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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement

 

Délibérations du comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Anciennement: Le Comité des Privilèges, du Règlement et de la procédure

Fascicule 8 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 30 mai 2001

Le Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure se réunit aujourd'hui, à 12 h 10, pour examiner des questions relevant de son mandat en vertu de l'alinéa 86(1)f) du Règlement du Sénat.

Le sénateur Jack Austin (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je vois qu'il y a quorum. Je déclare donc la séance publique ouverte.

Le principal point de discussion aujourd'hui est l'ordre de renvoi relatif aux comités du Sénat. Cependant, avant d'aborder la question, je tiens à remercier le sénateur Stratton de son excellent travail en tant que président du Comité du Règlement, il y a deux semaines, lorsqu'il a accueilli la commissaire aux langues officielles. J'ai lu une partie du compte rendu. Ce fut une fort bonne réunion, d'après ce que j'en ai entendu et ce que j'ai lu. Quand il sera à nouveau question de langues officielles, nous aurons un excellent point de départ.

J'aimerais attirer votre attention sur le programme de travaux du comité pour le mois de juin. Le mercredi 6 juin, nous recevrons le rapport initial du Président Hays concernant ses travaux et ceux de son prédécesseur, le sénateur Molgat, au sujet de la révision du Règlement. Je m'attends que ce point de l'ordre du jour absorbe 15 minutes environ, avec un peu de chance, s'il n'y a pas d'autres questions que les questions essentielles liées à la procédure.

Le reste de la réunion du 6 juin, soit une heure, sera consacré au rapport de M. Mark Audcent concernant la révision des règles relatives à la présence, aux conséquences de la mise en accusation d'un sénateur en vertu du Code criminel, et ainsi de suite.

Le 13 juin, nous amorcerons l'étude du projet de loi S-13, Loi sur la sanction royale. Le sénateur Lynch-Staunton nous fera une petite introduction. Nous n'entendrons pas d'autres témoins. Nous aurons ensuite un débat, cependant, afin de décider de ce que le comité aimerait faire. De plus, le 13 juin, nous examinerons le projet de loi S-8 qui porte sur les principes qui définissent le rôle du Sénat, c'est-à-dire sur le projet de loi du sénateur Joyal.

Par après, il se peut que le Sénat s'ajourne le vendredi 15 juin. Afin de régler les nombreux dossiers qui nous absorbent, non seulement par leur nombre mais également par leur teneur, nous avons mis de côté le mardi 19 juin et le mercredi 20 juin. Nous épuiserons tous les points inscrits à l'ordre du jour, puis nous laisserons le travail consécutif de rédaction des rapports à notre personnel, c'est-à-dire à M. Robertson, à M. O'Brien et au reste de l'équipe. D'ici l'automne, nous aurons abattu une grande partie du travail prévu et, avec un peu de chance, nous pourrons commencer à nous concentrer sur une vue plus globale du Règlement et des modifications au Règlement, sous la direction du Président et du greffier, M. Paul Bélisle.

Voilà le programme tel qu'il est prévu. J'ai demandé à M. O'Brien de communiquer avec les sénateurs pour faire en sorte qu'à défaut de tous y être, il y en ait suffisamment le 19 et le 20 juin, mais je crois que nous aurons au moins un nombre représentatif de sénateurs présents pour faire notre travail.

Le sénateur Losier-Cool: Il avait été question d'une réunion au lac Meech, en juillet.

Le président: Tous souhaitaient éviter autant que possible une réunion en juillet. À ce moment-là, il était possible que le Sénat siège jusqu'au 23 juin, mais j'espère que ce ne sera pas le cas. Nous pourrons alors nous attaquer à ce programme et finir nos travaux en tant que comité. Le personnel s'occupera de tout boucler.

Je vous remercie beaucoup. À l'ordre du jour aujourd'hui figure l'ordre de renvoi relatif à la structure et à la restructuration des comités, ainsi qu'à la nature des comités. Mme Lank a réuni de l'information statistique que je lui ai demandé de vous distribuer. N'ayez crainte: je ne vous demande pas de l'assimiler. À vrai dire, je ne l'ai pas tout à fait assimilée moi-même. La documentation fait ressortir à quel point les divers comités sont surchargés de travail législatif. Certains projets de loi datent d'aussi loin que mai 1991. Je ne devrais peut-être pas utiliser des expressions comme «surchargés», qui portent un jugement de valeur. Nous souhaitons simplement savoir à quel point chaque comité est absorbé par des études spéciales.

Le principal point à trancher est de savoir si nous souhaitons mettre en place un comité chargé de divers projets de loi qui s'occuperait des mesures législatives qui ne prêtent pas à controverse. Nous pourrions peut-être avoir deux comités, un qui se consacrerait aux mesures législatives de nature économique et l'autre, aux mesures de nature sociale et juridique. Nous pourrions ainsi poursuivre nos travaux législatifs pendant que des comités d'orientation régleraient de grandes questions moins immédiates, mais auxquelles le grand public attache de l'importance.

Sans vouloir tirer des conclusions, je tiens à souligner plusieurs chiffres. Je vous demande de vous reporter à la première page que vous avez devant vous, plus particulièrement au Comité des banques. Durant la période allant du 13 mai 1991 au 8 septembre 1993, le comité a examiné 22 projets de loi et a consacré 83 heures à des travaux législatifs. Il a tenu 18 réunions consacrées à des études spéciales représentant au total 26,9 heures de travail. Passons maintenant au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, qui a consacré 55,6 heures à 20 projets de loi. Toutefois, il n'a siégé que deux fois pour des études spéciales, auxquelles il a consacré 3,2 heures en tout. Le Comité des transports et des communications a examiné 8 projets de loi dans le cadre de 25 réunions qui représentent plus de 80,9 heures. Il a consacré 7 réunions et 39,2 heures à des études spéciales.

Je ne vais pas passer en revue avec vous le reste du document, mais je vous demande d'examiner la charge de travail des comités les plus occupés et de voir à quoi ils consacrent l'essentiel de leur temps. À la page suivante, vous verrez qu'entre le 17 janvier 1994 et février 1996, le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles a examiné 18 projets de loi lors de 91 réunions représentant en tout plus de 190,5 heures de travail. Il n'a donc pas eu beaucoup de temps pour faire des études spéciales. Le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles qui a siégé du 27 février 1996 au 27 avril 1997 a étudié 26 projets de loi, pour un total d'heures de travail de plus de 119,8 heures. Ce comité a aussi tenu 22 réunions réservées à des études spéciales qui ont absorbé 52,5 heures de son temps. Le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie, durant la même période, a siégé pendant 78,8 heures pour examiner des projets de loi et pendant 1,9 heure pour faire des études.

