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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement

 

Délibérations du comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Anciennement: Le Comité des Privilèges, du Règlement et de la procédure

Fascicule 6 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 9 mai 2001

Le Comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure se réunit aujourd'hui à 12 h 05 pour examiner certaines questions qui relèvent de son mandat en vertu de l'alinéa 86(1)f) du Règlement du Sénat.

Le sénateur Jack Austin (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Nous avons quorum, et nous sommes prêts à commencer notre séance qui est une séance publique, et non à huis clos.

Premièrement, réglons la question du déjeuner. J'ai comparu devant le Comité de la régie interne hier pour discuter de notre budget. À ce que je sache, il ne nous prive pas de déjeuner! On a tout simplement oublié de s'en occuper. Le restaurant parlementaire s'empresse de nous fricoter et de nous apporter quelque chose. Nous mangerons plus tard qu'à l'habitude. Ah! il arrive.

J'aimerais discuter de quelques éléments de procédure et d'ordre du jour avant de céder la parole au sénateur St. Germain. La semaine prochaine, la commissaire aux langues officielles comparaîtra devant le comité et le sénateur Stratton en assurera la présidence. Je serai à Washington à ce moment-là avec le Comité des affaires étrangères. Toutes les séances de la semaine prochaine seront consacrées au témoignage de la commissaire aux langues officielles.

La semaine suivante, nous discuterons à huis clos de la procédure touchant les langues officielles. Nous tiendrons une séance à huis clos le 31 mai sur les comités du Sénat et sur la procédure pour respecter notre ordre du jour. Le 6 juin, nous discuterons des comités du Sénat et d'autres questions. Le 13 juin, nous reviendrons sur la question que nous avons abordée à huis clos avec M. Mark Audcent. Le 20 juin, si nous siégeons toujours, nous ferons le bilan de nos activités et déterminerons nos priorités pour l'automne.

Le comité de direction propose de tenir une réunion spéciale du Comité du Règlement les mardi et mercredi de la semaine du 9 juillet. Nous consacrerons ces deux jours à discuter des comités et nous essaierons de réunir nos conclusions afin que le personnel puisse rédiger notre rapport provisoire. J'ai demandé à M. Gary O'Brien s'il pouvait réserver à notre intention la maison du lac Meech, la maison O'Brien ou la maison Wilson au lac Meech, pour une journée et demie. Le greffier s'informera de la disponibilité des membres du comité. Si nous sommes assez nombreux, j'aimerais tenir cette réunion parce que nous avons beaucoup de travail à faire pour l'organisation des comités.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool: Ma question porte sur la comparution de la commissaire aux langues officielles. Est-ce qu'on lui a demandé de faire une présentation ciblée vers la formation d'un comité ou si elle va faire la présentation du dernier rapport sur les langues officielles?

Lorsqu'elle comparaît au Comité des langues officielles, habituellement elle présente son rapport et c'est toujours une présentation assez longue. À notre comité, nous sommes limités dans le temps. Si elle fait le même genre de présentation, nous n'aurons pas suffisamment de temps pour lui poser des questions. Est-ce qu'on lui a donné des directives pour sa présentation?

M. O'Brien: Je lui ai donné tous les procès-verbaux du Comité des privilèges, du Règlement et de la procédure concernant la motion de l'honorable sénateur Gauthier ainsi que le texte de sa motion. Je lui ai conseillé de basé le débat sur l'efficacité du comité mixte et les conséquences d'un comité sénatorial sur les langues officielles.

Le sénateur Losier-Cool: C'est bien car c'est le mandat de notre comité et non pas l'étude de tout le rapport sur les langues officielles.

[Traduction]

Le président: Merci de cette question opportune, sénateur Losier-Cool. Notre adjoint de recherche, M. Robertson, préparera des notes d'information et des projets de questions à l'intention des sénateurs.

Le sénateur Gauthier: Pour revenir au premier point, vous avez dit qu'il y aurait peut-être une réunion d'un comité ou d'un sous-comité en juillet. J'ai entendu dire que demain ou cette semaine, à l'autre endroit, on déposera une modernisation du Règlement de la Chambre. Est-ce que nous savons ce qui sera proposé? Peut-être pourrions-nous en tenir compte dans l'examen de nos propres changements.

Le président: Nous sommes parfaitement au courant du processus. Dès la réception du rapport, nous présenterons une note d'information aux membres du comité pour déterminer dans quelle mesure ce projet de modernisation touche notre travail.

Sénateur Gauthier, nous avons prévu effectuer une analyse de notre Règlement qui sera précédée d'un exposé du président Hays. Nous ferons cette analyse aussitôt que nous le pourrons. Probablement à l'automne. Entre-temps, je sais que le comité de la Chambre déposera son rapport au cours de la première semaine de juin, ce qui nous donnera le temps d'en discuter ici, si nous sommes d'accord.

Honorables sénateurs, j'ai invité le sénateur St. Germain à comparaître aujourd'hui au sujet du mandat qui nous a été donné, à savoir:

Que la question de la reconnaissance officielle d'un troisième parti aux fins des procédures au Sénat soit renvoyée au Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure pour qu'il l'étudie et en fasse rapport.

Je crois que nous avons reçu ce mandat le 22 mars.

Sénateur St. Germain, je vous remercie d'avoir accepté de comparaître. Je vous invite à nous présenter vos projets et vos idées et j'espère que vous accepterez de répondre à nos questions. Nous étudierons ensuite la question des tiers partis.

Vous avez la parole.

Le sénateur St. Germain: Merci, monsieur le président. Je me ferai un plaisir d'accepter vos questions, même si je ne sais pas si j'y répondrai.

Je veux d'abord m'excuser qu'en raison d'un manque de ressources, je n'ai pas pu faire traduire les documents que je vous ai distribués. Il y a certainement des services de traduction dans le système, et en tant que fervent partisan d'un pays bilingue, veuillez me pardonner de vous avoir remis ces documents en anglais seulement.

Honorables sénateurs, je vous remercie de me permettre de plaider ma cause devant vous aujourd'hui. Je crois que vous êtes tous convaincus que créer et modifier les règles de cette Chambre constitue une tâche solennelle qui ne peut être prise à la légère. Au cours des derniers mois, je me suis efforcé de passer un message. Je crois que les sénateurs doivent faire du Sénat un endroit qui reflète davantage le nouveau profil de notre pays et de nos politiques. À titre de sénateur et en toute humilité, j'avoue qu'il faut apporter des changements au Sénat. Le Sénat est en effet l'une des dernières chambres hautes au monde dont les membres sont encore nommés d'office aujourd'hui, et nous nous efforçons de convaincre les Canadiens de l'importance et de la légitimité de nos devoirs envers eux.

Je crois que si nous voulons protéger les valeurs, les traditions et les objectifs du Sénat contre ses adversaires, nous devons nous adapter. Je crois également que cette adaptation éventuelle et nécessaire se traduira par l'élection démocratique des sénateurs.

D'ici là, je veille à ce que la Chambre haute améliore son travail dans sa structure actuelle. Ma récente motion ou question de privilège concernant la nomination de membres de l'opposition officielle au Sénat fait partie de mon mandat. Je ne croyais pas que cette proposition serait acceptée à première vue dans les circonstances. Mais j'ai posé la question pour souligner qu'à certains égards, nous devons moderniser notre façon de travailler.

Depuis que les pères de la Confédération ont créé le Sénat, diverses propositions de réforme ont été présentées. Ce qu'on lui reproche le plus souvent, c'est la représentation numérique de certaines provinces au sein d'une région.

Vient un jour où une refonte des activités et des procédures s'avère nécessaire. Il est inutile d'essayer de résoudre tous les problèmes en même temps. Nous devons plutôt nous limiter à ce que nous pouvons faire nous-mêmes. Attachons-nous simplement à régler les problèmes que nous pouvons régler avec nos propres moyens.

Je voudrais, par exemple, que nous concevions des règles qui nous permettraient de reconnaître un parti et son caucus au Sénat. Le Sénat peut adopter ces règles de son propre chef. C'est une question importante. Il doit y avoir des moyens de faire entendre de nouvelles voix dans cette Chambre. Si nous pouvons faire une place aux groupes minoritaires au Sénat, ces groupes se sentiront peut-être moins frustrés par le Sénat ou notre système de gouvernement dans son ensemble.

