Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement
(anciennement des Privilèges, du Règlement et de la procédure)
Fascicule 15 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 5 mars 2002
Le Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui à 10 h 05 pour examiner le projet de loi S-34, Loi relative à la sanction royale des projets de loi adoptés par les Chambres du Parlement, et pour entendre un exposé sur la réforme de la Chambre des lords.
Le sénateur Jack Austin (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Dans le cadre de l'examen du projet de loi S-34, Loi relative à la sanction royale des projets de loi adoptés par la Chambre du Parlement, nous avons examiné les travaux du comité lors de notre dernière rencontre. Les honorables sénateurs se souviendront que nous avons convenu de procéder en prenant les décisions de principe avant de traiter du projet de loi.
Nous avons ensuite examiné le projet de loi et des amendements ont été présentés. Vous avez devant vous un document intitulé «Projet de loi S-34, étude article par article».
Lors de la réunion précédente du comité, après que le sénateur Carstairs, qui parraine le projet de loi, ait parlé au comité, nous avons convenu des amendements. Le projet de loi original ne comportait pas de préambule. Nous avons convenu d'un préambule, qui se trouve dans la colonne des amendements convenus, lequel a été proposé par le sénateur Carstairs, puis adopté. Nous avons reporté l'adoption de la formule d'édiction, ainsi que du titre abrégé.
À gauche du document, vous verrez les dispositions du projet de loi original. Nous avons remplacé l'article 2 par celui qui apparaît dans les amendements. Cette formulation nous a été recommandée par notre conseiller juridique, M. Audcent, et a été approuvée.
Nous avons aussi apporté des amendements à l'article 3. En gros, nous avons ajusté le projet de loi afin que la sanction royale puisse être octroyée deux fois par année civile. La première fois serait, en vertu du paragraphe 3(2), pour le premier projet de loi présenté au cours de la session et portant octroi de crédits pour l'administration publique fédérale. Cet amendement a été adopté.
L'article 4 du projet de loi a été adopté sans amendement.
L'article 5 a été proposé par le sénateur Carstairs, et le sénateur Prud'homme a soulevé une question. Le comité a accepté de reporter l'adoption de l'article 5 aux fins d'un examen plus approfondi. La question soulevée par le sénateur Prud'homme est la suivante: qu'arrive-t-il de la sanction royale quand le Parlement ne siège pas? Nous avons donc reporté l'adoption de cet article. M. Audcent nous donnera une réponse, mais je peux la résumer. La sanction royale n'est pas donnée si le Parlement ne siège pas; par conséquent, cela ne pose pas de problème. Le gouvernement aura le choix, si le Parlement siège, soit d'appliquer la procédure habituelle ou de recourir à la procédure de déclaration écrite.
Le sénateur Carstairs a proposé l'adoption de l'article 5. Y a-t-il des observations? L'article 5 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Il n'y a pas de modifications à l'article 6. Selon cet article, la déclaration écrite n'est pas un texte réglementaire aux fins d'application de la Loi sur les textes réglementaires. Le sénateur Lynch-Staunton propose d'adopter l'article 6. L'article 6 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Nous passons à l'article 7, pour lequel il nous faut une motion. Sénateur Gauthier, vous avez la parole.
Le sénateur Gauthier: Je vous remercie.
Monsieur le président, j'ai une question à poser sur l'article 5, qui dit ceci:
La déclaration écrite porte sanction royale le jour où les deux Chambres du Parlement en ont été avisées.
Les Chambres doivent en être avisées, mais est-il possible que personne ne soit là pour recevoir cet avis? Est-ce que cela pourrait se faire par la porte de service comme c'est si souvent le cas des rapports? Est-ce que l'avis peut être donné de cette manière? Est-ce qu'ils pourraient tout simplement informer le greffier, et ce serait tout?
Le président: Ceci concerne l'article 5. Monsieur Audcent, pouvez-vous nous éclairer? Nous avons déjà adopté cet article. Sénateur Gauthier, vous remarquerez que l'article 4 dit bien:
Chaque Chambre du Parlement est avisée par son président ou le suppléant de celui-ci de la déclaration écrite portant sanction royale.
Par conséquent, cet avis ne peut passer par la porte de service. Il doit être donné par le président.
