Délibérations du comité sénatorial permanent des
Privilèges, du Règlement et de la procédure
Fascicule 10 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 17 octobre 2001
Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, auquel a été renvoyé le projet de loi S-34, Loi relative à la sanction royale des projets de loi adoptés par les Chambres du Parlement, se réunit aujourd'hui à 12 h 15 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Jack Austin (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Nous accueillons aujourd'hui, comme principal témoin, l'honorable Sharon Carstairs, leader du gouvernement au Sénat et parrain du projet de loi S-34, qui porte sur la modification de la cérémonie de sanction royale. Notre comité a déjà été saisi de nombreuses variantes de tels projets de loi au fil des années, la dernière étant le projet de loi S-13, présenté au Sénat par le sénateur Lynch-Staunton. Nous sommes heureux de constater que le gouvernement nous saisit d'un projet de loi.
Ceci dit, madame la ministre, je vous invite à faire votre déclaration aux sénateurs.
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je vous remercie de votre invitation à comparaître devant le comité au sujet du projet de loi S-34, qui porte sur la procédure écrite de la sanction royale.
Tel que je l'ai mentionné au Sénat le 4 octobre, les honorables sénateurs et les membres de l'autre Chambre discutent depuis longtemps de ce projet de loi. En 1983, le Sénat a lancé un débat sur des solutions de rechange à la cérémonie traditionnelle. En 1985, le Comité permanent du Règlement et de la procédure a publié son quatrième rapport recommandant une modification de la procédure de sanction royale.
En 1985, à l'autre Chambre, le rapport du Comité McGrath sur le Règlement a recommandé la simplification de la sanction royale. En 1988, le sénateur Murray, qui était alors le leader du gouvernement au Sénat, a présenté un projet de loi portant sur la sanction royale semblable au projet de loi S-34.
En 1988, le chef de l'opposition, le sénateur Lynch-Staunton, a présenté un projet de loi semblable. Le projet de loi a été étudié par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, dont je faisais partie à l'époque, qui y a apporté un certain nombre d'amendements, y compris ceux que j'ai proposés précédemment au Sénat. Le projet de loi dont vous êtes saisis a été présenté de nouveau plus tôt cette année par le sénateur Lynch-Staunton et, grâce à l'obligeance de ce dernier, il a été retiré le 2 octobre.
Le 2 octobre, j'ai alors présenté un projet de loi semblable à celui du sénateur Lynch-Staunton, à quelques détails d'ordres technique et rédactionnel près. Je tiens à préciser que ces changements ont fait l'objet de discussions avec le sénateur Lynch-Staunton et il y a consenti.
Comme je l'ai souligné, sans la coopération et le leadership du sénateur Lynch-Staunton et d'autres, notamment le sénateur Murray et l'ancien sénateur Frith, nous ne serions pas saisis du projet de loi S-34 dans sa forme actuelle.
[Français]
Le 4 octobre dernier, j'ai avisé le Sénat que le Gouverneur général était d'accord pour que nous procédions à l'examen de ce projet de loi. Cette démarche se fonde sur une tradition parlementaire de longue date, selon laquelle on demande à la Couronne de donner son agrément à la considération du projet de loi qui pourrait toucher les prérogatives ou les entrées du souverain, qu'il y soit lié ou non.
À l'instar du gouvernement britannique, le gouvernement canadien ne croit pas que le projet de loi S-34 se répercute de quelque façon sur les prérogatives ou les entrées de Sa Majesté. Toutefois, nous partagions aussi la décision britannique selon laquelle on demande le consentement de la Couronne à un projet de loi qui pourrait donner l'impression d'affecter les prérogatives du souverain.
Les dispositions du projet de loi sont de nature procédurale et ne changent rien à la sanction royale proprement dite. Le consentement royal à la considération du projet de loi S-34 par le Parlement a donc été donné, et je sais qu'il s'agit d'un élément important pour les honorables sénateurs.