Honorables sénateurs, environ la moitié des électeurs du Canada ne sont pas représentés au Sénat. Ceux et celles qui ont voté pour l'Alliance canadienne, le Bloc québécois ou le Nouveau Parti démocratique ne peuvent faire entendre leur voix au Sénat. En tant que seul sénateur de l'Alliance canadienne dans cette chambre, j'ai la responsabilité de parler au nom d'un électeur canadien sur quatre, soit 25,5 p. 100 de l'électorat. Les libéraux et les conservateurs, qui ensemble représentent 53 p. 100 des électeurs, détiennent pratiquement tous les sièges au Sénat. Les 22 p. 100 d'électeurs qui restent n'ont aucun représentant.

Les Canadiens de l'Ouest ont élu 64 députés au Parlement d'Ottawa l'automne dernier, soit la moitié des voix provenant de cette région. Cette population de 1,9 million d'électeurs n'a qu'une seule voix au Sénat. Est-ce vraiment la façon dont nous nous gouvernons? Est-ce bien cela la démocratie?

Il existe trois façons de régler le problème de la dissension. Les deux premières méthodes consistent à la museler ou à l'ignorer. La troisième est de donner voix au chapitre aux dissidents afin qu'ils se sentent inclus dans le système, et non pas rejetés.

Permettez-moi de citer le professeur John C. Courtney, auteur de l'un des rares ouvrages sur la question du statut des partis au Parlement, et qui est à l'origine de la recherche exécutée pour la Bibliothèque du Parlement sur ce sujet. Selon le professeur Courtney:

...imposer des restrictions ou accorder des privilèges de façon à éviter d'apporter des changements normaux au système de parti est à déconseiller pour la simple raison que cela pourrait provoquer des tensions inutiles dans la société. Si, peu après la Première Guerre mondiale, les protestations des agriculteurs n'avaient pu prendre la forme qu'elles ont prise (c'est-à-dire l'établissement du Parti progressiste) à cause des obstacles réglementaires et légaux qui favorisaient les partis existants, demandons- nous ce qu'auraient pu faire les gens dont les réactions d'insatisfaction étaient si intenses à l'égard des politiques et du leadership des deux vieux partis, qu'aucune réconciliation n'était à l'époque possible dans le système bipartite.

Il est temps que les deux chambres de ce Parlement adoptent la formule du compromis. Les luttes sur la réforme parlementaire à l'autre endroit sont un exemple probant du débat sain et vigoureux qui doit avoir lieu pour que toutes les voix de notre grand pays puissent s'exprimer.

En ce qui concerne la question qui nous intéresse, votre comité doit se pencher sur plusieurs aspects. Premièrement, les expériences à l'autre endroit. Deuxièmement, les principes fondamentaux qui devraient s'appliquer à nos délibérations. Troisièmement, les expériences d'autres pays. Quatrièmement, les expériences des provinces canadiennes. Cinquièmement, les facteurs qui relèvent des compétences du Sénat et, enfin, sixièmement, les recommandations qui peuvent être faites en fonction de ces compétences.

Comme le président vous a remis une copie de mes observations, pour gagner du temps, je résumerai brièvement les expériences des autres pays et provinces. Mes commentaires détaillés sur ces questions, qui portent les numéros 3 et 4, sont joints au texte de mes observations. Je vais aborder rapidement les six questions que je viens tout juste de mentionner.

La Chambre des communes du Canada a fixé à 12 le nombre minimum de députés pour qu'un parti soit reconnu au Parlement. Le règlement a été adopté en 1963 lorsque le Nouveau Parti démocratique et le Parti du crédit social avaient des caucus de taille raisonnable. Ces partis comptaient respectivement 17 et 24 députés au Parlement.

On a soutenu que le gouvernement minoritaire de l'époque avait établi la limite à 12 afin de calmer les deux partis et, espérait-on, de les encourager à appuyer le gouvernement minoritaire. À l'époque où le règlement a été adopté, la Chambre des communes comptait 265 députés. Cette limite de 12 correspondait à environ 4,5 p. 100 de la composition de la Chambre. La règle des 12 députés n'a pas changé au fur et à mesure que le nombre de ces derniers a augmenté. Aujourd'hui, la limite de 12 députés représente un peu moins de 4 p. 100 de l'ensemble des députés de la Chambre des communes.

On a dû établir une limite minimale au moment où la taille et la nature du gouvernement ont pris une expansion telle que les députés, leurs partis et leurs leaders respectifs avaient besoin de ressources supplémentaires pour faire leur travail. On a également accordé une rémunération supplémentaire aux chefs de partis pour qu'ils puissent assumer leur surcroît de travail et de responsabilités et garantir ainsi la bonne marche de notre régime parlementaire multipartite.

Selon feu Stanley Knowles, qui était le chef du Nouveau Parti démocratique à la Chambre à ce moment-là:

Le travail supplémentaire des leaders devait être rémuné ré, et nous avons convenu qu'il était temps de reconnaître une réalité, à savoir que la Chambre des communes était devenue un système multipartite.

Honorables sénateurs, je vous dis que 40 ans plus tard, il est temps que le Sénat emboîte le pas.

Mais il est manifestement impossible d'accorder des ressources supplémentaires à une personne qui se constituerait seule en parti ou faction politique. Et accorder un égal accès à la période des questions et aux comités aux indépendants pourrait paralyser le système. Ainsi, une limite minimale a été retenue.

J'aimerais maintenant examiner les principes fondamentaux. Je ne connais pas tous les motifs - le compte rendu des débats ne comprend pas les discussions qui se sont tenues à l'extérieur de la Chambre ou des salles de comités où ils sont enregistrés - motifs qui ont abouti au chiffre de 12 députés à la Chambre basse. Je soupçonne cependant que les besoins du gouvernement minoritaire étaient sérieusement en jeu.

Néanmoins, je crois qu'on doit s'appuyer sur certains principes fondamentaux avant de prendre une décision concernant le statut d'un parti. Il faut que nos critères pour accorder un statut à un parti au Sénat soient clairement équitables et motivés. Par conséquent, j'estime que toutes nos décisions doivent respecter les principes suivants.

Le premier principe consiste à protéger la règle démocratique de la majorité. On doit permettre à des petits partis ou caucus d'accéder au Sénat sans qu'ils puissent faire échec à la volonté de la majorité. Le Sénat doit pouvoir continuer de poursuivre raisonnablement ses travaux.

Ensuite, il faut protéger la minorité. On doit accepter d'autres partis ou groupes au Sénat dans la mesure où les minorités peuvent également s'exprimer dans tous les secteurs critiques des affaires du Sénat. Par exemple, au cours de la période des questions et dans le travail des comités.

N'oubliez pas que les représentants du gouvernement et des partis d'opposition au Sénat ne représentent qu'un peu plus de la moitié des électeurs, soit 53 p. 100. Comment le Sénat peut-il prendre la défense de ceux qui ne sont pas représentés et tenir compte de leurs besoins? Comment les groupes minoritaires peuvent-ils s'exprimer ici? Une bonne partie de l'Ouest du Canada est exclue des débats au Sénat. Ces gens sont comme des étrangers dans leur propre pays où ils ne peuvent participer à l'une de leurs institutions parlementaires que par le trou de la serrure.

J'aimerais maintenant aborder l'importance du parti. Bien que l'existence de partis politiques ne soit pas officiellement reconnue dans de nombreux aspects de notre système parlementaire, la reconnaissance du système multipartite dans l'organisation et le fonctionnement du Sénat est fondamentale. L'appartenance à un parti détermine sa position et sa représentativité, sa situation hiérarchique au sein des comités. Cela touche également la rémunération de certains postes et plus important encore, cela a des répercussions sur l'attribution des ressources en matière de recherche. La sélection des leaders, des leaders adjoints, des whips et des présidents de comité se fait en fonction de l'affiliation politique. Bien qu'il y ait une certaine présomption d'égalité des droits et des privilèges des sénateurs, en réalité, de par la nature même du système de parti, certains sénateurs sont plus égaux que d'autres. Le parti et l'affiliation politiques sont devenus les arbitres du pouvoir. Les sénateurs qui choisissent de siéger comme indépendants, sans affiliation à l'un ou l'autre des deux partis traditionnels au Sénat, sont désavantagés et moins égaux que leurs pairs. Le refus d'accorder un statut de parti à un sénateur ou à un groupe de sénateurs est une véritable atteinte à leurs droits au Sénat.