J'ignore ce que signifie exactement cette statistique. J'ai demandé à M. O'Brien et à Mme Lank ainsi qu'à leur équipe d'en faire une analyse plus poussée. Il est clair que certains comités n'ont pas le temps de faire des études spéciales dans le cadre de leur mandat parce qu'ils sont surchargés de travaux législatifs. Sommes-nous en train d'ignorer des questions relevant de la politique officielle qu'il faudrait approfondir au moyen d'études? Pour tout dire, je crois qu'il y a un déséquilibre dans l'emploi de notre temps.

Nous avons examiné les quatre grands secteurs de responsabilité que nous avons jusqu'ici définis, et je crois qu'il faudrait en ajouter un cinquième suite aux observations faites par le sénateur Pitfield et par le sénateur Murray. Les cinq grands domaines seraient: la législation, les études d'orientation, la représentation régionale, la représentation des intérêts des minorités canadiennes et notre responsabilité qui consiste à examiner les opérations du gouvernement.

Nous essayons de déterminer comment nous exécutons ces tâches. Cette information fait partie du tableau général. Il faudrait aujourd'hui examiner certains points conceptuels afin de décider comment le comité s'attaquera à ces questions. À un moment donné - je vise le 19 et le 20 juin -, nous demanderons au greffier et à son équipe de nous dire plus particulièrement de quelles ressources humaines et matérielles nous disposons pour nous assister dans notre tâche. Toutefois, réservons cette question pour la fin plutôt que d'en débattre aujourd'hui.

Le document de janvier 2001 intitulé: «Papier pour discussion sur les comités» a été mis en circulation. Il y a plusieurs questions que j'aimerais que nous examinions aujourd'hui. L'une d'entre elles concerne le recours au comité plénier. Devrions-nous y avoir recours plus souvent? J'aimerais que M. Robertson nous dise comment le comité plénier fonctionne à la Chambre et dans d'autres assemblées parlementaires. Quelles sont les différences entre leurs pratiques et les nôtres? Ensuite, nous pourrons nous demander si nous souhaitons faire quoi que ce soit à cet égard.

M. James R. Robertson, analyste principal, Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement: Le recours au comité plénier était plus fréquent dans le passé. Au Canada, le comité plénier a cédé le pas à des comités spécialisés auxquels sont renvoyés des projets de loi et des lois adoptés en deuxième lecture pour qu'ils en fassent une étude plus fouillée.

Dans notre régime, il semble tout à fait normal, du moins certes aux Communes et au Sénat ainsi que dans la plupart des assemblées législatives provinciales, de renvoyer la loi à un comité qui invitera les personnes et les groupes intéressés à présenter des mémoires. Il n'y a pas que le ministre qui prend la parole devant le comité. D'autres parties ont aussi quelque chose à dire, et cela s'inscrit dans le processus de participation de la population. C'est aussi là que se fait l'étude article par article plus détaillée de la loi.

Certaines assemblées législatives provinciales, toutefois, continuent d'avoir recours au comité plénier comme principal moyen d'examiner les mesures législatives après la deuxième lecture. Le public a alors peu l'occasion, s'il l'a, de faire valoir son point de vue, que ce soit par témoignage, au moyen de mémoires et ainsi de suite. Il semble qu'en Grande-Bretagne, la Chambre des lords ne renvoie pas les projets de loi aux comités après la deuxième lecture, mais qu'elle les examine plutôt en comité plénier. À nouveau, la population ne peut faire valoir son point de vue. Même à la Chambre des communes de la Grande-Bretagne, la participation publique au processus législatif durant le cheminement du texte à la Chambre est limitée. La plus grande partie de cette participation a lieu avant le dépôt du projet de loi. Une fois qu'il a franchi l'étape de la deuxième lecture, il est renvoyé à un comité. Je crois que la Chambre des communes de Grande-Bretagne a des comités législatifs, mais ceux-ci font un travail plutôt technique et apportent les dernières petites retouches au projet de loi. Ils n'entendent pas le point de vue du grand public.

Je n'ai pas eu l'occasion de faire une étude plus poussée des autres assemblées législatives du Commonwealth, mais le Canada a certes subi l'influence du régime américain dans le cadre duquel les groupes et les particuliers intéressés peuvent facilement se présenter devant le comité pour faire connaître leurs points de vue. En théorie, ils sont censés parler du projet de loi qui a été approuvé en principe et faire des recommandations visant à l'améliorer. Cependant, comme nous le savons tous, la plupart des mémoires et des témoignages visent davantage à dire que le projet de loi est bon ou mauvais. Au Canada, après l'approbation en principe, il s'agit en réalité de peaufiner le projet de loi plutôt que de débattre à nouveau de sa nécessité.

Le président: Nous avons observé aux États-Unis une montée, sur la scène politique, de l'art dramatique. Je ne la juge pas aussi sévèrement que j'en ai peut-être donné l'impression parce que, comme vous l'avez dit, la participation de la population est un élément important de leur régime. Il est essentiel que nous soyons ici pour écouter les citoyens et leur permettre de participer à l'élaboration des lois et des politiques.

Je regrette que le sénateur Murray ne soit pas ici pour défendre son point de vue. Il défend depuis longtemps le recours accru au comité plénier. Si j'ai bien compris, le sénateur Murray estime que, pour donner plus de pertinence au Sénat, il faut travailler davantage en comité plénier pour élaborer les politiques et débattre des questions. Au sein du comité plénier, il y a le ministre, ses adjoints et les sénateurs qui sont tous bien informés. Ils peuvent tous plaider la cause que les citoyens viendraient autrement plaider devant nous. Le sénateur aimerait que les délibérations sur le parquet, dans ce cas-là, soient télédiffusées. Bien que je sois d'accord avec l'objectif du sénateur Murray qui est de donner plus de pertinence au Sénat, il faut savoir si le comité plénier serait capable d'accueillir des mémoires et des témoins de la même façon que son pendant américain. Comme l'a dit M. Robertson, la Chambre des lords n'entend pas de témoins. La Chambre des communes le fait avant d'adopter en principe le projet de loi, ce qui représente un processus très différent du nôtre. Nous pourrions l'imiter, mais je n'ai entendu personne préconiser cette solution.