[Traduction]
Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots sur les dispositions du projet de loi. On en a abrégé le titre pour simplifier le texte. La signification du titre, comparativement à celui du projet de loi S-13, n'a aucune incidence. L'article 1 énonce le titre abrégé du projet de loi, à savoir la Loi sur la sanction royale, qui est le même que pour le projet de loi S-13.
L'article 2 dispose que l'octroi de la sanction royale par le gouverneur général à un projet de loi adopté par le Sénat et la Chambre pourrait s'effectuer soit au moyen d'une cérémonie de sanction royale au Sénat, soit au moyen d'une déclaration écrite, mais la sanction royale s'effectuerait au cours de la session de l'adoption par les deux chambres.
Conformément aux dispositions de l'alinéa 2b), le premier projet de loi portant octroi de crédits recevrait la sanction royale dans le cadre de la cérémonie officielle habituelle compte tenu de la nature importante et symbolique des projets de loi de crédits.
Il y a trois petits changements par rapport au projet de loi S-13. Le premier est le retrait des mots «par le gouverneur général, au nom de Sa Majesté». Cet ajustement technique du libellé maintient le statu quo pour ce qui est de la personne habilitée à octroyer la sanction royale, et de son titre. Dans la version anglaise, on a remplacé le mot «declared» par le mot «signified» parce que ce dernier est un terme parlementaire plus précis et qu'il évite d'avoir à reprendre les mots «déclaration écrite». La précision de «projet de loi de crédits» en tant que projet de loi portant octroi de crédits pour l'administration publique fédérale d'après le Budget des dépenses principal ou supplémentaire a été apportée afin d'éviter toute confusion possible avec d'autres projets de loi qui autorisent des dépenses.
L'article 3 prévoit une sanction royale traditionnelle au moins une fois par année civile. Il y a un petit changement par rapport au libellé du projet de loi S-13, qui tient compte des modifications apportées à l'article 2, mais qui ne change rien au fond et qui s'applique uniquement à la version anglaise du projet de loi.
L'article 4 dispose que chaque Chambre du Parlement est avisée par son président ou le suppléant de celui-ci - dans notre cas, le président pro tempore - de la déclaration écrite portant sanction royale. Le changement dans le projet de loi S-34 par rapport au projet de loi S-13 est la précision apportée dans le mot «avisée» au lieu du mot «présentée».
L'article 5 stipule que la sanction royale est octroyée par déclaration écrite le jour où les deux Chambres du Parlement en ont été avisées. Il s'agit essentiellement de la même disposition que dans le projet de loi S-13, à l'exception d'une formulation quelque peu modifiée pour éviter tout malentendu quant à l'entrée en vigueur des dispositions de la Loi d'interprétation.
En outre, on a retiré de la version anglaise, à la fin de l'article 5, les mots «or if notified on different days, the latter of those days». Cette formulation n'était pas nécessaire étant donné que c'est implicite d'après le reste de l'article et que c'est semblable au libellé du projet de loi au Royaume-Uni.
L'article 6 dispose que la déclaration écrite portant sanction royale n'est pas un texte réglementaire au sens de la Loi sur les textes réglementaires. La définition des textes réglementaires est intentionnellement générale. Tout ce qui relève de l'application d'un tel texte est assujetti à un suivi parlementaire. Évidemment, la déclaration écrite qui porte sanction royale ne peut faire l'objet d'un tel suivi. Le libellé du projet de loi S-13 pour cet article était «au sens de».
L'article 7 dispose que nulle sanction royale n'est invalide du seul fait de l'inobservation de l'article 3. Cette disposition répond aux préoccupations quant à la validité des projets de loi ou à l'octroi d'une sanction royale au cours d'une année pendant laquelle, pour une raison quelconque, aucune cérémonie n'a eu lieu. Par exemple, s'il y avait prorogation avant le déroulement d'une cérémonie de sanction royale et si le Parlement n'était pas par la suite rappelé au cours de cette période, la validité de la loi serait remise en question. Le libellé est le même que dans le cas du projet de loi S-13.