Le sénateur Gauthier: Il doit être donné par le président, et non pas simplement par le greffier.
Le président: Oui, c'est le président qui doit donner cet avis.
Le sénateur Gauthier: C'est bien ce que je comprends.
Le président: Nous passons maintenant à l'article 7.
Le sénateur Milne: Je propose d'adopter l'article 7.
Le président: Je vous remercie, sénateur Milne. Est-ce que vous êtes prêts à répondre à la question?
Des voix: Posez-la.
Le président: L'article 7 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Ceci nous ramène à la formule d'édiction. Quelqu'un peut-il proposer d'adopter la formule d'édiction, qui dit ceci:
Sa Majesté, sur l'avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte:
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à répondre à la question?
Des voix: Posez la question.
Le président: La formule d'édiction est-elle adoptée?
Des voix: D'accord.
Le président: Sénateur Poulin, voulez-vous proposer l'adoption de l'article 1, le titre abrégé?
Le sénateur Poulin: Je propose d'adopter l'article 1.
Le président: L'article 1, titre abrégé, est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Le projet de loi tel que modifié est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Joyal: Avec dissidence, monsieur le président. Un amendement a été rejeté lors de la dernière réunion de notre comité. Je parle de la proposition d'ajouter ce qui suit après la ligne 17:
3.1(1) Tout membre du Parlement a le droit d'être témoin de la sanction royale d'un projet de loi.
Cet amendement qui avait été proposé a été rejeté à la dernière réunion. Je compte la proposer à nouveau lors de la troisième lecture du projet de loi, devant la Chambre. Je préférerais qu'il soit indiqué que le projet de loi S-34 est adopté avec dissidence.
Le président: Merci. Le projet de loi S-34 est donc adopté avec dissidence. Je vous remercie, chers collègues. Nous présenterons le projet de loi demain.
Il y a deux autres choses dont nous devons parler au sujet du projet de loi. Nous avons adopté les observations plus tôt, et j'aimerais avoir la permission du comité d'y annexer la lettre du sénateur Carstairs et du ministre Goodale qui traite des intentions du gouvernement. La lettre a été distribuée à tous les membres du comité. Sommes-nous d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Je vous remercie. Nous aurons deux annexes: les observations et le projet de loi tel que modifié, et la lettre au sujet de la sanction royale coutumière.
Je vais demander à M. Robertson de faire le point pour nous sur la réforme de la Chambre des lords, après quoi nous nous réunirons à huis clos pour discuter du rapport du comité sur les comités.
M. James R. Robertson, attaché de recherche, Bibliothèque du Parlement: Je compte vous donner un bref aperçu de l'état d'avancement de la réforme de la Chambre des lords, parce que c'est aussi une institution bicamérale avec Chambre haute et, comme l'a dit le président, parce qu'elle peut avoir une incidence sur l'examen des rapports préliminaires sur la restructuration des comités.
Comme vous le savez pour la plupart, la réforme constitutionnelle a été l'un de ses principaux enjeux du gouvernement travailliste actuel du Royaume-Uni lors des élections de 1997. La première phase de cette réforme consistait à éliminer la plupart des membres héréditaires de la Chambre des lords, ce qui a été fait en 1999. Leur nombre a été réduit à 92, et ceux-là ont été élus par leurs collègues.
Ensuite, une commission royale a été créée, dont le président est lord Wakeham, à qui a été attribué un délai assez court pour présenter des propositions visant la poursuite de la réforme de la Chambre supérieure. Cette commission royale a présenté un rapport en 2000, je crois, qui a été relativement bien accueilli et qui comportait de nombreuses recommandations assez bonnes, compte tenu du peu de temps qu'elle avait eu.
Par la suite, il a été question de créer un comité mixte de la Chambre des communes et de la Chambre des lords pour approfondir la question. Comme il y avait désaccord sur le mandat exact qui devrait être donnée à ce comité, il n'a jamais vu le jour. Il y aurait eu la participation de parlementaires des deux chambres représentant le parti au pouvoir et l'opposition. Bien des gens ont été mécontents que cette commission n'ait jamais été créée.
Ensuite, il y a eu les élections de l'année dernière, lors desquelles le Parti travailliste a présenté un manifeste qui dans lequel il signifiait sa détermination à poursuivre la réforme de la Chambre haute.