Le point d'équilibre consiste à conserver le processus actuel et à simplement garder en réserve le comité plénier pour les situations exceptionnelles où une majorité des sénateurs ont exprimé l'intérêt et le souhait de participer au processus.

Par exemple, quand M. Trudeau a demandé à comparaître devant un comité sénatorial au sujet de l'Accord du lac Meech, tant de sénateurs souhaitaient assister à la séance que la seule salle capable d'accueillir autant de monde était celle du Sénat. Le comité s'est donc transformé en comité plénier. Le sénateur Murray était alors leader du gouvernement. On a donc eu recours au comité plénier en raison de l'intérêt public suscité par la question.

On a aussi recours au comité plénier quand les ministres défendent leur projet de loi devant le Sénat réuni en comité plénier et que le Sénat souhaite suivre un processus plus important qu'un simple rapport de comité. Si le rapport du comité suscite de la controverse et que le Sénat souhaite en discuter avec le ministre et avec des témoins officiels avant de se prononcer, le Sénat peut se réunir en comité plénier.

Le comité plénier a toutefois l'inconvénient d'empêcher les autres comités de siéger. En effet, si nous nous réunissons en comité plénier, le Sénat siège en comité. On pourrait changer le Règlement pour que, si le Sénat siège en comité plénier, les autres comités puissent également siéger. Cependant, il serait ridicule d'avoir seulement 16 sénateurs réunis en comité plénier au Sénat. Il ne faudrait pas se réunir en comité plénier à moins que la plupart des sénateurs soient présents.

Ce serait là une partie du débat. Je sais que le sénateur Bryden a demandé à y prendre part. D'autres sénateurs souhaitent peut-être également y participer.

Le sénateur Bryden: Nous semblons avoir plusieurs questions importantes à régler, mais je ne suis pas tout à fait convaincu qu'elles soient les plus importantes. Par exemple, une des questions prioritaires est la représentation des régions. Un autre est la représentation des minorités. Quels étaient les autres que vous avez mentionnés, monsieur le président?

Le président: La législation, les études d'orientation et l'examen des opérations du gouvernement.

Le sénateur Bryden: Chaque fois qu'on parle de ces questions, je me demande toujours en vertu de quel article de la Constitution ou d'une loi nous sommes les défenseurs des minorités? Je comprends pourquoi nous représentons les régions, puisque nous habitons dans ces régions. Comment la représentation régionale et celle des minorités cadrent-elles avec notre fonction de législation et de reddition de comptes - tenir le pouvoir exécutif redevable de ce qu'il fait?

Le Sénat est une des Chambres législatives du Parlement, et une part très importante du rôle joué par le Sénat consiste justement à prendre part à cette fonction de législation. Examiner les mesures législatives et adopter les projets de loi est l'une de nos fonctions les plus importantes en tant que législateurs.

Un autre rôle important du Parlement est d'exiger des comptes du pouvoir exécutif. Le Parlement se compose de la Chambre des communes et du Sénat. Le sénateur Stratton et moi avons déjà eu cette conversation au sujet de l'examen des ministères qui se fait en examinant leur budget de dépenses. Si nous nous acquittons très bien de nos fonctions, très peu nous échappera quand nous examinerons et, parfois, proposerons des lois au Parlement. De plus, le Sénat pourrait examiner d'un oeil critique le budget des dépenses des divers ministères et exiger des explications. Il en résulte un effet particulier sur les répercussions d'une mesure législative ou d'un budget sur ma région ou sur la région de n'importe quel autre sénateur.

Jusqu'à preuve du contraire, j'ai un parti pris, et ce parti pris est que nous sommes une chambre du Parlement et qu'en tant que tel, nous faisons partie du processus législatif qui, sans en faire tout l'historique, fonctionne de deux façons: d'une part, en prenant ou en modifiant des lois et le droit législatif et, d'autre part, en examinant les orientations et les dépenses du pouvoir exécutif.

J'hésite à dire que parfois, en tant que projets de création d'emploi pour les comités qui n'avaient pas suffisamment de mesures législatives ou de budgets de dépenses à examiner, nous avons commencé à faire des études spéciales dans des domaines qui intéressaient particulièrement certains sénateurs. Malheureusement, cela s'est déjà produit, et plusieurs de nos comités et sous-comités ont maintenant pour raison d'être de faire des études spéciales, plutôt que d'assumer l'autre fonction.

À la fin d'une réunion il y a trois semaines environ, j'ai soulevé le point suivant: depuis 1982, la Cour suprême du Canada a pris sur elle de s'occuper des intérêts des minorités pour le compte du Canada. C'est là que se fait l'ultime analyse des questions en litige en fonction de la jurisprudence, de la Constitution et de la Charte des droits.

Par ailleurs, nous avons un régime fédéral où les rencontres des premiers ministres et de leurs acolytes déterminent le degré de participation des régions au gouvernement du Canada.

Sommes-nous en train de nous berner lorsque nous disons que nous avons beaucoup à dire à propos des diverses régions? C'est une des raisons pour lesquelles je me sens très à l'aise à l'idée de terminer probablement mon mandat en tant que sénateur du Nouveau-Brunswick, de la région Atlantique, sans avoir à passer par un processus électoral.

À mon avis, les premiers ministres des provinces de l'Atlantique ne vont pas céder au premier ministre du Canada le droit qu'ils ont de représenter leur région. Je ne crois pas que je pourrais être plus efficace si j'étais élu. Je ne crois pas non plus que le nombre de sénateurs va être réduit.

Le président: Je vous remercie de ce que vous venez de dire. Je souscris entièrement à vos propos, sauf à ceux relatifs à la Cour suprême et aux premiers ministres. Nous sommes ici pour décider comment jouer le mieux possible notre rôle de législateurs. Je crois que le sénateur Bryden est du même avis que moi. Dans le cadre de notre rôle, nous devons faire le travail politique nécessaire pour comprendre la législation qui nous est présentée, qui pourrait l'être ou encore, que nous souhaitons proposer.

En ce qui concerne les régions et les minorités, je ne pense pas que les changements intervenus dans les usages canadiens aient modifié notre rôle. Ils peuvent modifier notre influence dans certains domaines, mais pas notre rôle. Il s'agit de fonctions législatives. Les travaux préparatoires à la Constitution, les débats des Pères de la Confédération nous ont confié la responsabilité d'examiner ces questions. Ces conventions font partie de nos affectations spécifiques suite à toutes sortes d'obiter dicta politiques depuis cette époque.

