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Sous-comité sur le développement économique des Autochtones relativement aux parcs nationaux du Nord

 

Délibérations du sous-comité sur
Le développement économique des Autochtones
relativement aux parcs nationaux du Nord

Fascicule 1 - Témoignages du 6 juin 2001


OTTAWA, le mercredi 6 juin 2001

Le sous-comité sur le développement économique des Autochtones relativement aux parcs nationaux du Nord se réunit ce jour à 15 h 43 pour examiner les possibilités d'accroître le développement économique, y inclus le tourisme et l'emploi, associées aux parcs nationaux du nord du Canada, en respectant les paramètres des accords existants sur des revendications territoriales globales et d'autres accords connexes avec les peuples autochtones et en conformité des principes de la Loi sur les parcs nationaux.

Le sénateur Ione Christensen (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Nous allons commencer, ayant le quorum pour entendre les témoins. Nous souhaitons la bienvenue à la délégation.

Souhaitez-vous faire une déclaration liminaire ou bien allez-vous simplement répondre à nos questions?

M. Terry Henderson, directeur général, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: Étant donné qu'une petite délégation de fonctionnaires ministériels a fait un exposé lors de sa comparution le 18 septembre, nous préférerions répondre à vos questions. Nous aimerions discuter avec vous des progrès réalisés à l'égard des revendications territoriales et de la dévolution, ainsi que du développement économique dans les trois territoires du Nord.

La présidente: Vous pourrez peut-être traiter également des parcs autres que ceux du Nord qui intéressent les Premières nations.

Le sénateur Cochrane: Pouvez-vous nous parler des projets de développement dans les localités voisines de ces parcs du Nord? Les avez-vous consultés concernant les limites des nouveaux parcs projetés et des conflits éventuels de ces limites avec le développement en cours ou futur?

M. Henderson: En ce qui concerne les collectivités couvertes actuellement par des accords sur les revendications territoriales, ces derniers prévoient que Parcs Canada négocie des accords sur les impacts et avantages avec les Inuits. Donc, Parcs Canada négocie certains accords de coopération, etc. avec les groupes autochtones concernés. Nous intervenons au niveau du financement et du respect par Parcs Canada du mandat de négociation concernant ces parcs et les accords économiques auxiliaires pour vérifier la conformité avec certains principes des accords de règlement des revendications territoriales.

Le sénateur Cochrane: Pouvez-vous nous donner quelques détails sur votre rôle?

M. Henderson: Trois parcs ont été créés au Nunavut en 1999 et une Entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits a été signée avec l'une des associations régionales inuites de la région de Baffin à leur sujet. Mon ministère, sans être un participant à ces négociations, avait un rôle périphérique, s'agissant du mandat de Parcs Canada et des éléments à négocier, en application de l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut, ainsi que les crédits nécessaires pour exécuter ces accords. C'est l'un des exemples que je connais le mieux.

M. David Baker, directeur général, Direction générale des politiques stratégiques et du transfert des responsabilités, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: En ce qui concerne les limites, nous avons un mécanisme d'évaluation des ressources minérales et énergétiques, que j'ai décrit en septembre dernier, auquel nous collaborons étroitement avec Parcs Canada et Ressources naturelles Canada ainsi qu'avec le gouvernement territorial concerné en vue d'évaluer les ressources non renouvelables potentielles des parcs pour assurer que ces renseignements soient pris en compte dans les décisions relatives à la création des parcs et à leurs limites.

Le sénateur Cochrane: Lorsque nous étions au Nunavut, nous avons parlé là à diverses personnes. On y a décidé de restituer à l'industrie minière une partie de ce parc qui contient des ressources précieuses. Avez-vous été consulté à ce sujet?

M. Baker: Ces questions ont été discutées au sein du comité. En fin de compte, ces décisions appartiennent à Parcs Canada, qui détermine s'il y a lieu, par exemple, de négocier l'exploitation minière avant la création du parc ou si cela peut être réglé dans le cadre des règles applicables aux parcs. Parcs Canada serait mieux en mesure de vous donner ces détails.

Le sénateur Cochrane: Vous connaissez les parcs du Nord, nos parcs nationaux, et la manière dont ils sont gérés, particulièrement les accords de coopération dérivés des accords sur les revendications territoriales. Si votre ministère gérait ces parcs, feriez-vous les choses autrement?

M. Henderson: Sauf votre respect, sénateur, je ne puis spéculer sur ce que nous ferions différemment, le cas échéant.

Le sénateur Cochrane: Est-ce que vos collègues auraient un avis là-dessus? Que feriez-vous différemment de Parcs Canada?

M. Allan Horner, directeur général, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: Je ne suis pas qualifié pour répondre à cette question. Mon domaine de compétence est le développement économique.

Le sénateur Cochrane: Vous n'avez aucun avis du tout?

M. Baker: Si l'on considère la politique gouvernementale sous l'angle du rôle du MAINC dans le Nord, l'idée d'assumer des responsabilités de gestion additionnelles des terres et ressources serait contraire à l'orientation de la politique gouvernementale. Notre ministère continue d'exercer des responsabilités de type provincial à l'égard des territoires et ressources, mais la politique du gouvernement est de les déléguer aux gouvernements territoriaux et autochtones.

Le deuxième marché, celui qui émerge dans l'Arctique oriental, est du type de ce qui va se faire, par exemple, à Sirmilik et Pond Inlet, où l'on va offrir des excursions en bateau, des sites historiques et des programmes communautaires. Ces touristes ne sont pas des randonneurs intrépides. Ils ne veulent pas passer trop de temps loin du bateau. Ils veulent passer un peu de temps dans le village. Aussi, il sera important d'offrir des programmes d'interprétation et d'éducation dans ces localités, en sus des éléments culturels et des produits de l'artisanat. Cela contribuera à long terme à la vie économique de ces collectivités.

Si j'étais responsable de la commercialisation, je couvrirais les trois volets. Le troisième sont les voyages en groupe spécialisés. C'est ce que l'on appelle les «voyages pédagogiques», et qui attirent des touristes qui ont du temps et de l'argent et veulent apprendre. Ils viennent pour apprendre quelque chose. Dans le Nord, ils voudront rencontrer des Inuits et passer du temps chez eux. Ils voudront s'instruire sur l'archéologie, l'histoire, l'artisanat, l'art inuits, etc. C'est un secteur d'activités croissant qui mérite notre intérêt.

Le principal organisateur de ce type de voyages en Amérique du Nord est le Smithsonian Institute de Washington.

Le sénateur Cochrane: Ma dernière question concerne le parc national de Tuktut Nogait. L'affectation de crédits pour ce projet a été de 2,3 millions de dollars. Cependant, ils n'en ont reçu que 2 millions de dollars. Qu'est-il arrivé aux 300 000 autres?

Ce sont des activités dont nous cessons de nous occuper. Nous n'envisageons pas d'en occuper de nouvelles.

Nous avons discuté avec les responsables du parc national de Tuktut Nogait et les habitants de Paulatuk, dans les Territoires du Nord-Ouest. J'ai relevé qu'une bonne partie des crédits de Parcs Canada a été dépensée dans la ville de Paulatuk elle-même. Il s'agissait de nettoyer les cours d'eau et le dépotoir municipal. Environ un million de dollars ont servi à la construction d'un complexe hôtel-centre communautaire. Est-ce que le ministère des Affaires indiennes et du Nord aurait pu financer ces projets si Parcs Canada ne l'avait pas fait? On leur a censément donné 3,2 millions de dollars, mais seuls 3 millions de dollars ont pu être comptabilisés. Est-ce que le ministère des Affaires indiennes et du Nord aurait pu financer un tel projet?

M. Henderson: Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre catégoriquement à cette question. Mon domaine, c'est l'exécution des accords sur les revendications territoriales. Je ne pense pas que ce genre de relations de financement aurait été prévu par l'accord sur les revendications territoriales, en l'occurrence la Convention définitive des Inuvialuits. J'irai jusqu'à dire que nous nous n'interviendrions probablement pas, à moins d'une politique spécifique axée sur un intérêt précis.

M. Baker: Il est possible que nous ayons un rôle sur le plan du développement économique, avec des projets de développement particuliers, un aspect sur lequel notre ministre se concentre. Peut-être M. Horner pourrait-il parler du programme économique.

Le sénateur Cochrane: Il s'agissait là de développement économique.

M. Horner: Nous avons un programme de développement économique intitulé «Programme de développement des opportunités». Une organisation autochtone ou inuite conçoit une proposition commerciale - un projet viable - et le présente au ministère. Notre comité régional d'examen des projets l'examine. Ce comité d'examen comporte des représentants de divers ministères - fédéraux et provinciaux ou territoriaux - dont le MAINC. Souvent, une organisation autochtone ou inuite est également représentée.

Ce comité détermine donc la viabilité du projet et s'il répond aux critères ministériels. Le comité formule une recommandation au ministère qui prend la décision. L'agrément peut être donné au niveau régional pour des projets jusqu'à 100 000 $. Pour les projets de montant supérieur à 100 000 $, la décision est prise par l'administration centrale. Le projet dont vous parlez aurait exigé l'accord de l'administration centrale.

Nous finançons volontiers ce type de projet car nous pensons que le tourisme représente une perspective économique pour de nombreuses localités autochtones et inuite. Sur les 6,5 millions de dollars que le ministère a consacrés à des programmes de développement liés au tourisme et au commerce, 1,1 million de dollars sont allés à des projets dans le Nord. Le projet Paulatuk aurait été englobé dans cela. Nous avons dépensé au total 70 millions de dollars à l'échelle nationale pour tous les types de développement économique, dont 10,7 millions de dollars pour des projets dans le Nord.

Le type de projets touristiques que nous avons appuyés l'année dernière allaient d'études de faisabilité et d'études de marché touristique jusqu'à la construction d'hôtels, de camps, de centres culturels, la production artistique et artisanale, les services de pourvoierie et l'infrastructure de transport. Mais nous ne pouvons intervenir que si des projets viables nous sont présentés, et nous recherchons alors comment nous pouvons les appuyer au mieux.

Dans la plupart des cas, une contribution des Premières nations et Inuits à ces projets est requise pour qu'ils soient admissibles. En outre, nous les encourageons à s'associer avec d'autres partenaires. Dans le cas de Paulatuk, il y a eu la Banque fédérale d'expansion et Entreprise Autochtone Canada. Les organisations inuites ont également pu contribuer un financement. Nous versons la contrepartie du financement des organisations inuites et autochtones et nous en servons pour lever d'autres capitaux. Nous avons pu ainsi assurer le financement d'un projet de quatre millions de dollars avec une contribution de 150 000 $.

Le but n'est pas seulement l'emploi. Dans ce cas précis, le nombre d'emplois engendrés n'était pas si grand. Le potentiel réside surtout dans les activités secondaires qui résulteront de l'existence d'un hôtel attirant les touristes, qui permet d'autres types d'activités liées au tourisme, telles que les services de pourvoierie, qui contribueront à l'économie de la région.