La dernière phase a été entamée en novembre 2001, lorsque le gouvernement a présenté un livre blanc, intitulé «Completing the Reform». Ce document constituait en fait la réponse du gouvernement à la commission royale Wakeham; il a largement été critiqué et a été mal accueilli d'à peu près tout le monde.
Les journalistes et les politiciens cyniques croient qu'il est de l'intérêt de M. Blair de ne pas procéder à cette réforme. Ils pensent qu'il est tout à fait heureux de maintenir le statu quo, pour ainsi pouvoir continuer des pratiques de patronage; la Chambre des lords continue de fonctionner telle qu'elle est actuellement; et il peut affirmer avoir essayé de réformer la Chambre des lords, sans succès.
Il y a aussi eu des signes très révélateurs d'une forte dissidence au sein du Parti travailliste — au sein du Cabinet de M. Blair. M. Robin Cook, qui a été rétrogradé du poste de ministre des Affaires extérieures à celui de Président de la Chambre des communes, est apparemment vu comme un promoteur acharné de l'élection des membres de la Chambre haute. Le Grand chancelier, lord Irvine, s'est opposé au concept d'un plus grand nombre de membres élus. L'une des plus grandes critiques qui puissent être faites de la Chambre haute révisée et réformée, c'est qu'elle compterait un nombre minimal de membres élu.
De fait, le livre blanc proposait qu'il y ait 120 parlementaires indépendants. Leur position serait semblable à celle des «parlementaires interpartis» actuels. Ils n'auraient pas d'affiliation politique. Ils seraient choisis en fonction de leur expertise dans des domaines particuliers, selon leurs compétences professionnelles et leur contribution à la vie publique britannique au fil des années.
Il y aurait 120 membres élus — soit, plus ou moins 20 p. 100. Le gouvernement n'a pas dit très clairement quelles seraient leurs circonscriptions ou leur mandat. Je reviendrai là-dessus dans un instant.
Il y aurait 16 évêques de l'Église anglicane et, contrairement à l'avis énoncé dans le rapport de la commission Wakeham, qui suggérait la participation d'autres groupes confessionnels, le gouvernement tient à garder les évêques de l'Église anglicane, en suggérant qu'il pourrait y avoir quelques membres indépendants d'autres confessions.
Ils rejettent aussi diverses propositions visant l'élimination des lords juristes de la Chambre des lords, alors le gouvernement propose que 12 de ces lords juristes restent membres de la Chambre des lords. D'autres suggestions ont été faites, notamment leur élimination et la création d'un tribunal supérieur, ce qui scinderait les fonctions juridiques et législatives de la Chambre des lords actuelle.
Le reste des lords, soit environ 330, seraient désignés par les partis. Un certain ajustement se ferait selon les résultats des élections. En fait, ces gens seraient choisis dans des listes établies par les partis.
Une commission est responsable de la nomination des 120 membres indépendants. En ce qui concerne les nominations politiques, seuls seraient rejetés les candidats nettement inadmissibles. Ca commission ne pourrait pas choisir les membres politiques. Cette responsabilité relèverait des partis politiques. Pour ce qui est des partis politiques, leur composition serait déterminée de manière à refléter les résultats des dernières élections, ainsi qu'à faire en sorte qu'un seul parti ne puisse pas avoir la majorité à la Chambre des lords. Même si le Parti travailliste a remporté une majorité écrasante lors des dernières élections pour les Communes, il ne serait pas en mesure de nommer la majorité des membres de la Chambre des lords.
Le président: Au sujet de la méthode de nomination, les parlementaires interpartis sont-ils désignés par une commission?
M. Robertson: Oui.
Le président: Ils sont bien 120, n'est-ce pas?
M. Robertson: Oui.
Le président: Lorsque des postes sont libérés parmi ces 120 sièges, qui désigne leurs remplaçants?
M. Robertson: D'après le livre blanc, ils sont désignés par le gouvernement, et c'est une pomme de discorde. Des dispositions sont prévues visant l'approbation parlementaire, mais ce n'est pas une nomination du Parlement en tant que tel.