Le sénateur Di Nino: Le sénateur Bryden a soulevé quelques points sur lesquels, je crois, il faut se pencher. Je suis également d'accord avec lui sur certains points, même si mon optique est légèrement différente.

Par exemple, à mon avis, si les premiers ministres jouent un rôle si important dans le domaine des affaires régionales, c'est parce que nous avons renoncé à nos responsabilités à cet égard. C'est toutefois une autre question.

Monsieur le président, de mon point de vue, ce qui l'emporte ici, c'est notre participation à la formulation de la politique officielle. Je suis ravi de voir que nous allons examiner cette question en repartant sur une bonne base. De quoi a besoin le Sénat? C'est ce que nous devrions examiner si nous n'avons pas beaucoup plus à faire que tirer les leçons de l'expérience.

Dans la même veine, je suis d'accord avec ce que vous dites au sujet de l'importance de la participation du public. Je crois que c'est un rôle que joue le Sénat et qui est reconnu depuis des années. Au milieu de toutes les critiques dont nous avons fait l'objet, je crois que c'est l'un des domaines pour lequel nous sommes applaudis. Nous inspirons le respect en raison de notre travail de comité et, en particulier, du fait que nous permettons aux gens de prendre part à la formulation de la politique officielle.

Par conséquent, je pense que le recours au comité plénier présente des avantages. Toutefois, je ne crois pas que le fait de limiter nos comités à des comités pléniers seulement permettrait de donner suite à ce que je viens de dire.

La question que j'aimerais lancer maintenant est la suivante: la solution du comité plénier exclut-elle celle des comités? Il peut être fort possible d'avoir des audiences publiques, et peut-être, à la toute fin, le cas échéant, de recevoir le ministre et ses adjoints au Sénat pour cette partie de l'analyse d'une question ou d'un projet de loi. Il ne faudrait pas nécessairement qu'une solution exclut l'autre.

Le président: Ce qu'il faut savoir en fait, c'est si nous voulons nous réunir plus souvent en comité plénier qu'actuellement.

Le sénateur Gauthier: Monsieur Robertson, dans certaines assemblées législatives, les mesures législatives sont préparées par un comité. Dans notre Parlement, ces mesures restent habituellement confidentielles jusqu'au moment où elles sont rendues publiques lors de la première lecture. Par conséquent, nous n'avons aucun contrôle sur l'ordre du jour, contrairement au gouvernement. Les comités ne sont pas à l'origine des mesures législatives, n'est-ce pas?

M. Robertson: C'est exact.

Le sénateur Gauthier: Avez-vous des exemples d'autres assemblées législatives? En Angleterre, par exemple, les projets de loi sont amorcés au sein de comités spéciaux. Qu'en est-il des États-Unis? Je crois que c'est la même chose.

M. Robertson: Aux États-Unis, ce sont les membres du Congrès ou les sénateurs qui sont à l'origine des mesures législatives, au moment où ils présentent un projet de loi. Autant que je sache, c'est qu'au lieu d'avoir un débat à la Chambre des représentants ou au Sénat, le projet de loi est renvoyé au comité pertinent et c'est alors au président de ce comité de le mettre à l'ordre du jour et d'établir le calendrier des audiences.

Je ne connais pas le modèle britannique.

À la Chambre des communes, il est certainement prévu que l'on peut demander à des comités de proposer un projet de loi qui peut être un avant-projet de loi ou des instructions relatives à la rédaction d'un projet de loi. Cette formule a été mise en place en 1994, mais n'a pas été couronnée de succès. Peut-être devrions-nous examiner la question de plus près.

Au Canada, les avant-projets de loi sont présentés par le gouvernement. Comme vous le dites, il y a toute la question de la confidentialité. Des consultations peuvent avoir lieu, mais personne ne voit vraiment le projet de loi tant qu'il n'est pas officiellement déposé pour passer l'étape de la première lecture.

Le président: Permettez-moi d'ajouter qu'aux États-Unis, l'administration propose les mesures législatives, mais c'est à un sénateur ou à un membre du Congrès de les présenter. L'administration n'a absolument pas le droit de présenter les projets de loi en son nom propre. Elle a besoin d'un appui.

N'importe quel comité sénatorial pourrait, au lieu de préparer un rapport, préparer un projet de loi et le proposer au Sénat. Rien ne l'empêche. Le Sénat examinerait alors ce projet de loi et l'adopterait comme s'il adoptait un rapport. À ce moment-là, j'imagine que les sénateurs le présenteraient comme un projet de loi. S'il était approuvé, en principe, par le Sénat, un sénateur, un président ou un vice-président de comité pourrait le présenter comme projet de loi. Rien n'empêche de procéder de la sorte dans le cadre de notre processus.

Le sénateur Kroft: Êtes-vous en train de dire qu'il y aurait un rapport et que quelqu'un d'autre le transformerait en projet de loi, ou que le rapport lui-même pourrait être l'amorce du projet de loi?

Le président: Le rapport serait un rapport adopté par le Sénat, mais, à moins que je ne fasse erreur - nous pourrions consulter nos spécialistes à cet égard -, j'ai l'impression qu'il faudrait alors que le président ou un membre du comité le présente pour l'étape de la première lecture de la façon habituelle.

Le sénateur Di Nino: Il faudrait que cela se fasse selon les usages juridiques pertinents, ce qui veut dire qu'il faudrait le restructurer au lieu de ne présenter que le rapport lui-même. Autant que je sache, je crois que cela s'est déjà produit. Je pense que des rapports ont donné lieu à des lois, mais peut-être fais-je erreur.

Le président: Il est arrivé qu'un rapport mène à la rédaction d'une loi, laquelle a été par la suite présentée. Un comité pourrait également rédiger un projet de loi. C'est la question que posait le sénateur Gauthier: c'est possible.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool: Je favorise la position du sénateur Murray au sujet des comités pléniers parce que ceux-ci encouragent une plus grande participation et motivent les sénateurs. Ce n'est certainement pas l'endroit pour étudier un projet de loi article par article. Lorsque j'examine la liste des comités sénatoriaux et le nombre d'heures consacrées aux travaux de ces derniers, je me demande si une partie du travail aurait pu être fait en comité plénier afin de permettre à tous les sénateurs d'y prendre part. Je pense, entre autres, à l'étude du rapport du vérificateur général ou encore celui de la commissaire aux langues officielles: si ceux-ci étaient étudiés en comité plénier cela favoriserait la participation des sénateurs. Nous aurions ainsi une plus grande contribution.