Le sénateur Cochrane: Je croyais que les 2,3 millions de dollars du complexe de Paulatuk venaient exclusivement de Parcs Canada.

La présidente: Non, c'était un financement conjoint.

Des groupes du Nunavut, des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon se lamentent de la difficulté à trouver des capitaux de démarrage pour des entreprises touristiques - crédits, équipement, ce genre de choses - pour les pourvoyeurs, en raison du coût élevé du matériel et de la concurrence d'exploitants du Sud. Ces derniers ont une clientèle mondiale et travaillent dans le Nord en été et dans le Sud en hiver, si bien que leur exploitation est à l'année longue.

La plupart des exploitants qui seraient intéressés par le Nord ne disposeraient là que d'une courte saison et n'auraient pas une activité aussi diversifiée. Ils disent que l'investissement initial dans, mettons, le matériel requis pour la descente en eaux vives est très élevé et qu'il est difficile de trouver des capitaux.

Que pouvez-vous nous en dire? Un financement est-il disponible? Comment peuvent-ils y accéder? Je sais qu'il y a un financement économique dans le cadre des accords sur les revendications territoriales, mais j'aimerais connaître votre réaction.

M. Henderson: Aux termes des accords sur les revendications territoriales que vous avez mentionnés, d'importants versements de transfert sont effectués, qui vont généralement dans des fiducies qui les redistribuent à tous les bénéficiaires. Il y a également dans ces accords des dispositions économiques générales et des dispositions relatives aux marchés publics, qui ne confèrent pas un droit de premier refus sur les marchés publics en soi mais qui avantagent les groupes bénéficiaires et leurs entreprises, sous forme d'une notification garantie et de certains éléments préférentiels intégrés aux critères d'adjudication, et ce genre de choses.

Lorsqu'il s'agit de capitaux pour des fins spéciales, cela relève peut-être du domaine du développement économique.

M. Horner: Pourrais-je intervenir sur la question générale que vous soulevez? En 1996, Industrie Canada a rédigé un rapport sur le tourisme qui a mis en lumière un certain nombre de défis. L'un était l'infrastructure réduite dans de nombreuses localités inuites et autochtones. Mais il y en a d'autres encore.

Vous voudrez peut-être prendre contact avec Équipe Canada-Tourisme autochtone, ou ECTC, concernant le travail qu'elle accomplit dans ce domaine. Nous siégeons au comité qui travaille avec CTC. Nous cherchons les possibilités de collaborer avec d'autres partenaires afin d'identifier des projets répondant à ces défis. Par exemple, nous travaillons actuellement avec ECTC à un projet pilote visant à sensibiliser les collectivités autochtones aux possibilités dans le domaine du tourisme.

ECTC a constitué des organisations régionales qui s'occupent d'élaborer des stratégies régionales en matière de tourisme. Je suis sûr qu'ils pourraient vous donner davantage de détails sur le travail effectué dans le Nord.

Comme M. Henderson l'a dit, nous avons des programmes de développement économique qui fournissent des fonds de contrepartie. Nous pouvons devenir partenaires avec les organisations autochtones et inuites pour les aider à relever certains de ces défis.

Je signale également qu'Industrie Canada a son programme Entreprise Autochtone Canada. Le tourisme constitue l'une de ses quatre priorités de financement. Vous pourriez également les contacter pour avoir des renseignements sur leurs efforts et leurs programmes.

M. Baker: S'agissant d'appuyer de tels projets pour les habitants du Nord en général, nous n'avons malheureusement pas de fonds disponibles du fait que la dernière série d'accords de développement économique sont venus à expiration en 1996. Notre ministre reste résolu à collaborer avec ses collègues pour dégager des crédits qui nous permettraient de reconduire ce genre de programmes.

La présidente: Vous parlez là des collègues des gouvernements territoriaux.

M. Baker: Les accords de développement économique étaient fédéraux-territoriaux. Tous les habitants du Nord étaient admissibles.

La présidente: Ils ont pris fin en 1995 et il n'y en a pas d'autres depuis visant particulièrement les Premières nations et les Inuits. C'est là-dessus que nous nous penchons actuellement. Si les gouvernements territoriaux pouvaient conclure des ententes et obtenir des crédits, ils pourraient contribuer également à cela, soit les projets des Premières nations intéressées par les différents parcs que nous étudions à ce stade.

Je présume que le financement accordé par le ministère au projet de Paulatuk serait offert également dans d'autres régions, si un projet similaire était présenté.

M. Horner: Nous n'avons pas de quota. Nous examinons les projets pour voir s'ils sont viables et, dans l'affirmative, nous voyons si nous avons les fonds requis. Plus on avance dans l'année, et plus le niveau des fonds disponibles diminue. Si le comité régional d'examen des projets recommande un projet et que celui-ci répond aux critères de notre programme, nous le finançons dans la mesure où des fonds restent disponibles.

La présidente: Un autre aspect dont on nous a parlé était la formation et l'éducation des jeunes pour qu'ils puissent participer. Votre ministère collabore-t-il avec Parcs Canada à des programmes de formation et de perfectionnement des jeunes?

M. Horner: Pas à ma connaissance. Peut-être Parcs Canada en connaît-il et je pourrais leur poser la question et vous répondre la prochaine fois. Je n'ai pas connaissance d'un engagement spécifique.

La présidente: Qu'en est-il du financement de programmes généraux de formation?

M. Horner: C'est DRHC qui a la principale responsabilité au sein du gouvernement fédéral pour le financement de la formation et ces programmes sont principalement axés sur les études élémentaires, secondaires et postsecondaires. Nous avons des programmes pour les élèves des cycles élémentaire et secondaire qui visent à les encourager à poursuivre les études, à participer à des programmes études-travail en alternance et à leur faciliter la transition de l'école à l'emploi. Nos programmes ne portent pas directement sur la formation professionnelle proprement dite.

La formation professionnelle relève de la responsabilité de Développement des ressources humaines Canada. Ce ministère fournit des crédits aux organisations autochtones à cet effet. Ces organisations sont situées dans les régions et sont les mieux placées pour décider quels programmes financer. Les fonctionnaires de ce ministère seraient mieux placés que moi pour vous expliquer ces programmes.

Le sénateur Cochrane: Le programme Alternance travail- études n'est-il pas destiné justement à préparer les jeunes au marché du travail?

M. Horner: Oui, s'agissant de la transition de l'école secondaire au milieu de travail.

Le sénateur Cochrane: Il consiste à placer les élèves en stage dans une entreprise, par exemple, pour les former à l'emploi?

M. Horner: Oui, je crois que c'est ainsi que cela fonctionne.

Le sénateur Cochrane: Vous avez des crédits pour cela.

M. Horner: Oui, mais je ne connais pas le montant. Ce n'est pas mon domaine, mais je sais que ce programme existe. Il est interne au ministère des Affaires indiennes et du Nord.

Le sénateur Cochrane: Avez-vous idée du nombre de jeunes qui en bénéficient?

M. Horner: Nous avons les statistiques, mais je ne les ai pas ici. Je pourrais vous les communiquer assez rapidement.

Le sénateur Cochrane: Combien de collectivités du Nord en bénéficient?

M. Horner: Je ne m'occupe pas de ce domaine, mais j'ai accès aux renseignements et je vous les communiquerai.

Le sénateur Cochrane: Cela m'intéresserait. J'aimerais connaître le nombre d'élèves concernés.

M. Horner: Ce sera avec plaisir.

La présidente: Quel pourcentage des crédits de développement économique dont vous parliez vont au nord du 60e parallèle?

M. Horner: Environ 10 millions, sur les 70 millions de dollars, sont allés dans le Nord l'an dernier. Depuis lors, 2 millions de dollars de plus, environ, sont allés dans le Nord.

La présidente: Savez-vous de quelle sorte de projets il s'agit?

M. Horner: Le tourisme est un des candidats. Il y a également pas mal de projets dans les secteurs du pétrole et du gaz. Comme vous pouvez l'imaginer, les groupes autochtones de la région s'intéressent beaucoup à ce secteur et nous pensons que cela va continuer. Je peux vous faire parvenir quelques communiqués de presse émis par le ministère. Je les ai en français et en anglais.

Ces communiqués de presse font état d'un certain nombre de petites études que nous avons financées qui permettront aux Premières nations de se préparer à exploiter les possibilités dans le domaine du pétrole et du gaz. Nous avons également appuyé quelques grands projets commerciaux - en particulier deux tours de forage qui sont employées en partenariat avec une société privée pour effectuer des forages dans le Nord. Nous jugeons cela particulièrement important car cela permet aux Premières nations de mettre à profit les possibilités dans les alentours immédiats. C'est le genre d'opportunités que nous recherchons.

Le sénateur Cochrane: Qui a bénéficié de ce financement?

M. Horner: Si je me souviens bien, c'est Akita Equtak Drilling Ltd., une société mixte à laquelle participe Inuvialuit Development Corporation. Akita Equtak Drilling Ltd. est une société privée.

Elle emploie ces crédits pour exploiter ses tours de forage et fournir des services de terrain à Pétro-Canada et Chevron Canada Resources. Vous pouvez imaginer le type de possibilités prometteuses qui s'ouvrent avec notre soutien. En l'occurrence, le projet total se monte à 33 millions de dollars environ, la contribution du MAINC étant de l'ordre de 4,2 millions de dollars.

Nous avons donc obtenu pour une somme raisonnable un important effet multiplicateur qui permet aux organisations autochtones et inuites de participer directement aux possibilités locales. À notre avis, l'exploitation des ressources naturelles, qu'il s'agisse du tourisme, du pétrole et du gaz ou de l'exploitation minière - offre des perspectives majeures. C'est là le genre de choses qui devraient intéresser les Premières nations. Nous essayons de les aider à cet égard.

Le sénateur Cochrane: Comme vous le savez, ces parcs sont situés dans l'Arctique. Ils sont d'accès très difficile. Le tourisme est une bonne chose, mais on n'y voit pas beaucoup de touristes. L'un des parcs a vu passer 2 000 touristes, un autre seulement sept. Je ne dis pas que le tourisme est négligeable, car ce n'est pas vrai.

Cependant, on ne peut pas se limiter au tourisme. Il n'est pas juste non plus que le MAINC s'intéresse seulement au tourisme lorsqu'une région se développe. Le delta du Mackenzie fera une grosse différence pour ces collectivités du Nord.

Un grand nombre - probablement la plupart - des projets de développement dans le Nord, particulièrement s'agissant d'exploitation minière et de pétrole et de gaz, exigent la construction d'un chemin d'accès à ces sites. Est-ce que Parcs Canada pourrait mettre à profit ce développement en situant ses parcs à proximité des routes d'accès qui se construisent?

M. Horner: Je ne puis me prononcer sur la position de Parcs Canada à ce sujet. Lorsque des ressources sont mises en valeur, il faut construire une route. Une localité autochtone ou inuite va certainement bénéficier de cette route. Le ministère pourrait voir s'il lui est possible de participer, mais il faudra déterminer si c'est conforme à nos pouvoirs et le niveau de la contribution que l'on nous demande.