Honorables sénateurs, comme vous pouvez le constater, le projet de loi S-34 est une copie conforme des travaux du Sénat sur la question de la sanction royale, en particulier du projet de loi S-13, à l'exception de quelques changements mineurs d'ordre rédactionnel qui, à mon avis, ne modifient en rien la substance du projet de loi S-13.
Je serai heureuse de répondre à toutes vos questions. À cette fin, deux fonctionnaires m'accompagnent, Mme Mary Dawson, sous-ministre déléguée aux affaires constitutionnelles du ministère de la Justice, et M. Lou Davis, avocat-conseil, Section du droit administratif et constitutionnel, également du ministère de la Justice, qui, si je comprends bien, suit ce projet de loi depuis quelques décennies déjà. Merci beaucoup.
Le sénateur Joyal: Lorsque le projet de loi, à l'alinéa 2a), fait référence à la tradition ou aux formalités en usage avant l'entrée en vigueur de la présente loi, est-ce que cela pourrait vouloir dire que le seul moment où la sanction royale s'effectuera au Sénat, la gouverneure générale pourrait être remplacée par un savant juge de la Cour suprême - autrement dit, qu'il se pourrait que la gouverneure générale ne vienne plus au Sénat?
Le sénateur Carstairs: Comme vous le savez, sénateur Joyal, nous avons vécu diverses expériences avec divers gouverneurs généraux. Dans certains cas, le gouverneur général se mettait à notre disposition d'une façon assez régulière. Cela semble d'ailleurs le cas avec l'actuel la gouverneure générale. Cependant, par le passé, nous avons eu des gouverneurs généraux qui s'en sont toujours remis à leur suppléant, à un juge de la Cour suprême, pour assister en leur nom.
Sur le plan technique, vous avez raison. Le libellé choisi rendrait possible l'absence du gouverneur général. Ce serait certainement mon propos, et j'ose espérer convaincant, qu'étant donné qu'il n'y aurait probablement qu'une seule sanction royale ou tout au plus quelques-unes au cours d'une année donnée, il conviendrait non seulement que le gouverneur général soit présent, mais aussi le premier ministre en ce sens que le gouverneur général aime octroyer la sanction royale en présence du premier ministre.
Puisque nous devons octroyer une sanction royale à l'occasion du premier projet de loi de crédits d'une session, il ne sera pas difficile de prévoir ce calendrier longtemps à l'avance. Nous savons que le projet de loi portant crédits sera adopté au Sénat le dernier jeudi précédant le 31 mars, toutes choses étant égales au cours d'une session. Si ce n'est pas à ce moment-là, ce sera le dernier jeudi précédant le 30 juin, ou le dernier jeudi de septembre. Est-ce la période suivante? Ou décembre.
Nous savons à quel moment les projets de loi portant crédits sont présentés. Contrairement à ce qui se passe maintenant, c'est-à-dire qu'on devine à quel moment nous pourrions vouloir octroyer une sanction royale, dans ce cas nous aurions une certitude quant au moment.
Le sénateur Joyal: Autrement dit, il n'y a qu'une seule occasion où nous pouvons être assurés de la présence de la gouverneure générale, c'est-à-dire au moment de la présentation du premier projet de loi portant crédits de la session. Nous savons qu'une session peut durer deux ou trois ans. De nos jours, certaines sessions durent plus longtemps qu'au début de notre histoire.
Je soulève la question car si nous devons limiter la cérémonie traditionnelle ou la tenir selon les formalités à une fois par année, soit l'incidence de la cérémonie, est-ce que cela confère à la gouverneure générale son plein rôle constitutionnel? Je soulève la question.
