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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

La santé des Canadiens – Le rôle du gouvernement fédéral

Rapport intérimaire

Volume quatre – Questions et options


Chapitre: Neuf, Dix, Onze


Chapitre neuf :

Questions et options concernant le rôle de recherche et d’évaluation

Le rôle du gouvernement fédéral dans les domaines de la recherche et de l’évaluation est double puisqu’il englobe à la fois un financement de la recherche dans le domaine de la santé et un appui financier à l’évaluation des projets pilotes.

Le gouvernement fédéral a une longue tradition - plus de 40 ans - d’aide financière à la recherche dans le domaine de la santé. En fait, jusqu’en 1994, il était la principale source de financement de cette recherche au Canada. IRSC (Instituts de recherche en santé du Canada) est actuellement le principal organisme de financement fédéral de la recherche dans ce domaine.

De temps à autre, le gouvernement fédéral s’acquitte également de son rôle dans le domaine de la recherche en apportant un soutien financier à la réalisation et à l’évaluation de projets pilotes conçus pour favoriser l’innovation dans la prestation des soins de santé. Citons comme exemples le Fonds pour l’adaptation des services de santé (1997-2001) destiné à soutenir les projets pilotes entrepris de concert par les gouvernements provinciaux et territoriaux dans les domaines de l’assurance-médicaments, des soins à domicile, des soins primaires et de la prestation intégrée de services, ainsi que le Programme des partenariats pour l’Infostructure canadienne de la santé (PPICS – 2000 à 2002) qui appuie les projets provinciaux et territoriaux recourant à de nouvelles technologies de l’information dans le domaine des soins de santé.

Tout au long des audiences du Comité sur la recherche en santé, les témoins ont été unanimes à reconnaître que le financement de la recherche innovatrice et de l’évaluation des projets devrait demeurer une fonction importante du gouvernement fédéral. En ce qui regarde la recherche en santé, la faiblesse du financement au Canada comparativement à d’autres pays industrialisés est la principale préoccupation exprimée par les témoins qui ont dit souhaiter que le gouvernement fédéral y consacre davantage de fonds. D’autres questions relatives au transfert des connaissances, aux disparités régionales et à l’éthique ont également été soulevées pendant les audiences.

En ce qui a trait à l’évaluation des projets pilotes visant à mettre à l’essai de nouvelles façons d’assurer la prestation des soins de santé, tous les témoins se sont dits d’accord pour que le gouvernement fédéral maintienne ou hausse son niveau de financement, tout en tenant compte en même temps du problème des disparités régionales. Cette question se pose parce que le financement fédéral des projets pilotes exige généralement une contribution provinciale équivalente. C’est pourquoi la plupart des projets pilotes financés par le gouvernement fédéral se déroulent dans les provinces riches alors que les provinces pauvres qui ont le plus besoin d’aide obtiennent très peu.

 

9.1 Recherche innovatrice dans le domaine de la santé

Le Canada a acquis une réputation internationale pour l’excellence de sa recherche dans le domaine de la santé. Depuis l’époque des Banting et Best et la découverte de l’insuline il y a plus de 75 ans, les percées des chercheurs canadiens ont contribué à améliorer la vie des gens à travers le monde. En voici des exemples :

    • La recherche canadienne a permis de montrer que chaque dollar dépensé pour des interventions dans la petite enfance permet d’épargner en moyenne sept dollars en éducation, en services sociaux, en procédures judiciaires et en soins de santé
    • Des chercheurs canadiens ont découvert et mis au point le 3TC, un médicament qui aide à prolonger la vie de nombreuses personnes porteuses du VIH ou atteintes du SIDA.

Tout le monde est d’accord sur le fait que la recherche en santé sera l’un des principaux moteurs du changement dans le système de soins de santé au Canada au cours des années qui viennent. Les connaissances acquises grâce à cette recherche se répercutent directement sur la qualité des diagnostics, sur le traitement, sur la guérison et sur la prévention de nombreuses maladies. Dans un deuxième temps, ceci entraîne une réduction des coûts des soins de santé, de la manière suivante :

    • en réduisant les coûts sociaux et économiques de la maladie grâce à la mise au point de nouveaux médicaments, de nouveaux produits et de nouvelles technologies qui réduisent la durée des séjours à l’hôpital, accélèrent la guérison et prolongent la durée de vie en bonne santé;
    • en améliorant l’efficacité et l’efficience de la prestation des soins de santé;
    • en assurant la guérison de maladies.

Le gouvernement fédéral joue un rôle important d’appui à la recherche en santé qui est menée dans les universités, les hôpitaux d’enseignement et les instituts de recherche (recherche extra-muros) ainsi que dans ses propres laboratoires (recherche intra-muros). Au cours de la phase deux de l’étude du Comité, on lui a dit que l’investissement stratégique effectué aujourd’hui par le gouvernement fédéral par le biais de programmes et d’initiatives tels que les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), la Fondation canadienne pour l’innovation, la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé (FCRSS), Génome Canada et les chaires de recherche du Canada va porter énormément de fruits pour notre système de soins de santé dans l’avenir.

Les progrès continus réalisés dans les domaines de la génétique et de la génomique sont particulièrement intéressants. À titre d’exemple, la capacité de reconnaître les personnes ayant des gènes qui les rendent susceptibles de contracter une maladie donnée va transformer profondément la prestation des soins de santé, le traitement de la maladie cédant la place à sa prévention et à la promotion de la santé. Mieux nous comprendrons les mécanismes moléculaires sous-jacents à la maladie, plus nous serons en mesure de développer rapidement une génération entièrement nouvelle de médicaments qui pourront combattre les altérations causées à ces mécanismes par la maladie Ces connaissances, jointes à notre compréhension croissante des interactions complexes entre les facteurs génétiques, sociaux et environnementaux qui déterminent notre vulnérabilité face aux maladies, vont transformer le système de santé au cours des dix ou vingt prochaines années.

La création d’IRSC en avril 2000 par le gouvernement fédéral est une reconnaissance du lien fondamental qui existe entre un système de soins de santé novateur et offrant un bon rapport coût-efficacité et des activités de recherche dynamiques et concurrentielles sur le plan international . IRSC réunit les quatre grands champs de recherche dans le domaine de la santé – la recherche biomédicale, la recherche clinique, la recherche sur les services et systèmes de santé et la recherche sur la santé de la population. Il incite les chercheurs canadiens à adopter une approche intégrée à l’égard des questions de santé qui concernent les Canadiens et Canadiennes.

 

9.1.1 Augmentation de la part fédérale dans le financement de la recherche en santé

Le gouvernement fédéral joue un rôle important dans le financement de la recherche en santé au Canada. Ainsi, en 1998, des fonds fédéraux de presque 370 millions de dollars ont été alloués à ce type de recherche. C’était avant la mise sur pied d’IRSC. Toutefois, la part du gouvernement fédéral dans le financement de la recherche en santé a diminué de façon constante de 1992 à 1998, passant de 28 % à 16 %. Depuis 1994, c’est l’industrie pharmaceutique qui a été la principale source des fonds consacrés à la recherche en santé au Canada.

Le gouvernement fédéral croit que sa position dans le financement de la recherche en santé va s’améliorer fortement grâce à la mise sur pied d’IRSC ainsi qu’aux investissements supplémentaires annoncés tant dans le budget de février 2000 que dans l’énoncé économique et la mise à jour de la situation financière d’octobre 2000. Le gouvernement fédéral a également, en février 2001, accordé une subvention supplémentaire de 140 millions de dollars à Génome Canada, ce qui portait le budget total de l’organisme à 300 millions de dollars.

Bien que l’augmentation du financement fédéral apporte un appui important à la recherche en santé, a-t-on pu entendre lors des audiences de la phase deux du Comité, le Canada ne se compare pas favorablement aux autres pays à ce chapitre. En fait, le rôle du gouvernement national dans ce financement, si on l’exprime en parité du pouvoir d’achat (PPA) par habitant, est beaucoup plus important aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France et en Australie qu’au Canada. Ainsi, le gouvernement américain fournit quatre fois plus de fonds par habitant que le Canada pour la recherche en santé.

Les témoins ont unanimement recommandé d’augmenter la part du gouvernement fédéral dans les dépenses consacrées à la recherche en santé de manière à la faire passer de son niveau actuel qui est d’environ 0,5 % du total des dépenses en soins de santé à 1 % de ce total. Cela veut dire qu’il faudrait au moins doubler le budget actuel d’IRSC pour l’amener à hauteur d’un milliard de dollars. De l’avis de plusieurs témoins qui ont comparu devant le Comité, cette hausse porterait la contribution financière fédérale à la recherche en santé à un niveau davantage comparable à celle qu’apportent les gouvernements nationaux d’autres pays. L’aspect le plus important est cependant qu’un tel investissement fédéral contribuerait à maintenir une industrie de recherche en santé dynamique, innovatrice et d’avant-garde.

Le Comité souhaite obtenir des avis sur l’idée de porter la part fédérale des dépenses consacrées à la recherche en santé à 1 % du total des dépenses en soins de santé. Nous sommes particulièrement intéressés à obtenir des points de vue sur la façon dont ce financement fédéral fortement accru devrait être investi : devrait-il être dirigé stratégiquement vers le développement d’un certain nombre de domaines de recherche (tels que la santé des Autochtones, la santé des populations rurales, la santé mentale, l’analyse comparative entre les sexes, les déterminants de la santé, les soins à domicile, etc.,), ou devrait-on le répartir plus uniformément dans toute la gamme des secteurs de recherche en santé?

 

9.1.2 Appui au transfert des connaissances

On a fait valoir auprès du Comité que les résultats de la recherche en santé devraient être rendus accessibles, notamment aux décideurs, aux fournisseurs de soins de santé mais aussi au grand public. Il faudrait lancer une campagne de sensibilisation pour renseigner le public canadien sur la recherche en génétique, le clonage d’animaux et la recherche sur les embryons entre autres sujets. Il faut également faire connaître les résultats de la recherche en santé aux prestateurs de soins de santé et aux responsables des politiques. Le transfert rapide des connaissances acquises aux décideurs et aux fournisseurs de soins de santé ferait reposer beaucoup plus les décisions sur des faits démontrés, et ce, au profit de tous les Canadiens et Canadiennes .

La Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé (FCRSS) est l’organisme chargé de veiller au transfert des connaissances. La FCRSS est un organisme sans but lucratif qui a été mis sur pied grâce à des fonds fédéraux et dont la mission consiste à commanditer et à promouvoir la recherche appliquée sur les systèmes de soins de santé en vue d’en améliorer la qualité et de favoriser l’utilisation de ses résultats dans les décisions prises par les responsables des politiques et les gestionnaires des soins de santé.

Le travail de la FCRSS porte sur la recherche en matière de services de santé. Ce dont nous avons besoin est donc un organisme dont la tâche consisterait à diffuser les résultats de la recherche biomédicale et de la recherche clinique. Il serait possible de mettre sur pied un tel organisme au sein d’IRSC ou de Santé Canada. On pourrait également créer un organisme fédéral distinct qui serait chargé de cette tâche.

 

9.1.3 Réduction des disparités régionales

Des témoins ont rappelé au Comité qu’il existe de fortes disparités régionales sur le plan des capacités de recherche en santé au pays. À titre d’exemple, certains établissements de santé et certains centres universitaires de recherche en santé, particulièrement dans les provinces de l’Atlantique et dans les Prairies, sont actuellement sous-financés et incapables de relever les défis que pose leur participation à des activités de recherche qui puissent rendre le Canada compétitif à l’échelle mondiale en ce domaine.

Les provinces qui n’atteignent pas une masse critique d’expertise et d’excellence démontrée souffrent d’un grave handicap, tant pour ce qui est d’obtenir des subventions que pour recruter et maintenir en poste un personnel hautement qualifié. Les provinces qui disposent de gros budgets sont en mesure d’offrir des salaires et des ressources qui attirent chez elles des chercheurs bien formés et talentueux provenant des provinces qui ne disposent que de petits budgets. Des témoins ont dit au Comité que cette concurrence interne pour l’obtention de personnes douées pour la recherche est nuisible et que cette question exige l’attention rapide du gouvernement fédéral..

Le Comité a été heureux d’entendre qu’IRSC gère actuellement le Programme de partenariats régionaux (PPR) qui accorde des fonds de recherche en santé destinés à réduire les disparités régionales. Six provinces sont admissibles aux fonds du PPR : la Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve, le Manitoba, l’Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick. En plus de financer la recherche en santé, le PPR aide les mécanismes de planification stratégique locaux à établir des priorités et partenariats de recherche en mettant l’accent sur le recrutement et le maintien en poste de chercheurs prometteurs ou chevronnés et en misant sur les points forts et les intérêts prioritaires des établissements de recherche.

Le Comité souhaite recevoir des avis sur les programmes du PPR et sur d’autres façons possibles pour le gouvernement fédéral de réduire les disparités entre les provinces quant à leur capacité de recherche en santé.

 

9.1.4 Un organe national de surveillance de l’éthique pour une recherche humaine

Des témoins ont dit au Comité que la recherche en santé doit être menée dans le respect des normes éthiques les plus élevées. Ils ont insisté sur le fait que les chercheurs doivent appliquer une éthique transparente et crédible à leurs procédés, particulièrement en ce qui concerne la protection des sujets humains sur lesquels porte la recherche. Il faut appliquer des principes moraux à toutes les activités de recherche en santé. Il est également important de prêter attention aux enjeux d’ordre moral que soulève cette recherche, de les analyser et de les évaluer.

Récemment, IRSC, conjointement avec deux autres organismes fédéraux de financement de la recherche - le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) – a annoncé la création d’une nouvelle structure de gouvernance — le Panel d’experts en éthique de la recherche — qui régira la politique fédérale relative à l’éthique applicable à la recherche faisant appel à des sujets humains. Cette politique s’intitule L'Énoncé de politique des trois Conseils: Éthique de la recherche avec des êtres humains. Si cette politique établit des normes élevées, ont rappelé des témoins au Comité, encore faut-il exercer une surveillance efficace pour s’assurer du respect de ces normes. De plus, le Panel d’experts en éthique de la recherche va examiner la recherche financée par IRSC, le CRSH et le CRSNG, et non toute la recherche en santé effectuée au Canada.

Il a été proposé de créer un organisme national de surveillance indépendant d’IRSC qui serait chargé d’assurer le bon fonctionnement des mécanismes d’examen de l’ éthique de toute la recherche en santé financée par des fonds publics ou privés, et en particulier la recherche utilisant des embryons humains ou des tissus fœtaux, y compris celle portant sur les cellules souches embryonnaires. Nous souhaitons obtenir votre avis sur un tel organisme national de surveillance.

 

9.2 Financement et évaluation de projets pilotes innovateurs

Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral a participé au financement de projets pilotes ayant pour but d’améliorer la prestation des soins de santé. Un volet important de ces projets pilotes consiste à faire une évaluation des résultats et notamment à rendre compte de l’impact du projet sur l’état de la santé et sur l’utilisation des services de santé, de son rapport coût-efficacité et de l’amélioration de la prestation des soins.

Ainsi, en 1997, le gouvernement fédéral a annoncé la création du Fonds pour l’adaptation des services de santé (FASS). Ce fonds de 150 millions de dollars a permis le financement de 141 projets et de nombreux sous-projets à travers le Canada dans quatre domaines prioritaires : les soins à domicile, l’assurance-médicaments et les problèmes pharmaceutiques, les soins de santé primaires et la prestation intégrée des services de santé. Ces projets visaient à générer des données sur lesquelles les gouvernements, les autorités sanitaires, les hôpitaux et d’autres pourraient s’appuyer pour prendre des décisions éclairées quant à la façon d’offrir aux Canadiens et aux Canadiennes des services de santé qui soient à la fois meilleurs et plus efficaces. Santé Canada publiera une évaluation globale de tous ces projets en mars 2002.

Le Programme des partenariats pour l’Infostructure canadienne de la santé (PPICS), un programme d’encouragement à frais partagé d’une durée de deux ans et disposant d’un budget de 80 millions, dont la création a été annoncée en juin 2000, constitue un autre exemple. Le PPICS vise à appuyer les applications innovatrices de technologies de l’information et des communications dans le domaine des soins de santé. Le but général est d'améliorer l'accessibilité et la qualité des soins de santé pour tous les Canadiens et Canadiennes, tout en augmentant l’efficience et en protégeant la viabilité à long terme du système de santé. Le PPICS finance des projets dans les domaines de la télémédecine, des télésoins à domicile et des dossiers de santé électroniques. Tout comme dans le cas du Fonds pour l’adaptation des services de santé, un plan d’évaluation est exigé pour tous les projets financés par le PPICS.

 

9.2.1 Investissement fédéral dans l’évaluation de projets pilotes visant à améliorer la prestation des soins de santé

On a dit au Comité que les projets pilotes accompagnés d’études évaluatives coûtent cher; ces activités doivent cependant être menées si l’on désire obtenir des informations sur la rentabilité et les résultats pour la santé. Le choix à faire pour le gouvernement fédéral est donc de maintenir et même d’accroître le soutien financier qu’il apporte à la réalisation et à l’évaluation de projets pilotes dans le domaine de la prestation de soins de santé.

 

9.2.2 Réduction des disparités régionales dans le financement des projets pilotes

Une préoccupation importante a cependant été exprimée en ce qui concerne les programmes fédéraux dont les coûts sont partagés entre le fédéral et les provinces. Selon des témoins, l’investissement fédéral dans des projets pilotes contribue parfois à creuser les disparités régionales.

À titre d’exemple, en vertu des critères établis pour le PPICS, le financement fédéral exige que le demandeur fournisse des fonds équivalents. On n’a pas jugé pertinent dans la sélection des projets de tenir compte des besoins relatifs des différentes régions pour ce qui est d’améliorer les services ni des lacunes de ces services dans une région.. Selon les témoins, les régions qui avaient déjà de l’argent ont obtenu plus d’argent et celles qui avaient de grands besoins financiers n’ont pas pu en demander faute de pouvoir apporter une contribution équivalente. S’il est maintenant trop tard pour modifier les critères du PPICS, ontsouligné les témoins, le gouvernement fédéral devrait s’assurer que les autres programmes d’appui à l’évaluation des projets pilotes ne suivent pas le même modèle. Ces programmes devraient plutôt privilégier les projets destinés aux endroits qui en ont le plus besoin et dénotant une volonté d’agir et d’apporter des changements au système et mettre moins l’accent sur la contribution financière des provinces.


Chapitre dix :

Questions et options concernant le rôle d’infrastructure : technologie et systèmes d’information

Le Comité entend par « infrastructure de santé » le vaste amalgame de ressources – tant physiques qu’humaines – qui facilitent la prestation des services de santé. En ce sens, l’infrastructure ne désigne pas seulement la brique et le mortier ou la technologie et l’équipement médical, mais aussi les resources humaines, le secteur de l’éducation et les systèmes de communication qui soutiennent les fournisseurs de soins de santé.

Comme on l’a affirmé auparavant, le gouvernement fédéral n’est pas responsable de l’administration, l’organisation et la prestation des soins de santé, sauf en ce qui concerne des segments précis de la population canadienne. Il incombe donc aux provinces et territoires de déterminer combien de lits seront ouverts dans leur juridiction, quelles catégories d’aidants seront engagés et comment le système desservira la population. Cependant, le gouvernement fédéral aide depuis longtemps les provinces et les territoires à s’acquitter de leurs responsabilités.

On trouve un excellent exemple de ce rôle dans le Programme de subventions à la construction d’hôpitaux de 1948. Dans le cadre de ce programme, le gouvernement fédéral assumait le coût complet de la construction d’hôpitaux dans toutes les provinces et tous les territoires. En conséquence, de 1948 à 1960, le nombre de lits d’hôpitaux au Canada a augmenté à un rythme qui était le double de la croissance démographique. De même, dans les années 60, le gouvernement fédéral a contribué par ses subventions à l’expansion du nombre de facultés de médecine. Ces fonds fédéraux ont rendu possible la construction de la plupart des centres de science de la santé au pays, contribuant ainsi à la qualité de l’enseignement offert aux professionnels de la santé, de la recherche et des soins aux patients.

Plus récemment, le gouvernement fédéral a financé dans les provinces et les territoires l’acquisition de technologies de santé, la mise au point de systèmes d’information de santé et l’établissement d’un mécanisme de reddition de comptes public relativement à l’état de santé des Canadiens et au rendement du système de santé.

