élevés du pétrole et du gaz.

L'effort pour réformer l'économie en profondeur est toujours insuffisant. Depuis les audiences de votre comité, plus tôt cette année, il y a eu des progrès dans certains volets de la politique économique. Des nouveaux régimes fiscaux pour les particuliers et pour les entreprises sont entrés en vigueur. Le nouveau code foncier vient tout juste d'être adopté hier. Cela n'affecte que les terrains en milieu urbain, soit 2 p. 100 de toutes les terres russes, mais, en principe, la propriété privée pour les terrains urbains sera désormais légale.

Nous avons assisté à de nombreux petits pas en avant. Plus tôt cette année, ou à la fin de l'année dernière, il demeurait difficile de prévoir si ces petits pas menaient quelque part. Aujourd'hui, il semble que ce cheminement se fait dans la bonne direction. Ce sont de petits pas, certes, mais il y a en suffisamment pour assurer une progression.

M. O'Reilly: Oui, ces petits pas sont encourageants, mais peut-être qu'il n'y aura pas suffisamment de temps pour arriver à destination avant que la popularité de M. Poutine ne s'essouffle et que la période actuelle de stabilité politique ne tire à sa fin. Nous assisterons peut-être à la stagnation que nous avions connue à la fin de l'ère Eltsine.

Le sénateur Graham: Quand auront lieu les prochaines élections?

M. O'Reilly: En 2004, je crois.

Le président: Votre témoignage nous intéresse parce que, depuis un certain temps je crois, le comité, dans ses délibérations, semble être d'avis qu'il y avait un léger progrès et qu'un certain optimisme était justifié. Vous nous dites aujourd'hui que ce léger optimisme a grandi quelque peu depuis le début de nos audiences. Votre témoignage concorde avec ce que nous avons entendu. Attendons la suite.

Le sénateur Andreychuk: Monsieur Smith, vous avez énuméré certains des problèmes que posent les éléments négatifs, les éléments criminels en Russie et ailleurs. D'aucuns croient que les problèmes russes, même s'ils tirent leur origine de ce pays, sont aujourd'hui devenus des problèmes mondiaux. La lutte contre la prostitution et l'esclavage sexuel dans le reste de l'Europe et du monde exigera l'application internationale des pactes pertinents et s'inscrit dans la catégorie du crime transnational.

Qu'est-ce qui caractérise la criminalité russe, outre le fait que son existence nous choque? Certains ne croyaient pas à son existence, mais vous avez souligné, à juste titre, que le crime a des racines traditionnelles en Russie également. Qu'y a-t-il d'unique chez les criminels russes, qu'est-ce qui les distingue des autres criminels que nous pourchassons dans le reste du monde?

M. Smith: Au risque de me répéter, en ce qui concerne le crime organisé en Russie et en Europe de l'Est, les services policiers ont du rattrapage à faire. Nous n'avons pas eu l'occasion d'observer et de comprendre les organisations criminelles. Comme vous le savez sans doute, les services policiers et les organisations criminelles se comprennent parce que, bien souvent, ils ont eu l'occasion de s'observer et d'apprendre à se connaître depuis des générations. Bien sûr, cela peut quelque fois poser problème. C'est la nouveauté des organisations criminelles d'Europe de l'Est et de Russie qui représente un défi considéra ble. L'autre difficulté de taille est la tendance de ces organisations à s'immiscer le plus possible dans des entreprises légitimes.

Ils trouvent toujours une faille. Je ne suis pas économiste, mais je crois que la situation s'améliore en Russie sur le plan macroéconomique. La situation juridique et législative laisse à désirer. Il y a très peu de lois efficaces contre le crime organisé en Russie. Il n'y a pas encore de lois en place pour lutter contre le blanchiment de l'argent. C'est d'ailleurs le cas pour toute l'Europe de l'Est. Je n'aime pas pointer la Russie du doigt. Il n'y a pas de programmes de protection des témoins pour s'attaquer à ces problèmes.

Les criminels peuvent toujours retourner en Russie. Les groupes contre lesquels nous luttons en priorité, les bandes de motards criminalisées, sont essentiellement coincées au Canada et en Amérique du Nord. Ils ne disposent pas de ce genre de porte d'entrée. En ce qui concerne le crime organisé italien, bon nombre de ses adhérents sont en fait des citoyens canadiens, mais ils ne disposent pas de cette porte d'entrée parce que l'Italie améliore ses lois dans ce sens.