Le sénateur Carstairs: Ma réponse touchera à deux aspects. Tout d'abord, nous avons une garantie, et c'est une garantie comportant une certitude temporelle qui nous aidera à obtenir la présence de la gouverneure générale au moins à cette occasion. En outre, si nous savons qu'un projet de loi, pour quelque raison que ce soit, doit entrer en vigueur assez rapidement, nous pourrions recourir à la déclaration écrite. Nous pourrions alors retenir quelques projets de loi, pas nécessairement leur octroyer la sanction royale le jour même, puis déterminer un moment où il conviendrait à la gouverneure générale d'être présente.
Un des problèmes, et je suis convaincue que le sénateur Joyal en est conscient puisqu'il a été ministre, c'est que nous ne savons jamais avec exactitude à quel moment un projet de loi sera adopté, à moins d'avoir un ordre à la Chambre. Il pourrait être adopté une semaine plus tard, la semaine suivante, ou encore deux semaines plus tard. Demander à la gouverneure générale de modifier son emploi du temps à très bref préavis signifie qu'il est difficile pour nous de nous assurer de sa présence. C'est pour cette raison que nous avons sa suppléante, dans le présent cas, ou son suppléant, selon le cas. Si nous pouvons octroyer la sanction royale par déclaration écrite, nous pourrions peut-être tenir des cérémonies sur une base plus régulière.
Point encore plus important, ce sera la façon dont nous nous servirons des cérémonies que nous tiendrons à l'avenir. À l'heure actuelle, nos pages disposent les microphones vers 16 heures, et nous présentons une demande à la Chambre des communes. Comme nous le savons, la situation est survenue l'année dernière lorsque la Chambre des communes avait déjà ajourné, nous n'avons pu la convoquer. Il nous a fallu trouver 15 sénateurs qui sont revenus le lendemain parce qu'il s'agissait d'un projet de loi de crédits.
Si nous disposons du temps nécessaire pour notre planification, nous pouvons faire de la cérémonie un événement plus important. Nous pouvons nous assurer d'une plus grande présence des sénateurs. Si nous tenions les cérémonies de sanction royale le mardi ou le mercredi, il est fort probable que nous pourrions compter sur un plus grand nombre de sénateurs que lorsque nous le faisons le jeudi.
Le président: Madame la ministre, pourriez-vous nous dire ce que l'on entend par le concept «en usage», comme dans la formulation «selon les formalités en usage avant l'entrée en vigueur de la présente loi»? Quelles preuves seraient incontestables quant à ce qui est notre usage? Avant que vous nous répondiez, je vous suggérerais peut-être, à l'étape du rapport concernant ce projet de loi, que vous décriviez au Sénat ce qui est «en usage» afin que nous ayons officiellement dans les Débats du Sénat un énoncé sur lequel les générations à venir pourront se fier.
Le sénateur Carstairs: Tout d'abord, ce libellé est tiré de la Royal Assent Act of Great Britain de 1967 qui a employé les mots «customary before the passing of this act». Nous avons essayé de respecter la tradition parlementaire de Westminster.
En outre, il y a bien des choses qui se déroulent sur la colline du Parlement et qui sont en usage. Le discours du Trône est du nombre. Je pense aussi à l'ouverture d'une nouvelle législature, de même qu'à l'assermentation d'un gouverneur général. Si nous voulons lancer un argument juridique, nous pouvons parler de conventions et de coutumes plutôt que de légalités réelles. Le processus en usage qui se déroule est bien connu et bien reconnu au Sénat. Par exemple, nous savons que le leader du gouvernement au Sénat s'assoit à la droite de la gouverneure générale ou de sa représentante ou de son représentant. Nous savons que le huissier du Bâton noir fait trois fois la révérence au moment de quitter la Chambre pour se rendre dans l'autre endroit et frapper à la porte. Nous savons qu'il y a un défilé cérémonial dans le couloir, auquel participent nos pages et nos agents de sécurité, jusqu'à la Chambre des communes.