Nous chercherions à réunir autant de partenaires que possible autour de ce projet. Évidemment, notre niveau de contribution dépendrait fortement des avantages qui résulteraient pour la collectivité autochtone ou inuite. Il ne serait pas logique pour nous de contribuer 50 p. 100 du coût si la collectivité n'en retirerait pas des avantages équivalant à ce montant. Autrement, cela reviendrait à subventionner l'industrie privée, ce qui n'est pas le but.

Le sénateur Cochrane: Ce n'est pas notre but non plus. Toutefois, les collectivités bénéficieront manifestement de ces activités. Nous en avons vu quantité d'exemples dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous avons vu une agence de location qui a fait venir 50 camions neufs destinés uniquement à la location.

M. Horner: Lorsque j'écoute les questions qui me sont posées, je me dis que l'activité des parcs peut tourner autour de l'accès routier. Mais elle peut aussi engendrer des possibilités commerciales dans le secteur touristique.

Cependant, la seule existence des parcs présente un potentiel économique pour les collectivités autochtones ou inuites. Il peut s'agir de l'emploi d'Autochtones dans le système des parcs. C'est quelque chose que le MAINC veut favoriser, pas seulement dans les parcs, mais dans toutes les entreprises canadiennes.

Dans la mesure où l'on peut accroître la représentation des Autochtones dans les effectifs des parcs, comme dans tout autre domaine, c'est bénéfique pour les collectivités autochtones.

En outre, les parcs, en tant qu'acquéreurs de biens et services peuvent offrir des possibilités pour les Autochtones, et je suis sûr que Parcs Canada en tient déjà compte. S'agissant du développement économique des collectivités autochtones et inuites, nous ne négligeons aucun aspect.

La présidente: Le tourisme est limité et le restera probablement dans l'avenir prévisible. Néanmoins, vous voulez saisir toutes les possibilités offertes par la présence des parcs. Quelles sont toutes les ramifications et opportunités? Elles sont limitées.

Il semble que lorsque des personnes suivent des cours de perfectionnement pour devenir qualifiées en matière de gestion, la demande pour ce type de personnel est tellement forte que les ministères ou d'autres organisations se les arrachent. C'est parce que les organisations autochtones elles-mêmes, tout comme les ministères territoriaux, ont un grand besoin de ces qualifications. Les personnes possédant cette éducation sont tellement demandées qu'elles vont au plus offrant. C'est un réel problème car le nombre de personnes possédant ce type de compétences est limité.

M. Henderson: Le bassin de main-d'oeuvre qualifiée est limité.

La présidente: Nous voyons tous ces accords relatifs aux parcs du Nord. Escomptez-vous que cette sorte d'accords vont être conclus également avec des parcs dans le Sud? Je veux parler des accords négociés avec les Premières nations qui prévoient des ententes coopératives touchant les parcs du Sud? Il y en a un dans les Îles-de-la-reine-Charlotte. Qu'en est-il des autres parcs, comme celui de Banff?

M. Henderson: Je ne peux rien dire sur des parcs particuliers, mais lors des négociations sur les revendications territoriales, les parcs et le patrimoine sont toujours des éléments qui peuvent être englobés dans les accords de règlement.

La présidente: Voyez-vous là un phénomène en croissance? Pour le moment, c'est limité au Nord, mais pensez-vous que cela va se répandre au fur et à mesure que de nouveaux accords sont signés?

M. Henderson: Dans les cas où des collectivités autochtones ayant des revendications territoriales légitimes négocient un accord de règlement et sont adjacentes à un parc national existant ou potentiel, l'accord de règlement devient le mécanisme par lequel cette population peut dériver les avantages de l'existence du parc.

Le sénateur Cochrane: Parlez-moi de votre comité d'examen. Vous avez un comité d'examen dans chacune des régions du Nord, n'est-ce pas?

M. Horner: Je dois préciser que les comités d'examen de projet s'inscrivent dans le cadre de nos programmes de développement économique. Leur rôle se limite à nos programmes de développement économique, exclusivement.

Aux fins de notre politique nationale, nous aimerions instaurer dans chaque région des comités d'examen de projet, ou CEP. Dans «Rassembler nos forces», le plan d'action fédéral pour les Autochtones, le gouvernement s'est engagé à établir des partenariats avec les Autochtones pour créer des collectivités viables. Nous considérons ces comités comme l'un des instruments à cet effet.

De manière générale, nous aimerions en avoir dans chaque région du pays. Les Territoires du Nord-Ouest sont la seule qui n'en a pas encore mais des discussions sont en cours avec les organisations autochtones. Nous en avons déjà en place au Nunavut et dans le Territoire du Yukon.

Je peux vous expliquer leur composition en prenant pour exemple le Yukon. Dans ce territoire, le comité comprend des représentants du personnel régional du ministère, d'Entreprise Autochtone Canada, du Southern Tutchone Tribal Council, de la Banque fédérale d'expansion, du Northern Tutchone Tribal Council et des Autochtones siégeant à titre personnel.

Le sénateur Cochrane: Si un groupe du Yukon estime avoir un projet viable, le présente-t-il à ce comité d'examen?

M. Horner: Il s'adresse d'abord à l'organisation de développement économique local. Cette dernière en prend connaissance et le transmet au ministère. Le ministère transmet ensuite au comité régional d'examen des projets. Ce dernier évalue le projet et détermine s'il répond aux critères de financement du ministère. Si le projet ne dépasse pas les limites de délégation de pouvoir du comité régional, il est approuvé à ce niveau et les fonds sont versés au bénéficiaire.

Le sénateur Cochrane: Je comprends pourquoi les gens dans le Nord se plaignent du temps qu'il faut pour accomplir toutes les formalités et obtenir les autorisations du ministère des Affaires indiennes et du Nord. Ils se plaignent de la lourdeur bureaucratique. Une fois que la bureaucratie donne le feu vert, il est presque trop tard.

La présidente: Ces mécanismes n'étaient pas prévus par les accords sur les revendications territoriales?

M. Henderson: Non.

M. Horner: Souvent, le problème tient au plan d'entreprise. Si le plan d'entreprise présenté est incomplet ou ne contient pas tous les renseignements essentiels, l'administration ne peut pas prendre de décision. Il y a donc des «aller-retour» entre les parties pour remédier à ces lacunes.

En outre, vu ce qui s'est passé à DRHC, le gouvernement fédéral doit assurer une bonne reddition de compte et supervision des crédits versés. Lorsqu'il s'agit de financer un projet commercial, nous devons faire faire une évaluation indépendante de la viabilité du projet. Si c'est un gros projet - et nous considérons comme gros tous ceux qui dépassent 100 000 $ - l'autorisation ne peut venir que de l'administration centrale. Cette dernière ne répète pas toutes les étapes antérieures, mais nous devons veiller à ce que la procédure soit respectée et la décision de financer justifiée. Nous avons l'obligation envers le public de veiller à ce que l'argent soit judicieusement dépensé.

En outre, lorsque nous versons des fonds aux collectivités autochtones, il importe d'avoir des exemples de réussite. Nous avons besoin de projets qui marchent bien pour montrer que cet argent fait une différence. Tous ces facteurs font qu'il est nécessaire de suivre les procédures et de prendre le temps voulu pour prendre la décision de financement.

Le sénateur Cochrane: Je voulais simplement vous signaler cette doléance. Lorsqu'elle se multiplie, je me pose des questions. Je n'ai pas besoin de vous dire que parfois la procédure administrative coince.

La présidente: Je ne crois pas que ce soit propre aux Premières nations. La bureaucratie est un fléau pour tout le monde.

Souhaitez-vous que les parcs du Nord relèvent de votre ministère?

M. Henderson: Je n'ai pas de commentaire.

La présidente: Parcs Canada faisait partie du ministère des Affaires indiennes et du Nord jadis; quand était-ce?

M. Henderson: Certainement jusqu'à la fin des années 70. Cela a changé au début des années 80.

Je saisis cette occasion pour vous communiquer quelque chose qui vient juste de sortir. Vous avez peut-être vu ce communiqué de presse publié hier. Nous avons des rapports annuels et des rapports quinquennaux sur la mise en oeuvre des accords sur les revendications territoriales. Ce rapport vient d'être publié au moyen d'un communiqué de presse conjoint hier et traite de l'exécution de l'accord-cadre définitif du Yukon et des quatre premières conventions définitives avec les Autochtones du Yukon.

Le rapport fait le point des succès et difficultés que les parties ont conjointement rencontrés dans l'exécution de l'accord de règlement des revendications territoriales. Il en dit long sur les relations mises en place par les parties et la maturité et le professionnalisme avec lequel elles collaborent.

Il y a sept signataires, dont les représentants des quatre Premières nations du Yukon - les «quatre premières», comme nous les appelons - et du Conseil des Premières nations du Yukon, du gouvernement territorial du Yukon et du gouvernement du Canada. C'est l'histoire d'une réussite et le communiqué de presse fait état des succès rencontrés sur le plan de la mise en oeuvre de ces accords sur les revendications territoriales.

La présidente: Nous avons rencontré les Premières nations Champagne et Aishihik. J'imagine qu'elles ont été les premières signataires.

Je vous remercie. Ces audiences ont été intéressantes. Nous avons beaucoup appris et avons reçu de nombreux habitants du Nord venus nous parler de leurs problèmes, de leurs frustrations et succès.

Notre prochain témoin est M. Lee, de l'Agence Parcs Canada.

Merci d'être venu, monsieur Lee. J'aimerais également vous remercier, vous et vos collaborateurs, de l'aide qu'ils nous ont apportée au cours de notre voyage. Vous avez la parole.

M. Tom Lee, directeur général, Agence Parcs Canada: Merci de votre invitation à comparaître. Je suis heureuse que mon personnel ait pu vous être utile. J'ai suivi vos travaux en prenant connaissance des mémoires qui ont été présentés. J'ai pu tirer moi-même quelques enseignements de mon expérience personnelle et j'aimerais vous en faire part.

Je commencerai par vous déposer deux documents, devenus disponibles depuis la dernière fois que nous nous sommes rencontrés. Vous les trouverez intéressants, je pense. L'un est un bulletin intitulé «First Peoples Focus», qui traite de nos activités à travers le Canada. J'ai relevé votre question tout à l'heure, celle de savoir si certaines idées du Nord vont s'implanter au Sud. Je pense que la migration se fera dans les deux sens. Ce bulletin renseigne sur ce qui se passe et dans le Nord et dans le Sud du pays.

Sur le front autochtone, j'ai créé un petit secrétariat d'Autochtones qui me font rapport directement. Ces personnes sont mes yeux et mes oreilles à travers le Canada. Elles sont en rapport avec une quarantaine d'autres personnes dans tout le pays. Nous avons clairement délimité cinq domaines d'action intéressant les Autochtones. Le premier concerne les relations avec les communautés, l'intensification des relations. Le deuxième consiste à permettre aux Autochtones de faire connaître leur histoire par le biais du réseau des parcs et sites historiques nationaux - c'est ce que nous appelons l'éducation par l'interprétation. Le troisième domaine est l'emploi des Autochtones par Parcs Canada; le quatrième domaine, ce sont les partenariats économiques; enfin, le cinquième, ce sont les parcs et sites nouveaux. Vous verrez des exemples de tout cela dans le document.