Encore une fois, l'un des problèmes est cette porte d'entrée, et l'autre est l'élément de nouveauté ainsi que cette capacité particulière des criminels russes de se faire passer pour des entrepreneurs légitimes. Nous n'étions pas préparés à cela et nous avons été bien sûr quelque peu stupéfaits lorsque nous avons constaté que, dès 1993, il y avait des entreprises russes extrêmement dynamiques ici, en Amérique du Nord, de même qu'en Europe de l'Ouest. Nous avons été surpris par cette capacité de mettre sur pied des entreprises de cette nature si rapidement, après 70 ans de gouvernement soviétique. Dans certains cas, nous savons comment ils y sont parvenus.

Le sénateur Andreychuk: Ma question s'adresse aux repré sentants de la SEE. J'ai des inquiétudes par rapport à votre description de la Russie, des occasions d'investissement et de l'évolution des grandes entreprises légitimes d'exploitation des ressources. Avez-vous suivi les mouvements récents de certaines de ces entreprises vers l'Ukraine? Que pensez-vous de la situation en Ukraine? Comment voyez-vous ces entreprises russes qui semblent connaître du succès, qui s'implantent en Ukraine et prennent le contrôle du secteur de l'exploitation des ressources? S'agit-il d'une concurrence légitime tout simplement? Craint-on, dans certains secteurs, qu'il s'agisse non seulement d'une prise de contrôle économique, mais de l'exercice d'un contrôle impérialis te et politique orchestré par Poutine ou peut-être par d'autres?

M. O'Reilly: Le secteur des ressources naturelles en Ukraine connaît généralement les mêmes problèmes qu'en Russie. Il y a des oligarques en Ukraine comme il y en a en Russie. Au cours de la dernière année, nous avons vu le début d'une tendance: ces entreprises s'implantent en Ukraine. Cela est dû en partie aux importantes liquidités dont disposent ces entreprises grâce aux cours élevés du pétrole, et elles cherchent des endroits pour les investir. L'Ukraine est un bon endroit.

Toutefois, il y a des motivations politiques derrière tout cela. L'ancien premier ministre Chernomyrdin, qui entretient des relations serrées avec Gazprom, a récemment été nommé ambassadeur de Russie en Ukraine. Ceci constitue un signal sans équivoque que le secteur du pétrole et du gaz représente un élément important des relations russo-ukrainiennes, et il y a indéniablement des connotations politiques là-dessous.

Toutefois, je ne crois pas que nous puissions parler de visées impérialistes, mais tout simplement d'un calcul pragmatique de la part de certaines entreprises russes, en l'espèce, qui jouissent d'une influence naturelle marquée sur l'élaboration des politiques russes. Cependant, ce calcul procède de l'intérêt commercial; il y a des bénéfices à réaliser en Ukraine. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'impérialisme pur, disons plutôt que la politique étrangère russe se fonde actuellement sur des considérations pragmatiques et non sur l'objectif de reconstruire l'ancien empire, si vous voulez.

M. Cutler: Les raisons peuvent varier selon les circonstances. M. O'Reilly a mentionné Gazprom, où on peut peut-être parler d'aspect impérialiste. De plus, il ne faut pas oublier que l'Ukraine a de nombreuses factures de gaz impayées, si bien qu'on peut parler d'une sorte de contrepartie.

Lukoil est en train de mettre en place une chaîne de stations-service et de raffineries à travers l'Europe centrale, et s'est même portée acquéreur d'une chaîne de 300 stations-service en Nouvelle-Angleterre. Cette entreprise souhaite tout simplement devenir multinationale.

À l'époque soviétique, c'est le gouvernement qui décidait où implanter les industries. Il en installait une partie à un endroit et une autre ailleurs, de telle sorte que la filière, de la matière première au produit fini, était éparpillée sur tout le territoire soviétique. Certaines de ces entreprises - les plus vigoureuses sont les russes - essaient de reconstituer la chaîne. C'est sensé du point de vue économique.

Le sénateur Andreychuk: J'ai une question qui fait suite aux événements de la semaine dernière et j'aimerais savoir si vous pensez pouvoir y répondre.