Personne ne peut contester que tous les partis doivent être égaux. Il doit y avoir un gouvernement, il doit y avoir quelqu'un pour poser la première question à ce gouvernement. L'inégalité relative des partis est donc une autre raison pour laquelle il doit y avoir des règles pour régir les petits partis et leur rôle au Sénat.

Je passe maintenant aux expériences internationales et nationales. Mon personnel a examiné arbitrairement un certain nombre d'organismes parlementaires démocratiques en Europe et au Canada pour voir de quelle façon on reconnaît officiellement l'existence des partis politiques. L'examen des règles régissant le statut de parti dans plusieurs compétences révèle certaines tendances communes.

Premièrement, les pourcentages de représentation des partis varient entre 2,5 p. 100 et 10 p. 100, bien que la plupart des pays se situent dans la catégorie des 3 à 5 p. 100.

Deuxièmement, tous les organismes sous étude réglementent la représentation minimale à la reconnaissance d'un parti. Tous les parlements que nous avons étudiés semblent admettre que les groupes ou les factions de moindre envergure doivent être reconnus à un niveau quelconque.

La constitution de groupes restreints en partis ou factions est généralement laissée à la discrétion du groupe intéressé. Cependant, les motifs qui déterminent les règles régissant le statut de parti ne sont pas toujours clairs. En général, les divers parlements et assemblées auraient fixé un seuil raisonnable pour s'assurer que les indépendants ne profitent pas du système. Par contre, il semble nécessaire de s'assurer qu'aucun groupe raisonnable de citoyens, indépendamment du vote populaire ou des sièges obtenus, n'est exclu du discours politique de la nation.

Il est important de se rappeler qu'une démocratie respecte les exigences de ces minorités parce que, de par sa nature même, la démocratie est fonction du désir de la majorité tout en intégrant la voix de la minorité. Ces pays ont déjà eu des problèmes dans le passé bien souvent causés par l'exclusion de certains groupes du discours national politique. La question, bien sûr, est la suivante: Qu'est-ce qui constitue une minorité légitime?

D'autres facteurs doivent être pris en compte, notamment le rôle du Sénat en tant que défenseur des intérêts régionaux. Ce rôle comporte deux volets. Le premier consiste à réfléchir sur des questions soulevées à la chambre basse. Le second consiste à représenter les intérêts régionaux, minoritaires et sectoriels du pays.

Ces obligations sont un prérequis à toute décision du Sénat concernant la représentation minimale pour qu'un parti soit reconnu. Par conséquent, il faudrait voir de quel appui un parti politique jouit au sein de la population générale et de quel appui il jouit dans certaines régions et provinces en particulier.

Comment le Sénat accueillera-t-il les voix nouvelles dans notre pays? Comment se propose-t-il de répondre aux demandes des gens de l'Ouest et du Québec dont les aspirations ne sont pas toujours entendues? Si les institutions parlementaires du Canada ne peuvent accueillir ces opinions, comment pourront-elles s'exprimer?

L'Ouest du Canada veut avoir sa place dans notre pays. Les citoyens de l'Ouest n'ont jamais préconisé le recours au séparatisme comme méthode d'escroquer ce pays. Par contre, les tentatives que nous avons faites pour réaliser nos aspirations au sein même de la Confédération ont été rejetées à maintes reprises.

Je passe maintenant à la question de l'équité pour les provinces et les territoires. Dans toute discussion sur la taille minimale que doit avoir un parti ou une faction pour être reconnu au Sénat, il est de notre devoir collectif, tel que l'ont voulu les pères de la Confédération, d'agir comme protecteurs des intérêts régionaux. L'Île-du-Prince-Édouard ne compte que quatre sénateurs. Fixer un seuil supérieur reviendrait en fait à atténuer la force politique d'une province au sein de la Confédération. Si le nombre minimum requis de sénateurs n'était pas fixé à quatre, l'Île-du-Prince-Édouard serait la seule province incapable de présenter un bloc provincial au Sénat. Le même argument s'applique aux trois sénateurs qui représentent nos territoires du Nord.

Certains diront qu'il existe déjà une semblable discrimination à la chambre basse. Cependant, la chambre basse est conçue pour représenter les intérêts des circonscriptions et non des régions. Le champ de représentation d'un sénateur est défini davantage par la province que par la circonscription que, dans bien des cas, nous choisissons nous-mêmes. Et la composition du Cabinet permet aux provinces une plus grande parité à la chambre basse. Une telle possibilité n'existe pas au Sénat.

Il nous faut adopter des règles qui protègent à la fois la majorité et la minorité. Comme je l'ai déjà mentionné, reconnaître une minorité ne doit pas se faire aux dépens de la capacité de la majorité de gouverner. La reconnaissance d'une minorité et le désir de la majorité de permettre aux voix minoritaires de se faire entendre sont les éléments essentiels de la démocratie.

Si l'on examine les intérêts des minorités au Sénat, le nombre de sénateurs ne serait donc pas un critère suffisant. La nature du Sénat est telle que les sénateurs indépendants, comme moi-même, peuvent parler au nom de 25 p. 100 des électeurs, alors que des caucus plus importants peuvent représenter un nombre d'électeurs considérablement inférieur.

Cela dit, je crois que la reconnaissance des minorités au Sénat nous oblige à aller au-delà de la simple composition du Sénat. De par le processus de notre nomination comme sénateurs, nous devons être capables d'évaluer ce qui constitue une minorité légitime.

En m'appuyant sur ces arguments et sur ma recherche, j'aimerais vous présenter les recommandations suivantes qu'il n'est pas nécessaire d'envisager en bloc, mais en fonction de leur valeur respective.

Premièrement, pour reconnaître un parti politique au Sénat, il doit refléter le pourcentage minimum du vote populaire lors de la toute dernière élection fédérale. Une limite raisonnable pourrait être fixée à 5 p. 100 ou 10 p. 100.

Deuxièmement, les partis politiques au Sénat devraient représenter un équilibre équitable pour les régions et l'égalité des provinces. La taille minimale du caucus ne devrait pas être supérieure à trois ou quatre en fonction de la représentation au Sénat des Territoires du Nord-Ouest et de l'Île-du-Prince-Édouard.

Troisièmement, on devrait tenir compte des relations entre la chambre haute et la chambre basse. Tout parti qui demanderait un statut officiel à la chambre haute devrait avoir le statut de parti officiel à la chambre basse. Cette exigence est un reflet de la volonté démocratique et du rôle que joue la chambre basse dans la formation du gouvernement. Permettre à un parti d'avoir statut officiel à la Chambre haute sans qu'il ait ce statut aux Communes minerait l'importance des partis d'opposition dans notre système de gouvernement.

Quatrièmement, les règles sur la sélection des leaders des partis au Sénat devraient être claires. Ces leaders devraient-ils être nommés par le chef respectif du parti à la chambre basse ou par le caucus de la chambre haute?

Cinquièmement, le rôle du président pour résoudre les différends au sujet de la nature du statut de parti doit être clarifié et précisé. Le président devrait avoir le pouvoir de déterminer si un groupe est admissible au statut de parti et il devrait être en mesure d'arbitrer de tels différends. Ce rôle est confié aux présidents des deux chambres du Parlement britannique. En confiant ce rôle au président, on réduirait la tendance de la majorité à effriter les droits des petits caucus. Le Sénat de demain ne serait pas en mesure de supprimer arbitrairement ou de changer les règles relatives au statut de parti.

Je suis heureux que le Sénat ait décidé d'examiner la question du statut des partis en son sein. Une démocratie ne peut fonctionner que si elle possède des règles et des coutumes qui protègent les minorités. L'histoire est remplie de conflits inutiles résultant de l'exclusion de certaines factions du discours politique. Refuser à une minorité de se faire entendre mène tout droit à la tyrannie. L'Ouest du Canada veut faire partie de cette grande nation qu'est le Canada, mais il veut s'exprimer dans toutes les institutions, y compris au Sénat. Si l'Ouest y parvient, nous serons très près de réduire les demandes de ceux qui préconisent l'abolition de cette vénérable chambre qu'est le Sénat. En établissant des règles raisonnables, équitables et justes qui reposent sur des motifs sérieux et non sur un caprice arbitraire, nous renforcerons le Sénat et lui donnerons les outils dont il a besoin pour s'adapter aux circonstances nouvelles.

Honorables sénateurs, nous sommes sur le point de faire notre marque dans l'histoire. Cette marque devra convaincre les prochains sénateurs que nos délibérations et nos actions étaient empreintes de sagesse. Je vous remercie de m'avoir écouté.