Outre les programmes ciblés, les transferts fédéraux prévus par le TCSPS peuvent également être utilisés par les provinces et territoires pour édifier une infrastructure de santé qui améliorera autant la prestation des soins de santé que l’éducation des aidants.

Au cours de l’étude du Comité, tous les témoins qui ont pris part aux audiences portant sur les informations relatives à la santé ont souligné le rôle critique que joue le gouvernement fédéral dans l’infrastructure générale de santé. Ils étaient tous d’accord pour dire que ce rôle doit être maintenu et même élargi. On peut proposer deux options ici : 1) que le gouvernement fédéral maintienne le niveau actuel du financement de l’infrastructure de santé ou 2) que ce niveau soit augmenté. Ces options font nécessairement intervenir des compromis entre les diverses composantes de l’infrastructure de santé (par ex. l’équipement médical par opposition aux ressources humaines ou par opposition aux systèmes d’information de santé) ainsi qu’entre les diverses composantes du système général de santé (les infrastructures par rapport aux services hospitaliers ou par rapport aux soins à domicile).

Les options relatives au rôle fédéral dans l’infrastructure de santé présentent plusieurs facettes. Pour cette raison, nous les traiterons séparément dans les sections qui suivent. De plus, étant donné l’ampleur des enjeux relatifs aux ressources humaines dans le domaine de la santé, les options traitant des ressources humaines feront l’objet du prochain chapitre.

 

10.1 La technologie de santé

L’on admet généralement que la technologie de santé constitue un aspect important de la prestation des soins de santé dans les pays industrialisés. La technologie peut accroître la vitesse et l’exactitude des diagnostics, guérir les maladies, prolonger la vie, soulager la douleur, faciliter la réadaptation fonctionnelle et assurer l’autonomie des patients. Cependant, on a soulevé plusieurs questions au Comité relativement à l’accessibilité, à l’évaluation et au coût des technologies de santé nouvelles et existantes au Canada. Les témoins ont fait valoir que ces questions doivent trouver réponse si les Canadiens veulent profiter au maximum des avantages qu’offre la technologie des soins de santé tout en gardant un système de santé abordable.

On a dit au Comité que, même si le Canada se classe cinquième parmi les pays de l’OCDE pour ce qui est des dépenses totales en santé (en tant que pourcentage du PIB), il se situe généralement dans le troisième tiers des pays de l’OCDE pour ce qui est de l’accès à la technologie de santé. Par exemple, le Canada est derrière plusieurs autres pays pour ce qui est de l’accès au tomodensitomètre, à l’IRM et aux lithotriteurs.

L’accès n’est pas le seul problème concernant la technologie de santé. Le « vieillissement » de cette technologie fait également problème. Par exemple, d’après les informations qui ont été fournies au Comité, entre 30 % et 63 % de la technologie d’imagerie que l’on utilise actuellement au Canada est désuète. On a dit au Comité que l’absence des nouvelles technologies et l’utilisation d’équipement désuet nuisent à l’exactitude des diagnostics ainsi qu’à la qualité des traitements qu’il est possible d’offrir. Cette situation, qui peut avoir un effet négatif sur la santé des patients, soulève également des interrogations quant aux responsabilités juridiques des prestateurs de santé.

Au cours des audiences de la phase deux, les témoins ont affirmé que le vieillissement de la population canadienne ainsi que l’accroissement des attentes du public vont influencer grandement l’évolution des besoins relativement à la technologie de santé. De nombreux experts ont déclaré au Comité que le déficit actuel dans la technologie de santé requiert un réexamen sérieux de la manière dont on fournit, finance et distribue le matériel médical au Canada.

Les témoins ont également fait valoir que l’accès limité à la technologie de santé se traduit souvent par un accès limité aux soins et par l’allongement du temps d’attente. Le Comité est préoccupé par le manque de technologies de santé et l’effet que cela peut avoir sur le temps d’attente. À son avis, l’accès opportun au diagnostic et au traitement est un objectif crucial dans le contexte du système de santé canadien (voir la section 7.4).

 

10.1.1 Financer l’acquisition et l’amélioration de la technologie de la santé

Le gouvernement fédéral vient de réagir au déficit qui caractérise la technologie de la santé. En septembre 2000, il a annoncé qu’il investirait un milliard de dollars en 2000-2001 et 2001-2002 pour aider les provinces et les territoires à faire l’acquisition de nouveaux équipements médicaux. Ces fonds sont accessibles depuis l’adoption de la loi en octobre 2000, et ils permettent aux provinces et aux territoires d’acquérir immédiatement le matériel diagnostique et clinique qui leur est nécessaire.

Même si le milieu médical s’est dit heureux de cette injection de nouveaux crédits fédéraux, un certain nombre de préoccupations subsistent. Premièrement, certaines provinces n’ont pas demandé leur part de ces crédits, peut-être parce que le gouvernement fédéral exige des crédits de contrepartie. Deuxièmement, le Comité a appris qu’il n’existe apparemment aucun mécanisme obligeant les provinces à rendre compte de l’emploi exact de cet argent. Troisièmement, il faut des ressources supplémentaires pour utiliser ce matériel. D’après certaines estimations, un investissement d’un milliard de dollars dans le nouvel équipement nécessite 700 millions de dollars de plus pour les coûts opérationnels. Quatrièmement, cet investissement ne remédie pas au problème que pose l’équipement ancien. On estime qu’il faudrait un milliard de dollars de plus pour mettre à niveau l’équipement existant.

Une des options pourrait donc consister à ce que le gouvernement fédéral finance à plus long terme les technologies de la santé. Ces crédits fédéraux permettraient d’acquérir les nouvelles technologies de la santé et d’exploiter et d’améliorer le matériel existant. Dans le cadre de ce programme, les gouvernements provinciaux et territoriaux pourraient être tenus de rendre des comptes aux Canadiens relativement à l’utilisation des crédits fédéraux, sinon le gouvernement fédéral ne pourrait pas savoir si les crédits ont été utilisés à bon escient.

Toute décision d’acquérir une nouvelle technologie de la santé devrait également reposer sur l’évaluation de son efficacité et de son efficience. Nous étudierons plus longuement la question dans la section qui suit.

 

10.1.2 Investir davantage dans l’évaluation des technologies de la santé

L’évaluation des technologies de la santé (ETS) fournit des informations sur leur sécurité, leur efficacité clinique et leur efficience économique. L’ETS peut aider les responsables à décider si une nouvelle technologie doit être introduite et à quel moment une technologie existante doit être remplacée. Mais surtout, l’ETS contribue de plusieurs manières à améliorer la qualité des soins de santé : on s’assure ainsi que les technologies de santé sont efficaces, qu’elles sont appliquées dans les cas appropriés et les conditions voulues, et l’on voit à utiliser les technologies les moins coûteuses pour obtenir les résultats escomptés.

Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux soutiennent diverses agences ETS. Au niveau fédéral, l’Office canadien de coordination de l’évaluation des technologies de la santé (OCCETS) joue trois grands rôles : il coordonne toutes les activités ETS dans toutes les juridictions; il s’efforce de minimiser les doubles emplois au niveau des autres organisations nationales, provinciales ou territoriales; et il mène des activités ETS de son côté.

On a informé le Comité que l’on ne consacre pas assez d’attention à l’ETS au Canada. Par exemple, tous les paliers de gouvernement réunis investissent moins de 8 millions de dollars au Canada dans ce secteur, alors que le Royaume-Uni verse près de 100 millions de dollars à son office national ETS – l’Institut national pour l’excellence clinique (INEC). En conséquence, les technologies de santé sont souvent introduites dans le système canadien avec une connaissance strictement superficielle de leur sécurité, de leur efficacité et de leur coût.

On remarque un autre problème important au niveau de la faible diffusion des preuves recueillies par les activités ETS parmi les prestateurs et les gestionnaires de soins de santé. Une amélioration à cet égard aurait certainement pour effet de hausser la qualité des soins de santé et de consolider la formulation de la politique publique en matière de santé.

L’option principale qui s’offre par conséquent au gouvernement fédéral consiste à investir davantage dans l’évaluation des technologies de la santé et à encourager la diffusion et l’utilisation des constatations ETS. Le gouvernement fédéral pourrait concrétiser cette option en augmentant les crédits qu’il alloue à l’OCCETS.

 

10.2 Systèmes d’information de santé

Au cours de la phase deux de l’étude du Comité, les témoins ont fait valoir qu’une des grandes faiblesses de l’actuel système de santé tient au fait qu’il fonctionne toujours comme une « industrie artisanale » (voir la première partie du chapitre cinq) malgré le fait que la santé est une industrie à très forte intensité d’information. En effet, l’ingrédient le plus important de tout diagnostic ou traitement est l’information.Le secteur de la santé au Canada n’utilise pas la technologie de l’informationet des communications autant que les autres industries très consommatrices d’information. De plus, le système de santé n’est pas intégré : les médecins et les autres aidants, les hôpitaux, les laboratoires et les pharmacies fonctionnent tous comme des entités indépendantes qui ont un accès limité aux liens qui permettraient de mieux partager l’information.

Un meilleur usage de l’information et des technologies de communications, jumelé avec une meilleure intégration des aidants et des établissements, faciliterait l’identification des relations causales entre les divers intrants propres au système de santé et les résultats qui en découlent. Cela améliorerait grandement la qualité des décisions prises par les fournisseurs de soins, les gestionnaires et les décideurs, décisions qui doivent reposer sur des preuves fiables. Cela nous permettrait de répondre à des questions telles que : Investissons-nous assez, trop, ou trop peu dans la technologie de la santé?Y a-t-il trop, trop peu ou juste assez de médecins, d’infirmières ou d’autres professionnels de la santé? En avons-nous pour notre argent? En ce moment, nous ne connaissons pas les réponses à ces questions.

De nombreux témoins ont signalé l’urgence d’améliorer notre capacité de gérer l’information sur la santé même s’il faut pour cela laisser les listes d’attente s’allonger à court terme, investir moins dans la technologie et remettre à plus tard d’autres dépenses. Pour beaucoup d’entre eux, il est essentiel pour la survie même de l’assurance-maladie de mieux gérer l’informatio relative à la santé.