Poutine a atteint sa popularité grâce aux mesures qu'il a prises en Tchétchénie contre un mouvement lié à l'Afghanistan et d'autres pays frontaliers. Dans quelle mesure suivez-vous la situation? Est-ce là que tout va se jouer pour Poutine? Cela va-t-il assurer sa position ou au contraire le rendre instable? Certains analystes politiques y voient une bonne occasion pour lui. Quelqu'un se sent-il capable de répondre à la question?

M. O'Reilly: Oui, nous suivons de près les conséquences des événements du 11 septembre. Comme analyste, je suis le dossier en Russie, en Europe de l'Est et au Proche-Orient. Toute la région est en train de flamber actuellement.

Je ne pense pas que cela aura beaucoup de conséquences sur la popularité de Poutine au pays, si c'est cela le sens de votre question. La population et l'élite politique russes ont sincèrement été affligées par les événements. Mais il y a aussi un certain opportunisme, même si le mot me déplaît. Les dirigeants ont vu l'occasion d'établir un lien entre les événements en Tchétchénie et les attentats du 11 septembre dans le but d'assimiler leur combat contre les séparatistes tchétchènes et la lutte contre le terrorisme islamique.

Il est certain qu'il y a des liens entre le régime taliban, Oussama ben Laden et les extrémistes tchétchènes. Par contre je ne crois pas que cela ait beaucoup d'effets sur la popularité de Poutine au pays. Cela n'en aurait que si la Russie devait à nouveau s'embourber en Afghanistan. Actuellement, la popula tion est vigoureusement hostile à cette idée. Non seulement la Russie ne veut pas se mêler de l'Afghanistan, mais un flot ininterrompu de vétérans russes dans les journaux et à la télévision décrivent ce qu'ils ont vécu et préviennent les Américains des dangers d'intervenir là-bas. Pas à cause de considérations de stabilité géopolitique, mais parce que c'est un endroit où ils vont se retrouver dans une guerre qui durera longtemps.

Le président: Vu les problèmes en Asie centrale, j'aurais cru que la situation augmenterait la popularité de Poutine.

Le sénateur Di Nino: Nous croyons savoir que les Russes ont offert du matériel militaire aux adversaires des talibans. C'est juste?

M. O'Reilly: Il y a longtemps que les Russes fournissent des armes à l'Alliance du Nord. Ce n'est pas nouveau. Il y aura 15 000 soldats et gardes-frontières stationnés le long de la frontière entre le Tadjikistan et l'Afghanistan pour protéger le Tadjikistan. Cela risque d'entraîner davantage les Russes. Pour l'heure, spécialement depuis les deux dernières semaines, ils gardent leurs distances. Ils sont prêts à fournir du matériel militaire et de l'aide diplomatique, mais ils ne veulent pas aller plus loin.

Le sénateur Di Nino: En ce qui concerne l'argent que gagnent les oligarques, d'autres témoins nous ont dit qu'une grande partie de ces capitaux a fui ailleurs. Même si cela ne nous plaît guère, l'histoire nous a enseigné que ceux qui ont fait de l'argent de la même façon - je pense aux requins de la finance qui ont bâti les chemins de fer, entre autres, - ont néanmoins apporté une contribution à la réussite économique du pays. La fuite des capitaux a-t-elle cessé? Sinon, le mouvement est-il aussi important qu'avant?

M. O'Reilly: M. Smith a rappelé que les capitaux quittent le pays à raison de deux milliards de dollars par mois, soit 25 milliards par année. Beaucoup de gens traceront un parallèle avec les requins de l'industrie du XIXe siècle aux États-Unis. La principale différence, c'est qu'en Russie beaucoup de ces individus ont gagné leur argent en faisant main basse sur des entreprises existantes et en les dépouillant systématiquement de leurs éléments d'actif et de leurs rentrées de fonds pour ensuite exporter ces capitaux à l'étranger. Le plus souvent, ils n'ont bâti ni chemin de fer ni nouvelle entreprise. Certains avancent que ces individus essaient de se blanchir et de réinvestir une partie de ce bien mal acquis. La tendance toutefois reste toujours le démembrement des actifs suivi de la fuite des capitaux.