Je réagis aux propos soulevés concernant les minorités. Le rôle du Sénat est législatif, mais il est aussi représentatif.La plupart d'entre nous sommes nommés au Sénat pour représenter des groupes. Il y a certaines provinces auxquelles je ne me fierais pas pour défendre les droits des minorités. Je ne pense pas que le premier ministre Harris fasse autant d'efforts qu'en font les sénateurs Gauthier, Comeau et Poulin pour défendre les intérêts des minorités. Je serais très déçue si l'on commençait à remettre en question la participation ou la présence des minorités dans les travaux du Sénat.

[Traduction]

Le sénateur Kroft: J'ai deux remarques à faire, tout d'abord du point de vue du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. J'aimerais faire mention de la question de la télévision, de son importance et de la façon dont nous allons y réagir au fur et à mesure que sa présence deviendra plus marquée. C'est une question de ressources qui est importante à cause du nombre de comités et du nombre d'endroits où nous pouvons l'utiliser.

Il arrive un moment où la question de la télévision dépasse l'exercice de relations publiques proprement dit ou dépasse le cadre de questions techniques. Il faut savoir jusqu'à quel point on peut s'en servir pour aider le Sénat à atteindre ses objectifs.

Il a été fait mention de la télévision à propos du comité plénier et le sénateur Murray a indiqué que c'était une des choses qui l'intéressaient. Nous devons commencer à discuter des mérites de la télévision et je demande aux honorables sénateurs d'y réfléchir.

Mon second point traite d'une situation qui survient dans toutes sortes de contextes, y compris l'actuel, au sujet de ce que nous faisons et de ce que font les députés dans l'autre endroit, ainsi qu'au sujet de la qualité de notre travail. Il est vrai que nous sommes la deuxième moitié du Parlement et que nous nous occupons de la législation tout comme les Communes. Toutefois, je cherche à savoir ce que nous pouvons faire, que l'autre endroit ne peut pas faire, ou ce que nous pouvons faire mieux que l'autre endroit. Je suis membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce depuis ma nomination au Sénat. D'après mon expérience, nous avons tendance à examiner les questions dans l'abstrait ou isolément et nous ne sommes jamais confrontés à certaines des grandes questions.

Prenons l'importante question de la stratégie industrielle. Le Comité des banques peut être saisi d'une question relative aux banques et aux sociétés d'assurances et à leurs rôles dans le cadre d'une stratégie industrielle. Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie peut faire autre chose et, pour une raison ou une autre, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications peut être saisi du projet de loi sur l'édition. Nous nous retrouvons donc avec tous ces divers éléments et l'autre endroit fonctionne de la même façon.

Je cherche à savoir comment nous pourrions rassembler toutes ces questions en un seul endroit pour essayer de les situer dans un contexte politique plus vaste. La question de la souveraineté nationale est un autre exemple: nous l'abordons partout, mais nous ne faisons pas le lien entre les divers éléments qui la composent, d'une manière qui nous permette d'en donner une vue d'ensemble.

Le Sénat pourrait-il jouer un rôle permettant aux sénateurs de rassembler certains de ces éléments et de tirer des conclusions sur certaines des grandes questions qui l'emportent sur la législation elle-même? Je recherche un potentiel d'intégration.

Le sénateur Stratton: Comme je suis un homme pragmatique, je propose d'examiner les cinq domaines de notre étude afin de voir comment nous pouvons structurer les comités législatifs. Nous sommes à la fin mai et nous voulons terminer ce travail avant l'ajournement, à la fin juin, de manière à pouvoir préparer l'ébauche d'un rapport. Par conséquent, nous devons arriver à une conclusion pratique et décider comment nous pouvons le mieux y parvenir.

En théorie, comment pouvons-nous structurer nos comités qui doivent se pencher sur les mesures législatives? Si nous voulons nous pencher sur de plus vastes questions relatives à la stratégie industrielle, comment pouvons-nous structurer les comités des politiques pour qu'ils règlent ces questions? Nous devons découper ces questions.

Nous devons nous poser les mêmes questions à propos de l'exécutif et de notre responsabilité à cet égard. Nous avons cédé nos responsabilités aux premiers ministres qui dirigent les régions comme des fiefs. Nous nous rendons parfois coupables de négligence en n'allant pas assez souvent dans nos régions. Je suis sûr que tous les honorables sénateurs sont allés dans leur région et se sont aperçus que l'image du Sénat a complètement changé. Nous faisons du très bon travail dans nos circonscriptions et les gens sont heureux de notre présence.

J'établis un lien entre ces commentaires et les droits des minorités parce que, tout sénateur qui se trouve dans sa propre région du Canada, peut s'occuper des droits des minorités. Les premiers ministres oublient certaines personnes et nous devons alors nous en occuper, c'est notre rôle et nous devons intervenir. J'en suis passionnément convaincu.

En général, nos comités sénatoriaux font du bon travail. Toutefois, y a-t-il un processus que nous pourrions adopter pour les rendre encore plus efficaces? Si théoriquement, au moins, nous essayons de voir comment ils pourraient mieux fonctionner, nous pourrions présenter des propositions sur les cinq domaines d'étude, ainsi que sur la façon dont nous pourrions avoir recours à notre comité plénier. Si nous procédons de la sorte, je crois que nous serons plus en mesure de trouver de bonnes solutions.

Le président: Je crois que vous venez de fixer notre ordre du jour.

[Français]

Le sénateur Poulin: Monsieur le président, il y a certains désavantages à être les derniers sur votre liste d'intervenants parce que les cinq questions que je voulais soulever l'ont été par le sénateur Di Nino.

Ma deuxième question est liée à la question du sénateur Kroft. Étant donné que le Sénat veut commencer à regarder ce qu'il fait de bien et de différent de l'autre endroit afin d'accentuer sa responsabilité, son rôle et son influence, existe-t-il une étude indiquant si le Règlement a changé concernant l'utilisation de la Chambre des communes en comité plénier depuis les dix dernières années?

[Traduction]

M. Robertson: Je ne vois pas pourquoi il ne serait pas possible, en théorie, d'avoir recours au comité plénier parallèlement à une étude en comité. Pour le faciliter, il faudrait envisager des modifications au Règlement, ne serait-ce que pour préciser cette option et la prévoir. Toutefois, rien n'empêche à nos comités permanents d'entendre des témoins et ensuite, de faire l'étude article par article avec le ministre et les fonctionnaires en comité plénier.