Je sais que vous vous intéressez surtout aux parcs nationaux situés dans le Nord. Le réseau des sites historiques nationaux se développe dans tout le pays, y compris le Nord. Les Autochtones ont participé de près à la création de ces sites historiques. L'une des initiatives majeures sur le plan de la commémoration historique et culturelle est l'accent mis sur les importantes initiatives autochtones dans le nord du Canada.

En ce qui concerne le sujet qui intéresse au premier chef le comité, j'aimerais dire quelques mots sur deux aspects généraux, puis sur cinq éléments particuliers, qui devraient vous intéresser ou pourraient stimuler une discussion.

Le premier aspect général est celui des relations communautaires. Je suis généralement satisfait de l'orientation suivie par Parcs Canada à cet égard. J'ai suivi la situation dans le Nord, j'ai parlé personnellement à nombre des Inuits avec lesquels nous travaillons, ainsi qu'avec les bandes indiennes du Sud, à ce sujet.

Bien que des améliorations restent à apporter, de façon générale nous sommes engagés dans la bonne direction. Je suis très sensible à cette problématique. Je suis toujours à l'affût de deux choses. L'une est toute tendance de mon personnel à invoquer les règlements comme moyen de pression ou de coercition. Ce n'est pas un comportement acceptable dans un partenariat. Ce n'est pas ainsi que nous voulons faire les choses.

Deuxièmement, j'insiste toujours pour que soit pleinement respecté le processus de concertation et de prise de décisions conjointes à l'intérieur de notre relation, afin que nous ne prenions pas les décisions arbitrairement, mais recherchions plutôt le consensus.

Le deuxième aspect général dont j'aimerais parler est la structure de Parcs Canada et le mécanisme décisionnel. Nous avons une structure extrêmement décentralisée. Nous déléguons dans toute la mesure du possible. Dans le cas des Parcs situés dans le Nord, nous comptons que les décisions seront prises au niveau local. Selon mon expérience, c'est exactement ce qui se passe, à l'exception du malentendu qui a surgi concernant l'accord relatif au parc Tuktut Nogait. C'est le seul sujet exigeant une décision qui ait atterri sur mon bureau, concernant un parc arctique, depuis 1993.

Toutes les décisions sont prises par consensus avec les locaux et je n'ai pas eu à intervenir ni à imposer quoi que ce soit. C'est la façon dont nous opérons et dont cela fonctionne.

En ce qui concerne le tourisme dans les parcs du Nord, il y a cinq facteurs à considérer. Premièrement, la nature du développement et les possibilités touristiques sont déterminées par les plans de gestion des parcs nationaux. Ces plans sont élaborés par les conseils de gestion locaux et font l'objet d'une recommandation au ministre. Il y a donc ici une possibilité pour Parcs Canada et le conseil de gestion de spécifier clairement les objectifs en matière de tourisme et de fréquentation. On peut dire que les plans de gestion, jusqu'à présent, ont été circonscrits par le mandat. Si je prends un parc comme Ivvavik, où l'accord de règlement des revendications territoriales spécifie clairement que le parc doit être géré de manière à protéger la nature sauvage et les ressources naturelles, et particulièrement la faune, le plan de gestion privilégie naturellement cela et c'est très bien. Le conseil de gestion a fait ce choix.

Si on veut développer le tourisme, il faut le dire clairement dans les plans de gestion. Le plan de gestion pour Banff contient un énoncé clair concernant le tourisme, les orientations et les attentes en la matière. De façon générale, les plans de gestion des parcs du Nord traitent beaucoup moins de cet aspect. Le plan de gestion est essentiel et il est dressé par le conseil local.

Le deuxième élément essentiel réside dans l'infrastructure de ressources humaines. J'ai suivi vos échanges avec le MAINC à ce sujet. Il y a là deux volets, le volet Parcs Canada et le volet secteur privé.

Il y a une concurrence féroce pour le personnel qualifié et disponible, que l'on s'arrache à tous les niveaux. Le ministre actuel du développement durable du Nunavut est un ancien gardien de parc de chez nous. Cela illustre bien la demande qui existe.

Nous pouvons prendre et avons pris des initiatives à cet égard. Mais il faut faire plus. En particulier, nous devons regarder au-delà de Parcs Canada et trouver, collectivement, un moyen de former des personnes dans le secteur privé qui pourront servir de guides et d'hôtes, non seulement pour les visiteurs des parcs, mais pour tout le secteur touristique. Or, je ne vois aucune initiative satisfaisante à cet égard.

Le troisième facteur essentiel est l'infrastructure touristique, tant les installations des parcs eux-mêmes que celles des localités avoisinantes. Certains progrès ont été réalisés, par exemple l'hôtel et le centre d'accueil combinés à Paulatuk, un bon exemple d'infrastructure. Mais il faut faire plus. Si nous allons avoir des visiteurs dans ces parcs, l'infrastructure du parc doit elle-même être satisfaisante.

Le quatrième facteur essentiel est la promotion du tourisme, qui logiquement intervient une fois les trois premiers éléments en place. L'un des défis consiste à faire comprendre qu'il faut tenir les promesses faites dans nos campagnes publicitaires. La dernière chose que nous voulons, c'est que les visiteurs que nous attirons soient rebutés par des services et installations inadéquats. Nous devons collectivement faire en sorte que cela n'arrive pas.

Parcs Canada a investi 400 000 $ lors de la dernière exposition mondiale en Allemagne, la vedette du pavillon canadien étant les parcs arctiques. Le Canada a eu le pavillon le plus populaire de cette exposition. Mais, en dépit de ce succès, nous avions conscience que nous n'étions pas prêts encore pour une grosse campagne. Si les touristes commençaient à affluer nombreux, ni les localités ni Parcs Canada ne seraient en mesure de les recevoir.

Pour progresser, et c'est le cinquième facteur, il faut soit établir des priorités soit investir davantage. Les représentants du MAINC ont dit qu'ils consacraient 1,2 million de dollars à l'infrastructure touristique dans le cadre de leur programme de développement économique. Ce n'est pas beaucoup. Cela ne suffit pas pour faire une différence au cours des cinq prochaines années. Il faut davantage de ressources. Nous devons trouver le moyen d'investir plus résolument dans les ressources humaines.

Parcs Canada a réussi, en collaboration avec les habitants locaux, à réaliser des progrès en certains lieux. Cependant, la source des fonds, DRHC et les collectivités locales doivent faire de cela leur priorité. Une fois qu'elles ont dressé la liste de toutes leurs priorités, le tourisme, la formation de main-d'oeuvre, se retrouvent assez bas dans certaines de ces listes.

Ce n'est pas propre au Nord. Nous avons tenu il y a trois semaines environ une table ronde nationale sur le tourisme autochtone, avec la participation d'Autochtones de tout le pays. J'ai soulevé cette question avec les dirigeants de ces organisations, les chefs, etc. Ils ont admis le problème. Ils ont reconnu qu'il fallait mettre cela en haut des priorités. Les collectivités, une fois qu'elles ont dressé la liste de leurs priorités locales, constatent souvent que le tourisme est laissé pour compte.

Les décisions ne viennent pas d'en haut. À DRHC, rien ne dit que 10 millions de dollars vont être alloués à travers le Canada à la formation d'Autochtones pour le tourisme. Le système ne fonctionne pas de cette façon. L'initiative doit venir d'en bas. Je ne sais pas quelle est la solution. Je soulève la question pour illustrer la manière dont les choses se passent en ce moment.

Je ne pense pas qu'il faudrait des investissements énormes pour faire progresser le tourisme dans les parcs arctiques. Si deux ou trois millions de dollars étaient débloqués par an pour la formation des ressources humaines, pour le soutien de l'infrastructure privée, peut-être quelques crédits pour l'infrastructure des parcs, cela devrait suffire à mon avis. Ce n'est pas un problème de 100 millions de dollars.

Je vais m'en tenir là. J'espère vous avoir donné un aperçu général, et je répondrai à vos questions.

Le sénateur Sibbeston: Je n'ai pas tout à fait décidé si je dois être totalement franc avec vous et vous dire d'emblée, monsieur Lee, que dans le Nord, Parcs Canada fait les choses tout de travers. Je ne sais pas s'il est utile que j'adopte cette démarche. Vous faites certaines choses positives, mais vous devez prendre quelques mesures drastiques et adopter une approche différente.

Les voyages dans les trois territoires pour voir les parcs ont été énormément utiles et nous ont permis de comprendre la situation là-haut. Les parcs boréaux du Canada sont vastes et inaccessibles. Il coûte cher de s'y rendre.

À certains égard, nous ne sommes que des savants bavards. L'un des parcs du Nord du Yukon a reçu six ou huit visiteurs l'été dernier. Certains des parcs arctiques, à Ellesmere, ne voient probablement passer qu'une poignée de visiteurs. C'est la réalité de la plupart des parcs, particulièrement des plus récents. Nous avons de vastes étendues d'une grande beauté, mais nul n'y va.

Par conséquent, tout ce que fait Parcs Canada est académique. Vous faites les gestes, vous embauchez du personnel et vous avez des gardiens qui parcourent le terrain, mais il n'y a pas de visiteurs. C'est comme cuisiner un repas sans qu'il y ait jamais de convives.

Je peux carrément affirmer aussi que l'impression que nous ont donnée les gens que nous avons entendus est que Parcs Canada est imbu d'une conception méridionale de la conservation et de certaines mentalités et démarches, qui ne sont ni adaptées ni applicables dans le Nord.

Du fait du règlement des revendications territoriales, les habitants ont certaines attentes sur le plan des emplois et de l'activité économique. Mais en raison de votre mentalité et de vos conceptions méridionales, il sera difficile aux Autochtones de tirer parti des dispositions de ces accords touchant la formation et le développement économique.

Je peux peut-être provoquer chez vous un choc et vous convaincre ce faisant de la nécessité d'une approche totalement différente de celle que vous suivez dans les parcs. Je ne sais pas s'il est techniquement possible d'avoir des parcs et une approche différente. Je ne sais pas si l'on peut jamais amener Parcs Canada à renoncer à l'idée que les parcs sont des territoires que l'on réserve et garde écologiquement intacts.

Je ne sais pas s'il est possible que l'Agence Parcs Canada gère les parcs du Nord différemment de ceux du Sud. Je ne sais pas si vous saurez jamais satisfaire les populations du Nord. J'imagine que c'est difficile.

Le fait que vous ayez invité les sénateurs à aller jeter un coup d'oeil dans le Nord témoigne d'une ouverture d'esprit et d'une disposition à écouter ce que nous avons à dire et, peut-être, de suivre nos recommandations. Voilà donc comment je vois la situation générale. Vous voulez bien faire, mais la réalité est que les habitants du Nord voient les parcs différemment. Le territoire est là. Il n'y a pas une ruée de touristes pour aller tout saccager. La nature restera comme elle est.