L’utilisation des informations et des technologies de communications dans le domaine de la santé est souvent appelée « télésanté ». Comme il en a été fait état dans le rapport de la Phase II du Comité, les applications de la télésanté qui sont envisagées au Canada, relativement au partage de l’information et à l’intégration de la prestation de soins de santé, prévoient un système de dossiers de santé électroniques (DSE) et un système d’information de santé basé sur Internet :

    • Le DSE est un système automatisé et alimenté par les prestateurs de soins de santé à l’intérieur d’un réseau électronique qui donne accès au dossier de santé complet du patient, où sont inscrits entre autres les visites chez le médecin, les séjours à l’hôpital, les médicaments prescrits, les analyses de laboratoire, et ainsi de suite.
    • Un réseau d’information de santé basé sur Internet est un système qui donne au grand public des informations de santé exactes et fiables dans les domaines suivants : promotion de la santé et prévention des maladies; informations sur les options de traitement et les médicaments ainsi que sur la maîtrise des maladies (p. ex., tension artérielle, diabète ou obésité); informations sur les questions de santé publique (p. ex., qualité de l’air, de l’eau et de la nourriture); informations sur les effets des éléments déterminants de la santé; et ainsi de suite.

La télésanté est la base de ce que beaucoup au Canada appellent « l’infostructure de la santé ». À tous les paliers de gouvernement, on met en œuvre en ce moment diverses composantes d’une infostructure santé. Cependant, ces initiatives en sont toutes à des stades d’évolution différents. En outre, elles sont isolées à l’intérieur des organisations, des établissements et des provinces, et constituent en ce moment « une mosaïque de projets sans lien les uns avec les autres, dont la valeur augmenterait énormément si elles faisaient partie d’un tout cohérent ». Le grand défi consiste maintenant à rassembler ces diverses infostructures.

C’est ce que le gouvernement fédéral cherche à faire avec la création de l’Infostructure santé du Canada. Cette future Infostructure santé du Canada ne sera pas une structure massive et monolithique, mais bien un réseau de réseaux, qui sera édifié sur les initiatives qui sont déjà en place ou en voie d’être lancées au niveau fédéral, provincial et territorial.

C’est tout un défi que d’intégrer 14 juridictions (10 provinces, trois territoires et le gouvernement fédéral). C’est aussi une entreprise ambitieuse, coûteuse, qui mettra des années à se réaliser. Il faudra accorder une attention minutieuse au caractère privé et confidentiel des renseignements sur les patients qui constitueront la base des systèmes d’information. Cependant, la plupart des experts croient qu’il est essentiel de le faire si nous voulons acquérir des informations fiables sur la santé des Canadiens, l’état de notre système de santé et l’efficience et l’efficacité de la prestation et de la distribution des services de santé. Chose encore plus importante, il semble essentiel de le faire si nous voulons améliorer la qualité des soins de santé que reçoivent les Canadiens.

 

10.2.1 Le déploiement d’une infostructure santé pancanadienne

Le gouvernement fédéral contribue financièrement à l’édification de l’Infostructure santé du Canada depuis 1997. Les provinces et territoires ont également exprimé le désir de prendre part au déploiement de l’Infostructure santé du Canada. Le 11 septembre 2000, les premiers ministres se sont entendus pour collaborer afin de : 1) consolider une infostructure santé pancanadienne afin d’améliorer la qualité, l’accès et l’opportunité des soins de santé pour les Canadiens; 2) mettre au point un système de dossiers de santé électroniques et améliorer les technologies comme la télésanté au cours des quelques prochaines années; 3) travailler de concert afin de mettre au point des normes de données communes qui assureront la compatibilité des réseaux d’information de santé; 4) mettre en place des mesures de protection rigoureuses qui assureront la confidentialité et la sécurité des renseignements de santé personnels; et 5) rendre compte régulièrement aux Canadiens sur l’état de santé, les résultats de santé et le rendement des services de santé financés par le public.

En appui à l’accord conclu par les premiers ministres, le gouvernement fédéral s’est engagé à verser 500 millions de dollars en 2000-2001 afin d’accélérer l’adoption des technologies modernes d’information qui faciliteront la prestation de meilleurs soins de santé. On a dit au Comité que cet argent serait investi dans une organisation sans but lucratif, connue sous le nom de Inforoute Santé du Canada, qui travaillera de concert avec les provinces et les territoires afin de créer les composantes communes nécessaires au DSE au cours des trois à cinq prochaines années. Cela constituera une étape importante vers l’intégration complète des infostructures de santé.

Les provinces, les territoires et les autres intervenants s’entendent largement pour dire que le gouvernement fédéral doit encourager la collaboration dans ce domaine. Le Comité est heureux de constater cette volonté de collaboration entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires.

On estime qu’il faudra entre 6 et 10 milliards de dollars pour réaliser la mise en œuvre complète de l’Infostructure santé du Canada. Néanmoins, tous s’entendent pour dire que les avantages de cette infostructure de santé pancanadienne seront énormes.

Par conséquent, le gouvernement fédéral n’a pour seule option que de maintenir son initiative, poursuivre son approche collaborative et augmenter sa part de financement afin d’assurer le déploiement complet de l’Infostructure canadienne de la santé. Encore là, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les responsables de la santé bénéficiaires de fonds fédéraux devront rendre compte au gouvernement fédéral de l’utilisation de ces crédits.

Dans la mise en œuvre de cette option, la priorité doit être accordée au dossier de santé électronique étant donné qu’il s’agit là de la pierre angulaire d’un système de soins de santé efficient et adapté, capable d’améliorer la qualité des soins et la reddition de comptes. Sans une infrastructure de ce genre, on voit mal comment l’on pourrait axer véritablement le système sur les besoins des patients et le rendre plus efficient. D’ailleurs, le DSE est essentiel si l’on veut réaliser la réforme des soins de santé primaires.

 

10.2.2 Investir dans la télésanté dans les communautés rurales et éloignées

Les applications de la télésanté peuvent non seulement améliorer le partage de l’information entre les divers prestateurs de soins de santé et établissements, elles permettent également d’assurer des soins à grande distance. La télémédecine est une application de la télésanté qui peut améliorer grandement la qualité et l’opportunité des soins, particulièrement dans le Canada rural et les régions éloignées.

Jusqu’à 30 % de la population du Canada vit dans les régions rurales, éloignées et nordiques du pays. L’accessibilité aux soins de santé est l’un des quatre principes privilégiant les patients de la Loi canadienne sur la santé. Cependant, les Canadiens des régions rurales se plaignent de plus en plus des écarts qu’il y a entre les services offerts aux régions urbaines et ceux que l’on trouve dans les régions rurales et éloignées.

Le gouvernement fédéral a répondu aux préoccupations des Canadiens ruraux de plusieurs manières. Par exemple, il a créé en septembre 1998 le Bureau de la santé rurale afin de s’assurer que l’on prenne mieux en compte les vues et les préoccupations des Canadiens ruraux dans l’établissement de la politique nationale de santé et les stratégies de renouvellement du système de santé. En février 1999, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il investirait 50 millions de dollars sur trois ans (de 1999-2000 à 2001-2002) afin de soutenir des projets pilotes relevant des « Innovations en santé rurale et communautaire ».

En juin 2000, le gouvernement fédéral a annoncé le lancement de sa Stratégie nationale en santé rurale qu’il considère comme une étape importante dans le processus qui donnera à tous les Canadiens un accès fiable à des soins de santé de qualité. Puis, en juillet 2001, le gouvernement fédéral a annoncé la création du Conseil consultatif ministériel sur la santé rurale, qui doit conseiller le ministre fédéral de la Santé sur la façon dont le gouvernement fédéral peut améliorer la santé des communautés et personnes du milieu rural.

La télémédecine est une composante importante de la politique de santé rurale du gouvernement fédéral. Dans le contexte de la santé rurale, la télémédecine offre les avantages suivants : elle permet de remédier à la pénurie d’aidants en milieu rural et de compléter la formation médicale; améliore l’infrastructure de santé rurale; permet le respect du principe d’accessibilité de la Loi canadienne sur la santé; et assure un développement plus équitable des systèmes d’information de santé partout au pays.

Il est proposé ici au gouvernement fédéral qu’il maintienne les efforts qu’il déploie en matière de santé rurale et de télémédecine.

 

10.2.3 Assurer la confidentialité et le caractère privé des renseignements de santé personnels

Le caractère privé, la confidentialité et la sécurité des renseignements personnels de santé dans le contexte de l’infostructure de la santé ont peut-être constitué la question la plus délicate soulevée pandant les audiences du Comité sur le sujet. Ces termes sont parfois utilisés l’un pour l’autre, mais ils désignent en fait des notions bien différentes :

    • Le caractère privé des renseignements personnels a trait au droit des personnes d’être maîtres de l’information qui concerne leur santé, qu’il s’agisse de leur collecte, de leur utilisation et de leur divulgation.
    • La confidentialité a trait à l’obligation des fournisseurs de soins de santé de protéger l’information qui concerne la santé de leurs patients, de la garder secrète et de ne pas l’utiser ou la divulguer à mauvais escient.
    • La sécurité a trait à l’ensemble des normes entourant les systèmes d’information qui protègent l’accès au système et l’information qu’il contient.

En somme, le caractère privé de l’information a pour corollaire l’obligation de respecter son caractère confidentiel et d’assurer sa sécurité. La protection de la vie privée au Canada est une responsabilité que partagent les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. À l’heure actuelle, le cadre juridique de la protection de la vie privée est une mosaïque de lois, politiques, règlements et codes de pratique volontaires. On a dit au Comité que le premier pas à faire consiste à faire admettre la nécessité d’harmoniser les lois et règlements au Canada de telle sorte que la vie privée des Canadiens en matière de santé soit protégée. Les témoins ont fait valoir la nécessité de montrer aux Canadiens que les gouvernements prennent bel et bien toutes les mesures nécessaires afin de mettre en œuvre des règles rigoureuses à cet égard.

Le Comité a été heureux d’apprendre qu’une résolution visant à harmoniser toutes les lois dans ce domaine est examinée par toutes les juridictions et que l’on s’attend à ce qu’un accord soit conclu en ce sens bientôt. Au niveau technologique, on a déjà démontré qu’on peut réaliser un degré supérieur de confidentialité et de sécurité des renseignements de santé personnels dans un milieu électronique que dans un milieu de papier. Les problèmes qu’il reste à régler concernent surtout l’architecture des systèmes qui doivent être mis en place et leur gouvernance dans une perspective pancanadienne.