Le président: Les commissaires qui choisissent les parlementaires interpartis doivent les sélectionner dans un groupe dit d'experts représentant les divers éléments accomplis de la population britannique. L'une des grandes différences entre nous et les lords, c'est que leur nombre n'est pas fixe, mais plutôt élastique. Notre nombre est rigoureusement défini par notre loi constitutionnelle. Par conséquent, si le gouvernement souhaite nommer de ses supporters, l'opposition a le droit de désigner des supporters de l'opposition dans une certaine proportion, n'est-ce pas?
M. Robertson: Oui. Dans ce livre blanc, le gouvernement proposait un maximum de 600 membres pour la Chambre des lords réformée. C'est un peu plus que la commission Wakeham n'en recommandait. Je pense qu'elle suggérait quelque chose comme 550 lords. Actuellement, la Chambre des lords est composée de 750 membres. Cependant, comme vous l'avez dit, monsieur le président, il n'y a pas de maximum. M. Blair s'est montré très prolifique dans la nomination à vie de ces pairs qui sont membres de la Chambre des lords. S'il continue sur sa lancée, le nombre des membres de la Chambre des lords pourrait encore augmenter.
D'après la proposition qui a été faite, il y aurait une limite de 600 personnes, dont 20 p. 100 seraient directement élues et 20 p. 100 seraient de ces parlementaires interpartis. Si on enlève les évêques et les lords juristes, il en reste environ 330, qui seraient désignés par les partis politiques. Les proportions, entre les partis, seraient ajustées périodiquement pour refléter les résultats électoraux.
Le sénateur Stratton: De quelle durée est leur mandat?
M. Robertson: C'est l'une des choses qui n'a pas encore été réglée. La commission Wakeham recommandait un mandat non renouvelable de 15 ans. Cela permettrait d'acquérir de l'expertise, et aussi de l'expérience. Le gouvernement semble plutôt pencher pour une durée beaucoup plus courte, mais en permettant le renouvellement du mandat ou encore la réélection du membre. Il reste encore à déterminer s'il s'agirait d'une législature, de deux ou de trois législatures, soit environ quatre ou cinq ans, huit ou dix ans, ou encore 12 ou 15 ans. Le parti au pouvoir semblait pencher assez fort en faveur d'un mandat plus court, mais renouvelable.
L'une des motivations commune à tout le monde semble être que l'on veut s'assurer que cette Chambre des lords réformée ne pourra pas être en conflit avec la Chambre des communes et en saper la légitimité, ni devenir une autre source de pouvoir. Lord Wakeham a suggéré un mandat plus long en soutenant que cela augmenterait encore la distinction entre les deux chambres et permettrait d'avoir une perspective à long terme. La difficulté, avec un mandat plus long, est qu'il est plus difficile d'ajuster périodiquement le nombre des lords qui ont fait l'objet d'une nomination politique s'ils ont un mandat de 10 ou 15 ans.
Le président: Est-ce que vous ne parlez que des lorss élus?
M. Robertson: Non. Ils auraient tous un mandat d'une durée fixe. Il pourrait y avoir des périodes différentes pour ceux qui sont désignés et ceux qui sont élus. Cependant, l'impression générale est qu'il devrait y avoir un mandat fixe pour les deux types de membres.
Le sénateur Milne: Si je comprends bien, alors, 20 p. 100 des membres seraient directement élus pour une durée quelconque. Il y aurait 120 parlementaires interpartis indépendants, désignés ou encore choisis par les commissaires. Il y aurait 16 évêques et 12 lords juristes. Il y aurait 330 membres désignés par les partis et des ajustements seraient faits selon les résultats électoraux. C'est bien cela?
M. Robertson: C'est bien cela.
Le sénateur Milne: Les membres héréditaires de la Chambre des lords seraient complètement exclus.
M. Robertson: Il en reste maintenant 92. L'idée, c'est que, une fois que la deuxième phase de cette réforme sera en oeuvre, les membres héréditaires de la Chambre des lords cesseront d'être membres de quelque façon que ce soit. En fait, les membres seraient séparés de la pairie. Ils ne seraient plus lords. Si vous êtes membre de la Chambre des lords, votre titre, au lieu de «MP» serait «ML», pour membre de la Chambre des lords.
Il n'y aurait pas de titres. Il y aurait toujours la pairie. Il faudrait être inscrit à la liste des honneurs pour être élevé à la pairie. Cependant, le titre de pair du royaume ne donnerait aucun droit de siéger à la Chambre des lords. Le fait de siéger à la Chambre des lords ne signifierait pas plus que l'on est pair en tant que tel.