Nous avons déjà toute une série de coutumes. Bien qu'elles n'aient pas force de loi, elles ont tellement évolué au Parlement que je ne m'inquiète nullement; si elles changent, ce sera d'une façon très positive. En d'autres termes, si les membres de l'autre Chambre savent que cette cérémonie ne se déroule pas sur une base régulière, nous en aurons peut-être plus que six ou sept à la barre du Sénat. Dans un autre cadre, nous pourrions discuter de la possibilité de télédiffuser les cérémonies de sanction royale.
J'ai entendu le sénateur Grafstein parler de la télédiffusion de la cérémonie et faire en sorte qu'il pourrait y avoir des échanges avant ou après la cérémonie sur les projets de loi qui reçoivent la sanction royale et sur ce qui a mené à cette cérémonie. Si nous n'avons pas à le faire aussi fréquemment qu'en ce moment, nous pourrions en faire une cérémonie encore plus spéciale qu'à l'heure actuelle.
[Français]
Le sénateur Gauthier: Je suis d'accord et j'appuie le projet de loi, mais j'aurais une question à vous poser. Dans le moment, la cérémonie se tient publiquement à la Chambre des communes. Au Sénat, rien n'est télévisé, alors les gens ne savent pas comment la cérémonie se déroule. On se demande pourquoi les cérémonies sont publiques jusqu'à la porte du Sénat et qu'après on ne sait pas ce qui se passe.
L'important dans la cérémonie, c'est au Sénat que cela se fait. Est-ce que le gouvernement a l'intention de donner un certain mouvement à cette idée de téléviser ces cérémonies du commencement jusqu'à la fin. À ce moment-là, les députés et la presse seraient peut-être intéressés à venir à la cérémonie au Sénat et les Canadiens pourraient mieux comprendre ce qui se passe. Avez-vous un commentaire à ce sujet?
[Traduction]
Le sénateur Carstairs: C'est une excellente suggestion, que j'appuierais d'ailleurs. Cependant, je rappelle à l'honorable sénateur que la présence des télévisions dans la chambre est une décision qui revient au Sénat. Il arrive que les travaux du Sénat sont télédiffusés, mais lors de ces occasions, notamment pour l'assermentation du gouverneur général et le discours du Trône, nous n'assumons pas un contrôle total des cérémonies. Ce sont des cérémonies gouvernementales qui sont prescrites par d'autres.
Cependant, cette cérémonie-ci, la sanction royale, se déroulerait dans notre chambre comme cela a toujours été le cas, et nous aurions toute latitude voulue de décider de télédiffuser une cérémonie donnée. C'est d'ailleurs une décision que nous avons déjà prise en ce qui concerne le comité plénier. Cela relève tout à fait de nos pouvoirs. Il suffirait uniquement d'une motion du Sénat pour assurer la télédiffusion de la cérémonie. Parce que nous savons à quel moment cela se produira, nous pouvons le faire avec certitude quant au moment précis. Je tiens à assurer l'honorable sénateur que j'appuierais, et même proposerais, une telle motion si j'estimais que tel était le voeu de mes collègues des deux côtés de la chambre.
Le sénateur Gauthier: Je vous en remercie. Je vous le rappellerai.
Le sénateur Carstairs: Vous n'aurez pas à le faire.
Le sénateur Grafstein: Comme vous le savez, chère collègue, je ne suis pas favorable à la rationalisation de cette procédure en raison d'un très grave problème qui frappe le Sénat, c'est-à-dire son invisibilité, son manque de crédibilité, son manque de légitimité publique et son manque d'estime de soi. Peu importe les mesures symboliques qu'on prenne pour corriger cette lacune, ce déséquilibre, dans mon esprit ce n'est pas important. Je pense que cette lacune nous afflige sur le plan de nos responsabilités en tant que sénateurs, mais nous collaborons avec le pouvoir exécutif et avec les communes qui veulent la disparition du Sénat. Nous savons que des députés ont demandé l'abolition du Sénat et que d'autres en ont demandé la réforme.
Pour moi, c'est une façon de faire d'une cérémonie dont le temps est révolu un événement positif, non seulement pour le Sénat mais aussi pour le public et les personnes qui ne comprennent pas le rôle du Sénat.