M. Cutler: La plupart des sociétés de premier ordre annoncent d'ambitieux projets d'investissement. Certaines entreprises avaient d'ambitieux projets d'investir dans des affaires qui n'ont rien à voir avec leur vocation première. L'exemple le plus notable est celui de Gazprom. En outre, ces dernières années, avec la montée des cours du pétrole et du gaz, et même si la sortie de capitaux est encore de l'ordre de 2 milliards de dollars par mois, les recettes tirées de l'exportation sont si importantes que la Russie a réussi à augmenter considérablement ses devises étrangères. Les banques sont encore petites, mais elles prennent de l'importance, et les entreprises ont pu investir malgré le fait que les mêmes sommes continuent de sortir.

Le sénateur Setlakwe: Comme ancien membre du conseil d'administration de la SEE, je constate avec plaisir que la SEE sait gérer les risques avec autant de prudence qu'avant.

Après ce qu'ont dit MM. Smith et O'Reilly, je mets en doute l'optimisme exprimé ici à propos de l'amélioration de la situation en Russie. Monsieur Cutler, vous avez dit que la SEE veut aider les exportateurs canadiens mais, d'après ce que vous avez vu, elle ne constate sûrement pas d'amélioration dans la philosophie de placement des étrangers. Si les investissements étrangers restent stagnants, et s'ils sont aussi minimes qu'ils le sont par rapport à la Chine, où l'investissement étranger direct semble beaucoup plus important, quelles sont les véritables perspectives d'amélioration sensible de l'économie russe?

M. O'Reilly: Il n'est sans doute pas juste de comparer la Russie et la Chine. Les investissements dans des secteurs comme celui de la fabrication en sont encore à leurs débuts en Russie. Il y a des signes, sans contredire les déclarations de M. Cutler, qui montrent que les investissements dans des secteurs autres que le secteur primaire, par exemple dans de nouvelles entreprises de fabrication ou de vente au détail, peuvent être plus lucratifs. Il peut y avoir des perspectives de croissance dans ce domaine, au lieu de se concentrer dans les vieux secteurs de l'économie comme le secteur primaire. C'est peut-être la lueur au bout du tunnel que nous attendons tous.

Cela dit, à bien des égards, mon rôle est celui d'un pessimiste professionnel. Il est vrai que je peins souvent un tableau sombre de la situation. Connaître les risques n'est pas forcément une raison de cesser de faire des affaires là-bas. Sauf qu'il est nécessaire de savoir dans quoi on s'engage. Est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur Setlakwe: En partie, et seulement dans la mesure où à mon avis, plus les investissements directs étrangers sont importants dans une économie en développement, plus celle-ci a des chances d'être stable. Cela ne semble pas être le cas actuellement.

M. O'Reilly: Il y a un potentiel d'investissement intérieur important en Russie. Par exemple, si l'exode des capitaux était stoppée, beaucoup plus d'argent resterait au pays. C'est un potentiel qui pourrait être exploité.

Le sénateur Setlakwe: Sauf que là les capitaux s'envolent et que ce n'est pas le cas ailleurs.

Le président: Je viens de parcourir à vélo 805 km de Berlin-Ouest jusqu'aux frontières de la Lituanie et jusqu'à Kalilingrad. J'ai fait remarquer à un de mes compagnons de route que nous étions dans ce que j'appelle une économie de kiosque.

Tout était un kiosque. Il n'y avait pas d'argent. De temps en temps on voyait un gros magasin, mais les clients n'avaient qu'un dollar ou deux. C'était intéressant. On se demandait comment ils pouvaient garder ouvert un magasin aussi grand. À voir les petits paniers, on voyait bien que c'était une économie de kiosque. Huit cents kilomètres, c'est long.

Quand nous parlons de la Russie dans notre étude, nous parlons toujours de développement industriel dans les secteurs pétrolier et minier, mais dans le monde où nous vivons, lorsque l'on marche dans la rue, est-ce que c'est aussi une économie de kiosque? Je n'y suis pas allé depuis 25 ans. Est-ce ce genre d'économie et est-ce à cause du fait que les gens n'ont pas d'argent à dépenser?

M. Cutler: La plupart d'entre nous, qui traitons avec la Russie, en particulier les banquiers, traitent avec Moscou. C'est une économie très centralisée. Toutes les grandes entreprises sont là, les sièges sociaux, le gouvernement et les banques. On a tendance à assimiler la Russie à Moscou. Elles sont bien distinctes.