Le sénateur Di Nino: J'ai lu quelque part qu'il y avait un certain débat sur le remplacement du titre de Chambre des lords pour Sénat. Est-ce que c'est vrai?
M. Robertson: Je pense qu'il en a été question. La toute dernière suggestion du comité de la Chambre des communes qui s'est penché sur la question, le Comité spécial de l'administration publique, était que l'on supprime l'expression «House of Lords» pour la laisser sombrer dans l'oubli et la remplacer par «Second Chamber», comme elle est souvent appelée.
Pour ce qui est de l'appeler le Sénat, il en a été question, mais aucun des rapports récents ne le recommandait.
Le sénateur Di Nino: Il me semble, monsieur le président qu'ils vont en parler, puisque nous avons le Sénat canadien, pendant encore 200 ans.
Le sénateur Poulin: Dans les recommandations, y a-t-il une référence à l'octroi de droits acquis à certaines des règles ou à des membres actuels?
M. Robertson: Oui, fait intéressant, il y en a. Les pairs actuels à vie qui ont été désignés par le gouvernement pourraient rester membres de la Chambre des lords pendant une période intérimaire. Graduellement, au fur et à mesure qu'ils vieilliraient, prendraient leur retraite ou mourraient, leur nombre serait réduit à 600.
Le Comité de l'administration publique, qui a recommandé d'éliminer les évêques et les lords juristes, a aussi recommandé l'élimination des pairs à vie d'ici à la deuxième élection qui suivra la réforme, au moyen de certains arrangements pour qu'ils cessent d'être membres de la Chambre des lords. Le livre blanc du gouvernement, cependant, prévoyait qu'ils conserveraient leurs fonctions pendant au moins 15 ans, jusqu'à ce que leur nombre tombe en dessous de celui qui aura été fixé.
Le sénateur Stratton: Je pensais que la position du Parti travailliste avait évolué et était favorable à un organe élu appelé le «Sénat».
M. Robertson: C'est peut-être vrai. Cela me dit quelque chose, en effet.
Le président: Le gouvernement Blair a dit qu'il serait trop en concurrence avec la Chambre basse. Donc il a produit le rapport dont nous parle M. Robertson, auquel il manque beaucoup d'éléments et qui ne prévoit pas de calendrier d'édiction.
Le sénateur Joyal: Peut-on dire que le principal obstacle à la réforme est le Parti travailliste lui-même, et particulièrement cette dissidence entre tous les membres de la Chambre des communes au sujet du nombre de lords qui seraient élus?
M. Robertson: Oui.
Le sénateur Joyal: Cette forte dissidence est l'un des facteurs qui empêcherait le gouvernement de prendre d'autres initiatives pour l'instant. En fait, ils ne peuvent pas s'entendre sur le nombre de lords qui pourraient être élus.
M. Robertson: Je pense que c'est une évaluation assez juste de la situation. Le problème, en Grande-Bretagne, avec M. Blair, semble la préoccupation ou même l'antipathie considérable que suscite le cabinet du premier ministre et la clique de conseillers qui l'entoure. Souvent, ces gens ne sont pas tant des membres du cabinet tant que des conseillers personnels, et ils semblent très réfractaires à l'idée d'une Chambre des lords plus directement élue. Certainement, comme l'a dit le sénateur Joyal, au sein du caucus, particulièrement à la Chambre des communes, il y a de considérables pressions en faveur d'un plus grand nombre de membres élus.
Le livre blanc, comme je l'ai dit, a été diffusé en novembre. Le gouvernement a demandé de recevoir les commentaires pour janvier. Entre-temps, le Comité spécial de l'administration publique de la Chambre des communes a entrepris de l'examiner pour voir s'il pouvait en quelque sorte fournir une rétroaction. Il a entendu les témoignages de lord Irvine et de M. Cook. C'est là que M. Cook a dit qu'il ne proposerait pas de loi pour instaurer des changements avant, à tout le moins, la fin de la législature actuelle, soit, je crois, en novembre cette année. Par conséquent, la réforme a été reportée. Étant donné la dissidence qui règne au sein du Parti travailliste, je soupçonne qu'elle pourrait se prolonger encore au-delà de cette date.