Le seul problème, c'est que les membres du comité qui ont entendu les témoignages ne seraient pas les seuls à voter sur les amendements. C'est la raison pour laquelle les comités permanents se chargent de tout.

Je n'ai pas fait de recherche sur la procédure à la Chambre des communes. Toutefois, je sais que la Chambre ne se réunit pas très souvent en comité plénier. Cela s'explique en partie par le fait qu'il y a très peu de choses qui ne soient pas controversées aux Communes. La Chambre y a recours essentiellement pour des questions urgentes comme la législation de retour au travail et, à l'occasion, à la fin d'une législature, lorsqu'elle souhaite adopter un projet de loi rapidement. Les projets de loi de crédits sont adoptés de cette façon, étant donné que les comités ont examiné le budget pendant un certain temps et qu'à la fin d'une période d'octroi de crédits, ils traitent du projet de loi de crédits. C'est un genre d'étude très technique et pro forma. Un examen plus approfondi peut se faire, au besoin.

Je pense qu'il est prévu à la Chambre d'envisager le recours au comité plénier plus souvent qu'actuellement, en partie parce que le comité plénier présente certains avantages. Il est un peu plus informel, les députés n'ayant pas à occuper la place qui leur est assignée.

M. Gary O'Brien, greffier du comité: Honorables sénateurs, l'Accord du lac Meech a été étudié en même temps par un comité mixte spécial de la Chambre et du Sénat et par le comité plénier. Cela s'est fait simultanément, si vous vous le rappelez.

[Français]

Le sénateur Poulin: J'approuve ce que les sénateurs Losier-Cool et Stratton ont dit. Je ne sais pas comment on va réussir à refléter l'importance de notre responsabilité de représentants des minorités et des régions dans notre structure de comité ou dans notre façon de travailler. C'est un rôle essentiel. C'est un peu comme des couleurs, sénateur Bryden, dans notre responsabilité de législateur, l'un ne peut pas aller sans l'autre.

Je dois vous dire que quand le premier ministre m'a invitée à représenter le Nord de l'Ontario au Sénat, il a été très spécifique, très clair. Il m'a dit: «Je m'attends à ce que vous et le sénateur Gauthier représentiez les francophones, mais particulièrement les Franco-Ontariens.» C'est la raison pour laquelle je ne sais pas comment faire pour m'assurer que l'un n'est pas diminué face à l'autre.

Mon troisième point concerne notre responsabilité face aux politiques publiques. Lorsque je considère l'expérience collective présente à la Chambre, je me rends compte que peu d'institutions regroupent cette diversité, cette ancienneté et ce sérieux. Au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, lors de la parution du rapport «Wired to win», on a eu une réaction incroyable de la part de l'industrie. Cela a augmenté la crédibilité de l'institution parce qu'ils ont respecté le sérieux et le processus de l'étude ainsi que son implication.

Les rapports de ces études ont été déposés au Sénat, et des conférences et des pourparlers se sont poursuivis entre l'industrie et les différents ministères. On se rend compte de trois chose: premièrement, l'étude touchait une série d'industries et le Comité sénatorial permanent des transports et des communications était presque trop restreint. J'ai fait un choix personnel, je suis membre du Comité des banques, parce que les nouvelles communications auront un impact incroyable sur le secteur financier. Il est donc important de faire le lien entre les résultats de nos recherches sur les nouvelles communications et l'évolution de l'industrie financière au pays et à l'échelle internationale.

Deuxièmement, nos recommandations pourraient servir à élaborer les la politiques publiques au sein des différents ministères. Nous avons travaillé étroitement avec les ministères et ils ont pris nos études au sérieux.

Troisièmement, dans un pays comme le nôtre et une industrie toujours en évolution, nos études deviennent rapidement désuètes.L'évolution est tellement rapide qu'il faudrait étudier continuellement ce domaine. Comment le Sénat pourrait-il s'organiser pour qu'il y ait une continuité des études qui ont des impacts sur les politiques publiques? Je ne connais pas la réponse, mais j'aimerais qu'un suivi sérieux soit fait.

[Traduction]

Le président: Le sénateur Joyal et moi-même connaissons le processus au cabinet où l'on avait une liste de questions. Lorsqu'un projet de loi était proposé, nous vérifions s'il portait sur les régions et comment, s'il portait sur les minorités et comment, et cetera. Vos observations nous poussent à nous demander s'il ne faudrait pas donner à nos présidents et aux membres des comités, lorsqu'ils sont saisis d'un projet de loi, une note d'information renfermant une liste leur permettant de vérifier l'intérêt du projet de loi. C'est ainsi que procède le Cabinet.

Le sénateur Joyal: J'aimerais d'abord me pencher sur la question du comité plénier.

Le recours au comité plénier au Sénat présente un avantage sur celui du comité plénier de la Chambre des communes. Au Sénat, le comité plénier est beaucoup moins partial. C'est un grand avantage en ce qui concerne la crédibilité de l'exercice.

J'ai siégé au comité plénier. Je vais vous donner un exemple symbolique: la modification de l'article 93 de la Constitution. Nous avions, bien sûr, les ministres ainsi que des témoins. Il s'agissait de débattre du bien-fondé des arguments - et, comme vous l'avez dit, de respecter l'esprit de la loi - pour arriver à la conclusion que nous supprimions certains droits constitutionnels dans le cas de Terre-Neuve et du Québec.

Je dirais d'abord que le fait que nous soyons moins tendancieux est un élément très important dont le comité plénier devrait profiter. Nous avons eu des discussions visant à trouver le bien-fondé des arguments qui nous sont présentés. Nous sommes considérés comme un point de liaison crédible entre les citoyens et le gouvernement du Canada.

C'est ce que nous disent sans cesse les témoins des divers comités. Je me souviens des observations de M. Matas, qui a témoigné devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous lui avons demandé si cette question avait été soulevée à la Chambre des communes. Il a répondu que dans le cas de la Chambre des communes, il n'y a pas de discussion quant au bien-fondé ou au fond d'un projet de loi.

En d'autres termes, lorsque nous sommes réunis en comité plénier, nous devrions nous assurer que ce comité profite au maximum de la qualité de notre travail.