Cependant, le Comité se préoccupe du manque de progrès notable entre les responsables en ce qui concerne le projet de loi C-6, Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. En novembre et décembre 1999, le Comité a tenu des audiences sur ce projet de loi. Les audiences ont surtout permis d’exprimer des préoccupations concernant l’application de la partie I du projet de loi à la collecte, l’utilisation et la divulgation des renseignements personnels. Le Comité était d’avis que, même si la partie I est adéquate dans la mesure où elle établit des normes juridiques minimales pour la protection des renseignements personnels des Canadiens dans le domaine commercial, il y a lieu de s’interroger sur la pertinence de ces normes dans le secteur de la santé. Il a donc amendé le projet de loi de manière à reporter son application aux renseignements personnels sur la santé d’un an après l’entrée en vigueur de la loi (1er janvier 2001). Cet amendement avait pour objet de donner aux responsables du système de santé la possibilité de formuler les mesures législatives propres au caractère particulier des renseignements personnels sur la santé et de metre ces changements en place d’ici le 1er janvier 2002.. L’amendement a été accepté par la Chambre des communes, et le projet de loi a reçu la sanction royale le 13 avril 2000.

Lorsque le Comité s’est réuni pour étudier la question des informations de santé en mai 2001, les témoins ont indiqué qu’aucun consensus n’avait été réalisé sur les changements qu’il faut apporter au projet de loi C-6 si l’on veut assurer la circulation des données entre les responsables du système de santé qui prennent part à l’édification de l’Infostructure santé. L’application du projet de loi C-6 aux organisations présentes dans le système d’information de santé ainsi que dans la recherche en santé doit être clarifiée si l’on veut continuer de fournir les informations qui sont essentielles à l’amélioration de la santé de tous les Canadiens. Le Comité espère que des solutions seront trouvées à ce problème avant la fin du moratoire d’une année, soit le 31 décembre 2001.

 

10.3 Reddition de comptes et qualité

L’Infostructure santé du Canada va générer une quantité massive de renseignements de santé. En fait, l’Infostructure santé du Canada va « favoriser la création, l’analyse et la diffusion de la meilleure information qui soit afin de permettre aux patients, aux dispensateurs de soins de santé rénumérés ou bénévoles, aux gestionnaires de la santé et aux décideurs de prendre des décisions avisées ». Tous les paliers de gouvernement ainsi que tous les responsables de la santé sont d’avis qu’un système de santé fiable permet de mieux rendre des comptes et d’assurer l’amélioration suivie de l’état de santé et du système de santé ainsi qu’une meilleure compréhension des éléments déterminants de la santé.

Le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces et les territoires, s’est clairement engagé à assurer une meilleure reddition de comptes dans le domaine de la santé avec la ratification de l’Accord des premiers ministres de septembre 2000. On a appris au Comité qu’un Comité de revue des indicateurs de rendement (CRIR), présidé par l’Alberta, et dont sont membres Terre-Neuve, le Québec, l’Ontario et Santé Canada, se penche sur ces problèmes et recommandera une liste d’indicateurs. De même, le rapport de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), intitulé Les soins de santé au Canada, est une étape vers la création d’un processus national de reddition de comptes pour tout le système de santé.

Récemment, le ministre Rock a affirmé que le gouvernement fédéral s’était engagé à créer un Conseil de citoyens sur la qualité des soins. C’est de concert avec les ministres de la Santé des provinces et des territoires que l’on décidera comment les membres seront nommés et le Conseil fonctionnera.

Le Comité est entièrement favorable à la création de ces indicateurs de rendement. Il faut mettre au point ces indicateurs de rendement selon un ensemble d’objectifs axés sur des résultats, et ces indicateurs seront des outils essentiels dans l’amélioration de la qualité des soins de santé. Ils formeront aussi la base d’une meilleure reddition de comptes des gouvernements au public canadien ainsi que d’une reddition de comptes entre gouvernements. Le Comité est également d’avis qu’un Conseil de citoyens sur la qualité des soins pourrait contribuer à l’élaboration d’objectifs axés sur les résultats.

 

10.3.1 Un rapport annuel sur l’état de santé des Canadiens et l’état du système de santé

En ce moment, l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), qui reçoit des fonds du gouvernement fédéral et de la plupart des provinces, a la responsabilité de coordonner le développement et le maintien d’un système intégré de renseignements sur la santé. À cette fin, l’ICIS fournit une série d’indicateurs sur l’état de santé des Canadiens et sur le système de santé. On propose ici d’élargir les moyens d’analyse de l’ICIS et la capacité qu’il a de rendre ses rapports publics.

 

10.3.2 Un conseil national sur la qualité des soins de santé

Cette option rejoindrait la recommandation de la Commission Fyke de la Saskatchewan qui propose la création d’un Conseil national de la qualité des soins de santé qui serait une organisation fiable et indépendante des gouvernements. Le conseil aurait pour objet de produire l’évaluation la plus objective qui soit de la prestation des soins de santé et rendrait des comptes au gouvernement ainsi qu’au grand public. Le conseil analyserait le rendement du système de santé, mettrait au point des critères et des normes, entreprendrait une analyse coût-utilité des programmes et services et dégagerait les tendances dans l’état de santé, etc.

Les indicateurs de rendement mis au point par le Conseil national de la qualité des soins de santé serviraient de fondation à l’amélioration de la qualité ainsi que de guide pour la répartition des ressources. Le Conseil isolerait les secteurs qui ont besoin de soutien et permettrait au public de prendre des décisions mieux informées relativement à certains secteurs et services ainsi qu’à l’ensemble du système. Cela faciliterait grandement l’optimisation des ressources publiques dont on dispose.

 

10.3.3 Assurer une meilleure reddition de comptes de la part des gouvernements

Les gouvernements peuvent rendre des comptes de deux manières. Dans le cadre de la première, le gouvernement fédéral rend compte aux Canadiens de ses politiques et programmes en ce qui concerne la santé (la reddition de comptes publique). Dans le cadre de la seconde, les gouvernements provinciaux et territoriaux rendent compte au gouvernement fédéral de l’emploi qu’ils ont fait des paiements de transfert fédéraux (reddition de comptes gouvernement à gouvernement).

Le gouvernement fédéral pourrait donner l’exemple en établissant un mécanisme permanent de reddition de comptes au public canadien sur les effets qu’ont ses politiques sur la santé et les soins de santé. On pourrait ainsi créer un poste de commissaire à la santé chargé de cette tâche. L’initiative appelée « Healthy People » dirigée par le chef des services de santé des États-Unis en collaboration avec le département américain de la Santé pourrait peut-être servir de modèle. Healthy People fixe une série d’objectifs de santé à atteindre sur une décennie et ceux-ci servent de point de départ pour mettre sur pied des activités et des programmes au niveau communautaire. Des indicateurs de santé permettent de faire un bilan des politiques publiques dans dix grands domaines : l’activité physique, la surcharge pondérale et l’obésité, le tabagisme, la toxicomanie, le comportement sexuel, la santé mentale, les blessures et la violence, la qualité de l’environnement, l’immunisation et l’accès aux soins de santé.

La seconde forme de reddition de comptes — gouvernement à gouvernement —pourrait se heurter à l’opposition de ceux qui croient que le gouvernement fédéral n’a aucun rôle à jouer dans la mise en œuvre des programmes provinciaux. De nombreux témoins se sont inscrits en faux contre cette opinion. Étant donné que le gouvernement fédéral verse beaucoup d’argent aux provinces pour la prestation des soins de santé, la reddition de comptes au contribuable fédéral oblige le gouvernement à savoir si ses contributions sont bien ou mal dépensées. L’affirmation du rôle du gouvernement fédéral, pour ce qui est de la reddition de comptes gouvernement à gouvernement, ne vise nullement à empiéter sur les prérogatives provinciales, mais plutôt à permettre à tous les Canadiens de juger dans quelle mesure leurs impôts sont bien dépensés, et cela vise aussi le gouvernement fédéral qui a pour rôle de dispenser des services à certains segments de la population. Le Comité accueillera volontiers toute nouvelle idée sur la manière dont cette reddition de comptes pourrait se faire le plus efficacement possible.


Chapitre onze :

Enjeux et options pour le rôle d'infrastructure : ressources humaines en santé

11.1 Introduction

Quand il est question des ressources humaines dans le secteur de la santé, en particulier de la situation des infirmiers au Canada, l'existence d'une crise est fort plausible. L'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS) signale que le nombre d'infirmiers autorisés exerçant leur profession a diminué de 7,2 p. 100 depuis 1989, tandis que leur proportion par rapport à la population canadienne est passée de un pour 120 habitants en 1989 à un pour 133 en 1999. Selon l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, une crise est imminente parce qu'on risque d'être à court de personnel infirmier qualifié. L'Association prévoit que d'ici 2011, il manquera au moins 59 000 infirmiers au Canada, et si l'on tient compte de tous les besoins d'une population vieillissante, il pourrait en manquer jusqu'à 113 000.

D'autres professionnels de la santé, depuis les techniciens de laboratoire jusqu'aux pharmaciens, ne sont pas assez nombreux non plus. Dans le cas des médecins, c'est plus difficile à dire puisque, même si leur nombre total a augmenté, leur proportion par habitant est restée relativement stable malgré une certaine fluctuation. Entre 1986 et 1991, elle s'est quelque peu améliorée, passant de 1 médecin pour 555 habitants à 1 pour 516. En 1996, le rapport de 1 pour 524 habitants était moins favorable et, en 1999, il était rendu à 1 pour 546, ce qui était moins bien mais néanmoins toujours inférieur à la proportion de 1986. Les projections récentes de l'Association médicale canadienne (AMC) donnent à penser que ce n'est pas fini. Celle-ci prévoit que d'ici 2021, si la tendance actuelle se maintient, la proportion va atteindre 1 médecin pour 718 habitants.