Le Comité de l'administration publique a déposé un rapport à la mi-février. Ce comité, je présume, est composé en majorité de membres du Parti travailliste, mais tous les autres partis y sont aussi représentés. J'ai déjà dit que le Parti social démocrate et le Parti conservateur de la Grande-Bretagne se sont prononcés en faveur d'une Chambre haute élue. Ils ont affirmé que les parlementaires interpartis ne seraient pas élus. À leur avis, on ne peut élire des parlementaires interpartis s'ils n'ont pas d'allégeance à un parti.
Le Comité de l'administration publique propose l'élection d'au moins 60 p. 100 des parlementaires. Selon lui, il faut que ce soit plus de 50 p. 100, et les membres politiques doivent être désignés par une commission indépendante créée par le Parlement. Les partis pourraient présenter des candidats, mais la décision finale relèverait de cette commission indépendante. Si le gouvernement n'était pas d'accord, il augmenterait la proportion de membres élus de la Chambre haute, la seconde chambre, à 70 ou 80 p. 100.
L'opinion publique semble être largement favorable à une seconde chambre dont la plus grande partie des membres sont élus.
Comme vous pouvez certainement l'imaginer, un très grand nombre de gens se préoccupent beaucoup des élections. Ils préfèrent conserver le système de nominations. Ils présentent des arguments très convaincants, que beaucoup d'entre vous, du Sénat, avez entendu au Canada, sur les avantages et les inconvénients d'une Chambre haute élue. Le Comité de l'administration publique, cependant, démontre très clairement qu'une réforme ne serait pas légitime et que la Chambre haute ne pourrait pas fonctionner à moins d'être composée en grande partie de membres élus.
Actuellement, cela semble être la teneur générale du point de vue de la plupart des partis de l'opposition et des commentateurs publics sur la question. Cependant, très clairement, le gouvernement ne s'est pas, jusqu'ici, montré enclin à y adhérer.
Il convient d'ajouter au crédit du gouvernement, bien que ce livre blanc ait vertement été critiqué pour ne prévoir que 20 p. 100 de membres élus, que la commission Wakeham n'a pas recommandé un nombre immodéré de membres élus. Le gouvernement a subi des critiques, mais peut-être que certaines ce ces critiques visent-elles des idées dont il a hérité ou que sa commission lui a soufflé, et qui ne sont pas de son propre cru.
Le sénateur Poulin: Une précision, monsieur Robertson. Lorsque vous avez commencé votre présentation, vous avez parlé d'un changement à la Chambre des lords qui a été mis en oeuvre par le gouvernement Blair immédiatement après son élection. Pourriez-vous nous rappeler de quoi il s'agissait? Est-ce qu'il a fallu une réforme constitutionnelle?
M. Robertson: Ce changement immédiat consistait à éliminer le droit des membres héréditaires de siéger à la Chambre des lords. La proposition, à l'origine, consistait à supprimer ce droit pour tous ces membres héréditaires. En fin de compte, le compromis est que les 92 membres actuels de la Chambre des lords, dont la plupart ont été élus par leurs pairs héréditaires pour les représenter, resteraient membres de la Chambre des lords.
Actuellement, la Chambre des lords se compose des lords juristes, des évêques, des lords nommés à vie qui ont été désignés par les gouvernements antérieurs de la Grande-Bretagne et par le gouvernement actuel pour la durée de leur vie, et des 92 membres héréditaires qui représentent tous les pairs héréditaires de la Grande-Bretagne.
Le président: Le premier volet, dans l'examen de la réforme du Parlement de la Grande-Bretagne, en ce qui concerne la Chambre des lords, consistait à éliminer les pairs héréditaires. Cela paraît être une démarche continue, qui finira par aboutir un jour.
Le deuxième volet était un débat sur les pouvoirs des lords. Il n'était pas question d'accroître ces pouvoirs. Ce sont des pouvoirs d'examen et de suspension, différents de nos pouvoirs. Même avec ces pouvoirs, la Chambre des lords jouit d'un certain prestige dans le régime politique britannique. Le volet suivant consistait à s'assurer, comme l'a dit M. Robertson, qu'il n'y ait pas de majorité chez les lords afin de préserver la diversité des opinions politiques, et cetera.