Deuxièmement, il faut reconnaître que le comité plénier représente une procédure exceptionnelle. Si nous modifions cette procédure, si elle doit devenir plus courante, nous devons en définir les paramètres en fonction des précédents du passé. Nous devons essayer de définir les grandes lignes de l'évolution.

Le sénateur Rivest m'a dit hier que j'étais très conservateur au chapitre des institutions. Peut-être que oui; ce n'est pas un commentaire négatif.

Si nous devons utiliser l'institution que représente le comité plénier et l'amener à un niveau supérieur, il faudrait que cela cadre avec ce que nous avons toujours fait. Combien de fois nous sommes-nous réunis en comité plénier ces 20 ou 30 dernières années? Quelles conclusions pouvons-nous en tirer?

Il serait très utile de définir certains paramètres. Je ne suis pas prêt à dire que le recours au comité plénier devrait devenir la norme. Si nous devons y avoir recours plus souvent, il faudrait le faire dans le respect de nos usages passés.

Le sénateur Kroft: Puis-je poser une question au sénateur Joyal?

Le président: Une fois qu'il aura terminé.

Le sénateur Joyal: Si vous permettez, sénateur, j'aimerais soulever trois autres points.

Tout d'abord, la question de l'intérêt des minorités. Quelque chose de fondamental a changé dans notre pays depuis 1982, étant donné que nous avons maintenant la Charte des droits et libertés. Même si des responsabilités supplémentaires ont été conférées à la Cour suprême et aux tribunaux, nous ne devrions jamais oublier que, lorsqu'une affaire arrive jusqu'à la Cour suprême du Canada, c'est parce qu'il y a litige. Des gens se sont battus, tout en bénéficiant d'un appui financier, pour atteindre ce niveau. À mon avis, ce qui explique peut-être la raison pour laquelle je suis un libéral, monsieur le sénateur Stratton, c'est que notre société accorde de la valeur aux droits. Cela ne devrait pas se limiter à l'interprétation par la cour, car il n'y a interprétation par la cour qu'en cas de litige.

Il faudrait prévoir un processus permettant aux politiciens d'en assumer la responsabilité. C'est l'un des points que je tiens à soulever et que j'étudie. Je n'étais pas prêt à participer hier au débat sur la rémunération des juges et sur la question de leur indépendance, car je suis d'avis - et je dis qu'il s'agit d'un avis et non d'une conviction - que beaucoup de politiciens refusent d'assumer leurs responsabilités en termes de droits. Ils préfèrent en saisir la cour.

Je ne veux pas faire preuve de partialité ici, mais nous voyons maintenant des gouvernements provinciaux adopter des lois accompagnées de la note suivante: «En réponse à l'arrêt de la Cour suprême...». Cela veut dire que c'est la cour, non la province, qui dicte les lois. Par conséquent, la cour se retrouve dans le débat politique. C'est quelque chose de très profond dans notre société qui ranime la vieille question de l'activisme judiciaire, et cetera.

Je ne suis certainement pas prêt à dire qu'en règle générale les droits de la personne sont une question que nous devrions confier à la cour parce que la cour est très active. Nous serions responsables de notre propre fin, si nous le faisions. Nous avons un rôle à jouer dans le domaine des droits de la personne, même si c'est un rôle différent de celui que nous avions dans le passé. Nous devrions nous interroger sur la façon de jouer ce rôle. C'est une autre question.

Le deuxième point que j'aimerais soulever vise les provinces. Je m'intéresse de très près à la façon dont les gouvernements provinciaux devraient participer à l'exercice du pouvoir fédéral. Par ailleurs, voir le gouvernement fédéral participer aux débats sur les mesures législatives au palier provincial me cause des problèmes. Nous en revenons constamment à la vieille question, à savoir si des délégués des provinces devraient siéger au Sénat ou non.

La conclusion ultime, c'est que les provinces doivent être les porte-parole des provinces et faire part directement de leurs points de vue ici même. Devrait-on laisser les premiers ministres nommer des sénateurs, ces derniers se retrouvant ensuite au milieu de l'instance fédérale? Je ne suis pas sûr que c'est ce que nous voulons.

Je conviens qu'il faudrait avoir une liste de contrôle pour les projets de loi, surtout lorsque l'on discute du point de vue des régions. Je suis en faveur de votre approche. Il faut comprendre l'impact du projet de loi sur les questions régionales ainsi que le point de vue des régions.

Si le point de vue de la région est opposé à celui du premier ministre, je crois que les arguments et les contre-arguments pourraient être avancés au Sénat. C'est le rôle qui nous revient, vu que nous sommes une instance qui est là pour concilier les points de vue régionaux; nous ne sommes pas simplement des délégués des provinces, mais nous sommes là pour concilier les divers points de vue des régions. C'est notre rôle ultime.

On ne nous a pas privés du rôle de représentation des régions. Nous avons un rôle à jouer qui doit être bien défini lorsque nous abordons les mesures législatives. C'est un point important.

Mon dernier point se rapporte à l'observation qui a été faite, à savoir que nous examinons la politique, parce que nous n'avons pas de travail au plan législatif. On sous-entend ainsi que nous ne nous intéressons pas aux mesures législatives qui sont en fait de la cuisine, préférant débattre de vastes idées qui sont plus théoriques.

Je vous renvoie à la Constitution. Nous sommes ici pour donner notre avis et notre consentement. Lorsque nous donnons notre avis, la politique est en place. Nous donnons notre avis aux Canadiens à propos des mesures législatives portant sur des questions difficiles, comme par exemple l'euthanasie pour les malades en phase terminale. Nous essayons de présenter les divers éléments en cause avant qu'un parti politique, quel qu'il soit, prenne position et présente des propositions précises. Nous facilitons ainsi le processus démocratique.

C'est un rôle que nous pouvons jouer, car nous sommes une chambre dont la continuité n'est plus à démontrer et parce que nous sommes une chambre qui a de la mémoire. Ce sont les qualités importantes de notre institution qui ont été inscrites dans la Constitution par les Pères de la Confédération et qui se reflètent dans le rôle précis qui nous revient, qui consiste à donner notre avis et notre consentement.

Lorsque nous définissons le rôle des comités, il s'agit, à mon avis, d'un élément important qui permet d'établir un lien avec les Canadiens. N'oubliez pas ce qu'a souligné le sénateur Di Nino: aucun témoin qui a comparu devant un comité n'a jamais pensé qu'on ne lui donnait pas l'occasion de se faire entendre.