Je vais lire le quatrième point de votre déclaration à l'occasion de la deuxième lecture le 4 octobre. Vous disiez:
Quatrièmement, la déclaration écrite réduira le fardeau que la cérémonie impose à la gouverneure générale et aux juges de la Cour suprême qui agissent comme ses adjoints.
Si, à votre avis, c'est un fardeau pour à la gouverneure générale de s'acquitter de l'une de ses trois responsabilités constitutionnelles, la cérémonie de sanction royale, alors je parle pour ne rien dire. La gouverneure générale n'a que trois responsabilités constitutionnelles, et l'une d'entre elles est l'octroi de la sanction royale.
En Australie, l'historique et la nature de la sanction royale sont différents parce que là-bas, ils n'ont pas de problème de crédibilité quant à leur deuxième institution, et ce, pour de nombreuses raisons. En Angleterre, ils n'ont pas de problème de crédibilité pour ce qui est de la Chambre des lords, et ce, pour de nombreuses différentes raisons. Cependant, nous avons un grave problème de crédibilité en ce qui concerne le Sénat et son invisibilité.
Je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous parlez du choix inopportun du moment, point que j'avais d'ailleurs soulevé, pour la gouverneure générale, ses représentants et le Sénat. Cependant, au lieu de tenir la cérémonie le jeudi après-midi, au moment où les gens se préparent à retourner dans leurs circonscriptions, rien ne justifie qu'on ne puisse la tenir, par exemple, le mercredi à 13 heures, pendant 15 minutes, immédiatement après le caucus national, alors que tous les dirigeants et tous les membres des caucus sont présents. C'est une affaire de rien pour eux de descendre la rue avant d'aller manger. Ainsi, la gouverneure générale pourrait être plus souvent qu'autrement présente.
Cela permettrait de réaliser ce qui est implicite dans la nature de la sanction royale. La sanction royale n'est pas qu'une affirmation constitutionnelle des deux Chambres du Parlement - transformer leurs travaux en lois -, mais elle sert également à montrer au grand public que les parlementaires sont à l'oeuvre.
Nous sommes justement en train d'étudier un projet de loi, le C-6, qui a trait à la Loi sur les jeunes contrevenants. Un des points avec lequel certains d'entre nous ont de la difficulté, c'est que le Code criminel dit sans équivoque que nul n'est censé ignorer la loi. Cela suppose que chaque citoyen et citoyenne au Canada connaît non seulement le Code criminel, mais toutes les mesures punitives prévues par la loi.
Les gens ne savent même pas comment les lois sont prises. Les membres de ma propre famille ne savent pas comment les lois sont prises. N'importe quel élément ou symbole que nous puissions utiliser pour démontrer au grand public, à l'aide de la télévision, que c'est la primauté du droit, que c'est ainsi que les lois sont prises et que telle règle de droit signifie précisément ceci, voilà pour moi un vide qu'il importe de combler pour réduire l'ignorance du public.
Cette cérémonie est une façon extraordinaire de montrer au grand public notre «commandant en chef» traversant la colline du Parlement pour se rendre au Sénat, trois ou quatre fois par année, pendant 15 minutes. Je ne pense pas que ce soit un fardeau. C'est une occasion pour la gouverneure générale de se présenter, comme elle le fait avec tant de grâce et de magnificence, à la chambre. Voilà qui attirerait l'attention du public comme il se doit.
Comme l'a souligné le sénateur Gauthier, vous pourriez vous servir de cet exemple pour éduquer le public à la télévision sur les projets de loi que nous adoptons. Il est à espérer que cela pourrait même attirer l'attention de certains sénateurs quant au contenu des projets de loi sur lesquels nous nous sommes prononcés.
Ce n'est pas une question de dérangement; c'est plutôt une question de savoir comment utiliser une pratique historique et constitutionnelle importante et la moderniser pour créer une image positive plutôt que négative.