Au sujet de la manière dont les gens sont nommés à cette Chambre, il y a eu des commissions, des élections et des recommandations politiques. Il y aurait diverses façons de procéder, mais le premier ministre ne contrôle pas lui-même, comme ici, le processus de nomination des lords.
La question qui se pose, c'est comment peut-on assurer la restriction et l'équilibre de l'exécutif? J'ai ici un article, en anglais — et il y a quelques semaines, j'en ai remis une copie au sénateur Gauthier — qui est un examen qu'a effectué The Economist de la réforme. Il fait une comparaison, parce qu'il y a un processus parallèle, la réforme de la Chambre des communes, à celui qui se déroule en Grande-Bretagne. J'ai aussi un document qui est rédigé en anglais seulement; il émane du gouvernement britannique.
La préoccupation fluctuante était de savoir si l'élection d'un grand nombre de lords pouvait créer une nouvelle dynamique politique en Grande-Bretagne. Il faut ajouter à cela l'ingrédient de la décentralisation. Nous avons maintenant une législature écossaise et une législature consultative galloise. Peut-être Stornaway redorera son blason un jour, qui sait? C'est vraiment un processus en voie de devenir.
Notre système découle du concept de la Chambre des lords, mais comment soutenir, d'après leurs réformes, quoi que ce soit que nous pourrions vouloir envisager? L'objet de cet exposé est de nous demander: dans quelle mesure est- ce pertinent? Il n'y a pas de réponse, mais nous devons nous poser cette question.
M. Robertson: J'ai essayé de trouver ma copie, mais il semble que je ne peux pas mettre la main dessus. Le comité de la Chambre des communes britannique qui a examiné le document a essayé de revenir sur la question et de demander: quel est l'objet de la réforme? Est-ce que nous essayons de rendre le gouvernement plus imputable devant le parlement? Est-ce que nous voulons que les deux chambres collaborent? Est-ce que nous essayons d'obliger l'exécutif à rendre compte de ses actes? Comment soutenir la légitimité de la Chambre haute?
Il y a de grandes différences dans les détails, puisque l'histoire de la Chambre des lords est différente et date de bien plus longtemps, et qu'elle assume un rôle constitutionnel différent. Il faut surtout examiner les motifs favorables à la réforme et, peut-être, certains des objectifs sous-jacents de la réforme.
Comme toujours, avec ce genre de questions, je soupçonne que la perspective d'une chambre élue plutôt que désignée est devenue un cri de ralliement pour susciter le débat public plutôt que, peut-être, les enjeux plus importants de savoir pourquoi nous voulons une Chambre haute, quel rôle elle peut assumer ou devrait assumer qui soit différent de celui de la Chambre basse, celle qui est élue par vote populaire.
Il a été suggéré que les membres de la Chambre haute puissent être sélectionnés en vertu de critères différents. Il est question qu'elle reflète les nations et les régions de la Grande-Bretagne. Cela soulève la question de la définition des circonscriptions et s'il doit y avoir représentation proportionnelle des membres de la Chambre haute plutôt qu'un système d'élection populaire comme celui de la Chambre basse, fondé sur le plus grand nombre de votes.
L'un des arguments qu'a présentés le comité de la Chambre des communes est que, puisque les membres de la Chambre haute ont de vastes circonscriptions, ils ne peuvent pas faire le travail pour leur comté. Ils seront trop occupés, et ils ne pourront pas desservir un vaste Par conséquent, ce travail continuerait d'être du ressort des membres élus de la Chambre basse.
La Chambre des lords a actuellement, notamment, le pouvoir de désavouer la législation secondaire. La commission Wakeham et le livre blanc on recommandé que ce pouvoir soit supprimé et remplacé par un pouvoir suspensif de trois mois. Malheureusement, entre-temps, la Chambre des lords, pour la première fois depuis de nombreuses années, a usé de ce pouvoir, et maintenant tout le monde, y compris lord Wakeham, remet en question la pertinence de supprimer ce pouvoir.
Le président: La législation secondaire, c'est le règlement. Ils peuvent mettre de côté des règlements par décret.