Étant donné vos conceptions en matière de développement - vous êtes opposés à toute infrastructure et tout développement dans les parcs - vous entravez les habitants. On nous a expliqué, à Inuvik et ailleurs, que vos politiques ne permettent pas aux Autochtones d'exploiter des possibilités commerciales à cause de vos politiques restrictives qui interdisent toute construction dans les parcs. Cela en soi paralyse le développement.

On nous a dit dans des localités comme Iqaluit que les parcs sont plus qu'un espace. Ils doivent également contenir des hommes. Le visiteur dans ces parcs ne voit que des espaces vides, sans habitant inuit ou déné. On ne cherche en rien à créer une infrastructure ou des programmes permettant aux Autochtones de vivre sur ces terres, de telle façon que les visiteurs pourraient voir non seulement la nature mais aussi le mode de vie des habitants qui vivent de cette terre, y cueillent, chassent et trouvent leur subsistance. Il n'y a pas cela.

Si vous voulez que les parcs du Nord bénéficient aux Autochtones, vous allez devoir les ouvrir, adopter une optique différente. Il faudra adopter une approche propre au Nord, complètement différente de la gestion des parcs dans le Sud.

J'aimerais savoir si cela est possible. En tant que responsable des parcs, faites-vous vôtre cette notion qu'il ne peut y avoir aucune construction dans les parcs, quoi qu'en disent les habitants du Nord et des gens comme nous après les avoir vus? Admettez-vous que des Autochtones puissent monter des activités commerciales? Peuvent-ils construire une infrastructure et des camps où ils pourront montrer leur mode de vie? Ces choses sont-elles possible ou bien, parce qu'il s'agit de parcs, cette sorte de chose est-elle exclue à tout jamais?

M. Lee: J'apprécie ce que vous avez dit. Je vous assure, parlez-moi aussi franchement que vous le pouvez, car je n'aimerais pas que vous fassiez autrement.

La réponse est oui. Je pense que j'ai fait preuve d'ouverture d'esprit dans mes remarques liminaires. Je suis évidemment fier de Parcs Canada. Je ne suis pas ici pour en dire du mal.

Nous devons adopter une approche différente dans le Nord. Je ne veux pas dire par là que nous devons avoir une attitude différente. Aussi longtemps que je dirigerai cette organisation, je ferai tout pour aider ces populations.

Parlons de l'importation de conceptions méridionales. Il n'y a rien dans notre législation ou nos politiques qui nous empêche d'aller dans le sens que vous préconisez. J'ai parlé de certaines des initiatives nationales. Vous avez mentionné la possibilité pour les Autochtones de mener leur mode de vie traditionnel dans les parcs, etc. Je suis d'accord avec vous. C'est ce que nous appelons programmation, éducation et interprétation.

C'est la direction dans laquelle nous nous engageons partout dans le pays. Nous devons trouver une façon de rassembler les habitants locaux afin qu'ils prennent l'initiative. Nous pouvons les aider.

Comment pouvons-nous être sûrs que ce que nous faisons dans ces parcs répond au désir de la population locale? Nous devons faire confiance à nos conseils de gestion. Wildlife Eastern Slopes est notre «conseil de gestion des parcs». Ces organisations recommandent des orientations dans leur plan. Elles peuvent nous dire: «Nous aimerions avoir des programmes de telle nature dans les parties suivantes du parc». C'est réalisable.

Nous pouvons prendre ces mesures. Nous ne l'avons pas encore fait, et je peux vous assurer que nous ne le ferions jamais sans l'appui de la population locale.

Lorsque j'étais à Pond Inlet l'été dernier pour signer un nouvel accord, j'ai eu des entretiens avec les locaux. Je leur ai demandé: «Y a-t-il un besoin dans ce parc, ou bien serait-il opportun d'obliger les visiteurs à engager un guide? Pourrions-nous le faire et serait-ce la bonne chose à faire?» La réponse a été que nous pouvions le faire. Quant à savoir si c'est la bonne chose à faire, c'est le genre de débat qu'il faut tenir.

Si vous prenez un parc comme Aulavik, le problème est le même, en ce sens qu'il y a très peu de visiteurs. Encore moins nombreux sont ceux qui s'arrêtent dans la localité. S'ils viennent du Sud, on les dépose directement dans le parc. D'ailleurs, la localité n'a rien pour les recevoir.

Quels services les locaux pourraient-ils offrir dans le parc qui leur procureraient des emplois et leur permettraient d'exposer leur culture? Nous sommes ouverts à ces idées, sénateur. Si vous disiez: «Je veux construire une route dans le parc», je vous ferai sûrement mauvais accueil, mais c'est une chose différente.

Le sénateur Sibbeston: C'est le genre de choses dont je parle. Je sais que l'on met beaucoup l'accent sur les activités habituelles des parcs. Vous avez le mandat de gérer le parc. Vous commencez à former les gens, vous embauchez des gardiens qui parcourent les parcs. Je trouve bizarre que votre personnel aille dans les parcs, et personne d'autre.

C'est un état d'esprit. Vous avez pour mission d'exploiter et de gérer un parc, vous embauchez donc tout le personnel qu'il faut pour faire respecter la loi et veiller à ce que l'écologie ne soit pas perturbée. Pour moi, cela est académique. Ces territoires sont tellement vastes. Nul ne va y aller pour tout saccager et détruire le parc.

Au lieu de former des locaux comme gardiens, pourquoi ne pas adopter une attitude réaliste? Si le but est que les Autochtones tirent un jour profit du parc, comment faut-il s'y prendre? De quelle infrastructure ont-ils besoin pour qu'un jour des avions remplis de touristes s'y rendent, ayant besoin d'hébergement et de moyens de transport? C'est une approche complètement différente. Au lieu de vous accrocher à cette mentalité des parcs, faites appel à un homme d'affaires qui va réfléchir aux possibilités commerciales avec pour objectif l'emploi.

Vous n'avez pas besoin de guides, car personne ne vient jamais. Vous gaspillez de cette façon 30 000 $ ou 40 000 $. Prenez cet argent pour offrir des quais flottants, des plates-formes de tente, une infrastructure, pour qu'un jour - dans dix ans - les visiteurs commenceront à venir. Donnez aux organisations autochtones régionales la possibilité de présenter des plans d'entreprise tels qu'ils puissent se préparer pour le jour où il y aura des touristes et où ils pourront faire de la promotion pour les attirer. C'est une approche entièrement différente.

Une fois que vous êtes imprégnés de cette conception des parcs et de ce mode de fonctionnement, pouvez-vous changer totalement d'optique et considérer un parc comme une opportunité économique? Seuls les très riches viendront. Qui a les moyens d'aller dans ces parcs alors que le transport coûte des milliers de dollars?

M. Lee: J'ai essayé de répondre à la question et je comprends le problème que vous soulevez. Parcs Canada va-t-il jamais sortir d'une mentalité protectrice? Nous continuerons à protéger les ressources du parc. Cela fait partie de notre mission. Cela ne signifie pas...

Le sénateur Sibbeston: Vous n'êtes pas obligés. Il est protégé par le fait qu'il n'y a personne. Vous causerez peut-être plus de dégâts en faisant parcourir le parc chaque été à vos stagiaires. Je trouve incroyable que vous ayez des gens pour arpenter les limites, survoler les parcs en hélicoptère et en avion pour surveiller, comme s'il allait y avoir une invasion ou une intrusion. C'est tellement irréaliste.

Vous prenez les pratiques normales des parcs qui marchent dans le Sud et sont peut-être nécessaires dans le Sud car vous avez là une forte population, et vous les transplantez dans le Nord. C'est de la folie. Ce n'est pas crédible et pratique. Cela semble un vaste gaspillage d'argent et d'énergie.

M. Lee: Permettez-moi de rappeler que nous avons un travail à faire. Je comprends ce que vous dites. Je crois, et c'est ce que nous disent les conseils eux-mêmes, qu'ils sont satisfaits du travail que nous faisons sur le plan des ressources. Les données que nous leur fournissons au sujet de la faune sont très utiles pour leur prise de décisions. Voilà un élément.

La question est de savoir comment nous pouvons promouvoir le tourisme, et je dis que nous le pouvons. Il y a des domaines où il n'y a pas de conflit avec Parcs Canada. Nul ne va imposer les politiques du Sud pour empêcher les choses d'avancer. Les conseils de gestion dressent les plans pour les sites, et certains sont en cours d'élaboration. Les Premières nations Champagne et Aishihik élaborent un plan de gestion pour Kluane, à soumettre au ministre. Ils doivent indiquer dans ce plan ce qu'ils veulent faire. Ce n'est pas moi, assis à Ottawa, qui va leur dire quoi faire. Ils vont décrire ce qu'ils veulent faire et quelle sorte de programmes ils souhaitent. Je ne vais pas bouger sans eux. Voilà le point de départ. C'est par là qu'il faut commencer.

Quel rôle peut jouer Parcs Canada? Je peux insister pour qu'il y ait quelque chose dans le plan de gestion. Si le conseil de gestion m'envoie un plan ne contenant rien sur le plan touristique, je n'hésiterai pas à le leur renvoyer en disant qu'ils ont oublié quelque chose. Mais c'est à eux d'expliquer en détail ce qu'ils veulent.

Comme je l'ai dit, tous les autres plans de gestion dans le Sud ont maintenant un chapitre sur le tourisme. Nous avons introduit cette procédure l'an dernier. Je pense que nous pouvons le faire. Nous sommes prêts à le faire.

La présidente: Il y a des difficultés dans cette discussion. Il y a la notion d'accord «coopératif» par opposition à un «co-accord». Il semble que, si les négociateurs comprenaient pleinement la nature d'un accord coopératif, la plupart des bénéficiaires de la région envisageaient plutôt un co-accord. Cela est ressorti clairement à Inuvik, où on nous a dit: «Les nôtres disent que nous avons négocié le règlement de nos revendications territoriales, qui nous a octroyé toutes ces terres, et nous en avons rétrocédé au gouvernement parce que nous voulons qu'on en fasse un parc. Maintenant, nous ne pouvons plus y aller car les règles de Parcs Canada nous sont imposées. Nous pensons que c'était un partenariat, une cogestion sur un pied d'égalité.» Ce n'est pas le cas. C'est une gestion coopérative, qui est différente de la cogestion.

Il y a eu un problème sémantique. Les gens se disent qu'ils ont cédé un territoire qu'ils ont obtenu après une dure négociation et maintenant le ministre a le dernier mot et peut leur dire ce qu'ils peuvent faire et ne doivent pas faire.

L'autre aspect est que la conclusion d'accords avec les Premières nations représente également un nouveau régime pour Parcs Canada. C'est quelque chose que vous n'avez fait nulle part ailleurs et il y a donc un processus d'apprentissage. Il faut trouver une façon de gérer ces parcs et Parcs Canada devra mettre en oeuvre des politiques spéciales les concernant.