En terminant, j'attire votre attention sur certaines observations supplémentaires qui sont jointes à mon exposé. Il s'agit d'une critique des notes préliminaires de la Bibliothèque du Parlement sur le statut de parti et le Sénat canadien, un document que votre comité a discuté et pris en délibéré. J'espère que ces remarques alimenteront votre réflexion lorsque vous débattrez cette importante question dans votre grande sagesse.

Le sénateur Murray: Permettez-moi d'abord de dire que je suis en faveur d'un Sénat plus représentatif. Je crois depuis nombre d'années que cela serait bon pour le Sénat, pour le Parlement et pour le pays. Il serait bon également que les néo-démocrates descendent de leurs grands chevaux et, pour mélanger les métaphores, ravalent leur objection de principe à l'existence du Sénat et fassent ce que le Parti travailliste de Grand-Bretagne a fait il y a de nombreuses années. À l'instar du Parti travailliste, ils devraient accepter que la Chambre haute est là pour rester, accepter d'être membres de cette institution et de jouer un rôle plus complet dans le processus parlementaire.

Je pense la même chose de votre parti si vous devez en devenir un représentant permanent.

Le sénateur St. Germain: Je ne savais pas que vous vouliez me ravoir.

Le sénateur Murray: J'ai bien dit «si».

Il y a quelques années, lorsque les rangs de l'opposition au Sénat commençaient à s'éclaircir dangereusement, le premier ministre Trudeau a conclu une entente avec les chefs de l'opposition, d'abord M. Stanfield et ensuite M. Clark. L'entente était que le chef de l'opposition soumettrait une liste des cinq personnes qui seraient nommées au Sénat lorsqu'il y aurait un poste vacant. Il y a actuellement plusieurs postes vacants au Sénat. Si le premier ministre Chrétien demandait à votre chef de l'opposition officielle aux Communes, M. Day, de lui soumettre une liste de cinq noms pour combler un ou l'autre de ces postes vacants, le ferait-il?

Le sénateur St. Germain: Je ne peux parler au nom du chef du parti. Je ne sais pas ce qu'il ferait, sénateur Murray. Il faudrait lui poser la question.

Le sénateur Murray: Je crois que vous comprenez la nature du problème.

Le sénateur St. Germain: Oui, je comprends.

Le sénateur Murray: Le problème de votre parti, c'est qu'il s'oppose vigoureusement au Sénat dans sa forme actuelle, il est contre les nominations au Sénat et favorise plutôt la tenue de prétendues élections dans les provinces lorsque des postes se libèrent. Cela n'est pas conforme au système, et le premier ministre Chrétien a refusé de nommer les éventuels gagnants de ces élections.

Le président: En réalité, ce sont des référendums.

Le sénateur Murray: Peu importe ce que c'est, le Premier ministre refuse de s'engager à nommer ces gens. Si vous voulez un Sénat élu, vous devez persuader sept provinces comptant 50 p. 100 de la population ainsi que les Communes et le Sénat d'accepter ce point de vue. Il ne l'a pas fait. C'est une question importante.

Le sénateur St. Germain: Qu'il s'agisse d'un référendum ou non, je suis sûr que le parti présenterait des noms et je ne veux pas parler au nom du chef parce qu'il peut le faire lui-même. Je suis sûr qu'il serait heureux de proposer des noms de représentants élus de l'Alberta.

Le Premier ministre Brian Mulroney, si vous vous souvenez, a nommé Stan Waters et rien ne l'y obligeait en vertu de la Constitution. Dans la générosité et la sagesse dont il faisait preuve pour gouverner le pays, il a vu l'avantage de nommer Stan Waters au Sénat, et ça a été une excellente nomination.

Le sénateur Murray: Le processus du lac Meech était alors en place. Des sénateurs étaient nommés lorsqu'il y avait des postes vacants. Tous les postes devaient être pourvus à partir de listes présentées par les gouvernements provinciaux. Vous et moi nous souvenons du processus.

Disons ceci: Si le Premier ministre Chrétien décidait de combler un ou plusieurs des postes en Ontario, en Nouvelle- Écosse ou en Colombie-Britannique en y nommant une personne de l'Alliance, vous ne savez pas... Ce n'est pas la peine de spéculer.

Croyez-vous que des députés du Bloc québécois devraient être nommés au Sénat?

Le sénateur St. Germain: Si on affirme qu'un parti reconnu à la Chambre des communes peut avoir des membres nommés au Sénat, pourquoi le Bloc québécois serait-il traité différemment du Nouveau Parti démocratique dont vous avez parlé tout à l'heure?

Si ces partis sont disposés à accepter une nomination conformément au système en place, je pense qu'ils devraient avoir des représentants au Sénat.

Le sénateur Murray: Votre parti et vous défendriez une telle nomination si le Premier ministre Chrétien devait la faire?

Le sénateur St. Germain: Je ne défendrai rien. Je dis que si l'on veut être logique, on ne peut faire de discrimination contre personne. Il faut au moins être logique.

Le sénateur Murray: Vous êtes à la fois logique et vous avez vos principes.

Le président: J'aimerais poser une question supplémentaire à celles du sénateur Murray. Un facteur a été oublié dans la présentation du sénateur St. Germain, le mandat des sénateurs une fois nommés.

On a un portrait de la Chambre des communes dans sa composition actuelle, mais cela changera d'élection en élection. Par conséquent, comme le mandat des sénateurs est limité à 75 ans, nous allons nous retrouver avec un Sénat en asynchronie avec la Chambre des communes après les prochaines élections.

Le sénateur Stratton: Sénateur St. Germain, votre dossier est bien étoffé.

J'essaie toujours d'examiner les suggestions en me posant la question suivante: si nous sommes effectivement d'accord en principe, comment dans la pratique les choses se réaliseront-elles? Vos descriptions sont bonnes, mais la réalité politique soulève davantage de questions.

Le sénateur Murray a fait remarquer que nous pourrions adopter la norme prévue dans l'Accord du lac Meech pour chaque province. Comme vous le savez, j'étais un défenseur de l'Accord du lac Meech et je crois encore à ce processus parce que cela nous rapprocherait d'un Sénat élu. Et je crois que ce pas doit être franchi. Je ne crois pas nécessairement en un Sénat élu, mais je crois que c'est ce que veut le public.

En réalité, comment allons-nous réaliser tout cela? Votre parti compte 66 sièges, bien que je ne sois pas certain du statut de tous les députés, ce qui correspond environ à 20 p. 100 des sièges à la Chambre des communes. Cela veut-il dire que votre parti devrait détenir 20 p. 100 des sièges au Sénat? Si oui, et si un poste se libère au Québec, est-ce que votre parti obtiendrait ce siège par défaut? Ou, au contraire, parce que vos voix proviennent surtout de l'Ouest, ne seriez-vous pas limité aux sièges qui se libèrent dans l'Ouest?

Comment allons-nous déterminer la représentation d'un parti au Sénat? J'aimerais en savoir davantage sur ce processus, j'aimerais avoir des exemples concrets. C'est l'objet ultime de nos discussions. De toute évidence, la volonté politique de la majorité est de maintenir le statu quo. Ce qui amène des gens comme vous et moi à des extrêmes bien opposés parfois, mais cela n'en demeure pas moins la réalité.

Tant que vous n'aurez pas de premier ministre à l'autre endroit, je ne crois pas que nous accomplirons quelque changement que ce soit. Ce que nous faisons ici est important pour maintenir la pression et continuer d'informer le public que des changements s'imposent sous une forme ou sous une autre. Avez-vous la moindre idée sur la façon d'y arriver?

Le sénateur St. Germain: D'abord, je reconnais que l'Accord du lac Meech était un excellent document. Malheureusement, nous l'avons perdu. J'espère que quelque part, quelqu'un pourra présenter un nouvel amendement à notre Constitution qui aura les mêmes effets.

En ce qui concerne le pourcentage à la Chambre, nous devons vivre avec les réalités qui sont les nôtres. Dire que nous devrions avoir 20 p. 100 des sièges au Sénat parce que nous avons 20 p. 100 des sièges aux Communes ne reflète pas nécessairement la réalité. La question est de savoir ce qui se produirait si, après les prochaines élections, par hasard, l'Alliance formait un gouvernement minoritaire?

Le sénateur Murray: Elle s'empresserait de combler tous les sièges vacants au Sénat.