J'ai un projet de loi que je n'ai pas encore présenté. Peut-être, lorsque nous aurons terminé, que je le déposerai afin que nous puissions examiner un modèle différent avant de prendre notre décision. Il n'est certainement pas parfait, mais c'est un sujet de discussion.
Je félicite les sénateurs Linch-Staunton, Murray et Frith d'en débattre à répétition. Cependant, je continue de ressentir la raison pour laquelle nous sommes réticents à modifier le processus - car personne est à l'aise à l'idée de marginaliser le Sénat encore plus. Le projet de loi dont nous sommes saisis, qui vise à modifier la cérémonie de sanction royale, est une autre façon de marginaliser le Sénat, alors que nous nous battons pour notre crédibilité.
Je vais présenter mon projet de loi à un autre moment. D'autres sénateurs ont entendu ce que j'avais à dire; je présenterai mon modèle et m'en remettrai au comité du Règlement pour décider du modèle sur lequel il fera rapport.
Le sénateur Carstairs: Bien évidemment, je ne suis pas d'accord avec le sénateur Grafstein, parce que ce n'est pas la façon de rehausser notre crédibilité en tant qu'institution. Une couverture télévisuelle accrue de nos comités et de nos travaux au Sénat serait une bonne façon de faire. Si les comités se rendaient dans toutes les régions du Canada, cela rehausserait notre crédibilité. Ce sont des moyens beaucoup plus indiqués d'améliorer notre crédibilité - se rapprocher davantage des Canadiens et leur faire connaître davantage nos activités - que des cérémonies de sanction royale.
Je suis ici depuis moins longtemps que le sénateur Grafstein, mais je suis ici tout de même depuis sept ans. Il ne m'est jamais arrivé de voir un grand nombre de sénateurs, et de loin, présents pour une cérémonie de sanction royale, alors même que je sais que les sénateurs étaient dans les environs. Ils continuent de ne pas assister aux cérémonies de sanction royale.
C'est peut-être notre opinion de la cérémonie de sanction royale. Ayant été leader suppléant et leader, j'ai eu à essayer de trouver 15 sénateurs libéraux, du côté ministériel, à plusieurs reprises pour qu'ils soient présents au Sénat afin d'avoir la certitude absolue d'avoir le quorum pour que nous puissions octroyer la sanction royale. On n'en fait pas tout un plat quand il est question d'avoir le quorum pour les comités.
S'il y a un événement sur lequel je voudrais insister pour rehausser notre crédibilité, ce ne serait pas lors d'une cérémonie de sanction royale; je montrerais plutôt les «bijoux» du Sénat - le travail en comité.
Le président: S'il n'y a pas d'autres questions, deux démarches s'offrent à nous. Tout d'abord, j'aimerais demander l'assentiment des sénateurs pour que le contenu du cahier d'information devant nous soit annexé au procès-verbal, afin que toute la discussion et tout le dialogue entourant la sanction royale qu'il contient soit à la disposition de ceux et celles qui veulent en prendre connaissance et comprendre ce dont il s'agit. Les sénateurs sont-ils d'accord?
Des voix: D'accord.
(Le texte des documents figure à l'annexe qui suit les témoignages.)
Le président: J'aimerais signaler aux honorables sénateurs que M. John Aimers, président de la Ligue monarchiste du Canada, aimerait témoigner devant le comité. Il sera disponible dans deux semaines. S'il n'y a aucune objection, nous inviterons M. Aimers. La Ligue monarchiste du Canada a déjà témoigné devant nous.
Le sénateur Kenny: Est-il pour ou contre?
Le président: Vous devrez attendre qu'il vous le dise.
Le sénateur Grafstein: M. Audcent m'a aidé à rédiger mon projet de loi, qui est en fait un amendement au projet de loi du sénateur Lynch-Staunton. Au lieu de reprendre cela, il énonce les principes que j'aimerais faire adopter. Peut-être qu'après le témoignage de M. Aimers, je pourrais déposer mon projet de loi, dans le cadre de l'étude du présent projet de loi.