Le sénateur Cochrane: Je veux passer à un autre sujet, mais je souscris à ce qu'a dit le sénateur Sibbeston.

De retour du Nord, où nous avons entendu tous ces nombreux avis, j'ai conscience de leurs réserves face aux politiques conçues pour les parcs du Sud. C'est l'un des aspects dont on nous a le plus parlé.

Je suis inquiète car le ministre a encore répété récemment que l'essentiel est de conserver l'environnement. Mon collègue vient de vous expliquer que nous ne nous inquiétons pas de l'environnement, parce qu'il n'y a pas le même nombre de touristes qu'à Banff. C'est ce que nous ont dit les habitants du Nord. Pensez-vous qu'il vaudrait mieux que les parcs du Nord soient administrés par une agence distincte, pour mieux servir les intérêts des habitants et des collectivités du Nord? Ou peut-être par une branche indépendante de votre agence qui serait libre d'adopter ses propres politiques au lieu d'être régie par les politiques appliquées aux parcs du Sud?

M. Lee: Je ne vois pas quelle politique méridionale spécifique serait néfaste aux parcs du Nord. Si le comité en connaît, j'aimerais qu'il me dise lesquelles.

Le sénateur Sibbeston: La conservation et toute la réglementation. Vous faites mal les choses car vous adaptez un gabarit qui vaut pour le Sud. Vous commencez à gérer certains parcs et vous formez des gardiens et d'autres personnels pour faire appliquer les règlements dans les parcs. Or, personne ne va dans ces parcs et vous gaspillez donc votre argent.

Les Autochtones veulent des emplois, mais surtout ils veulent des possibilités de créer des entreprises. Pourquoi ne pas consacrer à la construction d'une infrastructure les 300 000 $, 400 000 $ ou 500 000 $ que vous gaspillez chaque année? Oubliez les gardiens, car il n'y aura pas de visiteurs avant dix ans.

Le sénateur Cochrane: Ne vous souciez pas de la conservation.

Le sénateur Sibbeston: Il n'y aura pas de perturbation écologique de l'espace.

M. Lee: Je veux préciser ma position sur la conservation. Nous essayons d'appliquer les accords. Par exemple, tel accord de règlement des revendications territoriales dit que la planification et la gestion du parc national auront pour objectif de protéger les caractéristiques naturelles de la région, de les maintenir à l'état naturel dans toute la mesure du possible et de protéger et gérer la faune. Voilà ce que les parties ont convenu, et nous devons donc le faire. Je ne veux pas cesser de le faire. Cependant, je ne suis pas opposé aux autres choses dont vous parlez.

Vous me dites que nous n'avons pas encore fait ces autres choses et je dis faisons-les. Il y a un conseil de gestion responsable de l'application de cet accord. Qu'il nous dise ce qu'il veut. Dans aucun des parcs je n'ai rejeté une proposition relative au tourisme. Je comprends les problèmes de perception causés par les grandes distances et les difficultés de communications, etc., mais il n'y a pas une «politique méridionale» qui nuit aux parcs du Nord. J'attends les propositions.

Le sénateur Cochrane: Il y a quelques semaines encore, le ministre a déclaré que plus jamais on ne construira de route dans un parc national. Est-ce que cela va changer?

La présidente: Comme M. Lee l'a indiqué, tous les accords de règlement des revendications territoriales mettent fortement l'accent sur la protection de l'environnement et l'intégrité de la nature. Ces accords n'ont pas été seulement négociés par Parcs Canada. Les deux parties ont donné à cela une forte priorité. Tous les accords vont dans ce sens.

M. Lee: Oui, généralement, et Ivvavik met particulièrement l'accent sur la conservation, ce qui répond au voeu des collectivités. Cependant, tous également aspirent à une participation et à des avantages économiques. Je peux vous dire que nous pouvons faire mieux. Je sais comment y parvenir.

Le sénateur Sibbeston: Nous pouvons avoir un bon débat autour de cette table et parvenir à certaines conclusions. Cependant, mettre ces conclusions en pratique pour les populations locales prendra peut-être 20 ans. Nous sommes confrontés à certaines mentalités. La mentalité de Parcs Canada est très particulière.

J'ai vécu à Fort Simpson, près du Parc national Nahanni. Je sais que les gens de Parcs Canada ont une mentalité très différente. Une fois que les gens sont formés dans cette optique, il leur est très difficile de changer. J'ai entendu des employés de Parcs Canada dans le Parc national Nahanni dire que les locaux sont l'ennemi. Ils se considèrent comme les seuls protecteurs légitimes du parc et pensent que tous les autres - même les Autochtones qui s'y rendent - sont l'ennemi qui va arracher une petite fleur ou une brindille. Ils sont très chatouilleux.

M. Lee: Je suis heureux que vous me le disiez. Si j'avais su, j'aurais déjà réglé le problème. Ce n'est pas acceptable.

Le sénateur Sibbeston: Je vous en fais part comme d'un défi. Nous pouvons nous mettre d'accord ici, mais il sera difficile de changer les choses sur le terrain. Pour ces gens-là, être un gardien de parc est toute leur vie. Il est très difficile de changer leur attitude et leurs conceptions.

Nous venons de passer quelque temps au Yukon. Je sais que vous avez une section dans votre agence qui s'occupe d'embaucher des Autochtones. À mon retour à Fort Simpson, on m'a parlé d'un Autochtone qui s'était porté candidat à un poste et a été rejeté parce que les qualifications exigées étaient biaisées. Une condition était de savoir utiliser un certain type de logiciel, ce dont le candidat n'a été informé que la veille de l'entrevue. Par ailleurs, lors du concours, les candidats devaient réaliser un dessin par ordinateur. Ils ont embauché une blanche qui vit à Fort Simpson depuis moins d'un an. Sa spécialisation est la réalisation de graphiques et de diagrammes.

La distance est grande entre Fort Simpson et Ottawa. Je sais comment fonctionne l'administration. Même si les niveaux hiérarchiques supérieurs s'entendent sur certaines choses, il faut parfois des années avant que cela se concrétise. Parfois, les fonctionnaires rendent le changement impossible. Cela m'inquiète.

M. Lee: Voyons ce que nous pouvons faire pour y remédier. Il faut penser à long terme, car je ne serai pas là toujours.

Je vais essayer de vous donner un meilleur aperçu de ce qui se passe. Il y a quatre ou cinq ans, il n'y avait pas d'Autochtones aux échelons supérieurs de notre administration. Aujourd'hui, le surintendant de Gwaii Haanas est un Autochtone, le surintendant de l'unité de terrain de Wood Buffalo est une femme autochtone et une autre femme autochtone prend la direction des parcs du Nord de la Saskatchewan. Le surintendant de la section de terrain pour l'ouest de Terre-Neuve et le nord du Labrador est un Autochtone. Tout cela a été fait en l'espace de trois à quatre ans.

Nous n'avons pas progressé aussi vite que nous l'aurions dû dans certains parcs du Nord, mais les fonds déployés n'étaient pas aussi grands qu'aujourd'hui. Je vous le dis, nous sommes concentrés là-dessus. Une fois que nous le sommes, il n'y a plus ces problèmes au niveau du recrutement comme celui que vous venez de décrire. Ce sera réglé.

Le sénateur Cochrane: J'ai une déclaration que vous avez faite au Globe and Mail il y a quelques mois sur le manque de crédit.

Vous avez dit qu'il fallait au moins un milliard de dollars au cours des cinq prochaines années rien que pour rattraper les travaux d'entretien dans les parcs qui ont dû être reportés ces dernières années à cause des compressions budgétaires.

Avez-vous eu une réponse favorable du ministre des Finances à ce sujet? Pouvez-vous nous en parler?

La présidente: De combien avez-vous besoin?

M. Lee: Le chiffre de un milliard comprend trois volets. Le premier est la création de nouveaux parcs et sites. Cela englobe le financement pour les nouveaux parcs créés dans l'Arctique. Obtiendrais-je ces fonds? Je les aurai. C'est peut-être l'élément le plus crucial s'agissant de l'Arctique.

Le deuxième volet était l'infrastructure existante. Elle est presque entièrement située dans le Sud. Cela englobe les anciens parcs. L'infrastructure construite vaut sept milliards de dollars. Il faut un réinvestissement. Le taux normal de réinvestissement est d'environ 4 p. 100 par an et nous n'en sommes qu'à 0,5 p. 100. Nous avons du mal à préserver l'infrastructure existante.

Le troisième volet concerne le problème de l'intégrité écologique, qui se pose principalement dans le Sud.

En ce qui concerne l'administration des parcs existants dans le Nord nous avons dans notre budget les fonds voulus pour les investissements, comme vous l'avez vous-même reconnu.

Cependant, il y a des lacunes dans certains domaines, tels que le développement des ressources humaines. Je parle là non seulement de mon personnel, mais également des sociétés inuites privées qui doivent monter des entreprises à l'appui des parcs. Cet aspect de l'infrastructure commerciale semble négligé. Je n'ai pas obtenu de crédits pour cela. DRHC a des fonds, mais les décisions ne viennent pas d'en haut. C'est là où réside le problème.

Nous avons fait les choses différemment avec les accords sur les avantages aux Inuits que nous avons signés l'été dernier, pour les trois parcs - les deux sur l'île de Baffin et celui de l'île d'Ellesmere. Les fonds sont là. Nous avons octroyé une subvention de 3 millions de dollars pour permettre aux six collectivités associées aux parcs de tirer le meilleur parti des possibilités économiques offertes par le parc. Elles ont cet argent.

Le sénateur Cochrane: Qui décide de son emploi?

M. Lee: C'est eux. Cela fait seulement un an.

Le sénateur Cochrane: Est-ce pour l'infrastructure dans ces collectivités?

M. Lee: C'est pour tirer le meilleur parti des possibilités économiques inhérentes offertes par le parc. Nous leur avons accordé une autre subvention de 200 000 $ pour des bourses d'études, qu'ils administrent. Nous avons également engagé 240 000 $ pour des études sur le tourisme Inuit. Un million de dollars de plus ont été alloués pour la formation des membres du comité aux fins de l'information des visiteurs, des brochures explicatives, etc. Pour ces trois parcs, nous avons mis en place un financement qui fera une différence. La distinction, c'est que cet argent est aux mains des collectivités locales. Il leur appartient.

Dans l'Arctique occidental, nous n'avons rien de tel.

Le sénateur Cochrane: Dans l'article du Globe and Mail, vous disiez que vous avez besoin d'un million de dollars au cours des cinq prochaines années, rien que pour le rattrapage de l'entretien dans les parcs anciens.

M. Lee: Si c'est ce que j'ai dit, j'ai fait erreur. Le volet écologique dans les parcs du Sud représente 328 millions de dollars sur cinq ans.

La dégradation de l'infrastructure, dont le Conseil du Trésor a reconnu que c'est un problème, exige un réinvestissement de 90 millions de dollars par an, pour les 7 milliards de dollars d'infrastructure existante. Sur cinq ans, cela fait 450 millions de dollars.