Je dirais que Moscou n'est plus une économie de kiosque. Elle l'était quand j'y suis allé pour la première fois en 1991 ou à peu près. Les kiosques de 1991 sont devenus de véritables magasins. Les petits kiosques d'il y a quelques années sont des bunkers de béton sur le trottoir. Ils sont maintenant permanents.

La qualité et la variété des magasins à Ottawa, ce n'est rien par rapport à ce que l'on trouve à Moscou, mais une fois à l'extérieur de la ville - et de Saint-Pétersbourg, qui est un peu moins bien - tout devient très lugubre. On se retrouve sans doute dans une économie de kiosque.

Le président: Les gens à qui j'ai parlé attendent d'entrer à l'Union européenne - pas tous, parce que nous savons qu'il y a des gens hostiles à l'Union européenne en Pologne - parce que c'est là qu'ils vont trouver les investissements qui vont améliorer les choses, espèrent-ils. Ça semble un peu renversant, mais y a-t-il la moindre possibilité que la Russie veuille elle aussi se joindre à l'Union européenne? Cela ferait une énorme différence pour les investissements et son économie.

M. O'Reilly: Je pense que les chances que la Russie soit invitée à se joindre aux négociations d'accession prochainement sont très minces. Même les pays qui sont actuellement en tête de liste - vous avez parlé de la Pologne; la Hongrie et la République tchèque en sont deux autres qui me viennent à l'esprit - sont encore très loin d'être admis.

Oui, cela aurait sans doute des effets très bénéfiques, mais on pense de plus en plus dans les pays en tête de liste que l'adhésion à l'union ne sera peut-être pas ce qu'il y a de mieux pour eux. Cela occasionnera beaucoup de dépenses et les avantages risquent d'être dilués. L'Union européenne dit aujourd'hui que les travailleurs hongrois devront attendre sept ans avant de pouvoir se rendre dans les autres pays de l'union. Il y aura donc peut-être un mouvement d'hostilité contre l'union dans certains de ces pays, qui tient aussi pour beaucoup à la lenteur du processus d'adhésion. Les pays comme la Pologne estiment avoir fait tous les sacrifices et pris toutes les mesures macroéconomiques difficiles et se font encore dire d'attendre parce que l'union n'a pas encore mis de l'ordre dans ses affaires.

Le président: Je comprends les difficultés. Nous connaissons bien l'Union européenne. Pourtant, les pays baltes faisaient partie de l'Union soviétique. On remarque des choses sur le terrain. Qu'arrivera-t-il si cette partie de l'ancienne Union soviétique finit par faire partie de l'Union européenne? Qu'arrivera-t-il à une région qui n'est qu'à 100 kilomètres de Saint-Pétersbourg?

Je me pose des questions à propos de cette histoire de Brighton Beach, monsieur Smith. Je suis souvent allé à Brighton Beach. C'est un endroit sinistre, lugubre. Pourquoi cela occupe-t-il une si grande place dans la pensée des Russes expatriés? Qu'est-ce que c'est que cette histoire de Brighton Beach?

M. Smith: C'est peut-être parce que je suis attiré par les endroits sombres, mais j'ai toujours beaucoup aimé Brighton Beach. Cet endroit a toujours été le centre de l'immigration en provenance de l'Union soviétique, dès le début des années 70, quand les premiers juifs ont commencé à émigrer. Ils se rendaient à Vienne puis choisissaient entre Israël et les États-Unis. Depuis le début des années 70 du moins, on y trouve une énorme population russophone. Quand les premiers immigrants ont commencé à venir à New York, après le régime soviétique - parce que comme tous les autres, ils étaient attirés par New York comme des insectes par une flamme - Brighton Beach était l'endroit tout désigné. Il y a aussi quelques autres quartiers russes à Brooklyn, plus spécialement les quartiers de Kings Highway et de Sheepshead Bay, mais le centre, c'est vraiment Brighton Beach.

Le sénateur Grafstein: Ma question porte sur la situation actuelle au sud de la frontière russe, dans les pays en «stan». J'ai participé à un groupe de réflexion, à Washington, et une spécialiste nous a parlé de ces pays.

Le président: Elle était très bien.

Le sénateur Grafstein: D'où venait-elle?

Le président: De l'Institut Brookings.

Le sénateur Grafstein: Il serait peut-être utile de distribuer ce document, car il est encore plus d'actualité aujourd'hui qu'il ne l'était alors.