Le sénateur St. Germain: Les libéraux auraient pu nommer tous les leurs avant de quitter le pouvoir. Ça s'est déjà vu. Il n'y aurait rien d'autre à faire que d'aller demander à la Reine de créer huit postes de sénateurs supplémentaires pour établir une certaine forme de présence au Sénat. Ces postes seraient fort probablement comblés par les provinces qui tiennent des élections parce qu'elles veulent un Sénat élu.

Sénateur Stratton, le travail que nous avons accompli dans le passé nous a appris à tous les deux à quel point l'Ouest du Canada souhaite un Sénat élu. Nous devons trouver une façon de composer avec ce qui existe actuellement. Mais à partir de là, où va-t-on? Je ne témoigne pas ici à titre de spécialiste. Je n'ai jamais prétendu être un spécialiste. Les deux personnes qui m'accompagnent aujourd'hui ne le sont pas non plus. Nous travaillons ensemble, sans ressources et nous nous débrouillons.

Nous présentons nos idées en nous fondant sur la recherche que nous avons pu faire. Je ne crois pas que parce que l'Alliance détient 20 p. 100 des sièges à la Chambre des communes on devrait nous donner les sièges des sénateurs du Québec. Impossible dans la structure actuelle.

L'Alliance canadienne va devoir attendre, à moins que le Premier ministre demande au chef de l'Alliance canadienne de lui proposer des noms. Alors, qui sait ce qu'il adviendra? Dans la structure actuelle, c'est le Premier ministre qui nomme les sénateurs.

Cette anomalie existe effectivement dans le système. Je ne crois pas que nous puissions changer quoi que ce soit de façon radicale. Si vous lisez le texte de mon exposé, j'essaie d'utiliser la structure existante pour me faire entendre sans passer aux extrêmes. J'ai essayé d'être aussi rationnel que possible.

Le sénateur Stratton: Je pense que tant que le gouvernement ne changera pas, rien ne se produira. Je ne vois aucune raison qui pourrait inciter le parti au pouvoir à faire des changements. Il n'a aucune raison de changer les choses. Mais dans l'Ouest, les Canadiens veulent des changements.

La Colombie-Britannique compte six sénateurs et il y en a 30 de la région de l'Atlantique. Je regrette, mais c'est disproportionné.

Nous cherchons une façon de régler ce problème. Il faudrait que le processus soit enclenché par un gouvernement minoritaire qui aurait, disons, la force de persuasion de votre parti. Comment entrevoyez-vous que votre chef, qui qu'il soit, réalisera un tel processus? En réalité, c'est ce qui devra se produire pour que vous puissiez faire ce changement.

Le sénateur St. Germain: Sénateur Stratton, ce sont là des hypothèses. Je ne veux pas m'engager dans les hypothèses. J'essaie d'aborder les réalités de l'heure. Un député qui siège au Comité de la justice vient tout juste de me demander de suivre l'évolution d'un projet de loi qui est à l'étude à la Chambre des communes. On m'a demandé de faire part des préoccupations de tous les partis de l'opposition qui siègent à la Chambre des communes à l'égard de ce projet de loi. Ce député espère que d'une façon ou d'une autre, on entendra ce que j'ai à dire. J'en suis là. On peut prévoir ce qui se passerait si l'un ou l'autre de nos partis était élu. Nous serions peut-être ensemble. On ne sait jamais. Cette réflexion pourrait être une redondance.

Mais j'essaie de composer avec ce que nous avons. Monsieur le président, avec tout le respect que je vous dois, je ne veux pas m'engager dans des situations hypothétiques parce que je ne peux répondre pour d'autres. Je ne peux répondre que pour ce que j'essaie de régler. Je ne serais pas dans cette situation si mes collègues avaient discuté avec moi après mon changement d'allégeance. Tout ce que je voulais faire, c'était d'en discuter, et ils ont dit non, vous devez siéger comme indépendant. Je leur ai répondu que je n'étais pas un indépendant. Je me suis entretenu avec le sénateur Carstairs qui m'a signifié qu'on me considérait comme un indépendant. Je lui ai répondu: «Avec tout le respect que je vous dois, lorsque vous étiez la seule députée libérale de l'Assemblée législative au Manitoba, est-ce qu'on vous traitait comme indépendante»? Elle a répondu non. Elle m'a regardé et m'a dit, «Vous avez raison». C'est pourquoi je suis ici. Je vous demande de réunir vos cellules grises et de trouver une solution raisonnable.

Le sénateur Austin sait ce que disent les Canadiens de l'Ouest. Il sait ce que les Colombiens-Britanniques pensent du Sénat. Le sénateur Bryden, j'en suis certain, comprend la profonde frustration des citoyens de la Colombie-Britannique, une population de quatre millions d'habitants. Pour l'instant, nous avons cinq sénateurs et un poste à combler. J'espère que Mme Iona Campagnolo, ou quelqu'un d'aussi grande valeur, sera nommée demain matin.

Le président: Honorables sénateurs, nous avons pratiqué la politique avec un «p» minuscule en étudiant la proposition du sénateur St. Germain. Cependant, je vous demanderais de vous concentrer davantage sur la méthodologie. En réalité, trois questions se posent ici. Voici la première: Est-il temps d'établir des règles régissant la présence de tiers partis au Sénat? Si la réponse est oui, la deuxième question est la suivante: Qu'est-ce qui constitue, pour reprendre la phrase utilisée à la Chambre des communes, la reconnaissance d'un tiers parti? Je veux dire par là, combien de membres devrait-il compter? On a dit que ce devrait être un nombre important. On a suggéré que le nombre de membres soit suffisamment important pour comprendre un leader, un leader adjoint, un whip et une personne à fouetter. La troisième question est la suivante: Quels sont les autres droits et privilèges accordés à un tiers parti, par exemple la recherche, le budget, l'ordre d'intervention? Ce sont les trois questions. Pour l'instant, nous n'avons pas à nous pencher sur la façon dont le Sénat pourrait accueillir le représentant d'un tiers parti.

Le sénateur Gauthier: Tout votre document est basé sur le fait que le Sénat devrait être représentatif de la Chambre des communes. Vous dites que les sénateurs devraient représenter le peuple.

Le sénateur St. Germain: J'ai dit cela.

Le sénateur Gauthier: Qui vous a nommé au Sénat et quand?

Le sénateur St. Germain: Brian Mulroney en juin 1993.

Le sénateur Gauthier: Vous avez été nommé comme conservateur, n'est-ce pas?

Le sénateur St. Germain: Oui.

Le sénateur Gauthier: Vous êtes passé du Parti conservateur à l'Alliance de votre propre chef, n'est-ce pas?

Le sénateur St. Germain: Non. J'ai quitté le Parti conservateur pour siéger comme indépendant.

Le sénateur Gauthier: Si vous étiez élu à la Chambre des communes sous la bannière conservatrice et que vous décidiez de passer aux libéraux, ne devriez-vous pas être élu comme libéral?

Le sénateur St. Germain: Non, pas nécessairement.

Le sénateur Gauthier: Éventuellement, vous devriez le faire, n'est-ce pas?

Le sénateur St. Germain: À l'élection suivante, oui.

Le sénateur Gauthier: Vous auriez de quatre à cinq ans pour vous faire élire.

Le sénateur St. Germain: C'est exact.

Le sénateur Gauthier: Nous n'avons pas ce processus électoral au Sénat. Vous êtes nommé au Sénat et y siégez jusqu'à l'âge de 75 ans. Supposons que les sénateurs passent, comme vous l'avez fait, d'un parti à l'autre. Que pensez-vous qu'il se produirait? Aurions-nous un représentant du Parti vert?

Le sénateur St. Germain: C'est possible. Qu'y a-t-il de mal à cela? Est-ce que la dynamique et la politique ont changé? Les choses n'ont guère changé ici dans le Centre du Canada. Par contre, l'Ouest du Canada a changé radicalement. La situation démographique n'est plus la même, tout comme le paysage politique. Sénateur Gauthier, j'ai été nommé pour représenter la région de l'Ouest canadien. Si quelqu'un décidait de représenter le Parti vert, qu'y aurait-il de mal à cela, monsieur?

Le sénateur Gauthier: La représentation régionale ne me pose pas de problèmes. C'est essentiellement ce que fait le Sénat, quoiqu'il y a peut-être un problème que nous devrions régler à cet égard pour rétablir l'équilibre en fonction de la situation démographique, comme vous dites. Je suis de l'Ontario.