La présidente: Rien que pour rénover l'infrastructure existante.

M. Lee: Pour préserver les équipements actuels destinés aux visiteurs.

Le reste représente le montant pour les nouveaux parcs et sites, soit de l'ordre de 200 millions de dollars sur cinq ans. Voilà comment se décompose le chiffre de un milliard.

Si le Globe a présenté les choses autrement, les bons chiffres sont ceux que je viens de dire. Les journaux ne rapportent pas toujours les choses fidèlement. L'infrastructure, c'est 450 millions de dollars sur cinq ans, soit 90 millions de dollars par an.

La présidente: Est-ce pour des infrastructures nouvelles?

M. Lee: Non, l'infrastructure ancienne, les routes, centres d'accueil des visiteurs, terrains de camping, aires de pique-nique, sentiers, etc.

La présidente: Si vous obtenez votre milliard, cela suffira-t-il à vos besoins?

M. Lee: Je n'aurai jamais un milliard de dollars. Nous pourrons investir dans certains de ces volets. Une enveloppe déjà annoncée est de 130 millions de dollars sur quatre ans. Une partie ira aux nouveaux parcs, une partie à l'intégrité écologique. Je n'ai pas les chiffres finals encore car le gouvernement n'a pas pris toutes ses décisions budgétaires.

La présidente: On nous a dit - particulièrement au sujet du Nunavut - que l'on construit certains centres d'accueil de touristes qui seront exclusivement réservés à cette fin. Alors que l'on pourrait utiliser pour cela des centres de soins ou des centres culturels qui servent toute l'année. Envisage-t-on de faire cela?

M. Lee: C'est un modèle possible. C'est ce que l'on fait en certains endroits. Si nous devions recommencer, c'est ce que nous ferions.

La présidente: Justement. Il y a d'autres exemples. Peut-on faire en sorte que l'argent soit bien dépensé et que la collectivité puisse en bénéficier 12 mois par an et Parcs Canada en bénéficier quand il en a besoin?

M. Lee: C'est possible, et nous avons deux propositions de ce type. Dans la proposition de Paulatuk, l'hôtel est combiné au centre d'accueil. Nous avons également une proposition de Wood Buffalo qui prévoit un centre d'accueil des visiteurs, un centre communautaire et un foyer pour les aînés sous le même toit. Les conceptions à ce sujet ont évolué. Je pense que l'idée est bonne. Les choses vont changer.

La présidente: Je présume que rien de tout cela n'est construit sans une concertation avec la collectivité.

M. Lee: C'est toujours après concertation avec la collectivité, encore que les opinions dans celle-ci puissent être divergentes à l'occasion, et tout dépend de la nature du programme. À Pond Inlet, nous avons un centre d'interprétation pour le parc. La collectivité s'en sert pour d'autres manifestations - par exemple, des spectacles de danse au tambour à l'intention des touristes - et y loge sa bibliothèque d'histoire. Toutes ces choses sont possibles.

Le sénateur Cochrane: Au début de votre exposé, vous avez mentionné les influences nord-sud et sud-nord et indiqué que ce qui se fait dans le Sud gagnera probablement le Nord. Pourriez-vous nous donner des précisions?

M. Lee: L'une des choses remarquables dans le Sud sont les programmes autochtones mis en place dans les parcs. Nous avons passé en revue tous nos parcs et sites pour voir si l'histoire autochtone y est racontée. Dans la plupart, ce n'était pas le cas, dans quelques autres, oui. Qui la présente?

L'un des objectifs de travail annuel des surintendants sur le terrain est de veiller à ce que l'histoire autochtone ait sa place, soit racontée. En outre, chaque fois que possible, cela doit être le fait des Autochtones eux-mêmes.

Donc, il s'agit de savoir si nous pourrions faire la même chose dans le Nord. Oui, nous le pourrions. Le faisons-nous aujourd'hui? Non. Cependant, cela se fait dans le Sud et cela pourra se faire dans le Nord dès que les gens seront prêts.

La présidente: Par exemple, dans les parcs boréaux où les gens font des randonnées de plusieurs semaines, pourrait-on installer des centres d'interprétation en toile sur le chemin?

M. Lee: Je pense que c'est possible.

La présidente: Pourrait-il y avoir des guides inuits qui emmèneraient les touristes sur ces lieux historiques, avec possibilité d'hébergement de type traditionnel?

M. Lee: Oui. Il nous faut la coopération des locaux. Selon l'endroit, certains habitants souhaitent cela et d'autres non.

Le sénateur Sibbeston: L'expérience des Autochtones, sur le terrain, c'est que lorsqu'ils veulent coopérer avec Parcs Canada, Parcs les écrase. Parcs Canada, avec sa mentalité méridionale mal adaptée au Nord, impose son point de vue. Chaque fois que vous avez des pourparlers avec les Autochtones, c'est vous qui gagnez. Vos gens du Sud, avec leurs idées du Sud, que vous envoyez dans le Nord, s'imposent chaque fois et les Autochtones n'arrivent à rien.

Je parle là du parc Kluane où un conseil a été mis sur pied et, après une réunion à Haines Junction, deux des représentants autochtones de la localité ont claqué la porte. Cela faisait cinq ans qu'ils travaillaient là et les frustrations s'accumulaient.

M. Lee: Je connais bien ce conseil. Je l'ai rencontré il y a deux semaines.

Le sénateur Sibbeston: Pourquoi les locaux s'en vont-ils? Nous avons parlé à des gens comme Nellie Cournoyea de la région d'Innuvik qui disent que les relations avec les parcs sont frustrantes. Ce n'est pas un partenariat à égalité. Vous écrasez les gens, c'est comme si vous n'étiez pas sur le même terrain.

M. Lee: Vous parlez là de deux situations différentes. Dans le cas de Nellie Cournoyea, si je me souviens bien, Nellie se dit frustrée par Ottawa. Elle a une interprétation différente de l'accord. Cette situation a été réglée et la décision prise. Je crois qu'elle dit également apprécier ses contacts avec les responsables locaux du parc et obtenir leur coopération quand elle en a besoin.

Le sénateur Sibbeston: Sa société est frustrée parce qu'elle ne peut pas mettre en place l'infrastructure requise pour réussir. Ils avaient une idée commerciale pour attirer des visiteurs dans le parc, mais Parcs Canada a opposé un veto ou ne leur permet pas de construire l'infrastructure requise. C'était cela le problème.

M. Lee: Ce que je vais m'engager à faire - et je le ferai peut-être avant même votre rapport et je voudrai peut-être vous revoir auparavant - c'est émettre un énoncé de politique concernant le Nord et mes attentes, car votre position et la mienne ne sont pas si éloignées. Vous pensez que mon personnel ne comprend pas mes attentes. Je peux remédier à cela.

Le sénateur Cochrane: Puis-je signaler, monsieur Lee, que M. Anderson, le président de Kluane Park, est venu assister à une table ronde à Hamilton et il n'était pas ravi à son retour. Il dit que l'on a passé six heures autour de la table à écouter les positions de Parcs Canada. Ces positions ne présentaient guère d'attrait pour les gens comme lui. Il est revenu plutôt frustré. Il dit que c'était une perte de temps. Le point de vue du Nord n'était pas représenté dans les positions énoncées par Parcs Canada. Je voulais seulement mentionner cela.

M. Lee: Permettez-moi de répondre car je connais l'intéressé. J'ai beaucoup de respect pour lui et je lui en ai parlé. Il ne vous a peut-être pas dit tout ce qu'il pense. Il a apprécié la conférence et les Autochtones qui y participaient l'ont réellement appréciée et ont fait personnellement des remarques à cet effet, publiquement.

Cependant, une chose n'a pas marché et cela pourrait vous intéresser. Pour je ne sais quelle raison, les invités de l'Arctique ne sont pas venus.

Le sénateur Cochrane: Il a dit qu'il était le seul représentant du Nord.

M. Lee: Je ne sais pas pourquoi c'est arrivé, car trois semaines plus tard, le ministre a organisé une table ronde sur le tourisme patrimonial avec les Autochtones et l'Arctique y était très bien représenté.

Le sénateur Cochrane: Soyons réaliste: pensez-vous qu'il y a une possibilité d'accroître sensiblement la fréquentation touristique des parcs du Nord?

M. Lee: Un afflux massif ne serait probablement pas la solution. Nous allons devoir concevoir pour ces parcs des stratégies de promotion différentes de celles employées ailleurs. Il y a peut-être trois types de marchés dans ces parcs. L'un serait les vrais aventuriers, très expérimentés. Par exemple, les meilleurs alpinistes du monde fréquentent la Réserve du Parc national Auyuittuq. C'est un groupe très fermé. L'une de ses caractéristiques est que ces gens n'aiment pas la supervision, ce qui me ramène à la question que je posais précédemment. Dans le cas d'un parc comme Sirmilik ou Pond Inlet, serait-il approprié d'imposer aux visiteurs l'accompagnement d'un guide? Comment aborder ce marché?

Je donnerai au comité les chiffres à ce sujet. Les fonds alloués couvraient deux éléments majeurs et plusieurs plus petits. Il y avait le centre d'accueil des visiteurs intégré à l'hôtel. Il y a là un montant plus petit pour l'infrastructure du parc, notamment certains terrains de camping ou sentiers. Je ne me souviens plus. Je donnerai la ventilation au comité.

Le sénateur Cochrane: On ne nous a parlé d'aucune construction dans le parc.

M. Lee: Permettez-moi de vérifier le montant exact et les postes de dépenses.

La présidente: J'aimerais parler des mutations du personnel des parcs. Je crois savoir que celles-ci sont fréquentes car les employés veulent travailler successivement dans différents parcs, pour acquérir des expériences et aptitudes diverses. On nous a expliqué, particulièrement à Nunavut, que souvent un nouveau surintendant arrive, avec peu ou pas d'expérience de l'Arctique. Les Inuits vivant là doivent lui enseigner les techniques de survie, etc. Puis, une fois qu'il se débrouille bien, il repart.

Comment peut-on régler cela? Je suppose que c'est la même chose dans tous les parcs, car chaque fois qu'un nouveau arrive, il doit commencer par apprendre.

M. Lee: C'est vrai, sénateur. Ces doléances sont réelles et nous devons les prendre au sérieux. Je ne pense pas que nous soyons adéquatement préparés à ce genre de chose.

Notre surintendante actuelle du parc Gwaii Haanas, qui est autochtone, s'en va. Elle poursuit son cheminement de carrière. Nous avons depuis deux ans en place un surintendant stagiaire, qui est également autochtone et qui sera le premier surintendant Haida du parc Gwaii Haanas. Cette personne est prête à occuper le poste. La collectivité le connaît, il est formé. C'est ainsi qu'il faudrait toujours procéder.

La présidente: Cela me rappelle les années 30 lorsque la GRC est arrivée. La première chose qu'il fallait faire, c'était leur adjoindre quelqu'un pour s'occuper d'eux, veiller à ce qu'ils ne meurent pas de froid ou de faim. C'était il y a 50 ou 60 ans. J'aurais cru que nous aurions fait des progrès depuis.