M. Robertson: Le fait intéressant, étant donné leur rôle, qui est de représenter les régions et les nations de la Grande- Bretagne, est qu'il y a des gens pour suggérer que cette nouvelle Chambre haute réformée de la Chambre des lords joue un rôle spécial relativement aux amendements constitutionnels ou à la coordination avec les pouvoirs dévolus au pays de Galles, en Écosse et en Irlande. Jusqu'ici, cette idée semble être rejetée.
Pour revenir à ce que disait le sénateur Poulin, le problème, en Grande-Bretagne, c'est qu'ils n'ont pas de Constitution noir sur blanc, alors il est difficile de déterminer ce qui est un document ou un changement constitutionnel et ce qui ne l'est pas.
Le président: C'est au Parlement d'en décider.
M. Robertson: En Grande-Bretagne, le Président de la Chambre basse certifie un projet de loi de finances. Il a été suggéré que le Président de la Chambre des communes puisse certifier un projet de loi constitutionnel.
Au sujet de l'enjeu plus vaste, celui de la modernisation des procédures, la Chambre des communes a entrepris une vaste entreprise d'examen de ses procédures internes afin que l'exécutif rende mieux compte de ses actes.
La Chambre des lords a un groupe de travail qui examine aussi ses procédures internes. Ils devaient présenter un rapport pour janvier. J'apprends maintenant que ce sera à Pâques, alors nous vous transmettrons une copie du rapport dès que nous l'obtiendrons.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool: J'apprécie l'information que M. Robertson nous transmet sur la réforme de la Chambre des lords. Peut-être y a-t-il quelques points à en retirer, mais la réforme du Sénat canadien, que nous avons entreprise de façon continue, doit refléter les attentes des Canadiens et la culture de notre pays.
Premièrement, quel serait le mandat d'un comité conjoint avec la Chambre des lords et, deuxièmement, quelle serait son utilité? Il y a tellement de diversités. Les activités doivent se concentrer sur une réforme du Sénat du Canada par des Canadiens et des Canadiennes.
[Traduction]
M. Robertson: Je pense que l'idée du comité mixte viserait à l'atteinte d'un consensus entre les deux Chambres sur le rôle d'une Chambre haute, et aussi de faire en sorte que les membres de toutes les allégeances dans les deux Chambres participent à la discussion.
À la façon dont cela s'est fait, il y a une commission royale, qui comptait des représentants de différents groupes, mais la décision finale relève actuellement du gouvernement, par l'entremise de son livre blanc et, en principe, il compte proposer des lois.
Manifestement, comme l'a dit le sénateur Stratton, les partis de l'opposition de la Grande-Bretagne ont, soit par principe ou pour des raisons stratégiques, choisi de se prononcer en faveur d'une version d'une Chambre haute très différente de ce que proposait le gouvernement. Dans cet environnement partisan, comme nous le savons au Canada, la réforme est d'autant plus difficile à réaliser.
Le sénateur Gauthier: Comme vous le savez, je connaissais assez bien ce système il y a des années, monsieur le président, lorsque je l'ai examiné avec des membres de la Chambre. Nous avons rencontré lord Wakeham. Cependant, je n'ai jamais entendu parler de «législation par dérogation». De quoi s'agit-il?
M. Robertson: Ils appellent «règlement secondaire» ce que nous appelons des «règlements». La procédure à la Chambre des lords veut que la législation secondaire soit proposée, puis examinée par la Chambre des lords, un peu comme notre comité mixte permanent du Sénat et de la Chambre des communes qui fait l'examen des règlements, et la Chambre des lords peut opposer son veto ou rejeter la législation secondaire. C'est l'unique droit de veto dont elle jouit actuellement. La commission de lord Wakeham et le livre blanc ont recommandé que ce droit soit supprimé; qu'ils puissent reporter l'adoption ou des lois ou des règlements secondaires, mais non pas l'empêcher. Si les Communes insistaient, le règlement pourrait entrer en vigueur.
Le président: Ce serait un droit intéressant à donner à notre comité mixte, n'est-ce pas?
Si tout le monde veut avoir une copie de l'article de The Economist, il y en a ici, en anglais. Il y a une copie du document intitulé «The House of Commons Modernization» du gouvernement britannique. C'est aussi en anglais, alors je ne veux pas le distribuer.
Merci beaucoup, monsieur Robertson, pour cet exposé.
La séance se poursuit à huis clos.