[Français]

Je suis un Canadien français qui vit en Ontario. C'est la raison pour laquelle j'ai été nommé au Sénat. Deux sénateurs canadiens- français vivent en Ontario, Marie Poulin et moi-même.

Le sénateur St.Germain: Seulement deux?

Le sénateur Gauthier: Deux sur 24, mais j'accepte le système. J'ai appuyé l'Accord du lac Meech. Dans mon comté, Ottawa-Vanier, on a remporté la victoire lors du référendum sur l'Entente de Charlottetown. Je crois vraiment à un Sénat élu, éventuellement, avec des conditions et des règlements appropriés.

Cependant, je ne peux pas comprendre qu'un sénateur puisse décider d'être non aligné avec un parti qui l'a nommé au Sénat un jour, et qu'il décide après cela de se joindre à un autre parti sans s'exposer à une certaine critique, comme vous le faites. Je respecte vos choix, mais je vous dis qu'il y a des problèmes.

Le sénateur St.Germain: La réponse est simple: je représente une région qui a ses particularités politiques et démographiques.

[Traduction]

Le sénateur Gauthier: C'était votre décision.

Le sénateur St. Germain: C'est exact. C'était ma décision. Maintenant je vous demande d'évaluer l'impact qu'a ma décision sur le Sénat. Que vous acceptiez ou non ce que j'ai fait, ma décision n'était pas facile. Elle ne l'est pas davantage lorsque je regarde mes collègues pour qui j'ai beaucoup de respect. Je pense au sénateur Andreychuk, au sénateur Stratton, notamment. J'ai pris ma décision et cette décision est exactement ce que je vous demande de considérer aujourd'hui.

Le sénateur Andreychuk: Je crois que le président a évoqué les trois points que nous devrions aborder. Est-il approprié de changer les règles maintenant? Que faisons-nous avec les tiers partis? Il se pose une autre question, bien sûr. Le sénateur St. Germain soulève la question de la représentation des minorités et du climat qui change au Canada. Ce que je comprends, c'est que le rôle des indépendants consiste à représenter les minorités et à refléter le climat sans cesse changeant au Canada. Nulle part dans son document ne parle-t-il des répercussions que la reconnaissance des tiers partis aura sur les indépendants. Est-ce que cela aurait des répercussions sur eux?

Le sénateur St. Germain: J'ai beaucoup de sympathie pour les indépendants pour avoir siégé à ce titre pendant un certain temps. La différence est la suivante. Actuellement, à la Chambre des communes, l'opposition officielle est constituée par l'Alliance canadienne. Théoriquement, ce parti est dans l'antichambre du pouvoir. Pour presque tout ce que fait l'Alliance, et ses importantes ressources lui permettent de faire beaucoup, elle veut la réciproque à la chambre haute. C'est la différence. Les indépendants fonctionnent comme des indépendants. C'est la différence fondamentale, sénateur Andreychuk.

Le sénateur Andreychuk: Vous représentez actuellement l'Alliance. Par conséquent, vous pouvez faire connaître les préoccupations de l'Alliance. Les indépendants, peut-on dire, doivent composer avec certains des effets négatifs qu'a le fait de ne pas être membre d'un parti. Cependant, ils en ont aussi certains avantages. Il y a des compromis. Ils ont beaucoup plus de temps. Je me rends compte que plus on crée de caucus, plus on passe de temps dans ces différents caucus. Je pense que les libéraux en ont encore plus que nous. Même en tant que membre d'un caucus, il m'est arrivé de ne pas pouvoir siéger à un comité portant sur un projet de loi qui m'intéressait extrêmement. J'assiste encore aux séances de ces comités.

Je contribue aux comités comme n'importe quel sénateur peut le faire. Je me demande pourquoi vous pensez que la voix de l'Alliance devrait être entendue au Sénat de façon officielle.

Le sénateur St. Germain: Simplement parce que l'Alliance constitue l'opposition officielle à la Chambre des communes.

Le sénateur Andreychuk: On pourrait alors dire que lorsque l'Alliance n'occupera plus cette position, elle aurait un statut privilégié. Vous prévoyez qu'elle demeurera l'opposition officielle. Le sénateur Austin a fait remarquer qu'un sénateur est nommé et qu'il peut siéger jusqu'à l'âge de 75 ans. Les avantages viennent avec les inconvénients.

Le sénateur St. Germain: L'Alliance est un parti reconnu au pays en vertu de la Loi électorale du Canada. Quel est le problème si elle continue à être représentée au Sénat? Que la personne décide de siéger en tant que membre du Parti libéral, du Parti conservateur ou du Parti vert ne devrait pas être un problème. La politique, c'est une question de choix.

Les indépendants devraient toujours avoir une place au sein des comités. Je n'ai pas de problèmes avec ça. Le sénateur Gauthier a parlé de leur désaffection. Beaucoup de sénateurs ont été nommés par divers gouvernements pour ensuite siéger comme indépendants. Je n'ai pas de référence historique, mais est-ce qu'il y a eu des désaffections du Parti libéral au Parti conservateur ou inversement dans l'histoire du Canada?

Le président: Je n'ai personne en tête qui ait quitté un parti pour un autre, mais je me souviens de sénateurs qui sont devenus indépendants.

Le sénateur St. Germain: Je ne sais pas si cela répond à votre question, sénateur Andreychuk. Je fais appel à la sagesse des sénateurs pour trouver une solution rationnelle.

La seule chose qui m'a véritablement indisposé dans tout ce processus, c'est que lorsque j'ai fait mon choix, difficile, on a dit que j'étais toujours un indépendant. Tout ce qu'ils avaient à faire, c'était de discuter des conséquences avec moi. Mais ils m'ont ignoré dans l'espoir que je disparaisse. C'est le noeud gordien de la situation, et je suis sûr que dans vos délibérations, votre grande sagesse juridique nous servira bien.

Le sénateur Andreychuk: Les tiers partis, les changements au Canada et les changements démographiques sont des facteurs importants. Ces éléments font toutefois partie d'un débat plus large sur la Chambre des communes et la façon dont elle fonctionne, dont nombre de questions relatives au Sénat. Et cela nous ramène à l'Accord du lac Meech, à l'Entente de Charlottetown ou à tout autre projet d'accord sur d'éventuels changements au Parlement. Il ne s'agit pas d'une question isolée, mais d'un morceau d'un casse-tête. Si nous nous attaquons à la question, avons-nous la capacité et le pouvoir de changer tout le reste? Le sénateur St. Germain nous exhorte peut-être à faire notre possible avec nos moyens, en étant bien conscients que nous ne résoudrons pas tous les problèmes.

Le sénateur St. Germain: Qui sait ce qui se produira? Si le premier ministre est au pouvoir pendant encore huit ans, il va peut-être trouver autour de lui si peu de libéraux qu'il pourrait décider de demander des noms au chef de l'opposition. À l'époque du premier ministre Trudeau, si un sénateur devait quitter son poste avant la fin de son mandat, M. Trudeau demandait le nom de candidats potentiels au chef de l'opposition officielle pour remplacer le sénateur partant.

Le sénateur Murray: Généralement, mais pas toujours, c'était le cas.

Le président: L'ancien premier ministre Trudeau garantissait que si un sénateur conservateur prenait sa retraite plus de six mois avant la fin de son mandat, il songerait à nommer un conservateur de son propre choix.

Le sénateur Murray: M. Trudeau a également nommé M. Manning, qui a siégé avec nous en tant que membre du Parti du crédit social. Si vous regardez la liste des partis, son nom figure au Crédit social. Il était membre de comités et je me souviens d'avoir siégé avec lui à au moins un comité. On lui donnait des postes au sein de comités et chaque fois qu'il voulait intervenir au Sénat, il le faisait. Chaque fois que vous voulez parler au Sénat, on vous donne le droit de parole, n'est-ce pas?

Le sénateur St. Germain: J'ai essayé d'intervenir à la période des questions au début de la séance. Il y avait une liste, le temps s'est écoulé et on ne m'a pas donné le droit de parole. C'est une autre éventualité qui m'a amené à me rendre compte que si, en théorie, les conservateurs pouvaient soumettre des listes et avoir du temps, je n'aurais jamais la possibilité de m'exprimer au Sénat. Le processus en cours favorise tous ceux qui sont sur la liste et s'il reste du temps, les indépendants et les tiers partis peuvent s'exprimer. La liste était déterminante. Depuis, j'ai pu parler, mais j'ai fait l'essai dès le début, et j'ai été relégué.