Pourtant, les données globales ne disent pas tout. L'accès à un médecin varie énormément selon la spécialité requise et le lieu de résidence. Nul doute que la répartition géographique des médecins fait problème depuis longtemps. Les zones rurales et éloignées ont toujours eu beaucoup de mal à recruter et à retenir tant les omnipraticiens que les spécialistes. D'ailleurs, l'écart se creuse entre la ville et la campagne au Canada. Il y a aussi de graves pénuries dans certaines spécialités, notamment en radiologie et en gériatrie. En outre, il semblerait que bien des jeunes et des femmes médecins ne sont pas disposés à faire les longues heures de travail autrefois jugées normales en médecine, ce qui signifie qu'il faudra un plus grand nombre de médecins dans l'avenir.

De nombreux experts lancent toutefois l'avertissement que des facteurs complexes qui se chevauchent jouent sur la disponibilité et le déploiement des ressources humaines. Il peut y avoir pénurie même si le nombre de personnes qualifiées n'est pas insuffisant dans l'absolu. Par exemple, les infirmières ont délaissé la profession en grand nombre tant elles étaient déçues du manque d'avancement et des conditions de travail. Elles estiment en outre que leur formation les rend aptes à participer davantage au traitement des patients que ce n’est actuellement le cas.

Que faut-il faire alors : les encourager à reprendre l'exercice de leur profession, former un plus grand nombre d'infirmières, ou les deux? Certains suggèrent de réorganiser les soins primaires de manière à mieux exploiter les compétences différentes de tous les professionnels de la santé afin de contrer la pénurie réelle ou appréhendée de médecins, mais cette solution pourrait aussi avoir l'effet d'accroître la demande pour les infirmiers et, partant, d'empirer la pénurie actuelle.

Il semble certain, toutefois, qu'il n'existe pas de solution miracle aux problèmes des ressources humaines dans le domaine de la santé. Effectivement, même si on acceptait sans réserve de donner priorité à la formation, il faudrait des années pour instruire et former la plupart des professionnels de la santé. Le pire, c'est qu'il ne suffit pas d'augmenter le nombre de places disponibles dans les programmes en espérant qu'elles seront toutes occupées. Si les jeunes sont moins nombreuses à s'inscrire en soins infirmiers, par exemple, c'est en partie parce qu'un large éventail de carrières s'offre aujourd'hui aux jeunes femmes qui sortent des universités et aussi parce que les gens ont l'impression que la profession infirmière est devenue une carrière beaucoup moins intéressante à cause des compressions budgétaires dans le secteur de la santé.

Avant, le Canada pouvait compter sur le recrutement à l'étranger pour combler les postes vacants. Ainsi, plus de 50 p. 100 des médecins qui exercent en Saskatchewan ont des diplômes étrangers, c'est-à-dire qu'ils ont fait leurs études de médecine à l'étranger et sont venus poursuivre leur carrière en Saskatchewan. Mais, d'autres pays vivent maintenant les mêmes pénuries que notre système et il est plutôt insensé que les pays continuent inlassablement d'écrémer les élites professionnelles du secteur de la santé de leurs voisins.

 

11.2 Une stratégie nationale des ressources humaines s'impose

Toutes les organisations nationales représentant des professionnels de la santé, qui ont comparu devant le Comité lors de ses audiences sur la phase deux, ont soutenu qu'il fallait établir, pour les ressources humaines, une stratégie pancanadienne à long terme, conçue au Canada et coordonnée par le fédéral. Bien entendu, non seulement les services de santé à fournir à la population, mais aussi l'éducation et la formation sont des champs de compétence provinciale et territoriale. Le défi consiste donc à trouver le moyen d'élaborer une stratégie d'une manière que les provinces et territoires trouvent acceptable.

Le fédéral se doit de participer activement à la conception d'une telle stratégie pour plusieurs raisons. Tout d'abord, comme c'est lui qui est chargé des services de santé offerts à la population autochtone et au personnel militaire du Canada, il doit faire en sorte qu'un plan national des ressources humaines tienne compte de ses besoins tout autant que de ceux des provinces et territoires.

Ensuite, tout plan doit prendre en compte la mobilité des Canadiens, en particulier de ceux qui ont reçu un enseignement et une formation universitaires. Par conséquent, son élaboration sera le fruit d'une coopération fédérale-provinciale-territoriale, afin que les problèmes épineux touchant l'offre et la répartition géographique des ressources humaines en santé puissent être réglés comme il faut.

Les gouvernements provinciaux et territoriaux s'opposeront peut-être à la participation du gouvernement fédéral à l'élaboration d'une stratégie nationale pour les ressources humaines. D'ailleurs, lors de leur réunion d'août 2001, les premiers ministres des provinces et les dirigeants des territoires ont convenu d'accroître la coopération interprovinciale pour assurer un bassin suffisant de fournisseurs de soins de santé, indépendamment du gouvernement fédéral.Cependant, le Comité croit qu'il faut une stratégie nationale (et non une stratégie uniquement fédérale) à laquelle tous les gouvernements participeraient.

Le Comité souhaite recevoir des observations sur le meilleur moyen de coordonner les activités des différents ordres de gouvernement dans le domaine.

 

11.3 Vers une structure horizontale

Deux autres questions au sujet des ressources humaines commandent nettement l'attention de tous les gouvernements :

    • Comment peut-on exploiter le mieux possible l'éventail complet des différentes professions de la santé afin que toute la gamme des compétences de chacune soit utilisée efficacement?
    • Comment peut-on recruter, former et retenir un nombre suffisant de professionnels de la santé, capables de s'adapter à l'évolution de la santé et des besoins en soins de santé de la population canadienne?

Le fait que ces deux questions se chevauchent est une autre indication de la complexité des problèmes que pose la planification des ressources humaines. La demande pour les différentes professions de la santé dépendra en partie de la façon dont on conçoit la santé et les besoins en soins de santé de la population, et c'est la vigueur de cette demande qui devrait déterminer les priorités en éducation et en formation. En outre, les diverses carrières en santé et en soins de santé seront plus ou moins attrayantes selon l'interaction des différentes professions en milieu de travail.

Il existe actuellement une « hiérarchie » des professionnels de la santé et autres dispensateurs de soins. Les médecins spécialistes sont généralement placés au sommet, suivis des médecins de famille et des diverses catégories d'infirmières, depuis celles qui ont une formation poussée (infirmières de première ligne) jusqu'aux auxiliaires (infirmières auxiliaires). D'autres professionnels, depuis les pharmaciens jusqu'aux technologistes médicaux, font moins parler d'eux mais sont tout aussi essentiels au bon fonctionnement du système. Viennent ensuite les praticiens de diverses médecines douces qui luttent sans cesse pour obtenir une reconnaissance pleine et entière de leur apport à la santé et au bien-être des Canadiens. Enfin, il y a une armée d'aidants naturels et de bénévoles dont le travail, pourtant indispensable, est souvent tout à fait méconnu.

Il faut donc se demander sans détours s'il ne serait pas opportun de délaisser cette hiérarchisation au profit d'une structure « horizontale » des ressources humaines en santé, qui remettrait en question l'idée que les « spécialistes » sont au-dessus des autres médecins parce qu'ils possèdent une connaissance plus approfondie d'un domaine que leurs collègues omnipraticiens, ou encore l'idée que les médecins en général sont nécessairement plus hautement qualifiés que les infirmières. Dans une structure horizontale, on présume plutôt que chaque profession a ses forces et doit donc être valorisée et bien déployée.

Réfléchissons par exemple à certains faits exposés dans un rapport de 1999 de la Commission de restructuration des services de santé de l'Ontario :

    • Le tiers des services médicaux facturés par des spécialistes ontariens en 1997 (ayant coûté 1,4 milliard de $ en tout) auraient pu être rendus par des omnipraticiens.
    • En 1997, les cinq codes de facturation les plus fréquents chez les omnipraticiens ontariens représentaient environ 69 p. 100 du montant total facturé par ceux-ci (1,2 milliard de $). Les voici : évaluations intermédiaires (pédiatrie), évaluations générales, évaluations mineures, psychothérapie individuelle et counseling. D'après les cliniciens conseillant la Commission de restructuration, la plupart de ces services, voire tous, auraient pu être rendus par des infirmières praticiennes, des infirmières et de nombreux professionnels de la santé bien formés.

Le Dr Duncan Sinclair, président de la Commission, a ensuite déclaré :

« Nulle part au Canada, on exploite la pleine mesure de nos professionnels de la santé hautement qualifiés, qui ont reçu à grands frais une excellente formation : spécialistes, médecins de famille, infirmières, pharmaciens, thérapeutes en réadaptation, etc.

Faire faire par un médecin le travail qu'une infirmière praticienne ou une infirmière pourrait effectuer, c'est comme faire venir un électricien pour changer une ampoule ou demander à un mécanicien breveté de faire le plein et de vérifier le niveau d'huile et la pression des pneus. Ces spécialistes feraient-ils du bon travail? Certainement! Mais est-ce que ce serait utiliser judicieusement leur temps, leur formation et leur expertise? Pas du tout! Ce serait une utilisation coûteuse et inefficiente de ressources déjà limitées que sont l'argent et le savoir de gens très doués. »

 

11.4 La réforme des soins primaires et les ressources humaines

L'un des principaux obstacles à l'établissement d'un plan qui aiderait à résoudre ces problèmes, c'est l'existence de règles définissant ce que les diverses professions peuvent et ne peuvent pas faire, c'est-à-dire les domaines de pratique de chacune. Autrement dit, il faut absolument prendre en considération l'incidence de la réforme des soins primaires sur notre capacité de rationaliser l'utilisation des ressources humaines en santé. Les soins primaires forment le premier palier des soins de santé, celui où les gens entrent habituellement en contact avec le système de santé et celui qui les aide, leurs familles et eux, à prendre la meilleure décision pour leur santé. Il faut donc que les soins primaires soient :

    • coordonnés
    • accessibles à tous les consommateurs
    • fournis par tous les professionnels de la santé ayant les connaissances voulues pour répondre aux besoins des gens et des communautés desservis
    • justifiés auprès des citoyens concernés au moyen d'une structure de gestion communautaire.

Bref, l'équipe multidisciplinaire constitue le noyau des soins primaires, mais loin d'avoir pour objectif de substituer un dispensateur de soins de santé à un autre, elle devrait plutôt analyser les compétences propres à chacun de ses membres pour en coordonner un déploiement judicieux. Le patient a besoin de voir le travailleur de la santé qui est le mieux outillé pour s'occuper de son problème.