Si nous n'établissons pas le lien voulu avec les Canadiens, comment peut-il se refléter dans les travaux de notre comité et du comité plénier? C'est à ce moment-là que l'on parle du cynisme qui se manifeste à l'égard des institutions parlementaires. Je veux parler des critiques selon lesquelles les institutions parlementaires sont complètement éloignées du public. Ce n'est pas l'impression que nous donnons aux témoins qui comparaissent devant nous. Au contraire, ils semblent être satisfaits d'avoir été entendus.

Dans le contexte de la question soulevée aujourd'hui, c'est un des éléments qu'il faudrait préserver.

Le sénateur Fraser: Je me range du côté de ceux qui prétendent que nous avons un autre rôle régional important à jouer. À mon avis, le mécontentement actuel à l'égard du régime politique en général, et du Sénat en particulier, s'explique par le fait que la représentation régionale n'existe pas contrairement à celle des premiers ministres.

Je crois aussi que nous jouons maintenant un plus grand rôle au chapitre de la protection des minorités, en partie, parce que nous sommes la seule Chambre législative au Canada qui prête attention aux minorités. Tous les autres membres du pouvoir législatif sont élus et prêtent donc attention aux majorités essentiellement.

J'ai quelques idées à propos du recours au comité plénier pour rehausser notre rôle régional. Monsieur le président, puis-je vous demander de distribuer aux membres du comité la longue lettre ennuyeuse que je vous ai écrite à ce sujet?

Le président: Sans accepter le jugement que vous portez sur votre lettre, je la distribue avec plaisir, avec votre permission.

Sénateur Gauthier, nous avons le temps de vous entendre pendant deux minutes.

Le sénateur Gauthier: Vous m'avez répondu, le sénateur Kroft m'a répondu, tout comme M. Robertson. J'aimerais revenir au point central, soit le comité plénier. Habituellement, les gouvernements, et les whips en particulier, détestent que l'on se réunisse en comité plénier, car cela crée une situation dangereuse. On perd la maîtrise de la situation, des votes peuvent avoir lieu n'importe quand, des appels téléphoniques interrompent le processus et on se heurte à toutes sortes de difficultés. En général, on est contre les comités pléniers. Je ne suis pas d'accord. J'ai été whip pendant de nombreuses années et nous n'avions pas de problèmes.

Il faudrait faire la distinction entre le processus législatif et le processus des opérations du gouvernement, car ils sont différents. Le comité plénier devrait s'occuper de ce que j'appellerais les «opérations du gouvernement.» Les comités devraient s'occuper du processus législatif. Je ne nous vois pas nous lancer dans un débat sur le principe ou sur le «pourquoi» d'une question. Les gens se perdraient dans le «comment» et nous nous retrouverions dans une situation difficile.

Il faudrait faire la distinction entre le «pourquoi» et le «comment» des questions et aussi entre le processus législatif et les opérations du gouvernement, si je peux utiliser cette expression.

D'ici demain, la Chambre des communes va examiner la modernisation du Règlement de la Chambre des communes.

Le président: Le rapport doit-il être déposé demain?

Le sénateur Gauthier: En avons-nous une copie?

Le sénateur Robertson: Le rapport sera probablement déposé vendredi, puisque c'est la date limite. Nous allons faire en sorte qu'une copie de ce rapport soit distribuée aux membres de ce comité.

Le président: Ce sera un document intéressant, très certainement, tout comme la transcription des débats de ce comité. Je vais demander à M. Robertson, en l'absence des autres à la table, de faire en sorte que la transcription soit terminée et distribuée le plus rapidement possible afin que l'on puisse lire ces débats lorsque l'on examinera les comités. Dans les propos que nous avons échangés aujourd'hui, beaucoup de décisions intéressantes ont été prises et de bonnes suggestions de fonctionnement ont été faites. Elles peuvent servir de point de départ, ce qui nous permettra de prendre des décisions à partir de cette discussion conceptuelle.

Le sénateur Stratton: Brièvement, monsieur le président, mis à part les procès-verbaux de cette séance, quelle va être la prochaine étape du processus?

Le président: La prochaine étape consiste à suivre votre plan. C'est ainsi que je vois la prochaine étape.

Le sénateur Stratton: Merci.

Le président: La discussion d'aujourd'hui va nous permettre de bien préciser l'orientation que nous allons prendre sur ce point.

Le sénateur Kroft: J'aimerais inviter les honorables sénateurs à penser à deux projets de loi en particulier, le projet de loi sur la clarté et le projet de loi sur le Traité nisga'a, et à envisager dans quelle mesure ces projets de loi auraient bénéficié d'un examen en comité plénier par opposition à un examen par un comité permanent ou un comité spécial.

Le débat est plus ancré dans la réalité si nous pensons en termes de processus réels plutôt que dans l'abstrait. Il faut se demander quels résultats on aurait obtenus. Dans les deux cas, le comité a bien servi le Sénat. Peut-être aurions-nous pu faire mieux. Il est plus facile d'envisager ces problèmes en prenant des exemples réels.

Le sénateur Joyal: Au Sénat, nous faisons ce qui ne se fait pas à la Chambre des communes, et je crois que le sénateur Gauthier pourra le confirmer.

Au Sénat, nous avons des débats. Si le sénateur Di Nino prononce un discours, je peux lui poser une question, comme cela s'est fait hier dans le cas du sénateur Bryden. Nous pouvons mener un débat discipliné, alors qu'à la Chambre des communes, c'est impossible.

Le président: C'est la même chose à propos du projet de loi sur le Traité nisga'a, par exemple, où pendant plusieurs jours, une grande partie de la période de questions a été consacrée à un débat. En fait, cela peut ne pas cadrer exactement avec notre Règlement, mais cela se serait produit en comité plénier, si nous avions effectivement décidé de siéger en comité plénier pour ce débat. Par conséquent, c'est un point sur lequel nous devrions nous pencher; vos observations sont bien ciblées.

À propos de ce que vous avez dit, sénateur Di Nino, au sujet de la participation des citoyens, on retrouve dans ce document une proposition importante. Je vous renvoie au paragraphe 3.2 de la page 10, les commissions de citoyens. Il est recommandé que de temps à autre, sur approbation du Sénat, un comité sénatorial soit formé auquel seraient nommés des citoyens. Ainsi, ces derniers pourraient participer au débat et interroger d'autres citoyens et des témoins, sans toutefois, bien sûr, participer à la rédaction de notre rapport ou au vote. C'est ce que je recommande aux collègues.

La séance est levée.


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