Le président: En vertu des règles qui nous régissent, la seule façon que nous puissions donner suite à votre requête est de proposer un amendement au projet de loi dont nous sommes saisis. Alors, nous examinerons si, en tant que comité, nous voulons accueillir votre motion.
Le sénateur Grafstein: C'est équitable.
Le sénateur Kinsella: J'ai une question à poser à Mme Dawson. Après la sanction royale, qui se charge de sa parution dans la Gazette?
Mme Mary E. Dawson, sous-ministre déléguée, Service des affaires constitutionnelles, Justice Canada: Je ne sais pas.
M. Gary O'Brien, sous-greffier et greffier principal, Services législatifs, Sénat du Canada: En tant que sous-greffier, au nom du greffier, j'achemine l'information à la Gazette en ce qui concerne une cérémonie de sanction royale qui a eu lieu. Je donne tous les détails tels que la date, l'heure de la cérémonie, qui présidait et les projets de loi en cause.
Le sénateur Kinsella: Est-ce la proclamation?
Le président: Non. Elle vient du gouverneur en conseil
Mme Dawson: La proclamation et la sanction royale sont deux notions tout à fait différentes. Par conséquent, ce n'est pas la proclamation.
Le président: Je suis convaincu que le sénateur Kinsella le sait, de sorte que je me demande ce qu'il veut apprendre.
Le sénateur Kinsella: La publication dans la Gazette a t-elle une incidence? S'il y avait un vice, est-ce que cela ferait obstacle à la validité de la loi?
Le sénateur Carstairs: Je pense que la réponse est non. La sanction royale s'effectue à la Chambre. En réalité, c'est la sanction. Ce n'est pas la publication qui constitue la sanction; c'est l'activité qui se déroule à la Chambre.
Le président: Cela amène une observation. Le ministre est venu témoigner lors des discussions antérieures au sujet du projet de loi S-7 et du projet de loi S-13 pour ce qui est de la question d'avis public de la sanction royale. En temps normal, dans le cas du présent projet de loi s'il est adopté, l'avis public serait signifié par le Président des deux Chambres du Parlement. Cet avis serait alors consigné dans les journaux des deux Chambres.
Il arrive parfois, plus particulièrement de la part du gouvernement lorsqu'il est heureux d'une mesure législative, de vouloir l'entourer d'une certaine publicité. Il n'y a rien dans votre projet de loi qui traite de cette question, et ce n'est pas nécessaire. Cependant, si vous prenez, par exemple, le processus que l'on suit aux États-Unis dans le cadre duquel le président signe un projet de loi formant chaque lettre de son nom à l'aide d'un stylo, et toutes sortes de parties intéressées l'entourant, sans compter les photographes et tout le reste, je suppose que l'on pourrait avoir quelque chose du genre ici dans des situations particulières.
Le sénateur Carstairs: Il faut par contre souligner que ce ne sont pas tous les projets de loi qui sont signés avec tout ce cérémonial. Tout dépend de la publicité que le président des États-Unis veut accorder à la signature d'une mesure législative. S'il devait y avoir une telle cérémonie publique pour chaque mesure législative adoptée par le Congrès des États-Unis, le président n'aurait pas grand-chose d'autre à faire.
Il choisit les mesures législatives à signer.
Le sénateur Kinsella: En vertu de ce projet de loi, la sanction royale deviendra une déclaration écrite. L'article 9 de la Loi sur la publication des lois s'appliquera-t-il? L'article dispose de ceci:
Le greffier des Parlements fournit à l'imprimeur de la Reine un exemplaire visé de chaque loi du Parlement, aussitôt qu'elle a reçu la sanction royale.
Cet article s'appliquera-t-il à cette nouvelle forme de sanction royale?
Le sénateur Carstairs: Tout à fait. Cela demeure une sanction royale. Rien n'a changé de ce côté.
Le président: Merci beaucoup, madame la ministre.
La séance est levée.