Mon autre préoccupation intéresse les différences entre les montants alloués aux conseils. C'est probablement dû aux accords de règlement des revendications territoriales. Je sais qu'à Kluane, leur budget était de 30 000 $ ou 40 000 $ par an et le North Slope Management Board recevait de l'ordre de 120 000 $ par an. Je pense que c'est lié à l'accord, mais je ne suis pas certaine. Je ne pense pas que cela soit fonction des parcs.

M. Lee: Je vous donnerai la ventilation des montants alloués aux conseils et l'origine des fonds. Je n'ai pas les chiffres en tête pour tous.

La présidente: La différence est majeure. À Kluane ils s'inquiétaient parce qu'ils ne pouvaient pas faire grand-chose avec les montants qu'on leur donne.

Le sénateur Sibbeston: J'aimerais parler de la disposition prévoyant que les Autochtones soient considérés comme une partie intégrante de l'écosystème des parcs, et non de simples participants. Je pense que les Inuits de l'Arctique oriental ont cette disposition dans leur accord. Je crois que c'est une clause spéciale pour les Inuits. Ils nous l'ont signalé. C'est très important. C'est peut-être la façon pour l'Agence de faire les choses différemment dans le Nord.

Je ne sais pas si ce que je veux dire est évident ou si je vous demande l'impossible. Le fait de placer des Autochtones dans des postes n'est pas en soi un indice de réussite. Vous pouvez avoir des Autochtones tellement imprégnés par le système qu'ils sont pires que les blancs. Ils ont la peau foncée, mais ils ont été tellement bombardés et ont eu un tel lavage de cerveau qu'ils ne sont plus eux-mêmes.

Je pense que le défi est d'avoir des Autochtones qui soient réellement eux-mêmes, qui soient bien dans leur peau et apportent une conception, des approches et même des styles de gestion différents. Je pense que c'est là le défi.

Les gens vont dans le Nord pour voir le pays et les habitants. Il y a quelques années, j'ai fait une excursion en canot dans le parc national Nahanni. Mais la nourriture venait toute de l'Ontario. Lorsque nous sommes arrivés à Nahanni Butte, je me suis précipité dans le village pour acheter de la viande d'orignal. J'ai confectionné un peu de bannock. Les gens m'ont dit: «Nous avons enfin l'impression d'avoir été dans le Nord.» Autrement dit, cela aurait pu être n'importe quel lac ou rivière de l'Ontario.

Il s'agit donc de laisser les Autochtones être eux-mêmes et se sentir libres. C'est ainsi que vous obtiendrez des parcs qui révèlent la nature et les Inuits à leur meilleur. C'est là le réel défi.

Mettre les Autochtones dans des costumes et des uniformes n'est pas un critère de votre réussite. Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. Lee: Je sais ce que vous voulez dire. J'ai conscience de ce problème. L'exemple que vous avez donné de Nahanni et d'une nourriture différente, c'est là ce qu'il faudrait dans ces parcs. C'est la voie dans laquelle nous nous engageons.

J'ai fait une merveilleuse excursion d'un jour l'été dernier sur la rivière Soper, qui est à l'extrémité sud de Baffin, vers Lake Harbour. C'était organisé par des Inuits. Cela s'est terminé par un excellent ragoût de caribou chez un Inuit du coin. À mes yeux, c'est cela qu'il faut offrir aux visiteurs. Vous et moi sommes sur la même longueur d'ondes.

Le sénateur Sibbeston: Sachez que j'ai une maison à Fort Simpson transformée en gîte campagnard. J'ai eu des gens qui rentraient d'excursion sur la rivière et qui me disaient: «Oh, c'est merveilleux, je pensais que l'excursion était terminée.» La maison est située dans le bois et nous servons des saucisses de caribou, du ragoût de caribou, de l'oie et du bannock. Les gens adorent cela. Il y a une soif pour tout ce qui est autochtone. Ils ne veulent pas retrouver les mêmes choses qu'en Ontario. Ils veulent voir quelque chose de différent. C'est cela que devraient viser les parcs.

M. Lee: C'est ce que nous pouvons mettre en train au cours des cinq prochaines années. Nous pouvons commencer à mettre cela en place. Encore une fois, il faut que la population locale soit prête à embrayer et à recevoir les visiteurs. Nous avons besoin de cette initiative communautaire. Vous savez que nous ne pouvons pas juste arriver et dire: «Faites ceci. Vous devriez faire cela. Pourquoi ne pas faire telle chose?» Il faut que l'initiative vienne des locaux.

La présidente: Un sujet de préoccupation était l'emploi et l'embauche. Que faites-vous pour éviter les désavantages culturels? Avez-vous mis en place des procédures pour faire reconnaître le savoir et l'expérience informels, ce genre de choses, par les jurys de sélection, ou bien y a-t-il un certain pourcentage d'Autochtones et d'Inuits siégeant dans ces jurys?

M. Lee: Je ne puis répondre à toutes ces questions car je n'ai pas tout cela en tête.

Cependant, il y a deux ou trois ans, nous avons sensiblement modifié les conditions de candidature aux postes de gardien des parcs du Nord. Nous avons créé une catégorie dispensée de diplôme professionnel, pour attirer davantage de gens connaissant bien le terrain mais ne possédant pas de diplôme. Nous avons dispensé une formation culturelle à notre personnel, afin qu'ils apprennent à mieux connaître les Autochtones. Nous faisons ce genre de choses.

Je ne puis vous garantir que nos jurys, dans tous les cas, sont exempts de préjugés. Cependant, j'impose aux surintendants des parcs des objectifs d'équité en matière d'emploi, notamment de recrutement d'Autochtones. S'ils ne recrutent pas - que ce soit de leur faute ou non - ils doivent rendre des comptes. Ce sont les résultats qui m'intéressent.

Tout cela est le fruit d'une évolution. Dans certains cas, c'est une affaire de disponibilité. Le nouveau bureau d'Iqualuit est assez étonnant: les effectifs sont à 50 p. 100 inuits. On parle trois langues dans ce bureau: l'inuktitut, l'anglais et le français. Je crois que 42 p. 100 des employés sont des femmes. C'est pratiquement un bureau multiculturel moderne.

En revanche, vous pourrez aller dans un autre bureau de l'Arctique oriental et on se croirait transplanté dans le passé, où tout est plus traditionnel. Nous ferions les choses différemment aujourd'hui. Nous y arriverons.

La présidente: Avant de terminer, admettez-vous que les parcs du Nord, sur le plan de leur administration et de leur mise en valeur, sont très différents de ceux du Sud?

M. Lee: Oui.

La présidente: Comment va-t-on refléter cela? Va-t-on le faire au moyen de politiques nouvelles ou bien peut-on le faire avec les politiques existantes?

M. Lee: Je n'ai connaissance d'aucune politique existante qui nous empêcherait d'avancer. Je pense que je vais devoir rédiger quelque chose pour clarifier l'application des politiques dans les parcs du Nord. Ce sont les mêmes politiques. Il ne s'agit pas de créer une politique pour les parcs du Nord. Les textes sont déjà là, notre personnel les connaît bien. Il peut arriver que les employés disent quelque chose qui n'est pas conforme à la politique de Parcs Canada. On peut remédier à cela.

Je dois rédiger un texte sur les parcs du Nord indiquant clairement nos positions de principe. Ce ne sera pas une politique nouvelle, mais ce sera clair.

La présidente: Vous pensez qu'il est possible de répondre aux besoins et préoccupations dont on nous a fait part et que nous vous avons transmis au moyen de la législation actuelle.

M. Lee: Je pense que oui, mais pas sans une clarification. Vous m'avez convaincu qu'une clarification est nécessaire.

Le sénateur Cochrane: Vous devrez également en informer le personnel de Parcs Canada travaillant dans le Nord. Il faut qu'ils en aient connaissance et appliquer ces principes. Je ne sais pas comment vous dire cela, mais certains bureaucrates voient tout en noir et blanc, sans aucune nuance.

M. Lee: Je sais.

Le sénateur Sibbeston: Pourrais-je proposer quelques lignes d'introduction pour votre nouvelle politique ou votre message? «Décrispez-vous. Vous êtes dans le Nord. Regardez les choses concrètement et soyez raisonnables. N'oubliez pas que vous travaillez avant tout pour les Autochtones du Nord.»

M. Lee: J'espère que mes collaborateurs prennent des notes. Vous exprimez tout à fait ma pensée.

Le sénateur Sibbeston: Oubliez tout ce que vous avez appris dans le Sud.

La présidente: N'oubliez pas tout. Il y a de bonnes choses à glaner partout.

Merci d'être venu. Votre exposé et vos réponses m'ont rassurée. J'ai l'impression que vous comprenez les préoccupations qui sont les nôtres et que nous avons entendues. Je parle pour moi-même et les deux autres sénateurs pourront donner leur avis également, mais le personnel des parcs auquel nous avons parlé dans la région comprenait les différences et voulait travailler avec la population locale et adopter une mentalité différente. Évidemment, cela est à recommencer chaque fois que d'autres viennent les remplacer.

Je pense que l'avenir est certainement prometteur. Le personnel des parcs représente certainement une race à part, comme le sénateur Sibbeston l'a dit. Ces employés sont également très loyaux, car une fois qu'ils sont entrés à Parcs Canada, ils ne veulent jamais en sortir parce que c'est un milieu de travail tellement agréable. Ce sont des gens très dévoués. Parfois, il est un peu difficile de les faire bouger, mais ils sont très dévoués à leur mission. C'est parfois un inconvénient.

J'apprécie le temps que vous nous avez consacré et nous attendons avec impatience de recevoir les renseignements que vous avez promis. Nous avons encore du travail à faire.

M. Lee: J'ai beaucoup apprécié moi aussi. Vous êtes un comité avec lequel il est très agréable de travailler. Si je puis faire quoi que ce soit pour vous aider en vue de votre rapport, ou si vous voulez avoir une réunion pour discuter d'idées, n'hésitez pas à m'appeler. Je souhaite recevoir de vous un rapport que je puisse utiliser et mettre en oeuvre.

Le sénateur Cochrane: Nous aussi.

Le sénateur Sibbeston: Pouvez-vous nous garantir d'ores et déjà que vous exécuterez toutes nos recommandations? Sinon, notre voyage n'aura servi à rien. Nous sommes à un âge où les années nous sont comptées, et il ne faut laisser passer aucune occasion.

M. Lee: Je suis sérieux. Lorsque l'idée de ce comité a été lancée, j'en ai parlé avec M. Watt. Je lui ai dit: «Collaborons, afin d'avoir un rapport qui soit réalisable.» Je vous fais la même offre et si, avant la rédaction du rapport, vous avez d'autres idées, faites appel à moi car c'est bon pour tout le monde.

La présidente: Nous déposerons un rapport fin septembre. Nous aurons une réunion avec le ministre immédiatement après l'adoption par le Sénat, pour le lui remettre directement.

La séance est levée.


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