Cette dame est une éminente experte de l'Ouzbékistan et du Tadjikistan. Nous avons discuté de l'effet de cascade intrinsèque aux problèmes de la Tchétchénie. S'ils perdent la Tchétchénie, les Russes croient que leur périmètre sud sera endommagé. C'est ce qui nous intéressait.

Le président: Je crois qu'elle venait de l'Institut Carnegie, sénateur Grafstein.

Le sénateur Grafstein: Oui, je le crois aussi. Il serait utile de retrouver ce rapport et de le distribuer.

Si je me souviens bien de son témoignage, elle se disait inquiète des mesures que prennent les extrémistes pourdéstabiliser les gouvernements de ces pays. Leur financement vient surtout du commerce de la drogue et des armes à feu. En effet, ces insurgés reçoivent un vaste appui au Tadjikistan et en Ouzbékistan.

Avez-vous réexaminé cette question dans le contexte des événements actuels, soit du point de vue de la sécurité ou des politiques? Je suppose qu'il est essentiel de mettre sur pied une coalition qui se servirait de l'Ouzbékistan ou du Tadjikistan comme base pour toutes les mesures qui pourraient être prises en Afghanistan.

Si je parle de cela, c'est que j'ai remarqué que ces deux États ont accepté de donner accès à des installations terrestres, et pas de façon limitée comme l'a fait le Pakistan. Ce que je veux savoir, c'est si cela présente une menace physique à la sécurité de M. Poutine. Autrement dit, comment M. Poutine verra-t-il cela? Nous étudions la situation en Russie. M. Poutine y serait-il favorable ou défavorable? Il a bien fait quelques observations sur le sujet, mais nous ne savons pas encore ce qu'il fera concrètement. Il est très important de savoir comment la coalition, à laquelle pourrait participer le Canada, jouera son rôle?

M. O'Reilly: C'est un peu un dilemme pour M. Poutine, du point de vue de sa politique étrangère, car d'une part, il s'est engagé à long terme à lutter contre le terrorisme international, par le truchement des événements en Tchétchénie, plus particulière ment contre le terrorisme parrainé par les musulmans, mais d'autre part, le régime russe a également apporté un appui important à l'alliance anti-taliban en Afghanistan. Il s'inquiète de l'extrémisme musulman qui crée des problèmes plus particulière ment en Ouzbékistan, mais aussi au Tadjikistan et au Kurdistan.

C'est un dilemme toutefois puisque je ne crois pas que M. Poutine souhaiterait qu'il y ait une présence américaine ou occidentale à long terme le long du périmètre sud de la Russie, surtout dans les anciennes républiques soviétiques.

C'est ce qui s'est produit plus à l'ouest, en Géorgie, par exemple, où toutes les démarches pour se joindre à l'OTAN ont été rapidement combattues par les Russes.

Comme je l'ai dit, cela crée un dilemme. Pour l'instant, M. Poutine a tendance à appuyer les pays occidentaux, mais cet appui sera à mon avis conditionnel. La participation des pays occidentaux devra être clairement définie, avoir un objectif à court terme, puis la région reviendra à la sphère d'influence russe.

Le sénateur Grafstein: Quand j'ai visité la Géorgie, il y a plusieurs années, j'ai essayé de me renseigner un peu sur les pays en «stan». Un de nos anciens députés est consul du Kazakhstan à Toronto. Or, j'ai été surpris d'apprendre que nous n'avons aucune représentation directe dans les pays en «stan». Nous avons un ambassadeur itinérant qui couvre toute cette région.

Comment recueillir des informations de ces régions sans représentation canadienne sur le terrain?

M. O'Reilly: J'ai eu l'occasion de visiter le Kazakhstan en mars dernier. Il y a probablement une nouvelle ambassade là-bas. Je ne sais pas depuis combien de temps elle est là. Je crois qu'il s'agit d'une micromission à Almaty qui s'occupe de tous les pays en «stan», comme vous l'avez dit. Voilà ma source d'information. Je vais sur le terrain et je parle aux gens.

Outre cela, je ne saurais répondre plus amplement à votre question.

Le président: Honorables sénateurs, de votre part, je remercie nos témoins. C'était passionnant.

Nous attendrons cinq minutes la fin de l'enregistrement électronique, et ensuite nous discuterons des travaux futurs du comité.

Le comité poursuit sa réunion à huis clos.


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