À l'heure actuelle, la prestation des soins de santé au Canada ne reflète habituellement pas le concept des soins primaires (bien que les centres de soins communautaires soient un modèle d'organisation qui fournit des services de santé suivant ce concept). Souvent, les services de santé ne sont pas coordonnés et ils ne sont pas fournis non plus par le praticien approprié, à telle enseigne que les connaissances et le savoir-faire de nombreux praticiens sont mal exploités.

La réforme des soins primaires est maintenant la grande priorité de l'ensemble des provinces et territoires. En septembre 2000, les gouvernements provinciaux et territoriaux ont convenu de l'accélérer. Ils ont tous accepté de promouvoir la constitution d'équipes multidisciplinaires de soins primaires qui constitueraient le point de contact des Canadiens avec le système de santé.

Le gouvernement fédéral soutient activement les efforts déployés par les provinces et territoires pour réformer et renouveler les soins primaires. En particulier, il a établi un fonds des soins de santé primaires de 800 millions de dollars sur quatre ans (2000-2004) pour soutenir les coûts du passage vers la mise en œuvre d'initiatives systémiques de soins de santé primaires à grande échelle. Quelque 70 p. 100 des fonds seront consacrés aux réformes provinciales et territoriales majeures, les 30 p. 100 restants serviront à appuyer des initiatives nationales ou relevant de plusieurs compétences qui auront pour but d'accélérer la réforme des soins de santé primaires.

L'implantation d'une stratégie de soins primaires, comme nous l'avons indiqué antérieurement, oblige aussi à repenser le paiement à l'acte qui constitue actuellement le principal mode de rémunération des médecins. C'est un principe qui dissuade les médecins de favoriser le travail en équipe, puisque le montant de leurs honoraires dépend du nombre de patients qu'ils voient. De plus, il encourage les médecins de famille à diriger automatiquement la plupart des cas complexes vers des spécialistes puisque rien ne les incite à consacrer plus de temps aux patients « difficiles ». Enfin, le paiement à l'acte renforce l'impression populaire d'une « hiérarchie » du système de santé et ne peut faire autrement qu'amener les patients à exiger de toujours consulter le praticien le plus « hautement » qualifié, qu'il soit ou non le plus apte à répondre à leurs besoins.

Les formules les plus susceptibles de remplacer le paiement à l'acte sont le salaire et le paiement par capitation qui rémunère les médecins selon le nombre de personnes inscrites sur leur liste de patients. Présentement, des médecins ayant une lourde tâche d'enseignement ou des fonctions administratives accaparantes touchent un salaire, et il y a eu plusieurs initiatives destinées à instaurer, dans diverses provinces, la médecine de groupe qui a recours à certaines formes de capitation. Il est aussi possible de conjuguer ces diverses formes de rémunération (comme on le fait en Grande-Bretagne).

Trouver d'autres formules pour la rémunération des médecins n'est pas le seul obstacle à surmonter si l'on veut réformer le système actuel afin de mieux utiliser toutes les catégories de ressources humaines dans le domaine de la santé. La réforme remet nécessairement en question la répartition actuelle du pouvoir décisionnel et elle est donc susceptible de se heurter à la résistance de tous ceux qui donnent présentement l'impression d'être les plus puissants. La réforme des soins primaires aurait pour effet d'accroître le nombre de personnes en haut de la pyramide et il faudrait trouver le moyen de convaincre ceux qui s'y trouvent déjà de partager leur pouvoir.

Bref, les options qui permettraient d'utiliser plus efficacement tout l'éventail des ressources humaines dans le secteur de la santé, en opérationnalisant une structure « horizontale », sont intimement reliées à la réforme des soins primaires qui garantirait aux patients l'accès à des soins de longue durée prodigués par des professionnels de la santé aux compétences différentes. Il faut souligner que c'est particulièrement important pour une société vieillissante qui exigera des services de plus en plus diversifiés du système de santé. Il faudra aussi veiller à ce que la formation des professionnels de la santé leur permette de suivre l’évolution constante du système et surtout les rende aptes à apporter une contribution productive aux équipes multidisciplinaires.

 

11.5 Mesures incitatives visant les patients

Enfin, il importe de réfléchir à divers moyens d'encourager les patients eux-mêmes à obtenir les soins qui conviennent le mieux à leur cas. Les Canadiens ont été amenés à croire qu'ils doivent absolument consulter un médecin alors qu'une infirmière ou une infirmière praticienne ferait l'affaire, ou qu'ils ont besoin d'un spécialiste alors qu'un omnipraticien pourrait aisément prodiguer des soins de qualité comparable. Le système des soins de santé doit être organisé de façon que les patients puissent consulter le professionnel de la santé approprié et il faut prévoir des mesures incitatives qui récompenseront les patients qui font le bon choix, ou pénaliseront ceux dont les décisions coûtent cher au régime pour rien.

Parmi les options envisageables pour atteindre ce but, il y a les frais modérateurs qui seraient exigés uniquement lorsqu'un patient insiste pour voir un certain professionnel de la santé alors que celui-ci est considéré comme un point de contact inutile entre le patient et le système. Si le patient était dirigé sur les recommandations d'un professionnel de la santé (infirmière de triage, omnipraticien), ce serait gratuit, mais si c'était le patient lui-même qui demandait une nouvelle consultation, il serait tenu de payer des frais modérateurs pouvant varier selon la catégorie du professionnel consulté. Ces frais pourraient être remboursés si, en définitive, la consultation s'avérait nécessaire, afin de ne pas trop décourager ceux qui voudraient faire confirmer leur diagnostic. Il serait aussi possible d'assurer des délais d'attente plus courts pour les consultations de certaines catégories de professionnels et de s'en servir pour sensibiliser les consommateurs au coût des services de santé et les inciter à dépenser moins.

Le Comité voudrait connaître l'opinion des lecteurs sur les récompenses et les sanctions qui réussiraient le mieux à encourager les patients à changer d'attitude, c'est-à-dire en les aidant à faire la distinction entre un besoin réel et un choix personnel, et aider le système des services de santé à coûter moins cher tout en conservant le même degré d'efficacité médicale.

 

11.6 Recruter, former, retenir

Selon la plupart des estimations, toutefois, la seule réforme des soins primaires ne saurait résoudre tous les problèmes de ressources humaines prévisibles. En outre, la mise en œuvre de cette réforme prendra du temps, ne serait-ce que parce qu'elle devra surmonter les nombreux préjugés et comportements profondément enracinés tant chez les professionnels que chez les consommateurs, et qu'elle devra saper petit à petit la hiérarchisation qui caractérise encore la structure de notre système de santé.

Certains problèmes de ressources humaines touchent toutes les professions de la santé, tandis que d'autres sont propres à certaines disciplines. Par exemple, toute une série de décisions mises en application dans les années 90 afin de limiter la hausse des dépenses de santé a entraîné la fermeture d'hôpitaux, la diminution du nombre de places dans les facultés de médecine, la précarisation de nombreux emplois dans le système de santé, etc. Des effectifs réduits devaient faire plus avec moins. Médecins et infirmières se sont plaints de ne plus arriver à fournir les soins qu'ils voulaient donner, qu'ils avaient été formés pour prodiguer, et que leurs patients demandaient et nécessitaient. De plus, la lourdeur de la charge de travail et l’essor de la recherche font qu’il est très difficile pour tous les professionnels de la santé de rester à jour dans leur domaine.

 

11.6.1 Financement

La plupart de ces grandes questions de ressources humaines sont reliées à la quantité de ressources à la disposition du système de santé. Autrement dit, elles sont très influencées par le niveau de financement global. S'il faut plus de ressources humaines, où ira-t-on les chercher et comment les paiera-t-on? Les options reliées à ces questions ont été exposées au chapitre 8 du rapport, qui porte sur le financement.

 

11.6.2 Recherche

Mais il y a aussi des questions générales qui concernent les ressources humaines mêmes. La première, c'est la disponibilité des données qui permettront une planification efficace des ressources humaines. Énormément de connaissances font encore défaut sur l'état des effectifs actuels et sur notre capacité de prévoir les besoins futurs. À cet égard, le gouvernement fédéral doit continuer de jouer un rôle important pour que des données exactes soient recueillies et diffusées à tous les ordres de gouvernement et à tous les intervenants du système de soins de santé.

 

11.6.3 Contrer l'exode des professionnels

Depuis des années, les médias accordent énormément d'attention à l'« exode des cerveaux » du secteur de la santé. L'étendue et les causes de cette migration des professionnels chevronnés vers le sud sont controversées. Mais les faits semblent effectivement mener à la conclusion que, comme pour la plupart des questions sur les ressources humaines en santé, les analyses simplistes ne sont d'aucun secours.

On a parfois soutenu que la lourdeur du fardeau fiscal au Canada poussait les professionnels aux revenus élevés vers des régimes plus cléments. Or, les enquêtes effectuées auprès des médecins montrent pourtant que, habituellement, l'augmentation du revenu n'est pas le principal motif de leur départ; ce sont plutôt les conditions dans lesquelles ils exercent leur profession qui viennent au premier rang. De même, les infirmières qui vont s'établir aux États-Unis disent souvent qu'elles y sont attirées par la possibilité de se perfectionner, entre autres, plutôt que par les salaires plus élevés (on ne peut non plus passer sous silence le fait que, pour les infirmières, la possibilité d'occuper un poste à plein temps au lieu d'un emploi à temps partiel ou occasionnel, exerce une grande force d'attraction).

Autrement dit, c'est l'ensemble des conditions de travail faites aux professionnels de la santé qu'il faut revoir si l'on veut retenir le plus grand nombre possible d'entre eux au Canada. Il ne faut pas se concentrer sur un seul facteur, par exemple la baisse des niveaux d'imposition.

En outre, c'est le même ensemble de conditions de travail qui serait susceptible de convaincre les professionnels de la santé déjà partis de revenir au pays. Dans un rapport rédigé dernièrement à l'intention des premiers ministres provinciaux, il est suggéré que le gouvernement fédéral assume la coordination d'une campagne pour inciter les professionnels de la santé à rentrer des États-Unis. Il est certain qu'un effort concerté de la part des deux ordres de gouvernement aurait de meilleures chances de réussir, vu l'enchevêtrement des problèmes qui ont contribué au départ d'un grand nombre de professionnels de la santé du Canada.

Nous allons maintenant examiner brièvement certaines des questions se rapportant aux diverses professions et aux types de soins.