Le président: D'après ce que je comprends du processus, c'est que le chef de l'opposition ou le chef adjoint de l'opposition a le droit de poser la première question. Le reste de la liste est fonction du temps où vous avisez le président que vous souhaitez poser une question.

Le sénateur Pitfield: Monsieur le président, je ne crois pas que nous contestions qu'une approche de cette question élément par élément ne se compare pas à un plan d'attaque. Nous devons critiquer la Constitution en ce qui a trait à la réduction des objectifs, des rôles, des buts, etc.

Dans la mesure où c'est le rôle des gens qui sont en politique active aujourd'hui de faire connaître des questions auxquelles nous croyons sur un sujet particulier, il me semble que le politicien, peu importe le parti qu'il choisisse, voudra réserver son choix. Vous pouvez être certain que nous voudrons garder la porte ouverte pour profiter de toute possibilité de rouvrir les négociations, d'éclairer notre réflexion concernant nos ententes constitutionnelles. Il est tout simplement impensable de nous engoncer dans la situation actuelle à moins d'y être obligés.

Je ne vois donc pas pourquoi nous ne pouvons pas adopter, par exemple, la même position que les Américains à l'égard de leur chambre haute. Les provinces établiraient les conditions de sélection. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement fédéral conserverait cette prérogative. Il me semble inutile de régler cette question sur-le-champ. Si nous voulons progresser, nous devons récolter des points en visant au plus petit dénominateur commun.

Oui, on a une idée des attitudes des membres du Sénat sur la représentation des membres, mais seulement sur les questions qui relèvent strictement de la discussion que nous avons maintenant.

Le président: Merci, sénateur Pitfield. Je suis tout à fait d'accord avec vous que cette question peut être abordée dans des paramètres beaucoup plus restreints qu'en examinant l'Accord du lac Meech, notamment. Peut-être que nous devrions faire abstraction de certaines idées préconçues dans notre discussion.

Le sénateur Grafstein: Je vais commencer au niveau systémique pour revenir ensuite au problème spécifique. Au niveau systémique, je me dois d'être d'accord avec le sénateur St. Germain qu'il y a à nouveau confusion dans l'esprit de bien des gens quant au rôle du Sénat. À commencer par la Cour suprême du Canada. Quand j'ai débattu de la question de la suprématie du Parlement par rapport à la suprématie de la loi, madame la juge en chef McLachlin a dit qu'à son avis, son rôle comme juge de la Cour suprême du Canada était de faire entendre la voix de la minorité contre la majorité au Parlement. C'était son analyse systémique. J'avais évoqué un article sur la Loi sur les juges. Si vous lisez tout l'article, vous constaterez qu'il est assez intéressant.

J'en ai conclu de son opinion que notre juge en chef actuel ne comprend pas le rôle du Parlement. Le sénateur St. Germain soulève l'importance du rôle d'une minorité ou d'un point de vue régional dans le système. Comment respecter cela? Je crois que le système est clair, mais j'estime que nous devons l'examiner très soigneusement.

Je commence par le point plus spécifique, c'est-à-dire mon total désaccord avec le président. Vous devriez lire la décision du président très attentivement. Il conclut, à la page 4, qu'il n'est pas d'accord qu'une prétention a été établie à première vue. Lorsqu'il a dit cela, j'ai prétendu qu'il faisait erreur dans les faits. Il a dit:

Notre système parlementaire a continué de fonctionner même si le Sénat avait une opposition qui ne correspondait pas à l'opposition officielle à la Chambre des communes lorsque c'était le Bloc ou le Parti de la réforme. Le Parlement est suffisamment souple pour s'accommoder de cette possibilité.

Il ouvre donc la porte aux possibilités et il ajoute qu'il appartient au Sénat de décider. Ça c'est la bonne chose, mais poursuit:

Voilà pourquoi, dans une large mesure, le Sénat et la Chambre des communes sont et demeurent des entités indépendantes et autonomes qui jouent des rôles complé mentaires.

Du point de vue de la loi, cela n'est pas tout à fait exact. Du point de vue constitutionnel, c'est certainement inexact. C'est comme si nous avions des muscles, mais que les vaisseaux sanguins étaient essentiellement le parti.

Le sénateur Murray et moi avons déjà eu cette discussion. Du côté de la majorité, le président est nommé par l'exécutif. Si le pouvoir change, le président sera du parti au pouvoir.

Deuxièmement, le leader du gouvernement au Sénat est nommé par le chef du parti qui détient une majorité à l'autre endroit. Le whip adjoint, le whip et le leader à la Chambre sont tous nommés. Par conséquent, de notre côté, le parti joue le rôle absolu qui consiste à déterminer le rôle de leadership au Sénat.

D'autres ont dit que cela allait encore plus loin. C'est également l'exécutif qui décide qui devraient être les présidents. À tout le moins, le bureau de notre parti ne nommera pas un président d'un comité s'il ne lui plaît pas. C'est un fait. On peut en discuter, mais c'est ainsi que ça fonctionne.

Du côté de l'opposition, jusqu'à récemment, elle avait exactement le même rôle.

Le sénateur Murray: Non, monsieur.

Le sénateur Grafstein: Vous pouvez expliquer l'opposition. Je reviens à la prémisse voulant que le parti est important et que le sénateur St. Germain représente un parti qui forme l'opposition à l'autre endroit. Il veut être désigné comme tel. Je n'ai pas d'objection à ce que sa désignation soit changée. Je me souviens que M. Manning se désignait comme un membre du Crédit social. C'est un précédent.

J'ai dit que le parti joue un rôle invisible mais mal ordonné par le biais des caucus et de tout le reste. Quelle est la «balance du pouvoir» d'un membre du Sénat qui décide de se joindre à l'opposition à l'autre endroit? En réalité, il donne à l'opposition une voix plus forte au Sénat.

Je suis d'accord avec le sénateur Andreychuk que tous les sénateurs sont égaux. Tous les sénateurs peuvent assister aux comités et y participer. Cependant, quand vient la question du financement, des priorités et des préférences, il existe des priorités et des préférences non écrites qui sont accordées aux partis et qui ne sont pas attribuées à quelqu'un qui se lève et qui dit: Je suis un parti et je ne suis pas reconnu.

Je pars de l'hypothèse que nous avons l'obligation de permettre au sénateur St. Germain de se désigner lui-même et ensuite, de tenter de lui donner une certaine reconnaissance.

Je commence en disant: Pourquoi ne devrait-il pas obtenir des fonds supplémentaires pour la recherche? Tous les autres ont un budget de recherche. Pourquoi ne devrait-il pas avoir de fonds supplémentaires? C'est un homme qui décide de faire valoir un point de vue particulier, pourquoi donc ne devrait-il pas obtenir certains fonds de recherche?

Le sénateur Pitfield: Parce que vous n'êtes pas obligé de répondre à la question pour l'aborder. Si vous continuez de soulever ces questions, vous ne serez pas capable...

Le sénateur Grafstein: Je commence en disant que si l'on reconnaît que les partis jouent un rôle à l'autre endroit, ne devrions-nous pas au moins examiner la question de façon objective? Cela ne fera de mal à personne.

Le président: Est-ce que tout sénateur indépendant n'aurait pas le même droit à des fonds supplémentaires?

Le sénateur Grafstein: S'il représente un parti.

Le président: Est-ce un parti à la Chambre ou seulement un parti auquel il déclare appartenir?

Le sénateur Grafstein: Cette question est plus difficile, monsieur le président.

Bien honnêtement, nous sommes des êtres brillants. Nous pouvons lancer des fausses balles pour détourner l'attention d'une question essentielle. Nous sommes confrontés au seul simple fait que le sénateur St. Germain s'est déclaré lui-même membre d'un parti qui représente l'opposition officielle de sa Majesté à l'autre endroit. Il dit, selon moi: «N'oubliez pas que je suis seulement une personne, pas trois ou quatre. Donnez-moi de l'aide. Aidez-moi à faire valoir ce point de vue minoritaire qui, jusqu'à maintenant, n'a pas été donné au Sénat».

Je pense que cela nous oblige à être honnêtes avec nous-mêmes. Je pense que nous devrions au moins l'encourager en cherchant de quelle façon nous pourrions examiner sa situation spécifique. Je ne m'inquiète pas au sujet du Parti rhinocéros parce que le Parti rhinocéros n'est pas représenté ici. J'éprouve de l'empathie pour le sénateur St. Germain, bien que je sois fondamentalement en désaccord avec les préceptes de son parti, et même là, je ne peux pas dire qu'il n'a pas le droit, dans notre système, de faire valoir ici ce point de vue. Et la façon de le faire, c'est de lui donner de l'aide. Il n'est pas question de déroger au pouvoir de qui que ce soit, mais je crois qu'une autre voix comme la sienne fait de cette Chambre une institution plus représentative.