 

11.7 Les médecins

11.7.1 La formation

Pour tenter de freiner la hausse des coûts, on a réduit le nombre de places dans les facultés de médecine au cours de la dernière décennie. D'ailleurs, en 1991, le rapport Barer-Stoddart avait recommandé une diminution de 10 p. 100 des admissions dans les facultés de médecine du Canada et des places de médecins résidents, afin de régler le prétendu problème de la hausse injustifiée du nombre de médecins.

Les auteurs du rapport avaient prévenu qu'il ne fallait pas donner suite à cette recommandation si les autres qu'ils proposaient n'étaient pas toutes mises en application (53 en tout). Malgré cet avertissement, c'est précisément ce que les décideurs ont fait. En conséquence, d'après les données de l'Association des facultés de médecine du Canada, les effectifs de la première année de médecine ont diminué de 16 p. 100 depuis 1991. Aujourd'hui, le Canada est le pays où c'est le plus difficile d'être admis en médecine. Le nombre d'étudiants inscrits y est actuellement de 1 570, soit 1 pour 19 000 citoyens, ce qui nous place loin derrière les autres pays industrialisés tels que le Royaume-Uni (1 pour 12 200 citoyens) ou l'Australie (1 pour 13 500).

La hausse des frais de scolarité des facultés de médecine au pays est un autre aspect de la question des effectifs. Certains craignent que, bientôt, seuls les nantis aient les moyens de s'inscrire en médecine.

Voici des options auxquelles il faut réfléchir :

    • Une aide financière fédérale sous forme de prêts étudiants
    • Le financement de l'accroissement des effectifs en médecine

 

11.7.2 Répartition géographique inégale

Comme nous l'avons déjà souligné, tous s'accordent à dire que la répartition géographique des médecins est de plus en plus inégale, ce qui entraîne une restriction de l'accès aux services de santé nécessaires dans les régions rurales et les régions éloignées du Canada. Les faits donnent à penser que les médecins qui commencent à exercer en cabinet sont plus susceptibles de s'établir dans l'une des régions rurales ou éloignées s'ils en sont originaires ou si leur formation les a exposés aux défis intéressants associés à la pratique de la médecine dans ces endroits.

Dès la parution du rapport Barer-Stoddart en 1991, différentes mesures ont été proposées pour atténuer l'effet de la pénurie de médecins dans les régions mal desservies. Nombre d'entre elles, y compris celles qui suivent, méritent réflexion aujourd'hui encore :

    • réserver des places dans les facultés de médecine pour les étudiants admissibles qui veulent s'engager à pratiquer dans une région rurale;
    • réviser les conditions d'admission en médecine de façon à favoriser les bons candidats originaires de régions rurales;
    • mieux familiariser les étudiants, internes et résidents avec les régions rurales;
    • établir de nouveaux programmes de résidence conçus expressément pour former des spécialistes qui donneront des consultations dans les régions rurales;
    • adopter ou améliorer les mesures financières pour inciter les médecins à choisir les spécialités qui font défaut dans les régions rurales.

Bien que ces mesures se trouvent en dehors de ses champs de compétence, le fédéral pourrait peut-être néanmoins contribuer financièrement à de telles initiatives dans le cadre d'une stratégie nationale globale pour les ressources humaines en santé, qui serait négociée par les autorités fédérales-provinciales-territoriales. Il ne fait en tout cas aucun doute qu’un programme d’incitatifs destinés à contrer les problèmes de rémunération et les autres conditions de travail s’impose pour apporter des solutions au problème de plus en plus sérieux des pénuries de médecins en région éloignée et rurale.

 

11.8 Les infirmières

Les facteurs qui mécontentent les effectifs infirmiers du monde entier au xxie siècle sont complexes. Ils présentent de nombreux aspects et s'entremêlent de questions de sexisme, de pouvoir et d'économie, sans parler du malaise social quasi généralisé parmi les employés, qui déborde le cadre de la profession infirmière. Les dix années de compressions n'ont fait qu'exacerber les problèmes du système de santé puisqu'elles ont donné lieu au mécontentement des patients, à des charges de travail écrasantes pour l'ensemble des infirmiers et infirmières, à la destruction de la loyauté professionnelle et à la démoralisation de tous les travailleurs de la santé. Il n'y a pas de solution miracle ni de stratégie qui, à elle seule, réussira à renverser la vapeur. Cela dit, certaines stratégies à court terme seraient susceptibles de faire disparaître quelques-uns des agacements que ressentent quotidiennement les infirmières et, conjuguées à une planification systémique à long terme des effectifs, devraient contribuer à améliorer considérablement la vie professionnelle du personnel infirmier, notamment :

    • le lieu de travail doit lui-même être sain et sûr
    • les instruments de travail doivent être disponibles
    • le travail à faire doit être assez intéressant et agréable pour apporter une satisfaction intrinsèque à celles qui l'exécutent, tout en étant bien récompensé, valorisé et respecté à l'extérieur de la profession
    • les heures de travail doivent faciliter la juxtaposition de la vie familiale et de la vie professionnelle, surtout dans un domaine dont l'effectif est majoritairement féminin.

Le gouvernement fédéral coopère déjà avec les provinces et territoires pour établir des stratégies destinées à améliorer les conditions de travail des infirmières de tout le pays et pour aider à assurer un nombre suffisant d'infirmières dans l'avenir. Il faut que ces stratégies visent notamment les sujets suivants :

  • La charge de travail. Les soins aux patients forment un secteur travaillistique puisqu'ils requièrent toute une équipe de soutien formée des services responsables des locaux, des services alimentaires, des services administratifs, des préposés au déplacement des matières, des patients et de l'équipement. Comme les infirmières constituent une ressource chère de plus en plus limitée, on ne peut pas se permettre de leur faire exécuter ces tâches qui débordent les soins infirmiers proprement dits. Le minimum serait de régler le problème de la charge de travail dans l'ensemble du système.
  • Le mode de vie. Garderies sur les lieux de travail ou non loin de là, stationnements sûrs et pratiques, systèmes d'établissement des horaires plus souples (au moyen de logiciels), horaires novateurs, révision des conventions collectives pour permettre des horaires à la carte (p. ex. postes de travail de durée variée, postes de travail permanents, etc.), nourriture à la disposition de tous les travailleurs quel que soit leur lieu ou poste de travail.
  • L'emploi. Créer des emplois permanents à plein temps. Les études montrent que l'anxiété, l'épuisement professionnel, l'absentéisme et les ennuis de santé croissent avec la précarité de l'emploi.
  • L'exercice de la profession et le leadership. Les infirmières sont démoralisées et souffrent d'un manque d'enthousiasme systémique au travail. Elles veulent être considérées comme de vraies profesionnelles capables de contribuer utilement aux décisions concernant les soins aux patients. Elles veulent avoir le temps de fournir des soins de qualité. Elles recherchent la liberté, l'innovation et un milieu de travail sûr. Il faut absolument que les cadres des soins infirmiers et les infirmières chefs jouent le rôle de meneurs dans le domaine. Autrement dit, si un seul poste de cadre dans un établissement est occupé par une infirmière, on ne saurait parler d'un leadership infirmier. Il faut mettre le potentiel en valeur à tous les niveaux et à l'échelle nationale si l'on veut améliorer l'exercice de la profession dans les établissements de soins infirmiers.
  • L'équipement et les fournitures. Il faut dresser immédiatement un inventaire dans tous les établissements au pays, et toute pièce d'équipement qui manque, qui est défectueuse ou dangereuse doit être remplacée ou réparée sans délai. C'est une intervention rapide qui pourrait rapporter au centuple en quelques semaines à peine. Il faut être attentif à des aspects élémentaires, par exemple le mode de financement de l'équipement. Les infirmières n'ont pas besoin de scanners IRM pour prodiguer des soins, mais de thermomètres et de fauteuils roulants, de serviettes et de ciseaux, de soulève-malades et de tiges à soluté, d'ordinateurs et de livres, et même de voitures pour les cliniques communautaires.
  • L'éducation. Pour les infirmières, la formation est continue. Il faut mettre sur pied un système de soutien à l'éducation permanente (formation interne assurée par l'employeur et formation institutionnelle, plus le personnel suppléant nécessaire, les frais de scolarité, les infirmières monitrices en milieu de travail).

 

11.9 Les autres professionnels de la santé

De nombreux autres professionnels de la santé, depuis les pharmaciens jusqu'aux technologistes médicaux en passant par les techniciens en ultrasons, ont formulé les mêmes plaintes que celles exprimées par les médecins et les infirmières au sujet de la détérioration des conditions de travail dans tout le réseau médico-hospitalier. De plus, comme ces autres catégories de professionnels sont souvent moins visibles que les médecins et infirmières, cela signifie que leurs préoccupations passent souvent inaperçues. Ainsi, au cours de ses audiences, le Comité a appris que, la technologie médicale étant un domaine qui attire surtout ceux qui sont doués en technique, de nombreux programmes de formation ont du mal à remplir les places disponibles même si tous les étudiants sont pourtant assurés de trouver un emploi à la fin de leur cours. Dans le cas des autres professionnels de la santé, il y a aussi le problème constant du manque de données exactes sur l'évolution de la situation.

 

11.10 Résumé

Le problème de la planification des ressources humaines pose quatre grandes questions:

    • Quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer dans l'établissement d'un plan national des ressources humaines pour l'ensemble du personnel des services de santé?
    • Quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer pour aider à la mise en œuvre d'un tel plan (p. ex. financer l'infrastructure ou subventionner les programmes de formation)?
    • Comment peut-on montrer aux Canadiens à reconnaître s'ils ont vraiment besoin de services de santé ou encore les inciter à faire la distinction entre leurs désirs et leurs besoins?
    • Comment peut-on convaincre ceux qui occupent actuellement le sommet de la structure hiérarchique de céder un peu de leur pouvoir et de modifier les règles définissant les domaines de pratique afin d'arriver à une utilisation plus efficiente du personnel de la santé (l'efficience signifiant qu'un patient est toujours vu par le travailleur de la santé qui est apte à répondre à ses besoins et qui le dirigera vers le prestataire d'un autre service si cela s'impose)?

Répondre à ces questions n'est pas chose facile parce que les deux premières dépendent du calendrier et de la nature exacte des progrès qu'on pourrait établir en répondant aux deux dernières.


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