Le sénateur Bryden: Nous discutons actuellement de statut de tiers parti parce que le sénateur St. Germain est membre de l'opposition officielle, mais il est seul. Présumément, s'il peut devenir membre du parti de l'opposition officielle, une demi-douzaine d'autres ici pourraient faire la même chose. Avec l'attrition naturelle, viendra peut-être un moment où ce nombre dépassera le nombre de conservateurs qui sont considérés actuellement comme l'opposition officielle au Sénat.

À ce moment-là, est-ce qu'on revient à la position initiale du sénateur St. Germain qui était la suivante: Je représente l'opposition officielle à la Chambre des communes et donc je veux être représentant de l'opposition ici. Ce que j'ai entendu de mieux, c'est qu'il n'y a pas assez de gens. Cependant, s'il y en avait assez, je suppose que c'est là que vous seriez, c'est-à-dire le leader de l'opposition. Pourtant, lorsque les conservateurs n'avaient que deux députés au Parlement, et qu'ils ont par la suite perdu leur position majoritaire, ils sont quand même demeurés les leaders de l'opposition au Sénat.

Le président: Puis-je intervenir un instant? La question de savoir comment nous choisissons un parti de l'opposition officielle n'est pas véritablement la question que le sénateur St. Germain a posée à notre comité. Nous examinons la question de savoir ce qui constitue un tiers parti au Sénat. Nous embarquer dans cette question plus large nous empêcherait de résoudre la question qui nous a été soumise.

Deuxièmement, essentiellement, le sénateur St. Germain prétend que pour qu'un parti soit reconnu au Sénat, il doit être reconnu à la Chambre des communes. C'est ce qu'il dit dans son mémoire. Cependant, comme vous venez de le faire remarquer, lorsque les conservateurs avaient deux députés à la Chambre des communes et n'avaient pas de statut de parti officiel, ils constituaient l'opposition officielle au Sénat. Je crois que cela milite fortement pour qu'une chambre ne soit pas le miroir de l'autre dans ce Parlement. Je reviendrai là-dessus plus tard.

Il existe une autre anomalie, qui est assez intéressante. Le sénateur Murray a évoqué l'ère de M. Trudeau lorsque le Parti conservateur constituait l'opposition officielle à la Chambre des communes alors qu'aujourd'hui, c'est l'Alliance canadienne qui joue ce rôle. La question de savoir si M. Chrétien adopterait la même position, c'est-à-dire renouveler les nominations conservatrices actuelles au Sénat, est intéressante. Je n'ai pas de réponse à cette question, mais elle permet de nous interroger sur la façon de maintenir une opposition efficace au Sénat.

Le sénateur Murray: Entre-temps, j'aimerais que le sénateur St. Germain dresse la liste des problèmes qu'il éprouve à représenter le Parti de l'alliance canadienne au Sénat. Je sais que l'un des problèmes est qu'il n'a pas la chance de siéger aux comités. C'est le même problème pour les indépendants.

Le sénateur Andreychuk: Il est membre du Comité des autochtones, cependant.

Le président: Oui, il est membre de l'un des comités.

Le sénateur St. Germain: C'était en vertu d'une entente spécifique; les conservateurs m'ont demandé de siéger à ce comité.

Le sénateur Murray: Quels sont les autres problèmes? Bien franchement, je ne savais pas que je devais mettre mon nom sur une liste. Je n'ai jamais mis mon nom sur une liste, et quand j'ai voulu poser une question, j'ai simplement donné le signal au président. Et il me donnait le droit de parole.

Le sénateur St. Germain: Votre excellente réputation vous précède.

Le sénateur Murray: Je siège près du trône, comme il se doit. Quels sont les autres problèmes qui pourraient être réglés sans changer le Règlement entre-temps?

Le président: Peut-être que si vous aviez donné au sénateur St. Germain un siège plus près du président il n'aurait pas quitté votre parti.

Le sénateur St. Germain: En résumé, en ce qui concerne la sélection des sénateurs et la façon d'accéder au Sénat, j'aimerais que nous abordions les réalités que je dois affronter. Je vous ai parlé de ces questions et d'un million de situations hypothétiques qui peuvent être envisagées. Le sénateur Grafstein a dit que l'on peut lancer des fausses balles toute la journée sur la question.

Lorsque je me suis désigné comme sénateur représentant le Parti de l'alliance canadienne, on m'a dit que je serais traité comme indépendant. Le whip de l'Alliance à l'époque a envoyé une lettre pour faire ma demande de statut. Des délibérations ont eu lieu, d'après ce que je sais, entre les libéraux, les conservateurs et le président. Et on a envoyé la réponse au whip, John Reynolds, député à l'époque sans que j'aie participé aux délibérations. Dans la lettre, on disait que je serais traité comme indépendant. À partir de ce moment-là, la situation a évolué pour être ce qu'elle est aujourd'hui.

Puis j'ai rencontré le sénateur Carstairs qui m'a dit que le Règlement avait changé et que les indépendants pouvaient siéger à des comités. Le sénateur Carstairs m'a demandé ceci: «En tant qu'indépendant, à quel comité voulez-vous siéger»? Je lui ai répondu que je n'étais pas un indépendant. Ensuite nous avons eu la discussion que j'ai citée tout à l'heure. Elle m'a dit que j'avais raison, que je n'étais pas un indépendant. On n'en a plus reparlé, et je n'ai jamais siégé à aucun comité.

J'ai été pressenti par le sénateur Kinsella qui m'a demandé si je voulais siéger comme membre du Comité des autochtones. J'ai cru comprendre que je travaillais pour le Parti conservateur et que j'occupais un siège à ce comité auquel j'avais siégé pendant longtemps, avec le sénateur Austin et d'autres. Cependant, à mon grand étonnement, je siégeais alors non pas comme membre travaillant pour le Parti conservateur, mais comme indépendant. Ce n'est pas ce que j'avais compris.

Voilà pour l'évolution de tout le processus et les raisons pour lesquelles je suis devant vous. Je vous ai demandé d'examiner le scénario que je vous ai présenté afin que je puisse mieux représenter ma région et mes électeurs, ainsi que le parti à l'autre endroit.

J'aimerais vous signaler qu'à la Chambre des Lords, dans les années 30, je n'ai pas la documentation avec moi, le Parti travailliste est devenu l'opposition officielle à la Chambre des communes. Des gens étaient nommés à la Chambre des Lords pour représenter le Parti travailliste à la Chambre des Lords. C'était pour qu'il y ait représentation à la Chambre des Lords.

Je suis même allé voir le leader de l'opposition au Sénat, amené par le fait que je me trouvais placé dans ce que je considérais être une position intenable. J'ai travaillé avec diligence pour améliorer le sort des sénateurs. La critique contre les sénateurs a beaucoup diminué au cours des derniers mois. Je n'en prends pas tout le crédit, mais je le partage avec d'autres membres de mon parti et d'autres personnes. Je vais continuer d'améliorer le Sénat du Canada et je représenterai toujours ma région au meilleur de ma capacité. Je vous demande d'être particulièrement compréhensifs et raisonnables lorsque vous prendrez votre décision.

Le président: C'est certainement ce que je vais faire. Je soumets aux honorables sénateurs, comme je l'ai fait plus tôt, que les questions sont relativement simples. Devrions-nous établir des règles pour les tiers partis? Je suis en faveur, mais je ne sais pas quel est notre consensus. Nous tiendrons cette discussion lors de notre prochaine réunion sur la question. Quel serait le nombre approprié, cela devrait être intéressant également. Il y a certains nombres dans les provinces qui sont intéressants. Il y a aussi la question de savoir exactement ce que seraient les privilèges d'un tiers parti. Voilà les enjeux. Je vous remercie de votre exposé qui a été très intéressant et de la discussion d'aujourd'hui.

J'aimerais vous présenter deux représentants du Parlement à Stormont, Belfast, qui ont observé cette séance. Ce sont M. Tom Evans, greffier de la Commission de l'Assemblée, et M. Steven J. Graham, greffier du Comité du développement social. Merci, messieurs.

La séance est levée.


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